M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà un exemple de navette réussie qui apporte la preuve éclatante de l’utilité du Sénat à qui en douterait encore. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Nos rapporteurs, Georges Labazée et Gérard Roche, dont je salue la qualité, et même l’excellence du travail, l’ont très bien rappelé : l’essentiel des apports du Sénat en première lecture a été conservé par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Nous nous en félicitons d’autant plus que le groupe UDI-UC a substantiellement contribué aux convergences. Afin d’éviter tout nouvel inventaire, je n’évoquerai que deux exemples.
Le premier concerne la personne de confiance. Il était nécessaire d’harmoniser les dispositions du code de la santé publique et du code de l’action sociale. Autrement dit, il fallait assurer une continuité, une articulation, entre le dispositif médical et le dispositif médico-social. Or c’est justement ce qu’a permis l’adoption d’un amendement de notre groupe – conservé par l’Assemblée nationale – visant à ce que la désignation de la personne de confiance vaille pour l’ensemble du parcours de la personne.
La seconde avancée que j’aimerais évoquer concerne les services polyvalents d’aide et de soins à domicile. Chacun aujourd’hui s’accorde sur la nécessité d’encourager et de développer ces SPASAD, qui regroupent, dans une seule entité, services d’aide et d’accompagnement à domicile, ou SAAD, et services de soins infirmiers à domicile, ou SSIAD. Il s’agit de permettre une prise en charge globale des personnes fragiles.
Or les deux entités juridiques obéissent à des règles d’autorisation et de tarification distinctes et continuent de coexister. Tel est le problème qui se pose actuellement. C’est pourquoi l’article 34, qui autorise l’expérimentation d’une intégration renforcée de ces structures, ce dont je vous remercie, madame la secrétaire d’État, constitue une avancée réelle, avancée encore prolongée par l’adoption de l’amendement que nous avions déposé en première lecture visant à autoriser les expérimentations dans le cadre de groupements de coopération de santé. L’Assemblée nationale a conservé cet apport.
D’autres avancées sanctuarisées pourraient encore être évoquées. Je pense, par exemple, à la conférence des financeurs, à la gouvernance ou encore aux résidences de première et de deuxième génération.
Même quand elle n’a pas repris in extenso nos propositions, l’Assemblée nationale s’est montrée attentive aux préoccupations du Sénat sur de nombreux points, dont le principal, celui de la dualité juridique entre les régimes d’autorisation et d’agrément des services d’aide à domicile.
Il s’agit là d’un problème véritablement central qu’il était impensable de ne pas régler dans le présent projet de loi.
Notre commission, en première lecture, avait pris le problème à bras-le-corps en créant un régime unique d’autorisation rénovée à un horizon de cinq ans.
Cette mesure s’inspirait d’une préconisation du rapport sur l’aide à domicile que Dominique Watrin et moi-même avions remis en 2014. Nous reconnaissions toutefois que cette solution n’allait pas sans poser de problèmes, ne serait-ce qu’en termes strictement financiers pour les départements.
La nouvelle mouture de l’article 32 bis, qui résulte d’un dialogue fructueux - je le salue - entre Mme la secrétaire d’État, l’Assemblée nationale et le Sénat, répond justement à cette difficulté. La nouvelle rédaction maintient le principe de l’autorisation rénovée, selon un cahier des charges identique à celui de l’agrément antérieur, mais réserve les cas des services aujourd’hui agréés, lesquels ne seront pas automatiquement tarifés par les départements – ce point est important. Ce nouveau dispositif permet d’éviter une inflation brusque des dépenses des départements.
Tout cela ressemble fort à ce que nous préconisions en première lecture, à un élément près : la mise en place, dans le cadre du cahier des charges, d’un tarif national de référence établi à partir de l’étude des coûts effectuée dans le secteur et modulable en fonction de critères locaux. Au passage, nous ne disposons pas encore de cette étude, madame la secrétaire d’État, alors qu’il me semble qu’elle a été rendue.
Ce dispositif permettra, entre autres, d’harmoniser les tarifs entre les départements et d’améliorer la situation non seulement des personnels mais aussi des entreprises ou encore des associations.
C’est pourquoi nous nous félicitons de l’adoption en commission de notre amendement tendant à apporter cette précision.
Nous soutenons tout aussi fermement deux autres modifications apportées au dispositif par nos rapporteurs, qui correspondent à deux autres amendements que nous avions déposés en commission : d’une part, le décalage de six mois – mais j’ai entendu vos remarques, madame la secrétaire d’État, et je m’en remettrai à la sagesse de nos rapporteurs sur cette question ; d’autre part, la transmission annuelle par le président du conseil départemental à l’assemblée délibérante du sort réservé aux demandes d’autorisation et d’habilitation à l’aide sociale.
Cette dernière mesure nous semble indispensable pour qu’un contrôle démocratique soit effectué sur l’octroi – ou le refus – des autorisations, lesquelles ne doivent pas être le fait du prince, mais ne peuvent que résulter de critères objectifs.
Demeurent encore deux points d’achoppement entre les vues du Sénat et celles de l’Assemblée nationale : la ventilation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, et la gouvernance nationale du dispositif. Sur l’une et l’autre de ces questions, le groupe UDI-UC soutient résolument la position de la commission.
En effet, les 650 millions d’euros sont insuffisants – Mme la secrétaire d’État en convient – pour couvrir les besoins de financement que beaucoup ont évoqués avant moi. Il nous semble donc indispensable de sanctuariser dans la loi la ventilation du produit de la CASA, faute de quoi tout ce que nous voterons ne sera qu’incantatoire, ce qui placera les départements dans une situation difficile.
Il en va de même de la création du Haut Conseil de l’âge : il nous semble logique que cette institution de pilotage n’englobe pas la famille et l’enfance dans son périmètre afin de conserver une cohérence. J’ai entendu que vous défendiez la cohérence familiale ; nous, nous défendons la cohérence entre échelon national et échelon local, dont les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie, les CDCA, eux-mêmes cantonnés dans la question de l’autonomie, seront la prolongation naturelle.
Madame la secrétaire d’État, nous vous remercions de votre écoute et de votre esprit de dialogue ; j’espère qu’ils perdureront au cours de ces débats.
Sous les réserves que j’ai dites, le groupe UDI-UC soutiendra ce projet de loi, qui constitue un progrès, mais un progrès seulement. Nous sommes encore loin d’en avoir terminé avec cette immense question de l’adaptation de la société au vieillissement ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Riocreux.
Mme Stéphanie Riocreux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le parcours législatif du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement que nous examinons en deuxième lecture a commencé voilà un peu plus d’un an.
C’est un long cheminement pour un texte attendu depuis longtemps, mais, si nous aboutissons, en commission mixte paritaire, à un accord sur un texte réellement enrichi par les deux assemblées, il n’aura pas été trop long.
La dépendance et l’ambition de l’autonomie poussée le plus loin possible pour les personnes âgées nous placent face à un grand défi national. Plusieurs dispositions votées au Sénat, telles la création d’un régime unique d’autorisation des services d’aide et d’accompagnement à domicile ou la substitution des conventions d’objectifs et de moyens aux conventions tripartites, ont finalement été reprises et améliorées par l’Assemblée nationale, avec le soutien et l’expertise du Gouvernement.
Si les quelques points qui font encore débat sont loin d’être négligeables, nous pouvons raisonnablement espérer rapprocher et concilier les positions. C’est en tout cas dans cet esprit que nous abordons cette deuxième lecture.
Un texte permettant aux personnes âgées de prévenir la dépendance et à la société d’accompagner la perte d’autonomie était attendu et annoncé depuis longtemps, mais rien n’avait abouti sous le quinquennat précédent. François Hollande s’était engagé, lors de la campagne présidentielle, à reprendre le sujet. Par ce projet de loi, il tient sa promesse.
Ce texte est guidé par une philosophie de la vie en société et par une conception, que nous partageons, de la dignité de la personne. Cette même approche avait déterminé la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Paulette Guinchard-Kunstler, qui préside aujourd’hui le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, était alors au Gouvernement, et je souhaite lui rendre hommage. Je n’oublie pas non plus Jean-Pierre Sueur, autre acteur important dans la naissance de l’APA, dont le rapport intitulé L’aide personnalisée à l’autonomie : un nouveau droit fondé sur le principe d’égalité, remis en 2000, donc peu avant qu’il ne nous rejoigne sur ces travées, a servi de socle aux travaux législatifs.
Le principe d’égalité est essentiel en la matière.
À l’époque, il s’agissait de réformer un dispositif mis en place sous le gouvernement de M. Juppé, la prestation spécifique dépendance, ou PSD, qui présentait le grave inconvénient de mal remplir ses objectifs et de placer les personnes âgées dans des situations très différentes selon les territoires.
Le succès de l’APA vient de ce qu’elle était porteuse de ce souci d’égalité, les critères d’aides étant fondés sur le degré de dépendance et la situation pécuniaire des personnes à partir d’évaluations nationales. Je suis heureuse que le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture donne à ce dispositif un nouveau souffle et soit porteur d’un « acte II » de l’APA.
Le souci de l’égalité et de la justice doit toujours nous guider. La vieillesse est diverse : chaque personne âgée est d’abord ce qu’elle est en tant que personne singulière et ne saurait être réduite aux spécificités dont son âge peut être porteur. C’est d’ailleurs vrai de tous les âges de la vie. Le lien avec la famille est essentiel pour promouvoir cette approche qui respecte chaque être humain dans sa singularité.
Chacune, chacun se construit avec ses espoirs et ses souvenirs. Toutes les solidarités sont là les bienvenues. La famille joue un rôle important dans leur formation. C’est pourquoi nous croyons profondément à la pertinence et aux promesses du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, tel que vous le proposez, madame la secrétaire d’État.
Les problèmes des aînés concernent leur famille. Toutes les générations doivent être responsabilisées les unes à l’égard des autres.
Mais si la vieillesse est heureusement diverse, elle l’est aussi de manière inquiétante lorsqu’elle creuse les inégalités.
Les sujets dont nous devons encore débattre ont trait à la question essentielle des moyens : la nécessité d’un déploiement effectif des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes conduit à réfléchir à une sanction significative et utile en cas de non-respect de cette disposition.
Nos rapporteurs ont souhaité un fléchage précis pour l’affectation des produits de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. Je suis sensible à cette démarche, qui vise à donner tout son rôle au Parlement et qui tire les leçons de l’évolution du financement de l’APA, mais j’attends aussi beaucoup des échanges que nous aurons sur ce sujet.
Plus de 650 millions d’euros sont mobilisés pour mettre en œuvre les mesures figurant dans ce projet de loi, sans prélèvement nouveau, ce qui doit être salué, dans le contexte économique difficile que nous connaissons.
Ces points, dont nous allons débattre dans quelques minutes, doivent être mis en perspective tant avec les enjeux auxquels répond ce projet de loi qu’avec les avancées dont il est porteur.
D’ici à 2035, notre pays connaîtra un important vieillissement de sa population, en raison de l’arrivée progressive à l’âge de soixante ans des générations de la fin du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Selon certaines études, en 2060, environ un tiers des Français auront plus de soixante ans et près de 5 millions de personnes devraient être âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans.
L’ambition du Gouvernement est aujourd’hui de remettre de la cohérence dans les politiques publiques, d’engager une dynamique et d’assurer l’égalité de tous les citoyens face au risque de perte d’autonomie.
Le projet de loi envisage la problématique du vieillissement dans sa double dimension : celle de l’anticipation, du « bien vieillir », et celle de la protection des plus vulnérables. Ce texte est ambitieux ; il apporte des réponses à l’ensemble des acteurs.
Dorénavant, le phénomène du vieillissement de notre société sera pris en compte dans l’ensemble des politiques publiques. C’est là une dimension essentielle de ce projet de loi. Il s’agira d’anticiper, de préserver au mieux l’autonomie des personnes âgées en leur apportant tout le soutien possible.
La prévention est érigée en priorité ; comme ma collègue Patricia Schillinger, qui était intervenue au nom du groupe socialiste et républicain en première lecture, j’y suis très sensible.
L’anticipation doit permettre de repérer et de combattre l’apparition des premiers facteurs pouvant conduire à une perte d’autonomie. Il s’agit, grâce à des moyens financiers dédiés, d’engager une politique de prévention qui facilite l’accès aux aides techniques et aux actions collectives, ainsi que de combattre l’isolement au travers, notamment, du programme de mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés, ou MONALISA.
Ce programme est essentiel, sachant que le départ à la retraite est souvent un moment de rupture difficile pour les personnes concernées et que plus d’un million de nos concitoyens âgés de plus de soixante-quinze ans souffrent d’isolement relationnel.
Ce projet de loi tend à assurer un meilleur accompagnement des travailleurs en fin de carrière, à reconnaître et valoriser l’engagement citoyen des personnes âgées, à former le grand public au repérage des situations de fragilité.
En matière de prévention, il s’agit aussi de fournir des logements adaptés aux personnes âgées, quand leur maintien à domicile n’est plus possible, et de veiller au sérieux des prestations qui leur sont fournies.
La CASA permettra d’accompagner, de façon transitoire, la mise en œuvre, par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, d’un plan national d’adaptation de 80 000 logements privés, ainsi que d’un plan d’aide à l’investissement dans les résidences autonomie. Seront proposées, dans ces dernières, différentes prestations pour améliorer le quotidien, notamment des actions visant à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques des résidants. Ce type d’habitat, intermédiaire entre le domicile ordinaire et l’EHPAD, constitue une solution constructive pour les personnes n’ayant pas besoin d’être accueillies dans un établissement très médicalisé.
L’une des avancées majeures de ce texte concerne la revalorisation de l’APA, je l’ai déjà évoqué. L’« acte II » de cette allocation prévoit une augmentation du nombre d’heures d’aide à domicile pour les personnes âgées qui en ont le plus besoin.
Une réduction du niveau de participation financière – le ticket modérateur – est également prévue, ainsi qu’une exonération de toute participation financière pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Il s’agit ici de relever les plafonds pour l’ensemble des GIR, avec un effort accentué pour les cas de perte d’autonomie les plus graves, ainsi que de faire baisser le reste à charge des familles.
En résumé, les personnes âgées ayant une faible autonomie bénéficieront d’une aide plus importante, une moindre contribution leur étant demandée, alors que leur couverture sociale sera renforcée.
La création d’un droit au répit pour les aidants des personnes âgées est une autre mesure forte. Aujourd’hui, plus de 4 millions de personnes assistent régulièrement au moins l’un de leurs proches âgé de soixante ans ou plus, à domicile. Or 20 % des aidants présentent des symptômes de fatigue morale ou physique, ce qui a des conséquences sur leur santé : 40 % des aidants dont la charge est la plus lourde se sentent dépressifs et 29 % déclarent consommer des psychotropes. Il est donc essentiel de les accompagner et de les soutenir.
Des dispositifs de formation et d’accompagnement des aidants sont prévus, nous en parlerons encore. Il est important d’encourager toutes les formes d’accompagnement et de permettre aux aidants de concilier vie professionnelle et rôle d’aidant, comme le prévoit ce texte.
Toutes ces mesures, qui ne seront plus examinées globalement, car elles ont, pour l’essentiel, fait l’objet de votes conformes à l’Assemblée nationale et au Sénat, méritaient d’être rappelées, car elles montrent combien ce projet de loi appréhende le phénomène du vieillissement dans sa globalité, de manière responsable et ambitieuse, en total accord avec la réalité que connaissent nos concitoyens.
Ce projet de loi offre l’occasion de parler positivement du vieillissement dans notre pays. Réformer permettra à notre société de changer le regard sur le vieillissement et la vie des personnes âgées.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie du volontarisme et du souci du concret dont vous faites preuve au travers de ce texte, que nous soutenons pleinement, car il s’appuie sur la large concertation que vous avez su mener et il introduit les réformes nécessaires pour affronter les défis du XXIe siècle concernant le vieillissement de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà rassemblés aujourd'hui pour débattre en deuxième lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, véritable enjeu des années à venir, et nous avons vu que, pour y faire face, nous n’étions pas trop de deux assemblées, la navette ayant permis de fortifier le texte.
L’examen en première lecture par le Sénat a permis de nombreuses avancées en faveur des personnes âgées, reprises par l’Assemblée nationale.
L’adaptation de la société au vieillissement suppose un souffle et une ambition, mais aussi et surtout un éventail de solutions qui répondent à la diversité des modes de vie des personnes âgées.
La première préoccupation concerne le logement et le cadre de vie de la personne âgée vieillissante.
Je me félicite que l’amendement sur la réattribution prioritaire aux personnes âgées des logements sociaux déjà adaptés, que j’avais déposé et fait adopter en première lecture, ait été repris par le Gouvernement. C’est une mesure pragmatique, qui s’inscrit pleinement dans la démarche d’inclusion sociale des seniors, que je soutiens fermement.
En effet, vivre chez soi est une priorité revendiquée par de nombreuses personnes âgées. Cela demeure un vecteur du recul de la dépendance. Le logement adapté est l’une des réponses pour permettre le maintien à domicile. Encourager l’habitat collectif et la mutualisation des services en est une autre, qui peut aussi satisfaire les besoins des personnes handicapées vieillissantes.
Mais, au-delà du logement adapté, il s’agit aussi de proposer les services adéquats pour garantir un maintien à domicile serein, sûr et de qualité.
Je regrette que le recours aux prestataires ou associations soit seul mis en avant dans ce projet de loi, même si je reconnais les avancées permises par l’uniformisation des deux régimes.
Le choix d’une aide à domicile embauchée directement par la personne me paraît aussi être une voie à encourager. C’est pourquoi je soutiendrai la démarche engagée en ce sens par mon collègue Daniel Gremillet.
À bien des égards, l’emploi d’une personne à domicile par une personne âgée offre de nombreux avantages.
Ils sont d’abord d’ordre financier, puisque les coûts incombant aux départements sont plus élevés de quatre euros par heure en moyenne, quand la personne recourt à un prestataire ou à une association.
Au moment où nos finances publiques sont contraintes, où les dotations aux collectivités, notamment aux départements, sont réduites drastiquement, il me paraît tout à fait fondé d’encourager ce type d’offres de services à domicile, pour ceux et celles qui le souhaitent.
L’impact est ensuite d’ordre social, puisque cela favorise la création d’emplois de services à domicile.
L’amendement déposé par mon collègue vise donc à supprimer la modulation de l’APA uniquement pour les bénéficiaires qui emploient un assistant de vie formé au sein des relais de vie.
Enfin, rien ne paraît envisageable sans le concours de la commune, échelon de proximité souvent mobilisé pour accompagner ou prendre le relais de la famille. C’est à la collectivité d’offrir un cadre de vie inclusif et global : voirie, transports, services, santé, mais aussi accès de nos seniors à la culture, au sport et aux associations, nécessaire pour rompre l’isolement et prévenir la dépendance.
Les « villes amies des aînés », comme Le Havre, ont mis en place des politiques dynamiques et innovantes, qui prennent en compte l’ensemble de l’environnement de la personne âgée. C’est cette voie qu’il faut encourager.
Le défi du « bien vieillir » est énorme : il s’agit d’être novateur et créatif, tout en répondant aux aspirations et aux désirs des aînés. C’est à chacun d’entre nous, élu, opérateur, institutionnel et citoyen, d’accompagner nos personnes âgées pour une vieillesse sereine.
Je voterai donc ce texte, en restant vigilante quant à sa mise en œuvre et aux moyens qui lui seront alloués. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je tiens à remercier l’ensemble des sénateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale.
S’agissant, tout d’abord, de la philosophie de ce texte, je constate les convergences. Avec l’accompagnement du vieillissement, ce texte va bien au-delà de l’approche médico-sociale qui a longtemps prévalu : hier, on prenait en charge la dépendance ; aujourd’hui, nous sommes conduits à prévenir la perte d’autonomie et à l’accompagner.
S’agissant maintenant du texte lui-même, un certain nombre d’entre vous ont confirmé qu’ils le soutenaient parce que plusieurs amendements adoptés en première lecture au Sénat ont prospéré en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, où j’ai continué de les défendre.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion que nous avons aujourd'hui est bien le résultat de la coconstruction d’un texte par le Parlement et le Gouvernement.
Toutefois, sur le fond, j’ai noté qu’une préoccupation, parfois une critique, revenait dans les propos de certains : ce texte manquerait de souffle, d’ambition, de moyens… Telle n’est pas mon analyse. J’en veux d’ailleurs pour preuve le rapport annexé, qu’il faut lire, car il permet d’appréhender la véritable ambition du texte.
Les moyens, mesdames, messieurs les sénateurs, sont bien ceux de la CASA. Nous avons construit ce texte dans l’enveloppe de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ce qui contraint effectivement les dépenses. Bien évidemment, je ne peux que partager le point de vue de ceux qui évoquent d’autres dépenses possibles, souhaitables ou nécessaires. Toutefois, nous le savons, nous sommes dans une période de redressement des comptes publics et de baisse de la pression fiscale.
J’ai entendu vos propositions, tantôt convergentes tantôt antagonistes, concernant le financement de la dépendance, de la perte d’autonomie et de l’accompagnement du vieillissement. Mesdames, messieurs les sénateurs, mon sentiment, c’est que nous n’avons pas de mandat des Français pour agir aujourd'hui. Ce sera sans aucun doute l’un des sujets qui feront, dans les années à venir, le débat démocratique avec les Français. La question devra alors être posée de savoir s’il faut s’orienter vers un cinquième risque des assurances sociales ou au contraire privilégier le recours à l’assurance privée, ce qui n’est pas mon choix.
Nous ne trancherons pas ce débat aujourd'hui, car c’est aux Français de décider quel type de protection collective ils veulent pour l’avenir en matière d’accompagnement de la perte d’autonomie.
Je ne reprendrai pas l’ensemble de vos propos, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la mesure où beaucoup portent sur des sujets dont nous discuterons au fur et à mesure de l’examen des articles. Je vous remercie de la qualité de la discussion générale et du travail parlementaire mené bien en amont. C’est parce que vous aviez déjà travaillé sur les sujets dont traite ce texte que nous avons pu, au cours de la navette, continuer d’avancer ensemble pour arriver, demain, à mieux accompagner le vieillissement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
7
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Bas, André Reichardt, Mme Catherine Troendlé, MM. Yves Détraigne, Jean-Pierre Sueur, Michel Boutant et Mme Cécile Cukierman ;
Suppléants : MM. François Bonhomme, Pierre-Yves Collombat, Michel Delebarre, Patrick Masclet, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard et François Zocchetto.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
8
Adaptation de la société au vieillissement
Suite de la discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.
La discussion générale ayant été close, nous passons à la discussion du texte de la commission.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement
TITRE PRÉLIMINAIRE
DISPOSITIONS D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION
Article 1er
(Non modifié)
L’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
En tout point du territoire, leur mise en œuvre répond au principe constitutionnel d’égalité et ce, quel que soit le degré de fragilité ou de perte d’autonomie des citoyens auxquels elles s’adressent plus directement.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Lors de l’examen en première lecture de ce texte, la Haute Assemblée avait adopté un amendement présenté notamment par notre groupe, qui visait à prendre en compte les disparités locales et donc à favoriser l’équité. Vous aviez alors, madame la secrétaire d’État, rappelé votre attachement au principe constitutionnel d’égalité pour refuser notre amendement.
Soyez certaine que notre groupe est également attaché au principe d’égalité, s’agissant notamment de l’égalité territoriale.
Alors que les fractures territoriales sont en expansion, nous demandons que, en matière de perte d’autonomie, ce principe soit pris aussi en considération.
Je prendrai simplement trois exemples, selon moi assez évocateurs.
Aujourd’hui, les tarifs horaires des services d’aide à domicile varient, selon les départements, de 16 euros à 25 euros, ce qui impacte bien sûr la qualité des prestations. Pour notre part, nous pensons qu’une telle situation n’est pas tout à fait normale.
Par ailleurs, des distorsions importantes sont constatées pour la définition et les modalités de mise à contribution des obligations alimentaires. Vous le savez comme moi, il s’agit d’un sujet sensible. Or il existe autant de pratiques que de départements.
Enfin, un pilotage national est nécessaire sur certains sujets ; je n’en dresserai pas la liste ici, mais je pourrais citer de nombreux exemples.
Veillons dons à ce que la départementalisation, qui est source de proximité, ne conduise pas à des inégalités. Nous avons besoin de l’État, qui doit jouer tout son rôle.
En conclusion, nous estimons que l’action politique doit savoir dépasser ces inégalités territoriales. C’est en ce sens que nous proposons de compléter l’article 1er de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Labazée, corapporteur de la commission des affaires sociales. Tant en première lecture qu’en seconde lecture ou en commission, chacun l’a dit, l’article 1er du projet de loi érige l’adaptation de la société au vieillissement au rang d’impératif national. Le principe constitutionnel d’égalité est opposable à l’ensemble des personnes publiques et il est clairement induit dans la rédaction actuelle de cet article.
Par ailleurs, nous l’avons dit en commission à M. Watrin, le rapport annexé à l’article 2 évoque explicitement et à plusieurs reprises le principe d’égalité, y compris territoriale.
Nous avons donc estimé qu’il n’était pas nécessaire d’alourdir la rédaction de l’article 1er, dont la portée est uniquement programmatique et déclaratoire.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Le principe d’égalité étant constitutionnel, il s’applique par définition, en vertu de la hiérarchie des normes, à l’ensemble des textes de loi. Cet amendement ne me paraît donc pas utile.
Je comprends votre intention, monsieur le sénateur ; mais les outils de soutien aux départements que nous entendons mettre en place nous donnent précisément les moyens de contribuer à ce que la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas facteur de disparités territoriales.
Si nous n’avons donc aucun désaccord sur le fond, votre amendement me paraît superfétatoire eu égard à la structuration de notre architecture juridique.
Je demande donc le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
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Article 2 et rapport annexé (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’article 2 et le rapport annexé sont réservés jusqu’après l’article 63 ter.
TITRE IER
ANTICIPATION DE LA PERTE D’AUTONOMIE
Chapitre Ier
L’amélioration de l’accès aux aides techniques et aux actions collectives de prévention