Mme Sophie Primas. Cela s’arrose !
M. Éric Doligé. J’appelai alors l’inspecteur d’académie en lui expliquant la situation dans le collège : tags sur les murs décrivant l’état dudit principal, impossibilité pour lui de se présenter dans l’établissement l’après-midi, etc. Réponse : « Il a l’ancienneté requise » !
Je me suis insurgé : « Vous connaissez son addiction, elle doit être dans son dossier, et vous lui attribuez un grade supérieur ? » Nouvelle réponse de l’inspecteur : « Oui, tout le monde est au courant, mais cela n’a jamais été porté à son dossier afin de ne pas lui porter préjudice dans son avancement de carrière ».
M. Loïc Hervé. Eh bien voilà !
M. Éric Doligé. Bien sûr, tous ces faits sont vérifiables et connus.
J’ai relaté cette triste histoire pour démontrer la capacité que peut avoir une administration à se protéger elle-même : lorsqu’un de ses membres est mis à distance, il ne faut pas que cela se sache, de peur de porter atteinte à son image ; tel est le sentiment qu’on peut avoir.
Le milieu religieux se met parfois dans une position assez proche ; le pape s’en est clairement ému.
L’administration de l’éducation nationale et l’Inspection générale des services judiciaires reconnaissent a priori leur faiblesse en produisant un rapport d’étape pour vérifier si l’éducation nationale avait bien été informée de la situation qui nous préoccupe. Comment peut-on concevoir que l’on soit obligé de diligenter une inspection pour vérifier que l’administration judiciaire n’a pas rempli ses obligations ?
Dans des cas aussi graves, nous nous interrogeons. Or nous constatons malheureusement que les parquets n’ont pas fait suivre les informations, ni les condamnations. Nous sommes face à des défaillances insupportables.
D’ailleurs, concernant le cas que j’ai évoqué, des sanctions seront-elles prises ? Sincèrement, je n’y crois pas, et ce serait dramatique pour les victimes.
Au fond, posons-nous la question de la reconnaissance des victimes et celle du dédommagement, et arrêtons de protéger en permanence les « pauvres coupables » ou de nous intéresser aux seules raisons qui les ont conduits à commettre des actes odieux !
Dans la proposition de loi qui nous est soumise, nous ne nous limitons pas – heureusement ! – à l’éducation nationale. Le texte vise à étendre l’interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour un crime ou un délit sexuel commis contre un mineur. La question des assistants maternels ou familiaux, qui n’est pas simple à traiter, est évoquée, à l’instar de celle des majeurs vivant au domicile de l’accueillant.
Cette proposition de loi constitue, à mes yeux, un premier pas. Car il existe un réel problème.
En tant que président de conseil général, j’ai connu des cas difficiles et j’ai été confronté à diverses plaintes, toujours délicates à traiter. Nous sommes rarement suivis lorsque nous demandons que l’agrément d’un assistant maternel soit suspendu. Il y a toujours, il est vrai, des parents qui pétitionnent, sans connaître les raisons confidentielles, et soutiennent les personnes dont nous demandons la suspension de l’agrément par prudence.
En revanche, en cas de problème, ceux-là mêmes qui nous ont mis en cause pour avoir prononcé des sanctions conservatoires nous attaquent au motif que nous n’avons pas pris les bonnes mesures.
Il importe que nous travaillions sur ce sujet majeur des enfants, afin que les services judiciaires soutiennent les présidents de conseil départemental et que toutes les informations nécessaires soient communiquées à ces derniers.
La proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé tend à pallier certaines lacunes de notre législation pénale, afin de prévenir la récidive en matière d’agressions sexuelles contre les mineurs, en particulier au sein des établissements scolaires.
Comme l’ont rappelé certains des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, le Parlement avait déjà examiné des dispositions de cette nature l’été dernier, lors de l’examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que vous aviez présenté, madame la garde des sceaux. Toutefois, la disposition ici visée a été censurée, comme vingt-six autres d’ailleurs, pour des questions de procédure. Le Sénat avait alors pris l’engagement de légiférer rapidement sur ce sujet. C’est chose faite avec la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise.
Le président du Sénat a demandé au Gouvernement de déclarer l’urgence sur ce texte, mais ce dernier est resté sourd à cette demande. Mme la garde des sceaux vient de nous en donner la raison.
Cette raison est trop flagrante pour en faire abstraction si rapidement. Plutôt que de saisir l’occasion de la navette parlementaire, et donc d’utiliser à bon escient les possibilités offertes par le bicamérisme, le Gouvernement préfère déposer un projet de loi. Ce texte ne portera donc pas le nom de Catherine Troendlé, ce que je regrette. Ce faisant, le Parlement aura examiné cette question à trois reprises. Voilà décidément une bien curieuse perception des institutions ! Le Gouvernement ne choisit pas l’intérêt général, alors que le Parlement est prêt à légiférer dès aujourd’hui.
Madame la garde des sceaux, vous avez indiqué que le chemin de crête entre la protection de l’enfance et le respect de la présomption d’innocence était étroit. Il s’agit là, je le conçois, d’une question extrêmement difficile.
Par ailleurs, vous avez souligné qu’il aurait fallu soumettre la présente proposition de loi au Conseil d’État. Je me permets de vous rappeler que, pour la première fois, une proposition de loi avait été soumise au Conseil d’État. J’en étais l’auteur, elle concernait les normes. Or elle a été largement balayée par la nouvelle majorité du Sénat, alors même que ma proposition de loi avait reçu un avis positif. Preuve qu’il n’est pas si facile que cela d’être reconnu pour la qualité de ses travaux lorsqu’on n’appartient pas à la majorité…
Telles sont les observations que je souhaitais formuler. Je voterai avec enthousiasme la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je vous indique, mes chers collègues, que nous devrons interrompre cette discussion à seize heures quarante-cinq, pour les questions d’actualité au Gouvernement.
proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles
Article 1er
Le code pénal est ainsi modifié :
1° La section 5 du chapitre II du titre II du livre II est complétée par un article 222-48-3 ainsi rédigé :
« Art. 222-48-3. – En cas de condamnation pour une infraction prévue à la section 3 du présent chapitre et commise sur un mineur, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 3° de l’article 222-45. Elle peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
2° Après l’article 227-31, il est inséré un article 227-31-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-31-1. – En cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles 227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 6° de l’article 227-29. Elle peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Supprimé)
Article 3
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 12° de l’article 138, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :
« 12° bis Ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; »
2° Le premier alinéa de l’article 706-47 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les chapitres Ier et II du même titre sont également applicables aux procédures concernant les infractions prévues à l’article 227-23 du même code. » ;
3° Après l’article 706-47-3, sont insérés deux articles 706-47-4 et 706-47-5 ainsi rédigés :
« Art. 706-47-4. – I. – Lorsqu’une personne exerçant une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par une autorité administrative est condamnée pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au III, le ministère public en informe cette autorité.
« Le ministère public informe également l’autorité administrative quand une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du I est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138.
« II. – Dans les cas prévus au I, le ministère public informe :
« 1° La personne de la transmission à l’autorité administrative de l’information prévue au même I ;
« 2° Le cas échéant, ladite autorité de l’issue de la procédure.
« L’autorité qui est destinataire de cette information ne peut la communiquer qu’aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de cette activité.
« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement et sans préjudice du quatrième alinéa du présent II, toute personne destinataire de ladite information est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« III. – Les infractions qui donnent lieu à l’information de l’autorité administrative dans les conditions prévues au I du présent article sont :
« 1° Les infractions prévues à l’article 706-47 du présent code ;
« 2° Les infractions prévues aux articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-6 et 222-7 à 222-14 du code pénal ;
« 3° Les délits prévus aux articles 222-32 et 222-33 du même code ;
« 4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l’article 222-39, aux articles 227-18 à 227-21 et 227-28-3 dudit code.
« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
« Art. 706-47-5. – Sauf si la personne est placée en détention provisoire, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ordonne, sauf décision contraire spécialement motivée, le placement sous contrôle judiciaire assorti de l’obligation mentionnée au 12° bis de l’article 138 d’une personne exerçant une activité visée au I de l’article 706-47-4 mise en examen pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au III du même article.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
2° L'article 706-47 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les chapitres Ier et II du même titre sont également applicables aux procédures concernant les infractions prévues à l’article 227-23 du même code. » ;
b) Au second alinéa, les mots : « Ces dispositions » sont remplacées par les mots : « Les dispositions du présent titre ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Nos collègues l’auront noté, seuls deux amendements ont été déposés sur ce texte, dont cet amendement de coordination, qui ne prête pas à débat. C’est dire à quel point le texte qui vous est soumis résulte – j’ose le dire (Sourires.) ! – d’un travail approfondi de la commission, un travail mené depuis plusieurs mois.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur le calendrier. Certains d’entre nous ont estimé que ce texte avait été examiné dans la précipitation.
Il revient à notre collègue Sylvie Goy-Chavent d’avoir été la première, le 2 avril dernier, à réagir en déposant une proposition de loi, qui a largement inspiré – notre collègue Catherine Troendlé ne m’en voudra pas, je l’espère, de le souligner – l’article 1er du texte qui nous est ici proposé. Notre collègue Catherine Troendlé a, quant à elle, déposé la présente proposition de loi le 12 mai dernier. Tous ces travaux ont permis de faire avancer la discussion, notamment avec les députés que nous avons rencontrés à diverses reprises au mois de juillet dernier.
Sincèrement, le moment est venu aujourd'hui non pas de clore ce débat – seul le Sénat est aujourd'hui appelé à se prononcer –, mais de prendre position sur un texte sans doute perfectible, mais qui constitue une bonne base de travail.
La circulaire prise au mois de septembre dernier conjointement par Mme la garde des sceaux et Mme la ministre de l’éducation nationale présente certes un intérêt, mais elle nous semble, avec tout le respect que nous avons pour vous, madame la garde des sceaux, insuffisamment fondée dans ses bases légales et constitutionnelles, s’agissant notamment de la transmission d’information pendant la phase de l’enquête. Voilà pourquoi il y a urgence à légiférer.
Pour en revenir à l’amendement n° 2, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cette coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans la logique de la démarche adoptée, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de coordination.
8
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation parlementaire indonésienne du Conseil représentatif des régions, conduite par M. Fachrul Razi. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la garde des sceaux, se lèvent.)
Le séjour en France de nos collègues indonésiens porte principalement sur la thématique des outre-mer et de leur développement économique.
La délégation a ainsi pu s’entretenir de ce sujet avec notre collègue Michel Magras, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.
Elle a aussi rencontré aujourd’hui au Sénat notre collègue Jacques Gautier, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Indonésie, accompagné de nos collègues Catherine Procaccia et Catherine Deroche.
Nous formons tous le vœu que cette visite dans notre institution soit profitable à l’ensemble de la délégation, et souhaitons à nos collègues indonésiens la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
9
Agressions sexuelles sur mineur
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Troendlé, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Après les mots :
contrôle judiciaire assorti
insérer les mots :
, sans préjudice des autres obligations prévues à l’article 138,
La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Permettez-moi tout d’abord de présenter mes excuses à ma collègue et amie Sylvie Goy-Chavent, pour avoir oublié de la citer dans mon propos liminaire. J’ai rappelé les travaux des députés Pierre Lellouche et Claude de Ganay, mais Sylvie Goy-Chavent fut la première à avoir déposé un texte sur ce sujet et méritait à ce titre d’être saluée en premier. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Venons-en à l’amendement n° 1.
Cet amendement a pour objet de compléter le texte de la commission des lois, qui prévoit le placement systématique sous contrôle judiciaire des personnes mises en examen pour infraction sexuelle contre mineur.
S’il apparaît souhaitable qu’un tel contrôle judiciaire, assorti de l’interdiction d’exercer une activité au contact de mineurs, soit prononcé, il importe en revanche que la rédaction proposée n’interdise pas au juge d’instruction ou au juge des libertés et de la détention de décider d’autres mesures de contrôle judiciaire.
En effet – ce n’est là qu’un exemple ! –, une personne mise en examen pour de tels faits et dont le conjoint exerce la profession d’assistant maternel devrait être systématiquement écartée de son domicile pendant les périodes au cours desquelles les enfants sont gardés.
Tel est l’objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Même si certains membres de la commission estimaient que cette précision n’était peut-être pas nécessaire, cet amendement a le mérite de mettre les points sur les « i » et d’éviter toute interprétation : le juge conserve la possibilité de prononcer, dans le cadre du contrôle judiciaire, une autre mesure que la seule interdiction dont il s’agit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement pourrait émettre un avis favorable ou un avis de sagesse.
Favorable, car cet amendement vise à apporter une précision explicite, qui lève l’hypothèse d’une interprétation restrictive, toujours possible, de la proposition de loi : l’interdiction ne sera pas exclusive de toute autre obligation de contrôle judiciaire que le magistrat souhaiterait imposer à la personne.
Cela étant, madame Troendlé, même si je reconnais la cohérence de la démarche, il aurait fallu prendre toutes les dispositions nécessaires pour sécuriser votre texte. Non pas que je doute de qui que ce soit, mais il importe de trouver le texte le mieux ajusté et le plus sécurisé. Telle est notre préoccupation depuis plusieurs semaines. C’est pour cette raison que nous avons tenu – nous y sommes d’ailleurs obligés – à soumettre un projet de loi au Conseil d’État.
Mme Catherine Troendlé. Dommage !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous aviez la possibilité de demander l’avis du Conseil d’État sur votre proposition de loi. Le Gouvernement aurait alors adopté, je vous l’assure, une autre position.
Mme Françoise Férat. Ce n’est pas possible d’entendre cela !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous aurions alors eu connaissance des observations du Conseil d’État, pour sécuriser le texte.
Mais pourquoi donc ce souci de sécurité ? Je l’ai souligné précédemment, sur un tel sujet, le pire serait qu’à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité le dispositif soit purement et simplement éliminé. Aucun d’entre nous ne le supporterait !
Mme Catherine Troendlé. Nous sommes confiants !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons pu constater que des discussions demeurent en ce qui concerne le signalement : doit-il être autorisé dès la phase de l’enquête, comme le propose le Gouvernement dans son projet de loi, ou doit-il être possible seulement au stade des poursuites, comme le prévoit la présente proposition de loi ? Nous pensons qu’il faut trouver une voie moyenne. Le rendre possible, cela ménage de la marge, mais sans interdire d’alerter une administration ou l’éducation nationale au sujet d’un agent en contact avec des enfants. Nous savons bien, en effet, que le jugement peut être prononcé avec un décalage de plusieurs mois, voire d’un an et demi ou deux ans.
Ce doute me paraît justifier davantage de précautions pour assurer la sécurité du futur dispositif. (Mme Catherine Troendlé en doute.) Comme nous n’avons pas de problème de calendrier, notre projet de loi devant être soumis à l’examen du Parlement dans les toutes prochaines semaines, et compte tenu de la nécessité de ne pas prendre de risques inconsidérés sur un sujet aussi délicat, je ne puis, en dépit de la qualité du travail accompli par Mme Troendlé, apporter mon soutien à sa proposition de loi.
M. le président. Si je vous ai bien comprise, madame la garde des sceaux, vous vous en remettez à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement. (Mme la garde des sceaux opine.)
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote. Compte tenu de l’heure, mon cher collègue, tâchez de ne pas être trop long !
M. Jacques Bigot. Je serai même très rapide, monsieur le président.
Les juges d’instruction prennent régulièrement les mesures nécessaires, notamment dans le cadre d’un placement sous contrôle judiciaire, en choisissant des obligations adaptées. (Mme Françoise Férat est dubitative.) Je ne suis pas convaincu qu’il soit souhaitable d’inscrire dans la loi ce que le juge d’instruction doit faire sans être clair sur l’éventail des mesures qui sont d’ores et déjà à sa disposition. Dans ces conditions, la sagesse à laquelle le Gouvernement nous appelle me conduira à m’abstenir sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 133-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « crime », sont insérés les mots : « , pour les délits prévus aux articles 222-29-1 et 227-22 à 227-27 du code pénal, pour le délit prévu à l’article 321-1 du même code lorsque le bien recelé provient des infractions mentionnées à l’article 227-23 dudit code, » ;
b) Au 1°, les mots : « code pénal » sont remplacés par les mots : « même code » ;
c) Au 2°, les mots : « article L. 222-19 » sont remplacés par les mots : « article 222-19 et de l’article 222-29-1 » ;
d) Au 3°, après la référence : « VII », sont insérés les mots : « , à l’exception des articles 227-22 à 227-27, » ;
e) Au 5°, après la référence : « chapitre Ier », sont insérés les mots : « , à l’exception de l’article 321-1 lorsque le bien recelé provient des infractions mentionnées à l’article 227-23, » ;
2° L’article L. 421-3 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du cinquième alinéa, après les mots : « assistants familiaux est », sont insérés les mots : « , sous réserve des vérifications effectuées au titre du sixième alinéa du présent article » ;
b) À la deuxième phrase du sixième alinéa, les mots : « casier judiciaire n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 3 du casier judiciaire ». – (Adopté.)
Article 5
(Supprimé)
Article 6 (nouveau)
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Au II de l’article L. 212-9, les deux occurrences du mot : « a » sont supprimées ;
2° À l’article L. 212-10, les mots : « contre rémunération » sont remplacés par les mots : « , à titre rémunéré ou bénévole, ». – (Adopté.)
Article 7 (nouveau)
Au dernier alinéa de l’article L. 914-6 du code de l’éducation, après le mot : « du », sont insérés les mots : « premier ou du ». – (Adopté.)
M. Ladislas Poniatowski. Nous faisons diligence comme rarement ! (Sourires.)
M. Guy-Dominique Kennel. Nous n’avons jamais été aussi vite !
M. le président. Nous faisons des efforts, mon cher collègue, pour respecter les horaires, conformément à l’esprit de la dernière modification de notre règlement. D’ailleurs, en écoutant Mme Troendlé, je me suis demandé si elle était alsacienne ou méridionale, car elle a mis de l’huile tant qu’elle a pu ! (Nouveaux sourires.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout en saluant le travail accompli par Mme Troendlé, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur cette proposition de loi, pour les raisons suivantes.
D’abord, nous sommes opposés à l’idée de peines automatiques, parce que nous pensons qu’il faut respecter le pouvoir d’appréciation des juges. Ce point important nous empêche de souscrire à la rédaction de l’article 1er du texte.
Ensuite, je me souviens que les sénateurs siégeant au sein de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne étaient d’un avis assez proche : nous doutions que les vingt-sept articles supplémentaires introduits à l’Assemblée nationale puissent échapper à la censure du Conseil constitutionnel.
Sur le fond, la rédaction de ce projet de loi telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale nous paraissait véritablement problématique. Après l’échec de la commission mixte paritaire, une nouvelle rédaction, due, pour l’essentiel, à Dominique Raimbourg, nous a paru bien meilleure, mais le Gouvernement a déposé un nouvel amendement qui nous a semblé poser une difficulté.
En effet, mes chers collègues, il s’agit de concilier trois principes : la protection des mineurs, qui est un impératif absolu ; la présomption d’innocence, eu égard aux conséquences que peuvent avoir des accusations portées à tort ; le secret de l’instruction et de l’enquête. Il n’est pas facile de parvenir à un texte qui concilie ces trois principes.
Il est clair que, lorsqu’une condamnation a été prononcée, il n’y a pas de problème : l’information doit être transmise. Avant la condamnation, on peut peut-être considérer que, en cas de mise en examen sur le fondement de faits graves et concordants, il y a des raisons justifiant que l’information soit transmise et que les conséquences en soient tirées. Au stade de l’enquête préliminaire ou du début de la garde à vue, en revanche, il peut y avoir un véritable problème.
Nous aurons l’occasion de poursuivre le travail sur ce sujet, éclairés par l’avis du Conseil d’État. Pour l’heure, nous nous abstiendrons sur la proposition de loi.