M. le président. Madame Benbassa, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. Bigot ?
Mme Esther Benbassa. Oui, monsieur le président, et je modifie par conséquent mon amendement dans ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, et ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
ayant cessé l'activité
par les mots :
engagé dans un processus de cessation de son activité
Cette modification est-elle de nature à modifier l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Non, monsieur le président ! (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
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Article 8
(Non modifié)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du second alinéa du VII de l’article L. 542-2 et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 831-4-1, après le mot : « défavorisées », sont insérés les mots : « ou par une association agréée en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles » et, après la référence : « L. 851-1 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
2° À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 851-1, après la première occurrence du mot : « défavorisées », sont insérés les mots : « , les associations agréées en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ».
II. – Au 3° de l’article L. 345-2-6 et au premier alinéa de l’article L. 345-2-7 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « défavorisées », sont insérés les mots : « et les associations agréées en application de l’article L. 121-9 du présent code » ;
III. – À la deuxième phrase du second alinéa du III de l’article L. 351-3-1 du code de la construction et de l’habitation, après le mot : « défavorisées », sont insérés les mots : « ou par une association agréée en application de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ». – (Adopté.)
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Article 9 bis
(Supprimé)
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Article 11
(Non modifié)
I. – L’article 2-22 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 2-22. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits dont l’objet statutaire comporte la lutte contre l’esclavage, la traite des êtres humains, le proxénétisme ou l’action sociale en faveur des personnes prostituées peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimées par les articles 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12-2, 225-14-1 et 225-14-2 du code pénal, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. Toutefois, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime. Si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, l’accord est donné par son représentant légal.
« Si l’association mentionnée au premier alinéa du présent article est reconnue d’utilité publique, son action est recevable y compris sans l’accord de la victime. »
II. – (Non modifié)
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Tourenne, Madec, Yung et Sutour et Mme Bataille, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Au travers de cet amendement, il s’agit de ne pas limiter aux seules associations reconnues d’utilité publique la possibilité de se porter partie civile sans l’accord de la victime.
En effet, on ne peut pas exclure de fait un certain nombre d’associations, pourtant très actives, qui viennent en aide quotidiennement aux victimes.
C’est pourquoi cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3 de l’article 11, à l’instar de ce qui avait été fait en première lecture dans notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité, pour les associations reconnues d’utilité publique, de se porter partie civile sans l’accord de la victime.
La disposition prévue dans le texte est de nature à protéger les victimes puisque, aux yeux des réseaux, celles-ci pourront être supposées ne pas avoir donné leur accord à un procès.
En outre, il ne s’agit ici que de quelques associations reconnues d’utilité publique, dont on peut supposer qu’elles agiront avec le discernement requis.
Enfin, les associations ne peuvent jamais prendre l’initiative ; elles ne peuvent que se joindre à une action en justice déclenchée par le procureur de la République ou par la personne prostituée elle-même.
En conséquence, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. La commission spéciale a confirmé la position de l'Assemblée nationale, qui a réintroduit la possibilité pour les associations déclarées d’utilité publique de se constituer partie civile, y compris sans l’accord de la victime.
Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle disposition. En effet, la loi du 9 avril 1975, que ce texte codifie, prévoit déjà une telle possibilité.
Depuis cette date, cette disposition n’a pas fait courir de risque aux victimes, et ces associations ont démontré leur responsabilité ; être reconnu d’utilité publique est un gage sérieux.
Par ailleurs, dans certains cas, il n’y a pas de victimes présentes au procès, parce qu’elles sont parfois à l’étranger, parce qu’elles ont peur des réseaux ou des représailles, ou parce qu’elles ont tout simplement été assassinées.
Il faut donc prendre en compte ces situations et les comprendre, et continuer de permettre aux associations de se constituer partie civile.
Pour ces raisons, je vous demande, madame la sénatrice, de retirer votre amendement ; à défaut, je ne pourrai qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Bataille, l'amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
Mme Delphine Bataille. J’entends bien les arguments avancés par Mme la rapporteur et par Mme la secrétaire d’État.
Toutefois, cet amendement engage aussi mes collègues cosignataires membres de la commission spéciale. Je le répète, il ne semble pas pertinent de limiter aux seules associations reconnues d’utilité publique la possibilité de se porter partie civile. Cela pourrait présenter un danger pour la personne victime.
C’est pourquoi je maintiens l’amendement n° 16 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis très étonné de cet amendement et de cette position. Il s’agit là d’une régression du rôle des associations à côté du ministère public.
Il est clair dans le texte qui nous est soumis que l’association ne pourra pas intervenir seule et être à l’initiative de la procédure. En revanche, qu’une association qui s’est battue et a accompagné des femmes victimes vienne s’exprimer devant un tribunal en leur nom et au nom aussi de toutes les autres victimes, c’est important à l’égard de celui qui sera déclaré coupable et qui sera, je l’espère bien, condamné ! Il n’y a là aucun risque pour la victime, et cette procédure est d’un intérêt majeur pour la société.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
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Section 2
Dispositions portant transposition de l’article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil
Article 13
(Non modifié)
L’article 225-10-1 du code pénal est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. Nous défendons la suppression des dispositions relatives au délit de racolage et sommes contre d’éventuels « aménagements », comme le prévoient les amendements nos 1 et 3 rectifié.
Comme cela a été souligné par quelques-uns d’entre nous, il est extrêmement important de supprimer le délit de racolage et donc toute sanction à ce titre.
La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait renforcé la répression de la prostitution, en créant le délit de racolage passif, avec un double objectif : limiter la « prostitution de rue » et atteindre les proxénètes au travers des quelque 80 000 prostituées vivant en France, ces dernières étant susceptibles de livrer des renseignements lors de leur interpellation.
Or, si des informations peuvent être effectivement obtenues lors des gardes à vue, la corrélation entre la création du délit de racolage et une forte répression du proxénétisme semble inexistante. Ainsi, au travers du casier judiciaire national, on constate une évolution plutôt stable du nombre de condamnations des proxénètes au cours des dix dernières années – entre 600 et 800 par an, semble-t-il, car je ne dispose pas de chiffres plus précis –, alors que des fluctuations beaucoup plus importantes sont enregistrées pour ce qui concerne les gardes à vue pour racolage.
L’objet principal de la création de ce délit n’a donc pas fait ses preuves, et l’incrimination du racolage ne permet pas de démanteler un réseau.
De plus, cela a contribué à déplacer la prostitution et à fragiliser encore davantage les personnes prostituées, qui plus est en les criminalisant.
La suppression du délit de racolage est attendue par l’immense majorité des associations. Elle constitue un signal fort pour considérer – enfin ! – que les personnes prostituées sont des victimes d’une délinquance forcée et doivent, à ce titre, être exonérées de responsabilité pénale pour avoir commis de tels faits.
Pour poser le problème du système prostitutionnel dans sa globalité, il convient de décider que les personnes prostituées ne sont pas des criminelles, qu’elles ne sont pas à pénaliser, et qu’il faut, au contraire, poursuivre les réseaux, responsabiliser et pénaliser les clients.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l'article.
Mme Maryvonne Blondin. Je tiens simplement à souligner que l’abrogation du délit de racolage passif évoqué à l’article 13 est indissociable de la pénalisation de l’achat d’un acte sexuel prévue à l’article 16.
Abroger ce délit sans instaurer un dispositif susceptible de tarir la demande reviendrait à envoyer un très mauvais signal aux réseaux criminels.
Il importe de considérer les personnes prostituées comme des victimes et non plus comme des coupables et, surtout, de leur offrir la protection à laquelle elles ont droit.
En outre, je précise qu’une telle abrogation s’impose pour mettre en conformité notre droit interne avec l’article 8 de la directive européenne du 5 avril 2011, aux termes duquel les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour « veiller à ce que les autorités nationales compétentes aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains et de ne pas leur infliger de sanctions pour avoir pris part à des activités criminelles auxquelles elles ont été contraintes ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, sur l'article.
M. Jean-Claude Boulard. Je suis, bien sûr, extrêmement favorable à la suppression du délit de racolage.
Toutefois, je veux attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un point : le fait qu’une offre publique ne soit plus réprimée ne sera pas sans incidence sur l’appréciation à laquelle il faudra se livrer de l’acceptation de cette offre par un client. J’en reparlerai ultérieurement lorsque nous évoquerons la question de la pénalisation.
Il faut établir une cohérence entre ces deux dispositifs. Je le répète, je suis très favorable à la suppression du délit de racolage, mais il faut en tirer les conséquences quant à l’appréciation de l’acceptation d’une offre qui sera faite de façon publique.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Darnaud, Genest, Perrin et Grosdidier, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1, présenté par Mme Troendlé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’article 225-10-1 du code pénal, les mots : « , y compris par une attitude même passive, » sont supprimés.
La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Tous les acteurs, qu’il s’agisse des magistrats ou des forces de l’ordre que j’ai consultés, tous les intervenants dans la lutte contre la prostitution s’accordent sur un constat : il s’avère extrêmement difficile, voire impossible, de distinguer les comportements licites des comportements que l’on pourrait qualifier de « racolage passif ».
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, afin que nous nous en tenions à un dispositif efficient, c'est-à-dire au délit de racolage actif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, estimant qu’il n’est pas possible de priver les services d’enquête de cet « outil » pour accéder à des informations sur les réseaux.
Personnellement, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, je suis défavorable à cet amendement et doute vraiment de l’efficacité de ce dispositif. D’ailleurs, certains services travaillant aux côtés du ministère de l’intérieur ont aussi exprimé un avis différent sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Je sais que certains avancent le fait que l’abrogation de ce délit ferait perdre une source de renseignement aux forces de sécurité pour démanteler les réseaux. Or, je le rappelle, le bilan de l’application du délit de racolage n’est pas satisfaisant.
De fait, le nombre de gardes à vue a baissé de 65 % entre 2004 et 2012, et seulement 179 condamnations ont été prononcées en 2013. À l’inverse, le nombre de réseaux démantelés augmente, tandis que celui des condamnations pour proxénétisme est stable : en 2014, cinquante réseaux ont été démantelés et 590 proxénètes interpellés. Ce constat n’a rien de surprenant, les conditions de la garde à vue n’étant guère propices à l’instauration d’un lien de confiance permettant d’obtenir un témoignage utile. Face à la pression des réseaux, la pression d’une garde à vue ne fait pas le poids.
En revanche, l’article 1er ter de la proposition de loi, que vous avez adopté et qui forme avec l’article 13 un ensemble cohérent, facilitera la lutte contre les réseaux. En effet, c’est en renforçant la protection des personnes prostituées menacées lorsqu’elles témoignent contre un réseau que nous établirons avec elles des liens de confiance et que nous les conduirons à collaborer efficacement à la remontée des filières ; c’est en les reconnaissant pour des victimes, au lieu de les tenir pour des délinquantes, et en leur octroyant des droits élargis que les institutions pourront nouer avec elles une relation de confiance et les amener à témoigner contre leurs exploiteurs.
Au demeurant, madame la sénatrice, le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale en est convenu en deuxième lecture et s’est prononcé en conséquence.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il me semble très important d’aller au bout de ce débat. En fin de compte, que voulons-nous ? Que les personnes prostituées continuent d’être traitées comme des délinquantes ?
M. Jackie Pierre. Oh !
Mme Laurence Cohen. Mon cher collègue, pardonnez-moi : prévoir un délit, c’est désigner des délinquants ! Or voilà un bon moment que, les uns et les autres, chacun avec sa sensibilité politique, nous affirmons qu’elles sont des victimes. Il faut en tirer les conséquences et, donc, ne pas les pénaliser !
Nous avons tous entendu les chiffres que Mme la secrétaire d’État vient de nous communiquer. On peut toujours prétendre que la réalité n’est pas véritablement celle-là, mais les faits sont là, et on ne peut pas les tordre. Puisque le délit de racolage n’est pas efficace pour démanteler les réseaux, la proposition de loi vise à apporter d’autres réponses, notamment à travers son article 1er ter.
Madame Troendlé, nous venons, à l’article 3, de rejeter presque unanimement l’amendement présenté par Mme Benbassa tendant à retirer les forces de police et de gendarmerie de l’instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution. L’adoption de votre propre amendement conduirait à la pénalisation des personnes prostituées qui, si elles veulent échapper au réseau qui les exploite, se retrouveraient face à des gendarmes ou à des policiers. Cherchez l’erreur !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je m’abstiendrai, car, en ce qui concerne le racolage passif, les démonstrations ne sont pas certaines.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. J’appuie la position de Michelle Meunier, de Mme la secrétaire d’État et de Mme Cohen.
Permettez-moi de rappeler quels principes fondent la proposition de loi.
Les personnes prostituées sont avant tout des victimes. Or si l’on reconnaît que la prostitution est une violence, comment peut-on traiter les personnes prostituées comme des délinquantes ? La société doit au contraire les protéger et les accompagner, ce qui permettrait d’ailleurs d’instaurer avec elles un lien de confiance.
De surcroît, deux moyens non spécifiques à la prostitution sont employés de longue date pour limiter les troubles à l’ordre public et pour garantir la sécurité publique : la sanction de l’exhibition sexuelle et la possibilité pour les maires de prendre, au titre de leur pouvoir de police générale, des arrêtés municipaux interdisant ou restreignant la présence, la circulation ou le stationnement de personnes prostituées sur la voie publique aux endroits où des troubles à l’ordre public sont susceptibles d’être causés.
Dans ces conditions, les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste et républicain voteront contre l’amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Pierre Vial, président de la commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel. Je ne rouvrirai pas le débat qui s’est tenu au sein de la commission spéciale, car il me semble que les choses sont claires entre nous. Simplement, je ne puis pas laisser dire que le délit de racolage, c’est la pénalisation de la personne prostituée.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si, puisqu’il s’agit d’un délit !
M. Jean-Pierre Vial, président de la commission spéciale. Chaque fois qu’une discussion s’est tenue sur ce sujet avec les services de police ou de gendarmerie, ils nous ont expliqué qu’aucune poursuite n’était entreprise contre les prostituées, lesquelles, la plupart du temps, étaient présentées aux services sociaux ; que, en revanche, l’existence de ce délit facilite la remontée des filières.
Je m’exprime au nom des maires et de tous les élus responsables d’une collectivité, qui connaissent les moyens sur lesquels ils peuvent ou ne peuvent pas compter lorsque des réseaux de prostitution s’installent sur leur territoire : je regrette, mais je ne vois dans le texte qui nous est soumis aucune autre mesure que celle permettant de saisir le procureur de la République et les forces de l’ordre pour essayer d’agir.
On nous objecte qu’il existe une contradiction avec le nouveau dispositif permettant aux prostituées de se placer en régime de protection. Ce dispositif, nous l’avons adopté à la quasi-unanimité, et il constitue un progrès, même s’il représentera une contrainte, une difficulté et un coût. Je souhaite qu’il rencontre le plus large succès possible, mais il conviendra de l’évaluer dans deux ans, car je crains qu’il ne donne pas les effets qu’on en escompte.
Mme Maryvonne Blondin. Si on n’essaie pas, on ne le saura jamais !
M. Jean-Pierre Vial, président de la commission spéciale. En effet, tout le monde sait que les prostituées ont de graves difficultés à parler ; madame la secrétaire d’État, nous en avons beaucoup débattu avec vos équipes. D’ailleurs, dans l’affaire du Carlton, il a fallu que l’affaire sorte des tribunaux pour que les journalistes parlent non plus de libertines, mais de femmes faisant partie d’un réseau de prostitution ; il a fallu trois mois pour que l’affaire sorte, après les débats dans le prétoire et la décision sur laquelle je ne reviendrai pas.
En tout état de cause, ce ne sont pas les élus qui pourront solliciter la mise en œuvre de ce dispositif, puisqu’il devra être déclenché spontanément par les prostituées. Il n’y a donc pas de contradiction entre celui-ci et l’existence du délit de racolage, dont je répète qu’il ne vise pas à sanctionner les prostituées, mais simplement à donner aux forces de l’ordre un moyen dont nous aurions tort de les priver.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Il y a quelques instants, en exposant l’avis du Gouvernement sur l’amendement de Mme Troendlé, j’ai donné quelques chiffres montrant que le dispositif actuel du délit de racolage n’est pas efficace.
M. Roland Courteau. Et voilà !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. En écoutant les orateurs au cours de la discussion générale, il m’avait d’ailleurs semblé que ce fait était assez largement reconnu.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En effet, c’est un constat !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Les forces de police et l’ensemble des acteurs qui concourent à ce dispositif en dressent le même bilan : il n’est pas efficace, car il est tout simplement impossible de libérer la parole d’une personne victime d’un réseau de traite.
M. Roland Courteau. C’est évident !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. En revanche, je puis comprendre qu’une question se pose du point de vue de l’ordre public, car la suppression du délit de racolage pourrait avoir des conséquences sur ce plan.
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Peut-être aurait-il fallu, madame Troendlé, que vous l’expliquiez plus précisément.
C’est bien pourquoi la proposition de loi prévoit, dans son article 16, la responsabilisation des clients : cette disposition vise, entre autres objectifs, à rétablir un équilibre.
Permettre à des femmes aujourd’hui délinquantes d’être considérées comme des victimes et prises en charge grâce à des dispositifs que le Sénat a renforcés en première lecture et, de façon symétrique, responsabiliser les clients qui créent une offre par leur demande : tel est l’équilibre sur lequel repose la proposition de loi. C’est pourquoi le Gouvernement proposera dans quelques instants, par voie d’amendement, le rétablissement de l’article 16 adopté par l’Assemblée nationale.
Toutes les études menées dans les pays où le délit de racolage a été supprimé et la responsabilisation des clients instaurée prouvent que ce double principe conduit à une baisse drastique de la demande d’actes sexuels tarifés et à un déclin des réseaux de traite, qui ne sont plus les bienvenus dans ces pays. Aucun problème ne se pose sur le plan de l’ordre public, et la libération de la parole des victimes permet aux forces de l’ordre d’agir avec une plus grande efficacité qu’avec le délit de racolage, dont il apparaît aujourd’hui qu’il est un quasi-échec. Accordons-nous la possibilité d’évaluer les dispositifs législatifs, ainsi que le Sénat le fait régulièrement !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Plaçons-nous un instant du point de vue des personnes prostituées : le délit de racolage fait peser sur elles une pression supplémentaire en donnant une arme aux clients, qui, parfois, font preuve à leur égard de violences ; il les place en position de faiblesse en les obligeant à accepter des actes auxquels elles ne consentiraient pas sinon.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Maintenir le délit de racolage, c’est aussi assigner à la personne prostituée une certaine image dans la société : non pas l’image d’une victime, mais celle d’une délinquante. Mes chers collègues, les mots sont précis : nous parlons bien d’un délit de racolage. Cette assignation, qui ne contribue évidemment pas à améliorer le sort des personnes prostituées, ne favorise pas davantage l’instauration de liens avec les forces de l’ordre au service d’une lutte commune contre les réseaux, puisqu’elle n’encourage pas la libération de la parole. Imaginez-vous embarqué par la police sur un trottoir et placé en garde à vue ! Comment croire qu’une telle procédure peut être utile ?
Je crois important que l’amendement de Mme Troendlé ne soit pas adopté et que soit maintenu l’équilibre de la proposition de loi, fondé sur la pénalisation de l’acte prévue à l’article 16.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.