Mme Éliane Assassi. Vous rêvez, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. C’est quand même à la représentation nationale de décider ! Sinon, à quoi sert le Parlement ?
De la même manière, nous avons veillé à ce que les étrangers en situation régulière, dans leur ensemble, puissent être intégrés. Quant à ceux qui ne sont pas en situation régulière – ils constituent l’essentiel du problème aux yeux de l’opinion publique, vous le savez bien –, ils ne devraient pas rester sur le territoire français et doivent être reconduits à la frontière. Sur ce point, l’action du rapporteur François-Noël Buffet a consisté à faciliter ces reconduites à la frontière.
En résumé, ce texte tend à faciliter les reconduites à la frontière et à améliorer l’intégration de ceux qui sont acceptés par la nation : en réalité, c’est une loi républicaine que tout le monde devrait voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il va être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi dont l’intitulé a été ainsi modifié : « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ».
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues MM. Christian Cambon et Jean Desessard et Mme Catherine Tasca, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à 15 heures 50, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
Je compte sur votre présence, tout à l’heure, à la reprise. M. le secrétaire d’État s’exprimera quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures cinquante.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 13 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration dans le texte de la commission, modifié.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Cazeneuve, qui est retenu en ce moment à l’Assemblée nationale.
En son nom, je remercie l’ensemble des sénateurs qui se sont investis dans cette discussion sur un sujet, le droit des étrangers, qui est un sujet important du débat public, mais qui reste, hélas, encore trop souvent un sujet de polémiques inutiles, voire de caricatures affligeantes et révoltantes, comme nous en avons malheureusement eu une illustration cet après-midi.
Je me réjouis que, sur un certain nombre de points, nous ayons vu émerger au cours de ce débat les voies d’un consensus républicain, sinon sur les moyens à mettre en œuvre, du moins sur les grands objectifs à atteindre.
Quels sont ces objectifs, qui sont partagés sur toutes les travées des partis qui se réclament de la République ?
Ils sont au fond assez simples, et au nombre de trois.
Premier objectif : améliorer l’intégration de ceux qui peuvent légalement nous rejoindre, en renforçant notamment les exigences linguistiques.
Deuxième objectif : attirer ceux qui peuvent, par leur talent ou leurs compétences, contribuer au rayonnement et à la croissance de la France.
Enfin, troisième objectif : lutter contre l’immigration irrégulière et la fraude au séjour dans le respect des lois de la République.
Tout cela doit fonder une politique équilibrée, qui ne devrait pas laisser de prises aux positionnements tactiques. Le Gouvernement regrette donc que le Sénat ait souhaité, comme sur le projet de loi relatif au droit d’asile, adopter des dispositions dont il connaît soit l’inconstitutionnalité, soit le caractère contre-productif.
Je pense bien sûr à la politique des quotas, une politique qui n’est constitutionnelle qu’à la condition de ne porter que sur l’immigration professionnelle et étudiante, et non sur l’immigration familiale et les réfugiés politiques, cette immigration étant protégée par des droits.
L’amendement adopté par le Sénat à ce sujet est donc inconstitutionnel, car il n’exclut que le regroupement familial, et non toute l’immigration familiale, créant ainsi une rupture d’égalité, comme vous l’a démontré M. le ministre de l’intérieur.
Aussi, je pense que, sur ces points, l’Assemblée nationale n’aura d’autre choix que d’en revenir au droit positif.
Le Gouvernement trouve également dommage que, sur certains sujets comme le contentieux de la rétention ou la définition du droit au séjour des étrangers malades, le Sénat ait cru devoir revenir à la loi du 16 juin 2011, qui pose, et vous le savez bien, plusieurs difficultés. La rédaction de l’Assemblée nationale paraissait au Gouvernement plus innovante et, surtout, plus efficace sur ce point.
Enfin, le Gouvernement est bien conscient, si l’on veut faciliter l’intégration, qu’il faut sortir des tracasseries administratives : 5 millions de passages d’étrangers en préfecture par an pour 2,5 millions d’étrangers titulaires d’un titre de séjour, c’est beaucoup trop ! Cette situation ne sert ni la lutte contre la fraude ni l’intégration. Le Gouvernement souhaite donc que le titre de séjour pluriannuel, adossé à un puissant parcours d’intégration et à des outils de lutte contre la fraude, devienne la norme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me reste à vous remercier de la qualité de vos débats, qui ont permis, certes, de marquer des nuances fortes entre nous, mais également de poser les bases d’un diagnostic partagé : si la France doit demeurer une terre d’immigration, elle doit mieux intégrer ceux qu’elle accueille, mieux attirer les talents et, bien sûr, mieux lutter contre l’immigration irrégulière.
Malheureusement, les écarts importants entre les deux textes nous font craindre qu’un texte commun ne soit difficile à trouver lors de la CMP. Pour autant, le Gouvernement s’efforcera, dans le respect de l’équilibre du texte issu de l’Assemblée nationale, de tenir compte de la qualité des échanges qui ont eu lieu dans votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe ainsi que MM. Jean-Claude Requier et Jean-Vincent Placé applaudissent également.)
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État.
J’en profite pour remercier à mon tour MM. les rapporteurs ainsi que M. le président de la commission de lois pour tout le travail qui a été effectué à l’occasion de l’examen de ce texte. Ils auront contribué à la bonne tenue du débat, que M. Karoutchi et d’autres orateurs ont saluée, même si des points de vue divergents ont pu être observés.
Rappels au règlement
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, le débat qui s’est déroulé pendant plusieurs jours dans l’hémicycle était de bonne tenue, comme vous venez de le rappeler.
Certes, il y a eu des affrontements, mais tout s’est quand même bien passé, les orateurs ayant chacun défendu leurs convictions.
Au nom du groupe socialiste et républicain, je tiens néanmoins à dénoncer l’intervention de notre collègue Jean Louis Masson, qui a, selon nous, dépassé les bornes et peut-être même les limites du cadre républicain. (Absolument ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. David Rachline. La liberté d’expression !
M. Didier Guillaume. En déclarant qu’il n’y a pas eu de problèmes pour accueillir les Italiens, les Polonais, les Portugais, il méconnaît notre histoire.
M. David Rachline. Liberté d’expression !
M. Didier Guillaume. Rappelons-nous qu’ils étaient traités de Ritals, de Portos ou de Polaks !
Ce type de commentaire a pour but de toucher les instincts les plus vils de nos concitoyens, en distinguant les étrangers qui venaient alors et qui sont des catholiques et ceux qui viennent maintenant et qui sont des musulmans. Ce n’est pas acceptable dans notre République, particulièrement à la tribune du Sénat.
Aussi, monsieur le président, je voudrais que vous vérifiiez si les propos qui ont été tenus par notre collègue sont, oui ou non, dans le champ de la République française, et nous en tirerons les conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
M. le président. Monsieur le président Guillaume, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Comme je l’ai dit en privé à l’un de nos collègues, je procéderai à cette vérification. Toute décision relèvera ensuite, éventuellement, du bureau. Je vous tiendrai informé, comme l’ensemble de nos collègues.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Laurent. Je veux, au nom de notre groupe, appuyer fortement la demande de notre collègue Didier Guillaume. Il convient en effet de vérifier que les propos parfaitement scandaleux que nous avons entendus ne contreviennent pas aux principes de la République française.
On ne peut pas laisser passer une telle intervention dans l’une des chambres du Parlement de la République.
M. Stéphane Ravier. C’est de la censure !
M. Pierre Laurent. Il est des limites qu’il n’est pas acceptable de franchir !
Nous devons être extrêmement vigilants, surtout compte tenu de la situation actuelle de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Vincent Placé. Je suis révolté et indigné par les propos qui ont été tenus à la tribune de la Haute Assemblée. Je m’associe donc pleinement à ce que viennent de dire le président du groupe socialiste et républicain, notre collègue Didier Guillaume, et le secrétaire national du parti communiste français, notre collègue Pierre Laurent.
Comment peut-on tenir de tels propos, j’aurais pu dire dignes du café du commerce si l’expression n’était aussi méprisante pour les cafés et discourtoise pour le commerce ? (Marques d’approbation amusées sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) En tout cas, nous verrons comment ils seront qualifiés par le bureau du Sénat : « racisme », « xénophobie », « stupidité », « ignorance » ?
Comment peut-on raconter de telles bêtises ? Nous sommes nombreux ici à être les enfants ou les petits-enfants de toutes celles et de tous ceux que l’immigration a amenés dans notre beau pays depuis des dizaines, voire des centaines d’années. Tout le monde sait les difficultés et parfois les violences auxquelles ont été confrontées les communautés qui s’y sont installées : les uns étaient les « Ritals », quand les autres étaient les « Portos » !
Depuis les années soixante, la France a également connu une belle immigration, en provenance notamment d’Afrique du Nord.
Je ne reviendrai pas sur la prétendue réussite des enfants originaires d’Asie du Sud-Est. Encore que cela rendrait mon propos moins solennel et que j’ai des choses à dire sur le sujet… (Sourires.) Comment peut-on raconter de telles bêtises quand on est sénateur de la République ?
J’ai entendu une députée européenne parler de la France « de race blanche ». C’est honteux ! Nous ne pouvons l’accepter.
Nos deux seuls collègues à avoir applaudi les propos qui ont été tenus tout à l'heure sont du Front national. Cela doit rassurer sur le respect que portent à la République l’ensemble des sénatrices et des sénateurs et sur l’attachement à l’humanisme républicain qui est le leur. À cet égard, même si je ne suis pas d’accord avec tous les propos qu’il a tenus, j’ai apprécié ce que Roger Karoutchi a dit sur la question du gaullisme républicain et social, qu’il a toujours incarné.
Mes chers collègues, faisons toutes et tous attention, parce que nous sommes en train de franchir un nouveau cap vers l’extrême droitisation et la lepénisation des esprits. Entendre de pareils propos dans l’enceinte de la Haute Assemblée est tout simplement révoltant ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il est tout à fait exact que nos débats ont été de qualité, et je remercie le président Guillaume de l’avoir souligné.
Le travail accompli par notre rapporteur, même s’il a fait prendre au projet de loi une tournure très différente de celle que le Gouvernement avait arrêtée, nous a permis de déboucher sur un texte qui me paraît refléter l’esprit d’équilibre de la commission des lois comme de la majorité sénatoriale dans son ensemble. Aussi, je tiens à affirmer clairement que notre travail et notre réflexion nous conduisent naturellement à ne souscrire ni de près ni de loin à certains propos qui ont été justement dénoncés. Ces propos ne sont pas les nôtres ! Cette mise au point me semblait indispensable. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Protection de l'enfant
Suite de la discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’enfant (proposition n° 444 [2014-2015], texte de la commission n° 33, rapport n° 32, avis n° 718 [2014-2015]).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE IER (suite)
AMÉLIORER LA GOUVERNANCE NATIONALE ET LOCALE DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 4 bis.
Article 4 bis
(Suppression maintenue)
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mmes Doineau et Deromedi, M. Frassa et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 221-3 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de l’aide sociale à l’enfance répond dans les meilleurs délais aux demandes de coopération transmises par une autorité centrale ou une autre autorité compétente, fondées sur les articles 55 et 56 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 et les articles 31 à 37 de la convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (ensemble trois déclarations) signée à la Haye le 19 octobre 1996. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement, dont le premier signataire est M. Cadic, vise à rétablir un article qui avait été introduit dans le projet de loi par le Sénat en première lecture et qui a été supprimé par l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’inscrire dans la loi les missions qui découlent, pour les services de l’aide sociale à l’enfance, des engagements internationaux souscrits par la France en matière de responsabilité parentale et de protection des enfants. Les articles 55 et 56 du règlement européen n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 doivent en effet s’appliquer dans toutes les affaires de mouvements d’enfants entre frontières, notamment pour leur permettre de rentrer dans leur pays et retrouver leur famille. Or ces dispositions sont souvent méconnues des différents acteurs de la protection de l’enfance qui sont amenés à remplir ces missions de coopération et qui, de ce fait, ne savent pas toujours sur quel fondement se baser pour y répondre ni dans quels délais.
Il paraît donc indispensable que, à l’occasion de ces demandes de communication entre services sociaux, l’autorité judiciaire française compétente soit consultée et, par là même, alertée sur toute procédure engagée à l’étranger concernant un éventuel placement d’enfant français par une autorité étrangère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement.
Si la rédaction de cet amendement semble moins problématique que celle de l’article adopté en première lecture par le Sénat, nous avons besoin d’éléments d’information sur l’application de ce règlement européen.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Cet amendement ne rétablit pas exactement la rédaction de l’amendement adopté en première lecture, qui laissait quelque peu perplexe un certain nombre d’entre nous.
Après une discussion avec son auteur, nous avons pu identifier précisément quel en était l’objet. Cet amendement a donc été récrit de façon à le rendre plus lisible, plus compréhensible et donc plus efficace.
Il vise à inscrire dans la loi les missions qui découlent, pour les services d’aide sociale à l’enfance, des engagements internationaux souscrits par la France en matière de responsabilité parentale et de protection de l’enfant. Il s’agit de situations impliquant le placement d’enfants ayant un parent français à l’étranger et la sollicitation, par les autorités du pays où vit l’enfant, des services de l’aide sociale à l’enfance. Dans ce dossier, porté par M. Cadic, il nous semble en effet nécessaire de préciser que l’autorité française doit être alertée à l’occasion des demandes de communication entre services sociaux.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est rétabli dans cette rédaction.
TITRE II
SÉCURISER LE PARCOURS DE L’ENFANT EN PROTECTION DE L’ENFANCE
Article 5 AA
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 44 est présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 34.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir l’article 5 AA, lequel s’inspirait des recommandations du rapport du Défenseur des droits après l’affaire Marina.
La sécurisation des pratiques d’évaluation des informations préoccupantes est l’un des leviers essentiels de la lutte contre la maltraitance et un moyen efficace d’améliorer les dispositifs de protection de l’enfance.
Le moment de l’information préoccupante, qui est pour beaucoup de familles et d’enfants le premier contact avec les services du département, s’avère souvent déterminant pour la suite de l’accompagnement. Ce moment est également très anxiogène pour les professionnels, qui ont souligné, tout au long de la concertation, leurs difficultés dans l’exercice de cette mission. Ils ont dit leur besoin de références partagées, d’outils efficaces et de collégialité en matière d’évaluation, toutes choses que prévoyait l’article supprimé en commission en sécurisant les conditions d’évaluation de l’information préoccupante et en renvoyant au décret la définition de ces références partagées.
Je précise que ces dispositions sont aussi attendues des associations parties civiles dans l’affaire Bastien avec lesquelles j’ai eu l’occasion d’échanger. Le procès en assises des parents du petit Bastien a révélé la difficulté des services sociaux en l’absence d’une grille de référence, d’un appui dans l’évaluation des informations préoccupantes.
Cet amendement vise également à rétablir l’obligation de prendre en compte la situation des autres enfants présents au domicile. Il est en effet apparu, au cours des différentes rencontres que j’ai pu faire, notamment avec d’anciens bénéficiaires de la protection de l’enfance, que les frères et sœurs d’un enfant faisant l’objet d’une information préoccupante, voire d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, ne faisaient pas systématiquement l’objet d’un suivi. Cette information a été confirmée par différents professionnels. C’est un peu comme si l’on considérait a priori que le reste de la fratrie pourrait être épargné par les sévices subis par un enfant.
Je souhaite vraiment que cet article, dont je comprends mal la suppression en commission, soit rétabli. Il est indispensable pour permettre aux professionnels de mener une lutte efficace contre la maltraitance, objectif unanimement partagé dans cette assemblée.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à rétablir l’article 5 AA, adopté par l’Assemblée nationale, selon lequel l’évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante devait être réalisée par une équipe pluridisciplinaire spécifiquement formée à cet effet.
Les intervenants travaillent encore trop souvent seuls. Une réflexion technique et collégiale, mais aussi le croisement des points de vue des différentes personnes ressources faciliteront la prise de décision.
Cette évaluation doit aussi donner lieu à l’évaluation de la situation des autres mineurs présents au même domicile.
Il s’agit donc de permettre le traitement harmonisé des informations préoccupantes, dans la mesure où le choix du mode d’organisation de la phase d’évaluation de ces mêmes informations préoccupantes appartient à chaque conseil départemental, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard et Placé, Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’évaluation de la situation d’un mineur, à partir d’une information préoccupante, est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels spécifiquement formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise également à rétablir l’article 5 AA, supprimé en commission.
Selon nous, cet article abordait un aspect absolument fondamental de la chaîne du dispositif de protection de l’enfant, à savoir la coordination entre plusieurs professionnels dans le cadre du repérage des situations préoccupantes.
Ce moment du repérage est particulièrement délicat, à la croisée d’enjeux majeurs. La pluralité des compétences de chacun, au sein de cette équipe pluridisciplinaire, nous paraît essentielle, d’où notre inquiétude quant à la suppression de cet article.
Encore une fois, le maintien de ce dispositif nous paraît fondamental pour évaluer la situation dans toutes ses dimensions et s’assurer qu’aucun enfant ne passe entre les mailles du filet.
La deuxième partie de l’amendement concerne la situation des autres enfants présents au domicile. Il nous semble logique de vérifier si le reste de la fratrie est susceptible d’être concerné par le dispositif d’aide familiale ou de protection de l’enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements ; à titre personnel, j’y suis néanmoins favorable.
À mes yeux, l’amendement du Gouvernement ainsi que celui de Mme Campion, présenté par M. Courteau, vont dans le bon sens. Les drames dont nous avons régulièrement connaissance démontrent la nécessité de renforcer le traitement des informations préoccupantes. Il s’agit, sans remettre en cause la responsabilité du président ou de la présidente du conseil départemental dans le recueil et le traitement des informations préoccupantes, de définir un cadre valable sur l’ensemble du territoire afin d’éviter que des situations de danger ne soient pas décelées. Il ne s’agit donc nullement d’une ingérence, mais plutôt d’une mesure de coordination des politiques menées au niveau local.
La préoccupation sous-jacente est toujours la même : il s’agit non pas d’entraver la libre administration des collectivités territoriales, mais de réduire l’hétérogénéité qui caractérise la composition et le fonctionnement des cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. Il y va de l’égalité de traitement des enfants protégés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 38 ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. L’amendement de Mme Archimbaud est très proche de ceux du Gouvernement et de Mme Campion, mais ces derniers précisent que les professionnels réalisant l’évaluation de l’information préoccupante sont non seulement « formés », mais aussi « identifiés ».
Peut-être Mme Archimbaud accepterait-elle de nous retrouver sur cette rédaction ?