M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour la réplique.
Mme Catherine Troendlé. Madame la ministre, je ne suis pas une élève face à une prof ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
S’agissant de la rentrée scolaire, vous êtes dans un déni total. Je vous invite à faire preuve de plus de lucidité et de pragmatisme ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir été si nombreux présents à cette première séance de questions d’actualité de la session, et je suis heureux que plusieurs auteurs de question aient usé de la possibilité désormais offerte de répliquer.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
7
Déclaration des groupes d'opposition ou minoritaires
M. le président. En application de l’article 5 bis de notre règlement, j’ai reçu les déclarations des présidents de groupe qui souhaitent être reconnus comme groupes d’opposition ou groupes minoritaires au sens de l’article 51-1 de la Constitution.
M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, a fait connaître que son groupe se déclare comme groupe d’opposition. M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE, et M. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste, ont quant à eux fait savoir que leurs groupes se déclarent comme groupes minoritaires.
Chacun de ces groupes pourra donc, au cours de la session, bénéficier des droits attribués aux groupes d’opposition et minoritaires par la Constitution et notre règlement, notamment dans le cadre des « espaces » qui leur sont réservés.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 1er octobre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui avait adressé un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 706-73 du code de la procédure pénale (Infractions relevant de la délinquance et de la criminalité ; 2015-508 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
9
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du chapitre V du titre IV, l’examen des amendements déposés à l’article 47.
Article 47 (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 447, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 51, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les données mises à disposition, notamment temporelles ou géographiques, ne doivent pas permettre d'isoler, seules ou par croisement, de groupes inférieurs à vingt individus.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Nous nous situons ici dans la continuité des discussions que nous avons eues ce matin. Je n’infligerai donc pas de nouveau à notre assemblée l’ensemble des réflexions formulées par la DREES, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
Les dispositions de cet amendement, si elles diffèrent quelque peu de celles qui concernent la date de décès ou de la naissance, vont dans le même sens. Il s’agit en l’occurrence que les données mises à disposition ne puissent permettre d’isoler, seules ou par croisement, des groupes inférieurs à vingt individus.
Nous avons retenu ce seuil, car c’est celui que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, avait fixé lors de l’instauration du SNIIRAM, le système national d’information interrégimes de l’assurance maladie, c’est-à-dire la base de soins de ville de l’assurance maladie. C’est le seuil en dessous duquel la CNIL estimait que le risque de réidentification était trop important. Comme nous l’avons vu ce matin, selon le témoignage de la DREES elle-même, ce risque est encore plus élevé avec l’autre grande base publique qu’est le programme de médicalisation des systèmes d’information, le PMSI.
Par conséquent, il me semble que, parmi les garanties d’anonymisation nécessaire, devrait figurer ce seuil.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet que les données mises à disposition ne puissent permettre d’isoler des groupes de moins de vingt individus. Il nous semble soulever deux difficultés.
En premier lieu, il est possible qu’une recherche nécessite d’isoler un groupe de moins de vingt individus, voire des individus isolés. Il suffit de penser, par exemple, à des recherches qui pourraient être conduites sur des maladies très rares. À ce titre, il ne faut pas confondre « isoler » et « identifier ». Utiliser certaines données relatives à un individu ne signifie pas qu’il pourra être réidentifié.
En second lieu, la rédaction proposée présente l’inconvénient de figer a priori une méthode d’anonymisation. Or la méthode pourra être différente selon les données concernées et leur caractère plus ou moins sensible. Il nous a semblé qu’il fallait sur ce point laisser de la souplesse aux organismes concernés.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Au-delà des débats que nous avons eus ce matin et de l’argument de Mme Deroche selon lequel certaines études peuvent nécessiter des groupes de moins de vingt personnes, si l’on suivait votre raisonnement, monsieur le sénateur, on ne pourrait plus mener d’études sur des groupes de moins de vingt personnes autrement qu’en open data, ce qui ne se justifie pas nécessairement.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement, auquel, sinon, il donnera un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Malhuret, l’amendement n° 447 est-il maintenu ?
M. Claude Malhuret. Je le maintiens, même sans espoir ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 485 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Génisson, M. Sueur, Mmes Yonnet et Jourda, M. Lalande, Mmes Bonnefoy et Khiari, M. Poher, Mme Emery-Dumas, M. J.C. Leroy, Mme Espagnac, M. Cazeau, Mme Bataille, MM. Courteau, Godefroy et Cornano, Mme Lienemann et MM. Labazée, Durain, Desplan, Raynal et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 52
Remplacer les mots :
un organisme distinct du responsable du système national des données de santé et des responsables des traitements
par les mots :
un service dédié exclusivement à cette seule mission
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Je me permets, dans le prolongement de ce que vient de dire Claude Malhuret, d’insister sur un point : nous n’avons aucune garantie qu’il n’y a pas de risque de désanonymisation. Nous savons tous, et il faut avoir cet élément bien en tête lorsque nous débattons de cette question, qu’il n’existe pas de solution d’anonymisation qui soit parfaite. Toutes les solutions que nous pourrons mettre en place présenteront toujours une faille dans ces domaines, ainsi que nous le dit l’ensemble des spécialistes.
L'amendement n° 485 rectifié bis vise un sujet extrêmement sensible. Il est en effet question dans le cadre du système national des données de santé, le SNDS, de pouvoir utiliser plus largement le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, le NIR, qui a été jusque-là cantonné à des usages relevant des domaines sanitaire et médico-social. Le numéro de sécurité sociale pourra ainsi figurer parmi les éléments à partir desquels une réidentification des personnes, dans des cadres fixés par la loi, interviendra.
Il est précisé que ces données ne devront être détenues que par un organisme distinct du responsable de traitement, ce qui va dans le bon sens.
Nous souhaiterions avoir l’engagement du Gouvernement qu’il ne s’agira pas seulement d’un organisme distinct, mais que cet organisme aura pour rôle exclusif de gérer ces données, en particulier le NIR.
En effet, si cet organisme exerce d’autres missions au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie, qui, elle aussi, peut procéder à des études, des évaluations, des recherches ou toute autre activité, nous redoutons qu’il n’y ait une dissémination de cette information, qui est essentielle et dont la confidentialité doit évidemment être préservée.
Par cet amendement d’appel, nous voulons que le Gouvernement nous précise dans quelles conditions fonctionnera ce que l’on a appelé le « tiers de confiance », cet organisme distinct qui pourra conserver ces données les plus essentielles, afin d’identifier les personnes lorsque les conditions seront réunies. Il nous semble nécessaire – j’insiste sur ce point – que cet organisme ne soit pas seulement distinct de la caisse, du responsable de traitement, mais qu’il soit aussi exclusivement chargé de cette mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il a semblé à la commission que la précision que vous introduisez, monsieur le sénateur, ne permet pas de renforcer les garanties dans le sens que vous souhaitez.
En effet, renforcer la séparation sur le plan organique ne sera sans doute que peu opérant. Même si un service dédié est mis en place – il le sera, par exemple, au sein de la CNAM –, on pourra s’interroger sur son indépendance. L’alinéa 53 prévoit une séparation de nature fonctionnelle qui nous paraît plus efficace. La clef de correspondance entre les différentes données qui permettra de réidentifier les personnes sera détenue par un organisme autonome.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y donnera un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel : vous souhaitez que nous précisions les conditions dans lesquelles le tiers de confiance pourrait intervenir.
Ces conditions seront définies par la CNIL elle-même. C’est la raison pour laquelle l’option que vous suggérez selon laquelle la Caisse nationale d’assurance maladie serait le tiers de confiance n’est pas envisageable. La CNIL elle-même en a écarté le principe en considérant que le tiers de confiance ne peut être celui qui est le producteur, le fournisseur ou l’exploitant des données, et qu’il faut donc avoir un organisme autonome, gage de transparence et de confiance.
Ce tiers de confiance pourra donc être différent selon les études. Et c’est la CNIL qui se prononcera sur la possibilité pour tel ou tel organisme de jouer ce rôle. En tout cas, cette instance a d’ores et déjà indiqué que ce ne pouvait être la Caisse nationale d’assurance maladie.
Mme la présidente. Monsieur Gorce, l’amendement n° 485 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gaëtan Gorce. Comme je l’ai laissé entendre, je vais retirer cet amendement, même si je ne suis pas totalement rassuré par les indications que Mme la ministre vient de m’apporter.
Je ne suggérais pas que la Caisse nationale d’assurance maladie joue le rôle de responsable de traitement et de tiers de confiance. Je souhaitais savoir quel était le tiers de confiance qui pouvait être envisagé dans les situations auxquelles l’administration est le plus fréquemment confrontée et m’assurer que ce tiers de confiance aurait bien une mission exclusive.
Que ce tiers de confiance soit distinct du responsable de traitement, c’est, dans sa rédaction actuelle, le texte qui nous est présenté. Qu’il ait cette mission exclusive, c’était, me semble-t-il, la garantie que l’organisme qui aurait à gérer ces garanties, notamment le NIR, ne puisse l’utiliser – même si le droit ne lui en sera pas donné – dans d’autres circonstances. Je souhaite que le Gouvernement aille en ce sens, au travers du décret qui sera voté, avec la CNIL.
Cela étant, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Mes propos ont pu laisser planer une ambiguïté que je souhaite lever. Il n’y aura pas des tiers de confiance, mais un tiers de confiance. Il n’y aura pas la possibilité d’organismes différents selon les situations. Il y aura un tiers de confiance, qui sera identifié par la CNIL. Le choix de ce tiers de confiance se fera par un décret en Conseil d’État.
L’une des pistes de réflexion est que ce soit l’Imprimerie nationale. D’autres possibilités sont envisageables, mais en tout cas la garantie sera apportée d’une procédure supervisée par la CNIL et vérifiée par le Conseil d’État.
Mme la présidente. L'amendement n° 485 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 215 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 84
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 161-28-1 du même code, il est inséré un article L. 161-28-… ainsi rédigé :
« Art. L. 161-28-… – Les praticiens-conseils sont garants de la confidentialité des données médicales détenues par les organismes d'assurance maladie. »
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Autant on peut être favorable à ce que toutes les données détenues par les caisses d’assurance maladie puissent être exploitées sur le plan statistique, afin, notamment, d’avoir connaissance des phénomènes épidémiques dans divers secteurs, autant on peut s’inquiéter – nous sommes plusieurs dans ce cas – de la confidentialité des données médicales de chacun d’entre nous.
Cela constitue à mes yeux un véritable problème. Par cet amendement, probablement d’appel, nous entendons renforcer le rôle des praticiens-conseils dans la garantie de confidentialité des données médicales de chaque individu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a jugé que, si les praticiens-conseils sont évidemment bien les garants du secret médical, ils ne peuvent en revanche être les seuls garants de la confidentialité des données, dans la mesure où les responsables de traitement de ces données sont également concernés.
La commission vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Barbier, l'amendement n° 215 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 215 rectifié est retiré.
L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 99
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces accès sont assurés dans des conditions garantissant l'anonymat des personnes bénéficiant des prestations de soins ou de prises en charge et d'accompagnements médico-sociaux dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Barbier, l'amendement n° 216 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 216 rectifié est retiré.
L'amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 101, première phrase
Après les mots :
agence régionale de santé
insérer les mots :
ayant la qualité de médecin
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Barbier, l'amendement n° 217 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 217 rectifié est retiré.
L'amendement n° 486 rectifié ter, présenté par M. Gorce, Mme Génisson, M. Sueur, Mmes Yonnet et Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mmes Bonnefoy et Khiari, M. Poher, Mme Emery-Dumas, MM. J.C. Leroy et Raoul, Mme Espagnac, M. Cazeau, Mme Bataille, MM. Courteau, Godefroy et Cornano, Mme Lienemann et MM. Raynal, Durain, Desplan et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 106
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques est alors confié à l’organisme tiers habilité à détenir cet identifiant et chargé des appariements mentionné à l’article L. 1461-5. Un décret pris en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application de cet article.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Le problème que nous entendons traiter par cet amendement est à nouveau l’utilisation du numéro de sécurité sociale, ou NIR, qui doit se faire avec beaucoup de prudence et de précautions.
Ce projet de loi dispose que, lorsqu’il sera possible d’engager des études nécessitant une levée de l’anonymisation, on pourra obtenir, par autorisation de la CNIL, accès aux données conservées par le tiers de confiance, données parmi lesquelles figure le numéro de sécurité sociale.
Nous venons d’évoquer de manière générale la question du tiers de confiance. Dans la rédaction actuelle du projet de loi, si je ne m’abuse, afin que ces données soient conservées à part du responsable du traitement, dans l’hypothèse où l’autorisation de la CNIL serait donnée pour mener une étude, l’accès aux données détenues par le tiers de confiance se ferait directement. Par conséquent, ces données pourraient être utilisées pour des motifs de recherche par l’auteur de la recherche ou de l’étude lui-même.
Il nous paraît donc nécessaire d’introduire dans le cas des études scientifiques une garantie identique à celle qui existe pour le reste du fonctionnement du système national de santé : disposer que, lorsqu’un organisme d’étude, d’évaluation ou de recherche sera autorisé à accéder à ces données, il ne pourra le faire que par l’intermédiaire d’un tiers de confiance ; il aura communication des informations, mais ne pourra pas détenir ou éventuellement utiliser les clefs permettant d’y accéder. En particulier, il ne pourrait pas détenir le NIR à cette occasion.
Voilà la garantie que nous souhaitons apporter à travers cet amendement, qui nous paraît répondre à une petite faiblesse du texte en la matière ; il est en effet souhaitable que nous ayons les mêmes garanties dans un cas comme dans l’autre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La question posée par M. Gorce et les cosignataires de cet amendement est extrêmement importante.
Nos collègues entendent soumettre l’utilisation du NIR en matière de recherche médicale au même régime particulier que dans le cadre du système national des données de santé, ou SNDS. Dans un cas comme dans l’autre, le NIR devrait être détenu par un unique organisme tiers de confiance.
Le recours au tiers de confiance se justifie pour le SNDS, car l’utilisation du NIR permettrait la réidentification précise de toute la base. Il faut donc éviter que le gestionnaire du SNDS détienne aussi la clef de correspondance avec le NIR.
Ce schéma, demandez-vous avec raison, mon cher collègue, est-il transposable à l’utilisation du NIR dans le cadre d’une recherche biomédicale ?
À l’heure actuelle, une telle utilisation par des organismes d’État ou des personnes morales assurant une mission de service public ne peut être autorisée que par décret en Conseil d’État, pris avec avis de la CNIL. Les organismes privés sont quant à eux soumis à la seule autorisation de la CNIL.
Demain, cette utilisation du NIR pourrait être autorisée par la seule CNIL, selon la procédure définie au chapitre 9 de la loi Informatique et libertés. Elle ne concernerait que les traitements à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation. Elle ne serait plus limitée aux seuls organismes d’État ou de service public ; elle exclurait, en revanche, tous les établissements à but lucratif, ainsi que les mutuelles.
Prévoir dans ce nouveau cadre, comme le proposent les auteurs de cet amendement, que le NIR soit confié à un organisme tiers, risque certes de poser une difficulté de gestion pour les chercheurs et d’être de peu d’effet lorsque la cohorte sur laquelle porte l’étude est déjà très identifiée ou peu nombreuse. En revanche, pour d’autres études plus importantes, qui porteraient sur des données anonymisées, le recours au NIR faciliterait l’identification éventuelle et pourrait justifier le recours à un tiers de confiance qui, seul, détiendrait les clefs de cette réidentification.
Après réflexion, la solution à ce problème pourrait être de confier à la CNIL l’appréciation de l’opportunité, selon la recherche considérée, de faire appel ou non à un tiers de confiance.
Cela supposerait de rectifier l’amendement. Par conséquent, monsieur Gorce, nous vous proposons de rédiger ainsi les deux phrases qui, dans votre amendement, complètent l’alinéa 106 :
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés peut imposer que le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques soit alors confié à un organisme tiers, distinct du responsable de traitement, habilité à détenir cet identifiant et chargé de procéder aux appariements nécessaires. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application du présent article. »
La commission des lois émettra un avis favorable sur cet amendement si vous voulez bien le rectifier, faisant droit à la tentative d’explication que je vous ai donnée à l’instant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je dois dire que je me retrouve assez dans l’avis que vient d’émettre M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
Il est vrai que se pose parfois le cas de cohortes relativement importantes, dans lesquelles la réidentification pourrait se faire et déboucher sur des conséquences qui n’ont aucunement été prévues par l’étude initiale et les auteurs de la recherche a priori.
Il faut donc sans doute sécuriser ce cas de figure. Il est vrai que la rédaction actuelle de l’article, à ce stade, ne prend pas en compte ce point spécifique, mais se place plutôt dans la perspective d’études moins importantes, dans lesquelles une appréciation au cas par cas de la démarche à engager pourrait avoir lieu.
Dans le cadre de cette discussion, je suis favorable à la rectification proposée par M. le rapporteur pour avis. Si vous vouliez bien l’accepter, monsieur Gorce, votre amendement, qui ne serait plus un amendement d’appel, recevrait un avis favorable du Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur Gorce, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur pour avis et par Mme la ministre ?
M. Gaëtan Gorce. Ancien membre de la commission des lois, je reconnais bien là la capacité de ses membres à trouver des solutions juridiques élégantes et satisfaisantes. Je remercie par ailleurs Mme la ministre, dont je connais la compétence et la bienveillance, d’avoir accepté cette modification.
Face à tant d’empressement, je suis évidemment prêt à me rallier à la rédaction qui nous est proposée !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 486 rectifié quater, présenté par M. Gorce, Mme Génisson, M. Sueur, Mmes Yonnet et Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mmes Bonnefoy et Khiari, M. Poher, Mme Emery-Dumas, MM. J.C. Leroy et Raoul, Mme Espagnac, M. Cazeau, Mme Bataille, MM. Courteau, Godefroy et Cornano, Mme Lienemann et MM. Raynal, Durain, Desplan et Vandierendonck, et ainsi libellé :
Alinéa 106
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La Commission nationale de l’informatique et des libertés peut imposer que le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques soit alors confié à un organisme tiers, distinct du responsable de traitement, habilité à détenir cet identifiant et chargé de procéder aux appariements nécessaires. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt la présentation de cet amendement faite par notre collègue Gaëtan Gorce.
Compte tenu des explications fournies par M. le rapporteur pour avis de la commission des lois sur ce sujet somme toute très compliqué et très personnel du numéro de sécurité sociale, dont on parle beaucoup, et de la finalité de cet amendement en matière tant de recherche médicale que de confidentialité, je le voterai volontiers.
Mme la présidente. L'amendement n° 398 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Lenoir et Husson, Mme Gruny et M. Bizet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 114
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – Dès lors que la Commission nationale de l’informatique et des libertés reconnaît la conformité à la présente loi du procédé mis en œuvre par le responsable du traitement pour garantir l’anonymisation complète des données personnelles, objet du traitement autorisé conformément au III, les caisses nationales des régimes de base d’assurance maladie ou le groupement d'intérêt économique créé par elles en application de l’article L. 115-5, remettent, si nécessaire, au responsable du traitement, le cas échéant au responsable du laboratoire de recherche ou du bureau d’étude, et aux frais de ce dernier, les données et outils nécessaires à la mise en place effective dudit traitement. » ;
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.