M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, nous partageons évidemment la même conviction. (Rires et exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Comment peut-on rire quand il s’agit d’une situation aussi dramatique ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Cette guerre qui déchire la Syrie depuis quatre ans et demi doit cesser et les barbares de Daech doivent être vaincus au plus vite. L’action militaire est nécessaire et la France y est engagée.
Aujourd’hui, c’est la France qui frappe Daech en Syrie, ce n’est pas la Russie ! Nous devrions tous être derrière les forces françaises lorsqu’elles s’attaquent à ce groupe terroriste qui menace la sécurité internationale et la sécurité des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Dans le même temps, la solution en Syrie passe par une transition politique, qui elle-même passe par le départ de Bachar al-Assad. Le Président de la République l’a en effet clairement rappelé lundi dernier à la tribune des Nations unies.
Qui peut penser un instant qu’un tyran responsable de la mort de plus de 240 000 de ses compatriotes et d’un exode de plusieurs millions de personnes puisse incarner l’avenir de son pays ? Qui peut penser que le principal responsable du problème puisse faire partie de la solution ?
C’est pourquoi, avec ses partenaires, y compris l’Iran et la Russie, mais aussi les pays voisins, les pays du Golfe, la France redouble d’efforts pour trouver une issue à ce conflit, éviter une division entre sunnites et chiites et faire en sorte que tous les acteurs soient engagés dans une transition politique vers une paix future en Syrie.
Notre stratégie est donc globale. Elle inclut une action contre les djihado-terroristes de Daech, un processus politique dans le cadre agréé à Genève au mois de juin 2012 et, ne l’oublions pas, une aide massive aux pays voisins pour que les réfugiés puissent continuer à y être accueillis dans les meilleures conditions.
Nous sommes donc en permanence à l’initiative pour faire émerger une solution politique dans ce pays, pour protéger les Français et pour combattre le terrorisme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
permission accordée à un détenu fiché « s »
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour le groupe de l'UDI-UC.
M. Jean-Claude Luche. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Depuis dix jours maintenant, un homme est activement recherché par la police. Condamné pour des vols à main armée avec violence, il était incarcéré au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, en Seine-et-Marne. Dimanche 20 septembre, il n’est pas rentré de permission.
Si l’affaire est si préoccupante, c’est parce que ce détenu a été identifié comme étant en voie de radicalisation.
Comment un tel détenu a-t-il pu bénéficier d’une permission sans même que celle-ci soit accompagnée des mesures de surveillance et des précautions appropriées ? (Incroyable ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment un tel risque a-t-il pu être pris ?
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Jean-Claude Luche. Madame le garde des sceaux, pouvez-vous aujourd’hui nous dire où en sont les recherches ?
Comment ne pas s’interroger également sur le processus de radicalisation dans lequel est apparemment tombé ce détenu ? Il y a bien longtemps que la prison a été identifiée comme un lieu particulièrement propice à la radicalisation. Les exemples dramatiques de terroristes s’étant radicalisés lors de leur passage en prison – pour certains dans le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin – n’ont fait que nous le confirmer.
Madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous donner les premiers résultats du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes et des mesures que vous avez prises face à cette réalité au mois de mars dernier ? Je pense notamment au recrutement d’aumôniers musulmans en prison, à l’augmentation du nombre d’heures d’enseignement en détention, mais aussi au renforcement annoncé du renseignement pénitentiaire.
Enfin, si ces mesures tendent à agir en amont, quelles sont vos actions face aux prisonniers dont on connaît déjà la radicalisation ?
Dans son excellent rapport du 1er avril 2015, la commission d’enquête du Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, présidée par Nathalie Goulet, formulait plusieurs propositions pour adapter la réponse pénale et carcérale. Parmi celles-ci figurait l’isolement des individus radicalisés dans un quartier à l’écart au sein des maisons d’arrêt.
Aujourd’hui, seuls les très radicalisés sont soumis au régime de l’isolement. Qu’en est-il des autres ? Allez-vous généraliser l’expérience des « quartiers dédiés » ? Les détenus radicalisés qui ne sont pas isolés font-ils l’objet d’un suivi particulier ? Le détenu aujourd’hui en « cavale » faisait-il l’objet d’une telle procédure ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. En effet, monsieur le sénateur, un détenu n’a pas réintégré son établissement dimanche. C’est un fait grave, comme toujours.
Le nécessaire a immédiatement été fait. Le procureur de la République, qui, tout comme le commissariat de police, en a aussitôt été avisé, a décidé de lancer un mandat d’arrêt et a fait inscrire ce détenu sur le fichier des personnes recherchées. Tout est mis en œuvre pour le retrouver.
Vous l’avez rappelé, ce détenu a été condamné pour vol aggravé et recel de vol et a fait l’objet de la part du renseignement pénitentiaire d’un signalement de radicalisation. Il s’agit d’un repérage de prudence, dans la mesure où ce signalement est fondé sur la participation de ce détenu à un groupe de prière. Néanmoins, le signalement a été fait à tous les services de renseignement.
Que faisons-nous pour lutter contre la radicalisation ?
Je rappelle que seulement 15 % des personnes radicalisées se sont radicalisées en prison. Cela signifie que 85 % d’entre elles se sont radicalisées ailleurs, ce qui appelle des politiques publiques ciblées.
Néanmoins, le Gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation voilà maintenant deux ans, un plan gouvernemental au mois d’avril 2014, un autre plan au mois de janvier 2015. En outre, des sessions de formation sont prévues, une surveillance particulière a été décidée, notamment avec une organisation de double séparation à Osny et à Fresnes, une séparation de la population carcérale ainsi qu’une séparation par encellulement individuel.
Lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement, le Gouvernement avait proposé un dispositif de simplification des échanges entre les différents services de renseignement, mais la commission mixte paritaire l’a supprimé. Toutefois, le Gouvernement est en train de finaliser un décret qui précisera les conditions d’intervention dans les établissements pénitentiaires par les techniques de renseignement et par un travail plus efficace encore.
C’est donc bien une action globale qui est menée. Au vu de l’intérêt que vous portez à ce sujet, monsieur le sénateur, nous ne manquerons pas de vous faire parvenir les résultats des mesures engagées pour détecter les signes faibles de radicalisation et détecter plus tôt encore les détenus très radicalisés. Ces derniers sont placés à l’isolement dans des établissements spécialisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Grosdidier. L’erreur, c’était bien d’accorder une permission à celui-là !
élection du maire de paris et transfert de compétences
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. D’abord, merci, monsieur le président, de cette initiative nouvelle, qui a suscité la présence de nombreux collègues.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Mardi 22 septembre, nous avons appris par une indiscrétion du Monde – une fois de plus ! – l’existence d’une note confidentielle de Mme Hidalgo réfléchissant, en catimini, à une réforme du statut de Paris. Cette réforme, qui envisage un redécoupage des arrondissements, devrait notamment faire l’objet d’un projet de loi en 2016.
Nous sommes coutumiers de ces textes pris dans l’urgence pour éviter certaines déconvenues électorales et pour préserver certaines équipes en place…
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. Pierre Charon. Souvenez-vous des élections municipales et départementales, dont les modes de scrutin avaient été réformés en 2013. Leur modification n’a pas empêché à l’arroseur d’être arrosé par les vagues bleues de 2014 et de 2015.
M. David Assouline. Pas à Paris !
M. Pierre Charon. Si Mme Hidalgo réfléchit à une telle organisation de Paris, c’est parce que 2020 est en ligne de mire.
Déjà, pour 2016, année de mise en place du Grand Paris, un amendement déposé en deuxième lecture par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi NOTRe avait pour but d’exclure une élue parisienne du conseil de la Métropole. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il a heureusement été censuré par le Conseil constitutionnel, dont je salue la sagesse.
Depuis deux ans, nous ne cessons d’assister à des tentatives désespérées pour corriger les réactions d’un corps électoral de plus en plus hostile. Ce ne sont ni les binômes départementaux censés représenter des cantons démesurés ni les régions pléthoriques forçant le mariage de la carpe et du lapin qui empêcheront l’inéluctable ! (M. David Assouline s’exclame.)
À l’approche d’élections régionales probablement catastrophiques pour votre camp, il se murmure que la proportionnelle serait envisagée pour les élections législatives... Il n’est qu’à lire le rapport Bartolone-Winock.
Monsieur le ministre, vous dont le sens du dialogue donne un certain crédit dans cet hémicycle,…
Mme Éliane Assassi. Flatterie !
M. Pierre Charon. … pouvez-vous rassurer la représentation nationale, notamment le Sénat, et nous garantir qu’il n’y aura pas un nouveau tripatouillage électoral,...
Mme Éliane Assassi. Ah !
M. David Assouline. C’est un orfèvre qui parle !
M. Pierre Charon. ... un nouveau tour de passe-passe à l’occasion des prochaines élections législatives, de nature à laisser après votre passage une terre brûlée pour la démocratie ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Claude Luche et Pierre Médevielle applaudissent également.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Pierre Charon, vous m’interrogez sur une proposition formulée par Mme Hidalgo, maire de Paris. Cette proposition repose sur quelques idées simples.
Tout d’abord, il s’agit de procéder à la fusion entre la commune de Paris et le département, dans un objectif de simplification et de modernisation.
M. David Assouline. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela répond à l’objectif de rationalisation de notre tissu local prôné par le Gouvernement.
M. Philippe Dallier. Et la Métropole ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bien entendu, cela appelle des expertises, des analyses et des études. Comme vous l’appelez de vos vœux – et je suis certain que c’est également le souhait de Mme le maire de Paris –, ces travaux auront vocation à faire l’objet d’un large débat.
Ensuite, une refonte, voire des modifications seront apportées à la carte des arrondissements. Je comprends que vous vous inquiétiez des conséquences électorales de cette proposition. Quoi qu’il en soit, pour des raisons qui tiennent au droit, monsieur le sénateur, cette modification ne pourrait pas intervenir avant 2020 ni donc avoir les conséquences électorales que vous évoquez. Cela étant, comme vous semblez très sûr du résultat des élections à venir, vous ne pourriez que bénéficier de cette réforme, ce qui devrait pleinement vous satisfaire ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Enfin, Mme Hidalgo propose une nouvelle répartition des compétences entre l’État et la Ville de Paris dans un certain nombre de domaines sur lesquels la Ville de Paris veut affirmer ses prérogatives, parce qu’il s’agit de domaines où elle entend mener une politique publique spécifique. C’est notamment le cas de l’environnement, mais également de la sécurité, sujet qui, je le sais, vous tient particulièrement à cœur.
Sur ce dernier point, j’ai indiqué à Anne Hidalgo que j’étais tout à fait prêt à étudier avec elle ses propositions, puisqu’elles allaient dans la bonne direction. Bien entendu, je rendrai compte de l’état de ces réflexions à la représentation nationale, dans la plus grande transparence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
projet de loi relatif au droit des étrangers
M. le président. La parole est à M. Pierre Camani, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Pierre Camani. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France sera examiné par la Haute Assemblée la semaine prochaine. Il prévoit d’améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour, de faciliter la venue de talents en France et, enfin, d’agir plus efficacement contre l’immigration irrégulière, notamment en renforçant l’action contre les filières.
La politique d’immigration doit être menée en assurant un juste équilibre entre, d’une part, la lutte implacable contre l’immigration illégale et, d’autre part, le bon accueil et l’intégration des étrangers ayant vocation à demeurer en France, comme l’indiquait Matthias Fekl dans son rapport sur la sécurisation des parcours des ressortissants étrangers en France.
Mes chers collègues, nous pouvons tous ici nous accorder sur ces propositions. Pourtant, ce n’est pas le choix qui a été fait par certains, qui, en contradiction avec les principes qui régissent le Sénat, ont cru bon de transmettre à la presse le rapport sénatorial sur ce texte, avant même son adoption en commission.
Je regrette et condamne l’instrumentalisation du travail parlementaire au profit de manœuvres politiciennes. Agir de la sorte, sur un sujet aussi grave, aussi sérieux que la question des étrangers, dans cette maison censée être la gardienne de la raison et de la modération, pose question.
Ce rapport dresse, d’après ce qu’en dit la presse, le constat d’une situation dégradée, qui alimente les fantasmes concernant les étrangers. Le but est, bien sûr, de mettre en cause la politique migratoire menée depuis 2012, laquelle a pourtant montré son efficacité, le Gouvernement ayant notamment anticipé une réforme du droit d’asile.
Ce rapport, mes chers collègues, contient des chiffres erronés, sur lesquels, monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé à de nombreuses reprises.
Je vous demande donc de nous préciser l’action républicaine de l’État en matière d’accueil des étrangers et de lutte contre l’immigration irrégulière, afin que les approximations relayées par la presse puissent être corrigées dans la perspective du débat qui s’annonce, et qui, je l’espère, sera serein. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre sentiment : sur la question de l’immigration, trop d’instincts sont convoqués, trop de fantasmes sont entretenus, trop de contre-vérités sont proférées dans le débat public, trop de chiffres sont frelatés et trop de divisions traversent le pays. Les drames humanitaires, les tragédies qui font l’actualité devraient pourtant nous permettre de dépasser nos différences et de nous rassembler.
La politique du Gouvernement consiste d’abord à réserver un accueil digne à tous ceux qui, persécutés dans leur pays, torturés, emprisonnés, doivent être accueillis en France, conformément à la tradition française. Pour cela, nous avons réformé l’asile. Nous aurons créé 18 500 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA, à la fin du quinquennat. Nous avons mis en œuvre un plan au mois de juin afin d’augmenter nos capacités d’hébergement d’urgence – 11 500 places ont été créées. Nous avons créé des postes à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, ainsi qu’à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, afin de réduire de vingt-quatre à neuf mois la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile.
Le Gouvernement a ensuite la volonté qu’il y ait une politique européenne. Je n’y reviens pas, car j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet la semaine dernière. Je rappelle simplement que nous avons contribué à inspirer cette politique : contrôle extérieur des frontières de l’Union européenne, convention de retour avec les pays de provenance, mise en place d’un mécanisme solidaire dans le cadre d’une harmonisation européenne de la politique de l’asile.
Enfin, il faut faire preuve de fermeté en assurant la soutenabilité de l’accueil de ceux qui doivent être accueillis. Et il faut, pour cela, mener des actions concrètes.
Nous luttons contre les filières de l’immigration irrégulière. Depuis le début de l’année, nous avons ainsi démantelé 190 filières, représentant 3 300 personnes, soit une augmentation depuis 2012 de 25 % du nombre des filières démantelées. En outre, nous renforçons les effectifs des forces de police pour atteindre ce but.
Nous reconduisons ceux qui doivent être reconduits parce qu’ils sont déboutés du droit d’asile ou en situation irrégulière. Depuis 2012, nous avons augmenté de près de 13 % le nombre de ceux qui sont reconduits de façon forcée. À cet égard, nos statistiques ont le mérite de ne pas intégrer ceux qu’on raccompagne en Roumanie ou en Bulgarie, ou encore ceux qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français « flash », parce que nous nous soucions, nous, de donner de vrais chiffres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
négociations dans la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances.
Vous avez présenté hier, monsieur le ministre, le dernier budget du quinquennat que vous pourrez exécuter en totalité. En effet, le budget que vous présenterez l’année prochaine pour 2017 sera nécessairement amendé par celui ou celle qui sera désigné par les Français pour redresser la France. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mais déjà, ou plutôt encore, vous tirez des chèques en blanc. Que dis-je ? Des chèques en bois ! J’évoquerai deux exemples : les impôts et la fonction publique.
Vous annoncez 2 milliards d’euros de baisses d’impôt pour les ménages. Vaste blague ! Rappelons que, depuis 2012, vous avez manié l’assommoir fiscal avec entrain : 55 impôts ont été créés ou augmentés ; des dizaines de milliards d’euros ont été pris sur le pouvoir d’achat des ménages en trois ans.
Comment financerez-vous ces baisses d’impôt ? En fait, nous le savons : tout simplement en faisant les poches des collectivités locales ! Pourtant, des tréfonds de la France, ça gronde. Le 19 septembre dernier, sur l’initiative de notre collègue François Baroin, des maires, de toutes obédiences politiques d’ailleurs, ont manifesté. Or ces gens sont les piliers de la République. Quand le ras-le-bol gagne, il faut l’entendre !
J’en viens à la fonction publique. Vous annoncez aux fonctionnaires que vous allez les augmenter…tenez-vous bien, mes chers collègues !… entre 2017 et 2020. La ficelle est un peu grosse ! Vous aurez sûrement quitté les affaires – en tout cas, on y travaille ! –, et vous laisserez ce dossier en héritage à vos successeurs.
De plus, vous vous asseyez sur la démocratie sociale, comme Emmanuel Macron s’assied, lui, sur la démocratie politique – nous avons entendu ses propos !
Monsieur le ministre, au lieu de nous tendre un miroir aux alouettes, allez-vous enfin prendre les décisions structurelles qui s’imposent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez qualifié de vaste blague notre politique fiscale. La réalité, c’est que 12 millions des 18 millions de foyers fiscaux français verront leurs impôts baisser en 2016.
La véritable blague, monsieur le sénateur, c’est la proposition de la formation politique à laquelle vous appartenez de baisser de 100 milliards d’euros la dépense publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Le jour où vous nous expliquerez comment vous comptez procéder, nous prendrons vos remarques un peu plus au sérieux.
À votre question sur le sujet extrêmement sérieux qu’est la réforme de la fonction publique et de la carrière des fonctionnaires je vais apporter une réponse précise.
Au bout d’un an de négociation avec les neuf organisations syndicales, nous avons fait des propositions de simplification et de modernisation du statut des fonctionnaires, parce que la durée de la vie professionnelle s’allonge, parce qu’on a progressivement laissé se détériorer les niveaux de rémunération à l’embauche, parce qu’il faut résorber des inégalités, notamment entre les hommes et les femmes, parce que, enfin, il y a trop de rigidités aujourd'hui dans la fonction publique et qu’il faut faciliter la mobilité.
Six syndicats sur neuf ont signé cet accord. Nous nous sommes toutefois retrouvés dans une situation inédite : des syndicats représentant 50 % des fonctionnaires étaient favorables à cet accord, alors que des syndicats représentant les autres 50 % étaient contre.
Nous avons pris nos responsabilités, parce que ce gouvernement ne cesse de réformer. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous voulons que ce progrès, qui est le fruit de longues négociations, ne soit pas bloqué par le refus de s’engager de certains.
Vous le savez, monsieur le sénateur, et vous avez pourtant l’air de prôner le contraire, l’immobilisme n’est pas possible. Parce que cette réforme est bonne pour le pays et pour les fonctionnaires, nous avons décidé de l’appliquer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le secrétaire d’État, les faits sont têtus et les chiffres sont les chiffres, comme deux et deux font quatre : l’abaissement du plafond du quotient familial a conduit à prendre 2 milliards d’euros aux ménages, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, 10 milliards d’euros. Ça, c’est du concret !
M. David Assouline. Et combien, le bouclier fiscal ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il y a une différence entre vous et nous s’agissant de la fonction publique : vous créez 8 000 postes supplémentaires cette année ; nous, c’est vrai, nous voulions moins de fonctionnaires, mais nous souhaitions qu’ils soient mieux rémunérés. Voilà la feuille de route pour nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
réforme de l'école
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Troendlé. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, la Cour des comptes a publié il y a deux jours un rapport dans lequel elle pointe le surcoût du lycée français. Nous dépensons 38 % que nos voisins de plus pour le lycée et, dans le même temps, nous dépensons 20 % de moins pour l’enseignement primaire. Nous concentrons nos moyens à un moment de la scolarité où l’échec scolaire est tellement enraciné qu’il n’est plus résorbable.
C’est à l’école maternelle et à l’école élémentaire que les élèves apprennent à lire, à écrire et à compter, non au lycée. C’est donc sur l’école primaire que nous devons concentrer nos moyens. L’enseignement primaire doit être la priorité dans le cadre de la refondation de l’école.
La vérité, c’est que les quelques postes que vous avez créés l’ont été plutôt dans le secondaire que dans le primaire. Vous n’atteindrez pas les objectifs de préscolarisation des enfants de moins de trois ans que vous avez fixés. Compte tenu de la diminution massive des dotations de l’État, les collectivités ne pourront pas investir pour accueillir ces enfants.
Vous avez réformé les programmes de la maternelle, mais votre administration ne s’est jamais demandé si les méthodes d’enseignement de la lecture mises à disposition des enseignants ne conduisaient pas à produire de l’illettrisme et de l’échec scolaire.
Enfin, madame la ministre, votre gouvernement a augmenté de 4 milliards d’euros le budget de l’éducation nationale, ce qui est autant en moins pour la défense et pour la protection sociale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme la ministre manifeste son étonnement.) Vous avez préféré faire appel au portefeuille des Français, sans vous demander si les centaines d’options proposées au lycée ne pouvaient pas constituer une source importante d’économies.
Ma question est très simple : quel est l’objectif de la politique du Gouvernement en matière d’éducation ? En fait, quelle est sa cohérence, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Claude Luche et Pierre Médevielle applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, j’ai fait un rêve ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Oui, vous voyant prendre la parole sur l’éducation, j’ai fait le rêve que, en ce début d’année scolaire, vous commenceriez peut-être par souligner le fait que la rentrée scolaire s’était fort bien passée partout sur le territoire, y compris dans votre département. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mais c’était sans doute trop vous demander !
Je déduis donc de votre question que, sur certaines travées du Sénat, on n’a pas encore pris de bonnes résolutions en ce début d’année scolaire. C’est dommage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Pour ma part, j’en ai pris, de bonnes résolutions, notamment celle de faire de la pédagogie. Je vais donc vous répondre en détail, madame la sénatrice, et peut-être cela vous aidera-t-il enfin à comprendre en quoi les réformes que nous conduisons depuis 2012 ont permis que la rentrée scolaire se passe bien. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, recréer des postes dans l’éducation nationale – je précise que nous en avons recréé 35 200 – est utile pour avoir un enseignant dans chaque salle de classe, voire plus d’enseignants que de classes puisqu’il y a plus de maîtres que de classes à l’école primaire.
Oui, réinstaurer une formation initiale pour les enseignants, formation que vous aviez eu l’idée inepte de supprimer, permet d’avoir des enseignants mieux formés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain ; – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
Oui, la refondation de l’école que vous avez adoptée ici en 2013 a commencé, comme son nom l’indique, par les fondations, c'est-à-dire par l’école primaire, et même par l’école maternelle. À cet égard, les nouveaux programmes de l’école maternelle sont plébiscités par les enseignants eux-mêmes.
Oui, l’ensemble de la scolarité obligatoire des élèves est désormais revu : j’ai récemment présenté de nouveaux programmes et une réforme de l’évaluation ; un nouveau collège verra le jour à la rentrée prochaine.
Je pense qu’on ne peut vraiment pas reprocher au Gouvernement d’avoir maltraité l’éducation, bien au contraire.
Madame Troendlé, vous avez évoqué le lycée, mais je vous rappelle que c’est votre réforme qui est mise en cause par la Cour des comptes, la réforme de 2010, laquelle est en effet insatisfaisante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.) Pour notre part, nous allons tirer le bilan de cette réforme et nous verrons alors comment prendre en compte les remarques de la Cour des comptes. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)