Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Nous ne sommes pas ici pour établir des protocoles de suivi de traitement ! Nous avons la chance d’avoir la Haute Autorité de santé, qui fait un travail très important. Il faut faire confiance aux fiches et recommandations qu’elle produit, sans quoi nous allons légiférer à tort et à travers. Si nous nous en remettons à la HAS, le problème sera bien traité.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Mme la ministre nous a fourni des réponses. Il faudra suivre le travail qui est mené, mais aussi veiller à le faire connaître, car il me semble que nos concitoyens ignorent les mesures prises par la CNAM.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Il s’agit non pas de faire en sorte que les parlementaires réalisent le travail de la HAS ou d’autres organismes plus compétents qu’eux – ce n’est pas leur rôle –, mais d’instaurer un suivi médical systématique.
Or il existe un moyen très simple et peu coûteux d’obtenir ce dernier. Il suffirait que, au moment où le salarié qui a été exposé à l’amiante part à la retraite ou cesse son activité pour une autre raison, l’employeur transmette ses fiches d’exposition à la caisse primaire d’assurance maladie.
Madame la ministre, sans entrer dans le contenu des protocoles, j’ai bien noté et je salue les actions de sensibilisation menées, car les salariés qui ont été exposés ne sollicitent pas nécessairement un suivi médical.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je veux rappeler qu’il est toujours très compliqué d’identifier les personnes qui ont été exposées à l’amiante. Je parle d’expérience, puisque, pour avoir travaillé dans le secteur de la construction navale, j’ai pu observer que si les travailleurs de l’État ont bien été répertoriés et suivis, les salariés des établissements de sous-traitance, notamment les femmes qui faisaient le ménage dans les ateliers, ont subi un tout autre sort. Les entreprises ont disparu sans avoir déclaré l’exposition de ces salariés, qui rencontrent aujourd’hui toutes les difficultés à bénéficier de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
En tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais d’ailleurs demandé un rapport sur l’accès individualisé à l’ACAATA. À mes yeux, il est fondamental de pouvoir identifier toutes les personnes qui sont ou ont été exposées à l’amiante.
En 2005, nous avions proposé la création d’une commission départementale englobant tous les responsables susceptibles de reconstituer les carrières des salariés et de témoigner le cas échéant de leur exposition à l’amiante, y compris dans les cas où leur entreprise aurait disparu. Les amendements identiques soulèvent un problème très important, mais j’ai bien entendu les arguments de Mme la ministre et je me range à son avis.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 721 rectifié, 834 et 966 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L'amendement n° 722, présenté par Mmes Cohen, Cukierman et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3253-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception, en cas de reconnaissance de la responsabilité de l’employeur qui n’aurait pas pris les mesures de prévention nécessaires pour protéger ses salariés, les créances dont l’origine est antérieure à la fin du contrat sont dues après la date du redressement judiciaire. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à corriger une injustice quant à l’indemnisation des victimes de l’amiante. En effet, si le préjudice d’anxiété a bien été reconnu dans certains cas, l’indemnisation correspondante peut ne pas être versée compte tenu de l’ancienneté de l’exposition, notamment lorsque l’entreprise a disparu. En adoptant le présent amendement, nous ferions perdurer les obligations de l’entreprise condamnée eu égard aux salariés exposés, sur la base du fonds de garantie auquel celle-ci a cotisé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement traite d’un sujet sensible. Il paraît évidemment injuste que le préjudice subi par un salarié ne soit pas indemnisé. Néanmoins, la question de la succession des créances dans les entreprises étant complexe, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Cette question est effectivement d’une très grande complexité. Une modification du champ des créances couvertes par l’AGS, l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, nécessiterait de mener une expertise approfondie en consultant les parties potentiellement concernées. Cela ne peut pas se décider ainsi à la faveur de l’examen d’un amendement. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 722 est retiré.
Article 11 bis A
(Non modifié)
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-7 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Des valeurs-guides pour l’air intérieur sont définies par décret en Conseil d’État, après avis de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
« Des niveaux de référence pour le radon sont définis par décret en Conseil d’État, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire.
« Ces valeurs-guides et ces niveaux de référence sont fixés en conformité avec ceux définis par l’Union européenne et, le cas échéant, par l’Organisation mondiale de la santé. Ces normes sont régulièrement réévaluées pour prendre en compte les résultats des études médicales et épidémiologiques. » ;
2° L’article L. 227-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 227-1. – Ne sont pas soumises au présent titre les pollutions de tous ordres causées par des substances radioactives, autres que le radon et ses descendants, lorsqu’ils sont d’origine géologique, ainsi que les conditions de création, de fonctionnement et de surveillance des installations nucléaires de base mentionnées à l’article L. 593-1. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 11 bis A
M. le président. L'amendement n° 971, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État peut mettre en place de manière expérimentale des zones à rayonnement électromagnétique limité pour les collectivités qui se porteraient volontaires.
II. – Un décret définit les modalités de mise en œuvre du I et les conditions dans lesquelles cette expérimentation est évaluée. L’expérimentation est d’une durée de deux ans à compter de la publication de ce décret et, au plus tard, à compter du 1er octobre 2015.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Depuis les années quatre-vingt-dix, les systèmes de communication sans fil connaissent un essor important : téléphone portable, 3G, Wifi, Wimax, et depuis peu, déploiement de la 4G.
Ce développement suscite des interrogations au sein de la population, que ce soit de la part d’habitants qui résident à proximité d’une antenne relais existante ou en projet, des usagers, des différentes associations spécialisées qui se sont saisies de cette question, ou encore de la communauté scientifique. Nous évoluons quotidiennement dans un bain électromagnétique.
Les ondes produites ont différentes origines, et, depuis une dizaine d’années, de nombreuses études ont été réalisées dans le monde pour évaluer les effets des ondes électromagnétiques. Un nombre croissant d’experts s’accorde désormais sur les dangers pour la santé induits par une exposition aux champs électromagnétiques issus des technologies de communication sans fil.
À titre d’exemple, les études ou les expertises menées par l’institut de médecine environnementale suédois, par l’équipe TNO aux Pays-Bas, par le programme européen REFLEX, par le National Radiological Protection Board en Grande-Bretagne, ou encore par le Bioinitiative Working Group aux États-Unis établissent des effets sur la santé d’une exposition prolongée aux champs électromagnétiques, ce dès un seuil de 0,7 volt par mètre.
En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a d’ailleurs classé les champs électromagnétiques des fréquences radioélectriques comme potentiellement cancérigènes – classification 2B. Cette classification a déclenché une prise de conscience sur la nécessité d’agir rapidement pour prévenir les effets athermiques des radiofréquences.
C’est pourquoi le présent amendement vise à lancer une expérimentation de zones à rayonnement électromagnétique limité, appelées « zones blanches ».
Des projets, soutenus par des associations et des élus, sont en cours, notamment dans la Drôme. Il convient de lancer une expérimentation à plus grande échelle, afin de protéger les personnes électro-hypersensibles et de faciliter à terme la création de ce type de zones dans différents espaces du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Madame Archimbaud, je comprends bien le problème que vous soulevez car celui-ci s’est présenté dans le territoire rural dont je suis élue.
Un certain nombre d’habitants souhaitant bénéficier d’une couverture par un réseau de téléphonie mobile, nous avons organisé la pose d’une antenne relais avec un opérateur. D’autres habitants se sont alors élevés contre ces travaux, avançant la sensibilité de certains aux rayonnements électromagnétiques.
Dans une telle situation, il faut s’efforcer de concilier les craintes des uns et les exigences des autres en réunissant tout le monde autour d’une table. La concertation permet à chacun d’évoluer. L’antenne relais est aujourd’hui installée, et les personnes très sensibles à ces champs électromagnétiques ont trouvé des réponses dans les propositions que nous leur avons faites.
Sur cette question très controversée, je m’en remets aux travaux de l’ANSES. Dans l’édition 2015 du programme national de recherche « Environnement-santé-travail », l’un des deux appels à projets lancés au mois de novembre 2014 concerne les radiofréquences et la santé.
À mon sens, ces travaux nous apporteront des réponses, qui elles-mêmes évolueront au fil du temps.
Madame la ministre, je me tourne une nouvelle fois vers vous : sur ce sujet, peut-être pouvez-vous nous communiquer de nouveaux éléments ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la rapporteur, il me semble que vous avez fort bien résumé la situation. L’ANSES se penche effectivement sur ces questions.
Madame Archimbaud, à ce jour, les études scientifiques n’ont pas établi de relations de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes associés à l’électro-hypersensibilité.
Pour autant, dans nos départements, on nous parle, on nous témoigne de troubles et de souffrances qui peuvent être très graves et que nous ne pouvons pas ignorer. Nous devons donc œuvrer à l’élaboration des modalités d’une prise en charge adaptée, pour celles et ceux qui éprouvent ces souffrances.
L’ANSES y travaille dans le cadre d’un appel à projets et publiera les conclusions de ses travaux. En outre, le Gouvernement remettra, sur ce sujet, un rapport au Parlement au début de l’année 2016.
Dans l’attente de ces conclusions, je vous invite à retirer votre amendement : pour l’instant, il ne me semble pas que nous puissions aller beaucoup plus loin.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 971 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 971 est retiré.
Article 11 bis B
(Non modifié)
Le chapitre III du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1313-1 est ainsi modifié :
a) Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – la protection de l’environnement, en évaluant l’impact des produits réglementés sur les milieux, la faune et la flore. » ;
b) Au neuvième alinéa, le mot : « également » est supprimé, les mots : « et, pour » sont remplacés par les mots : « ainsi que pour » et, après la deuxième occurrence du mot : « code », la fin de l’alinéa est supprimée ;
c) Après le même neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle exerce également des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation pour les produits biocides mentionnés à l’article L. 522-1 du code de l’environnement. » ;
2° Au 1° de l’article L. 1313-3-1, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième » ;
3° L’article L. 1313-5 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, la référence : « du neuvième alinéa » est remplacée par les références : « des dixième et onzième alinéas » ;
b) À la deuxième phrase du second alinéa, après le mot : « général », sont insérés les mots : « prise en application du dixième alinéa de l’article L. 1313-1 » ;
c) Le même second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le ministre chargé de l’environnement ou le ministre chargé du travail peuvent s’opposer, dans les mêmes conditions, aux décisions prises en application du onzième alinéa du même article. » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 1313-6-1, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième ».
M. le président. L'amendement n° 1201, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement tend à supprimer la mention du transfert de compétences confié à l’ANSES au titre des biocides : ledit transfert figure dans une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. C’est donc une question de cohérence juridique entre les différents textes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Favorable.
M. Gilbert Barbier. C’est une question de logique !
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis B est supprimé.
Articles additionnels après l’article 11 bis B
M. le président. L'amendement n° 973, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’usage des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes est interdit à compter du 1er janvier 2016. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Les néonicotinoïdes sont des insecticides neurotoxiques reconnus redoutables. Ils ont déjà fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle, une soirée durant, au début de cette année.
L’incidence dramatique des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs, les macro-invertébrés et les oiseaux ne peut plus être niée, ni les dangers terribles qu’ils font courir, à travers la pollinisation, à la production agricole tout entière.
En outre, nous le savons à présent, les risques graves que représente cette famille d’insecticides pour la santé humaine ne peuvent plus être exclus.
En effet, dans un communiqué daté du 17 décembre 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a déclaré que « deux insecticides néonicotinoïdes – l’acétamipride et l’imidaclopride – peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain. » Ainsi, cette instance a constaté que ces deux produits « peuvent affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l’apprentissage et la mémoire. »
En 2012 déjà, une étude conduite sur des rats par deux chercheurs, MM. Komuta et Kuroda, avait suggéré que les néonicotinoïdes pouvaient affecter défavorablement la santé humaine, et spécialement, là encore, le développement du cerveau.
Sur cette base, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire canadienne a classé, en 2013, le clothianidine, le thiaclopride et le thiaméthoxam, trois néonicotinoïdes, au rang des perturbateurs endocriniens potentiels.
En 2004, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis avait déjà classé le thiaclopride comme cancérigène probable.
Sur la base des études soulignant l’incidence des néonicotinoïdes sur la mortalité élevée des abeilles et l’apparition de lésions cérébrales chez les enfants, le Parlement néerlandais a, quant à lui, invité le gouvernement d’Amsterdam à adopter un moratoire sur tous les néonicotinoïdes, jusqu’à ce qu’il soit établi que ces derniers n’ont pas d’effet néfaste sur les abeilles et sur la santé humaine.
L’action des pouvoirs publics français est urgente et nécessaire. L’association Générations futures a recherché les cinq principaux néonicotinoïdes dans des aliments végétaux courants non concernés par les restrictions récentes d’usage de ces insecticides. Dans cette étude, qu’elle a rendue publique au mois de juin 2013, elle constate que les aliments testés contiennent, à des degrés divers, certes, mais de manière fréquente, des résidus de ces néonicotinoïdes. Certaines limites maximales en résidus, ou LMR, ont été largement dépassées, et un usage interdit d’un néonicotinoïde a même été mis en lumière sur un échantillon de fraises.
Au total, ce sont 45 % des échantillons de courgettes testées qui contenaient des résidus de néonicotinoïdes, et pas moins de 80 % des échantillons de thé.
Aussi, cet amendement tend à interdire l’usage de produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. Il est assez délicat d’émettre un avis catégorique.
J’ai, par le passé, signé une demande d’interdiction des néonicotinoïdes. Je ne sais s’il m’est permis de parler une nouvelle fois de moi – on me l’a précédemment reproché… Je suis propriétaire de ruches, et les abeilles sont, bien entendu, victimes de ce type de produits.
Néanmoins, j’ai eu l’occasion de rencontrer, avec mes collègues sénateurs du Vaucluse, plusieurs agriculteurs de mon département. Ces derniers subissent d’énormes problèmes à la suite des interdictions déjà prononcées, qu’il s’agisse des cerisiers – la mouche de la cerise est en train de les tuer –, des oliviers ou des pommiers. Dans ce département, les maraîchers cessent leur activité les uns après les autres, car ils ne disposent plus des produits permettant de détruire les insectes s’attaquant à leurs cultures – sont en particulier concernées celles des cerises, des pommes et des poires.
Aussi, la solution n’est pas si évidente qu’il y paraît. Ces traitements peuvent avoir des effets dévastateurs sur certains types d’insectes, c’est vrai. Mais, parallèlement, leur interdiction peut aussi produire les mêmes effets sur l’agriculture, et même sur la nature en général.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un fait, depuis quelque temps, on constate les méfaits que causent certaines catégories de produits phytosanitaires, notamment les néonicotinoïdes, aux insectes en général et aux abeilles en particulier. On ne saurait nier ce problème.
Sur la base de ce constat, une réflexion a été engagée à l’échelle européenne. C’est à ce niveau que les substances considérées font, actuellement, l’objet d’une réévaluation.
À l’échelon de la France, la question est la suivante : cette réévaluation est-elle menée dans des conditions satisfaisantes, au regard des enjeux que nous souhaitons voir pris en compte, et qui – M. Milon vient de le souligner – doivent être équilibrés ? Nous devons faire la juste balance des bénéfices et des risques.
Sans me prononcer, je suis sensible à ce que j’entends, non seulement dans le département dont je suis l’élue mais aussi à l’échelon national, à propos des destructions d’abeilles. Il s’agit là d’un véritable sujet.
À cet égard, Mme la ministre de l’écologie, M. le ministre de l’agriculture et moi-même avons conjointement saisi le directeur général de l’ANSES, par courrier en date du 24 juin dernier – il y a donc relativement peu de temps. Sur la base des nouveaux éléments mis au jour au cours des derniers mois, nous lui avons demandé d’analyser la manière dont est mené le travail par la Commission européenne. Et ce courrier détaille avec précision un certain nombre de critères.
À présent, nous attendons le résultat des travaux de l’ANSES, qui doivent être remis avant la fin de cette année.
Monsieur Labbé, dans l’attente de ces conclusions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 973 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Madame la ministre, j’entends bien vos explications. Mais, dans ce domaine, on nous renvoie toujours à de futures études…
Mme Laurence Cohen. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Je me dois de maintenir cet amendement, ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l’Assemblée nationale a adopté cette interdiction.
Ensuite, je tiens à réagir aux propos que M. le rapporteur a consacrés aux invasions d’insectes.
Sauf erreur de ma part, les néonicotinoïdes n’étaient pas employés avant 1995. Pourtant, il y avait des oliviers en France ; certes, les insectes qui les attaquent existaient également, mais ils avaient, eux aussi, leurs prédateurs. Comme chacun sait, la nature est faite d’équilibres.
Dès lors que, dans certains territoires, les traitements deviennent systématiques, tous ces équilibres sont rompus. Et, lorsqu’on cesse d’employer ces produits, un temps de rééquilibrage est nécessaire. Quoi qu’il en soit, il existe des solutions de substitution.
Je le répète, j’entends bien votre propos. Mais si, en continuant dans cette logique, on persiste à appliquer ces traitements, le problème devient sans fin : la nature est si bien faite que les insectes cibles développent une résistance aux insecticides.
Cette année et l’année dernière, nous avons longuement parlé d’agro-écologie. L’agro-écologie, c’est précisément le rétablissement de ces équilibres naturels et environnementaux !
Afin que la Haute Assemblée puisse prendre position sur ce sujet, je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je souscris aux observations formulées par M. le rapporteur et Mme la ministre : le problème dont il s’agit est difficile à appréhender.
Nul ne le conteste, à l’avenir, l’usage de ces produits est appelé à se réduire, et peut-être un jour à disparaître. Néanmoins, à l’heure actuelle, ces substances sont l’élément de plusieurs cultures, comme le blé ou, plus particulièrement, la betterave.
En l’état actuel des connaissances, il n’existe pas encore de solution de remplacement. Toute interdiction formelle et définitive de ces produits entraînerait donc l’usage d’autres substances, qui se révéleraient aussi nocives pour l’environnement, sinon plus.
Voilà pourquoi il convient d’avancer au fur et à mesure des recherches, en procédant avec prudence.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. À mon tour, je déplore que l’on tente, à diverses reprises, d’inscrire des dispositions de cette nature dans la législation, notamment en modifiant, au titre de ce projet de loi, le code rural et de la pêche maritime. On ne mesure pas bien les conséquences concrètes qu’entraînerait une telle décision.
Je suis issu d’une région où la production légumière a une importance assez significative. Par le passé, les professionnels de ce secteur y ont accompli de nombreux efforts pour améliorer la qualité de leurs produits et réduire significativement le volume des intrants. Toutefois, ils le disent très clairement : si cette famille de produits phytosanitaires devait être totalement interdite, reviendraient nécessairement en usage d’autres traitements qui, eux, peuvent avoir une incidence bien plus négative sur l’environnement.
A fortiori dans le contexte économique que l’agriculture subit aujourd’hui, il faut alléger les contraintes pesant sur les professionnels, et non imposer à ceux-ci des normes supplémentaires.
À ce titre, M. le rapporteur et Mme la ministre ont insisté sur la nécessité de mener une réflexion à l’échelle européenne. Cette remarque me paraît empreinte de bon sens. C’est la voie qu’il convient de suivre : voilà pourquoi il faut absolument rejeter les amendements de ce type.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis sensible aux développements de mes différents collègues, notamment à la nécessité de faire preuve de vigilance quand on souhaite interdire un produit, parce que l’on ne sait pas par quelle autre substance celui-ci peut être remplacé et parce que nous ne disposons peut-être pas des connaissances suffisantes.
Cependant, je rappelle que nous sommes en 2015 et que la planète est de plus en plus polluée. Les pollutions sont de toute nature. Nous qui sommes en train de nous préoccuper de l’organisation de la vingt et unième Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP 21, qui aura lieu maintenant dans quelques semaines, n’oublions pas que les choses sont liées ! Dans l’effort pour préserver la planète, il ne faut pas séparer l’air des mers ou des pesticides.
À cet égard, s’il est effectivement nécessaire d’approfondir les études existantes – cela nous rappelle une fois de plus que la recherche a besoin de moyens financiers pour avancer plus vite –, l’amendement de nos collègues du groupe écologiste me semble quand même important, parce qu’il faut bien, à un moment donné, faire preuve de volontarisme. Nous voterons donc en sa faveur.