M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. … mais le Sénat a, me semble-t-il, permis de stabiliser les différents niveaux de collectivités territoriales.
Certains pourraient être tentés par une opposition totale à ce projet de loi. Or un tel choix revient parfois, permettez-moi de le dire, à se donner le beau rôle. En effet, la sagesse du Sénat a prévalu, notamment grâce à M. le président de la commission des lois et à M. le président du Sénat, qui a beaucoup œuvré en faveur d’un compromis raisonnable.
M. René Vandierendonck, corapporteur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà pourquoi, pour notre institution, le Sénat, comme pour l’avenir de nos communes, de nos départements et de nos régions, je vous invite à approuver ce projet de loi, sans enthousiasme, certes, mais en prenant nos véritables responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Mercier et Jacques Mézard applaudissent également.)
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, avant tout, je tiens à saluer le travail remarquable qu’ont accompli nos deux corapporteurs, René Vandierendonck et Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Ils ont travaillé non pas dans la recherche d’un compromis à tout prix, mais dans une quête persévérante de ce qui est juste et bon pour nos concitoyens et l’équipement de nos territoires. Cet esprit qui a été à l’œuvre dans leur travail, c’est le meilleur esprit sénatorial, c'est-à-dire la transposition de la démocratie municipale au plan national, par l’écoute, le respect et la sincérité.
Pourtant, avec ce texte, nous revenons de loin, et même de très loin !
Le Sénat avait l’ambition de remettre cette réforme d’aplomb. Si nous n’y sommes pas totalement parvenus, reconnaissons que nous avons parcouru beaucoup de chemin dans ce sens.
Souvenons-nous. En avril 2014, le nouveau Premier ministre proclamait son intention non seulement de faire de grandes régions, mais aussi de supprimer les départements !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non, ce n’est pas lui qui a évoqué les grandes régions, qui accompagnaient, au contraire, le maintien des départements. Si ceux-ci avaient été supprimés, nous aurions conservé de petites régions !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dans les semaines qui ont suivi, ayant sans doute constaté qu’il n’avait pas les moyens politiques de réviser la Constitution, il a renoncé à cette évolution.
Les textes adoptés en conseil des ministres le 18 juin 2014 portaient toutefois fortement la trace de cette intention puisque celui dont nous débattons aujourd’hui ne visait à rien de moins qu’à vider le département de sa substance en prévision de sa disparition ultérieure, laquelle était inscrite dans son exposé des motifs.
Au cours de l’été 2014, on a entendu tout et son contraire : on allait créer des fédérations d’intercommunalités pour reprendre les compétences départementales ; on allait, peut-être, maintenir les départements ruraux ; on s’interrogeait sur le rôle futur des caisses d’allocations familiales, susceptibles de reprendre les compétences sociales des départements.
Dans ce véritable concours Lépine de la réforme territoriale, plus personne n’y comprenait rien !
Mme Nicole Bricq. Regardez donc l’avenir plutôt que le passé !
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Souffrez que nous ayons une autre opinion que vous, madame !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Peu après son élection à la présidence du Sénat, Gérard Larcher a jugé indispensable que le Premier ministre vienne clarifier sa démarche devant notre assemblée. Ce fut fait le 28 octobre dernier, date à laquelle il était devenu clair que le Gouvernement n’avait plus l’intention de s’inscrire dans la perspective de la disparition des départements.
Au Sénat, les uns et les autres défendaient des vues différentes, mais nous nous sommes gardés de mettre en avant des oppositions fondamentales de principe. Dès lors, il nous a été possible de cheminer avec nos deux rapporteurs, issus pourtant de groupes politiques différents, pour nous rapprocher d’un compromis. Celui-ci s’est appuyé sur le refus de toute évaporation des compétences départementales.
Évaporation au travers d’une aspiration par le haut, d’abord, c'est-à-dire par les régions, non pas au service de leurs intérêts, mais seulement pour préparer la suppression des départements. Les régions n’ont, en effet, pas intérêt à multiplier les compétences de maintenance et de proximité, qui sont celles des départements. Elles doivent se consacrer à la stratégie, à la politique de développement économique et d’aménagement du territoire.
Évaporation au travers d’une aspiration par le bas, ensuite, c'est-à-dire par les intercommunalités, lesquelles ne peuvent pourtant pas assurer la solidarité des territoires de la même façon que les départements.
Tout le monde s’étant accordé pour renoncer à cette double aspiration des compétences départementales, par le haut et par le bas, un accord est devenu possible.
Reconnaissons que le texte qui nous est soumis aujourd’hui comporte de réelles avancées : il n’a plus rien à voir avec le texte adopté en conseil des ministres le 18 juin 2014.
Les départements conserveront la responsabilité non seulement des politiques de solidarité sociale et de la solidarité territoriale, mais aussi des infrastructures routières, des collèges, de la politique du tourisme, du numérique, des ports, s’ils le souhaitent. Tous ces éléments doivent leur permettre de conserver leur vitalité, leur avenir et leurs capacités d’investissement.
Songez que dans une région comme la Normandie, aujourd’hui, l’investissement provient à 60 % des départements et seulement à 40 % des deux régions !
Nos régions portent la trace des établissements publics régionaux de 1972 : ce sont des collectivités fragiles et faibles. Il ne suffit pas de les avoir regroupées pour les rendre fortes ! Le Gouvernement n’ayant pas accepté de réelles mesures de décentralisation en leur faveur, elles ont beau être agrandies, elles n’en sont pas moins aussi faibles qu’auparavant.
Il y a, selon moi, une grande supercherie à faire passer ces grandes régions pour une innovation puissante, au service de nos concitoyens, tant qu’une vraie décentralisation concernant l’emploi, la carte de l’enseignement supérieur, ainsi, sans doute, que d’autres compétences que l’État exerce mal aujourd’hui et qui pourraient être utilement déléguées aux régions, n’est pas, enfin, envisagée et réalisée.
À propos de ce texte, on peut dire aujourd’hui que le pire a été évité ! (Mme la ministre s’ébaudit.) Beaucoup reste à faire, cependant, pour que les régions françaises puissent réellement atteindre une taille et une puissance européennes, soient capables de parler d’égales à égales avec leurs homologues de l’autre côté des frontières.
À quoi sert une grande région si elle est dépourvue de moyens ? Madame la ministre, l’improvisation qui règne actuellement au niveau gouvernemental quant aux futures ressources susceptibles d’être transférées aux régions me laisse perplexe et m’inquiète, comme beaucoup d’entre nous.
S’il s’agit de déshabiller Pierre pour habiller Paul en prenant à des collectivités qui conservent la plupart de leurs compétences, ainsi que je l’ai démontré, une partie de leurs ressources pour les affecter à une région qui n’en gagne aucune, alors, nous n’aurons certainement pas progressé sur la voie de l’efficacité de nos collectivités territoriales.
Si vous persistez dans l’intention de transférer aux régions une partie importante de la CVAE, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … vous trouverez le Sénat sur votre route.
Concernant le bloc communal, le pire a également été évité. Le seuil de 20 000 habitants a été rejeté par la commission mixte paritaire. Il en a été de même concernant l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct.
Le Haut Conseil des territoires, qui n’a rien à faire dans un pays où le Sénat représente les collectivités territoriales de la République, a été écarté.
Une disposition de la loi Duflot – dont le Sénat n’a pourtant pas l’habitude de dire du bien –, qui avait été l’objet d’un bon compromis, a été préservée : il ne convient pas, en effet ; que l’adoption d’un plan local d’urbanisme intercommunal soit facilitée lorsque ce plan ne va pas dans le sens de la volonté des communes. Quant à l’attribution aux communautés de communes des compétences sur l’eau et l’assainissement, elle a été reportée à après 2020.
La métropole parisienne, en revanche, est un cadre mal bâti !
Mme Isabelle Debré. Ah oui, alors !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le législateur s’est penché pour la deuxième fois sur cette question et, pour la deuxième fois, les solutions qui nous sont proposées sont profondément insatisfaisantes. L’ouvrage devra incontestablement être remis une troisième fois sur le métier.
Mme Nicole Bricq. Qui donc n’a pas voulu de notre solution ? Vous devriez le demander à M. Devedjian !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Quant à la disposition « anti-NKM » – comment mieux le nommer ? –, qui a été incluse dans ce texte et que nous n’avons pas pu écarter, il me semble que le Gouvernement se serait honoré en présentant un amendement tendant à la faire disparaître avant que le Conseil constitutionnel n’ait à s’en occuper lui-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, compte tenu de tous ces éléments, je vous propose d’adopter ce texte, pour manifester non pas une adhésion sur toutes ces dispositions,…
M. Jean-Pierre Sueur. Cela, nous l’avions compris !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … mais la satisfaction d’être parvenu à des solutions raisonnables à partir d’un texte fort mal préparé ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Mercier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez à nouveau le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Après la nouvelle carte des régions, adoptée en décembre dernier, et après la loi de janvier 2014 sur les métropoles, elle constitue le troisième et dernier volet de la réforme territoriale que pilote depuis 2012 Marylise Lebranchu, avec courage et obstination.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Ce chantier législatif d’envergure a fait l’objet de nombreuses controverses, ce qui, au fond, n’a rien de surprenant dans un pays où l’on est aussi enclin à réclamer des réformes que prompt à les entraver dès qu’elles sont entreprises.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça dépend des réformes !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Le premier reproche qui nous a été fait est d’avoir agrandi les régions avant de les avoir renforcées.
Faut-il rappeler que les deux projets de loi relatifs respectivement à la carte régionale et aux compétences furent présentés au cours du même conseil des ministres, le 18 juin 2014, mais que la réalité du travail parlementaire exigeait qu’ils fussent examinés l’un après l’autre ? Tout était donc sur la table depuis le début, et c’est en connaissance du texte sur les compétences que vous avez examiné celui qui touchait aux périmètres. Au demeurant, si nous avions fait le choix inverse, on aurait prétendu qu’il fallait d’abord connaître les compétences des nouvelles régions avant d’envisager de les agrandir !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais la loi MAPTAM rétablissait la clause de compétence générale !
M. André Vallini, secrétaire d’État. Un autre reproche s’attachait au calendrier : la réforme aurait été précipitée.
Si ce texte est adopté ce soir, il nous aura fallu deux ans pour mener à bien les trois réformes : la loi MAPTAM, la carte des régions et la loi NOTRe. Qu’aurait pu apporter une prolongation du débat ? Les enjeux auraient-ils été différents ? Les points de vue se seraient-ils rapprochés ? Les départementalistes auraient-ils cédé aux régionalistes, ou l’inverse ? Rien n’est moins sûr.
L’avenir de chaque échelon territorial est le plus souvent envisagé par chacun d’entre nous à travers le prisme de la collectivité dans laquelle on se place, souvent celle au sein de laquelle on est élu.
M. Jacques Mézard. C’est faux !
M. André Vallini, secrétaire d’État. J’ajoute que les rapports qui se sont succédé ces dernières années – Mauroy en 2000, Balladur en 2008, Raffarin-Krattinger en 2013 – plaident invariablement pour une clarification de notre organisation territoriale, pour une affirmation des métropoles et pour un renforcement des régions. C’est bien ce que permet cette réforme.
Selon certains, celle-ci serait dénuée de sens. Son sens est pourtant limpide : elle répond à trois exigences.
Et d’abord à une exigence démocratique : la clarté. Il faut rendre notre organisation territoriale plus lisible, pour les citoyens comme pour les élus locaux, en vertu du principe qu’énonce l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » La confusion actuelle ne permet pas de garantir ce droit : il fallait donc clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités.
Nous supprimons la clause de compétence générale pour les régions et les départements…
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. C’était une bonne idée !
M. André Vallini, secrétaire d’État. … et nous formons trois grands blocs de compétences : aux régions le développement économique ; aux départements la solidarité sociale et territoriale ; au bloc communal la proximité des services publics de la vie quotidienne.
La deuxième exigence est économique : favoriser la compétitivité. Avec notre réforme, des régions plus fortes – et, pour certaines, plus grandes – seront les moteurs du développement économique et exerceront toutes les compétences de nature à renforcer l’attractivité de nos territoires, et nous nous assurons que le dynamisme économique des métropoles, que personne ne conteste, profite à tous les territoires de toutes les régions.
Enfin, la troisième exigence concerne le service public, dont il faut améliorer l’efficacité. Comme il n’y a pas d’efficacité sans proximité, nous allons renforcer et agrandir les intercommunalités, afin qu’elles correspondent aux bassins de vie et soient, plus encore qu’aujourd’hui, en mesure de répondre aux attentes croissantes de nos concitoyens, en milieu rural comme en milieu urbain.
Quant aux départements, ils seront confirmés dans leur rôle de garants à la fois des solidarités sociales et des solidarités territoriales.
Comme l’a dit le Premier ministre à cette même tribune en octobre dernier, dans quelques années, les régions et les intercommunalités ayant acquis leurs nouvelles dimensions, la question pourra se poser de l’évolution des départements. On pourra alors envisager, selon les territoires, une évolution différenciée de notre organisation territoriale.
M. Jacques Mézard. Et ça recommence !
M. André Vallini, secrétaire d’État. La France n’a plus besoin, en effet, d’être administrée de façon uniforme de Lille à Perpignan et de Brest à Strasbourg. Ni l’unité ni l’indivisibilité de la République n’en seraient menacées.
Reste la question des économies, dont le Président de la République comme le Premier ministre ont fait l’un des objectifs de cette réforme.
Certes, elles n’apparaîtront pas en six mois, mais elles sont certaines sur le long terme. Elles se feront par la suppression des doublons, par la rationalisation de la dépense publique locale et par les économies d’échelle. Nous dénonçons tous suffisamment – et à juste titre – le « court-termisme » de la vie politique pour ne pas saluer une réforme dont les effets budgétaires se joueront sur une décennie au moins.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous voilà rassurés ! (Sourires.) Rendez-vous dans dix ans !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme semble certes insuffisante à certains, qui pensent que nous aurions pu aller plus loin. À ceux-là, nous devons dire que le grand soir territorial n’est pas plus réaliste que le grand soir fiscal, d’autant que, les débats l’ont montré, quelles que soient la volonté et même l’audace réformatrice du Gouvernement, la réforme rencontre toujours de nombreuses résistances, y compris au Parlement.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Alors, faut-il s’en affliger ? Non, évidemment. Il faut réformer progressivement notre pays et ses territoires, en avançant avec ténacité dans la bonne direction.
Cette réforme est le fruit de cette ambition et d’un travail collectif pour lequel nos administrations se sont beaucoup mobilisées : je veux parler des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée Nationale et des administrations centrales, à commencer par la direction générale des collectivités locales, dont je remercie tous les collaborateurs, notamment son directeur.
Ce texte a aussi bénéficié d’une contribution essentielle du Sénat. Je veux souligner le rôle éminent qu’ont joué vos corapporteurs, MM. Hyest et Vandierendonck : ils ont largement contribué à la construction d’un texte qui puisse faire l’objet d’un accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Dans quelques instants, votre vote, que Marylise Lebranchu et moi-même espérons positif, sera aussi une manière de saluer leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, dont nous saluons la philosophie et le sang-froid, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des lois, dont nous saluons le sens de l’écoute et de la pédagogie, mes chers collègues, si le groupe écologiste se réjouit qu’un accord en commission mixte paritaire ait pu être trouvé sur ce projet de loi, il regrette néanmoins que cet accord ait entraîné de nouveaux reculs et l’affaiblissement d’un texte à l’ambition déjà bien entamée.
Les écologistes avaient pourtant salué la démarche initiale du projet de loi, qui se fondait sur le renforcement du couple régions-intercommunalités.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Bien sûr, c’est votre rêve !
Mme Marie-Christine Blandin. Mais la droite sénatoriale, en refusant toute réduction des compétences départementales – et c’est son droit –, a bloqué la discussion législative et finalement empêché – cela, nous le regrettons franchement – une plus grande clarification des compétences, notamment pour l’éducation, l’environnement, l’eau et le tourisme. Car ces compétences essentielles auraient précisément dû gagner en lisibilité dans le cadre de cette réforme.
Je veux redire ici, au nom du groupe écologiste, que ce projet de loi représentait une occasion de faire progresser la démocratie locale. Nous avons laissé passer cette occasion parce qu’il n’y avait pas de consensus.
Certaines dispositions ont fait leur entrée dans le texte : je pense notamment aux droits de l’opposition dans les petites communes, au rôle des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux – CESER – et des conseils de développement. D’autres, en revanche, n’ont pas survécu à la navette ou n’ont, tout simplement, pas été acceptées. Je pense particulièrement au droit d’expérimentation, demandé par certaines régions, et qui aurait pu être facilité ; je mentionnerai également le droit d’adaptation législative, qui n’est pas rendu plus opérationnel qu’il ne l’était auparavant.
Nous regrettons surtout la disparition, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, de toute mention de l’élection au scrutin direct des conseillers communautaires, disposition inlassablement défendue par Ronan Dantec.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Mais pas par nous !
Mme Marie-Christine Blandin. En effet, pour les écologistes, cette élection directe s’impose au vu des compétences prises par les intercommunalités.
M. Didier Guillaume. Non !
Mme Marie-Christine Blandin. Elle est en outre la seule solution pour assurer l’égalité des citoyens et renforcer le débat démocratique autour des grands choix de politiques publiques intercommunales qui influent profondément sur la vie quotidienne des habitants.
La question des moyens reste également en suspens. Nous attendons de voir dans le prochain projet de loi de finances les mesures qui permettront de donner aux collectivités les moyens d’exercer leurs compétences.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Vous n’allez pas être déçus !
Mme Marie-Christine Blandin. Toujours est-il que l’examen de ce projet de loi aurait pu être l’occasion d’avancer sur les péréquations et le partage des richesses à l’intérieur des futures régions. En effet, si le regroupement des régions diminue les inégalités entre elles, les inégalités devront désormais, bien évidemment, être traitées à l’intérieur de ces méga-régions. Nous regrettons donc que le débat sur ce sujet n’ait pas eu lieu.
En revanche, la création, dans le présent projet de loi, des schémas régionaux d’aménagement du territoire et de développement économique, dorénavant opposables, constitue une véritable avancée.
M. René Vandierendonck, corapporteur. C’est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Ils permettront de donner aux régions les moyens d’assurer la cohérence des politiques publiques sur leur territoire et d’organiser des solidarités territoriales.
Nous saluons également le fait que la biodiversité, dont le Sénat débattra à la rentrée, soit intégrée dans le SRADDET. Ce schéma, qui a vocation à recouvrir plusieurs domaines d’action politique, tels que les transports, les déchets, l’énergie et le climat, ne pouvait pas ne pas prendre en compte l’enjeu de la préservation de la biodiversité.
Enfin, c’est un bon choix que de ne pas ranger les collèges dans la même escarcelle que les lycées. Le Sénat a été entendu sur ce point, et la décision finale est en pleine cohérence avec la loi pour la refondation de l’école de la République, qui privilégie les liens étroits entre le primaire et les collèges.
Néanmoins, et tout comme lors des précédentes lectures, le groupe écologiste s’abstiendra sur ce projet de loi. En effet, notre forte ambition décentralisatrice, qui suppose des moyens appropriés, n’a tout simplement pas trouvé son compte dans ce texte qui, aujourd’hui, ne peut donc être … nôtre. (Sourires et exclamations.)
M. Jean-Pierre Sueur. La chute était belle !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’issue de la commission mixte paritaire, et contre toute attente, la droite sénatoriale a soutenu la majorité gouvernementale pour remettre en cause trente années de processus de décentralisation. Pourtant, nous avons tous ici en mémoire les discours enflammés que les uns et les autres ont prononcés dans cet hémicycle pour affirmer leur attachement aux communes et aux départements.
Ainsi, il aura suffi de quelques heures passées en petit comité pour, moyennant un certain nombre de marchandages entre les différentes positions en présence, aboutir à un accord dans le dos des citoyens, voire des parlementaires.
Ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, tel qu’il est issu de la commission mixte paritaire, est un bien mauvais signal quant à l’avenir de notre République unitaire et décentralisée.
Rien d’étonnant à cela : il s’est agi, pour la droite sénatoriale, de poursuivre dans la voie retenue dès 2010 pour contraindre les communes à céder leurs compétences à des intercommunalités de plus en plus élargies, que les préfets ont autoritairement imposées, avec la ferme volonté d’éloigner toujours plus les citoyens des centres de décision, de réduire drastiquement la dépense publique et d’ouvrir de nouveaux marchés aux grands groupes du CAC 40.
Avec le présent texte, ces regroupements autoritaires vont s’accentuer. En effet, la droite a capitulé en rase campagne devant l’exigence du Gouvernement d’imposer un seuil d’au moins 15 000 habitants. De ce fait, environ 700 intercommunalités, qui rassemblent des milliers de communes, vont disparaître.
Par là même, c’est le tissu démocratique local qu’on videra peu à peu de sa substance, en lui retirant toujours plus de compétences et en l’asphyxiant financièrement par la baisse des dotations de l’État.
Il ne restera donc plus aux communes qu’à disparaître au sein des fameuses communes nouvelles que vous avez portées, droite et majorité gouvernementale unies, sur les fonts baptismaux.
C’est bien l’échelon communal, base irremplaçable de la démocratie locale, qui sort très affaibli et menacé de ces années de réformes chaotiques.
Pour faire des économies sur le dos des collectivités, pour leur faire payer votre plan d’austérité, vous allez donc mettre à mal ces structures de proximité. On connaît pourtant leur efficacité, reconnue par nos concitoyens, tout particulièrement dans cette période de crise.
Après vous être attaqués aux communes, vous engagez, avec ce texte et la loi sur les métropoles, le processus d’évaporation des départements que la commission Balladur appelait en 2009 de ses vœux.
Certes, devant l’opposition quasi unanime des élus départementaux et après votre échec cuisant lors des dernières élections départementales, vous avez dû battre un peu en retraite, madame la ministre (Mme la ministre fait un signe de dénégation.), et renoncer à votre objectif initial de disparition quasi immédiate des départements, disparition que le Président de la République et le Premier ministre avaient d’ailleurs annoncée.
Reconnaissons que, devant le refus du Gouvernement d’accorder aux collectivités les 7 milliards d’euros qu’il leur doit pour compenser les allocations universelles de solidarité, peu d’entre elles réclamaient la reprise des compétences sociales des départements.
Collectivités de proximité, les conseils départementaux vont perdre leur compétence générale et toute possibilité d’intervenir dans le champ économique. Même les transports scolaires, compétence de proximité par excellence, leur seront retirés au profit des super-régions.
Je crois qu’on peut le dire : quelle belle pagaille et quel beau gâchis financier en perspective !