M. Éric Doligé. Il ne faut pas en rajouter non plus !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Sur la persistance de la torture, telle qu’évoquée par Éric Doligé, le Maroc a accompli d’importants efforts en matière de droits de l’homme ces dernières années, en souscrivant à des engagements internationaux contraignants, en particulier le protocole facultatif à la convention internationale contre la torture. Il a également mis en place des institutions et des mécanismes autonomes de contrôle des droits de l’homme. Il existe ainsi un Conseil national des droits de l’homme, dont le travail a été salué sur le plan international. Nous ne pouvons qu’encourager le Maroc dans cette voie.
En conclusion, je souhaite encore, mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier, au nom du Gouvernement, pour la qualité de ces échanges. Ils ont été à la hauteur des enjeux, envisageant, d’une part, la place de la justice, des victimes et des droits de l’homme dans notre société et dans les relations internationales et, d’autre part, la relation bilatérale avec un partenaire essentiel pour la France, dans un contexte où nous faisons face aux mêmes défis et où notre partenariat nous offre de formidables opportunités. La mer Méditerranée ne peut pas être seulement une frontière, un lieu de désespoir et de naufrage. Elle doit être une mer commune, un espace de coopération et d’amitié, en particulier entre la France et le Maroc.
Le texte soumis à votre approbation aujourd’hui répond à ces enjeux, en créant les conditions d’une coopération judiciaire plus efficace entre nos deux pays, dans le plein respect de nos principes constitutionnels et de nos engagements internationaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la france et le maroc
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé à Rabat le 6 février 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je m’abstiendrai sur ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues. Je souhaite m’en expliquer.
Je suis évidemment favorable au développement de la coopération en matière judiciaire entre la France et le Maroc.
Si je ne puis voter le présent texte, c’est en raison des dispositions juridiques précises qui figurent dans le protocole qu’il nous est demandé d’adopter.
Un certain nombre de critiques ont été formulées. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de celles-ci. Je m’en tiendrai à une seule, qui est pour moi dirimante.
J’ai été le premier signataire de la proposition de loi tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale.
Cette proposition de loi, qui a été déposée le 6 septembre 2012, a été adoptée à l’unanimité – j’insiste sur ce point – le 26 février 2013 par le Sénat, sur le rapport d’Alain Anziani. Elle donne une pleine et totale compétence, sans aucune restriction, aux juges français pour poursuivre et juger les auteurs de génocides, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger, conformément aux termes de la convention de Rome et du traité du 18 juillet 1998, ratifié par la France.
Or le protocole qu’il nous est proposé de ratifier va à l’encontre non seulement de l’engagement de la France à traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves sur la base de cette compétence universelle, mais aussi des termes de la proposition de loi précitée. Son adoption constituerait à cet égard un précédent dont les conséquences méritent réflexion.
Telles sont les raisons de mon abstention.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'État, il me paraît profondément anormal que la proposition de loi susvisée, appelée de leurs vœux par Robert Badinter, Mireille Delmas-Marty et un très grand nombre de juristes, adoptée, j’y insiste, à l’unanimité par le Sénat le 26 février 2013 et transmise le même jour à l’Assemblée nationale, n’ait toujours pas été inscrite à l’ordre du jour des travaux de nos collègues députés.
C’est pourquoi je demande au Gouvernement de bien vouloir m’indiquer à quelle date il compte inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je partage les interrogations de mon collègue Jean-Pierre Sueur sur la proposition de loi en question.
À l’instar de la plupart des intervenants précédents, je souhaite souligner la nécessité de tourner définitivement la page d’une année 2014 particulièrement préoccupante pour les relations entre la France et le Maroc.
Cet accord, qui organise un échange d’informations entre nos deux justices pour les cas de crimes particulièrement graves, est un signe de confiance de la France vis-à-vis de la justice marocaine et du Maroc à l’égard de la justice française. Le risque est que de nombreux États demandent le même type d’accord. Cela provoquerait alors un ralentissement réel de la capacité de la justice française, dans les cas de crimes particulièrement graves, à engager et poursuivre une instruction.
Certes, après analyse, il apparaît effectivement que l’échange d’informations prévu par le protocole, s’il peut retarder une instruction, ne limite pas la souveraineté de la justice française.
Toutefois, je ne pourrai pas voter le protocole, car il est très imprécis. L’interprétation qui lui est donnée est même contraire à sa lecture ! Ainsi, l’alinéa 3 de l’article 2 relatif à des « procédures engagées auprès de l’autorité judiciaire d’une partie par une personne qui n’en possède pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie par un de ses ressortissants » mérite quelques remarques.
D’une part, le texte n’indique pas clairement si le ressortissant qui fait office de défendeur a la nationalité de la partie où sont engagées les poursuites ou celle du pays où l’acte a été commis. Il faut consulter l’étude d’impact pour le savoir.
D’autre part, il est écrit que le demandeur ne possède pas la nationalité du pays qui reçoit la plainte. Cela exclut clairement les binationaux, malgré l’alinéa 4. Pourtant, le Gouvernement a donné une interprétation différente du texte devant le Parlement.
Je ne peux pas accepter qu’un Français soit traité différemment par notre pays selon qu’il a ou non une seconde nationalité. La binationalité est une question très sensible entre la France et le Maroc. Les binationaux franco-marocains vivant au Maroc vous parleraient probablement, mes chers collègues, de la contribution libératoire, qui limite leurs droits financiers en France.
C’est pourquoi je m’abstiendrai. En conclusion, vive l’amitié entre la France et le Maroc !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°227 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 309 |
Contre | 29 |
Le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc.
14
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
15
Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 8 juillet dernier prennent effet.
16
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le mercredi 15 juillet 2015, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Les textes des saisines du Conseil constitutionnel sont disponibles au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
17
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le neuvième rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
18
Transition énergétique
Suite de la discussion et adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (projet n° 466, texte de la commission n° 530, rapport n° 529, avis nos 505 et 491).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE VIII (suite)
DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE
Chapitre II
Le pilotage de la production d’électricité
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 55.
Article 55
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 311-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-1. – Sous réserve de l’article L. 311-6, l’exploitation de toute nouvelle installation de production d’électricité est subordonnée à l’obtention d’une autorisation administrative.
« Sont également considérées comme de nouvelles installations de production, au sens du présent article, les installations dont la puissance installée est augmentée d’au moins 20 % ainsi que celles dont la source d’énergie primaire est modifiée. » ;
2° L’article L. 311-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-5. – L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte des critères suivants :
« 1° L’impact de l’installation sur l’équilibre entre l’offre et la demande et sur la sécurité d’approvisionnement, évalués au regard de l’objectif fixé à l’article L. 100-1 ;
« 2° La nature et l’origine des sources d’énergie primaire au regard des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 ;
« 3° L’efficacité énergétique de l’installation, comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;
« 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;
« 5° L’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre.
« L’autorisation d’exploiter est compatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie. » ;
3° Après le même article L. 311-5, sont insérés des articles L. 311-5-1 à L. 311-5-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 311-5-1. – Lorsque plusieurs installations proches ou connexes utilisent la même source d’énergie primaire et ont le même exploitant, l’autorité administrative peut, à son initiative, délivrer une autorisation d’exploiter unique regroupant toutes les installations du site de production.
« Art. L. 311-5-2. – Lorsqu’une installation de production regroupe plusieurs unités de production dont la puissance unitaire dépasse 800 mégawatts, l’autorité administrative délivre une autorisation d’exploiter par unité de production.
« Art. L. 311-5-3. – Lorsque l’installation émet des gaz à effet de serre, l’autorisation d’exploiter mentionnée à l’article L. 311-5 peut restreindre le nombre maximal d’heures de fonctionnement par an, afin de respecter les valeurs limites d’émissions fixées par voie réglementaire.
« Art. L. 311-5-4. – L’autorisation d’exploiter est nominative. En cas de changement d’exploitant et lorsque la puissance autorisée est supérieure au seuil mentionné à l’article L. 311-6, l’autorisation est transférée au nouvel exploitant par décision de l’autorité administrative.
« Art. L. 311-5-5. – L’autorisation mentionnée à l’article L. 311-1 ne peut être délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 64,85 gigawatts.
« L’autorité administrative, pour apprécier la capacité totale autorisée, prend en compte les abrogations prononcées par décret à la demande du titulaire d’une autorisation, y compris si celle-ci résulte de l’application du second alinéa de l’article L. 311-6.
« Art. L. 311-5-6. – Lorsqu’une installation de production d’électricité est soumise au régime des installations nucléaires de base, la demande d’autorisation d’exploiter mentionnée à l’article L. 311-5 du présent code doit être déposée au plus tard dix-huit mois avant la date de mise en service mentionnée à l’article L. 593-11 du code de l’environnement.
« Art. L. 311-5-7. – Tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité établit un plan stratégique, qui présente les actions qu’il s’engage à mettre en œuvre pour respecter les objectifs de sécurité d’approvisionnement et de diversification de la production d’électricité fixés dans la première période de la programmation pluriannuelle de l’énergie en application de l’article L. 141-3.
« Ce plan propose, si besoin, les évolutions des installations de production d’électricité, en particulier d’origine nucléaire, nécessaires pour atteindre les objectifs de la première période de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il est élaboré dans l’objectif d’optimiser les conséquences économiques et financières de ces évolutions, ainsi que leurs impacts sur la sécurité d’approvisionnement et l’exploitation du réseau public de transport d’électricité. Il s’appuie sur les hypothèses retenues par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité dans le bilan prévisionnel le plus récent mentionné à l’article L. 141-8.
« Le plan est soumis au ministre chargé de l’énergie dans un délai maximal de six mois après l’approbation mentionnée au dernier alinéa du III de l’article L. 141-4.
« La compatibilité du plan stratégique avec la programmation pluriannuelle de l’énergie définie aux articles L. 141-1 à L. 141-3 est soumise à l’approbation de l’autorité administrative. Si la compatibilité n’est pas constatée, l’exploitant élabore un nouveau plan stratégique selon les mêmes modalités.
« L’exploitant rend compte chaque année, devant les commissions permanentes du Parlement chargées de l’énergie, du développement durable et des finances, de la mise en œuvre de son plan stratégique et de la façon dont il contribue aux objectifs fixés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.
« Un commissaire du Gouvernement, placé auprès de tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité, est informé des décisions d’investissement et peut s’opposer à une décision dont la réalisation serait incompatible avec les objectifs du plan stratégique ou avec la programmation pluriannuelle de l’énergie en l’absence de plan stratégique compatible avec celle-ci.
« Si cette opposition est confirmée par le ministre chargé de l’énergie, la décision ne peut être appliquée sans révision du plan stratégique dans les mêmes conditions que pour son élaboration initiale. » ;
4° Le dernier alinéa de l’article L. 311-6 est supprimé.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, mes chers collègues, comme l’on pouvait s’y attendre, les députés ont rétabli, en nouvelle lecture, le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts, ce qui obligera mécaniquement à fermer une centrale au moins, très probablement celle de Fessenheim, à la mise en service de l’EPR de Flamanville.
Tout autant que de ce rétablissement, personne n’aura été surpris de constater que nous avons, comme en première lecture, choisi de relever de nouveau ce plafond pour éviter un tel couperet, alors même que l’autorisation de création de l’EPR de Flamanville date de 2007.
En revanche, deux dispositions introduites par les députés nous ont davantage étonnés et je souhaiterais vraiment avoir l’avis du Gouvernement sur ces deux points. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous saurez nous éclairer.
En adoptant un premier amendement, les députés ont ajouté un nouveau délai maximal de dix-huit mois entre le dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter une centrale et le délai fixé par le décret d’autorisation de création de cette centrale pour sa mise en service.
Or, en pratique, cette disposition, qui n’a pourtant fait l’objet d’aucune explication ni d’aucun débat, aurait pour effet, combinée au plafonnement de la capacité de production, d’anticiper de plusieurs mois le processus de fermeture de la centrale de Fessenheim et de l’engager dès octobre prochain.
Par cette mesure, le calendrier de fermeture de cette centrale serait donc avancé de façon totalement artificielle dès avant la mise en service effective de l’EPR – celle-ci risque même d’intervenir après 2017 –, et alors même que le seul effet du plafonnement à 63,2 gigawatts, s’il est maintenu par les députés en lecture définitive, conduira mécaniquement au même résultat. Cette anticipation n’aura pour effet que d’augmenter encore les pertes de l’exploitant et le montant de l’indemnisation qu’il serait en droit d’exiger, sans parler du choc au plan local pour les populations concernées.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a supprimé cette disposition. Si les députés la maintenaient, pouvez-vous, madame la ministre, confirmer aujourd’hui devant la représentation nationale que la fermeture de la centrale de Fessenheim sera engagée dès le mois d’octobre prochain ? Le couperet tombe très vite…
La seconde disposition, que la commission des affaires économiques a également supprimée, consistait à prévoir la consultation de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, par EDF pour s’assurer de la compatibilité du plan stratégique d’entreprise avec les autorisations et demandes d’autorisation en cours.
Or, comme vous le savez, en France, l’autorisation d’exploiter une installation nucléaire est délivrée sans limitation de durée, mais est réexaminée tous les dix ans à l’occasion d’un réexamen de sûreté. Les centrales du parc actuel ayant été dimensionnées, à la conception, en postulant une durée d’exploitation de quarante ans, la prolongation d’exploitation des réacteurs au-delà de la quatrième visite décennale fera l’objet d’un examen très approfondi de l’ASN dont la réponse générique, attendue pour 2018 ou 2019, ne peut, par définition, être considérée comme acquise avant cette date.
Madame la ministre, je serais ravi de connaître votre avis sur ces deux problèmes et sur ces deux modifications apportées par nos collègues députés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Je me réjouis tout d’abord de reprendre nos travaux, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous devrions d’ailleurs achever l’examen de ce texte dans la nuit.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Qui sait ? Ça peut durer plus longtemps ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre. Nous abordons ce soir le titre VIII, qui porte sur le pilotage du mix énergétique et sur la façon dont la future loi donnera aux citoyens, aux entreprises, aux territoires et à l’État le pouvoir d’agir ensemble. Il est important que les règles du jeu soient claires.
Bien évidemment, monsieur le rapporteur, le plafonnement ayant été supprimé par la commission des affaires économiques, je serai favorable à l’amendement déposé tendant à le rétablir. Tout cela est conforme à la cohérence du texte. Nous devons rééquilibrer le mix énergétique pour monter en puissance en matière d’énergies renouvelables et plafonner à 63,2 gigawatts, c'est-à-dire à son niveau actuel, notre capacité de production nucléaire.
Pour ce qui concerne le délai de dix-huit mois, il s’agit d’une clarification rédactionnelle. La demande d’autorisation d’exploiter une centrale doit être déposée dix-huit mois avant la mise en service de celle-ci et avant l’échéance du décret de création. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale n’implique pas du tout la fermeture de la centrale de Fessenheim dans quelques mois. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, il importe de rétablir le plafonnement : c’est en ouvrant l’EPR de Flamanville que, pour respecter le plafonnement, nous fermerons la centrale de Fessenheim.
Le texte est donc cohérent, ce qui me permet de répondre concomitamment à vos deux questions.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 61 rectifié est présenté par MM. Montaugé, Courteau, Cabanel et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Filleul, Cornano, Miquel, Poher, M. Bourquin, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Rome et Vaugrenard, Mme Herviaux, M. Roux, Mme Claireaux, MM. Lalande et Manable, Mme Monier, M. Percheron, Mme Riocreux et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 208 est présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 18
Remplacer le nombre :
64,85
par le nombre :
63,2
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié.
M. Franck Montaugé. De nombreux arguments ont été échangés, jusqu’en commission mixte paritaire, pour justifier le seuil de 64,85 gigawatts au lieu de celui de 63,2 gigawatts. Il va donc m’être difficile d’être original, mais je vous propose ce soir, madame la ministre, mes chers collègues, de regarder le problème sous un autre angle : celui de la nécessité pour notre pays de faire évoluer son mix énergétique.
Ce point est au cœur du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, et nous partageons tous, dans cet hémicycle, cet objectif, qui est en même temps une nécessité.
Si nous sommes d’accord tant sur le plafonnement à 50 % du nucléaire dans la production d’électricité que sur l’évolution structurelle du mix énergétique au profit des énergies renouvelables, qui représenteront 40 % de la production d’électricité en 2040 – ces objectifs ont été très largement approuvés sur ces travées –, alors, sauf à camper sur une position dogmatique, nous devons convenir que la puissance nucléaire installée doit logiquement diminuer !
Entre 64,85 gigawatts et 63,2 gigawatts, l’écart est de 2,5 % en puissance installée. Si l’on regarde l’incidence sur la consommation globale d’électricité, elle est en réalité de l’ordre de 0,4 %, puisque le nucléaire représente dans notre pays 16 % de la consommation d’énergie finale.
Parce qu’il remet à sa juste place et en perspective le nucléaire dans le mix énergétique français, ce petit raisonnement simple permet de relativiser objectivement le différend qui nous oppose. Celui-ci porte donc en fait sur 0,4 % de la consommation d’énergie. Ce taux sera bien moindre dans les années à venir, en raison de l’évolution que nous voulons tous du mix énergétique. La sagesse de la Haute Assemblée doit nous amener à le reconnaître unanimement, en retenant dès maintenant le seuil de 63,2 gigawatts.
C’est un plafond qui a tout son sens par rapport aux intentions de la France, et qui ne remet pas en question l’excellence et l’avenir, en particulier à l’échelon international, de la filière nucléaire française.
Mme la présidente. La parole est à Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 208.
M. Joël Labbé. La logique du plafonnement de la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire s’inscrit en lien avec l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % en 2025, dont les écologistes ont proposé le rétablissement par le biais d’un amendement déposé à l’article 1er du présent projet de loi. Cela implique donc d’amorcer la baisse de la capacité totale autorisée.
Ce relèvement du plafond introduit par la commission des affaires économiques, en prenant en compte la capacité de l’EPR sans prévoir la fermeture de centrales plus anciennes, va à l’encontre de l’engagement pris par le Président de la République de fermer la centrale de Fessenheim.
L’amendement n° 208 vise donc à rétablir le plafonnement de la capacité nucléaire à 63,2 gigawatts, comme cela figurait dans le projet de loi initial du Gouvernement. Nous espérons vivement que la mesure sera maintenue dans la future loi.