M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur. Cet amendement vise à préciser que le témoignage de la personne de confiance prévaut sur tout autre témoignage. La commission des affaires sociales avait jugé préférable de ne pas parler de « témoignage » pour qualifier la contribution de la personne de confiance et de réserver cette expression aux procédures judiciaires. La commission des lois souhaite revenir à la formulation initiale du texte. Celle-ci nous paraît moins précise dans la mesure où elle n’écarte pas explicitement les directives anticipées.
Cette réserve étant faite, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis est plutôt défavorable.
Les amendements précédents ont montré que nous nous posions des questions sur la place respective des différents acteurs, notamment celle de la personne de confiance, et il est vrai qu’une hiérarchie est proposée.
Une personne, en fin de vie ou non, peut désigner une personne de confiance dont le rôle auprès d’elle est plus important et plus direct que celui de sa famille. Cela peut arriver, et il n’appartient à personne de porter un jugement sur un choix qui aboutit à placer effectivement la personne de confiance au-dessus de la famille.
La rédaction que vous proposez est extrêmement brutale : « Son témoignage prévaut sur tout autre. » Cette hiérarchie s’imposerait dans toutes les situations. Il faut préserver le libre choix de la personne qui pourra porter la parole du patient.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement.
Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement recourt, lui aussi, à la notion de personne de confiance, s'agissant de l’admission dans des établissements publics tels que les EHPAD. Cette notion est en train de devenir un élément important de la législation française. Il convient d’en définir les contours. Nous avons encore besoin d’y réfléchir.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Notre groupe s’abstiendra également.
Comme je viens de le souligner, la personne de confiance joue un rôle majeur, central, dans le processus que l’on est en train de se mettre en place.
J’ai bien entendu les propos du rapporteur pour avis sur la nécessité de faire attention à la hiérarchie des acteurs et au rôle de chacun, mais celui de la personne de confiance désignée par le patient doit avoir un poids particulier. Cette personne doit être au-dessus de la famille, car, si le patient a choisi une personne de confiance en dehors de sa famille, c’est sans doute qu’il a ses raisons. Certains cas récents, malheureusement un peu trop médiatisés, montrent que la personne de confiance n’appartient pas forcément à la famille du patient.
Madame la ministre, je pense que, dans les mois ou les années à venir, il faudra travailler sur le statut de la personne de confiance. Or je crains que le texte qui résultera des travaux en commission et en séance plénière n’amoindrisse son rôle. Je le regrette.
Peut-être la personne de confiance ne doit-elle pas avoir accès au dossier médical, mais il faut s’assurer que sa parole sera entendue tant par les équipes médicales que par la famille.
Si l’équipe médicale envisage, malgré des directives anticipées écrites noir sur blanc, de refuser de mettre en œuvre la sédation profonde et continue jusqu’au décès parce qu’elle estime que la situation médicale du patient a évolué, la personne de confiance doit avoir son mot à dire ; la décision finale ne doit pas être laissée uniquement à l’équipe médicale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je souhaite ajouter que, si cet amendement était adopté, on pourrait se trouver face à des conflits quasiment de légitimité, en tout cas de valeur de la parole. Une personne de confiance pourrait exprimer une position différente de la position exprimée antérieurement par le patient. Il y aurait alors deux sources de légitimité, deux fondements pour la décision. Néanmoins, l’expression du patient l’emporterait de toute façon, indépendamment des conditions et de la date de sa formulation. Comment articuler un témoignage filmé vieux de dix ans avec la parole de la personne de confiance au moment de la décision ?
Je tenais à apporter cette précision pour montrer que, même si cet amendement vise à traiter une difficulté que certains peuvent percevoir, son adoption poserait beaucoup de problèmes d’articulation et introduirait du flou en remettant en cause la hiérarchie des personnes habilitées à s’exprimer au nom du patient.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, l’amendement du rapporteur pour avis ne vise qu’à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui est identique au texte initial de la proposition de loi : « [La personne de confiance] témoigne de l’expression de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. »
Le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale atteste que le Gouvernement n’éprouvait pas le moindre doute sur ce texte. Je comprends que, à la lumière de nos débats, il fasse évoluer ses positions et ne souhaite pas approuver au Sénat le texte qu’il a approuvé à l’Assemblée nationale : je ne critique pas cette évolution du Gouvernement, lequel a parfaitement le droit de remettre l’ouvrage sur le métier au fur et à mesure de l’avancée des travaux parlementaires. J’en suis toutefois étonné compte tenu de l’importance du sujet.
À travers l’amendement n° 19, il s’agit simplement de faire progresser un débat entre la commission des affaires sociales et la commission des lois. Le texte adopté par la commission des affaires sociales prévoit que l’expression de la volonté du patient par la personne de confiance prévaudra « sur tout autre élément permettant d’établir la volonté du patient à l’exclusion des directives anticipées ». Il a semblé à la commission des lois qu’il était plus clair de considérer que, à partir du moment où le patient avait pris la responsabilité – et elle est très lourde ! – de désigner une personne de confiance chargée d’exprimer sa volonté, le témoignage de cette personne de confiance devait prévaloir sur celui de tout autre proche, y compris parmi les membres de la famille, mais pas forcément sur tout autre élément, y compris, bien sûr, les directives anticipées.
Malgré le changement de pied du Gouvernement, je crois qu’il faut s’en tenir à la version de l’Assemblée nationale, que le rapporteur pour avis propose de rétablir.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 11 rectifié ter est présenté par MM. Mouiller et Bouchet, Mme Morhet-Richaud, MM. Savary, Morisset et Longeot, Mmes Mélot et Gruny, MM. Leleux et Husson, Mme Joissains et MM. G. Bailly, Mayet, Pellevat, Houel et Lemoyne.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Delahaye.
L'amendement n° 86 rectifié est présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le présent article s'applique lorsqu'une mesure de tutelle est ordonnée. Le juge des tutelles ne peut révoquer ou refuser la désignation par le majeur protégé en tutelle d'une personne de confiance que par une décision spécialement motivée. »
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié ter.
M. Philippe Mouiller. J’interviens à nouveau en faveur des personnes handicapées.
Nous souhaitons que le juge des tutelles ne puisse révoquer ou refuser la désignation par le majeur sous tutelle d’une personne de confiance que par une décision spécialement motivée.
La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a posé le principe selon lequel il devait être systématiquement tenu compte de l’avis de la personne protégée, même si elle fait l’objet d’une mesure de tutelle. Ainsi, la loi reconnaît pleinement les droits civiques des personnes handicapées faisant l’objet d’une mesure de tutelle en maintenant par principe leur droit de vote. Le retrait de ce droit doit être expressément motivé par le juge des tutelles.
L’article 12 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées réaffirme le droit de celles-ci « à la reconnaissance de leur personnalité juridique » et précise que les personnes handicapées « jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres ».
Dès lors, il paraît indispensable de permettre à la personne protégée, même si elle fait l’objet d’une mesure de tutelle, de désigner une personne de confiance, sauf décision spécialement motivée du juge des tutelles.
La commission des lois a, pour sa part, déposé un amendement n° 20, aux termes duquel il est proposé que le juge autorise la personne mise sous tutelle à désigner une personne de confiance. Nous estimons quant à nous que le juge ne doit pas pouvoir refuser une telle désignation, sauf par une décision motivée. Cette nuance me semble importante du point de vue des droits des personnes handicapées.
M. le président. L'amendement n° 32 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 86 rectifié.
Mme Annie David. Je m’associe à l’argumentation présentée par M. Mouiller.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, elle peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Dans l’hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Je m’en remettrai entièrement à l’avis de la commission des affaires sociales, car mon amendement procède du même esprit que les précédents. J’inverse seulement la chronologie. Les deux rédactions – c’est suffisamment rare pour le souligner – me semblent ne souffrir aucune critique sur le plan juridique.
M. Gérard Dériot, corapporteur. L'amendement n° 20 vise à préciser les conditions de désignation d’une personne de confiance par une personne placée sous tutelle. Les amendements nos 11 rectifié ter et 86 rectifié ont le même objet. La commission demande leur retrait au profit de l’amendement n° 20, dont la rédaction lui semble plus précise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 20 et demande le retrait des amendements nos 11 rectifié ter et 86 rectifié ; à défaut, son avis sur ces derniers sera défavorable.
M. le président. Monsieur Mouiller, l'amendement n° 11 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Les deux rédactions étant très proches, je ne vais pas me battre. Ayez tout de même en tête que l’esprit du droit est de prévoir le même traitement pour les personnes handicapées. Notre rédaction correspond beaucoup mieux à cet esprit. Néanmoins, j’accepte de retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié ter est retiré.
Madame David, l’amendement n° 86 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Nous avons le sentiment, comme M. Mouiller, que les dispositifs proposés ne sont pas vraiment équivalents. Néanmoins, je fais confiance à M. le rapporteur pour avis, qui nous affirme que son amendement répond à l’objectif que nous poursuivons. Je retire donc notre amendement.
Monsieur Pillet, je m’assurerai auprès des personnes qui nous ont aidés à le mettre au point que je n’ai pas eu tort de vous écouter et, le cas échéant, nous le présenterons de nouveau en deuxième lecture ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Je répète qu’il n’y a pas lieu de faire un trop grand cas de ces divergences de rédaction. Madame David, considérez que nous avons rédigé l’amendement ensemble ! (Rires.)
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mme D. Gillot, MM. Labazée, Godefroy et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon, Gorce et Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau, Botrel et Rome, Mme Lepage, M. Manable, Mme Perol-Dumont, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des informations relatives à la personne de confiance. Leur accès est facilité par une mention inscrite sur la carte Vitale et dans le dossier médical.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Il s’agit d’un amendement visant à assurer la conservation des informations relatives à la personne de confiance sur des supports identifiés et identifiables, afin que, là encore, elles soient accessibles le plus facilement et le plus rapidement possible. Compte tenu de l’insécurité juridique qui a été soulignée et des précisions qui doivent être apportées sur ce sujet, j’imagine qu’on va me demander de le retirer… Je le retire donc tout de suite, et nous le remettrons sur le métier ! (Rires.)
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
L’article L. 1111-12 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-12. – Pour prendre les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement concernant une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, le médecin a l’obligation de rechercher la volonté de la personne hors d’état de l’exprimer. En l’absence de directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11, la personne de confiance lui rend compte de cette volonté. À défaut, il recueille tout élément permettant d’établir la volonté du patient auprès de la famille ou des proches. »
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Antiste, Mmes Lepage et Perol-Dumont et M. Rome, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si cette procédure ne permet pas de dégager un consensus, une procédure collégiale telle que définie à l’article L. 1110-5-1 est engagée.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement tend à prévoir, dans le cas où la procédure engagée à la suite d’un désaccord n’aurait pas débouché sur un consensus, l’application d’une procédure collégiale telle que définie à l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique.
En effet, lorsque le patient atteint d’une maladie grave et incurable est dans l’incapacité d’exprimer sa volonté et qu’il n’a pas rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance, il convient de rechercher l’expression de sa volonté par un témoignage ou via une procédure de décision collective associant les proches du patient désireux d’y participer et les professionnels. Il me paraît important de nous assurer qu’une telle procédure sera bien mise en œuvre en pareil cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur. La rédaction du texte présenté pour l’article L. 1111-12 du code de la santé publique clarifie telle qu’elle est proposée par la commission clarifie la hiérarchie des modes d’expression de la volonté d’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable. Ainsi, en l’absence de directives anticipées, le médecin devra consulter la personne de confiance ; à défaut de personne de confiance, il devra recueillir « tout élément permettant d’établir la volonté du patient auprès de la famille ou des proches ».
L’amendement n° 41 rectifié, qui tend à compléter cet article pour prévoir la mise en œuvre d’une procédure collégiale en l’absence de consensus, soulève trois difficultés. D’abord, le médecin n’a pas pour objectif de rechercher un consensus sur la volonté présumée du patient, mais de savoir ce qu’est cette volonté. Ensuite, on ne voit pas ce que la procédure envisagée, qui associerait, comme Mme Gillot vient de l’expliquer, les proches du patient désireux d’y participer et les professionnels, pourrait apporter de plus que la consultation de ces personnes telle qu’elle est déjà prévue à l’article L. 1111–12. Enfin, l’amendement ne précise ni l’objectif ni les suites de cette procédure collégiale.
Pour ces raisons, madame Gillot, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
L'amendement n° 87 rectifié, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’hypothèse où la volonté du patient demeure notoirement inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du patient d’être maintenu en vie dans les conditions présentes. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a trait à la poursuite du traitement.
Si les directives anticipées assurent la libre expression de la volonté d’une personne en ce qui concerne sa fin de vie, elles peuvent porter aussi bien sur la poursuite, la limitation, l’arrêt ou le refus des traitements. Nous estimons que la volonté de voir le traitement poursuivi doit non seulement pouvoir être exprimée, mais être présumée lorsqu’il s’avérera impossible de rendre compte de la volonté de la personne. Ce principe est spécialement important dans le cas des personnes les plus vulnérables, notamment celles qui sont polyhandicapées, qu’il convient de protéger d’éventuelles dérives.
À l’appui de cet amendement, je me permets de vous rapporter un propos tenu par M. Sauvé, vice-président du Conseil d’État, au cours d’une conférence de presse organisée le 24 juin 2014 : le Conseil d’État a « affirmé qu’une ″attention toute particulière″ doit être accordée à la volonté du patient » ; « si celle-ci est inconnue, en aucun cas le patient ne peut être présumé refuser la poursuite d’un traitement ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur. Le présent amendement a pour objet d’énoncer le principe selon lequel la volonté du patient, lorsqu’elle n’a pas été établie, ne peut être présumée favorable à l’arrêt des traitements artificiels de maintien en vie. Il soulève plusieurs difficultés, sur les plans de la cohérence, de la compréhension et de la rédaction.
D’abord, il semble qu’il vise plutôt les dispositions du nouvel article L. 1110-5-1, que la proposition de loi insère dans le code de la santé publique, dispositions avec lesquelles son articulation est incertaine. Cet article prévoit que, lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, une décision prise à l’issue d’une procédure collégiale à laquelle la famille ou les proches du patient sont associés peut conduire à suspendre ou à ne pas entreprendre des traitements qui « apparaissent inutiles, disproportionnés » ou qui « n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Ces dispositions se fondent sur la notion d’obstination déraisonnable, énoncée par la loi du 22 avril 2005. À quoi donc servirait la procédure collégiale si la volonté de voir les traitements poursuivis était présumée ? À la vérité, une telle présomption s’harmonise mal avec les dispositions relatives à l’obstination déraisonnable.
Ensuite, l’amendement pose un problème rédactionnel en ce qu’il fait référence aux « conditions présentes » du maintien en vie. Or l’article L. 1111-12 du code de la santé publique ne traite pas directement des conditions de maintien en vie ou d’arrêt des traitements d’une personne malade en fin de vie ; son objet est de clarifier les modes d’expression de la volonté de la personne relativement à toutes les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement qui la concernent.
Enfin, qu’est-ce qu’une volonté « notoirement inconnue » par rapport à une volonté inconnue ? L’amendement ne le précise pas.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame David, votre amendement me semble fondé sur un principe incontestable : dans le doute, on ne peut pas supposer qu’une personne en fin de vie souhaite qu’il soit mis fin aux traitements qui lui sont prodigués, voire qu’une sédation lui soit administrée.
En fait, toute la logique qui sous-tend la proposition de loi repose sur le respect de la volonté de la personne. Dès lors, il est évident que cette volonté ne saurait être présumée et la précision que vous souhaitez inscrire dans la proposition de loi me paraît quelque peu superfétatoire. Pis, elle risquerait de susciter des questions : si la précision est nécessaire, que signifient les autres dispositions de la proposition de loi et quelles conséquences emportent-elles ?
Compte tenu de ces explications, je vous demande, madame David, de bien vouloir retirer votre amendement, étant entendu qu’il n’y a absolument aucun doute sur le principe que vous avez énoncé : en aucun cas, dans aucune circonstance, on ne peut présumer qu’une personne souhaite voir ses traitements arrêtés. Rien ne justifie que l’on ne recherche pas la volonté de la personne ; mais faut-il l’écrire dans la proposition de loi, ainsi que vous le proposez ? Je ne le crois pas, car il en résulterait pour le reste de la proposition de loi un a contrario un peu effrayant.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. Madame David, l'amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Je souscris à votre analyse, madame la ministre, et c’est celle que j’ai développée devant les représentants des personnes polyhandicapées que j’ai rencontrées. Seulement, ceux-ci avaient le sentiment que la précision était nécessaire.
Compte tenu des explications qui viennent d’être données, par M. le corapporteur et par vous-même, je pense que toute ambiguïté est dissipée, de sorte que l’amendement est devenu superfétatoire.
Je suis entièrement d’accord avec ce qui a été dit : toute la procédure doit reposer sur la volonté de la personne, lorsqu’elle a été exprimée. Je retire donc mon amendement, en me félicitant qu’il ait permis de procéder à cette clarification.
M. le président. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
I. – (Non modifié) L’article L. 1111-13 du même code est abrogé.
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) Le 8° du II de l’article L. 1541-3 du même code est abrogé.
M. le président. L’amendement n° 154, présenté par MM. Dériot et Amiel, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Le 2° du II de l'article L. 1541-3 du même code est abrogé.
La parole est à M. Gérard Dériot, corapporteur.
M. Gérard Dériot, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Labazée, Godefroy et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon et Gorce, Mme D. Gillot, M. Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'étendre le versement de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, créée par l'article L. 168-1 du code de la sécurité sociale, aux personnes qui accompagnent, dans un établissement de santé, une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable.
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Dans la discussion générale, plusieurs orateurs ont souligné qu’une personne en fin de vie pouvait se trouver à domicile ou dans un EHPAD, mais aussi dans un établissement de santé. De fait, selon l’INSEE, 57,2 % des décès enregistrés en 2013 se sont produits dans des établissements de santé, qu’il s’agisse d’hôpitaux publics, d’hôpitaux privés ou de cliniques privées.
Les auteurs de cet amendement entendent soulever la question du soutien financier accordé à la personne qui accompagne une personne en fin de vie prise en charge dans un établissement de santé.
Afin de ne pas nous heurter aux rigueurs de l’article 40 de la Constitution, nous nous contentons de demander au Gouvernement d’étudier la possibilité d’élargir le bénéfice de l’allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie aux accompagnateurs d’une personne se trouvant dans un établissement de santé. Il importe en particulier de savoir ce que serait le coût de cette mesure, avant de l’inscrire, par exemple, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.