M. le président. L’article 41 de la Constitution !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Exactement, monsieur le président !
Ce travail passe-t-il par un plus grand recours à la procédure de « délégalisation » prévue par notre Constitution, par la mise en place de nouvelles irrecevabilités ? Il nous appartiendra, au regard notamment de l’article 41 de la Constitution et des intentions premières du constituant de 1958, d’en discuter ensemble le moment venu. Quoi qu’il en soit, réactiver des outils de la Ve République qui sont trop peu utilisés me paraît être une piste très intéressante !
Monsieur Assouline, je tiens à rendre hommage au travail que la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois a accompli sous votre présidence jusqu’en novembre 2014. Cette instance avait le mérite de faire travailler ensemble des sénateurs issus de différentes commissions permanentes, et je crois que cette particularité était très appréciée par certains membres de la Haute Assemblée. Elle avait formulé des propositions pertinentes pour améliorer et accélérer l’application des lois.
Je voudrais notamment revenir sur deux d’entre elles : la limitation du nombre de rapports demandés par le Parlement – vous aurez compris que j’y suis évidemment très favorable – et la réduction du nombre de décrets en Conseil d’État au profit de décrets simples. Le recours aux décrets en Conseil d’État devrait, en effet, être limité aux textes les plus sensibles d’un point de vue juridique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion, je voudrais essayer de tirer quelques enseignements du très riche débat de ce matin.
L’application des lois est un travail quotidien pour les ministres et leurs cabinets, ainsi que pour les administrations ; c’est aussi un sujet de préoccupation régulière pour l’ensemble des parlementaires.
C’est pourquoi je tiens à vous rappeler que je suis à votre disposition pour répondre à toutes les questions relatives à l’application des lois, non seulement lors de nos traditionnels débats du mois de juin, mais aussi tout le reste de l’année.
Ainsi, n’hésitez pas à me saisir lorsque vous constatez qu’un décret tarde à être publié, ou lorsque vous estimez qu’un texte d’application n’est pas totalement conforme à l’intention du législateur.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, ce débat a été utile, et il faudra continuer à le faire vivre. Je remercie particulièrement le vice-président Claude Bérit-Débat, qui avait déjà présenté son rapport d’information à la conférence des présidents, et compte aussi sur les relations que nous entretenons avec le secrétariat général du Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise, dans l’hémicycle, à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions cribles thématiques
RÉFORME DE LA DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques, posées à MM. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, et André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe.
Je rappelle également que ce débat est retransmis en direct sur France 3 et sur Public Sénat.
La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Messieurs les secrétaires d'État, puisque me revient l’honneur d’être le premier à m’exprimer, j’aimerais vous poser une question générale, portant sur le lien de solidarité qui unit l’ensemble de nos collectivités territoriales et se concrétise par une péréquation de leurs ressources.
La récente réforme de la carte des régions aura une incidence directe sur la manière d’appréhender les inégalités territoriales. En effet, en diminuant le nombre de régions et en augmentant leur taille, on va transformer mécaniquement un certain nombre d’inégalités interrégionales en inégalités intrarégionales.
Ma question est donc la suivante : quelles conséquences faut-il tirer, au regard de la péréquation, de ce transfert d’inégalités à un échelon subrégional ? Par exemple, ne devrait-on pas transférer une partie de la dotation de péréquation régionale aux échelons inférieurs ? Ne devrait-on pas également fixer des objectifs forts aux régions en matière de réduction de leurs disparités territoriales ?
L’exemple de l’Île-de-France, qui préfigure un peu ce que seront les grandes régions, est en effet préoccupant. Alors qu’elle est la région la plus riche de France, et même l’une des plus riches d’Europe, non seulement les inégalités y sont plus importantes qu’ailleurs, mais elles s’accroissent plus vite, ce qui accentue inexorablement la ségrégation spatiale.
Messieurs les secrétaires d'État, comment faire pour que la fusion des régions n’entraîne pas, sur le plan des inégalités, nos nouvelles régions sur la voie de l’Île-de-France ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, la fusion de certaines régions au 1er janvier prochain, inscrite dans la loi du 17 janvier 2015, aura bien sûr des conséquences sur leurs ressources fiscales comme sur le montant de leur DGF – dotation globale de fonctionnement.
Le Gouvernement a prévu dans la loi des dispositions relatives à la fusion des ressources fiscales, et le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit NOTRe, que le Sénat a adopté avec modifications voilà quelques jours et que l’Assemblée nationale examinera en deuxième lecture à la fin du mois, précise les mécanismes d’harmonisation des tarifs et des taux de certaines de ces ressources fiscales, aujourd'hui différents d’une région à l’autre.
Les transferts de compétences départementales aux régions et le choix de la région comme collectivité chargée du développement économique nécessiteront évidemment l’introduction de dispositions spécifiques dans les projets de loi de finances à venir.
Le calcul des dotations forfaitaires des régions est simple, et il permet de rapprocher les dotations par habitant, qui sont parfois différentes d’une région à l’autre, sans qu’il y ait d’effets non maîtrisés. Je vous rappelle que la dotation forfaitaire des régions représente 4,6 milliards d'euros sur les 4,8 milliards d'euros de DGF globale que perçoivent les régions. Les 200 millions d'euros de péréquation visent à réduire les inégalités entre régions.
Les mécanismes de la dotation de péréquation se traduiront en 2015, à règles inchangées, par des différences significatives entre la somme des dotations de péréquation perçues par les anciennes régions et les droits des régions fusionnées. L’impact pourrait être étendu par le biais des critères de répartition utilisés pour les autres régions puisque, vous le savez, la répartition se fait à enveloppe fermée.
L’objectif du Gouvernement est de concilier, d'une part, la prise en compte de la situation de chaque région au sein de l’ensemble des régions et, d'autre part, le souci de ne pas déstabiliser les budgets des régions, fusionnées ou non. Des simulations sont en cours. Un travail conjoint avec l’Association des régions de France, l’ARF, nous permettra de présenter au Parlement des dispositions législatives adéquates dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 ; vous aurez donc l’occasion de les examiner à l’automne prochain.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.
M. André Gattolin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Même si cela ne concerne pas directement la DGF, j’aimerais ajouter que la fusion des régions aura également un impact sur la répartition des crédits alloués par le Fonds européen de développement régional, le fameux FEDER. Il serait intéressant de pouvoir disposer de projections afin de savoir si le volume global attribué à la France sera affecté et s’il n’y aura pas trop de régions perdantes. Il reviendra ensuite aux régions de s’assurer que la nouvelle répartition des crédits au sein de leur territoire ne méconnaît pas trop la répartition antérieure.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour le groupe CRC.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, depuis quelques mois, Christine Pires Beaune, députée du Puy-de-Dôme, poursuit le travail qu’elle avait engagé avec Jean Germain, aujourd'hui décédé. Elle a déjà procédé à de nombreuses consultations pour définir, si possible avec les associations d’élus et les parlementaires, les principes communs d’une réforme de la DGF. Nous en avons discuté au sein tant du Comité des finances locales que de la commission des finances du Sénat.
Créée en 1979, la DGF constitue encore, avec 40 milliards d'euros en 2014 et 36,6 milliards d'euros en 2015, le principal concours budgétaire de l’État aux collectivités locales. Elle a connu bien des bouleversements au fil du temps, ses transformations jouant sur sa composition, sa fonction même et les objectifs poursuivis à travers son allocation.
Conçue dès l’origine pour remplacer des recettes fiscales supprimées par l’État, elle est un outil de prise en compte à la fois des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et des manques à gagner dus aux transferts de compétences, mais aussi un outil de péréquation des ressources.
Pour Christine Pires Beaune, la DGF doit conserver ces caractères essentiels, et je partage cette vision. Mais comment envisager une réforme de la DGF au moment où les collectivités locales paient un lourd tribut – 12,5 milliards d'euros entre 2014 et 2017 – pour répondre au dogme du traité budgétaire européen, selon lequel la réduction de la dépense publique est l’instrument qui nous permettra de redresser la situation ?
Ma question est simple : peut-on, de manière responsable, concevoir une réforme de la DGF digne de ce nom, c'est-à-dire s’attaquant aux écarts injustifiés, et dont la réalité a été confirmée par la mission ? N’est-il pas temps de donner aux collectivités, quelle que soit leur taille, les moyens de leur action pour les services publics indispensables à leurs populations, ainsi que pour l’emploi et les investissements dont dépend la vie de nos territoires ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous pensons que c’est précisément eu égard au contexte difficile que vous avez décrit que les inégalités inhérentes à la DGF doivent être corrigées.
Les écarts de dotation non justifiés par des écarts objectifs de richesse ou de charges ne sont plus acceptables. Des correctifs ont certes été apportés par le législateur, par exemple via la hausse de la péréquation, notamment cette année, mais comment obtenir une meilleure répartition des ressources en fonction de la richesse des collectivités quand près de la moitié de la dotation forfaitaire correspond à des parts figées, parfois depuis longtemps, à des compensations historiques qui n’ont plus de pertinence aujourd'hui ?
C’est dans cette optique qu’une première étape de la réforme de la DGF du bloc communal a été franchie dans le cadre de la loi de finances pour 2015. Elle a permis d’agréger les anciennes composantes de la dotation forfaitaire pour y intégrer la contribution au redressement des finances publiques. Cette première étape a également permis de rénover les modalités de financement de la péréquation, en faisant contribuer toutes les collectivités dont le potentiel fiscal est supérieur à 75 % de la moyenne, ce qui a introduit davantage d’équité, de justice et de solidarité.
Néanmoins, ce n’est pas suffisant. Il faut maintenant s’atteler à la recherche d’une meilleure répartition de la DGF, en revoyant ses critères d’allocation et ses objectifs, afin qu’elle soit plus lisible pour les élus locaux et plus juste, en prenant mieux en compte les collectivités les plus favorisées et celles qui le sont moins.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour la réplique.
Mme Marie-France Beaufils. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Vous le savez comme moi, la perte de ressources des collectivités territoriales vient d’avoir des conséquences très lourdes pour notre économie. L’Association des maires de France, l’AMF, a chiffré cette perte à 4,3 milliards d'euros ; c’est un montant très important. Je participe aux réflexions du groupe de travail, mais il me semble difficile, avec une diminution aussi importante de la masse globale, de donner aux collectivités territoriales des perspectives qui correspondent véritablement à ce qui est nécessaire sur le terrain.
Les modifications introduites en 2015 n’ont pas apporté de réponses aux questions soulevées tant par le Comité des finances locales que par les travaux de Christine Pires Beaune. Le niveau des charges supportées par les collectivités territoriales et l’aggravation du sort de leurs populations – je vous renvoie aux derniers chiffres du chômage – sont tels que, en face, les quelques modifications introduites cette année en matière de potentiel fiscal ne pèsent pas bien lourd. Je n’ai pas l’impression que les écarts constatés par le passé aient été modifiés de façon marquante. Quand certaines collectivités perdent plus de 20 % de leur DGF, même si elles sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine – DSU –, leur situation devient très compliquée.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Michèle André. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, comme l’a rappelé Marie-France Beaufils, le Premier ministre avait confié à notre collègue députée Christine Pires Beaune et à notre regretté collègue Jean Germain la délicate mission de proposer des pistes de réforme de la DGF.
Le 27 mai dernier, Christine Pires Beaune a présenté l’état de ses travaux à la commission des finances. Elle nous a livré quelques éléments de diagnostic : comment expliquer que, pour les communes de 20 000 à 50 000 habitants, le complément de garantie soit compris entre 0 et 392 euros par habitant ? Comment justifier que 34 803 communes sur 36 553, soit 95 %, soient éligibles à la dotation de solidarité rurale – DSR –, qui est supposée être une dotation de péréquation ?
Christine Pires Beaune a également évoqué cinq pistes de réforme : créer une « dotation universelle de fonctionnement » garantie à toutes les communes ; renforcer le ciblage de la péréquation « verticale » pour mieux l’articuler avec la péréquation « horizontale » ; créer une DGF des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – distincte de celle des communes ; créer une « DGF locale » qui préserve l’autonomie des communes tout en intégrant le fait intercommunal ; réexaminer les critères d’éligibilité et de répartition de la DGF, ainsi que leur cohérence.
Ces pistes devront évidemment faire l’objet de simulations avant de devenir de véritables préconisations.
Sur une question aussi cruciale, messieurs les secrétaires d’État, aucune piste de réforme ne saurait être écartée ; toutes celles qui sont proposées me paraissent devoir, sans exception, faire l’objet de simulations, afin que le Parlement dispose, de même que le Gouvernement, d’une évaluation objective lui permettant de décider en toute connaissance de cause des modalités de la réforme qu’il souhaite mettre en œuvre.
C’est pourquoi je souhaite obtenir du Gouvernement la confirmation qu’il agira de manière que le meilleur parti soit tiré de la mission Pires Beaune-Germain, sans exclure a priori aucune des pistes proposées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Michèle André, devant une question dont chacun s’accorde à reconnaître le caractère complexe, nous devons nous attacher davantage à ce qui nous rassemble qu’à ce qui pourrait nous diviser.
Nous pouvons nous rassembler, d’abord, autour du constat de l’illisibilité et de l’injustice de la DGF telle qu’elle est aujourd'hui. Cette situation est le fruit de l’histoire, et mon observation n’a pas de caractère politique. En tout cas, on peut craindre qu’elle ne soit pas de nature à réconcilier nos concitoyens avec l’exercice des responsabilités politiques locales…
M. Philippe Dallier. Ça, c’est sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ensuite, nous pouvons tomber d’accord sur la nécessité d’assurer l’égalité en instaurant une dotation universelle, un socle grâce auquel toutes les communes pourront remplir leurs missions régaliennes dans des conditions égalitaires.
Nous pouvons aussi nous entendre sur la nécessité de la péréquation. La question de la péréquation verticale pourra être approfondie. Par ailleurs, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, issu d’une initiative sénatoriale et instauré – je le rappelle bien volontiers – sous une autre majorité, contribue déjà à assurer une plus grande égalité.
Madame André, les propositions envisagées devront assurément faire l’objet de simulations. Le Gouvernement s’engage à fournir, avec le concours de l’ensemble des administrations concernées, le plus grand nombre possible d’informations fondées sur des simulations. En outre, comme vous l’avez souhaité, nous entendons n’écarter aucune des pistes esquissées par la mission dirigée par Mme Pires Beaune, qui rendra son rapport définitif cet été.
Compte tenu de la complexité de la question, un dialogue aura nécessairement lieu. Le Gouvernement fera preuve d’un esprit d’écoute, d’échange et d’ouverture !
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour la réplique.
Mme Michèle André. Je serai très brève, car j’ai obtenu ce que j’attendais : entendre de la bouche de M. le secrétaire d’État chargé du budget que toutes les pistes seront étudiées. Ici ou là, en effet, on entend dire que certaines seraient a priori écartées. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir donné l’assurance qu’il n’en était rien !
M. le président. Je suis sûr que, si ce n’était pas le cas, la commission des finances ne manquerait pas de se faire entendre ! (Sourires.)
Mme Michèle André. Absolument, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Delahaye. Les critères de répartition de la DGF sont devenus souvent inadaptés, et parfois sources d’injustice dans un contexte de réduction drastique des dotations. Pour l’instant, la réforme annoncée de la DGF pose davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Il faut remarquer que la réduction des dotations est bien plus douce pour les régions et les départements que pour le bloc communal. En effet, si les départements et les régions ont bénéficié du transfert des frais de gestion auparavant perçus par l’État, le bloc communal n’a pas eu droit au même traitement. Pourquoi donc frapper durement et prioritairement l’échelon local le plus directement sollicité par le citoyen ? Le Gouvernement veut-il en priorité, pour réduire le millefeuille territorial, la disparition des communes ?
Une autre injustice résulte du pilotage de l’intercommunalité par le biais de la DGF. De fait, les intercommunalités ne sont pas, selon leur statut, logées à la même enseigne, et certaines sont nettement mieux loties que d’autres : généralement, les plus anciennes et les plus intégrées. Ainsi, j’ai observé des écarts de dotation par habitant allant de 1 à 11 pour les intercommunalités, alors que, pour les communes, l’écart est seulement de 1 à 2. Autant ces écarts pouvaient se comprendre au début de l’aventure intercommunale, lorsqu’il s’agissait d’inciter les communes à se regrouper, autant ils semblent injustifiés à l’heure de l’achèvement de la couverture du territoire par les intercommunalités.
De surcroît, la prime à l’intégration maximale est fort surprenante. Pourquoi consacrer de l’argent public au renforcement de l’intégration puisque celle-ci est censée entraîner des économies d’échelle grâce à la mise en commun d’un certain nombre de services. Si les intercommunalités n’opèrent pas de telles mutualisations, qu’elles s’abstiennent de pousser plus loin l’intégration ! Si elles en opèrent, pourquoi les aider, puisqu’elles économisent de l’argent ?
Le Gouvernement voudrait-il décidément, de manière subreptice, sans le dire, la disparition des communes ?
Dans ce contexte, le Gouvernement peut-il me confirmer que la réforme envisagée de la DGF n’aura pas pour but caché la disparition progressive des communes ? Peut-il m’assurer qu’elle visera notamment à réduire les écarts de dotation par habitant entre les intercommunalités, sans favoriser l’intégration, mais en encourageant la mutualisation, source d’économies pour tous ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous soulevez là de vraies questions, mais je note que vous n’esquissez guère de réponses. Or, je le répète, j’attends des différents groupes, des différents acteurs du terrain qu’ils formulent des propositions.
En ce qui concerne la répartition de l’effort lié à la diminution des dotations, je vous signale qu’elle n’a pas été décidée par le seul Gouvernement. Nous jugions plus juste de faire reposer davantage l’effort sur ceux qui ont le plus de moyens, mais le Comité des finances locales a refusé qu’on s’engage dans une telle démarche.
Par ailleurs, alors qu’un partage fondé sur les recettes réelles de fonctionnement aurait conduit à faire supporter 77 % de l’effort par les communes et 23 % par les intercommunalités, le comité des finances locales a décidé d’en faire reposer 70 % sur les communes et 30 % sur les intercommunalités. L’effort pèse donc davantage sur ces dernières, ce qui ne me semble pas forcément opportun au moment où nous souhaitons les renforcer.
Monsieur le sénateur, vous avez insisté sur les avantages de la mutualisation au sein des intercommunalités. Je vous confirme que le Gouvernement est favorable au renforcement de la mutualisation, qui ne signifie aucunement la disparition des communes. Le Gouvernement n’a pas à cet égard d’intentions cachées et encore moins, bien entendu, affichées. (Mme Catherine Procaccia s’esclaffe.)
À la faveur du mouvement de décentralisation, qui se poursuit et s’amplifie, les territoires gagnent en autonomie. D’où la proposition, qui n’est qu’une proposition, d’une territorialisation du mode de calcul des dotations versées aux intercommunalités et aux communes.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.
M. Vincent Delahaye. Il va de soi qu’on ne peut pas, en deux minutes, épuiser une question d’une telle complexité.
Je tiens à faire remarquer à M. le secrétaire d’État que ce n’est pas le Comité des finances locales qui a décidé de compenser, parfois même au-delà des ressources perdues, la baisse des dotations versées aux départements et aux régions par le transfert de la perception des frais de gestion, et de laisser les communes supporter le gros de l’effort, comme cela s’est produit en 2014.
Vous avez parlé du renforcement de l’intercommunalité. Je parle, moi, d’intégration et de mutualisation, pour souligner que les deux notions, souvent confondues, doivent être nettement distinguées. Je souhaite que l’on favorise la mutualisation, mais, en ce qui concerne l’intégration,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Vincent Delahaye. … je répète ce que j’ai dit tout à l’heure : elle n’est pas souhaitable si elle n’entraîne pas d’économies d’échelle et, si elle en entraîne, il n’y a pas lieu de dépenser de l’argent public pour la soutenir !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dallier. Chacun, à quelque groupe qu’il appartienne, est prêt à reconnaître qu’il est nécessaire de réformer la dotation globale de fonctionnement, aujourd'hui illisible et inefficace, ainsi que les mécanismes de péréquation, lesquels sont suffisamment étranges pour qu’une commune de Seine-Saint-Denis comme la mienne soit à la fois éligible à la DSU et contributrice au FPIC.
La question est de savoir si l’on peut mener cette réforme dans un contexte budgétaire singulièrement difficile pour les collectivités territoriales.
Je rappelle que les dotations aux collectivités territoriales vont baisser de 12,5 milliards d’euros. Messieurs les secrétaires d'État, croyez bien que c’est extrêmement difficile à supporter ! Du reste, nous en voyons les premières conséquences dans la chute de l’investissement des collectivités territoriales, qui réalisent 70 % de l’investissement public en France ; le secteur du bâtiment et des travaux publics est le premier à en pâtir. Certains vont jusqu’à prévoir une perte de croissance de 0,6 point du fait des baisses des dotations.
Oui, nous devons réaliser des économies et contribuer au redressement des comptes publics. Il s’agit de savoir à quel rythme nous pouvons le faire. Or je crois, messieurs les secrétaires d’État, que les décisions qui sont prises aujourd’hui vont plonger nombre de collectivités territoriales dans une situation budgétaire extrêmement délicate. Songez que, d’ici à deux ans, comme une étude du Sénat l’a démontré, les deux tiers des communes n’auront plus les moyens d’autofinancer leurs investissements et seront dans le « rouge » !
Que devrons-nous faire, alors ? Nous endetterons-nous, alors qu’il faut désendetter le pays ? Augmenterons-nous les impôts, alors qu’il faut réduire la pression fiscale ? Des économies, nous en rechercherons, mais nous n’en trouverons pas en proportion de la diminution des dotations.
Oui à la réforme de la DGF et des mécanismes de péréquation, car elle est nécessaire, mais nous avons besoin d’un moratoire sur les baisses des dotations aux communes, ou du moins d’un allongement de la période au cours de laquelle elles seront opérées. Messieurs les secrétaires d'État, y êtes-vous prêts ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.