M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me réjouis, monsieur le sénateur, que, par deux fois, vous ayez dit : « oui à une réforme de la DGF ! » Venant d’un membre du groupe Les Républicains, je vois dans cette prise de position un point tout à fait positif, car il s’agit bien d’une de ces idées susceptibles de nous rassembler.
Pour le reste, vous avez plutôt mis l’accent sur ce qui nous divise.
Permettez-moi de faire un simple calcul de « coin de table ». Les 12,5 milliards d’euros de baisse des dotations aux collectivités territoriales que vous avez évoqués s’étalent sur une période de cinq ans : la première année a donné lieu à un moratoire ; la deuxième a vu une baisse de 1,5 milliard d’euros ; au cours des trois autres les dotations baisseront de 3,6 milliards d’euros. Par ailleurs, cette baisse représente environ 6 % des recettes réelles de fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales, qui sont de l’ordre de 220 milliards d’euros. Une baisse de 6 % en cinq ans, dans le contexte que nous savons, ce n’est certes pas un effort négligeable ; il est même significatif ; mais je pense qu’il peut être géré.
Est-il opportun de le réaliser en ce moment ? Je pense que oui, car la situation actuelle est marquée par une forte hétérogénéité : certaines situations étant confortables et d’autres plutôt tendues, demander le même effort à tous reviendrait à infliger à certains une forme de double peine. Il faut donc rebondir sur cette difficulté collective pour mener à bien une réforme de la DGF ; mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, le Gouvernement se réjouit que vous la souteniez, et il attend vos propositions.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. La baisse des dotations appliquée aux collectivités territoriales porte bien sur quatre ans : elle s’est élevée à 1,5 milliard d’euros l’an dernier et atteindra 3,6 milliards d’euros par an entre 2015 et 2017.
M. Philippe Dallier. Je vous l’accorde, monsieur le secrétaire d’État. Toujours est-il que la baisse se produit sur quatre ans.
Vous considérez qu’une baisse de 6 % étalée sur quatre ou cinq exercices, ce n’est finalement pas grand-chose. Seulement, pendant que nos recettes baissent, les dépenses, elles, ne baissent pas ! Nous pouvons certes ralentir leur hausse, mais il est extrêmement difficile de les réduire. Vous savez bien que les dépenses de personnel représentent 60 % du budget des communes, et que celles-ci ne maîtrisent ni l’augmentation du point d’indice, ni le glissement vieillesse technicité, ni les augmentations de charges que Gouvernement décide ou que le Parlement vote régulièrement. Sans compter que tout le reste augmente également : l’électricité, le gaz, les frais de télécommunications !
Les communes sont donc victimes d’un effet de ciseau, prises entre la baisse des recettes et la hausse continue des dépenses, fût-ce à un rythme ralenti. Le Sénat a démontré dans son étude qu’elles allaient se trouver dans une situation très difficile. Le Gouvernement doit en tenir compte, sinon, en définitive, ce sont les entreprises qui trinqueront. On nous annonce 30 000 chômeurs supplémentaires dans le bâtiment en 2015 ! Malheureusement, c’est ce que nous devrons constater à la fin de l’année ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Messieurs les secrétaires d’État, je poserai une question à chacun d’entre vous.
La Haute Assemblée, en vertu de la Constitution, représente les collectivités territoriales. Nous sommes donc la voix légitime de ces collectivités, jusqu’à ce que vous l’étouffiez pas le non-cumul des mandats ! (Mme Catherine Procaccia s’esclaffe.)
Or les élus des collectivités, tout comme l’ensemble de nos concitoyens, ont besoin de lisibilité, de simplification et d’équité – l’égalité étant impossible. Les collectivités doivent pouvoir disposer d’une vue globale de leurs ressources, qu’il s’agisse des dotations de l’État ou de leurs recettes fiscales.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, la situation est devenue incompréhensible et injuste, le premier terme étant trop souvent la justification du second.
Il faut bien le dire, l’évolution législative qui est nécessaire ne peut être menée avec succès qu’en début de mandat présidentiel, car ceux qui vont percevoir moins et payer plus vont hurler, tandis que ceux qui en bénéficieront resteront silencieux.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme toujours…
M. Jacques Mézard. Hélas, le quinquennat nous éloigne d’un tel objectif.
Le Gouvernement a fait le choix d’une baisse brutale d’ici à 2017 : de 12,5 milliards d’euros. Comme nous l’avons fait observer dans le rapport que Philippe Dallier, Charles Guené et moi-même avons établi, un nombre important de collectivités seront contraintes de renoncer à tout investissement et d’augmenter la fiscalité locale.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter le naufrage de ces collectivités, du moins de celles qui sont le plus en difficulté, et réaliser une baisse péréquatrice ? Quel est votre calendrier ?
En outre, confirmez-vous, monsieur Vallini, les conclusions du rapport que vous avez commandé à la commissaire générale à l’égalité des territoires ? Selon ce rapport, « la DGF devrait être un outil d’accompagnement de la décentralisation renforcée de la réforme territoriale, alors qu’elle ne pèse actuellement que pour un tiers du budget du bloc communal ». Et de poursuivre : « Le budget des EPCI doit être renforcé pour atteindre les deux tiers du poids total de ce bloc. Dans cette logique, la DGF pourrait être déterminée exclusivement sur la base de critères calculés à l’échelle des EPCI et verser uniquement à ces établissements publics. » Est-ce là votre projet ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe Les Républicains et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur le président Jacques Mézard, c’est vrai, la DGF est illisible et injuste. Nous devons en corriger les effets, qui renforcent parfois les inégalités entre collectivités locales, au lieu d’y remédier.
Le Gouvernement travaille en ce sens en tenant compte des travaux de la mission parlementaire conduite par Christine Pires Beaune et, jusqu’à ces dernières semaines, par le regretté Jean Germain. Le Comité de finances locales sera saisi et la Haute Assemblée sera, bien entendu, en tant que chambre représentant les territoires, la première concernée par ces débats.
Quant au rapport de Mme la commissaire générale à l’égalité des territoires, je n’ai ni à l’infirmer ni à le confirmer : il n’engage qu’elle et ses collaborateurs. Ce sont eux qui ont rédigé ce rapport.
Le Gouvernement, je le répète, ne veut pas anticiper sur les conclusions de la mission parlementaire et encore moins sur les travaux des deux chambres du Parlement.
Concernant les mesures que le Gouvernement compte prendre, elles sont nombreuses. Certaines ont d’ailleurs déjà été prises, pour éviter que certaines collectivités renoncent à tout investissement.
Comme vous le savez, et je réponds par là même à M. Dallier, le Premier ministre a reçu tout récemment les responsables de l’Association des maires de France ; Christian Eckert et moi-même étions d’ailleurs présents. De nouvelles mesures ont été annoncées à cette occasion, en plus de celles qui l’avaient été au mois d’avril en matière de remboursement de la TVA, de prêt à taux zéro de la Caisse des dépôts et consignations, permettant d’anticiper le remboursement des sommes dues par l’État aux collectivités locales. Un fonds spécial d’investissement de 1 milliard d’euros pourrait être créé pour aider les communes qui sont le plus en difficulté. Le prêt à taux zéro de la Caisse des dépôts et consignations pourrait être pérennisé sur deux années. À cela s’ajoute l’aide de 100 millions d’euros aux maires bâtisseurs pour aider les communes dans les zones les plus tendues à investir dans le logement et la hausse de 200 millions d’euros de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.
Voilà les propositions qui ont été faites à l’Association des maires de France. Le Premier ministre a proposé au président François Baroin de renouveler cette rencontre au mois de juillet.
Ces nombreuses mesures prouvent que le Gouvernement est préoccupé par la situation des collectivités locales et entend les aider à continuer d’investir. (M. Claude Bérit-Débat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.
M. Jacques Mézard. Je constate que nous n’avons pas de réponse précise sur les conséquences de cette baisse de 12,5 milliards d’euros. Vous nous dites que le Premier ministre a annoncé une aide de 1 milliard d’euros pour les collectivités qui sont le plus en difficulté. Mais selon quels critères ces fonds seront-ils répartis ? La réaction de l’Association des maires de France a d’ailleurs été très claire sur ce point.
Je suis favorable à une réforme de la DGF. Seulement, vous allez cumuler la baisse de 12,5 milliards d’euros, une réforme de la DGF dont le calendrier est hypothétique et une aide de 1 milliard d’euros pour les communes les plus en difficulté, mais sans que l’on connaisse les critères qui présideront à sa répartition !
Or le rapport que j’ai rédigé avec Philippe Dallier et Charles Guené démontre que c’est une majorité de communes qui seront en difficulté. Dès lors, ce n’est pas avec 1 milliard d’euros que vous allez résoudre le problème !
Peut-être n’appliquerez-vous pas forcément les conclusions du commissariat à l’égalité des territoires… Néanmoins, je continue de m’interroger, sachant que, jusqu’à présent, ce que nous trouvons dans les projets de loi est l’exact reflet du contenu de ses rapports !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Alain Richard. Nous sommes nombreux à être engagés dans la réflexion sur cette réforme de la DGF et nous nous accordons tous sur la nécessité de la réaliser, compte tenu du diagnostic que vous avez rappelé, messieurs les secrétaires d’État.
J’ai bien noté que, selon le Gouvernement, il convenait d’explorer toutes les pistes, mais j’attire l’attention sur la difficulté de mener l’exercice dans le mois qui vient.
Premièrement, lorsque nous examinons les critères de répartition qui pourraient remplacer la multiplicité des différents critères actuels, dont le cloisonnement aboutit de plus à des contradictions, il apparaît que l’idée la dotation universelle devrait assez facilement donner lieu à un accord entre nous. Il en va de même concernant la prise en compte de la ruralité. En revanche, sur d’autres points, notamment les modalités d’un resserrement des inégalités et des charges de centralité, nous sommes encore très loin du but.
Deuxièmement, comme l’a souligné M. Vincent Delahaye, l’actuelle dotation d’intercommunalité est le résultat d’un mécanisme d’incitation qui n’a plus d’objet. Toutefois, les principes mêmes qui doivent guider une nouvelle dotation d’intercommunalité ne sont pas définis ni même clarifiés entre nous.
Troisièmement, lorsqu’on décide d’inscrire une réforme de la DGF de cette ampleur dans une loi de finances, on se donne les conditions les plus restrictives pour en débattre, en particulier au Sénat, qui ne pourra guère y travailler avant la fin du mois de novembre.
Je me vois dans l’obligation de faire ici une révélation importante : nous sommes le 11 juin ! (Sourires.) Est-il raisonnable de penser que, d’ici à la présentation du projet de loi de finances, nous serons allés au bout de tous ces débats ?
Nous avons été quelques-uns à saisir le secrétaire d’État Christian Eckert de la difficulté d’achever, dans un certain délai, la révision des bases. Il nous a entendus.
Aujourd'hui, je plaide auprès du Gouvernement pour que nous nous donnions un peu plus de temps. On peut prévoir une ou deux mesures de justice en 2016, mais il faut que nous gardions toute l’année 2016 pour mener à bien cette réforme de la DGF dans un climat financier qui sera peut-être un peu éclairci.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Richard, le meilleur moyen de ne pas aboutir à une réforme est, je le crains, de commencer par penser que l’on n’aura pas le temps de l’élaborer. Différents gouvernements, au fil du temps, qu’il s’agisse de la DGF ou d’autres sujets, comme la révision des valeurs locatives, ont renoncé à des réformes sous prétexte que le contexte n’était pas propice, que c’était trop difficile ou que le temps était trop court.
Aujourd'hui, pour ce qui est de la DGF, j’ai le sentiment que – pardonnez-moi de le dire ainsi – quelque chose est en train de bouger. Il y a encore quelques mois, voire quelques semaines, de nombreuses voix continuaient de s’élever contre toute réforme de la DGF : ceux qui sont assis sur leurs privilèges jouent évidemment la carte du conservatisme !
On trouve toujours toutes les raisons possibles pour expliquer que ce n’est pas le moment : on est en fin de législature, c’est compliqué, il faut attendre la fin de la révision des valeurs locatives…
Cependant, j’ai entendu tout à l'heure un membre du groupe Les Républicains déclarer : « Oui, nous sommes d’accord pour nous engager dans cette réforme. » Alors, allons-y résolument !
Nous mettons à disposition les moyens de l’administration, les outils, les grands ordinateurs, pour procéder à toutes les simulations nécessaires. Il faudra notamment explorer la piste d’une dotation calculée – je ne dis pas « versée » – au niveau territorial. En effet, il existe des communes riches dans des intercommunalités pauvres et des communes pauvres dans des intercommunalités riches : il n’est pas normal que le prélèvement au titre du FPIC ne tienne pas compte de ces situations.
Nous devons travailler sur tous ces sujets avec l’ambition de réussir. En faisant preuve de volonté, nous arriverons, je l’espère, à tenir des délais compatibles avec le projet de loi de finances pour 2016.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour la réplique.
M. Alain Richard. J’enregistre votre espoir, monsieur le secrétaire d’État.
Permettez-moi de réagir à un exemple que vous venez de donner.
Le FPIC a été mis en place à l’échelle intercommunale, et nous avons été nombreux à l’approuver. Cela fait maintenant trois ans qu’on expérimente l’exercice. Or les difficultés de répartition interne aux communautés et intercommunalités, sur lesquelles nous avons été quelques-uns à vous alerter voilà déjà quelque temps, n’ont pas encore été résolues.
Certes, des mesures de justice doivent être prises dans la loi de finances pour 2016, mais en nous donnant l’année 2016, nous pourrions conduire un vrai débat parlementaire. Les échanges que nous avons aujourd'hui montrent que nous pouvons nous rapprocher. Si l’on veut que cette réforme s’applique sur le long terme, il faut qu’elle soit très largement approuvée.
J’ajoute que, en 2016, nous verrons la fin du prélèvement pour la contribution à l’équilibre des finances publiques. Vous pourrez aussi nous indiquer le choix du Gouvernement quant à l’évolution annuelle de la DGF, car celle-ci n'est pas nécessairement condamnée à baisser !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe Les Républicains.
M. Michel Bouvard. Personne ne conteste le bien-fondé d’une réforme de la DGF, eu égard à la complexité du dispositif actuel, non plus que la nécessité de la péréquation.
Cela étant dit, après que Vincent Delahaye a insisté sur les risques d’une baisse des investissements des collectivités et qu’Alain Richard a parlé des communes supportant des charges de centralité, permettez-moi d’évoquer la situation des communes touristiques. Celles-ci ne refusent pas la solidarité, mais elles entendent défendre la compétitivité du tourisme français, comme le souhaite d’ailleurs à juste titre M. Laurent Fabius.
Ces communes sont, dans leur quasi-totalité, soumises à une double peine : une réfaction de la DGF, qui n’était pas prévue au moment où le FPIC a été mis en place, et la montée inexorable du FPIC, qui ampute le budget de certaines stations de deux ou trois millions d’euros et prive les communes concernées d’une capacité d’investissement de 20 à 30 millions d’euros, à un moment où la compétition internationale dans le secteur du tourisme est de plus en plus vive.
Messieurs les secrétaires d’État, ma question est simple : comment peut-on avoir une péréquation plus juste ?
Selon le rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances locales, la péréquation ne s’est pas accompagnée de l’adoption d’un cadre global permettant d’assurer la cohérence de l’ensemble et l’efficacité. Elle repose au contraire sur un ensemble de dispositifs ajoutés les uns aux autres par sédimentation. La Cour des comptes appelle, à travers ses observations et recommandations, à procéder à des évaluations de niveau de ressources et de charges des collectivités qui s’appuient sur des logiques cohérentes.
Par ailleurs, entendez-vous recréer, au sein de la DGF, une dotation spécifique pour les communes touristiques, comme il en existait une avant 1995, avec ses propres mécanismes péréquateurs, incitant à l’investissement, au lieu de favoriser l’effet de rente dont bénéficiaient un certain nombre de collectivités ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Bouvard, vous évoquez là un sujet qui vous est familier. Vous reconnaissez que les communes touristiques bénéficient déjà d’un certain nombre de dispositions visant à tenir compte de leur spécificité.
Ainsi, dans le calcul de la DGF, les résidences secondaires sont prises en compte à raison, me semble-t-il, d’un habitant par résidence secondaire, ce qui permet un avantage certain dans les répartitions. Il existe aussi la possibilité d’instituer une taxe de séjour, ainsi qu’un certain nombre d’autres dispositions pour les stations classées en zone touristique qui permettent, elles aussi, d’accéder à des majorations de dotations.
Faut-il mettre en place une dotation spécifique pour les communes touristiques ? Le Parlement en décidera, mais le Gouvernement reste prudent, dans la mesure où créer des dotations spécifiques pour l’ensemble des communes ayant un caractère spécifique conduirait à multiplier les dotations. En effet, les communes de montagne, qui ne sont pas nécessairement touristiques, demanderont également des dispositions particulières, tout comme les communes d’outre-mer ; je pense, par exemple, aux débats que nous avons souvent eus avec votre collègue Georges Patient sur la question de la dotation proportionnelle à la surface et sur le plafonnement de celle-ci. Il y a aussi les communes inondables…
Bref, nous pourrons sans doute donner libre cours à une certaine créativité, mais nous ne devrons pas perdre de vue notre objectif central de lisibilité et de simplification.
Le Parlement travaillera et débattra sur ces questions tout à fait légitimes, puis il se prononcera à leur sujet…
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour la réplique.
M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais on ne peut pas dire que le nombre de résidences secondaires soit partout représentatif du nombre de lits.
De même, le produit de la taxe de séjour couvre parfois à peine les investissements en matière de sécurité qu’une station est amenée à faire.
Une station touristique, c’est une commune plus une entreprise. L’ensemble des stations touristiques sont aujourd’hui insérées dans une compétition internationale. C’est particulièrement vrai pour les stations alpines, qui sont confrontées à la très vive concurrence des stations autrichiennes, italiennes et suisses. Dans ces pays, les communes ne sont pas forcément autorités gestionnaires des domaines touristiques ; c’est ce qui fait la différence avec la France.
Tout cela mérite d’être pris en compte si nous voulons que le tourisme continue à apporter son écot à la balance commerciale, sa contribution à la création d’emplois et au redressement des finances publiques.
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Vincent Eblé. Messieurs les secrétaires d’État, l’avancement des travaux du Comité des finances locales nous a permis de comprendre qu’il était envisagé de distinguer, dans la réforme de la DGF, celle du bloc communal et celle des autres collectivités.
Nous sommes d’accord, sur toutes les travées, quant à la nécessité de faire cesser les inégalités qui perdurent au détriment des communes modestes, mais il convient également de se préoccuper de la situation des départements.
Celle-ci illustre bien le vieillissement des mécanismes actuels de la DGF, qui a cristallisé des situations héritées de l’histoire sans prendre en compte le développement et la dynamique des territoires.
Si l’écart touchant la DGF versée aux départements est de moindre ampleur que celui qu’on observe s’agissant des communes, il n’en est pas moins extrêmement préjudiciable au bon fonctionnement des compétences contraintes qu’exercent les conseils départementaux, en particulier dans le champ des solidarités.
Permettez-moi de prendre l’exemple de mon département, dont la DGF est anormalement faible.
En 2014, alors que le potentiel financier de la Seine-et-Marne est inférieur au potentiel financier moyen des départements, elle a reçu une DGF par habitant de 113 euros, alors qu’elle est de 152 euros pour les Hauts-de-Seine, qui disposent pourtant d’un potentiel financier infiniment supérieur.
Comment cela est-il possible ?
M. Roger Karoutchi. C’est parce que le département des Hauts-de-Seine est mieux géré ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Eblé. Ce très faible niveau de DGF en Seine-et-Marne trouve son origine dans les ajustements historiques des mécanismes de répartition de la DGF, qui sont venus cristalliser des situations existantes.
L’intégration en son sein de dotations et de compensations auparavant indépendantes a figé les écarts de richesse. Ainsi, les départements sont aujourd’hui financés par ces dotations selon des situations non actualisées, qui datent par exemple de 1999 – seize années ! –, date de la réforme de la taxe professionnelle par la disparition de la part « salaires ».
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Vincent Eblé. C’est donc la dynamique économique et démographique des territoires qui n’est pas prise en compte et qui est pénalisée.
C’est extrêmement préjudiciable sur le plan de la croissance économique et sur celui de la mobilisation des territoires, qui ne sont plus intéressés à leur propre développement.
Je vous remercie de me dire si vous partagez cette analyse.
Nous réclamons une réforme des mécanismes de répartition de la DGF des départements selon le même calendrier que celui intéressant les autres échelons territoriaux. J’aimerais connaître également votre avis sur ce dernier point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Eblé, nous pensons qu’il faut commencer par réformer la DGF du bloc communal.
D’une part, elle représente la part la plus importante de la DGF – 22,9 milliards sur 36 milliards d’euros, soit 60 % – ; d’autre part, c’est là que les injustices et les inégalités sont les plus fortes.
C’est donc avec l’accord de l’Assemblée des départements de France que nous envisageons de reporter la réforme de la DGF départementale au 1er janvier 2018.
Pour autant, monsieur le sénateur, le Gouvernement est très conscient des problèmes que vous avez exposés, et il est vrai que la Seine-et-Marne, si l’on compare sa situation à celle des Hauts-de-Seine, département très favorisé, est défavorisée par le mécanisme actuel de la DGF.
Si nous n’avons pas prévu de réformer tout de suite la DGF des départements, nous avons pris des mesures dès juillet 2013 – ce que l’on a appelé les « accords de Matignon » – concernant notamment la compensation des trois allocations individuelles de solidarité. Le président de conseil général que j’étais à l’époque s’en était réjoui, sans doute comme vous.
En 2015, en outre, la DGF des départements, à l’instar de celle des communes, a été simplifiée par l’agrégation de la dotation de base et du complément de garantie, et elle continue à tenir compte des évolutions de la population.
Quant à la péréquation verticale, elle poursuit sa progression : elle augmente de 20 millions d’euros pour les départements, soit une croissance de 4 %, pour atteindre 1,443 milliard d’euros en 2015.
Il en va de même pour la péréquation horizontale : les départements les plus pauvres bénéficient de l’augmentation de 30 millions d’euros des ressources du fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçue par les départements, ce qui porte son volume total à 86 millions d’euros
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est très conscient des problèmes des départements ; néanmoins, il pense qu’il faut commencer par réformer la DGF du bloc communal, tout en aidant les départements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour la réplique.
M. Vincent Eblé. Quelques mots pour réagir à la mention qui est faite de la position de l’Assemblée des départements de France.
Dans cette affaire, nous travaillons à somme nulle ! Ceux qui gagnent le font au détriment de ceux qui vont perdre ! Évidemment, 50 % des collectivités concernées sont contre la réforme. Nous parlons de péréquation, mais nous faisons exactement l’inverse : l’État donne plus aux riches qu’aux pauvres.
Il est urgent de conduire cette réforme ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.