M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Or une très large partie de la législation dépend des États fédérés, ce qui posera sans doute de multiples problèmes.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Daniel Raoul. Enfin, dans l’attente du vote de la loi américaine autorisant la négociation et la conclusion d’accords commerciaux internationaux, le bras de fer continue entre l’Union européenne et les États-Unis à propos de l’accord sur le commerce des services, le fameux TISA, ce qui complique légèrement la tâche.
La loi dite « fast track » qui, espérons-le, devrait être examinée cet été par le Congrès après le vote du Sénat américain en mai dernier, devrait d’abord permettre à l’administration américaine de conclure l’accord pour un partenariat transpacifique très avancé avant le partenariat transatlantique. Cet accord commercial pourrait déterminer la position américaine, notamment en matière réglementaire, dans ses négociations avec l’Union européenne.
Bien que des accords doivent être trouvés dans certains secteurs – la chimie, la pharmacie, l’automobile et les services financiers –, la proposition récente, émise par la Commission européenne, de créer un organe de coopération réglementaire permanent nous pose un véritable problème.
Cet organe est destiné à organiser et structurer le dialogue, en vue de rapprocher les futures normes d’intérêts communs, mais on peut légitimement s’interroger sur l’utilité d’une telle instance et les conditions de ce dialogue. Comment dialoguer sans influencer, dans le respect du droit des États à légiférer ? S’agit-il ici de rapprocher les réglementations futures ?
Le champ de coopération et la portée de cet organe suscitent également de nombreuses interrogations. Quels seraient les secteurs concernés in fine ?
L’obligation de soumettre à cet organe les normes centrales en préparation suscite donc nombre d’inquiétudes. Ainsi, à quel moment du processus y aurait-il obligation d’information ? Le droit des États à légiférer serait-il réellement protégé ? Comment concilier avec les normes européennes des normes nationales qui iraient plus loin que celles-ci ?
Concernant le champ du dialogue, parlons-nous ici des normes relatives aux produits ou aux conditions de production – en particulier sur les questions sociales et environnementales ?
À l’aune des nombreux points à éclaircir et des risques prévisibles, il est, selon nous, urgent de délimiter très clairement les éventuelles compétences et les champs d’application d’un tel organe.
Deux autres sujets me paraissent importants.
Le premier concerne l’ouverture des marchés publics. En effet, la grande disparité dans l’ouverture des marchés publics des deux parties dans le cadre du partenariat transatlantique nécessiterait d’être corrigée.
L’ouverture des marchés publics aux États-Unis aux entreprises de l’Union européenne dans les domaines des services de construction, du génie civil, des transports et de l’énergie devrait, à mon sens, être particulièrement envisagée, et ce dans l’intérêt de nos meilleures entreprises.
Enfin, j’attire l’attention du Gouvernement sur le fait que notre agriculture doit être particulièrement préservée.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Daniel Raoul. Aussi, je reprends à mon compte la proposition des députés européens de dresser une « liste exhaustive » des « produits agricoles et industriels sensibles » qui puissent être exemptés de la libéralisation des échanges, afin de préserver nos productions locales.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le chemin est encore long, mais je souhaite que ce partenariat puisse aboutir. Profitons de ce délai pour avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Bruno Sido. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat tombe vraiment à point nommé : il se déroule à un moment important du processus de négociation du traité transatlantique entamé en juillet 2013.
Un moment important – peut-être même crucial –, car le neuvième round des négociations qui s’est tenu à la fin du mois d’avril a été marqué par un coup d’arrêt des compromis qui avaient été précédemment trouvés. De plus, on assiste, en parallèle, à une montée des oppositions à ce traité au sein des États membres de l’Union européenne.
Le report in extremis hier du vote au Parlement européen, qui devait avoir lieu aujourd'hui, sur les lignes rouges que celui-ci entendait fixer dans les négociations témoigne, s’il le fallait, des doutes profonds qui traversent l’Union européenne quant à l’agenda, à la méthode, aux prérogatives et aux objectifs finaux que s’était initialement fixés la Commission européenne.
Pour toutes ces raisons, c’est, me semble-t-il, ici et maintenant le lieu et le moment d’en revenir aux questions fondamentales qui entourent ce projet de traité et qui n’ont pas toujours été jusqu’à présent explicitement posées.
La première de ces questions est la suivante : pourquoi ce traité entre l’Union européenne et les États-Unis ?
La réponse autorisée, celle qui est portée par la Commission, est simple, à défaut d’être tout à fait convaincante. Éroder les barrières non douanières permettrait d’enclencher une nouvelle dynamique en matière de croissance et d’emplois ; l’Europe en retirerait 0,5 point de PIB de plus et un million d’emplois à l’horizon 2027.
Sincèrement, personne ne croit à ces chiffres invérifiables, probablement pas ceux qui les ont fournis. Et quand bien même, ceux-ci n’ont pas de quoi nous transporter d’enthousiasme !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce ne serait déjà pas si mal !
M. André Gattolin. Certes, mais il y a peut-être d’autres moyens d’y parvenir.
M. Jean-Claude Lenoir. Comment ? Avec la décroissance ?
M. André Gattolin. La réalité est ailleurs : la Chine est désormais la première puissance économique mondiale.
La réalité, c’est que le libre-échange profite toujours au plus fort. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.) C’est donc désormais la Chine qui pourra en tirer les bénéfices. D’ailleurs, elle ne s’y trompe pas : classifiée comme une « économie non marchande » lors de son entrée à l’OMC en 2001, elle revendique aujourd'hui le statut d’« économie de marché », ce qui sera discuté en 2016.
Lors de sa tournée européenne l’année dernière, le président Xi Jinping n’a pas fait mystère de sa volonté d’aboutir rapidement à un traité de libre-échange avec l’Union européenne.
Compte tenu de notre environnement économique libéral, la menace pour les économies occidentales est devenue concrète. Pour autant, et malgré toutes les raisons qu’il y a de douter de la réalité de l’ouverture de l’économie chinoise, il sera bientôt difficile de refuser à la première puissance mondiale une telle requête.
Il est donc tentant, pour les États-Unis, de prendre les devants : ils se bordent à l’ouest avec un élargissement et un renforcement du partenariat transpacifique et ils se couvrent à l’est avec le traité transatlantique. L’enjeu est de taille, car les États-Unis et l’Europe représentent environ 30 % du commerce mondial. Les unir par un traité de libre-échange permettrait de constituer un pôle de stabilité fort et démocratique et d’éviter que la Chine ne devienne trop rapidement le seul arbitre du commerce international.
Les motivations réelles de ce traité tiennent moins aux promesses incantatoires en matière de croissance, j’en suis convaincu, qu’à ces considérations géostratégiques. C’est cette course de vitesse avec la Chine qui permet d’expliquer le passage en force de la Commission, à la demande des États-Unis, au mépris du Parlement européen, des représentations nationales et de la société civile, ainsi que la plupart des maux dont souffre aujourd’hui la négociation.
Ce passage en force est rendu flagrant par l’absence de transparence. Certes, quelques progrès ont été réalisés depuis les premiers débats, mais ces avancées restent, hélas ! encore incomplètes et très insatisfaisantes. Car si le mandat de négociation et certaines prises de position de l’Union européenne ont été rendus publics, aujourd’hui, seuls treize députés européens, soumis au secret, ont un accès complet aux textes conjoints consolidés qui formeront l’accord final du TTIP.
Au nom de son « agenda pour la transparence », le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, Matthias Fekl, avait pourtant fait de ce point l’une de ses priorités, avec, à la clef, des propositions concrètes. Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'État, si nous disposons d’un retour officiel de la Commission quant à ces propositions ?
Nous nous trouvons en effet dans une situation absurde : les acteurs industriels et économiques participent en permanence à la négociation du traité, quand les acteurs politiques des vingt-huit États membres en sont largement tenus à l’écart.
Ainsi, par le mandat accordé à la Commission européenne, nous avons réussi le tour de force de privatiser un débat public au nom d’une nouvelle forme de raison d’État. Malheureusement, comme souvent, l’opacité et la privatisation des procédures ne servent pas le bien commun. En l’occurrence, cela a permis à la direction générale du commerce de la Commission européenne d’imposer sa lecture ultralibérale du contenu du traité, au mépris de toute souveraineté démocratique européenne. À ce propos, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous également nous dire si nous avons obtenu une réponse de la Commission européenne sur les propositions de notre secrétaire d’État quant à un nouveau mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les entreprises ?
L’opacité a aussi permis à la Commission européenne d’imposer ses vues aux représentations nationales, en empiétant sur leurs compétences. Ce contournement des acteurs publics est d’ailleurs en train de trouver sa limite et d’aboutir à une rupture. La société civile se mobilise chaque jour davantage contre ce traité et le Parlement européen vient d’exprimer un mouvement d’humeur inattendu et lourd de sens.
Quant aux parlements nationaux, ils ne manqueront certainement pas d’en faire de même lorsqu’ils finiront, bien tardivement, par être consultés. Aujourd'hui, nous avons en effet bel et bien affaire à la discussion d’un accord mixte. Même si nous attendons depuis deux ans le jugement des accords de libre-échange entre l’Union européenne et Singapour quant à la définition de « l’accord mixte », il ne fait pas de doute que les parlements nationaux devront être impliqués.
M. Jean-Claude Lenoir. Car c’est un traité !
M. André Gattolin. Ne pas les impliquer dans le cours de la négociation,…
M. Jean-Claude Lenoir. C’est un traité !
M. André Gattolin. … c’est un coup de force de la Commission européenne ! Aussi, nous devons aujourd'hui nous mobiliser, comme l’ont fait les parlementaires européens, pour nous faire entendre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann ainsi que MM. Claude Kern et Jean Bizet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’évidence, on ne peut que saluer l’initiative de nos collègues du groupe parlementaire Les Républicains d’avoir demandé la tenue en séance publique de ce débat, car il permet de mettre en lumière l’avancée des négociations sur le traité transatlantique, plus connu sous les acronymes TAFTA – Transatlantic Free Trade Area – ou TTIP – Transatlantic Trade and Investment Partnership.
Depuis un certain nombre de mois, plusieurs partis politiques et organisations non gouvernementales luttent pour rendre publiques ces négociations et favoriser leur relais auprès des médias. Aujourd’hui, celles-ci manquent de transparence et se déroulent dans une trop grande opacité, au mépris des droits des citoyens et des élus qui les représentent.
Pour justifier un tel secret, les négociateurs invoquent le caractère stratégique et sensible des discussions relatives au traité, Washington refusant catégoriquement de rendre publiques ses positions.
La seule concession, qui a été récemment accordée aux membres du Parlement européen, a consisté à les autoriser à accéder aux documents relatifs aux négociations dans des reading rooms spéciales, sans toutefois qu’il leur soit permis d’en obtenir une copie ou même de prendre des notes.
Mes chers collègues, alors qu’un débat sur le déficit démocratique lié à la construction européenne s’est tenu ici même il y a quelques mois, les négociations sur le TTIP sont une illustration assez spectaculaire d’un tel déficit !
Pourtant, ces négociations nous concernent tous, tant elles touchent à l’architecture et aux futures règles concernant les relations commerciales entre l’Europe et les États-Unis, et ce dans des domaines de la vie quotidienne aussi essentiels que les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux, le textile, les cosmétiques, l’ingénierie, la chimie, l’alimentation, l’automobile, etc.
Il m’est impossible, compte tenu du temps très limité dont je dispose et sur un sujet aussi fondamental, de développer en détail tous les enjeux des thématiques concernées par les négociations en cours. Cependant, au-delà de son manque de transparence et malgré les timides progrès enregistrés à la suite de la mobilisation constante d’acteurs civils et politiques, il nous semble indispensable d’évoquer le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, le fameux ISDS.
Lorsque la Commission européenne a lancé l’an dernier une consultation publique sur ce volet précis, 97 % des 150 000 citoyens européens y ayant participé ont exprimé leur stricte opposition à ce mécanisme de règlement des conflits ! Il s’agit d’un score sans appel !
Aujourd’hui, les conflits qui opposent les entreprises et les États ne sont pas uniquement virtuels : ils correspondent déjà à une réalité au sein de l’Union européenne.
C’est ainsi qu’un fonds britannique contrôlant l’entreprise de distribution d’eau de Tallin a porté plainte contre l’Estonie et obtenu des dommages-intérêts pour avoir été empêchée d’augmenter ses tarifs. C’est encore un géant néerlandais du secteur de l’assurance qui, mécontent de ne pas avoir pu distribuer des dividendes grâce aux profits qu’il avait réalisés en Slovaquie, a fait saisir trente millions d’actifs slovaques au Luxembourg. C’est, enfin, un groupe énergétique suédois, propriétaire d’une centrale à charbon à Hambourg, qui s’en est pris avec succès à l’Allemagne pour ne pas avoir été autorisé à rejeter ses eaux usées dans l’Elbe.
C’est décidément un monde où les bénéfices des multinationales l’emportent trop souvent sur l’intérêt général et le service public. Aussi, nous ne pouvons que nous féliciter du courrier que le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, M. Matthias Fekl, a récemment envoyé aux parlementaires et dans lequel il fait état des propositions concrètes de la France en matière de règlement des différends.
Ce courrier précise que notre pays a émis, dès le début des négociations, des réserves sur l’insertion de ce mécanisme. Des propositions concrètes ont été adressées le 1er juin dernier à Mme Cecilia Malmström, commissaire européen au commerce. Des principes fondamentaux y sont identifiés : protection du droit à réguler, création d’un mécanisme d’appel, relations entre le mécanisme de règlement et les juridictions nationales ou fonctionnement interne des instances. Cette lettre insiste également sur la nécessité d’un rééquilibrage des droits en faveur des États et réaffirme la traduction concrète des principes démocratiques.
Enfin, il est proposé de créer une cour permanente multilatérale qui pourrait agir dans le cadre des futurs traités de l’Union Européenne.
Pour autant, nous sommes convaincus, madame la secrétaire d’État, qu’il n’existe pas de communauté de vues à ce sujet entre tous les parlementaires français, et a fortiori entre tous les parlementaires européens. À cet égard, les rapports de force ne manqueront pas de jouer, comme c’est le cas actuellement.
Afin de déterminer les secteurs économiques concernés par le futur traité transatlantique, la Commission européenne a mis en place une procédure dite de « liste négative ». Dans cette approche, tous les services peuvent potentiellement être privatisés, à l’exception de ceux qui sont explicitement écartés par l’accord multilatéral. Il s’agit d’un renversement radical par rapport à la logique qui consisterait à ce que l’Union européenne établisse spécifiquement la liste des seuls secteurs pour lesquels elle autorise l’ouverture à la concurrence !
Le Parlement européen a donc l’occasion de lever toute ambiguïté sur la question des services publics. Pour notre part, nous défendons une approche différente, celle d’une « liste positive » qui délimiterait précisément les services concernés par le TAFTA, et définirait une garantie « horizontale » permettant aux autorités de reprendre le contrôle sur les services publics déjà libéralisés.
Mes chers collègues, la décision prise hier par M. Martin Schulz au Parlement européen, de reporter sine die le vote de la résolution sur le traité transatlantique, nous appelle à la plus grande vigilance quant à l’inconditionnel respect dû à la démocratie. N’oublions pas que le poids des lobbies est considérable dans l’espace économique de concurrence libre et non faussée dans lequel nous vivons !
Pour conclure, je ferai un bref rappel historique en évoquant les propos de John Fitzgerald Kennedy, alors président des États-Unis, qui, envisageant une vaste alliance transatlantique géopolitique et commerciale entre l’Europe et les États-Unis, déclarait au mois de juillet 1962 : « Tout cela ne sera pas achevé en un an, mais que le monde sache que c’est aujourd’hui notre but ! ».
Transparence, démocratie et défense de l’intérêt général sont, à nos yeux, les trois piliers majeurs de la démarche qui doit guider notre pays dans ces négociations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que le Parlement européen devait se prononcer aujourd’hui sur l’adoption de la clause d’arbitrage controversée figurant dans le projet de traité de libre-échange transatlantique, le vote a été reporté à la suite du grand nombre d’amendements et de modifications déposés. Cela montre combien le sujet dont nous débattons est d’une brûlante actualité.
Notre débat s’inscrit également dans la suite logique de celui qui a été organisé au mois de janvier 2014 au Sénat et de la résolution adoptée par notre assemblée en février dernier, avec – faut-il le rappeler ? – le soutien total de notre groupe.
Bien qu’il s’agisse d’un accord mixte sur lequel les parlements nationaux auront, bien entendu, leur mot à dire, nous regrettons d’être insuffisamment associés aux négociations qui auront pourtant des incidences sur l’avenir de nos entreprises et de nos concitoyens.
Avancée au début de l’année 2013 par le Président Obama et reprise la même année par le Conseil européen et la Commission européenne, l’idée d’un partenariat commercial transatlantique a donné lieu depuis lors à pas moins de neuf cycles de négociations, dont le manque de transparence – qui s’explique, il est vrai, par les nécessités du bon avancement et par le caractère très technique des discussions – a été largement souligné.
En tant que parlementaires français, notre rôle est d’éclairer nos concitoyens et la société civile, et d’éviter que ces négociations ne se réduisent à une affaire d’experts. Celles-ci sont d’ailleurs beaucoup trop importantes pour cela !
Automobile, chimie, industrie pharmaceutique, matériel médical, cosmétiques, textile, ingénierie, pesticides, énergie, etc. Si je ne m’étendrai pas ici sur la diversité des sujets abordés au cours du dernier cycle de négociations en avril, ils n’en restent pas moins cruciaux pour l’avenir de notre économie ! Aussi, je tiens à souligner l’incertitude qui existe actuellement au niveau des institutions européennes, en particulier au Parlement européen depuis qu’il a adopté sa résolution du 28 mai dernier, concernant l’issue des négociations.
Dans ce climat général, nous saluons la proposition de la France, madame la secrétaire d’État, d’instaurer une cour européenne d’arbitrage en lieu et place de ce qui a été envisagé jusqu’à présent, à savoir le mécanisme dit de règlement des différends entre investisseurs et États, ou ISDS en anglais, mécanisme d’ores et déjà retenu dans l’accord commercial similaire entre l’Union européenne et le Canada.
Depuis deux ans, ce sujet sensible retient l’attention des médias et de la société civile. Nous devons, en effet, nous prémunir contre d’éventuels abus auxquels pourrait conduire le recours à des tribunaux d’arbitrage privés (M. Daniel Raoul opine.), comme ceux qui ont été constatés en Australie, en Amérique du Sud, et même en Allemagne. L’Europe ne doit pas devenir une zone d’impunité pour les grandes firmes multinationales, qui feraient peu de cas de nos normes sanitaires et environnementales et de nos politiques publiques.
Plusieurs interrogations demeurent. Ainsi, quel crédit faut-il accorder à la Commission européenne lorsqu’elle propose, dans le rapport qu’elle a publié au mois de janvier dernier, d’adopter une clause d’arbitrage dite « réformée » ? S’agit-il d’une garantie solide contre les possibles conflits d’intérêts, l’absence de recours ou encore le respect de la souveraineté nationale ? En outre, à côté des grandes entreprises qui sont déjà armées pour conquérir le marché américain, que peuvent attendre nos PME d’un tel accord ? Qu’en est-il des aides d’État ? Quid de la politique agricole commune ?
La position française, par la voix du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, semble à la fois constructive et fidèle à nos valeurs. Encore faudra-t-il s’assurer, madame la secrétaire d’État, qu’elle trouve des alliés solides en Europe afin d’être efficacement relayée devant la Commission européenne. Une position ferme, défendue en commun par la France et son partenaire allemand, est, à ce titre, fondamentale. Que pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, à ce sujet ?
Nous sommes conscients de l’enjeu que représentent ces négociations transatlantiques pour l’avenir de l’Europe et de la France. J’ai certes évoqué les différents écueils à éviter, mais je tiens aussi à signaler que ce traité peut représenter une chance, en particulier pour la promotion de nos standards de qualité au niveau mondial, et ce n’est pas rien !
Nous suivrons donc avec intérêt, d’une part, le résultat du vote concernant la clause d’arbitrage au Parlement européen et, d’autre part, le prochain cycle de négociations prévu au mois de juillet prochain. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Alain Chatillon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Madame le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues :
« Le pot de terre en souffre ; il n’eut pas fait cent pas
« Que par son Compagnon il fut mis en éclats,
« Sans qu’il eût lieu de se plaindre.
« Ne nous associons qu’avec que nos égaux ;
« Ou bien il nous faudra craindre
« Le destin d’un de ces Pots. »
Vous aurez bien sûr reconnu les vers de Jean de La Fontaine, ce monument de la littérature française, et sa fable Le pot de terre et le pot de fer.
Or le traité transatlantique qui est en cours de négociation est exactement la même chose que l’offre de la fable, à cette différence près que, dans la fable, le pot de fer ne voulait aucun mal au pot de terre ; on peut douter que ce soit le cas des États-Unis vis-à-vis de l’Europe !
Je ne m’étendrai pas sur les conditions de travail hallucinantes imposées par les États-Unis, qui soulignent dès le départ le profond déséquilibre entre les parties à ce traité, mais qui montrent que nous nous trouvons bien loin de la transparence nécessaire à l’exercice de la démocratie, dont Bruxelles nous rebat les oreilles !
Les négociations concernant ce traité constituent l’illustration la plus parfaite de ce que les Français rejettent dans votre construction européenne, un rejet qu’ils ont – rappelons-le – clairement exprimé notamment lors des dernières élections européennes.
Mais finalement ce projet de traité révèle la vision dogmatique de l’Europe que la caste dirigeante veut imposer aux peuples des nations européennes, à savoir un projet qui gomme les identités nationales pour faire de l’Europe un agglomérat de peuples et faire du Vieux Continent une malheureuse zone économique dans une mondialisation uniforme ! Ce traité en est, en quelque sorte, l’effet majeur, c’est-à-dire l’action qui permettra que l’objectif soit atteint, ou pas !
Nous en sommes absolument persuadés, ce traité va assurer la domination des États-Unis sur l’Europe, la domination des entreprises américaines sur les entreprises françaises et européennes et la domination des juridictions d’arbitrage sur les juridictions françaises et européennes – comme le diraient certains jeunes, « spéciale dédicace » à M. Tapie et à Mme Lagarde ! En clair, il s’agit d’une soumission totale à l’Oncle Sam et à ses multinationales !
En effet, une disposition du traité prévoit que si un État modifie dans l’avenir ses normes, il pourra être attaqué par les multinationales devant un tribunal privé, et si l’État est condamné, il devra rembourser la perte d’opportunités et la perte de profits actuels ou futurs. Ces normes peuvent être sociales, techniques, environnementales, sanitaires, alimentaires...
Ce traité, c’est en définitive le tressage de la corde que nous utiliserons pour nous pendre ; Vladimir Ilitch nous l’avait prédit ! Arrêtons de nous voiler la face, ce traité est une nouvelle application du sacro-saint dogme de la libre-concurrence !
Or la loi du plus fort s’impose toujours en matière de commerce ! Nos entreprises, en particulier nos PME et nos ETI – entreprises de taille intermédiaire –, notre agriculture, notre santé, notre culture, déjà fragilisées par l’absence de protection de leurs activités, vont être livrées à une concurrence féroce. Concurrence de surcroît déloyale, car les États-Unis n’abandonneront jamais, quant à eux, leur politique protectionniste et patriotique pour les beaux yeux de l’Union européenne, et encore moins pour les vôtres ! En outre, bon nombre de spécialistes prédisent que le traité transatlantique n’apportera ni croissance ni création d’emplois, contrairement à ce que nous avons entendu précédemment !
Pour notre part, nous croyons à un autre modèle de développement que celui de la mondialisation soumise à la finance et du nivellement par le bas des modèles sociaux qu’elle entraîne ! Or ce traité c’est finalement la mise en application du principe cher à don Salluste : « Les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches très riches ! »