compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

M. Claude Haut,

Mme Valérie Létard.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à deux commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l’asile et de la proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales ne sont pas parvenues à l’adoption de textes communs.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renseignement.

J’informe le Sénat que la commission des lois a fait connaître qu’elle avait procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

4

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la Conférence des parties agissant comme réunion des parties au protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires, déposé sur le bureau du Sénat le 10 juin 2015.

5

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.

M. Claude Kern. Madame la présidente, lors du scrutin n° 200 de la séance du 9 juin 2015, qui portait sur l’ensemble du projet de loi relatif au renseignement, Mme Françoise Gatel souhaitait s’abstenir, et non voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

6

Débat sur le thème : « L’avancée des négociations du traité transatlantique »

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L’avancée des négociations du traité transatlantique, ou TTIP, à la suite du 9e cycle de négociations du 20 au 24 avril et en vue du 10e cycle du 13 au 17 juillet », organisé à la demande du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Jean Bizet. (M. Bruno Sido applaudit.)

M. Jean Bizet, au nom du groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat sur la négociation du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis tombe à point nommé.

Près de deux ans après l’ouverture formelle des négociations et moins de deux ans avant la fin de l’administration Obama, nous sommes au milieu du chemin. Le moment est opportun pour analyser les avancées et préciser les enjeux d’un accord très important pour l’Europe et pour la France.

Cet accord associe deux grands espaces démocratiques, qui sont aussi les plus puissantes zones économiques du monde : elles contribuent ensemble à 50 % du PIB mondial. Depuis longtemps déjà, l’Union européenne et les États-Unis entretiennent des échanges commerciaux et financiers intenses, qui représentent 30 % des échanges mondiaux. Ce n’est donc pas vraiment un saut dans l’inconnu.

Pourtant, en Europe, l’inquiétude des citoyens est palpable, comme l’est aussi la perplexité de leurs représentants.

L’accord, qui se veut ambitieux et complet, comporte trois grands chapitres : l’accès aux marchés, la convergence réglementaire et l’institution d’un ensemble de règles du jeu commercial. Celles-ci sont destinées à mettre enfin en phase les mécanismes d’échanges avec les exigences sociales et de respect de l’environnement, qui se sont construites au fil du temps, parce qu’elles sont au cœur du quotidien de nos concitoyens.

Après neuf cycles de négociations qui ont porté sur tous les sujets couverts par le mandat confié à la Commission européenne, les choses sérieuses ont peu avancé. Les positions respectives des deux parties sur les sujets sensibles restent encore bien éloignées.

Au-delà de ces trois piliers, je souhaite aborder ce projet d’accord suivant trois angles, qui me semblent autant d’enjeux qui pèsent lourd dans le débat : l’enjeu économique, l’enjeu de société et l’enjeu démocratique.

L’enjeu économique, tout d’abord, est a priori le plus attendu. Le simple bon sens montre que les baisses de tarifs douaniers et la suppression des barrières réglementaires et bureaucratiques peuvent aider nos entreprises à exporter outre-Atlantique, en particulier nos PME. Il faudra que la représentation nationale, particulièrement le Sénat, fasse passer ce message à destination de nos PME.

Il en est de même du rapprochement des normes, partout où cela est possible, et de l’accès aux marchés publics fédéraux ou à ceux des États fédérés. Là aussi se pose un problème : tandis que, en règle générale, quelque 90 % des marchés publics sont ouverts en Europe, ils ne le sont qu’à hauteur de 30 % aux États-Unis. Qui plus est, le caractère fédéral de l’organisation politique américaine peut susciter une difficulté supplémentaire : on peut imaginer l’existence d’un accord au niveau fédéral et une absence d’accord au niveau des différents États.

Rares sont les domaines où, au moins sur le papier, nous n’aurions pas, a priori, des chances économiques à saisir. Il faut pour cela inciter les États-Unis à réduire leurs obstacles tarifaires et non tarifaires, alors que, dans de nombreux domaines, l’Union européenne a déjà réduit ses propres défenses depuis bien longtemps.

Les nombreux scénarios prévisionnels de croissance associés à la conclusion du TTIP sont souvent sujets à controverse. Je me contenterai de rappeler que, dans l’hypothèse de la conclusion de cet accord, on imagine en général une augmentation supplémentaire du PIB de 0,5 % à 1 % par an. Il faut cependant garder à l’esprit que ces études d’impact sont assez difficiles à mesurer.

Toutefois, l’expérience d’accords similaires récemment conclus, par exemple avec la Corée du Sud, montre que l’économie européenne peut réellement bénéficier d’ouvertures commerciales bilatérales équilibrées. Je ne connais pas de pays, voire de continent, qui se développe à l’écart de la mondialisation.

Par ailleurs, l’enjeu de cet accord n’est pas seulement économique. En quoi est-il aussi, à mon sens, un enjeu de société ? Je me référerai à une formule de Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce : ces nouveaux traités de commerce sont non plus, comme autrefois, des traités de « protection », mais des accords de « précaution ».

Autrefois, en effet, les barrières tarifaires posaient, pour ainsi dire, des limites aux échanges commerciaux entre pays. En pratique, elles se sont écrasées jusqu’à ne plus représenter que de 3 % à 5 % de la valeur des échanges ; en revanche, les barrières non tarifaires, essentiellement des règles administratives, représentent toujours environ 15 % de cette valeur, ce qui est tout de même considérable.

Par ailleurs, des accords sont aujourd’hui nécessaires pour offrir quelques précautions nécessaires face à certains produits ou pratiques en provenance d’outre-Atlantique.

Cela dit, par-delà les notions de convergence réglementaire et les règles prévues dans cet accord pour un commerce durable, se retrouvent des questions aussi essentielles que nos préférences collectives. Elles sont essentielles, car elles sont notre quotidien, depuis nos exigences quant au contenu de notre alimentation jusqu’aux normes de fabrication de médicaments, en passant par la préservation des services publics.

Il y a là de nombreuses craintes diffuses, dont une bonne partie n’est, à mon avis, pas toujours fondée. Toutefois, elles existent et troublent le regard que portent nos concitoyens sur le TTIP. Voilà tout l’intérêt du débat d’aujourd’hui : il en faudra d’ailleurs sans doute beaucoup d’autres, au fil des différents rounds.

Pour ce qui est des règles de développement durable et des normes sociales, il existe ainsi une inquiétude assez légitime, qui provient de la non-ratification par les États-Unis de six conventions de l’Organisation internationale du travail, ou OIT. En effet, celles-ci ont été jugées contraires à la Constitution américaine. Cela étant, quel qu’en soit l’impact social réel aux États-Unis, ce rejet représente un mauvais signal donné au monde, ou du moins à l’Europe.

Les indications géographiques sont aussi un sujet très important au point de vue social. Qu’il s’agisse des appellations d’origine contrôlée, les AOC, des appellations d’origine protégée, les AOP, ou encore des indications géographiques protégées, les IGP, elles constituent à mon sens des marqueurs de rareté.

Ce sujet est important pour la France, mais de nombreux autres producteurs européens sont également concernés. En effet, on constate que ce concept inventé il y a une centaine d’années en France a gagné un certain nombre d’autres pays, notamment l’Italie, l’Espagne, et même aujourd'hui, hors de ce partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, en Chine. Cette extension s’explique tout simplement parce que ce concept répond à une véritable identité du produit accroché à un territoire.

Sur cette question, nos interlocuteurs jusqu’à présent font la sourde oreille et même – soyons très clairs – organisent un complet blocage. Ils défendent leur système de marque commerciale. Il y a donc une opposition entre le monde latin et le monde anglo-saxon sur ce point.

Le 21 mai dernier, à Genève, un accord est intervenu au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OMPI, qui modifie l’arrangement dit « de Lisbonne » et qui légitime désormais les indications géographiques, au même titre que les appellations d’origine. Il s’agit bien sûr d’un exercice multilatéral distinct du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, le TTIP.

Toutefois, la virulence des opposants à cet accord, parmi lesquels figurent les États-Unis, augure mal des progrès sur le sujet, contrairement aux négociations conduites avec le Canada. Je vous rappelle que, sur 175 indications géographiques, le Canada acceptait d’en reconnaître environ 42.

En ce qui concerne la coopération réglementaire, l’Union européenne propose la création d’un organe de coopération réglementaire chargé de travailler sur de futures normes communes. Comment cet organe s’articulera-t-il avec les institutions centrales en charge de la législation tant à Bruxelles qu’à Washington ou dans les États membres ? La question reste posée.

En outre, en ce qui concerne l’enjeu démocratique, la première exigence est celle de la transparence. Je vous avouerai, mes chers collègues, mais vous le savez tous, que nous revenons de loin à cet égard.

Je crois qu’il est juste de saluer les changements apportés par la Commission européenne elle-même et par la commissaire au commerce, Mme Malmström. Depuis la publication du mandat de négociation, les propositions de textes sont mises en ligne. Les eurodéputés et, à un moindre degré, les parlementaires nationaux ont un meilleur accès à l’information. Les États-Unis ont aussi proposé certaines modalités d’information et de consultation, mais uniquement dans leurs ambassades. Or nous souhaitons être mieux informés des positions de la partie américaine dans le déroulement des négociations.

Rendons aussi justice à l’action du ministère des affaires étrangères et à l’adresse du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, M. Matthias Fekl. Avec ses équipes et la direction compétente à Bercy, des séquences d’information régulières sont organisées sur tout ce qui peut intéresser les parlementaires et la société civile. Il s'agit d’une avancée. Nous resterons vigilants quant à l’indispensable information du Parlement sur les négociations.

Toutefois, il est un point important qui focalise depuis plusieurs mois le débat, au point d’éclipser tous les autres : le dispositif de règlement des différends entre investisseurs et États, plus communément appelé l’ISDS.

Il met aux prises, d’un côté, un État, et, de l’autre, une entreprise de l’État partenaire. Celle-ci pourrait contester devant un tribunal d’arbitrage spécial une décision de politique publique protégeant la santé ou l’environnement au motif qu’elle aurait un impact négatif sur son activité. Pour régler l’affaire, il faut tout simplement débourser des ressources publiques, parfois considérables, pour « compenser » le dommage prétendument subi. On serait préoccupé à moins !

M. Matthias Fekl avait suggéré qu’il serait possible que la France se passe d’un tel dispositif. N’est-ce pas encore une option ? L’ISDS cristallise en effet une opposition croissante, qui déteint sur le reste du projet d’accord. À défaut de s’en passer, il faut l’améliorer sur de nombreux points, tels que le choix des arbitres, le mécanisme d’appel et la prérogative laissée aux seuls tribunaux nationaux d’interpréter les dispositions du traité.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean Bizet. Mes chers collègues, comme le temps qui m’est imparti est achevé, je m’en tiendrai là, même si bien d’autres sujets posent problème, tels que la dévolution de la Trade Promotion Authority, la TPA, au président américain, ou l’énergie, en particulier le gaz naturel liquéfié. Nous avons eu sur ce sujet quelques informations très intéressantes pour l’Europe.

Madame la secrétaire d’État, nous attendons vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le droit fil des excellents propos de M. Jean Bizet, je voudrais ajouter quelques commentaires.

Tout d’abord, je me félicite de l’initiative qu’il a prise de réunir dans un groupe de suivi des membres de la commission des affaires européennes, qu’il préside, et de la commission des affaires économiques, que je préside moi-même. Selon moi, nous avons mis en place un instrument efficace, souple et qui correspond bien à la nature des travaux que nous voulons mener.

Quelles observations pouvons-nous faire sur l’avancée des négociations du traité transatlantique ?

Tout d’abord, le rôle de ce groupe de suivi consiste à faire le partage entre ce qui relève du fantasme et de la rumeur et les préoccupations, tout à fait légitimes, d’un certain nombre de représentants de secteurs d’activité que nous entendons bien protéger et même promouvoir. Je pense notamment au secteur de l’élevage, qui est directement concerné et qui s’inquiète, bien entendu, des conséquences de la conclusion d’un tel accord, mais également à d’autres sujets évoqués par Jean Bizet, qu’il s’agisse des indications géographiques protégées, les IGP, ou de l’appellation d'origine protégée, l’AOP. Nous avons des positions très claires sur ces questions et nous entendons bien les conserver.

Ce groupe de suivi a aussi pour mission de démystifier le débat. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de négociations bilatérales, alors que les négociations multilatérales existent depuis des dizaines d’années. Or nous savons bien que les règles inhérentes à l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, qui compte 161 membres, c’est-à-dire 161 États, sont telles que les blocages sont constants et récurrents. J’ai moi-même participé à plusieurs sommets de l’OMC, à Seattle en 1999 ou à Doha en 2001. On voit bien qu’il est extrêmement difficile d’aboutir rapidement à un accord.

D’où le choix de poursuivre les négociations bilatérales. Du reste, il faut rappeler que ce sont nos partenaires américains qui ont pris cette initiative à un moment précis, à savoir les années 2008-2010, c’est-à-dire au plus fort de la crise que nous subissions. Le choix a été fait, par souci d’efficacité et de pragmatisme, de conduire des discussions entre des pays qui se connaissent, qui sont des partenaires historiques et qui pouvaient partager un certain nombre de préoccupations.

J’ajoute un point qui me paraît important : nous avons tout intérêt à entendre les États-Unis, qui redoutent, bien entendu, les risques inhérents au déplacement vers l’Asie et le Pacifique du centre de gravité de l’économie mondiale.

Selon moi, la solution adaptée à nos besoins est celle qui privilégie comme centre de gravité l’Atlantique. Souvenons-nous en effet que l’objectif est de rendre nos économies plus dynamiques, d’augmenter la production de nos États et donc de réduire le chômage.

En outre, un certain nombre d’observations nous parviennent, des campagnes sont menées, nos boîtes électroniques regorgent de messages qui viennent du monde entier et qui nous alertent, souvent d'ailleurs dans des termes identiques, sur le risque que nous courons à poursuivre cette tâche. Gardons la tête froide et regardons les choses en face !

Je suis convaincu d’une chose. Les travaux que nous menons en lien étroit avec le ministère des affaires étrangères – il a été fait référence au comité mis en place par M. Matthias Fekl – confirment notre choix : ce choix consiste à se mettre sur le terrain de l’efficacité fonctionnelle et à considérer de façon pragmatique ce qu’il faut faire, afin notamment de diminuer les coûts suscités par les multiples contrôles, les procédures et les redondances administratives qui pénalisent fortement nos économies.

L’industrie du médicament est un secteur particulièrement intéressant de ce point de vue. Il s’agit évidemment non pas d’adopter les mêmes critères d’autorisation, mais d’alléger la procédure de contrôle dès lors qu’elle est répétée et d’observer de plus près ce qui se passe dans les pays qui fabriquent beaucoup de médicaments, tels que l’Inde et la Chine.

Du reste, il serait faux de penser que le commerce international est un jeu à somme nulle, c'est-à-dire de croire que l’un gagne aux dépens de l’autre partenaire. Les économistes se sont penchés sur cette question depuis très longtemps.

Voici plus de deux siècles, en Angleterre, David Ricardo écrivit un traité que l’expérience a confirmé et qui peut être aujourd’hui encore enseigné dans les écoles. Il a démontré en effet dans les Principes de l'économie politique et de l'impôt que, grâce à l’avantage comparatif, la production augmente dès lors que le commerce s’instaure entre deux pays. Il a également démontré que l’on pouvait être un député actif au Parlement britannique et un brillant économiste, comme d'ailleurs son quasi-contemporain Adam Smith, qui a également pris des positions politiques.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la question suivante : ce traité, s’il est conclu, peut-il nous faire gagner les points de croissance qui nous manquent ? Bien entendu, il faudra le vérifier. Toutefois, une chose est certaine : l’objectif, peut-être moins ambitieux que celui qui est parfois affiché, est surtout de diminuer les coûts, de façon à ce que l’ensemble des consommateurs puisse bénéficier d’une augmentation de leur pouvoir d’achat à budget constant. Cette réduction des coûts sera certainement source de profit pour l’ensemble des consommateurs, mais également des salariés.

C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, nous nous engageons avec résolution dans la voie ouverte par les négociations menées en ce moment. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureux que nous puissions débattre de l’avancée des négociations du traité transatlantique, le fameux TTIP, avant le dixième cycle de négociations, lesquelles auront lieu du 13 au 17 juillet prochain.

Je laisserai à mon collègue Didier Marie le soin d’aborder la question des indications géographiques et territoriales et la place des services publics dans les négociations.

Mes chers collègues, malgré les propositions et offres concrètes que l’Union européenne a présentées aux États-Unis lors des derniers cycles de discussions, il faut avouer que les négociations patinent. Alors que l’administration américaine est occupée à obtenir la loi TPA, autrement dit la fast track negotiating authority, et à conclure le partenariat transpacifique, les incertitudes sont grandes aujourd’hui sur l’accord qui pourrait, in fine, sortir de ces négociations.

Peu d’avancées ont eu lieu depuis notre dernier débat en la matière et les points d’inquiétudes demeurent relativement nombreux.

Si l’on considère les aspects positifs de cette situation, on constate qu’elle a, malgré tout, un avantage, celui de laisser sa place au débat. Nous pouvons faire évoluer les discussions, formuler des propositions et surtout, dans chaque État membre, organiser le débat démocratique au niveau national. Je voudrais saluer ici l’amélioration manifeste de la transparence des négociations au niveau national comme à l’échelon européen.

Le débat que nous avons aujourd’hui, le troisième en la matière ici au Sénat, prouve que le contrôle parlementaire fonctionne. Voilà déjà deux ans que le comité stratégique a été créé, et des groupes de travail ont été mis en œuvre depuis lors, comme cela a été évoqué tout à l’heure. Cela démontre que le gouvernement français s’est appliqué cette exigence de transparence, ce qui mérite d’être salué.

C’est également grâce à la pression de la France, exercée depuis l’adoption du mandat de négociation il y a deux ans, que la Commission européenne s’est vue contrainte – il n’y a pas d’autre mot – de définir des règles de transparence, notamment en matière d’accès des eurodéputés et du grand public aux documents de ce traité.

Pour autant, on peut aller encore plus loin en matière de transparence, lorsqu’on sait que l’accès des gouvernements et des parlementaires aux textes « consolidés » est toujours impossible. À la lumière des enjeux de ces négociations, dont la ratification relèvera d’une procédure mixte, une telle revendication reste plus que légitime.

M. André Gattolin. Absolument !

M. Daniel Raoul. Sur le fond des négociations, plusieurs points méritent d’être évoqués.

Tout d’abord, le fameux principe du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, l’ISDS, évoqué tout à l’heure, est au cœur du débat actuel sur le TTIP dans l’Union européenne. J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, mais je le répète : ce mécanisme d’arbitrage n’est pas acceptable en l’état, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il instaure une juridiction privée, qui place les entreprises et l’État sur le même plan et dont le fonctionnement serait totalement opaque.

Ensuite, une telle juridiction pourrait établir une jurisprudence qui primerait sur le droit national existant et sur le droit européen. Un mécanisme de cette nature, en particulier dans un accord de dimension systémique visant à l’élaboration de normes mondiales, serait de nature à mettre en cause non seulement la capacité des États à légiférer, mais également les réglementations nationales et européennes existantes et aurait un coût inacceptable pour les contribuables.

À ce titre, je me félicite de la proposition alternative que le gouvernement français vient de présenter sur l’arbitrage. Cette proposition, qui revêt quasiment la forme d’une proposition législative, se distingue clairement par son ambition, sa précision et son sérieux. C’est la première fois qu’une capitale européenne présente des propositions concrètes, avec des concepts juridiques clarifiés.

Notre objectif doit être de trouver une solution impartiale, afin de se protéger contre les plaintes infondées de certains investisseurs envers les États. Plusieurs exemples récents, le dernier en date étant le cas du Canada, en sont une démonstration sans équivoque. Le caractère équitable et transparent doit primer dans le dispositif juridique qu’il nous faut inventer.

Rappelons que le Parlement européen et les parlements nationaux auront le dernier mot sur ces accords, et le gouvernement français l’a d’ailleurs bien compris.

Cependant, même s’ils sont assortis de garanties telles que la mise en place d’un mécanisme d’appel ou la garantie absolue du droit des États à légiférer, qui ont été souvent évoqués, nous restons hostiles, comme beaucoup de nos collègues européens, au maintien des dispositifs d’arbitrage privé au niveau national.

Ce matin même, alors que devait être débattue au Parlement européen la résolution sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le président du Parlement européen a été contraint de repousser le vote (M. Jean Bizet opine.), craignant un rejet pur et simple du texte en raison de dispositions relatives aux tribunaux d’arbitrage.

M. Jean Bizet. Exact !

M. Daniel Raoul. Merci, monsieur Bizet !

Ce texte a été renvoyé en commission ; des modifications substantielles sur ce point devront avoir lieu, comme nous le souhaitons, afin que ce texte puisse être adopté. Preuve en est que ce dispositif ne pourra pas rester en l’état dans le TTIP.

Il me semble qu’une solution encore plus ambitieuse devrait d’ores et déjà être examinée, en privilégiant dès maintenant la création d’une cour européenne indépendante de plein droit pour le règlement des différends.

Afin que les investisseurs européens soient traités à conditions égales avec les investisseurs américains, la création d’une cour internationale multilatérale de règlement des différends, comme cela existe dans d’autres instances, telle l’OMC, devrait être envisagée.

Par ailleurs, pourquoi les tribunaux nationaux des États membres ne devraient-ils pas être saisis pour régler les futurs différends entre les investisseurs et les États ? Ces tribunaux présentent pourtant des garanties suffisantes pour rendre une justice équitable dans nos démocraties.

Malgré un cycle de négociations qui lui a été consacrée, la convergence réglementaire, l’un des points clefs du partenariat transatlantique, n’a pas beaucoup progressé dans les négociations qui se sont déroulées au cours du premier semestre 2015. Plusieurs raisons peuvent, selon moi, expliquer le fait que les discussions n’avancent pas sur ce point.

D’abord, il existe une grande différence de culture réglementaire entre l’Union européenne et les États-Unis, ce qui complique les discussions, voire la compréhension.

Ensuite, les États-Unis négocient uniquement pour la partie fédérale.