M. Jean-Pierre Grand. Quand on parle de logements sociaux, nous savons, les uns et les autres, de quoi il est question.
Je garde à l’esprit le débat de ce matin et de cet après-midi, quand a été évoquée l’idée d’« économiser les territoires ». Or, maintenant, on veut absolument des HLM, des logements sociaux et de l’urbanisation galopante dans les petites communes !
La loi d’aujourd'hui n’est pas du tout celle de 1981. Le DALO n’existait pas. La loi SRU n’existait pas. La population était différente. Les gens arrivaient dans les villages, mais ils ne nous demandaient ni piscines, ni collèges, ni lycées, ni routes confortables, ni crèches…
Aujourd'hui, c’est tout différent. Quand un village s’urbanise, cela doit s’accompagner de tous les équipements publics. Les maires ne savent pas faire, parce qu’ils n’en ont pas les moyens. S’ils acceptent que les intercommunalités les dotent de tous les équipements, leur village est urbanisé, mais comme ils ne souhaiteraient pas qu’il le soit.
Tel est le problème qui est le nôtre aujourd'hui. C’est la raison pour laquelle notre collègue des Yvelines a eu raison de nous interpeller. (MM. Jean Bizet et Pierre Charon applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. La droite fait preuve d’une grande constance, et il y a toujours de bonnes raisons pour revenir sur l’article 55 de la loi SRU ! On a déjà envisagé de l’abroger complètement. Aujourd'hui, on essaie, par d’autres artifices, de faire en sorte qu’elle ne s’applique pas ici ou là et pour décaler encore dans le temps la réalisation de l’objectif des 25 %.
Pourquoi cette loi a-t-elle été votée ? Parce qu’il y avait une crise du logement sans précédent, notamment en Île-de-France, mais pas seulement (Mme Sophie Primas proteste.), et parce que l’on manquait de logements sociaux. Sur les trois millions de familles en attente d’un logement social, 500 000 sont en Île-de-France.
Mme Sophie Primas. Arrêtez !
M. Philippe Kaltenbach. Malheureusement, face à cette situation, la production de logements en général et de logements sociaux en particulier, avec des loyers abordables pour ceux de nos concitoyens dont les revenus sont modestes et moyens, n’a pas été suffisante.
Mme Sophie Primas. Nous en construisons plus que vous !
M. Philippe Kaltenbach. C’est pour cette raison que la loi a créé une obligation. Si, spontanément, il y avait eu assez de logements à loyer abordable, personne n’aurait voté une loi visant à contraindre les collectivités à faire des efforts en la matière. Cette loi est intervenue parce qu’il y avait une crise et elle a produit des effets bénéfiques. Ainsi, des villes, comme la vôtre, monsieur Dallier, sont rentrées dans une dynamique et ont commencé à produire des logements. Tant mieux !
Mais le besoin en logements ne s’est pas tari, la crise est toujours là. Tous les acteurs doivent donc se mobiliser. En la matière, les contraintes sont certes réelles, mais n’oublions pas les aides destinées aux maires bâtisseurs.
On ne peut pas revenir en arrière. Le faire, c’est envoyer le signal que, pour le logement, nous verrons plus tard, c’est dire aux familles en difficulté, mal logées ou logées à des loyers très élevés, qu’elles devront attendre plusieurs années encore. De nombreuses associations le confirment : il y a urgence ! Tout le monde doit donc se mobiliser et faire des efforts. Dans le département des Hauts-de-Seine, que je connais mieux que celui des Yvelines, certaines villes en ont fait, d’autres non. Il est normal que ces dernières soient sanctionnées.
Dans les villages situés à côté de Mantes-la-Jolie, pourquoi ne pas construire quelques logements sociaux, afin de créer plus de mixité sociale ?
Mme Sophie Primas. Ils en comptent déjà, mais pas 25 % !
M. Philippe Kaltenbach. Il y aurait ainsi moins de logements sociaux dans les grands ensembles et un peu plus dans les villages.
Logement social ne rime pas nécessairement avec construction de tours et de barres ; il peut très bien s’agir, dans les bourgs par exemple, de maisons rachetées et rénovées.
Mme Sophie Primas. Merci pour le conseil…
M. Philippe Kaltenbach. Je n’ose prendre l’exemple de Paris, Jean-Pierre Caffet présidant ce soir à nos travaux. (Sourires.) Nous savons que la situation y est particulièrement difficile, car le terrain est rare et cher. (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. Hervé Marseille. Ah, Paris !
M. Philippe Kaltenbach. Pourtant, l’objectif des 20 % a déjà été atteint, alors que l’on partait de loin, et celui des 25 % le sera également.
M. Jean-Pierre Grand. On construit des tours, à Paris !
M. Philippe Kaltenbach. Il existe de nombreux outils pour produire du logement social. Il n’est pas nécessaire de construire des tours ; il est possible d’acheter de l’ancien, de le rénover.
M. Philippe Dallier. On fait tout cela ! On ne vous a pas attendu, cher collègue !
M. Philippe Kaltenbach. Il faut donc valoriser le logement social, entreprendre les efforts nécessaires, au lieu de lever les contraintes, ce qui, en la matière, témoignerait d’un recul au regard de nos objectifs.
M. Philippe Dallier. Plaçons l’objectif à 40 %, alors !
Mme Sophie Primas. Pourquoi pas à 50 % ?
M. Philippe Kaltenbach. Il faut bien faire réponse, mon cher collègue. Qui fera les efforts ?
Mme Sophie Primas. À quoi tout cela sert-il pour le rural ?
M. Philippe Kaltenbach. Faut-il laisser les familles dans la difficulté ? Faut-il leur dire que, si elles n’ont pas de logement, si elles sont mal logées, si leur loyer est trop élevé, c’est tant pis pour elles ?
Mme Sophie Primas. Ne nous faites pas la leçon !
M. Philippe Kaltenbach. Nous avons une obligation de résultat ; les familles attendent. Les efforts doivent être accomplis par tous. Il faut donc maintenir les objectifs et ne pas tolérer de dérogations à leur application dans le temps.
Le message doit être clair : conformément à la loi, tout le monde doit se mobiliser, les petites communes comme les grandes, celles qui ont des moyens comme celles qui en ont moins. Tel n’est pas vraiment l’objet du présent texte, mais, puisque le débat a lieu, je tenais à rappeler la nécessité de produire des logements, en particulier des logements à loyer abordable.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas ainsi que l’on réglera le problème dans le rural !
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. La question du logement social fait toujours réagir les élus de droite, lesquels avancent à chaque fois des arguments nouveaux.
Il y a toujours de bonnes raisons pour ne pas appliquer la loi SRU. Aujourd’hui, on prend pour prétexte la situation particulière des zones plus rurales de certains départements.
Dans le département du Val-de-Marne – département beaucoup plus urbanisé que celui des Yvelines –, on prétend que la densité est telle et que le foncier est si onéreux que la construction y est impossible. Or l’étude des permis de construire délivrés par les maires des villes qui n’appliquent pas la loi permet de s’apercevoir qu’un nombre incalculable de logements de promotion immobilière privée y ont été construits. (Mme Sophie Primas fait un geste de dénégation.)
Aujourd’hui, dans le département dont je suis l’élu, il manque 19 000 logements pour respecter la loi SRU. Comme par hasard, les villes qui ne la respectent pas sont toutes, sans exception – il y en a un peu moins d’une vingtaine –, dirigées par la droite.
Cela fait maintenant quinze ans que la loi a été adoptée, et pourtant, depuis 2000, ces villes accusent toujours le même retard.
M. Philippe Dallier. Pas la mienne !
M. Christian Favier. Certaines villes, en effet, ont fait des efforts.
Mme Sophie Primas. On parle du rural, pas des villes !
M. Christian Favier. D’autres n’en font aucun ; certaines même le revendiquent !
C’est d’ailleurs pourquoi je ne partage pas la proposition visant à considérer l’objectif à atteindre de manière globale, au sein des intercommunalités.
Je ne prendrai qu’un seul exemple. La ville de Saint-Maur-des-Fossés compte environ 75 000 habitants et moins de 5 % de logements sociaux. Juste à côté se trouve la ville de Champigny-sur-Marne, qui compte elle aussi 75 000 habitants, mais 40 % de logements sociaux. Si l’on regroupe ces deux communes dans une intercommunalité, l’objectif globalisé de logements sociaux sera atteint. Néanmoins, cela impliquera qu’une des deux villes n’aura fait aucun effort et continuera donc d’exclure les populations les plus modestes de son territoire, notamment les jeunes. Ce n’est pas envisageable.
Il convient donc de maintenir les obligations fixées dans la loi SRU. L’objectif est certes passé de 20 % à 25 %, mais le délai pour le respecter a été repoussé de 2020 à 2025.
M. Philippe Kaltenbach. Oui !
M. Christian Favier. Je ne vois donc pas pourquoi des communes continueraient à ne pas appliquer ces dispositions.
L’effort doit être partagé, ce qui n’est malheureusement pas le cas actuellement. Je ne suis donc pas favorable aux amendements dont nous discutons, lesquels, s’ils sont adoptés, n’auront pour effet que de reculer encore le moment où les obligations devront être remplies.
Mme Laurence Cohen et M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je ferai la même réflexion que tout à l’heure : ce débat me semble un peu « hors sol ». Des objectifs chiffrés sont fixés et, puisque la France est une et indivisible, ils doivent être respectés partout de la même façon.
Le Sénat est l’assemblée des territoires. Nous sommes tous d’accord, mes chers collègues, pour affirmer que ces territoires sont différents. Et cette loi devrait s’appliquer de manière uniforme, quelles que soient les conditions particulières et les contraintes ?
Je ne voudrais pas que la gauche tombe dans la caricature. Alain Richard a indiqué très justement que la droite n’était pas revenue sur cette loi et ne l’avait pas supprimée. Il faut seulement tenir compte des réalités du terrain quand on impose des règles d’en haut.
Certaines communes sur le territoire de la métropole dont je suis l’élu, une fois combinés les effets des plans de prévention des risques – incendie, inondation, éboulement de terrain –, n’ont quasiment aucun espace pour construire des logements, y compris privés. Et ces communes, qui n’y sont pour rien, seraient pénalisées ? Je demande que l’on tienne compte des réalités du terrain, que l’on s’y adapte, même si un taux d’effort peut être éventuellement demandé.
Nous avons tous voté une loi très célèbre voilà quelque temps, dont il a fallu cette année repousser l’échéance, celle de 2015, préalablement fixée, ne pouvant être tenue. Nous n’avons en somme été capables que de reculer. Cela nous a tous coûté sur le plan politique : les associations de terrain nous ont accusés de ne pas tenir nos engagements.
Je ne veux pas que cela se reproduise. Soyons réalistes, montrons que nous avançons, monsieur le secrétaire d’État. Si des communes ne font strictement rien pour respecter la loi, sans aucun argument pour défendre cette position, elles doivent être sanctionnées. En revanche, je souhaite que le Sénat tienne compte des difficultés rencontrées par certaines villes qui, malgré tout, font des efforts.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Rassurez-moi, mes chers collègues : la loi s’applique bien à tous ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Oui !
Mme Laurence Cohen. Il y a bien égalité de tous devant la loi ?
M. Jean-Pierre Grand. C’est la « force injuste de la loi », pour reprendre la formule de François Mitterrand !
Mme Laurence Cohen. J’ai l’impression que nous nous égarons !
Dans notre République, tout le monde doit appliquer la loi.
On entend sur les travées de la droite qu’il faut davantage s’adapter aux réalités du terrain. Mes chers collègues, la loi SRU a déjà quinze ans et il est, en France, des maires courageux, des maires bâtisseurs, qui veulent répondre au manque criant de logements. Cela, je ne l’invente pas.
Certains se revendiquent du terrain, mais nous le sommes tous ! Alors que la crise du logement est forte, que le besoin en logements sociaux est important, certains trouvent des arguments afin de ne pas appliquer la loi. De la part de membres d’une assemblée législative, voilà qui est choquant !
Jusqu’à quand certains élus réclameront-ils des dérogations ? Ces dérogations sont profondément injustes et inégalitaires ; elles ne sont pas admissibles. Les exemples donnés au cours de notre discussion, notamment par Christian Favier, montrent bien que certaines villes s’enorgueillissent même de ne pas construire de logements sociaux. (M. Philippe Kaltenbach acquiesce.) Pour elles, préférer payer des pénalités relève d’une volonté politique.
La responsabilité de la Haute Assemblée est de ne pas ouvrir la porte à ces dérogations ; elle est d’assurer l’application de la loi partout sur le territoire.
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, corapporteur.
M. René Vandierendonck, corapporteur. Je souhaite rectifier l’amendement n° 809, monsieur le président,...
M. Philippe Dallier. Ce serait préférable !
M. René Vandierendonck, corapporteur. … afin que seul l’alinéa 3 de l’article 15 ter C soit supprimé.
M. Philippe Dallier. Dans ces conditions, nous ne le voterons pas ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 809 rectifié, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 5
1° Après les mots :
du fait
insérer les mots :
de la création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles deviennent membres,
2° Remplacer le mot :
trois
par le mot :
neuf
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 696.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 625 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Les amendements nos 109 et 119 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 15 ter C.
(L’article 15 ter C est adopté.)
Demande de réserve
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission demande la réserve, jusqu’à la fin de la discussion des articles, de l’article 17 septdecies et des amendements portant article additionnel après l’article 17 septdecies. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je souhaite obtenir une précision.
Compte tenu de la réserve demandée par M. le président de la commission des lois, nous devrions en théorie examiner l’article 17 septdecies et les amendements portant article additionnel après cet article dans la journée de lundi. Imaginons cependant que le Sénat achève l’examen de l’ensemble des autres articles du projet de loi vendredi en milieu de soirée.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Ce serait un miracle !
M. Philippe Dallier. Il y a parfois des miracles, monsieur le corapporteur.
Si cela se produisait, la nuit de vendredi à samedi étant ouverte, enchaînerions-nous alors directement sur les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris ? Dans ce cas, il serait tout de même préférable de prévenir les collègues intéressés par le sujet, car ils s’attendent plutôt à devoir venir lundi !
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Il leur serait facile de revenir !
M. le président. Mon cher collègue, nous aurons toute la journée de lundi, y compris la nuit de lundi à mardi, pour examiner l’article 17 septdecies et les amendements portant article additionnel après cet article.
M. Philippe Dallier. Cela, je l’ai bien compris ! Ce n’est pas ma question.
M. le président. Par conséquent, dans l’hypothèse que vous évoquez, il serait raisonnable de lever la séance le vendredi soir.
M. Philippe Dallier. Voilà ! C’est l’assurance que je voulais obtenir !
M. le président. En outre, comme c’est moi qui exercerai la présidence dans la nuit de vendredi à samedi, je m’engage à lever la séance avant d’entamer l’examen des dispositions relatives à la métropole du Grand Paris.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Ceux qui souhaitent s’exprimer sur le sujet ont ainsi la garantie que ce débat aura bien lieu lundi.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Moi qui suis un élu de province, je serai en séance demain, voire, le cas échéant, pendant la nuit de vendredi à samedi.
Nos collègues parisiens, c'est-à-dire ceux qui ont le moins de chemin à parcourir pour se rendre au Sénat, savent quand le sujet qui les intéresse sera examiné. Je rappelle simplement que les sénateurs qui viennent de plus loin, comme c’est mon cas, doivent s’organiser pour être présents.
Je ne conteste pas la décision qui vient d’être prise. Comprenez néanmoins que la situation puisse quelque peu nous agacer.
M. le président. Acte vous est donné de cette observation, mon cher collègue ; elle figurera au compte rendu intégral.
La réserve est ordonnée.
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