M. Bruno Retailleau. Et par la commission !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bien entendu, monsieur le sénateur ! Je l’ai déjà souligné. Cela étant, je ne tenais pas à le répéter, afin de ne pas compromettre MM. Philippe Bas et François-Noël Buffet et nuire à leur crédibilité auprès de leurs amis. (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle n’est pas menacée ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ayant déjà fait un compliment, je ne souhaitais pas en faire un second ; les intéressés me reprocheraient d’être trop aimable ! En plus, je ne suis pas sûr qu’ils méritent deux compliments ; le premier était justifié, mais un second serait plus discutable ! (Rires.)
Je forme encore une fois le vœu que les avancées positives que nous avons obtenues ensemble permettent de cheminer vers un bon accord, afin que nous puissions agir avec humanité et responsabilité. Nous le savons, le sort des réfugiés est terrible. Faisons en sorte que l’asile soit de nouveau conforme à la grande tradition, désormais séculaire, de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Plusieurs sénateurs de l'UDI-UC applaudissent également.)
7
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de France Télévisions.
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, conformément à l’article 9 du règlement.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Nouvelle organisation territoriale de la République
Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet n° 336, texte de la commission n° 451, rapport n° 450, tomes I et II, avis n° 438).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons cet après-midi un débat important pour la vie de nos concitoyens. Avec la nouvelle organisation territoriale de la République, il s’agit de répondre aux injonctions contradictoires des citoyens, qui demandent de manière paradoxale, ainsi que l’a souligné le Président de la République voilà une semaine à Carcassonne, moins de dépenses publiques, mais davantage d’action publique et de services publics.
Ce qu’attendent aujourd’hui les Français, ce sont des services publics efficaces qui les accompagnent tous et à tous les âges de la vie, qui soient présents aux côtés de tous les acteurs de notre économie – TPE émergentes, coopératives agricoles anciennes ou entreprises momentanément en difficulté –, qui permettent toutes les créativités, toutes les solidarités et tous les progrès communs.
Pour répondre à ces attentes, nous le disons souvent, la puissance publique a besoin des collectivités territoriales, car aucune des politiques publiques de l’État ne s’exerce sans leur intervention. Ce sont nos collectivités qui portent l’organisation des territoires et la vie quotidienne des Français.
Bien sûr, en cette période difficile, toute action de l’État et des collectivités s’inscrit dans une trajectoire budgétaire contrainte, dont vous ne manquerez pas de parler au cours de nos débats.
Cependant, très majoritairement, malgré les efforts que cela nous impose et que cela impose à nos concitoyens, je constate que nous nous accordons pour réduire la dette de notre pays, afin non de répondre aux sommations de Bruxelles, mais d’éviter d’avoir à faire un choix impossible, entre les quelque 44 milliards d’euros de remboursement de la dette de l’État et nos engagements d’avenir.
Cela concerne nos discussions à venir, car les collectivités ne peuvent plus, dans ce contexte, demander des compétences générales fortes et dire leurs difficultés à faire face à leurs dépenses obligatoires.
Ensemble, nous allons essayer, à partir de cet après-midi, de répondre à cette double injonction, en nous écoutant, en avançant à partir de constats partagés et en construisant des réponses équilibrées. J’ai bon espoir – c’est ma nature – que nous y parviendrons, même si, je dois le dire, certains signes, certaines déclarations un peu excessives pourraient parfois me faire douter. Nous devons trouver un accord et il me semble que nous n’en sommes pas tellement éloignés.
Ces réponses équilibrées, le Gouvernement a déjà contribué à les élaborer au cours de la première lecture de ce projet de loi. Il a souhaité, pour ce faire, vous écouter.
Ainsi, concernant les régions, dont vous avez dit qu’il était primordial de renforcer le rôle – je cite M. Delebarre –, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont donné suite à plusieurs de vos propositions.
C’est le cas, notamment, pour les politiques d’accompagnement à l’emploi. Dans ce domaine, nous savons tous ici les difficultés résultant de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, qui confie à Pôle emploi, sans distinction des personnels, la gestion des indemnisations décidées paritairement au niveau national et l’accompagnement de ceux qui veulent trouver un emploi, se former ou se reconvertir.
Nous savons tous que ces difficultés empêchent aujourd’hui le débat sur une éventuelle régionalisation de l’accompagnement vers l’emploi des demandeurs d’emploi.
Néanmoins, à la suite de nos discussions, nous avons souhaité confier aux régions davantage de responsabilités en la matière. Nous avons souhaité qu’elles puissent disposer de moyens supplémentaires lorsqu’elles présentent un projet ambitieux pour mettre en cohérence cette politique.
Concernant ensuite les départements, j’ai suivi vos débats en commission des lois. Je ne crois donc pas me tromper, monsieur Hyest, en disant que vous êtes satisfait en partie de ce qui a été fait. Vous avez souligné que, comme vous le souhaitiez, des compétences auxquelles les départements tiennent beaucoup – notamment les collèges et les routes – ont pu être maintenues à leur échelon.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais j’ai noté aussi que vous partagiez l’idée de mettre en place des péréquations et des stratégies se déployant à des échelles plus larges.
Afin de pouvoir accompagner la montée en puissance du bloc communal, l’échelon départemental voit également confirmé son rôle en matière d’ingénierie et de solidarité territoriale. Cette compétence que nous créons est très fortement attendue. Je pense qu’elle est de nature à rassurer les communes rurales et celles disposant de faibles ressources.
M. Pierre-Yves Collombat. Certainement pas !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le rôle que jouent aujourd’hui certains départements en milieu rural a été reconnu par vos collègues de l’Assemblée nationale. C’est le cas, par exemple, pour le soutien à certaines filières agricoles importantes sur le plan local.
Concernant les établissements publics de coopération intercommunale, je sais que vous estimez que nous n’avons pas encore fait assez. Je sais que certains d’entre vous estiment que nous ne leur donnons pas assez de temps et de souplesse pour opérer leur rationalisation et leur montée en compétence.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je trouve, pour ma part, que beaucoup a été fait, justement, par le Gouvernement et par les députés afin de dessiner, avec vous, ce que j’espère être un bon compromis.
Comme vous le souhaitiez, monsieur Bas, nous avons fait en sorte de ne pas déstabiliser les intercommunalités récemment fusionnées. Ainsi que le demandait la Haute Assemblée, de nombreuses nouvelles adaptations ont été introduites.
Alors oui, j’entends comme vous la crainte exprimée par les maires sur la disparition des communes, dont quelque 25 000 ont moins de 1 000 habitants.
Toutefois, je constate aussi – et nous devons avoir le courage de le dire dans cette enceinte – que le véritable risque, pour ces communes, est de ne pas pouvoir répondre aux demandes de leurs habitants. Ces derniers aspirent à des services publics qui sont souvent lourds à assumer pour les plus petites collectivités : je pense, par exemple, à la prise en compte de la petite enfance.
M. Charles Revet. Pour l’instant, elles font face sans problème !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sais également le besoin de solidarité et de coopération, qui ne pourra être satisfait qu’à l’échelle de l’intercommunalité ; ayons, là aussi, le courage de le dire.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’ennemi de la commune, ce n’est pas la loi NOTRe ; c’est la diminution du nombre d’élus qui souhaitent s’engager, souvent bénévolement, et je ne remercierai jamais assez ici ceux qui ont permis une amélioration, si longtemps attendue, du statut de l’élu.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’ennemi, c’est la difficulté à mettre en place des services suffisants, attendus par les habitants.
Il n’est pas possible, au regard des constats que je viens de dresser, de remettre encore et toujours à plus tard des avancées indispensables à la qualité des services publics et à la mutualisation. D’ailleurs, plus je me déplace sur les territoires de France, plus j’en suis persuadée. Le Sénat lui-même est parfois en avance sur ces sujets relatifs à la mutualisation, s’agissant notamment des centres intercommunaux d’action sociale. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, madame Gourault.
Enfin, concernant les métropoles, autre sujet dont nous avons longuement débattu, l’Assemblée nationale a voté de manière conforme, pour l’essentiel, les articles portant sur celle d’Aix-Marseille-Provence, et elle a accepté les grandes lignes du compromis trouvé entre le Sénat et le Gouvernement sur la métropole du Grand Paris.
Les choses évoluent donc. Nous avons déjà réalisé des avancées importantes vers ces solutions partagées que j’évoquais précédemment. Je ne parle pas de la métropole de Lyon, au sujet de laquelle nous examinerons quelques amendements destinés à peaufiner le dispositif.
Il nous faut maintenant continuer, pour atteindre nos ambitions communes : améliorer le quotidien des citoyens, en réduisant les inégalités entre les territoires et en renouant avec la solidarité ; aider nos territoires, en remettant la coopération au cœur de notre action publique ; redresser la France, en prenant en compte l’ensemble des territoires qui la composent.
Ce redressement, chaque territoire peut et doit y participer. En effet, vous le savez, même si elles sont indispensables à notre pays, nous ne pouvons nous contenter des seules métropoles pour tirer la croissance. Elles le feront et elles le font déjà, mais elles ne peuvent le faire sans les autres territoires, sous peine de produire des disparités trop fortes, génératrices d’un grand manque à gagner collectif. C’est ce que nous n’avez pas manqué de souligner de nouveau. Ces disparités trop fortes entre territoires existent déjà aujourd’hui. Elles sont loin de ne concerner que le milieu rural, qui lui-même n’est en rien homogène.
La seule étude des dotations aux collectivités nous montre, sur ce sujet, deux choses : nous avons inscrit les injustices dans l’histoire des dotations et l’hyper-richesse continue de côtoyer l’hyper-pauvreté, sans que la régulation vienne y remédier.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Or cette régulation doit naître aussi de notre organisation territoriale et de l’organisation de nos finances locales. Permettez-moi, à ce titre, de saluer la mémoire de Jean Germain, qui nous a laissé un remarquable tableau de bord pour réussir cette réforme. Nous le lui devons, ainsi qu’à nos collectivités.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour réussir, justement, je vous propose de tracer, avec ce texte, une voie : une voie vers un développement plus équilibré, plus durable, mieux réparti entre les territoires et les citoyens, que ce soit pour la préservation de notre indépendance énergétique, celle de notre indépendance alimentaire ou la créativité et l’emploi ; une voie vers des services publics présents partout où ils sont nécessaires, mieux adaptés à la réalité quotidienne des usagers et davantage individualisés, pour l’accès de tous à la culture, aux loisirs, à l’éducation, au logement et pour l’émancipation de chacun ; une voie vers une démocratie locale vivace car transparente, ouverte aux débats et acceptant la contradiction, pour refaire société, pour vivre ensemble, pour que chaque citoyen se sente partie prenante à notre République, à la construction de son avenir et de celui de son pays ; une voie vers une République qui reconnaît sa diversité pour mieux se rassembler.
Tracer cette voie n’est pas facile, mais la Haute Assemblée aime le courage et rejette l’immobilisme. C’est pourquoi nous pouvons y parvenir.
Pour ce faire, il nous faut prolonger la clarification des compétences. Vous l’avez souligné, monsieur Vandierendonck, et c’est bien le sens du texte que je vous propose. C’est le sens du transfert de compétences portuaires à l’échelon régional que le Gouvernement souhaite défendre de nouveau devant vous. Ce ne sera pas facile, je le sais.
Il nous faut dire clairement qui fait quoi. C’est le cas, notamment, en matière de tourisme, un domaine dans lequel la France a, vous le savez, un potentiel immense, mais peut encore, il faut l’avouer, faire des progrès. En la matière, le Gouvernement vous propose de mettre fin à la schématologie. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.) Je pense que le Sénat, à fort juste titre peu friand de la multiplication des normes, devrait applaudir des deux mains !
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Bravo !
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il nous faut donner aux régions les moyens de leur action, en arrêtant de se comparer aux Länder allemands, qui gèrent, entre autres domaines, l’éducation dans son ensemble et n’ont aucune autonomie fiscale.
Il nous faut favoriser l’adaptation de notre organisation territoriale à la diversité des territoires, surtout lorsque les acteurs locaux nous en montrent le chemin.
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est ce qui se passe aujourd’hui en Corse, avec la collectivité unique, fruit d’un long de travail de concertation entre le Gouvernement et l’ensemble des élus corses. Le débat sur ce sujet a été transpartisan : les élus – de droite comme de gauche – ont souhaité cette collectivité unique. L’Assemblée de Corse l’a approuvée à une très large majorité, par plus de 80 % des voix.
Ce vote ayant eu lieu le 12 décembre 2014, nous n’avons pas disposé du temps nécessaire au débat lors de la première lecture du projet de loi. C’est ce qui explique que les dispositions portant sur la collectivité unique de Corse aient été introduites à l’Assemblée nationale. Nous avons maintenant l’occasion d’en discuter. Gardons, pour ce faire, bien en tête qu’il s’agit d’une démarche républicaine et concertée. Souvenons-nous que c’est le choix des élus corses de voir le travail sur la collectivité unique se poursuivre dans le cadre législatif, au travers de l’examen du projet de loi NOTRe. Ils nous l’ont confirmé le 13 avril dernier, lorsque nous les avons reçus, avec Bernard Cazeneuve. L’organisation d’un référendum reporterait trop loin cette réalisation et, républicains et attachés à la démocratie participative, les élus sont les représentants de leur territoire.
Pour réussir, il nous faut aussi construire de véritables espaces de solidarité, que ce soit dans notre région capitale, qui devrait montrer l’exemple et entraîner la France, dans l’ensemble de nos grandes villes, dans les villes moyennes et les bourgs-centres ou encore dans les milieux ruraux.
Cette question de la coopération intercommunale est fondamentale pour l’avenir de notre pays et de nos territoires. Je l’ai dit déjà, mais je veux le répéter, car j’entends beaucoup trop, à ce sujet, de discours parfois infondés, qui visent à alimenter la peur et la détresse dans certains territoires. J’ai le sentiment que, malheureusement, les slogans se répandent bien plus vite que la recherche de solutions responsables et efficaces.
Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il que je le redise lors de chacune de mes interventions devant le Parlement : ce projet de loi reconnaît et consacre la commune comme échelon de base de notre organisation territoriale. (Protestations sur les travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il la vide de sa substance !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce projet de loi n’entérine pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, au Sénat ou ailleurs, la fin programmée de nos communes.
M. Pierre-Yves Collombat. Si, c’est le cas !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La coopération intercommunale, ce n’est pas la mort de la commune. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Au contraire, elle libère les plus petites communes de leur carcan, de leur sujétion à l’égard de divers financeurs qui ne leur donnent pas voix au chapitre.
M. Charles Revet. Laissez-les choisir, c’est à elles de décider !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Elle leur permet de mieux assumer leurs missions pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
M. François Marc. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’intercommunalité, c’est un moyen pour étendre, y compris en milieu rural, des services dont, jusque-là, ne bénéficiaient que les habitants des communes-centres ou des communes riches.
C’est ce que j’ai dit aux maires des petites communes qui ont manifesté le 18 avril dernier et à la rencontre desquels je suis allée. C’est ce que je leur redirai à l’occasion du débat que je souhaite organiser très rapidement avec les maires ruraux, ces maires qui sont le relais principal des millions d’habitants vivant hors de nos villes.
Mme Sophie Primas. Vous n’allez pas être déçue du résultat !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les difficultés de ces maires, je les connais, et je comprends leurs inquiétudes ; mais c’est précisément pour eux qu’il nous faut réussir cette nouvelle étape de la construction intercommunale, car ce sont eux et leurs communes qui ont le plus besoin de grandes intercommunalités. M. Bertrand en a dressé un très juste constat dans son rapport consacré à l’hyper-ruralité, qui fera date.
Alors oui, c’est un pas substantiel que je vous propose de franchir ensemble avec ce texte, mais c’est un pas qu’il est nécessaire de faire pour ne pas voir nos territoires se déliter, pour que nos concitoyens cessent de voir les services publics s’éloigner d’eux,…
M. Rémy Pointereau. Parlons-en !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … pour que les territoires puissent enfin agir ensemble, au lieu de s’enfermer dans des concurrences stériles qui les desservent. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Nous savons tous le danger des concurrences, des intercommunalités de défense qui assèchent en grande partie le développement de territoires qui sont pourtant les bassins de vie de nos concitoyens.
M. Ronan Dantec. Absolument !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est donc un pas nécessaire, car le statu quo ne peut plus perdurer. C’est ce que nous disent tous les élus : la situation aujourd’hui n’est pas bonne, et le sentiment d’abandon est réel. Nous le savons.
M. Charles Revet. C’est à cause de vos décisions !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La loi n’est pas votée, que je sache !
Ce constat est lourd, inquiétant pour nous qui espérons redresser tous les territoires de France.
M. Charles Revet. Vous faites tout le contraire !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous ne pouvons donc en rester au diagnostic : ce ne serait pas responsable.
Le Gouvernement a proposé un panel de solutions, mais rien ne se fera sans coopération. Je vous demande donc à vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire un pas substantiel. Comme je vous l’ai dit, chacun doit faire des pas si nous souhaitons pouvoir nous rencontrer et dessiner des réponses équilibrées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle organisation territoriale de la République repose sur des principes simples : cohérence, clarté, courage et coopération. (Exclamations sur plusieurs travées.)
Avec ce texte, nous voulons rapprocher le citoyen des services publics dont il a besoin ; pour cela, nous comptons sur les intercommunalités.
Nous voulons rapprocher les demandeurs d’emploi des entreprises et aider les entreprises à tout moment de leur existence ; pour cela, nous comptons sur les régions.
Nous souhaitons faire émerger des territoires moteurs du développement international de la France et dessiner les technologies de demain ; pour cela, nous comptons sur les métropoles.
Nous souhaitons garantir la proximité ; pour cela, nous ferons en sorte que la commune reste le socle de base de notre organisation territoriale. (M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce que je vous propose, c’est de faire vôtres les principes sous-tendant ce texte, de renoncer ensemble, ici comme à l’extérieur de votre assemblée, aux formules, aux mots d’ordre, aux lieux communs – c’est là, je crois, la force du Sénat –,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … pour construire les véritables conditions de notre dialogue. Ayons le courage, collectivement, de trouver de bons compromis, là où nous les savons nécessaires.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela s’applique également à vous !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sachons surmonter nos peurs, nos égoïsmes, nos tentations de repli, bien humaines, certes, mais souvent stériles, pour que nos citoyens et l’ensemble de nos territoires puissent également le faire, pour refonder l’envie de faire société ensemble avec les élus locaux et nos concitoyens – ces derniers sont trop nombreux à ne plus voter, et donc à ne plus croire au progrès, ni pour eux-mêmes ni pour le territoire auquel ils s’identifient, ce qui est sans doute le signe le plus grave –, pour retrouver la fierté commune et réciproque des territoires de France, ces territoires qui, ensemble, font notre République.
Nous sommes tous ici, au sein de cet hémicycle, des républicains convaincus que la décentralisation fonde l’organisation territoriale de notre République, et nous sommes tous convaincus que nous avons, par conséquent, des responsabilités à assumer : faire en sorte que les valeurs de notre République soient au cœur de notre organisation territoriale, souder une société française souvent décontenancée par les enjeux lourds du XXIe siècle,…
M. André Reichardt. Bla bla !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … redonner confiance à ceux, trop nombreux, de nos concitoyens pour qui ce siècle a mal commencé. À nous, donc, de donner sa chance à un bel espoir qui soit à la fois partagé et réaliste ! Je vous remercie de l’enthousiasme que vous manifestez. (Rires sur les travées de l’UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, corapporteur.
M. René Vandierendonck, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le corapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme le disait le Premier ministre, le mardi 28 octobre dernier, la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République offre aujourd’hui au Sénat la possibilité de jouer pleinement son rôle de législateur.
Comme cela a été le cas pour les autres textes ayant trait à la réforme territoriale que le Parlement a examinés ces dernières années, le projet de loi présenté par le Gouvernement s’est considérablement enrichi au fil de la navette.
M. Rémy Pointereau. Heureusement !
M. René Vandierendonck, corapporteur. Initialement composé de trente-sept articles, il en comporte à ce jour cent soixante-six, dont soixante-deux résultant des travaux du Sénat et soixante-cinq des délibérations de l’Assemblée nationale.
Globalement, l’Assemblée nationale a amélioré le texte tout en respectant le travail et les apports du Sénat en première lecture, ce qui peut laisser espérer une convergence, tout au moins sur un grand nombre de dispositions. Je pense notamment à la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, au renforcement de la compétence stratégique des régions en matière de développement économique, à la création de deux schémas régionaux stratégiques en matière d’économie et d’aménagement du territoire, ou encore au maintien aux départements de la gestion des collèges et des routes.
M. François Marc. C’est beaucoup !
M. René Vandierendonck, corapporteur. Toutefois, d’importantes divergences subsistent avec l’Assemblée nationale,…
M. André Reichardt. Oh oui !
M. René Vandierendonck, corapporteur. … car nos collègues députés ont inséré des dispositions qui avaient été précédemment rejetées par la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen d’autres projets de loi. Je souhaite revenir sur trois d’entre elles.
Concernant tout d’abord le Haut Conseil des territoires (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…
Mme Sophie Primas. Le machin !
M. René Vandierendonck, corapporteur. … le 19 décembre 2014, lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi MAPTAM de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, j’avais achevé mon intervention en tant que rapporteur du texte en abordant cette question.
La création de ce nouvel organe consultatif avait alors été ajoutée à l’Assemblée nationale, en réponse à une attente exprimée par certains élus locaux et associations d’élus qui souhaitaient la mise en place d’une instance de dialogue entre l’État et les collectivités.
M. Roger Karoutchi. Il y en a déjà !
M. René Vandierendonck, corapporteur. Puis, à la suite des échanges entre députés et sénateurs, la commission mixte paritaire s’était finalement ralliée à la position du Sénat et avait supprimé cette disposition du projet de loi.
Mme Sophie Primas et M. André Reichardt. Très bien !
M. René Vandierendonck, corapporteur. Deux arguments présentés à l’époque sont toujours recevables aujourd’hui : d’une part, cette instance ne doit pas se substituer au Sénat, qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales de la République ; d’autre part, la création d’une telle instance de concertation ne nécessite pas le recours à une loi.
À ma grande surprise, l’Assemblée nationale a réintroduit la création du Haut Conseil des territoires. L’article 1er bis a été adopté, il faut le souligner, contre l’avis du Gouvernement, ce dernier ayant mis en place, par voie réglementaire, une instance de dialogue national des territoires.
La commission des lois a par conséquent supprimé cet article 1er bis.