M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°188 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 204 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
Article 2
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L’amendement n° 5 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Un décret en Conseil d’État détermine les règles et les formes de l’opération prévue à l’article 1er.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement étant étroitement lié à l’amendement précédent qui vient d’être rejeté lors d’un vote par scrutin public, par cohérence, le groupe socialiste le retire.
M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 5.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
L’article 2 demeure donc supprimé.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L’amendement n° 6 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Philippe Kaltenbach. Nous retirons également cet amendement, lié à l’amendement n° 1 qui a été rejeté.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 6.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°189 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 204 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à midi.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Parrainage civil
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission.
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi relative au parrainage civil, présentée par M. Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 390, texte de la commission n° 443, rapport n° 442).
Dans la discussion générale, la parole est M. Yves Daudigny, auteur de la proposition de loi.
M. Yves Daudigny, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’ordre du jour du Parlement est extrêmement chargé – il l’est de plus en plus au fil du temps, cela nous a été rappelé voilà quelques jours à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat – et il comporte des réformes de grande ampleur. En regard, l’objet de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter est donc modeste, autant que le dispositif en est bref.
Vous n’en avez pas moins reconnu, monsieur le rapporteur, que la présentation de ce texte constituait « une initiative heureuse », et je vous en remercie. Il en est de même du travail de réflexion et d’amendement que vous avez mené, dans un délai assez court et, surtout, dans un esprit très constructif. Vous avez permis l’aboutissement d’un accord en la matière et l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité de la commission des lois.
J’écarte d’emblée la question sémantique : baptême civil, baptême républicain, parrainage civil, parrainage républicain. Je m’en tiendrai à cette dernière formulation que vous avez retenue, mon cher collègue. Il ne semble d’ailleurs pas possible de relier l’une ou l’autre de ces expressions à un lieu ou à une période particulière.
J’approuve, je le dis également d’emblée, le texte de la commission, parce qu’il satisfait pour l’essentiel notre proposition de loi initiale.
Notre texte d’origine comportait en effet trois objectifs.
Il s’agissait, en premier lieu, d’assurer sur l’ensemble du territoire un traitement égal de toutes celles et tous ceux qui souhaitent procéder à cette cérémonie, la pratique du parrainage républicain restant livrée, en l’absence de base légale, au bon vouloir des municipalités.
Notre deuxième objectif était de favoriser le sentiment d’appartenance à la communauté citoyenne et de contribuer à renforcer les liens sociaux et familiaux, ce qui n’est pas le moins.
Le texte adopté, tel que modifié par la commission des lois, atteint parfaitement ces deux buts.
Notre troisième objectif ouvrait incontestablement un débat d’une autre ampleur. Il répondait aux diverses conceptions de la parentalité, différant selon que l’on assigne ou non au parrainage des conséquences de droit. Compte tenu de divergences profondes, du risque de conflit d’autorité que M. le rapporteur a également relevé, mieux vaut y renoncer à ce stade, en contrepartie de la perspective d’aboutir sur le principe même de la légalisation du parrainage républicain.
Le fondement textuel que nous donnerons à ce rituel confortera son utilité sociale et garantira que tous y aient un égal accès. Mais il apportera aussi – enfin ! – une réponse claire : aux parents, parrain et marraine, d’une part ; aux élus et personnels communaux, d’autre part.
En effet, les questions écrites posées, de manière récurrente, par les parlementaires, reflètent la persistance de l’incertitude des uns et des autres, et ce, malgré les réponses tout aussi invariables du ministère de la justice. Le maire sollicité est-il tenu de procéder à cette cérémonie ? Dans quelles formes ? À quelles conditions ? Quelle est la portée de l’engagement des parrain et marraine ?
La balle – si je puis m’exprimer ainsi – est donc bien dans le camp du législateur. Au reste, plusieurs propositions de loi, rédigées sur l’initiative des différents groupes des deux assemblées, ont précédé celle-ci. Je songe au texte déposé par Jacques Myard en 2006, « tendant à instaurer le parrainage civil » ; aux propositions de loi, identiques, de Paulette Guinchard-Kunstler en 2007 et de Richard Mallié et Patrick Balkany en 2008 ; ou encore au texte déposé par Dino Cinieri et plusieurs de ses collègues en 2013, « tendant à instituer une reconnaissance juridique aux parrain et marraine civils ».
Toutes ces propositions de loi s’inscrivent dans le code civil mais diffèrent quant à la portée juridique de l’engagement des parrainants. Le texte de Dino Cinieri prévoyait même d’étendre l’abattement fiscal applicable aux successions entre frère et sœur à celle des parrain et marraine au profit de leur filleul.
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cela allait peut-être un peu loin…
M. Yves Daudigny. La question porte donc moins sur la nécessité de légiférer que sur les limites à fixer à de telles normes. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle ces textes n’ont pas eu de suite.
Par leur diversité, ces propositions sont, en réalité, à l’image des fonctions dont la pratique contemporaine investit le parrainage républicain. Le sens de cette coutume ancestrale – elle perdure depuis plus de deux siècles – a évolué. Les motifs qu’ont les parents de recourir au parrainage républicain, les parrain et marraine de l’accepter et les élus de le promouvoir suivent le mouvement des idées qui parcourent notre histoire depuis la Révolution française.
Associé, à sa création en 1790, aux cultes religieux, anticlérical en 1792, ce jusqu’à l’extrême, ou plus solidaire et fraternel dans la ligne socialiste de la fin du XIXe siècle, un temps symbolique de ce que l’on appelait les « communes rouges » dans les années 1970, ou simplement républicain, ce parrainage connaît un nouvel essor depuis les années 2000. Mais sa pratique a perdu le militantisme et la conflictualité de ses origines.
M. François Bonhomme. Ce n’est pas plus mal…
M. Yves Daudigny. Dans son étude de sciences politiques publiée en 2007, l’universitaire Antoine Mangret-Degeilh, constate que le « baptême républicain […] s’est fondu dans le paysage », qu’il est « désormais annoncé sur les sites internet et dans les guides d’information [...] à la rubrique des formalités administratives, entre les démarches d’inscription sur les listes électorales et autres certificats de vie commune ou de concubinage ».
L’Église elle-même a évolué. L’étude précitée mentionne à cet égard l’avis de Bernard Kaempf qui s’exprimait ainsi en 2000 : « Il n’y a en fait rien de bien choquant à ces engagements, auxquels tout citoyen et tout chrétien digne de ce nom pourrait souscrire. […] Le parrainage civil n’est pas critiquable théologiquement, surtout pas dans la perspective luthérienne des deux règnes, ou pouvoirs, le civil et le religieux. »
Ainsi peut-on lire sur le site cybercuré.catholique.fr (Sourires.), sous le titre : « Position de l’Église sur le baptême civil », que cette dernière « n’est pas hostile à cette cérémonie civile », qu’elle considère comme une réalité profane compatible avec le baptême religieux, comme le sont les mariages civil et religieux.
M. François Bonhomme. Bref, tout est bon !
M. Yves Daudigny. L’enquête à laquelle je me suis référé tend à montrer que les buts visés par les parents sont en réalité divers et pluriels. Il peut s’agir, à la fois, et pour chacun d’eux à divers degrés, d’exprimer des valeurs – républicaines, laïques, citoyennes –, de perpétuer une forme de tradition baptismale, de renforcer l’unité de la famille ou de conférer un statut au parent électif.
L’étude de ces motivations met également au jour un déplacement sur l’aspect plus sociétal de la parentalité, mais qui répond à deux modèles de représentation, entre une parenté de simple complément, les parrain et marraine choisis ayant pour rôle d’accompagner l’autorité parentale, et une parenté de substitution, propre à suppléer les parents empêchés ou disparus.
Apporter enfin par la loi une réponse claire impose donc, au-delà des implications juridiques plus ou moins complexes, mais non insurmontables, de faire sien, au préalable, l’un ou l’autre de ces paradigmes. Celui qui vous est proposé aujourd’hui n’était pas initialement le nôtre. Tout bien pesé, je m’y rallie pour les raisons que j’ai exposées, en termes d’utilité sociale et d’égalité de traitement.
Toutefois, nombre de parents interrogés recourent au parrainage républicain avec la conviction que la cérémonie confèrera une réalité juridique à cette parentalité de secours. Et il est vrai qu’en l’inscrivant dans le code civil, sous le titre II du livre Ier, consacré aux actes de l’état civil, on pourrait entretenir cette confusion. C’est ce que m’a signalé l’historienne anthropologue et spécialiste de la parenté Agnès Fine. Elle-même est très favorable à la légalisation du parrainage républicain, et je saisis cette occasion pour la remercier vivement de l’entretien qu’elle m’a accordé.
Les amendements déposés par M. le rapporteur tendent à écarter ce risque.
Les conditions en termes de capacité et de commune de rattachement, également ajoutées au présent texte, ne soulèvent pas d’objection majeure.
Je tiens à émettre une réserve, au sujet de l’accord requis des deux parents lorsqu’ils exercent tous deux l’autorité parentale. En effet, la loi du 4 mars 2002 a supprimé la condition de communauté de vie pour conférer l’autorité parentale conjointe lorsque l’enfant, reconnu par l’un des parents, l’est par l’autre dans l’année de sa naissance. Rechercher cet accord pour des parents séparés peut se révéler problématique et source de litige. Ce point pourra être considéré au cours de la navette.
J’aurais également souhaité que le texte de cette proposition de loi conserve cette belle formule, selon laquelle les parrain et marraine sont chargés de « concourir à l’apprentissage par l’enfant d’une citoyenneté dévouée au bien commun, animée de sentiments de fraternité, de solidarité et de respect de la liberté à l’égard de ses semblables ». Ces mots traduisent les valeurs de la République, que nous avons tous à cœur de faire vivre et de transmettre. À mon sens, ils assuraient, en l’espèce, ce supplément d’âme qui nous fait souvent défaut.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, toutes et tous s’accordent sur les effets bénéfiques de la présence de parrain et marraine auprès des enfants. Tel que modifié par M. le rapporteur, le présent texte, qui fait du parrainage républicain un simple engagement moral, a fait l’unanimité au sein de la commission des lois et recueille notre accord. Il est simple, clair et utile. Telles sont les raisons qui, je l’espère, vous convaincront de l’approuver ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons inscrit dans notre corpus législatif une coutume héritée des rites issus de la Révolution française : le parrainage républicain.
J’emploie à dessein ce terme – c’est celui qu’a retenu la commission des lois – plutôt que ceux de « parrainage civil », « baptême civil » ou « baptême républicain ». Certes, toutes ces expressions désignent le même acte, mais, à mon sens, les mots de « baptême républicain » correspondent mieux à la réalité dont il est question.
À travers cette pratique coutumière, qui tend à se développer depuis plusieurs années dans différents milieux familiaux, il s’agit de donner symboliquement à un enfant un parrain et une marraine chargés de veiller, chez lui, au développement des valeurs associées à notre République, notamment la liberté, l’égalité et la fraternité, et d’autres, que l’auteur du présent texte vient de citer. Ces trois termes constituent la devise de notre pays, mais, fort heureusement, les valeurs de la République ne s’y limitent pas !
Jusqu’à présent, cette coutume n’a aucun effet de droit, ni base légale ou réglementaire certaine. De plus, elle fait l’objet d’une application inégale sur le territoire, ce à quoi tend à remédier cette proposition de loi.
Dans sa rédaction initiale, le présent texte faisait du parrainage républicain un acte d’état civil, enregistré par un officier d’état civil et consigné sur un registre officiel, coté et paraphé. Cet acte mettait à la charge des parrain et marraine de lourdes obligations.
Outre l’engagement moral de développer chez leur filleul les « qualité indispensables qui lui permettr[aient] de devenir un citoyen dévoué au bien public et animé des sentiments de fraternité, de compréhension, de solidarité et de respect de la liberté à l’égard de ses semblables » – l’auteur de ce texte a rappelé cette phrase à l’instant –, les parrain et marraine s’engageaient officiellement à protéger et « à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer ».
C’est là une belle formule. Mais en transformant une coutume sans effet de droit en véritable acte d’état civil qui produirait des effets juridiques, on bouleverserait en partie les dispositifs de protection des enfants, fixés par le code civil et mis en œuvre en cas de défaillance ou de disparition des parents. Or ces dispositifs fonctionnent bien, et il n’est pas envisagé de les remettre en cause.
Par ailleurs, devenir le parrain ou la marraine d’un enfant âgé d’un ou deux ans parce que l’on est le meilleur ami de ses parents ne garantit pas que, si ces derniers disparaissent quelques années plus tard, l’on sera prêt et apte à les suppléer et à les remplacer auprès de leur enfant.
En conséquence, la commission des lois a souhaité ne pas faire du parrainage républicain un acte d’état civil créateur de droits et de devoirs ayant force juridique. En revanche, soucieuse d’assurer une égalité de traitement de tous les citoyens sur le territoire, elle a approuvé le principe d’une consécration dans la loi de la pratique existante, acte symbole d’adhésion aux valeurs de notre République.
Ainsi, tous les parents qui le souhaiteraient pourraient demander le parrainage républicain de leur enfant, quelle que soit la commune concernée : actuellement, certaines mairies acceptent d’organiser ces célébrations alors que d’autres s’y refusent.
Cet acte serait célébré, à la demande des deux parents titulaires de l’autorité parentale, ou de celui qui l’exerce seul, dans la commune du domicile ou de résidence des parents ou de l’un d’entre eux. L’autorité compétente pour le célébrer serait le maire, l’un de ses adjoints ou un conseiller municipal. Bien entendu, les parrain et marraine devraient ne pas être frappés de déchéance de leurs droits civiques ni avoir failli gravement à leur propre rôle de parents. Un registre signé par l’élu présidant la cérémonie, les parents, les parrain et marraine, serait conservé en mairie.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces évolutions, la commission vous propose d’inscrire dans la loi le parrainage républicain. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le sénateur Yves Daudigny, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui crée un fondement juridique à une cérémonie née à la fin du XVIIIe siècle, que de plus en plus de Français connaissent et plébiscitent : le parrainage civil, appelé aussi parrainage républicain ou baptême civil.
Cette cérémonie est un acte laïc et symbolique qui permet de désigner, hors du cadre religieux, un parrain et une marraine à son enfant.
Aujourd’hui, ce parrainage se pratique à la mairie, mais n’a pas de valeur légale. Les mairies ne sont pas obligées de le célébrer et certaines ne le font pas ou ne le font plus. Cette proposition de loi permettra de diffuser et d’harmoniser la pratique du parrainage civil sur l’ensemble du territoire. Elle vise en cela à l’égalité de tous les citoyens.
La reconnaissance d’un statut des parrains et marraines dans le code civil a déjà été envisagée à plusieurs reprises, sans jamais aboutir.
Une telle réforme a ainsi fait l’objet de la proposition de loi qui a été déposée à l’Assemblée nationale le 13 juin 2006. Ce sujet a également été repris dans un amendement présenté en septembre 2010 par un groupe de députés, dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Plus récemment, une proposition de loi relative au parrainage civil a été déposée par M. Bruno Le Roux et d’autres députés le 11 juin 2014, sans être discutée en séance publique.
On peut conclure de ces tentatives l’existence d’une véritable demande de consolidation de la pratique du parrainage civil.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition de loi, déposée par les membres du groupe socialiste, qui vous est soumise aujourd’hui. Le fait d’offrir à chaque enfant, quels que soient sa religion et son lieu de résidence sur le territoire français, la possibilité de vivre le rituel du baptême sous le sceau des valeurs de la République, constitue une avancée politique importante.
Le parrainage civil est une manière de faire vivre, au sein d’une famille, d’un cercle de proches, de parents et d’amis, les valeurs de la République, de les rappeler à tous et de les célébrer.
Les occasions d’incarner ainsi ces valeurs, de les célébrer et de les partager dans un cercle intime ne sont pas si fréquentes. Les fêtes et célébrations républicaines à l’échelle nationale ne pénètrent pas si facilement dans l’intimité des citoyens, ne produisent pas les mêmes effets sur les parcours de vie et ne touchent peut-être pas autant les cœurs et l’imaginaire collectif.
Le fait de mêler, les dimensions républicaine et familiale au sein d’un même événement, comporte une importante potentialité de restauration du vivre-ensemble républicain.
Le parrainage civil consacre l’intégration d’un enfant à la communauté des citoyens français. Il repose donc sur l’idée d’une appartenance commune et d’un destin partagé. À l’heure où le vivre-ensemble est menacé et, avec lui, les valeurs fondamentales d’égalité et de liberté, le parrainage civil apparaît comme un outil de lutte qui nous rappelle le sens de la vie en société au sein de la République française.
Au-delà de la célébration en elle-même, le parrainage consacre un engagement de deux personnes, les parrains et marraines, à « concourir à l’apprentissage par l’enfant de la citoyenneté dans le respect des valeurs républicaines ».
Ainsi, cette célébration ne produit pas seulement un effet sur l’enfant ou sur les personnes assistant à la célébration, mais également sur les parrains et marraines qui, en s’engageant, s’interrogent nécessairement sur les valeurs républicaines et déclarent publiquement, devant leurs proches, qu’elles y adhèrent librement.
Ainsi, en tant que rituel républicain, le parrainage civil me semble être un outil puissant pour faire vivre les valeurs de la République, les faire connaître, respecter et renforcer le sens et le goût du vivre-ensemble. Le projet politique porté par cette proposition de loi ne peut donc qu’emporter l’adhésion sans réserve du Gouvernement.
Je tiens enfin à saluer le travail qui a été mené par l’auteur de cette proposition de loi comme par votre commission des lois. Celle-ci n’a en rien altéré la force et la portée du projet politique, tout en renforçant la sécurité juridique du texte.
Telle qu’elle vous est soumise aujourd’hui, la proposition de loi ne me semble pas devoir être amendée et recueille l’entier soutien du Gouvernement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Yves Daudigny a bien expliqué le fond de sa proposition de loi. Je remercie également M. le rapporteur Yves Détraigne pour le résumé sobre et équilibré qu’il en a livré.
Nous débattons ici d’une affaire d’amitié et de famille. Des parents s’associent à des amis pour apporter un soutien moral à leur enfant et formaliser sa présentation à la société. Cette proposition de loi a pour objet d’officialiser cette démarche et de lui conférer un support légal.
Cette demande, que nous constatons dans la société et que nombre de nos collègues élus communaux accueillent comme une des tâches agréables et gratifiantes de l’exercice de leur mandat, renvoie, me semble-t-il, à un système de régulation sociale, traduit par un rite : la présentation de l’enfant à la société.
Reconnaître l’existence de cet être jeune et son appartenance au groupe correspond très vraisemblablement – je n’ai pas pris le temps de creuser plus avant la dimension anthropologique de ce sujet ! – à un rite très ancien dans l’organisation des sociétés. On trouve ainsi des formes de parrainage proches de ce dont nous parlons aujourd’hui dans l’histoire des cités grecques comme de Rome.
En réalité, ce qu’est devenu le baptême pendant la période de l’histoire européenne où les églises instituées étaient chargées de cette mission, répondait à la même logique, celle d’un véritable acte de naissance à la société. Ceux qui se sont livrés à des recherches généalogiques ont ainsi pu constater qu’avant 1792, l’état civil se résumait au registre des baptêmes.
La fonction de que l’on continue à appeler « baptême » a donc changé depuis 1792, puisque l’état civil, la reconnaissance légale des conditions de naissance, et donc d’entrée dans la vie citoyenne d’un être, sont aujourd’hui détachés de cet acte de baptême religieux. Il paraît donc tout à fait cohérent et logique que, pour la part assez large de notre société – et fût-elle étroite, d’ailleurs, cela ne changerait rien – qui ne souhaite pas passer par le prisme religieux pour cet acte de présentation, une valeur légale lui soit conférée. J’entends d’ailleurs que certaines autorités religieuses officiant dans notre pays considèrent comme tout à fait logique, et même souhaitable, que les deux actes cohabitent.
Aujourd’hui, ce souci du parrainage et du rite d’entrée demeure. Il est satisfait par des pratiques reconnues dans les communes par une sorte d’habitude, ou d’imitation réciproque.
La grande majorité des personnes qui souhaitent réaliser cet acte de présentation et de reconnaissance le peuvent. Du fait que cela n’a pas le caractère d’une obligation légale, il peut toutefois se produire que des autorités municipales refusent de s’y livrer. C’est là une des premières motivations de la proposition de loi de M. Daudigny.
Cette dimension de parrainage moral, certes sans obligation juridique, répond à une demande légitime. Le groupe socialiste considère comme parfaitement souhaitable de reconnaître par la loi ce lien personnel entre l’enfant et ses parrains.
Par la version issue du travail de la commission, dont, à mon tour, je salue la qualité, nous parvenons à satisfaire un objectif concret de la proposition de loi, et des nombreuses autres qui ont été annoncées ou présentées : l’officialisation de cet acte de parrainage par un enregistrement public, même s’il ne figure pas dans l’état civil, et la reconnaissance publique du lien personnel entre l’enfant et ses parrains.
Nous sommes nombreux à penser qu’il n’y aurait ni altération ni risque de perturbation à inscrire cet acte dans l’état civil, comme un certain nombre d’autres qui ponctuent la vie personnelle sans être tous rigoureusement liés à la situation de naissance ou de mort de la personne. Le débat n’est pas mûr sur ce point, il me semble donc qu’il est tout à fait possible de se satisfaire du dispositif présenté aujourd’hui.
En revanche, la commission des lois a opéré, à mon sens, un travail nécessaire en maintenant le rôle des parrains vis-à-vis de l’enfant dans une situation d’accompagnement à l’éducation citoyenne et de soutien moral et affectif, à l’exception de toute idée de substitution parentale. Dans ce domaine, il existe, d’une part, des outils de droit civil permettant de répondre aux situations de défaillance ou de carence, d’exercer la parentalité et l’autorité parentale et, d’autre part, tout un ensemble de mécanismes sociaux, déclenchés par acte judiciaire, avec lesquels ce dispositif ne doit en aucun cas être confondu.
Il nous semble que le travail de l’auteur de la proposition de loi et de ses collègues, comme de la commission des lois, est bienvenu et apporte une première réponse à une attente ancienne. Cela va faire progresser notre législation.
Je remercie beaucoup Mme la secrétaire d’État d’avoir donné l’accord du Gouvernement et confirmé les justifications de principe de ce texte.
Monsieur le rapporteur, monsieur Daudigny, j’observe avec satisfaction que, sans être encore en vigueur, les dispositions de la réforme des méthodes du Sénat s’appliquent de façon anticipée : les orateurs n’utilisent plus entièrement le temps qui leur est imparti… (Sourires.) Je vais m’efforcer de suivre cet exemple en saluant le bon travail des différents partenaires et en souhaitant la pleine réussite de cette proposition de loi. (Applaudissements.)