M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et ainsi libellé :

I. - Alinéas 12 à 14

Rédiger ainsi ces alinéas :

« 1° Soit à plus de la moitié des votes ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers des votes, y compris les explications de vote, sur les projets de loi et propositions de loi ou de résolution déterminés par la Conférence des Présidents ;

« 2° Soit à plus de la moitié ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers de l'ensemble des réunions des commissions permanentes ou spéciales convoquées le mercredi matin et consacrées à l'examen de projets de loi ou de propositions de loi ou de résolution ;

« 3° Soit à plus de la moitié ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers des séances de questions d'actualité au Gouvernement.

II. - Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette retenue n'est pas appliquée lorsque l'absence d'un sénateur résulte d'une maternité ou d'une longue maladie.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 16 et 31 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, MM. Gabouty, Pozzo di Borgo, Guerriau, Médevielle et Longeot, Mme Goy-Chavent et MM. Bockel et Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après les mots :

dont il est membre

insérer les mots :

ou à un colloque au cours duquel il intervient en tant que parlementaire

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il arrive à certains d’entre nous d’être invités à participer activement à des colloques, en France ou à l’étranger, notamment pour exposer les travaux accomplis par le Sénat. Ainsi, nos collègues du groupe écologiste sont actuellement très sollicités, à l’approche de la tenue de la conférence de Paris sur le climat, dite COP 21. Nous pouvons également être amenés à intervenir sur les questions de terrorisme ou de droit constitutionnel, par exemple.

Nous proposons donc d’intégrer dans le décompte du temps de présence la participation active, c’est-à-dire en qualité d’orateur, à de tels colloques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À l’heure actuelle, je pourrais passer ma semaine à intervenir dans des colloques portant sur les problèmes des collectivités locales ! Je regrette, mais il faut choisir : on s’acquitte d’abord de son travail parlementaire et, s’il reste du temps, on peut participer à des colloques, quitte d’ailleurs à demander à leurs organisateurs de les programmer le samedi. Je suis donc résolument hostile à cet amendement. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président. Je ne voudrais pas me fâcher avec M. Hyest dès mon premier amendement ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 15, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi qu’à une réunion liée à une mission temporaire pour le Gouvernement mentionnée à l'article L.O. 297 du code électoral

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je voudrais tout d’abord remercier M. le président Larcher d’avoir engagé cette modernisation, tout à fait indispensable, des travaux de notre assemblée.

Cet amendement vise à prendre en compte le cas des sénateurs auxquels le Gouvernement confie une mission.

Je rappelle qu’un parlementaire peut cumuler une mission temporaire avec son mandat pendant une durée de six mois au maximum. Si la mission se prolonge au-delà, il perd de ce fait son mandat de parlementaire.

Dans l’exécution de ces missions, les parlementaires sont souvent tributaires des calendriers de leurs interlocuteurs, ce qui a pour conséquence de bouleverser leur agenda.

Il me semblerait donc légitime d’aligner le régime des absences des parlementaires pour cause de mission temporaire sur celui qui est prévu pour les réunions d’instances parlementaires internationales.

Je me permets d’ailleurs de vous signaler, monsieur le président, qu’il serait dommageable pour le bicamérisme que les sénateurs en mission ne bénéficient pas des mêmes possibilités que les députés en mission, car le risque serait grand que plus aucun sénateur n’accepte de telles missions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sur le principe, une mission temporaire confiée par le Gouvernement à un parlementaire n’a pas vocation à détourner celui-ci de l’exercice de son mandat. Par ailleurs, la charge de travail induite par cette mission, certes indéniable, apparaît compatible avec les obligations de présence retenues dans la proposition de résolution.

J’ai moi-même été membre d’une mission temporaire confiée par un gouvernement, sur l’initiative du ministre de la défense de l’époque, M. Alain Richard. Le sujet n’était pas mince, puisqu’il s’agissait de la répartition des forces de police et de gendarmerie. Pourtant, j’ai toujours été présent aux réunions de commission, choisissant d’autres moments pour travailler au titre de la mission.

En outre, rien n’oblige un parlementaire à accepter une mission ! Que souhaite-t-on privilégier : le travail parlementaire ou d’autres activités ?

M. Michel Bouvard. Alors laissons ces missions aux députés !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non, monsieur Bouvard ! On peut très bien conduire une mission tout en effectuant son travail de parlementaire !

M. François Grosdidier. Ce n’est plus possible avec cette nouvelle organisation !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. J’avoue être un peu partagée sur la question.

Par expérience, je sais qu’il est souvent compliqué pour un parlementaire en mission d’assister aux séances de commission du mercredi matin. Je suis d’autant plus à l’aise pour le souligner que je ne suis pas souvent absente, en particulier parce que j’ai la chance de ne pas habiter loin du Sénat.

M. Jean-Claude Lenoir. Cela facilite les choses !

Mme Isabelle Debré. Absolument ! En tout cas, je suis d’accord avec M. Bouvard : il n’est pas évident d’être présent en commission quand on a été chargé d’une mission par le Gouvernement. Peut-être n’est-il pas possible de prévoir explicitement un tel cas de figure dans le règlement, mais il serait bon d’examiner les moyens d’introduire un peu de souplesse en la matière.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je voudrais tout de même souligner que les modalités d’exercice de telles missions – si l’on met de côté celles débouchant sur une fonction permanente, les seules prévues par la Constitution qui nous placent temporairement hors du Parlement – ne relèvent en rien du pouvoir exécutif. Dans le cas contraire, le principe de séparation des pouvoirs ne serait pas respecté, ce que nous ne saurions admettre. Un parlementaire en mission est donc, par principe, maître de son emploi du temps.

Compte tenu de l’accroissement constant du nombre des sénateurs en mission au fil des années, il me semble que dispenser ceux-ci des obligations de travail qu’ils ont librement contractées au regard de leurs grands électeurs induirait une très forte perturbation de nos activités parlementaires.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Pour ramener la question à sa juste mesure, je tiens à rappeler que ce projet de règlement autorise, si je puis dire, l’absence à la moitié des réunions, votes et séances de questions d’actualité. Cela laisse tout de même de la marge pour mener une autre activité ! (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. Jean-Claude Lenoir. Très bon rappel !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Il me semblait que les sénateurs en mission étaient dispensés de l’assiduité aux travaux parlementaires. En effet, ils peuvent être amenés à séjourner à l’étranger, par exemple. Cela étant, je peux me tromper. Pourrait-on nous éclairer sur ce point ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme le faisait remarquer Mme Tasca, le dispositif proposé laisse toute latitude pour remplir deux fonctions en même temps.

Par ailleurs, madame Goulet, la loi organique prévoit qu’un parlementaire en mission peut déléguer son vote. Ne mélangeons pas les choses, sans quoi nous risquons d’en venir à évoquer les cas de force majeure, et le débat deviendrait extrêmement délicat.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Nous avons d’abord été élus, les uns et les autres, pour exercer la fonction de parlementaire. Libre à chacun d’accepter une mission temporaire, le cas échéant, mais cela ne doit pas conduire à négliger le travail parlementaire. Je me range donc à l’avis du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je maintiens l’amendement, car nous devons, dès lors que nous modifions le règlement, prévoir l’ensemble des cas de figure.

Je me permets de souligner, à la suite de Mme André, que certaines commissions sont appelées à siéger à un rythme soutenu à certaines périodes de l’année, en particulier au moment de l’examen du projet de budget. Quand des réunions de commission sont prévues pratiquement tous les jours de la semaine, et pas uniquement le mercredi, atteindre le seuil de 50 % de présence n’est pas aisé si l’on est par ailleurs chargé d’une mission !

Mme Isabelle Debré. La règle porte sur les réunions des commissions du mercredi matin !

M. Michel Bouvard. En outre, lorsqu’un député et un sénateur assument une mission commune, ce qui me semble être une chance pour le bicamérisme, il faut coordonner les agendas de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il serait logique que les sénateurs aient les mêmes facilités que les députés. C’est aussi cela, le bicamérisme !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La sanction ne frappera que l’absentéisme aux travaux législatifs de commission du mercredi matin. Bien entendu, la commission doit parfois être réunie à d’autres moments, mais ces réunions n’entrent pas en ligne de compte.

Par conséquent, il ne faut pas exagérer ! Des votes solennels, il n’y en a pas toutes les semaines ! Comme le soulignait M. Fortassin, un parlementaire doit avant tout exercer sa fonction de parlementaire. Je ne comprends pas que certains ne le comprennent pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je signale, à l’attention de notre collègue Michel Bouvard, que le même système s’applique à l’Assemblée nationale : la sanction ne concerne que l’absentéisme aux réunions de commission du mercredi matin. Par conséquent, je pense que les députés et les sénateurs membres d’une même mission sauront se mettre d’accord pour réserver le mercredi matin au travail parlementaire…

Mme Nicole Bricq. Dès la sixième, on apprend à gérer un agenda !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Hervé Marseille remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

vice-président

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art… – Un président de groupe peut demander la publication de la liste des présents au cours d’une séance publique ou d’une séance de commission. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les membres du groupe CRC, dont l’effectif est faible, s’efforcent d’assumer pleinement leur fonction constitutionnelle de parlementaire.

Dans cette perspective, le présent amendement relève de notre volonté de lutter contre l’absentéisme. Nul doute que les présidents de groupe sauraient user avec parcimonie et à bon escient de la faculté que nous souhaitons leur ouvrir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je l’ai déjà dit, la publication de la liste des présents en séance publique soulève des difficultés d’ordre pratique. Quant à la présence en réunion de commission, l’alinéa 6 de l’article 20 du règlement prévoit que « le lendemain de chaque séance de commission, les noms des membres présents, suppléés, excusés ou absents par congé, sont insérés au Journal officiel ».

Par conséquent, cet amendement me paraît largement inutile. La commission y est donc défavorable.

M. le président. L’amendement n° 29 est-il maintenu, madame Gonthier-Maurin ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'article.

M. Alain Vasselle. La conférence des présidents, présidée par M. le président du Sénat, arrête l’ordre du jour de nos travaux. Si j’ai bien compris, aux termes de l’article 1er de cette proposition de résolution, elle déterminera en outre les votes qui seront pris en compte au titre du mécanisme sanctionnant l’absentéisme. Or il arrive que la conférence des présidents modifie le calendrier, et un sénateur peut ne pas être disponible pour participer au vote à la date finalement fixée, s’il avait pris d’autres engagements. Par exemple, le vote sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques était initialement prévu bien plus tôt.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Alain Vasselle. C’est souvent la durée plus longue qu’anticipé des débats qui provoque de tels décalages.

Par conséquent, je souhaiterais que la rigueur que l’on veut imposer aux parlementaires s’applique aussi au ministre chargé des relations avec le Parlement, qui est parfois à l’origine des modifications de l’ordre du jour, et à la conférence des présidents. Sous cette réserve, je suis prêt à voter l’article 1er.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace
Article 2

Article additionnel après l’article 1er

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 4 du Règlement, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art… - Les délibérations des réunions du Bureau du Sénat font l’objet d’un procès-verbal rendu public, à l’exception des délibérations ad hominem. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Pourquoi les délibérations de la première instance de notre assemblée, le bureau du Sénat, demeurent-elle secrètes ? Bien entendu, cela se conçoit lorsqu’il s’agit de questions de personnes, par exemple en matière de levée d’immunité parlementaire, même si, dans ces cas aussi, une certaine publicité des votes doit pouvoir être assurée, fût-ce par l’intermédiaire des groupes politiques.

La transparence et l’information du public, ainsi que des parlementaires eux-mêmes, doivent être réellement garanties. C’est pourquoi nous proposons d’instaurer la publicité des délibérations des réunions du bureau du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes déjà largement informés des décisions prises par le bureau du Sénat puisqu’elles nous sont communiquées ; je ne vois pas ce qu’apporterait de plus la publication d’un compte rendu de ses réunions.

Mme Éliane Assassi. Cela n’enlève rien non plus !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace
Article 3 (supprimé)

Article 2

Constitution des groupes sous forme d’association

I. – Après la première phrase de l’alinéa 4 de l’article 5 du Règlement, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Il est constitué en vue de sa gestion sous forme d’association, présidée par le président du groupe et composée des sénateurs qui y ont adhéré et de ceux qui y sont apparentés ou rattachés administrativement. »

II. – L’alinéa 4 de l’article 6 du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La réunion administrative est constituée en vue de sa gestion sous forme d’association, présidée par son délégué et composée des sénateurs qui la forment. » – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace
Article 4

Article 3

Expression du droit de tirage des groupes en Conférence des Présidents

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’alinéa 4 de l’article 6 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le groupe à l’origine de la demande de création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sollicite la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres, elle est de droit. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Mon cher collègue, nous travaillons beaucoup, nous sommes rarement absents et nous faisons notre travail de parlementaires en usant de notre droit d’amendement !

L’un des rares points de la révision constitutionnelle de 2008 que nous ayons jugé positifs concerne l’octroi aux groupes politiques d’un droit de tirage en matière de contrôle. Un groupe politique, même minoritaire, peut ainsi être à l’origine de la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information.

Cependant, des difficultés sont apparues à plusieurs reprises pour organiser l’instance ainsi créée, la répartition entre la majorité sénatoriale et le groupe minoritaire concerné des postes de président et de rapporteur posant problème.

Il apparaît pourtant incontestable que, pour assurer le respect du droit d’initiative, surtout en matière de contrôle, il faut donner au groupe à l’origine de la création de la commission d’enquête ou de la mission d’information la priorité pour l’obtention du poste de rapporteur. C’est en effet ce dernier qui s’investit le plus concrètement dans le travail à accomplir et, dans certains cas de figure, notamment en matière financière, il dispose, selon les informations en ma possession, dont je demande confirmation, de prérogatives particulières.

Cet amendement vise donc tout simplement à rendre pleinement effectif le droit d’initiative en matière de contrôle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne faut pas trop rigidifier les règles en cette matière, car tous les cas de figure peuvent se présenter ! Il me paraît d’ailleurs curieux d’être rapporteur d’une proposition de loi que l’on a élaborée.

Mme Éliane Assassi. Quand cela vous arrange…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, j’ai toujours trouvé cela curieux ! Il vaut mieux que le rapporteur apporte un regard extérieur.

Mme Éliane Assassi. Alors je serai rapporteur des propositions de loi de l’UMP ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Personnellement, quand j’étais président de la commission des lois, je refusais que l’auteur d’une proposition de loi en soit le rapporteur. Sinon, on finit par tourner en rond, on se fait son rapport à soi-même ! L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Il ne s’agit pas, en l’espèce, des propositions de loi, mais des commissions d’enquête. Je souhaitais être rapporteur de celle sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, dont nous avions été à l’origine, mais M. Sueur l’a emporté, compte tenu de son grand âge (Mouvements divers.)

M. Claude Raynal. C’est scandaleux !

Mme Jacqueline Gourault. Ce n’est pas bien, cela !

Mme Nathalie Goulet. … et de son expérience.

Quoi qu’il en soit, mon groupe ayant demandé la création de cette commission d’enquête, si la disposition présentée au travers de cet amendement avait alors été en vigueur, j’aurais obtenu d’en rédiger le rapport.

J’estime donc que la proposition de Mme Assassi est tout à fait justifiée. La tradition veut que le groupe à l’origine de la création d’une commission d’enquête puisse choisir entre la fonction de rapporteur et celle de président : inscrivons-le dans le règlement ! L’amendement n° 33 ne prévoit pas autre chose.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je suis personnellement favorable à cet amendement, que je voterai. Les propositions de loi, c’est un autre sujet. Lorsque l’on demande la création d’une commission d’enquête, c’est que l’on a des choses à dire. Certes, le président anime les réunions, mais ce n’est pas lui qui tient la plume ! C’est pourquoi il me semblerait opportun de prévoir que le groupe à l’origine de la création de la commission d’enquête ou de la mission d’information puisse se voir confier la fonction de rapporteur s’il le souhaite.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En matière de commissions d’enquête, je voudrais rappeler les règles, ayant pu constater au fil des mois une certaine tendance à s’en affranchir.

En principe, une commission d’enquête doit porter sur des faits précis ou sur le fonctionnement d’un service public. Or nous avons pris l’habitude, dès qu’émerge un sujet d’actualité, de réunir une commission d’enquête pour l’étudier.

La commission des lois, gardienne du respect de ces règles, fait preuve de beaucoup de souplesse dans l’examen des demandes des groupes parlementaires, mais il faudrait tout de même que chacun d’entre eux soit attentif au respect de la vocation propre des commissions d’enquête, car on finit par les dénaturer.

M. Claude Raynal. Ce n’est pas le sujet !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Concernant le sujet soulevé par le groupe CRC, ma courte expérience des commissions d’enquête m’a enseigné que les groupes majoritaires sont généralement plus intéressés par la fonction de rapporteur que par celle de président. Je m’interroge sur le bien-fondé du présent amendement, dont l’adoption rigidifierait fortement les choses et exclurait le recours à une pratique ancrée dans le fonctionnement de notre assemblée. Si l’on veut maximiser les chances que les conclusions d’une commission d’enquête soient reprises par notre assemblée, notamment pour être intégrées dans un texte législatif, il ne faut pas exclure par avance que son rapporteur puisse appartenir à un groupe autre que celui ayant proposé sa création. En revanche, il est indispensable que le pluralisme soit respecté au sein des commissions d’enquête ; c’est pourquoi le président et le rapporteur sont toujours membres de groupes différents.

Il me semble donc que ces règles, qui ont le mérite d’être appliquées de manière pragmatique et dans le respect de la diversité de nos sensibilités, doivent être maintenues en l’état et ne pas être remises en cause par cet amendement de rigidification.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je ne suis pas d’accord avec M. le président de la commission ; il ne s’agit nullement d’un amendement de rigidification.

Toutefois, pour tenir compte de ses observations, nous pourrions rectifier cet amendement afin de préciser que le groupe qui demande la création d’une commission d’enquête obtient la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres « s’il le souhaite ». Sinon, il y a confiscation.

Le pluralisme est toujours respecté au sein des commissions d’enquête, puisque leur composition reflète celle du Sénat, chaque groupe politique y étant représenté à proportion de son effectif. Il n’y a donc pas de difficultés particulières de ce point de vue.

Ainsi, la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet, dont je suis rapporteur, n’hésite pas à aborder, avec déontologie et objectivité, toutes les questions, en permettant à chacun d’exprimer son point de vue afin d’aboutir aux recommandations les plus utiles possible. Je plaide donc pour que la fonction de rapporteur soit confiée de droit à un membre du groupe ayant demandé la création de la commission d’enquête. Dans le cas contraire, je le répète, ce serait une véritable confiscation, au détriment de la démocratie.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 33 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’alinéa 4 de l’article 6 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le groupe à l’origine de la demande de création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sollicite la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres, elle est de droit s'il le souhaite. »

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La rectification ne change rien. Prenons garde au fait que si l’on demande la création d’une commission d’enquête pour défendre une thèse, on n’a aucune chance d’aboutir à un consensus, même a minima. Une commission d’enquête peut très bien échouer ! D’après ma petite expérience, le pluralisme est la meilleure des choses.

Le droit de tirage n’existait pas auparavant, mais il est également possible de créer une commission d’enquête en dehors de ce cadre si le Sénat estime que le sujet le mérite ; l’initiative peut venir de n’importe quel groupe.

Je reste en tout cas défavorable à cet amendement, dont l’adoption introduirait de la rigidité. C’est le dialogue, à mon sens, qui peut permettre de trouver la meilleure organisation pour les commissions d’enquête.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. J’ai participé à deux commissions d’enquête et à deux missions d’information. Lors de la première réunion, on demande au groupe à l’initiative de la création de la mission d’information ou de la commission d’enquête s’il préfère obtenir la fonction de président ou celle de rapporteur. Je suis donc surpris que l’on propose de rigidifier les règles.

Il serait à mon avis souhaitable de continuer à laisser la liberté de choix. Un groupe peut préférer exercer la présidence de la commission d’enquête dont il a demandé la création : cela a été le cas pour l’une des commissions d’enquête dont j’ai été membre. Il faut dire que la fonction de président est moins lourde que celle de rapporteur.