Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les membres de la délégation ukrainienne, mes chers collègues, après avoir défendu l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie, nous voici réunis pour parler d’association avec l’Ukraine. Demain, je l’espère, ce sera avec la Géorgie.
Mes chers collègues, je crois qu’il est grand temps que nous nous posions les questions suivantes : l’Europe mène-t-elle une politique de coopération régionale avec ces ex-républiques soviétiques suffisamment ambitieuse ? Comment faire du Partenariat oriental, sinon un outil véritablement efficace, du moins une réalité pour tous ?
L’acte I de la politique européenne de coopération régionale avec ces pays, dite « politique européenne de voisinage », créée en 2003, à l’approche de l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale, avait pour objectif de renforcer la stabilité, la sécurité aux nouvelles frontières de l’Union européenne. La Commission européenne appelait en 2006 à son renforcement, premièrement par une offre économique enrichie – intégration économique et perspective d’accords de libre-échange, facilitation des visas – et, deuxièmement, par un engagement accru dans les conflits régionaux.
Dès août 2008, le second point est activé par le conflit en Géorgie, ce qui donne une impulsion significative à la politique de voisinage. Le Conseil européen extraordinaire réuni dans la foulée le 1er septembre 2008 affirme sa décision de renforcer l’engagement de l’Union européenne dans ses confins orientaux : « L’Union européenne considère qu’il est plus nécessaire que jamais de renforcer les relations qu’elle entretient avec ses voisins orientaux, notamment à travers sa politique de voisinage, le développement de la “synergie mer Noire” et un “partenariat oriental” », que le Conseil a adopté en mars 2009.
L’acte II de cette politique de coopération apparaît comme une tentative sans précédent pour l’Union européenne d’accompagner et de guider le processus de réforme des pays situés à la périphérie orientale de l’Union.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Peut-on encore croire aux promesses du Partenariat oriental ? Pour ma part, j’en suis convaincue. Toutefois, il faut de toute urgence que l’Europe prenne conscience, eu égard au difficile contexte géopolitique présent, que la modernisation de ce partenariat est désormais une question de survie pour ces ex-républiques soviétiques que nous devons plus que jamais épauler, car elles ont besoin que l’Europe les aide à s’assumer dans le respect de toutes les puissances en présence, tout particulièrement de la Russie. En ce sens, le Président François Hollande a tracé la voie avec les accords de Minsk II, qui doivent nous inciter à regarder les choses diplomatiquement et pragmatiquement : les équilibres sont fragiles, mais ce n’est pas parce qu’ils sont fragiles que nous devons désespérer. L’Europe doit conforter son poids politique ; la présence d’Angela Merkel à ses côtés étant à mon sens de bon augure. Ces accords doivent impérativement être respectés par les deux parties, la Russie et l’Ukraine.
À ce jour, la situation n’est pas simple. Le long parcours emprunté par l’accord qui nous est soumis en témoigne largement, et les années écoulées pèsent lourdement dans le processus. En effet, force est de constater qu’au fil du temps l’offre de partenariat de l’Union n’a pas eu la même portée pour tous les pays partenaires et, de fait, a pu créer des frustrations, notamment par rapport à l’Ukraine, pays pionnier qui a fait figure de modèle pour les relations bilatérales que l’Union européenne proposait dans le cadre du Partenariat oriental.
Mais, en la matière, toutes les pierres sont loin d’être dans le jardin de l’Europe. Les liens entre l’Union européenne et l’Ukraine étaient déjà altérés depuis plusieurs mois par le cours politique suivi par l’Ukraine elle-même et par le contexte régional « mouvant ». N’oublions pas que, dès 2011, l’Ukraine a été fortement incitée par la Russie à rejoindre l’Union eurasiatique avec la Biélorussie et le Kazakhstan et surtout sa fameuse union douanière, incompatible avec la zone de libre-échange approfondi négociée avec l’Union européenne.
Posons-nous également cette question importante : à défaut d’avancées significatives pour l’Ukraine, le Partenariat oriental a-t-il eu des incidences en matière de coopération régionale entre partenaires de l’ex-URSS ? Les progrès bilatéraux de chacun les ont-ils rapprochés entre eux, créant ainsi un référentiel européen commun ? Parce que si la réponse est positive, cela pourrait contribuer à une stabilité régionale, ce qui est un objectif central de la politique de voisinage de l’Union.
Rappelons enfin que le Partenariat oriental est financé par l’instrument européen de voisinage, et je me réjouis que l’accord que nous examinons aujourd’hui propose une aide financière importante à l’Ukraine : jusqu’à 12,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020.
Mes chers collègues, le Partenariat oriental doit être reconsidéré. À l'évidence, il n'est pas équipé pour répondre à un scénario aussi grave que celui qui se passe en Ukraine depuis plusieurs mois. Où sont les instruments concrets qui auraient permis à l'Union européenne d'aider ses partenaires à faire face aux pressions tel le blocage des flux de marchandise ? Ces défauts expliquent peut-être pourquoi seuls trois États sur les six participent effectivement à l’initiative. Leur nombre serait tombé à deux si les citoyens ukrainiens ne s’étaient pas mobilisés pour manifester leur volonté de rapprochement avec l’Union européenne.
Oui, l’Ukraine se bat pour l’Europe ! Le soulèvement populaire de Maïdan l’illustre parfaitement, tout comme la signature de cet accord d’association par le gouvernement provisoire quelques mois à peine après le départ de Viktor Ianoukovitch – accord ratifié le 16 septembre 2014. Cela prouve la pugnacité de ce pays.
Pour les Européens que nous sommes, les accords d’association semblent n’être qu’une simple impulsion, une sorte de routine, mais, pour la jeunesse ukrainienne, c’est un puissant symbole, un signe d’espérance et d’espoir. Pour Raphaël Glucksmann, conseiller de l’ancien président géorgien Mikheil Saakachvili, « ces documents incarnent l’Europe, la possibilité ou l’impossibilité d’un avenir ». C’est pourquoi le sommet de Vilnius de novembre 2013 apparaît de plus en plus comme ayant été le préambule à l’acte III de la politique de coopération régionale de l’Union européenne avec ces pays.
Dans la perspective du futur sommet de Riga des 21 et 22 mai prochain, cet excellent accord, qui a été parfaitement détaillé par le rapporteur Daniel Reiner, constitue une réelle chance pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour la France. Sa ratification s’impose comme une évidence salutaire. Je le voterai avec force, et l’ensemble du groupe socialiste en fera de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Hervé Maurey. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je salue moi aussi la présence amicale, dans nos tribunes, de nos collègues du Parlement ukrainien.
La question qui se pose à nous n’est pas simple : faut-il ou non ratifier l’accord d’association de l’Union européenne avec l’Ukraine ? Cette question légitime se pose, alors même que ce pays connaît encore aujourd’hui une situation très instable dans la partie orientale de son territoire. Le conflit est à l’origine de mesures et de sanctions de l’Europe à l’égard de son grand voisin russe, qui y répond par d’autres sanctions. Cette spirale funeste doit être arrêtée.
Certes, c’est d’abord l’annexion de la Crimée qui est à l’origine de ces sanctions, mais cela fait déjà plusieurs années que nous savons que la politique européenne dite du « Partenariat oriental » va dans le mur. D’abord, elle coûte cher. Nous avons dépensé des milliards d’euros dans la politique de coopération sans vraiment savoir à qui étaient destinés les fonds. Ensuite et surtout, elle repose sur une vision manichéenne et technocratique ; cette vision a placé les anciens pays du bloc soviétique dans une position trop difficile : choisir entre l’Union européenne ou l’Union eurasiatique proposée par la Russie, sachant que choisir l’un implique de rejeter l’autre. Quelle maladresse dans une zone où les identités, produits d’une histoire tourmentée, peuvent être multiples !
Deux langues sont communément employées en Ukraine : l’ukrainien et le russe. Si l’ouest est naturellement tourné vers l’Europe, la majorité des échanges de l’est du pays ont continué de se faire avec la Russie, même après l’indépendance de l’Ukraine, les populations des régions frontalières étant intimement liées. C’est pourquoi il faut que le Partenariat oriental évolue. Il doit mieux prendre en compte la position d’un partenaire aussi important que la Russie. Ne soyons pas candides, rien de durable ne pourra se construire dans cette région sans relations normalisées avec les Russes. Cela n’implique pas un renoncement aux valeurs et principes de l’Europe ; bien au contraire, il s’agit de les assumer et de les affirmer dans un dialogue franc et constructif. Mais une concurrence sans vision stratégique ne peut rien donner d’heureux, si ce n’est créer de l’instabilité aux frontières orientales de l’Union et radicaliser les populations. On ne peut que déplorer aujourd’hui les effets tragiques de cette voie sans issue.
Concrètement, il s’agira de réfléchir, dans les mois qui viennent, à une articulation entre l’Union eurasiatique et les accords de libre-échange que conclut l’Union européenne avec l’Ukraine, mais aussi la Moldavie et la Géorgie. Nous savons combien, dans ces trois pays, l’appétence pour l’Union européenne est grande. Par ailleurs, la question des relations avec la Russie y demeure très sensible. Mais ne nous trompons pas de moment ! Le Partenariat oriental fera l’objet d’un sommet européen à Riga. C’est la première fois que la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker se penchera sur le sujet. Il faut espérer qu’elle le fera avec davantage de vision et de diplomatie que la Commission précédente. Vous pouvez compter sur la commission des affaires européennes du Sénat et sur Jean Bizet, son président, pour y porter toute l’attention nécessaire.
Si, aujourd’hui, l’accord d’association avec l’Ukraine est issu d’une politique dont nous constatons et dénonçons les limites, prenons garde de ne pas nous tromper non plus de sujet. C’est bien sur sa ratification que nous devons nous prononcer, et non sur les orientations de la politique européenne de voisinage.
Je ne reviens pas sur le contenu de l’accord, il a été très bien analysé par notre collègue rapporteur Daniel Reiner. Je veux simplement que nous mesurions la mobilisation et la somme de travail technique, normatif et législatif que sa préparation a impliquées. Je voudrais également que l’on mesure à quel point cet accord est susceptible d’inscrire durablement la démocratie et l’économie de marché en Ukraine. Je souhaite néanmoins que cette économie de marché ne soit pas accaparée par quelques oligarques de l’ancien système,…
M. Alain Néri. Très bien !
M. Pascal Allizard. … reconvertis dans les affaires, comme cela a pu se passer dans d’autre pays. L’Europe devra y veiller attentivement pour que les Ukrainiens ne soient pas dépossédés des fruits du développement économique.
Il reste, certes, de nombreux problèmes à régler. La première urgence, c’est la crise au Donbass. Le cessez-le-feu ne semble pas respecté, et une solution doit être trouvée pour éviter que de nouvelles victimes ne trouvent la mort, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Mais l’Est n’est pas le seul à souffrir, car c’est toute l’économie ukrainienne qui est en panne : le PIB a diminué de plus de 6 % l’an dernier, la monnaie a perdu la moitié de sa valeur face au dollar et le pays a connu une inflation de 25 %. Les aides financières au pays, pourtant nombreuses et significatives, ne lui ont pas permis jusque-là de surmonter ces difficultés que seul un retour à la stabilité et à la paix permettra. Ne nous cachons pas la réalité, après avoir accompli dans la douleur leur « révolution », les Ukrainiens vivent mal, et la vie quotidienne reste précaire.
L’accord d’association est ambitieux. Sa mise en œuvre sera longue et complexe. Cependant, sa ratification et son entrée en vigueur, envisagée à compter du 1er janvier 2016, seront un signal fort de la volonté de trouver une solution stable et pérenne aux maux qui frappent l’Ukraine depuis trop longtemps. Au-delà, le règlement de la situation dans l’est du pays pourrait passer aussi par une décentralisation réussie. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a proposé l’aide de la Haute Assemblée, qui connaît bien ce sujet ; l’initiative mérite d’être soulignée et soutenue. C’est la proposition que nous faisons à nos amis ukrainiens.
Dans un monde multipolaire, la ratification de l’accord d’association doit être la première étape d’une relation approfondie avec l’Ukraine et d’une relation renouvelée avec la Russie. L’Ukraine a rappelé à tous son attachement à la liberté et à la famille européenne. Quant à la Russie, il est dans son intérêt, comme dans celui des Européens, que nous nous entendions. C’est pourquoi je voterai la ratification de cet accord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec une très grande émotion que je prends la parole aujourd'hui, car je pense à ce qu’a vécu l’Ukraine depuis l’été 2013.
Lorsque le Président Ianoukovitch a finalement refusé de signer l’accord d’association, la population s’est mobilisée pour protester, malgré les pressions russes qui commençaient à peser sur l’économie du pays. Cette mobilisation populaire s’explique par l’évolution qu’a connue la société ukrainienne en vingt ans : elle ne supportait plus le système kleptocratique et elle voyait en l’Europe une garantie de l’État de droit.
Après le départ du Président Ianoukovitch, le pays a dû faire face, d’une part, à la plus grande violation du droit international en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – l’annexion de la Crimée – et, d’autre part, à une déstabilisation majeure. La France et l’Allemagne se sont engagées aux côtés de l’Ukraine pour donner toute leur force aux accords de Minsk et prévoir une feuille de route qui mette fin à cette déstabilisation et permette à l’Ukraine de s’engager, dès la fin du conflit, sur la voie de la construction d’un État de droit. Aujourd'hui, la feuille de route issue de Minsk semble très difficile à respecter. En raison de la situation de guerre dans le pays, les promesses de Maïdan semblent bien loin.
L’État de droit est un but pour la population ukrainienne. Il faut les aider à l’atteindre – je pense en particulier aux parlementaires, élus à la fin du mois d’octobre 2014, qui veulent réformer leur pays. Or la situation de guerre empêche de faire ces réformes. La situation sociale est explosive, l’économie est totalement bloquée, l’oligarchie est toujours très présente et, en raison du conflit, les forces armées occupent une place très importante dans la société. Par ailleurs, il ne faut pas se le cacher, il y a des enjeux en termes de liberté d’expression.
J’ai néanmoins la conviction que l’accord que nous allons ratifier permettra d’aider l’Ukraine à relever ces défis pour construire l’État de droit que sa population a exigé au cours des manifestations de 2013 et 2014. Grâce à cet accord, le dialogue politique, la coopération judiciaire, la libéralisation des visas – j’appelle les gouvernements européens à faire en sorte qu’elle puisse être mise en œuvre le plus rapidement possible, car si l’on accueille les Ukrainiens dans la famille européenne, si l’on ratifie le traité d’association, la liberté de circulation doit être effective –, la zone de libre-échange, le rapprochement des législations et la reprise d’un certain nombre d’acquis communautaires seront des outils qui permettront à l’Ukraine de se réformer et d’assurer la stabilité du pays.
Cet accord s’inscrit dans l’esprit de 1989, de la chute du mur de Berlin, des combats menés durant toute leur vie politique par Charles de Gaulle, Willy Brandt ou François Mitterrand pour sortir l’Europe du joug de Yalta, du joug totalitaire et faire en sorte que les peuples décident de leur avenir. Cet accord marquera l’entrée de l’Ukraine dans la famille européenne et un système de valeurs partagées.
Il est important de dire que cet accord n’est pas dirigé contre la Russie. Je pense notamment à certains aspects, comme les accords commerciaux, le dialogue politique et la question des visas. Les nombreuses perspectives que nous offrons aujourd'hui à l’Ukraine pourraient l’être aussi à la Russie. L’histoire nous a montré que, lorsque la France et la Russie sont opposées, c'est l’ensemble de l’Europe qui est malade. Cette conviction historique ne doit pas nous empêcher de nous manifester quand la Russie commet l’inacceptable. À ce moment-là, nous devons montrer notre solidarité au pays qui en est victime.
À l’avant-veille des célébrations du 9 mai, n’oublions pas que c'est à Stalingrad que le totalitarisme nazi a marqué le pas. Je le redis, notre désir que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne et partage ses valeurs n’est pas dirigé contre la Russie.
En hommage à nos collègues de la délégation ukrainienne présente dans les tribunes, je voudrais clore mon propos par quelques mots dans leur langue : Українo, ми знаємо, як ваші люди хочуть жити у вільній країні, у вільній Європі. Сьогодні ми говоримо, що ваша свобода є наша свобода. Ми говоримо, що ваше майбутнє це наше майбутнє.
Mme Nathalie Goulet. Très chic !
M. Jean-Yves Leconte. Je vous les traduis, mes chers collègues : Ukraine, nous savons combien vos citoyens ont combattu et veulent vivre dans un pays libre, dans une Europe libre. Nous vous disons aujourd'hui que votre liberté est notre liberté, que votre avenir est notre avenir.
M. Jean-Yves Leconte. Сьогодні народ Франції висловлює свою солідарність з українським народом.
Le peuple français envoie au peuple ukrainien sa solidarité.
Ми єдині у захисті європейських цінностей.
Nous sommes ensemble pour la défense des valeurs européennes.
M. André Reichardt. C’est beau !
M. Daniel Reiner, rapporteur. Bluffant !
M. Jean-Yves Leconte. Voilà pourquoi je voterai avec conviction le projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier tous les orateurs de la qualité de leur contribution à ce débat sur un texte très important. Vous l’avez tous souligné, ratifier cet accord d’association, c’est dire – en français, car je ne m’en sens pas capable en ukrainien (Sourires.) – les mots « amitié », « solidarité », « démocratie », « paix », « stabilité » et envoyer un message fort aux citoyens ukrainiens. Ce peuple a montré – récemment avec le Maïdan, mais en réalité depuis bien longtemps – qu’il veut s’associer fortement avec l’Union européenne et partager ses valeurs, qu’il n’entend céder à aucune intimidation et qu’il est courageusement engagé dans un mouvement de réforme.
Nous pouvons l’accompagner en soutenant la démocratisation, la stabilisation et la modernisation de ce pays et de son économie. Bien entendu, comme plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, nous devons être très attentifs au fait que cette étape de rapprochement entre l’Union européenne et l’Ukraine ne doit en aucun cas être interprétée comme un acte d’hostilité à l’égard de qui que ce soit, notamment de la Russie.
Vous y avez également tous insisté, un ensemble d’actions doivent être mises en œuvre de façon concomitante.
Premièrement, nous devons veiller au respect et à la mise en œuvre des accords de Minsk.
Deuxièmement, nous devons faire preuve de solidarité macroéconomique et financière. L’Ukraine a en effet été durement éprouvée par ce conflit, qui a entraîné l’interruption des relations économiques normales avec la Russie, des suspensions sporadiques de livraison de gaz et, de manière générale, la déstabilisation profonde, non seulement des régions où se déroulaient les conflits, mais aussi de l’économie ukrainienne dans son ensemble. Je rappelle d’ailleurs qu’une nouvelle aide de 1,8 milliard d’euros lui a été accordée par l’Union européenne le 31 mars.
Troisièmement, nous devons faciliter les échanges entre acteurs économiques et au sein de la société civile grâce à la libération des visas ; nous attendons à ce sujet un rapport imminent de la Commission européenne
L’accord d’association concerne à la fois les échanges économiques, culturels et, bien sûr, politiques. Adopter le projet de loi autorisant sa ratification, c’est envoyer un message d’espoir, d’amitié et de solidarité à l’Ukraine. Je remercie donc l’ensemble des orateurs, qui, dans leur immense majorité, ont exprimé leur volonté de franchir cette étape et de faire en sorte que la Haute Assemblée, saisie la première de ce projet de loi, initie le processus de ratification de cet accord par la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’union européenne et la communauté européenne de l’énergie atomique et leurs états membres, d’une part, et l’ukraine, d’autre part
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part (ensemble quarante-quatre annexes et trois protocoles), signé à Bruxelles les 21 mars et 27 juin 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour faire partie de la commission Ukraine au sein de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je sais l’importance de ce pays pour la sécurité de l’Europe. Personne n’a oublié le nuage de Tchernobyl...
Je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points, mes chers collègues.
M. le secrétaire d'État vient d’indiquer qu’une aide de 1,8 milliard d’euros a été récemment versée à l’Ukraine. Je rentre de ce pays, où j’ai rencontré le président de la commission des droits de l’homme, M. Rabinovitch, qui a longuement insisté sur le problème de la corruption. Il est donc indispensable de veiller au bon usage de ces fonds. Notre ancien collègue Jean Arthuis, aujourd’hui député européen, rentre lui aussi d’Ukraine, car le Parlement européen est lui aussi inquiet de la façon dont ces fonds seront dépensés.
Il faut également parler des droits de l’opposition. Il existe bien une Constitution, mais celle-ci n’est pas respectée : l’opposition parlementaire n’a qu’une seule commission au lieu d’en avoir six. En outre, le fait que le gouvernement compte des membres qui ne sont pas de nationalité ukrainienne contribue à rendre plus complexe l’appréciation de la situation politique.
L’Ukraine est définitivement l’alliée de l’Europe, ce qui ne doit pas poser de problème avec la Russie, beaucoup de nos collègues l’ont largement souligné. Que ce soit clair : nous ne demandons pas à l’Ukraine de choisir entre l’Europe et la Russie. Reste que, en soutenant le gouvernement ukrainien, l’Europe a une responsabilité : elle doit s’assurer que la démocratie et la Constitution sont respectées et surtout que les fonds qu’elle a versés sont bien utilisés. Il ne peut y avoir d’aide efficace sans ce contrôle rigoureux ; cela doit constituer un corollaire essentiel. Je compte donc sur vous, monsieur le secrétaire d'État, et sur le Parlement européen pour y veiller.
Enfin, je veux rendre hommage à Hervé Maurey et au président Larcher, qui ont fait preuve d’une forte implication dans la diplomatie parlementaire. Je me réjouis que celle-ci fonctionne si bien et que le Sénat suive le projet de décentralisation en Ukraine. À cet égard, nous avons la chance que notre collègue Hervé Maurey ait une double casquette : président du groupe d’amitié France-Ukraine et président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Je voterai évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Je voudrais à mon tour saluer les membres de la délégation ukrainienne. La situation de leur pays ne laisse personne indifférent et tout ce qui peut aider à sa stabilité, au retour de la paix et de la démocratie doit être encouragé. Malheureusement, même si l’esprit de Maïdan a soufflé – j’ai eu la chance de me trouver personnellement place de l’Indépendance à Kiev en décembre 2013 –, même si un espoir s’est levé, on constate que les difficultés perdurent.
Dans cette affaire très délicate, sachons raison garder : nous devons être à la fois prudents et fermes. N’oublions pas que la France est fortement impliquée dans le retour de la stabilité en Ukraine. C’est notre diplomatie et celle de l’Allemagne qui ont réuni autour d’une même table la Russie et l’Ukraine, conduisant ainsi aux accords de Minsk II. L’accord de cessez-le-feu éprouve peut-être quelque difficulté à être respecté, mais il a le mérite d’exister. En tant que vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE – qui est un intervenant majeur dans la crise ukrainienne –, je me réjouis d’ailleurs que les délégations française et allemande aient réussi à réunir au « format Normandie », il y a quelques jours, les 28 et 29 mars, les délégations ukrainienne et russe. Nous devons compter parmi ceux qui apportent leur force de persuasion pour trouver une solution de paix et de démocratie en Ukraine. Or cela passe aussi par la stabilité économique.
L’accord de partenariat que le présent projet de loi autorise à ratifier représente un élément de progrès. Évidemment, cet accord ne doit en aucun cas être interprété comme une perspective donnée à l’Ukraine d’adhérer à l’Union européenne ou à l’OTAN. Il précise d’ailleurs clairement qu’il n’est pas incompatible avec une participation à l’Union eurasiatique qui prend forme autour de la Russie. C’est une façon de rappeler notre solidarité au peuple ukrainien dans son combat pour le respect des droits de l’homme et de montrer notre volonté de défendre le principe de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Nous devons poursuivre nos efforts pour permettre aux Ukrainiens et aux Russes de retrouver le chemin des négociations dans l’esprit des accords de Minsk II, en gardant en tête les succès de notre diplomatie dans ce domaine. Notre diplomatie parlementaire doit œuvrer dans le même sens.