M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements sont très importants.
Je me réjouis que, sur les travées de la majorité sénatoriale et au banc de la commission, on en vienne à préférer la loi aux codes de bonne conduite. Je le souligne, car, en 2008, je me suis heurtée à l’opposition de la droite lorsque j’ai défendu au nom du groupe socialiste une proposition de loi visant à encadrer les rémunérations, notamment les parts variables – nous reviendrons sur cette question à l’article 64 bis –, et à rétablir dans la loi le non-cumul des mandats, qui y avait été introduit par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, qui a été défaite à partir de 2003. Je vous rappelle que cette loi, à laquelle M. le rapporteur a eu l’honnêteté intellectuelle de faire référence, limitait à trois le nombre de mandats pouvant être cumulés ; je m’en souviens d’autant mieux que j’étais députée lorsqu’elle a été adoptée.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, aucun de vous deux n’a été clair. Vous avez entamé un débat juridique dont je comprends l’idée générale : il s’agit de limiter les cumuls. J’applique donc ce principe pour des raisons pratiques, les journées n’ayant que vingt-quatre heures. Être administrateur de sociétés, c’est un vrai boulot, et qui comporte de lourdes responsabilités ! Il est vrai que des progrès ont été accomplis au cours des quinze dernières années, en particulier grâce à la création de l’Institut français des administrateurs.
M. le ministre et M. le rapporteur ont ouvert un débat de juristes, mais ni l’un ni l’autre n’a été clair ; je le répète, moi qui suis favorable au mouvement que tous deux veulent encourager.
M. le ministre a parlé de consanguinité ; j’irai même plus loin, en parlant d’endogamie, et d’une endogamie qui va au-delà des cousins et des cousines – je n’en dirai pas plus. Parce que ce combat, que je mène depuis des années, est très important, j’ai envie de voter les deux amendements, faute de comprendre lequel est le plus fidèle à l’esprit de réduction du cumul. Parmi les sociétés cotées, auxquelles s’appliquera la restriction, il y a des sociétés du CAC40, des sociétés du SBF120, des ETI et, dans une moindre mesure, des PME. Je voudrais mieux comprendre ce sur quoi nous allons voter !
M. le rapporteur a affirmé, après avoir écouté l’argumentation de M. le ministre, que l’on devait pouvoir arriver à un accord. Pour ma part, j’aimerais voter un amendement, mais en sachant ce que je fais. Par rapport à l’initiative venue de l’Assemblée nationale, on a le sentiment que l’on est un peu revenu en arrière – même si l’expression ne convient pas vraiment, puisque, de toute façon, on fait un pas en avant. En tout cas, une clarification serait vraiment nécessaire, pour que le Parlement puisse se déterminer en connaissance de cause, que la loi soit la meilleure possible et que le débat soit compris par le grand public, parce que le sujet est très sensible.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Puisqu’il s’agit, semble-t-il, d’un débat de juristes, je vais me permettre d’y apporter ma petite pierre… Débat de juristes ou non, monsieur le ministre, son objet est somme toute assez simple : le Gouvernement entend-il, oui ou non, limiter le cumul des mandats au niveau financier ?
Or, dans l’objet de votre amendement, on lit que « cette limitation risque d’impacter négativement l’activité des grandes sociétés cotées dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des participations et dont les dirigeants mandataires sociaux disposent de mandats dans un certain nombre de sociétés dans lesquelles leur société détient des participations ». Passons sur le fait que cette rédaction mériterait sans doute d’être quelque peu allégée. Pour le reste, qu’est-ce que cela signifie : tout simplement que vous voulez maintenir la possibilité de cumuler cinq mandats dans toutes les sociétés.
Alors, je ne peux pas m’empêcher, dans cet hémicycle, de dire au Gouvernement, même si cela n’a pas l’air de vous troubler, que, en matière de cumul des mandats, il faudrait être cohérent… (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Je reconnais que l’argument est facile, mais vous l’avez bien mérité. (Sourires.)
Comment considérer qu’il soit encore possible de cumuler tous ces mandats, surtout lorsqu’il s’agit de grandes sociétés ? Il suffit de lire de temps en temps un certain nombre de journaux financiers pour voir ce qu’il se passe. Aussi, j’invite tant le Gouvernement que la commission spéciale à faire preuve de cohérence. Car on sent bien ce que sous-tendent ces deux amendements !
Pour une fois – cela m’arrive rarement –, j’étais plutôt en accord avec la position défendue par nos collègues députées Karine Berger et Valérie Rabault. De fait, monsieur le ministre, je n’ai pas très bien compris quelle était la position du Gouvernement sur le plan juridique, si ce n’est continuer à faciliter ces cumuls. Or, cela a été rappelé, dans sa version de juin 2013, le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, établi par l’AFEP et le MEDEF, prévoyait déjà qu’« un dirigeant mandataire social ne doit pas exercer plus de deux autres mandats d’administrateur dans des sociétés cotées extérieures à son groupe, y compris étrangères ». Certes, c’était un code de gouvernement, et il est bon que la loi fixe des règles claires.
Reste que quand nous pourrons de nouveau cumuler un mandat exécutif local avec un mandat parlementaire, nous n’en serons toujours qu’à deux mandats... Alors, faites un effort, monsieur le ministre, écoutez-nous ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Certes, nous aurions préféré conserver cet article dans une version proche de celle qu’avaient proposée nos collègues Karine Berger et Valérie Rabault, mais nous voterons l’amendement du Gouvernement.
En fait, la réponse au cumul des mandats d’administrateur, c’est la parité ! Un certain nombre d’incitations ont été votées pour tendre vers l’objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration ; si l’on veut qu’il soit atteint, il faudra limiter le cumul des mandats parmi les administrateurs, qui, pour 95 %, sont des hommes.
En ce qui concerne les exceptions à la règle, et pour ne citer qu’un secteur que je connais un peu, celui des industries culturelles, le mode de croissance de certaines petites entreprises est tel que, ponctuellement, il peut être difficile de s’en tenir au seuil tel qu’il a été fixé.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Il faut de temps en temps avoir l’humilité de dire qu’on ne peut pas refaire en séance le travail de commission. En l’espèce, les observations qu’a formulées M. le ministre m’ont amené à penser que, peut-être, je devais sur ce point, comme il m’en a fait la suggestion, vérifier un certain nombre d’éléments auprès de différentes catégories d’entreprises.
Monsieur le ministre, vous m’en donnez acte, je le ferai, mais, pour l’heure, je m’en tiens au texte voté par la commission spéciale, étant entendu qu’il ne s’applique qu’aux sociétés cotées et qu’il me semble avoir simplifié la question du cumul des mandats en supprimant le problème des seuils. Pour autant, tout reste ouvert d’ici à la commission mixte paritaire.
Il faut de temps en temps admettre que le débat peut repartir sur d’autres bases. Sinon Mme Bricq sera obligée de voter les deux amendements, ce qui sera tout de même un peu nouveau, y compris pour elle. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Nicole Bricq. Pas moi seulement ! (Nouveaux sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. … et, ce faisant, de répondre à Jacques Mézard.
On m’a fait beaucoup de reproches, mais, en matière de non-cumul des mandats, reconnaissez, monsieur Mézard, que je suis exemplaire. (Rires.)
M. Jacques Mézard. Pour l’instant !
M. Emmanuel Macron, ministre. La commission spéciale a voulu prendre en compte un cas, celui des sociétés de gestion, qui sont déjà exclues du code de gouvernement d’entreprise AFEP-MEDEF. Aussi, il est faux de dire que la commission spéciale serait plus laxiste que ce code.
L’Assemblée nationale a limité à trois le nombre total de mandats sociaux qu’il est possible pour une seule personne de détenir dans les grandes sociétés cotées. La commission spéciale a relevé ce seuil à cinq pour les mandataires sociaux des sociétés de gestion.
Nous prenons acte du fait que les sociétés de gestion sont un cas particulier, mais nous proposons de rétablir ce plafond de cinq mandats uniquement pour les mandataires sociaux de ces sociétés de gestion et non pas pour les administrateurs classiques. Sur ce volet, nous sommes donc plus restrictifs. Il s’agit là d’un débat très technique.
Au sujet des PME et des ETI, la commission spéciale se montre plus restrictive que le Gouvernement puisqu’elle propose de s’en tenir à un plafond de trois mandats. Dans le cas présent, nous assumons d’être moins sévères puisque nous considérons que les PME et les ETI ne sont que très marginalement concernées. Compte tenu de leur organisation et de leur mode de croissance, leur appliquer cette règle risquerait de les bloquer.
M. le président. Je mets aux voix l'article 58 bis A, modifié.
(L'article 58 bis A est adopté.)
Article 58 bis
(Supprimé)
Article 58 ter
(Supprimé)
Article 58 quater
I. – L’article L. 232-25 du code de commerce est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lors de ce même dépôt, les sociétés répondant à la définition des petites entreprises, au sens de l’article L. 123-16, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2, de celles dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières et de celles qui établissent des comptes consolidés en application de l’article L. 233-16, peuvent déclarer que le compte de résultat qu’elles déposent ne sera pas rendu public. »
1° ter (Supprimé)
2° (Supprimé)
II. – Le présent article s’applique aux comptes afférents aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015 et déposés à compter du 1er avril 2016.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 468 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 59.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à supprimer l’article 58 quater, aux termes duquel les petites sociétés sont autorisées à ne pas publier leur compte de résultat.
Dans cet article, il est proposé de modifier l’article L. 232-25 du code de commerce en utilisant la faculté offerte par la directive du 26 juin 2013 en matière de dispense de publication du compte de résultat pour les petites entreprises. Cette directive autorise les États membres de l’Union européenne qui le souhaitent à exempter les petites entreprises de l’obligation de publier leur compte de résultat et les micro-entreprises de l’obligation de publier leurs comptes annuels.
Depuis 2014, en conformité avec ce texte, il est déjà possible aux micro-entreprises françaises de demander que leurs comptes ne soient pas rendus publics lors de leur dépôt au registre du commerce et des sociétés. L’article 58 quater accorde la même dispense aux sociétés entrant dans la catégorie des petites entreprises suivant des critères précis. Cette faculté, comme c’était déjà le cas pour les micro-entreprises, ne fait pas obstacle à la non-opposabilité de la confidentialité à l’égard des autorités administratives et judiciaires ainsi que de la Banque de France pour permettre le bon exercice de leurs missions.
Par ailleurs, la nouvelle disposition ne s’applique pas aux établissements de crédit, aux compagnies d’assurance, aux sociétés d’investissement et aux sociétés cotées.
Dans le même temps, l’article 58 quater introduit une autre disposition, qui prévoit que la confidentialité des comptes des petites entreprises n’est pas non plus opposable en particulier aux établissements de crédit et aux divers organismes prêteurs.
Sous couvert d’assurer une meilleure défense des intérêts économiques des entreprises françaises, l’article 58 quater organise les conditions d’un véritable recul social. En autorisant les petites entreprises à ne pas communiquer sur leur situation financière, il les autorise finalement à priver les salariés et leurs représentants de leur droit à l’information. Nous sommes certains que les entreprises ont d’autres moyens de se renseigner sur les marges de leurs concurrents qu’en consultant leurs comptes publics et que ce n’est là qu’un prétexte supplémentaire pour servir encore un peu plus les intérêts des entreprises.
Nous préconisons une plus grande transparence dans la comptabilité des entreprises. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 468.
Mme Corinne Bouchoux. Nos arguments sont voisins, quoiqu’ils diffèrent quelque peu.
Lors de l’examen de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, il a beaucoup été question de la nécessaire transparence des activités bancaires ; il a été reconnu que les règles de gestion devaient être plus claires. De fait, il ne nous semble pas que cet article aille dans ce sens.
Par ailleurs, vous le savez comme moi, le Conseil d’État a inventé voilà deux ans le concept très intéressant de « vie privée des entreprises ». Cet article s’inscrit dans cette logique et, au motif de protéger ces petites entreprises, on risque au contraire de favoriser un marché de l’information sur ces entreprises. Pour les raisons évoquées précédemment, nous n’y sommes pas favorables.
Concernant la nécessaire transparence, s’il convient effectivement d’éviter toute violation du secret des affaires, se pose aussi la question du rapport à la fiscalité.
Pour l’ensemble de ces raisons, cet article ne nous semble pas opportun. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La suppression de l’article 58 quater que proposent les auteurs de ces deux amendements identiques va à l’encontre de la position de la commission.
La commission spéciale a accepté d’étendre l’option pour la confidentialité des comptes, déjà mise en œuvre par le Gouvernement par une ordonnance en 2014, au compte de résultat des entreprises de moins de cinquante salariés, dans le respect du cadre comptable fixé par le droit européen.
La question de la confidentialité des comptes des petites entreprises est certes un débat de fond, car la France, essentiellement, a une tradition de publicité légale des informations relatives aux entreprises, en particulier leurs comptes annuels. Mais ce débat a déjà été tranché par le législateur et le Gouvernement dans la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, qui ont accepté le principe de confidentialité pour les comptes des sociétés de moins de dix salariés.
Il s’agit aujourd’hui uniquement de compléter le dispositif déjà en vigueur pour utiliser l’ensemble des exonérations autorisées par le droit européen. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La disponibilité des comptes est effectivement la marque d’un système économique sain et concurrentiel. Je comprends les préoccupations exprimées par les auteurs de ces deux amendements identiques. L’objectif visé par vos collègues députés, qui ont introduit cet article dans le projet de loi, était de tenir compte de l’hétérogénéité des réglementations. Par exemple, les sociétés allemandes concurrentes de certaines entreprises françaises ne sont pas soumises aux mêmes obligations de transparence ; en particulier, les plus petites d’entre elles dont les domaines d’activité sont restreints ne publient pas systématiquement leurs comptes. Il convient donc d’éviter une transparence asymétrique de part et d’autre du Rhin.
Il s’agit ici d’offrir la possibilité de ne pas rendre public si elles le souhaitent leur compte de résultat aux petites entreprises définies selon trois critères : un bilan inférieur à 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires net total de moins de 8 millions d’euros ou un effectif inférieur à cinquante salariés. Même si je comprends tout à fait la préoccupation d’une plus grande transparence, il me semble important de ne pas aller au-delà. Les limites qui ont été fixées me paraissent raisonnables. Telles sont les raisons pour lesquelles je sollicite le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je veux dire dès à présent un mot de l’amendement n° 1668 du Gouvernement, car je tiens à souligner à quel point il est important de maintenir une disposition qui figurait dans le texte de l’Assemblée nationale. Si la confidentialité du compte de résultat pour les petites entreprises nous paraît indispensable, les financeurs doivent pouvoir continuer à accéder à l’intégralité des comptes. À défaut, le financement des PME via le crédit ou l’assurance crédit serait mis en péril.
J’appelle votre attention sur le fait que les acteurs de l’assurance crédit ou de la réassurance, contrairement aux banques, n’ont pas forcément une relation directe avec leurs clients. Il est donc nécessaire qu’ils disposent des informations relatives à la chaîne des risques. En leur absence, l’octroi des financements serait compromis. L’amendement n° 1668 vise donc à rétablir cette obligation de transmission de l’information à ces acteurs du financement.
En outre, le Gouvernement souhaite diversifier l’accès au financement des PME, y compris des petites entreprises, notamment via les fonds de prêt à l’économie ou les crédits interentreprises, ces derniers constituant l’une des nouveautés de ce texte. Une totale confidentialité des comptes reviendrait à fermer aux petites entreprises l’accès à ces financements innovants.
Si l’on veut développer le financement interentreprises, qui est un élément important de ce texte, il faut également rendre possible la transmission de l’information. Il me semble donc particulièrement risqué de penser que les petites entreprises pourraient désormais assurer elles-mêmes la diffusion de leurs comptes, alors que celle-ci est assurée à ce jour sans difficultés par le registre du commerce et des sociétés. Par conséquent, le présent amendement tend à rétablir cet accès dérogatoire aux comptes confidentiels à un panel pertinent de financeurs et d’investisseurs, ce qui me paraît important.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 et 468.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1668, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le 1° ter dans la rédaction suivante :
1° ter Au deuxième alinéa, après le mot : « France », sont insérés les mots : « et les personnes morales, relevant de catégories définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des finances, qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de l’intégralité des personnes morales » ;
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
présent article
par la référence :
1° bis du I
et remplacer le mot :
avril
par le mot :
juillet
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, dans la mesure où il vise à rétablir une disposition qu’elle a supprimée. Je vais essayer d’être clair sur ce point également très technique.
Tel qu’il est issu des travaux de la commission, l’article 58 quater du projet de loi est conforme à l’article 31 de la directive comptable du 26 juin 2013 permettant aux sociétés entrant dans la catégorie des petites entreprises, c’est-à-dire à celles qui comptent moins de cinquante salariés, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 4 millions d’euros de total de bilan, de demander que leur compte de résultat ne soit pas publié. Cette disposition complète celle qui a été introduite par l’ordonnance du 30 janvier 2014 permettant aux micro-entreprises de demander que l’intégralité de leurs comptes annuels ne soit pas publiée.
La position du Gouvernement sur ce sujet me paraît quelque peu contradictoire, car, avec le présent amendement, il vise à revenir sur l’équilibre du dispositif tel qu’il avait été instauré voilà un an par cette ordonnance de janvier 2014. Cette ordonnance a logiquement prévu que la confidentialité des comptes n’était pas opposable aux autorités administratives et judiciaires, aux fins notamment de contrôle, de suivi statistique ou encore de prévention des difficultés des entreprises.
Or le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait, comme l’amendement du Gouvernement, que la confidentialité des comptes n’était pas non plus opposable à toute une série de personnes privées, dont la liste serait fixée par arrêté ministériel : banquiers, investisseurs, assureurs, agences de notation, etc. Il me semble que c’est l’objet même de la confidentialité des comptes que d’autres entreprises, fussent-elles financières, n’accèdent pas aux comptes des entreprises ayant opté pour la confidentialité. À quoi cela sert-il de prévoir une option de confidentialité si on la vide complètement de son sens ? En outre, ce ne serait pas cohérent avec la logique de la directive comptable que j’ai citée. Ce qui était valable au début de 2014 ne le serait donc plus au début de l’année 2015…
En outre, dans la réalité de la vie économique, une société qui veut bénéficier d’un prêt, d’un apport de capitaux propres ou de tout soutien financier fournira nécessairement ses comptes certifiés à l’organisme qu’elle sollicitera. Il en sera de même si elle sollicite un crédit. Si elle veut bénéficier d’une notation financière pour asseoir sa crédibilité auprès de ses partenaires commerciaux, il est également peu probable qu’elle demande la confidentialité de ses comptes. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de revenir sur ce que le Gouvernement a lui-même décidé voilà un an, avec l’accord du législateur.
Je précise, car l’objet de l’amendement est un peu ambigu sur ce point, que la confidentialité des comptes n’est qu’une option et pas une règle automatique. La société doit remplir un formulaire spécial à cet effet, c’est-à-dire engager une démarche positive. Il est donc complètement faux de dire que nous allons vers une « confidentialité généralisée » des comptes.
J’ajoute, pour que chacun mesure bien l’ampleur du problème, que seulement 2 000 sociétés de moins de dix salariés environ ont opté pour la confidentialité de leurs comptes en 2014, soit une infime proportion.
La disposition que nous examinons à l’article 58 quater ne va donc pas remettre en cause le financement des entreprises. Peut-être constituera-t-elle une gêne pour les banquiers et les assureurs, mais ceux-ci ont à l’évidence les moyens de demander contractuellement à ces entreprises ayant opté pour la confidentialité de la lever lorsque celles-ci sont demanderesses d’un prix ou éventuellement d’une notation.
Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à revenir sur une ordonnance ayant été en quelque sorte « bénie » en 2014 par le législateur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’ordonnance à laquelle vous faites référence, monsieur le rapporteur, couvrait les TPE. Or vous étendez le dispositif aux PME. Cela signifie que les entreprises comptant entre dix et cinquante salariés ne seront pas couvertes par ladite ordonnance. Tel est le premier défaut de votre argumentation.
Le second défaut a trait au mécanisme même de l’assurance crédit. Celle-ci couvre des acteurs qui ne sont pas dans une relation contractuelle. Imaginez qu’un vendeur de pommes se couvre auprès d’un assureur crédit. Le risque couvert, c’est la défaillance de celui qui lui livre les pommes. Il faut donc que l’assureur crédit dispose d’informations relatives à ce fournisseur. À défaut, vous empêcheriez une partie des PME d’avoir un accès potentiel au financement, par ailleurs accru par le financement interentreprises que nous avons ouvert.
M. Bruno Retailleau. L’assurance crédit pour les PME !
M. Emmanuel Macron, ministre. Elle existe, et nous voulons l’étendre, comme le financement interentreprises, particulièrement utile pour les PME.
M. François Patriat. C’est vrai !
M. Emmanuel Macron, ministre. On ne peut pas dans le même temps affirmer vouloir développer le financement interentreprises tout en décidant de dégrader l’information financière au-delà de la simple relation contractuelle avec un financeur classique.
Ici, on peut vouloir préserver la non-publicité d’une information pour des raisons de concurrence, qui est l’objectif même de cet article. Néanmoins, on commettrait une erreur, me semble-t-il, à vouloir étendre cette possibilité à tous les acteurs de la chaîne du financement, d’autant que celle-ci peut être large et indirecte. C’est pourquoi l’amendement du Gouvernement me semble respecter les deux contraintes : la préservation d’un droit au secret en faveur des PME, pour des raisons concurrentielles, de leurs informations financières, et, dans le même temps, l’optimisation de la bonne circulation de l’information, permettant précisément un accès plus satisfaisant au crédit.
M. le président. L'amendement n° 1568 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 524-6-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 524–6–6. – Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions répondant à la définition des micro-entreprises au sens de l’article L. 123-16-1 du code de commerce, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2 du même code, peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne sont pas rendus publics.
« Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions répondant à la définition des petites entreprises, au sens de l’article L. 123-16 du code de commerce, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2 du même code et de celles qui établissent des comptes consolidés en application de l’article L. 524-6-1 du présent code, peuvent déclarer que le compte de résultat qu’elles déposent n'est pas rendu public.
« Les autorités judiciaires, les autorités administratives au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ainsi que la Banque de France et les personnes morales relevant de catégories, définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des finances, qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de ces personnes morales ont toutefois accès à l’intégralité des comptes. »
La parole est à M. le ministre.