Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Jean-Pierre Leleux.
2. Candidature à deux organismes extraparlementaires
3. Candidatures à des commissions
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
6. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 50 A (supprimé) (réservé)
Article 50 (précédemment examiné)
Amendement n° 54 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1600 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1430 rectifié de M. François Zocchetto. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 52 – Adoption.
Article additionnel après l'article 52
Amendement n° 465 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Articles 53 et 53 bis A – Adoption.
Amendement n° 1746 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 53 ter – Adoption.
Amendement n° 1747 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 53 quater
Amendement n° 466 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 467 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 54 (précédemment examiné)
Amendement n° 195 rectifié de M. Mathieu Darnaud. – Rectification.
Amendement n° 195 rectifié bis de M. Mathieu Darnaud. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale
Amendement n° 1603 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 844 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 264 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 54 ter
Amendement n° 1404 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article additionnel après l’article 54 quater
Amendement n° 580 rectifié bis de M. Jean-Pierre Vial. – Rejet.
Amendement n° 1406 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1605 du Gouvernement. – Rectification.
Amendement n° 1605 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 55
Amendement n° 875 rectifié quater de M. Olivier Cadic. – Devenu sans objet.
Amendement n° 303 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.
Amendement n° 302 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.
Amendement n° 301 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.
Amendement n° 300 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.
Amendement n° 55 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 276 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 1654 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 56
Amendement n° 238 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 1418 rectifié bis de M. Henri Tandonnet. – Retrait.
Amendement n° 1534 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 845 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1541 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 57
Amendement n° 983 rectifié de M. Serge Larcher. – Retrait.
Amendement n° 824 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
7. Nomination de membres de deux organismes extraparlementaires
8. Nomination de membres de commissions
9. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Demande de réserve de l’amendement n° 1797 du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 58 quater, après l’article 106. – M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission. M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. – La réserve est ordonnée.
Amendement n° 57 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1493 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1449 rectifié bis de M. Philippe Dallier. – Adoption.
Amendement n° 1547 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 58
Amendement n° 1280 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1281 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1553 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1748 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1668 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 58 quater
Amendement n° 1660 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 233 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Article 59 (suppression maintenue)
Amendement n° 1570 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1750 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 59 bis
Amendement n° 846 rectifié de M. Jean Bizet. – Rejet.
Amendement n° 876 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 1572 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 59 ter
Article 59 quater – Adoption.
Article additionnel après l’article 59 quater
Amendement n° 1574 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 877 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 60 A et 60 – Adoption.
Article additionnel après l'article 60
Amendement n° 1575 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 61 bis (supprimé)
Amendement n° 1579 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Articles additionnels après l'article 61 bis
Amendement n° 595 rectifié bis de M. Charles Revet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 126 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly. – Rejet.
Amendement n° 1581 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 110 rectifié quater de M. Hervé Marseille. – Rejet.
Amendement n° 187 rectifié septies de M. François Commeinhes. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 62 bis
Amendement n° 472 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 63
Amendement n° 885 rectifié de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 887 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 888 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 889 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 63 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 64
Amendement n° 550 de M. Jérôme Bignon. – Retrait.
Amendement n° 1179 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1184 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1751 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 256 rectifié de M. Didier Guillaume. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1180 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1181 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1182 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1185 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1183 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 64 bis
Amendement n° 325 de M. Alain Joyandet. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 473 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Amendement n° 1492 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 1494 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Articles additionnels après l'article 65
Amendement n° 1187 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1188 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à deux organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom de sénateurs pour siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose : d’une part, la candidature de M. Ronan Dantec pour siéger en tant que membre titulaire au sein du conseil d’orientation de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d’outre-mer ; d’autre part, les candidatures de Mme Odette Herviaux et de M. Michel Vaspart pour siéger au sein du Conseil national de la mer et des littoraux.
Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
3
Candidatures à des commissions
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :
- à la commission des finances, en remplacement de Jean Germain, décédé ;
- à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Didier Guillaume, démissionnaire ;
- à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Claude Haut, démissionnaire.
Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.
4
Dépôt d’un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article L. 862-7 du code de la sécurité sociale, le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, à la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de trois parlementaires du groupe d’amitié Japon-France de la Chambre des conseillers du Japon, conduite par sa présidente, Mme Akiko Santo. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, se lèvent.)
Cette délégation est accompagnée par les membres du groupe d’amitié France-Japon, présidé par notre collègue David Assouline.
La délégation est en France jusqu’au 8 mai, pour une visite d’étude centrée sur l’intervention économique des collectivités territoriales et sur la protection de la qualité des produits agroalimentaires via le système des appellations.
Dans cette optique, la délégation s’est rendue à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et à l’Institut national de l’origine et de la qualité.
Des échanges avec plusieurs de nos collègues sont également prévus, notamment avec le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Demain, à l’invitation de notre collègue François Patriat, la délégation se rendra pour deux jours en Bourgogne afin de s’entretenir avec les acteurs locaux et d’étudier des exemples concrets de politiques mises en place.
Le Sénat français entretient d’excellentes relations d’amitié avec la Chambre des conseillers du Japon et se réjouit, quatre ans après notre dernier accueil, de recevoir à nouveau cette délégation.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement japonais, en votre nom à tous et en mon nom personnel, une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)
6
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons, dans la discussion du texte de la commission spéciale, l’examen des dispositions de la section 4 du chapitre II du titre II.
TITRE II (suite)
INVESTIR
CHAPITRE II (suite)
Entreprises à participation publique
Section 4 (suite)
Dispositions diverses
Article 50 A
(Supprimé)
M. le président. Je rappelle que l’article 50 A a été réservé jusqu’au mercredi 6 mai, à quatorze heures trente.
Article 50 (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 50 a été examiné le vendredi 17 avril.
Article 51
L’article L. 2111-10-1 du code des transports est ainsi modifié :
1° À la fin du 2°, les mots : « de ratios définis par le Parlement » sont remplacés par les mots : « du ratio défini comme le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau » ;
2° Aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : « d’un de ces ratios » sont remplacés par les mots : « du niveau plafond de ce ratio » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « les ratios » sont remplacés par les mots : « le ratio » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d’application du présent article, notamment le mode de calcul des éléments du ratio mentionné au 2° et son niveau plafond, qui ne peut excéder 25, sont définies par décret. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 51 porte sur la définition des ratios d’investissement assurant la soutenabilité du modèle ferroviaire français tels qu’ils sont prévus par la loi du 4 août 2014.
Cette loi précise que « les investissements de développement du réseau ferré national sont évalués au regard de ratios définis par le Parlement », et non fixés par décret.
L’article 51 vise à fixer un ratio unique, correspondant au rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau, rapport qualifié de « règle d’or ».
La substitution d’un ratio unique aux ratios prévus par la loi d’août 2014 est proposée au titre de la simplicité – puisqu’il faut toujours simplifier ! –, afin de mesurer la capacité de SNCF Réseau à s’endetter.
Or l’utilisation de ce ratio unique risque, selon nous, de perturber le développement de SNCF Réseau. En effet, par nécessité d’améliorer la qualité du réseau, l’établissement peut être amené à réaliser des investissements dont la finalité première ne serait pas la rentabilité.
Selon la manière dont elle sera mise en œuvre, la disposition prévue dans cet article 51 peut conduire à interdire à SNCF Réseau d’investir dans des projets nouveaux – et cela, d’ailleurs, même s’ils sont très rentables – parce que son endettement sera jugé excessif au regard de ce seul ratio.
Le fait de substituer cette fameuse « règle d’or » à une approche prenant en compte la globalité des missions de SNCF Réseau grâce à l’utilisation de divers ratios aura essentiellement pour conséquence de soumettre les investissements aux seuls critères de la rentabilité la plus immédiate.
Cette disposition va à l’encontre d’un développement équilibré de notre réseau ferroviaire. Elle emportera des conséquences défavorables à l’utilisation du rail, amplifiant le recours à la route. Après le vote de la loi sur la transition énergétique, ce serait tout de même le comble !
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. Je souhaite compléter l’intervention de mon camarade Jean-Pierre Bosino.
L’article 51 reprend en grande partie un des articles de la réforme ferroviaire auquel nous nous étions opposés et y apporte certaines précisions. Il vise à éviter que SNCF Réseau ne s’endette au-delà du raisonnable, au regard de sa dette actuelle, pour financer de nouvelles lignes. Pour cela, il fait appel à la fameuse « règle d’or », ou règle prudentielle, qui consiste à définir un ratio, en l’occurrence le rapport entre la dette financière nette de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle.
La réforme ferroviaire ne fixait pas de plafond à ce ratio, mais la commission spéciale propose de retenir le chiffre de 25. Cela signifie que, avec un niveau de marge opérationnelle équivalent à celui qui a été dégagé en 2014, il faudrait, en l’absence de tout nouvel endettement, vingt-cinq ans pour rembourser la dette contractée par SNCF Réseau. Ce ratio s’établit à environ 18 pour l’année 2014.
Il apparaît surtout que l’objectif de cette mesure est de limiter les investissements de développement du réseau en cas de surendettement.
Nous aurions préféré que l’État s’engage à reprendre la dette, comme cela a été fait en Allemagne avec la Deutsche Bahn, car la création de Réseau ferré de France, censée éponger la dette, n’a malheureusement pas permis de régler la situation.
Le vrai problème est de trouver des financements nouveaux pour le système ferroviaire, car, faute de ressources nouvelles, cette règle risque d’être fatale à l’investissement.
Qu’en sera-t-il de la sécurité des usagers ? Il faudra expliquer à ces derniers que les travaux de rénovation destinés à la garantir n’ont pas été réalisés parce qu’ils n’entraient pas dans la trajectoire financière !
Nous l’avons dit lors des débats sur la réforme ferroviaire : face à l’accélération de la dégradation des infrastructures ainsi qu’aux dysfonctionnements de l’exploitation, et après la suspension de la taxe poids lourds, il y aurait urgence à mettre en œuvre une réforme ambitieuse qui intégrerait les questions du désendettement et de l’organisation du pôle ferroviaire.
Vous connaissez nos propositions de financement : solliciter l’épargne populaire dans le cadre d’un « livret vert » dédié au financement des infrastructures de réseau et mettre à contribution les sociétés d’autoroutes, dont les profits sont particulièrement insolents en cette période de crise.
À nos yeux, c’est seulement par de telles mesures que nous renforcerons et développerons notre système ferroviaire. Dans la mesure où l’article 51 va à l’encontre de cette ambition, nous ne pouvons que nous y opposer.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Nous ne pensons pas que le système ferroviaire puisse s’autofinancer. C’est le désengagement de l’État qui est à l’origine de la dette et des difficultés financières de ce système, qui constitue, je le rappelle, un outil de service public d’une valeur inestimable au regard tant de l’aménagement du territoire que des engagements pris en matière de respect de l’environnement.
Les conclusions des travaux de la commission Duron sur les trains d’équilibre du territoire, aussi bien que le présent projet de loi, montrent que les craintes des syndicats de personnels étaient tout à fait justifiées, qu’il s’agisse des suppressions d’emplois, de la fermeture des lignes les moins rentables ou encore des fermetures de guichets.
La modernisation du réseau exige 2 milliards d’euros d’investissements par an. Selon des sources syndicales, malgré la hausse continue des péages, il manque 1,5 milliard d’euros pour les atteindre.
Nous restons donc persuadés que le financement doit être modifié. L’État doit prendre ses responsabilités en transformant la dette du système ferroviaire en dette publique et en réactualisant ses subventions au gestionnaire d’infrastructure ferroviaire, ce qui implique l’abandon du principe qui associe hausse des péages et baisse des subventions.
Il est urgent de mobiliser toutes les énergies pour la reconquête d’un service public ferroviaire efficace, s’agissant tant du transport de voyageurs que du fret. Ce n’est malheureusement pas la voie dans laquelle on s’engage avec cet article 51.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mmes Assassi, Didier, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. La réforme ferroviaire votée en août 2014 prévoit que la capacité de SNCF Réseau de financer des investissements sera évaluée en fonction de différents ratios, notamment le poids de sa dette par rapport à sa marge opérationnelle. Si SNCF Réseau apparaît déjà comme étant trop endetté, il ne pourra pas investir dans un projet de développement. Dans le cas contraire, il pourra investir, mais, tout comme aujourd’hui, seulement à hauteur des recettes attendues.
La loi de réforme ferroviaire précisait de plus : « Les investissements de développement du réseau ferré national sont évalués au regard de ratios définis par le Parlement. En cas de dépassement d’un de ces ratios, les projets d’investissements de développement sont financés par l’État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur. »
L’objet du présent article est de définir ces ratios pour permettre l’entrée en vigueur de la règle mentionnée précédemment, qui condamnait déjà de nombreuses lignes. Mais cet article va encore plus loin que ce qui avait été prévu par la réforme ferroviaire puisque le ratio retenu sera le rapport entre la dette nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau. Il prévoit en outre de fixer la valeur du seuil plafond par décret.
En fait de « règle d’or », cette disposition, selon la manière dont elle sera mise en œuvre, risque fort de plomber le développement de SNCF Réseau puisqu’elle lui interdira d’investir dans un projet nouveau, fût-il très rentable, si son endettement est excessif en raison de projets antérieurs moins rentables.
Nous pensons que les règles du marché ne sont pas compatibles avec le service public ferroviaire et c’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui exprime en fait une position de principe hostile à la réforme ferroviaire adoptée en août 2014. La commission spéciale considère au contraire qu’il est important de doter SNCF Réseau d’une règle qui lui permette de maîtriser son endettement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui repose sur une interprétation inexacte de la règle d’or instaurée par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et que l’article 51 du présent projet de loi vise à rendre opérationnelle.
En effet, cet article ne condamne pas la régénération du réseau ferroviaire. En encadrant la participation financière de SNCF Réseau aux seuls investissements de développement, tels que les nouvelles lignes à grande vitesse, il permet au contraire de concentrer les ressources de l’établissement sur l’entretien et la modernisation du réseau existant, qui constituent la priorité du Gouvernement en matière d’investissements ferroviaires.
En outre, l’absence de participation de SNCF Réseau aux investissements de développement en cas de surendettement ne signifie pas pour autant leur arrêt : ceux-ci devront être financés par l’État et les collectivités territoriales qui en feraient la demande.
La règle d’or apparaît par ailleurs indispensable pour limiter la dérive de la dette de SNCF Réseau, qui s’accroît aujourd’hui d’environ 3 milliards d’euros par an et s’élève à 37 milliards d’euros.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1600, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
, qui ne peut excéder 25,
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’article 51 vise à rendre opérationnel le dispositif d’encadrement de la dette de SNCF Réseau prévu par la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014. Cette dette augmente aujourd’hui de 3 milliards d’euros par an, notamment en raison des projets de développement du réseau financés par SNCF Réseau. Ceux-ci représentent en effet une part importante des investissements de SNCF Réseau : 3 milliards d’euros sur les 6,2 milliards d’investissements prévus en 2015 ; quatre projets de lignes à grande vitesse sont en effet en cours de mise en œuvre.
Suivant ce dispositif d’encadrement, dès lors que le ratio d’endettement, c’est-à-dire le rapport entre la dette financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau, dépasserait un certain plafond défini par décret, SNCF Réseau ne contribuerait plus au financement des investissements de développement du réseau ferré national.
Inscrire dans la loi que ce plafond ne peut excéder 25, ainsi que l’article modifié par la commission spéciale le prévoit, ne paraît pas opportun. En effet, comme la trajectoire financière de SNCF Réseau est aujourd’hui en construction, les estimations sur l’évolution pluriannuelle du niveau du ratio demeurent très imprécises. Une fixation du plafond par décret semble beaucoup plus adaptée et donc plus opérationnelle.
Cette trajectoire financière de SNCF Réseau devra être fixée d’ici au 31 décembre 2015, en application de la loi, dans le cadre du contrat de performance que SNCF Réseau signera avec l’État.
Même s’il est vrai que le niveau plafond pourrait ensuite être fixé par décret à un niveau inférieur à 25, la fixation d’un tel seuil constituerait néanmoins une référence problématique. Le ratio d’endettement devrait se stabiliser à son niveau actuel de 18, voire baisser jusqu’à 13 selon certaines simulations, et ce malgré la poursuite de la dérive de la dette, du fait de la hausse estimée de la marge opérationnelle de SNCF Réseau. Dès lors, tout plafond supérieur à 18 rendrait a priori la règle d’or inopérante.
À titre d’exemple, si un plafond de 18 était retenu et que le ratio devait ensuite diminuer jusqu’à 13 entre 2015 et 2025, SNCF Réseau disposerait d’une capacité d’endettement additionnel d’environ 10 milliards d’euros pour financer de nouvelles lignes ferroviaires. Je rappelle que la marge opérationnelle est de l’ordre de 2 milliards d’euros et que la dette nette atteint déjà 37 milliards d’euros ; au demeurant, elle doit s’accroître encore au cours des dix prochaines années puisqu’il va falloir financer l’entretien et la modernisation du réseau existant.
II convient enfin de relever que les ratios d’endettement des grands gestionnaires d’infrastructures européens comparables sont très inférieurs au niveau actuel des ratios de SNCF Réseau – 7 pour Eurotunnel et DB Netz, le gestionnaire du réseau ferré allemand, et 3 pour Aéroports de Paris –, ce qui incite à fixer un plafond relativement ambitieux.
M. le président. L'amendement n° 1430 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants -UC, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le nombre :
25
par le nombre :
20
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement vise, lui, à modifier le plafond du ratio permettant, conformément à l'article L. 2111-10-1 du code des transports, l'évaluation des investissements de développement du réseau ferré national.
En effet, il apparaît qu'au-delà d'un ratio maximal de 20, la charge d'endettement de SNCF Réseau deviendrait trop lourde pour assurer le désendettement de l'entreprise sans sacrifier les exigences prioritaires de la maintenance du réseau.
Le décret prévu dans le présent article pourra décider d'un ratio inférieur à 25. Cela serait toutefois en contradiction avec l'article L. 2111-10-1 du code des transports, qui dispose explicitement que la définition de cet indicateur est une compétence du Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avant de donner l’avis de la commission spéciale concernant les deux amendements en discussion, je voudrais faire quelques rappels et un peu de pédagogie sur ce sujet d’apparence extrêmement technique.
En 1997, lors de la création de Réseau ferré de France, un décret prévoyait un encadrement des investissements de cet établissement. L’idée sous-jacente était déjà de maîtriser son endettement. Cela n’a pas fonctionné puisque l’endettement de RFF atteint 40 milliards d’euros et continue d’augmenter de 3 milliards d’euros par an.
C’est pourquoi la loi ferroviaire adoptée en août 2014 a prévu un mécanisme renforcé, qui limite la capacité d’endettement de SNCF Réseau, successeur de RFF, lorsqu’il s’agit de construire de nouvelles lignes.
En effet, la priorité actuelle est la rénovation du réseau existant et non pas la réalisation de nouveaux tronçons.
Sans entrer dans des détails excessivement techniques, je dirai que nous devons fixer le curseur à partir duquel SNCF Réseau ne peut plus s’endetter pour construire de nouvelles lignes. Ce curseur repose sur le calcul d’un ratio et sur un plafond.
Dans la loi ferroviaire, sur l’initiative du Sénat, et plus particulièrement du président de notre commission spéciale, M. Capo-Canellas, il avait été explicitement prévu que le mode de calcul et le plafond seraient fixés par le Parlement. Nous avions trouvé un accord avec le Gouvernement sur ce point mais, faute de temps et d’analyse suffisante, nous étions convenus de fixer ces éléments dans un véhicule législatif ultérieur. D’où cet article 51 que nous examinons à présent.
Seulement, aujourd’hui, à travers l’amendement n° 1600, le Gouvernement ne tient pas son engagement…
M. Jean-Claude Lenoir. Comme d’habitude ! (Mme Nicole Bricq proteste.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. … pris en août 2014, à l’occasion de la réforme ferroviaire puisque, dans sa rédaction initiale, l’article 51 renvoyait à un décret tant le mode de calcul du ratio que la fixation du plafond. Si le ratio est fixé par décret, comme le souhaite le Gouvernement, le Parlement pourra seulement constater qu’il n’y a plus lieu de discuter de l’opportunité de financer tel ou tel projet.
Cela, nous ne pouvons l’admettre. Le Gouvernement peut modifier un décret à sa guise, et j’observe au passage que le décret de 1997 n’a pas permis de protéger RFF.
Tout l’objet de la loi portant réforme ferroviaire, c’est la maîtrise de l’endettement du système ferroviaire. Si nous réitérons les mêmes erreurs, nous obtiendrons les mêmes résultats, c’est-à-dire toujours plus d’endettement.
C’est pourquoi la commission spéciale a décidé de modifier cet article en fixant un plafond maximal, tout en laissant au pouvoir exécutif la possibilité de retenir un plafond encore plus bas.
L’amendement n° 1600 du Gouvernement vise à revenir sur cette avancée, faute de connaître la trajectoire financière de SNCF Réseau. Nous sommes bien sûr tout à fait défavorables à cette proposition, qui reviendrait à affaiblir la réforme ferroviaire adoptée en août 2014.
J’ajoute que l’argumentaire exposé par Mme la secrétaire d’État est pour le moins surprenant : il faudrait tout renvoyer à un décret parce que le Gouvernement n’a aujourd'hui aucun élément chiffré à nous transmettre. Le décret ayant fixé la toise, Bercy choisira une fois de plus à la place du Parlement, en escamotant le débat sur une politique publique particulièrement importante, à savoir la politique ferroviaire.
L’absence d’information justifierait que le Parlement signe un chèque en blanc au Gouvernement, ce que nous refusons résolument, et c’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1600.
En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 1430 rectifié du groupe UDI-UC, qui vise à abaisser le plafond retenu. (Très bien ! sur les travées de l'UDI-UC.)
En effet, comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État, le plafond fixé par la commission spéciale était, nous le concédons, bien trop élevé ; d’ailleurs, la SNCF me l’a confirmé. L’amendement du groupe UDI-UC paraît donc aller dans le bon sens. Le Gouvernement pourra toujours fixer un plafond plus bas une fois que la trajectoire financière de SNCF Réseau sera arrêtée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1430 rectifié ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. La trajectoire financière 2015-2020 de SNCF Réseau n’est pas encore connue. C’est pourquoi nous demandons le renvoi à un décret, sachant que l’article 51 prévoit les modalités d’évaluation du ratio.
En tout état de cause, cette trajectoire sera transmise au Parlement, car elle doit être incluse dans le contrat de performance État-SNCF Réseau. La représentation nationale sera bien entendu informée.
Nous estimons qu’il est plus opérationnel de renvoyer à un décret, avec des règles qui sont fixées par le Parlement et sont tout de même très strictes.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l’amendement n° 1600.
M. Hervé Maurey. Même si Mme la corapporteur l’a souligné, je veux rappeler ce qui nous a conduits à voter la réforme ferroviaire en 2014, il y a quelques mois seulement. Sur l’initiative du président Vincent Capo-Canellas, a été inscrite dans ce texte une disposition précisant que le Parlement fixerait lui-même le ratio maximum d’endettement. C’est un point essentiel.
Aujourd'hui, le Gouvernement veut revenir sur cet engagement, en avançant des arguments qui ne tiennent absolument pas la route. On essaie de nous dessaisir de ce pouvoir, ce qui n’est acceptable ni dans la forme ni sur le fond.
Sur le fond, permettez-moi de rappeler à mon tour que la dette de la SNCF s’élève à 37 milliards d’euros, qu’elle augmente chaque année de 3 milliards d’euros et que le seul paiement des intérêts de la dette coûte à l’entreprise 1,4 milliard d’euros par an. Il me semble donc qu’il est temps d’agir !
Si le Parlement se dessaisit du pouvoir de fixer le ratio d’investissement pour s’en remettre au Gouvernement, je crains fort, comme Mme la corapporteur, que la tendance ne soit de laisser la SNCF supporter seule des investissements pour mettre en place des grands projets qu’elle ne peut plus, de toute évidence, financer seule, et qu’elle n’a du reste pas à financer seule.
Aujourd'hui, la priorité pour la SNCF est de réduire de manière drastique le désendettement dont elle souffre et de pouvoir investir davantage dans la maintenance. Nous sommes nombreux ici à être des usagers de la SNCF, nous savons tous qu’il y a de véritables besoins en la matière, car la maintenance a été, par le passé, largement négligée, et ce parfois de manière très préoccupante. Il faut absolument revenir sur cette orientation.
Dans nos territoires, nos concitoyens sont inquiets : des rumeurs circulent, à la suite des travaux de la commission Duron, quant à la suppression de dessertes et de lignes. Tout cela risque de devenir réalité si l’on n’y prend pas garde et si on laisse l’endettement de la SNCF continuer à croître de manière exponentielle.
La SNCF consent des efforts importants, annonçant une baisse de ses dépenses de l’ordre de 1 milliard d’euros sur trois ans. Il faut faire en sorte qu’elle s’engage résolument sur cette voie.
C’est pourquoi je ne voterai pas l’amendement n° 1600 du Gouvernement et soutiendrai l’amendement n° 1430 rectifié, présenté par mon collègue Claude Kern.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Avec un certain nombre de mes collègues, je soutiens notre grande entreprise ferroviaire et j’interviendrai dans le même sens qu’Hervé Maurey : je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement.
Mme la corapporteur, faisant montre de beaucoup de pédagogie, a rappelé comment RFF, établissement créé en 1997, est devenu SNCF Réseau, a décrit son endettement croissant, qui atteint aujourd'hui de 40 milliards d’euros.
Lors de l’examen de la réforme ferroviaire, nous avons été plusieurs à soulever des problèmes particulièrement importants. Nous sommes vraiment attachés à notre infrastructure ferroviaire, qui souffre malheureusement d’un manque de modernisation. Les travaux d’infrastructure coûtent très cher, mais ils sont absolument nécessaires. D’un autre côté, on ne peut que regretter la sous-utilisation de nos voies ferrées et, à cet égard, mes préoccupations rejoignent souvent, pourquoi ne pas le dire, celles de mes collègues du groupe CRC.
Voilà pourquoi je suivrai l’avis émis par Mme la corapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Chers collègues, ne feignez pas de découvrir la dette de RFF et de SNCF Réseau ! Cela fait des années que nous traînons ce boulet ! (M. Hervé Maurey s’exclame.) Allons ! vous ne le découvrez pas à la faveur d’un amendement du Gouvernement, qui, du reste, porte plus sur la forme que sur le fond.
M. Hervé Maurey. Non, ce n’est pas seulement la forme qui est en cause !
Mme Nicole Bricq. Vous connaissez le problème depuis des années. Vos majorités n’ont pas été très opérationnelles…
M. Hervé Maurey. Ce n’est pas le sujet !
Mme Nicole Bricq. Mais le passé, ça compte ! La dette ne date pas d’aujourd'hui ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Hervé Maurey. Quand le Gouvernement veut dessaisir le Parlement, ce n’est pas une question de forme !
Mme Nicole Bricq. Parlons des infrastructures ! Qui a asséché l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ? Rappelez-vous votre bilan !
M. Hervé Maurey. Vous faites de la polémique politicienne !
M. Alain Bertrand. Elle a raison !
Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, vous pouvez ne pas être content du renvoi à un décret, arguant que le ratio doit être inscrit dans la loi. J’accepte cet argument. Mais ne vous cachez pas derrière cet argument de forme pour nier la réalité des difficultés que nous traînons depuis des années.
M. Hervé Maurey. Polémique politicienne !
Mme Nicole Bricq. Nous voterons l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais Mme Bricq m’y invite presque…
Mme Nicole Bricq. Je n’aime pas l’hypocrisie !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Permettez-moi de vous rappeler le climat dans lequel s’est déroulé, l’été dernier, le débat sur la réforme ferroviaire.
L’amendement qui avait été proposé – certains ont la gentillesse de m’en attribuer la paternité : ils ont peut-être raison, mais, dans ces cas-là, les souvenirs sont un peu vagues ! (Sourires.) – avait reçu un soutien très large. Une très grande partie des groupes politiques de cette assemblée avait choisi de donner au Parlement la possibilité de déterminer le ratio dans le cadre du projet de loi de finances et cela avait été confirmé en commission mixte paritaire.
C’est là le premier différend que nous avons avec le Gouvernement.
Le Gouvernement nous dit, un peu subrepticement, qu’on va passer d’une loi à un décret. La commission spéciale s’est donc légitimement saisie de cette question. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Nous sommes d’accord, madame Bricq, pour dire que ce ratio est destiné à être protecteur, mais nous souhaitons que le Parlement s’exprime sur ce point. D’ailleurs, notre proposition avait été très largement soutenue, y compris par votre groupe. Je me souviens que notre ancien collègue Michel Teston, notamment, mais aussi Jean-Jacques Filleul et beaucoup d’autres encore avaient reconnu qu’il était légitime que le Parlement s’exprime sur ce sujet.
Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, on peut saluer vos avancées techniques : vous avez en effet indiqué que le décret pourrait fixer le ratio à 18. Ce serait sans doute protecteur pour l’entreprise. Si la commission spéciale s’est risquée à fixer un plafond, c’est parce que le Gouvernement ne donnait pas de chiffres. Mais de là à descendre à 13…
Aujourd'hui, comme le relève le rapport de la commission spéciale, le ratio de la dette financière s’établit à 17,5. Comme l’a dit Mme la corapporteur, nous avons proposé un plafond. Ce serait formidable de le fixer à 13, mais cela provoquerait tout de même quelques dégâts : nécessairement, moins de travaux seraient engagés… Sauf à considérer que la situation économique de SNCF Réseau va s’améliorer considérablement... Une telle prévision me semble aujourd'hui bien audacieuse.
Aujourd'hui, le ratio est de 17,5, avec une marge opérationnelle de 2,1 milliards d’euros. Il suffit qu’elle diminue de 200 000 euros pour que le ratio passe à 19,4. En fixant le plafond à 20, nous suivons la logique que nous avons adoptée à une très large majorité l’été dernier – nous souhaitons que le Parlement continue de s’exprimer sur ce point –, et c’est protecteur pour l’entreprise. Le Gouvernement pourra revoir ce plafond à la baisse dès lors que les conditions seront réunies.
M. le président. Je mets aux voix l'article 51, modifié.
(L'article 51 est adopté.)
Article 52
(Non modifié)
Le premier alinéa du V de l’article 7 de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle est ainsi rédigé :
« V. – Par dérogation au I de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale, actionnaire d’une société dont le siège social est établi en France et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, agissant seule ou de concert au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, qui détenait au 2 avril 2014, directement ou indirectement, plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote et qui, par le bénéfice de l’attribution de droits de vote double résultant de l’application du dernier alinéa de l’article L. 225-123 du même code, dans sa rédaction résultant du I du présent article, vient à détenir avant le 31 décembre 2018 plus des trois dixièmes des droits de vote ou qui, en moins de douze mois consécutifs, augmente sa détention en droits de vote, comprise entre les trois dixièmes et la moitié des droits de vote, de plus d’un centième, n’est pas tenue de déposer un projet d’offre publique en vue d’acquérir une quantité déterminée des titres de la société, à la condition que le pourcentage de droits de vote détenus entre le 3 avril 2014 et le 31 décembre 2018 soit continuellement inférieur ou égal au pourcentage de droits de vote détenus au 2 avril 2014. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 52
M. le président. L'amendement n° 465, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de créer par arrêté au sein du Conseil national des universités une nouvelle section intitulée « Économie et Société ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement porte sur la philosophie même qui anime nos politiques et notre vision de l’économie.
Aujourd’hui, les analystes, les chercheurs et les intellectuels dans le domaine de l’économie sont, dans leur écrasante majorité, des économistes « orthodoxes » : ils considèrent que les agents économiques se comportent de façon rationnelle, maximisant leurs profits selon les situations.
Partant de ce constat, cette doctrine orthodoxe accorde une place centrale à la modélisation mathématique, à l’économétrie et à l’étude des grands équilibres pour fonder ses analyses. Aujourd’hui, l’approche néoclassique libérale attire la plupart de ses adeptes.
Toutefois, de nombreux économistes, dits « hétérodoxes », rejettent cette vision simpliste, mathématique. Ils s’éloignent des dogmes, des postulats orthodoxes et élargissent leur vision de l’économie en y intégrant des apports de l’anthropologie, de la sociologie et d’un large panel de sciences sociales. Pour eux, l’irrationalité doit être prise en compte, car elle est au cœur de la nature humaine. Le pouvoir, les conflits, les affects, les liens de domination sont des variables à part entière et doivent être considérés comme telles.
Aujourd’hui, l’organisation de la section « Sciences économiques » du Conseil national des universités, le CNU, ne permet pas de garantir une pluralité suffisante entre ces deux approches. En effet, le recrutement d’économistes dits hétérodoxes a chuté de 18 % entre 2000 et 2004 à 5 % entre 2005 et 2011.
Le présent amendement tend à demander la remise par le Gouvernement d’un rapport permettant d’évaluer l’opportunité de créer une section « Économie et Société », afin de donner à ces économistes hétérodoxes un espace d’expression dans notre système universitaire.
Les dogmes de l’économie libérale nous montrent chaque jour leurs échecs et leurs dangers. II nous semble urgent de créer les conditions d’un débat contradictoire entre plusieurs visions du monde et de briser le monopole d’une pensée réductrice, ayant trop longtemps nourri idéologiquement toutes nos politiques publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Aussi fouillé que soit l’argumentaire de M. Desessard, il est ici question d’établir un rapport. En accord avec notre jurisprudence en la matière, la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Votre amendement, monsieur Desessard, est déjà satisfait.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui est attaché au renforcement de la pluralité des approches dans l’ensemble des disciplines universitaires, notamment l’économie, a en effet pris des mesures tendant à répondre à votre préoccupation.
Premièrement, un décontingentement du recrutement par l’agrégation doit permettre aux établissements qui le souhaitent de recruter en dehors de la contrainte de l’agrégation.
Deuxièmement, la pluralité des approches dans la composition de la section « Sciences économiques » du CNU sera prise en compte cette année, lors du renouvellement de ses membres, sachant qu’un tiers des membres sont nommés par le ministère.
Grâce à ces deux mesures, complétées par un audit, les recrutements qui ont été annoncés devraient être pluriels. S’il n’y avait aucune évolution en ce sens, d’autres dispositions seraient envisagées, mais on peut vraiment attendre un effet de ces premières mesures. Toute la démarche a été communiquée à la section 05 du CNU, à la Conférence des présidents d’université et aux associations scientifiques.
Le processus de reconnaissance de la pluralité des approches économiques est donc lancé, en concertation avec les universitaires. C’est pourquoi, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 465 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je cède à l’argumentaire de Mme la secrétaire d’État et je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 465 est retiré.
Article 53
(Non modifié)
Au 2° du II de l’article L. 433-1-2 du code monétaire et financier, les mots : « dépôt du projet d’offre, augmenté d’un centième du capital ou des droits de vote de la société » sont remplacés par les mots : « franchissement du seuil d’un centième du capital ou des droits de vote mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 433-3 du présent code » et la référence : « du même article L. 233-10 » est remplacée par la référence : « de l’article L. 233-10 du code de commerce ». – (Adopté.)
Article 53 bis A
(Non modifié)
En cas de transfert d’une activité du port autonome de Strasbourg à une société dont le port détient, directement ou indirectement, la totalité ou plus de la moitié du capital, les salariés statutaires du port concourant à titre exclusif ou principal à l’activité transférée sont mis à la disposition de cette société.
Une convention conclue entre le port autonome de Strasbourg et sa filiale détermine les conditions de mise à disposition du salarié. Elle prévoit les modalités de remboursement au port autonome de la rémunération du salarié ainsi que toutes les cotisations et contributions y afférentes.
En cas de difficultés économiques conduisant à la suppression de l’emploi occupé par le salarié mis à disposition, la filiale peut résilier la convention de mise à disposition. Le salarié réintègre alors de plein droit le port autonome de Strasbourg. La filiale verse au port autonome de Strasbourg une somme d’un montant égal à l’indemnité qui aurait été due au salarié s’il avait été licencié pour motif économique. – (Adopté.)
Article 53 bis
(Non modifié)
À la fin de l’intitulé du chapitre Ier, aux premier et avant-dernier alinéas de l’article 1er, aux premier et dernier alinéas de l’article 2, à la fin de l’intitulé du chapitre II, au premier alinéa, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa et au dernier alinéa du I, au II, deux fois, au III, trois fois, et au IV de l’article 6, au premier alinéa, à la fin du 4°, à la première phrase du neuvième alinéa, au dixième alinéa et à l’avant-dernier alinéa, deux fois, de l’article 7, à la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article 7-1, au premier alinéa et à la fin du 2° de l’article 7-2, aux première et seconde phrases du premier alinéa, au treizième alinéa et au dernier alinéa, deux fois, de l’article 7-3, au premier alinéa de l’article 7-4, à la première phrase de l’article 8, à la première phrase du premier alinéa et au 2° du I, à la première phrase du premier alinéa du II et au III de l’article 9, aux premier et second alinéas de l’article 10 et à l’article 11 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 ²²juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, à la première colonne de la quarante-deuxième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et à la fin du premier alinéa de l’article 5 et à l’article 9 de la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d’investissement, les mots : « BPI-Groupe » sont remplacés par le mot : « Bpifrance ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 53 bis du projet de loi présente un aspect assez formel puisqu’il s’agit simplement de procéder à un petit ajustement, en remplaçant « BPI-Groupe » par « Bpifrance ».
On le voit, la portée normative de cet article est donc limitée, et le fait d’adopter ou de rejeter les dispositions que celui-ci contient paraît assez secondaire. Toutefois, l’occasion nous est ainsi offerte de revenir sur le bilan de la loi créant la Banque publique d’investissement, dite Bpifrance, et sur le rôle que l’établissement est censé jouer dans le paysage économique et financier du pays. Certes, nous avons déjà abordé le sujet avant l’interruption de nos travaux, mais quelques éclaircissements complémentaires me semblent nécessaires.
Le rapport annuel de Bpifrance, que tous les parlementaires ont pu recevoir, précise certaines données.
Le bilan de l’organisme, tout d’abord, fait apparaître 5,6 milliards d’euros « disponibles » à la vente.
Ces actifs ne sont que les titres cantonnés un temps dans le Fonds stratégique d’investissement - le FSI -, titres susceptibles d’être liquidés pour allouer le produit des cessions au financement des différentes actions de la banque. Ainsi, en 2013, selon le rapport annuel de l’établissement, les cessions de titres réalisées ont représenté près de 1,2 milliard d’euros, permettant de réaliser plus de 400 millions d’euros de plus-values, ce qui correspond à un taux de plus-value de 35 %.
On pourrait estimer qu’il s’agit là d’une gestion avisée du patrimoine mobilier ayant été cantonné dans le périmètre de Bpifrance lors de sa création. Mais l’activité de la banque, de ce fait, s’apparente à celle d’une sorte de « super-club d’investissement » cédant ou achetant des titres en fonction des opportunités offertes par le marché boursier.
Les plus-values de cession de titres constatées s’avèrent en effet supérieures au montant du résultat net bancaire, même si celui-ci n’a couvert qu’une partie de l’année. En d’autres termes, le résultat de Bpifrance repose uniquement sur l’accumulation des gains de cession et des dividendes perçus à raison de la composante de son passif !
En outre, Bpifrance continue, pour l’essentiel, à souscrire ses ressources sur les marchés financiers à titre onéreux. Ainsi les activités de crédit sont-elles financées à 53 % par des émissions obligataires, essentiellement composées de titres offrant un intérêt égal au taux Euribor à trois mois plus 10 à 15 points de base. À hauteur de 33 %, les ressources de ces activités de crédit sont assises sur la sollicitation des détenteurs de livrets de développement durable. Le solde repose sur des emprunts bilatéraux.
Il faut également noter que Bpifrance, pleine de sollicitude à l’égard des détenteurs de capitaux à la recherche de produits obligataires rentables, a opté, lors de ses plus récentes émissions, pour la mise sur le marché d’obligations de moyen et long termes au taux fixe de 0,75 %. La banque anticipe-t-elle, ce faisant, une remontée des taux dans quatre ou cinq ans ?… Quoi qu'il en soit, il serait sans doute temps, pour elle, de passer plus directement par la Banque centrale européenne et de procéder, dans le cadre de la politique de quantitative easing, au refinancement intégral de ses engagements.
En effet, la réalité du coût de collecte des ressources conditionne une offre de prêt difficile à supporter pour un certain nombre d’entreprises, surtout dans un contexte où les tendances déflationnistes, sous le triple effet de la baisse du prix des matières premières, de la réduction du coût du crédit et de la pression permanente sur le trop fameux « coût du travail », demeurent fortes.
Comment faire face aux contraintes d’un prêt de Bpifrance, même, comme dans un certain nombre d’opérations, avec un différé d’amortissement et une bonification par l’État, alors que la concurrence s’exerce de plus en plus à travers la baisse des prix de vente ? La question mérite sans doute d’être posée.
Bpifrance va, par exemple, se retrouver au premier rang de l’opération de financement des activités de recherche et développement du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le groupe LFB, en apportant 250 millions d’euros, soit l’équivalent des capitaux propres inscrits au bilan de cet établissement. Comment un engagement de 250 millions d’euros pourrait-il être rémunéré par une entreprise dont le chiffre d’affaires est aujourd’hui inférieur à 500 millions d’euros et le résultat net comptable tout juste supérieur à 10 millions d’euros ?
Au-delà de son changement de dénomination et de caractère, Bpifrance n’est pas encore vraiment l’établissement que l’on pouvait attendre. Il serait temps, me semble-t-il, de voir comment il peut devenir une véritable banque publique.
M. le président. L'amendement n° 1746, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
à l'article 11
par les mots
au premier alinéa de l'article 11
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement est purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 53 bis, modifié.
(L'article 53 bis est adopté.)
Article 53 ter
(Non modifié)
Après l’article 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, il est inséré un article 40-1 ainsi rédigé :
« Art. 40-1. – Pour les entreprises publiques, au sens du II de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques, soumises à l’obligation prévue à l’article 37 de la présente loi, le dépassement du délai maximal de paiement fixé par décret, recherché et constaté dans les conditions fixées aux articles L. 450-1 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce, est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut dépasser 375 000 €. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2 du même code. Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. » – (Adopté.)
Article 53 quater
(Non modifié)
La mission d’aménager et de gérer le marché d’intérêt national de Paris-Rungis ainsi que toutes les installations se rapportant directement à l’activité de ce marché est confiée par l’État à la société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région parisienne jusqu’au 31 décembre 2050.
M. le président. L'amendement n° 1747, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer l'année :
2050
par l'année :
2049
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L'article 53 quater, introduit par l'Assemblée nationale, vise à prolonger de seize ans la mission de gestion et d'aménagement du marché de Rungis confiée à la SEMMARIS. Cette mission s'achèverait ainsi en 2050, et non plus en 2034, la prolongation devant permettre à la société d'amortir d'importants investissements, ce qui ne semble pas possible avec la date actuelle de fin de concession.
Le principe de cette prolongation a été admis par la commission spéciale.
Cependant, le Gouvernement devait nous transmettre des éléments permettant d'apprécier la pertinence de l’échéance de 2050 au vu de la durée des investissements envisagés. Or, à ce jour, je n’ai reçu aucun élément, ni de la part du Gouvernement ni de celle de la SEMMARIS. Lors de l’examen de l’amendement tendant à introduire cet article additionnel, le Gouvernement s’en était d’ailleurs remis à la sagesse de l’Assemblée nationale : peut-être manifestait-il par là des doutes quant à la date retenue pour la fin de la concession...
Cet amendement vise donc à maintenir l'article 53 quater du projet de loi dans la navette, afin que les travaux sur la date de fin de la concession puissent se poursuivre et que le Parlement soit finalement en mesure d'émettre un vote parfaitement éclairé sur ce sujet.
Bien entendu, si Mme la secrétaire d’État nous apportait dans quelques instants des éléments de réponse plus détaillés, nous pourrions retirer cet amendement et voter l’article conforme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite s’en remettre à la sagesse du Sénat car, à ce jour, nous ne disposons pas de tous les éléments qui permettraient de trancher définitivement cette question. Un travail approfondi a été mené par les services du ministère et ceux de la SEMMARIS sur le plan d’investissement ainsi que sur les conditions d’exercice du mandat de gestion. Néanmoins, il paraît nécessaire que ces travaux puissent être conduits à terme. D’autres éléments pourront ainsi être apportés avant la fin de la navette parlementaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 53 quater, modifié.
(L'article 53 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 53 quater
M. le président. L'amendement n° 1413 rectifié, présenté par Mme Lamure et M. Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 53 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 311-4 du code monétaire et financier est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les opérations de paiement entre les personnes morales de droit public mentionnées au 2° de l’article premier du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique sans qu'aucun autre prestataire de services de paiement que l’une de ces personnes morales fasse office d'intermédiaire. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à faciliter la diffusion de solutions de paiement innovantes et dématérialisées par les collectivités. Son adoption permettrait d’étendre au secteur public une dérogation au monopole des prestataires de services de paiement existant dans le secteur privé.
Ainsi, concrètement, les collectivités territoriales pourraient utiliser pleinement les services de paiement innovants, comme le prélèvement SEPA – Single Euro Payments Area –, pour le recouvrement des recettes récurrentes. En effet, une de leurs préoccupations majeures est de diminuer le point mort financier de gestion de leurs recettes, c’est-à-dire le seuil où le coût de traitement du recouvrement équivaut à la recette recouvrée.
Le développement du prélèvement SEPA permet en outre de remplacer progressivement le chèque, dont les coûts de traitement sont extrêmement importants.
Les usages internet et la dématérialisation des services de paiement sont facteurs de fiabilité, de baisse des coûts et de modernité. Cet amendement répond donc aux objectifs du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à faciliter la diffusion de solutions de paiement innovantes et dématérialisées par les collectivités territoriales. Autrement dit, il tend à réduire la part des chèques – par exemple pour le règlement des cantines scolaires – au profit de moyens de paiement beaucoup plus modernes et rapides.
Sur le fond, la commission spéciale adhère entièrement à l’intention des auteurs de l’amendement. Toutefois, il ne nous a pas été possible d’expertiser véritablement cette mesure et de savoir si sa rédaction permettait d’atteindre l’objectif visé.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Cet amendement prévoit d’étendre aux collectivités territoriales la dérogation au monopole des prestataires de services de paiement existant, dans le cadre de la collecte des recettes issues de la gestion des cantines scolaires, des associations sportives et des services culturels.
Je rappelle que, outre l’obligation de dépôt au Trésor public des fonds libres des collectivités territoriales, il existe un principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable. C’est pourquoi je ne peux donner un avis favorable sur cet amendement.
Cela étant, la direction générale des finances publiques a mis en place des outils qui permettent aux collectivités territoriales de disposer de moyens de paiement modernes ; le portail TIPI – titres payables sur internet –, en particulier, prévoit le paiement par carte bancaire. Et l’ancien maire que je suis peut vous dire que cela fonctionne !
M. le président. Cela dépend de l’endroit où l’on se trouve, madame la secrétaire d’État !
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Lors des débats en commission spéciale, on nous a laissé entendre que notre dispositif constituait une solution intéressante. Il s’agit d’un outil à la fois moderne et susceptible d’engendrer des économies très intéressantes pour les collectivités territoriales.
Par conséquent, je souhaite que cet amendement soit soumis au vote du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53 quater.
Chapitre III
Industrie
Article 54
(Non modifié)
Après l’article L. 592-28 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 592-28-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 592-28-1. – L’Autorité de sûreté nucléaire coopère dans ses domaines de compétence avec les autorités compétentes des autres États. À la demande de ces dernières, elle peut fournir des prestations de conseil et peut mener des missions d’appui technique dans le cadre de conventions, qui peuvent prévoir le remboursement des frais exposés.
« L’Autorité de sûreté nucléaire peut examiner la conformité des options de sûreté des modèles d’installations nucléaires destinées à l’exportation aux obligations applicables en France au même type d’installation. Elle est saisie selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article L. 592-29 et elle rend publiques les conclusions de cet examen. »
M. le président. L'amendement n° 466, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article 54 vise à permettre à l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, de percevoir une rémunération lorsqu’elle coopère avec ses homologues étrangers et de procéder à l’examen de conformité du matériel destiné à l’export.
Or l’ASN est une autorité indépendante et doit, à ce titre, être au-dessus de tout soupçon puisqu’elle est chargée de donner aux opérateurs des consignes dont elle est chargée de garantir le respect. Dès lors, intégrer une dimension financière dans les échanges qu’elle noue avec les autorités de sûreté nucléaire étrangères ne nous semble pas être un moyen de garantir le respect de cet impératif.
Considérant qu’il s’agit là d’un problème éthique majeur, les écologistes souhaitent que les relations entre autorités de sûreté nucléaire restent désintéressées.
De plus, l’alinéa 3 de l’article 54 pose également problème. Il prévoit en effet que l’ASN examine « la conformité des options de sûreté des modèles d'installations nucléaires destinées à l'exportation ». Or l’ASN n’est pas un bureau d’études. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, pourrait parfaitement tenir ce rôle.
Par ailleurs, l’ASN est une autorité dont la vocation est de prendre des décisions. Or la rédaction de l’article 54 ne précise pas le sort que l’on réserve aux avis de l’Autorité et ne lui donne pas les moyens de s’opposer à l’exportation d’une centrale nucléaire.
Enfin, l’alinéa 2 de l’article prévoit que l’ASN est rémunérée par l’entreprise exportatrice, ce qui signifie qu’elle deviendra la cliente de groupes comme EDF ou AREVA. Cela pose là encore un problème de déontologie et d’éthique.
Pour toutes ces raisons, et afin de préserver l’indépendance de l’ASN, nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement, qui a déjà été repoussé en commission spéciale, s’inscrit dans l’opposition de principe qu’exprime le groupe écologiste vis-à-vis de tout ce qui concerne la filière nucléaire. Or cette position est en l’occurrence contradictoire, car, comme je l’ai dit lors en commission, l’article 54 garantira le haut niveau de sécurité des réacteurs français labellisés à l’export. Il favorise donc la sécurisation de ces installations, ce à quoi, me semble-t-il, les écologistes devraient être favorables.
Par conséquent, nous sommes opposés à la suppression de l’article 54 et émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, comme il l’avait été, à l’Assemblée nationale, à un amendement de même nature.
Le dispositif de l’article 54 offre à l’ASN, qui est l’une des autorités de sûreté nucléaire les plus réputées du monde, la possibilité d’analyser la sûreté d’un réacteur nucléaire destiné à l’export, alors que le cadre actuel ne prévoit pas cette faculté. Cette analyse de sûreté pourra donc être valorisée dans le cadre d’une offre à un pays tiers.
L’ASN a d’ailleurs déjà rendu une telle analyse de sûreté concernant le réacteur ATMEA 1, en Turquie. Pour cette étude, elle avait été rémunérée par AREVA.
De telles pratiques ayant vocation à se renouveler, il est préférable de les encadrer juridiquement plutôt que de laisser l’ASN et AREVA mettre en œuvre ces partenariats de manière discrétionnaire.
Il ne s’agit donc en aucun cas d’une remise en cause de l’indépendance de l’ASN. Cette dernière pourra émettre des analyses en toute autonomie, de sorte qu’elles pourront se révéler aussi bien positives que négatives.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je pense que l’ASN est reconnue dans le monde entier pour la qualité de son expertise. Lorsqu’elle est appelée à établir des diagnostics, elle représente aussi l’excellence française ! Il ne faut pas priver d’un fondement législatif cette activité de l’ASN qui lui permet de valoriser encore plus son expertise.
M. Charles Revet. Ce serait en effet dommage !
Mme Nicole Bricq. Les auteurs de l’amendement formulent une critique de fond sur le mode de financement de l’ASN : son indépendance ne serait plus assurée dès lors qu’elle serait rétribuée. Mais pourquoi se focaliser ainsi sur l’ASN ? Il existe de nombreuses autres autorités indépendantes qui bénéficient de tels financements – je pense en particulier à celles qui interviennent dans le domaine de la santé – et qui pourraient alors faire l’objet d’une telle critique.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Nicole Bricq. Dès lors que cette activité de l’ASN a un fondement législatif, qu’elle est encadrée juridiquement, qu’il existe un code de déontologie et que cette autorité ne se prive pas d’exprimer ses avis, y compris sur les centrales nucléaires françaises, nous avons une garantie de son indépendance. Elle n’est ainsi nullement inféodée et agit vraiment en tant qu’autorité indépendante.
Je pense donc qu’il n’est pas raisonnable de vouloir priver ses interventions en tant qu’expert de fondement législatif, d’autant que cette expertise est largement reconnue, et qu’il n’est pas opportun de contester son mode de financement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je reconnais la qualité du travail de contrôle de l’ASN. C’est précisément la raison pour laquelle je souhaite qu’elle demeure une haute autorité indépendante, qu’elle se cantonne à ce rôle-là et que, précisément, elle ne participe pas à des études portant sur des marchés. L’ASN n’est pas un bureau d’études ! Un bureau d’études est toujours un peu lié par les avis ou les conseils qu’il a formulés précédemment. Je pense donc que l’ASN doit rester une autorité indépendante et qu’il appartient à une autre structure d’assurer la fonction qu’occupe traditionnellement un bureau d’études.
Enfin, je suis d’accord avec Mme Bricq lorsqu’elle dit que l’ASN n’est pas la seule autorité qui se trouve liée à des entreprises. Mais c’est ce qui m’amène, moi, à considérer qu’il faut également maintenir l’indépendance des autorités de contrôle des médicaments et séparer, d’une manière générale, la fonction d’autorité de contrôle et celle de bureau d’études.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. L’amour de M. Desessard et du groupe écologiste pour l’ASN est à géométrie variable… Lorsque l’ASN rend ce qui constitue à vos yeux de bonnes conclusions, mon cher collègue, c'est-à-dire des conclusions mettant en cause la fiabilité de certaines centrales, vous portez l’ASN aux nues. En revanche, lorsque l’ASN rend des conclusions qui ne vous conviennent pas, elle devient un instrument horrible ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
L’ASN est pourtant l’une des autorités les plus indépendantes par rapport à ses équivalents étrangers.
M. Jean Desessard. Oui, parfois…
M. Ladislas Poniatowski. Elle a fait la preuve d’une véritable indépendance, notamment sur un sujet « chaud » bien connu, celui de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires. En comparaison avec ce qui se passe aux États-Unis, où l’Autorité de sûreté nucléaire américaine a soudain autorisé la prolongation de la durée de vie des 78 réacteurs nucléaires américains jusqu’à soixante ans, nous avons en France une vraie autorité indépendante, et respectée.
Mme Bricq a tout à fait raison de considérer que, au travers du vote de cet article, il y va de la bonne image de cette autorité et notamment de son rôle dans nos exportations. L’expertise que réalise parfois l’ASN sur des réacteurs français qui sont exportés dans des pays étrangers relève, j’en conviens, d’une mission différente de celles qui lui sont habituellement confiées, mais elle n’en est pas moins importante, et vous devriez, cher collègue Desessard, reconnaître que cette autorité s’en acquitte de manière remarquable. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement : permettez donc à l’ASN de continuer à assumer cette mission !
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 466 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je maintiens mon amendement, monsieur le président, car je ne suis pas à géométrie variable ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 467, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
exportation
insérer les mots :
ainsi que l’organisation de la sûreté nucléaire et de la sécurité dans le pays d’accueil
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit là d’un amendement de repli.
Si l’ASN doit vérifier la conformité des équipements nucléaires destinés à l’export aux normes de sûreté françaises, nous estimons qu’elle doit a minima examiner aussi les conditions de sécurité dans lesquelles ces installations sont implantées dans le pays d’accueil. Des équipements français, même s’ils sont élaborés avec les meilleures normes, ne sont pas sûrs dès lors que les installations d’accueil ne le sont pas.
De surcroît, la notion de sécurité qui figure dans cet amendement ne correspond pas à la seule sûreté technique : elle prend également en considération le contexte du pays d’accueil. Cette garantie est primordiale dès lors que nous exportons nos équipements dans des pays dont la stabilité politique n’est pas toujours assurée.
Notre amendement permettra ainsi à 1’ASN de s’opposer à l’export de technologies lorsque celles-ci pourraient être utilisées dans une zone de conflit ou être menacées par une situation géopolitique dangereuse.
Le nucléaire n’est pas une technologie d’exportation comme les autres. Avec cet amendement, nous souhaitons par conséquent inscrire dans la loi la nécessité de la précaution.
Je reviens un instant à l’amendement précédent : une haute autorité doit absolument être dégagée de toute relation financière avec les structures sur lesquelles elle est amenée à exercer son expertise. L’indépendance implique l’absence de lien financier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Cet amendement tend à élargir considérablement le champ de compétences de l’ASN puisque celle-ci devrait examiner aussi l’organisation de la sûreté nucléaire et de la sécurité dans le pays d’accueil des équipements nucléaires destinés à l’export.
Vous en conviendrez, monsieur Desessard, l’ASN outrepasserait alors largement le périmètre de ses prérogatives : elle est en effet une autorité nationale qui ne dispose pas des moyens de se prononcer sur une organisation interne à un pays tiers ; elle n’a d’ailleurs pour cela ni mandat ni légitimité.
Adopter une telle mesure serait extrêmement préjudiciable et peut-être même source de tensions juridiques, diplomatiques et politiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Il est également défavorable, pour les raisons que Mme la corapporteur vient d’exposer.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur Desessard, franchement, votre proposition est loufoque ! Accepteriez-vous que l’autorité de sûreté nucléaire américaine ou japonaise prétende contrôler un équipement en France ? Bien sûr que non ! Or vous proposez que la nôtre mette son nez dans les affaires nationales d’autres pays…
Soyez sérieux, mon cher collègue, et retirez cet amendement !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. M. Desessard vient de nous expliquer que l’Autorité de sûreté nucléaire devait travailler sans être financée. Je vous rappelle que, lorsque l’accident de Fukushima s’est produit, c’est le diagnostic de l’ASN qui a été jugé le plus pertinent. Pensez-vous que les employés de cet organisme sont partis bénévolement au Japon parce qu’ils ne savaient pas quoi faire de leur week-end ? Qu’ils s’y sont rendus après avoir eu l’idée de consulter des dépêches de presse ? (Sourires.)
À la vérité, c’est dans le cadre de procédures précises que les ingénieurs et les scientifiques de cette agence ont dressé un diagnostic non seulement plus rapide que celui des autorités japonaises, mais aussi beaucoup plus pointu, ainsi que cela a d’ailleurs été reconnu. Serait-il normal que de tels travaux soient financés par les contribuables français, via les fonds alloués par l’État à l’Autorité de sûreté nucléaire ?
M. Desessard nous dit : que l’ASN réponde donc à des appels d’offres ! Mon cher collègue, savez-vous combien de temps durent de telles procédures ? Pensez-vous que, lorsque survient un accident, ou même un incident, il soit possible de respecter les délais imposés par les différentes législations nationales en matière d’appels d’offres avant de décider quel organisme sera chargé d’établir un diagnostic ?
Je reprends à mon compte l’adjectif qu’a employé Ladislas Poniatowski : le mot « loufoque » est bel et bien celui que mérite l’argumentation de M. Desessard, et j’espère, mon cher collègue, que vous ne m’en voudrez pas de le dire.
Au demeurant, je suis surpris que le groupe CRC ait voté, il y a quelques instants, l’amendement n° 466…
M. le président. Je mets aux voix l'article 54.
(L'article 54 est adopté.)
Article additionnel après l’article 54 (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 115, tendant à insérer un article additionnel après l’article 54, a été précédemment examiné.
Article 54 bis A
(Non modifié)
Après le 7° du II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les conditions dans lesquelles est favorisée l’ouverture au public des données relatives à la composition des déchets dont les éco-organismes ont en charge la prévention et la gestion. »
M. le président. L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Darnaud, Genest, B. Fournier, Pierre, Grosdidier, Milon et Grand, Mmes Lamure et Micouleau et MM. Longuet et Bouchet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 8° Les conditions et limites dans lesquelles sont encouragées les démarches d’open data des données relatives au domaine des déchets. »
La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. L’article 54 bis A impose une nouvelle obligation aux éco-organismes : leurs cahiers des charges devront désormais préciser « les conditions dans lesquelles est favorisée l’ouverture au public des données relatives à la composition des déchets dont » ils « ont en charge la prévention et la gestion ».
Cette nouvelle disposition n’est pas optimale, faute de prendre en compte le problème du secret industriel. En effet, un éco-organisme ne peut pas obliger un industriel à révéler la composition d’emballages ou de produits qui sont le fruit d’investissements de recherche et développement.
En outre, si les sociétés qui mettent un produit sur le marché disposent d’informations sur la nature de celui-ci, force est de constater que la composition du déchet n’est pas forcément identique à celle du produit ; la première dépend du contexte et des choix de consommation, sur lesquels les éco-organismes non plus que les industriels n’ont de prise.
Ces dernières années, enfin, certains éco-organismes ont déjà mis en place différents outils, en particulier des sites internet, pour assurer la publication de ces données de manière transparente et gratuite.
C’est pourquoi les auteurs de cet amendement proposent de modifier la rédaction de l’alinéa nouveau que l’article 54 bis A du projet de loi introduit à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, en vue d’assurer un juste équilibre entre la nécessité de rendre les données accessibles et celle de respecter le secret des affaires industrielles. L’adoption de cet amendement de compromis offrirait aux entreprises de recyclage de nouvelles opportunités de développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je constate que la rédaction proposée par M. Darnaud pour l’alinéa 2 de l’article 54 bis A n’est guère différente de celle qu’a adoptée la commission spéciale. Notre collègue souhaite simplement élargir le champ d’ouverture au public des données relatives aux déchets dont les éco-organismes ont la charge, filière par filière.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 54 bis A prévoit la possibilité de mettre à la disposition du public les données touchant à la composition des déchets collectés et traités par les éco-organismes. Cette ouverture déjà importante est de nature à favoriser, selon les filières, le réemploi et la réutilisation. La commission spéciale l’a jugée suffisante et s’est prononcée contre l’amendement n° 195 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à clarifier la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 54 bis A, aux termes duquel les cahiers des charges établis lors du renouvellement des agréments des éco-organismes devront préciser la manière dont ces organismes rendront publiques certaines données relatives aux déchets.
Je suggère seulement à M. Darnaud une rectification de son amendement consistant à substituer à l’anglicisme « open data » l’expression française « ouverture des données ». Je crois que cette modification était l’objet d’un sous-amendement présenté par M. Placé, qui l’a ensuite retiré. Quoi qu’il en soit, il me semble que la Haute Assemblée ferait œuvre utile en adoptant une rédaction parfaitement française.
M. le président. Monsieur Darnaud, acceptez-vous de rectifier votre amendement ainsi que le suggère Mme la secrétaire d’État ?
M. Mathieu Darnaud. J’y consens volontiers, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 195 rectifié bis, présenté par MM. Darnaud, Genest, B. Fournier, Pierre, Grosdidier, Milon et Grand, Mmes Lamure et Micouleau et MM. Longuet et Bouchet, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 8° Les conditions et limites dans lesquelles sont encouragées les démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 54 bis A, modifié.
(L'article 54 bis A est adopté.)
Article 54 bis
I. – Le III de l’article 266 quindecies du code des douanes est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « , et des biocarburants produits à partir de matières premières d’origine animale ou végétale, énumérées à l’article 21 de la directive 2009/28/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/ CE et 2003/30/ CE, » sont supprimés.
2° La seconde phrase du 2° est supprimée.
II (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Je tiens à souligner l’intérêt qui s’attache à cet article, destiné à soutenir le développement des biocarburants produits à partir de matières d’origine animale et d’huiles alimentaires usagées.
Si l’on connaît assez bien les biocarburants incorporés dans l’essence, comme le bioéthanol, et les esters méthyliques d’huile végétale incorporés dans le gazole, les esters méthyliques d’huile animale, les EMHA, et les esters méthyliques d’huile usagée, les EMHU, sont nettement moins connus. Or ces derniers présentent le double avantage de ne pas être en concurrence avec l’alimentation humaine ou animale, à la différence de ceux qui entrent dans la composition du bioéthanol et du biodiésel, et de présenter un bilan plus favorable sur le plan de la réduction des gaz à effet de serre.
Je salue les initiatives qui ont été prises pour encourager les filières françaises des EMHA et des EMHU, qui offrent des débouchés intéressants aux graisses animales issues des abattoirs et aux huiles usagées, en accord avec le principe de l’économie circulaire. Il convient d’aller plus loin encore pour soutenir leur développement.
Pour l’heure, la commission spéciale promeut « une approche raisonnable qui ne remet pas en cause l’équilibre général entre les filières de biocarburants d’origine végétale et celles des EMHA-EMHU ». Reste que ces dernières représentent un atout important dans la bataille engagée en faveur des énergies renouvelables et de la réduction des énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre. Je répète qu’elle présente également un grand intérêt du point de vue du développement de l’économie circulaire. Mes chers collègues, la production de biocarburants à partir de déchets et de résidus est une filière d’avenir !
Madame la secrétaire d’État, je n’ignore pas que la mesure contenue dans l’article 54 bis du projet de loi suppose de modifier le code des douanes au cours du présent exercice fiscal, ce qui pourrait être source de certaines difficultés. Je ne sais quel sort sera réservé à l’amendement de suppression que vous défendrez dans quelques instants. Quoi qu’il advienne, je ne saurais trop insister sur la nécessité d’encourager davantage encore les filières des EMHA et des EMHU, par exemple dans le cadre du prochain projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, sur l'article.
Mme Agnès Canayer. La part des esters méthyliques d’huile animale dans les biocarburants incorporés au diesel est depuis quelques années une question récurrente, à propos de laquelle aucun accord stable n’a pu être trouvé. Je rappelle qu’il s’agit de valoriser les carcasses animales en les transformant en huiles destinées à être incorporées dans le diesel, ce qui constitue une démarche d’économie circulaire et de mise en valeur des déchets.
Depuis le vote d’un amendement de Philippe Marini au projet de loi de finances rectificative pour 2010, le taux d’EMHA dans les biocarburants est régulièrement relevé ou abaissé au gré des textes de loi, sans qu’un consensus soit trouvé. Il ne s’agit pas de réduire la part des biocarburants d’origine végétale, mais d’assurer une complémentarité entre cette filière et celle des biocarburants d’origine animale.
Après que l’Assemblée nationale a figé la situation en adoptant un amendement dit « Caresche 2 », notre commission spéciale, sur l’initiative du corapporteur, a heureusement modifié le texte afin de la faire évoluer. Un amendement du Gouvernement et un autre de M. Bizet seront présentés dans quelques instants, qui visent à revenir aux situations antérieures, notamment à celle issue de la loi de finances pour 2014. Cette forte instabilité, critiquée par les professionnels, devient ubuesque.
Pour soutenir le développement des EMHA, il convient, d’une part, d’assurer une stabilité fiscale et juridique favorable aux investissements et à la pérennisation de la filière et, d’autre part, de faire jouer un mécanisme souple et réactif pour adapter les taux à la capacité de production nationale, ce que permet le recours à un arrêté.
Au Havre, où est établie l’entreprise qui produit les huiles d’origine animale, la question est prégnante ; au-delà des professionnels, elle préoccupe tous les habitants. Je souhaite donc que les parlementaires dont les territoires sont concernés soient associés à la préparation des évolutions futures, ou du moins informées de celles-ci, s’il doit y en avoir.
Je suis favorable à la rédaction adoptée par la commission spéciale pour l’article 54 bis : elle fixe dans la loi la valeur du taux cible de la taxe générale sur les activités polluantes ainsi que le taux maximal d’incorporation et renvoie au pouvoir réglementaire les autres mesures devant être prises.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, sur l'article.
M. Jean-Pierre Vial. La question du lien que l’industrie, dont traite le chapitre III du titre II du projet de loi, entretient avec l’énergie nous rappelle le débat très intéressant qui s’est tenu dans cet hémicycle il y a quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi présenté par Mme Royal relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, au sujet des industries électro-intensives.
Lorsque le débat sur la transition énergétique avait été lancé, Mme Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, avait invité son homologue allemand, M. Peter Altmaier, qui, après s’être félicité que la France ouvre ce débat, avait conclu son propos en soulignant la nécessité d’établir un lien entre la transition énergétique et l’enjeu industriel – une conclusion qui avait dû en surprendre plus d’un, mais que l’on comprend mieux si l’on considère les moyens consacrés par nos voisins allemands au soutien de leurs industries électro-intensives.
À ce sujet, je souligne que la forte dégradation que notre industrie a subie, alors que, il y a quelques années, nous faisions jeu égal avec les Allemands, correspond à 6 gigawatts. En d’autres termes, notre situation énergétique actuelle, dont nous nous félicitons, résulte autant de la dégradation malheureuse de notre secteur industriel que des économies réalisées par les consommateurs.
Les électro-intensifs constituent un enjeu important, puisque ce secteur représente 100 000 emplois directs, 400 000 emplois indirects et plus de 500 entreprises. En outre, comme je le soulignais à l’instant, ce sont six gigawatts qui seraient concernés si ce secteur se trouvait malmené.
Dans ce secteur, la compétition internationale fixe le prix de référence à entre 25 et 30 dollars, ce qui correspond à peu près aujourd’hui à entre 25 et 30 euros, compte tenu du taux de change.
Jusqu’à ce jour, les entreprises françaises ont pu résister à cette situation grâce à des dispositions que nous connaissons bien, comme l’article 8, le tarif vert, ou encore les contrats spécifiques. Il est facile d’estimer la valeur de ces dispositifs lorsque l’on considère que nos voisins allemands, espagnols, italiens mobilisent entre 300 et 700 millions d’euros pour soutenir ce secteur industriel. Le seul article 8 équivaudrait – je parle sous votre contrôle, madame la secrétaire d’État – à entre 250 et 300 millions d’euros.
Cette situation n’est pas nouvelle, et certaines solutions ont d’ailleurs été au cœur des débats parlementaires depuis plusieurs années, par exemple s'agissant de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, ARENH, ou d’Exeltium. Je rappelle que, par rapport aux prix de référence internationaux que j’évoquais à l’instant, l’ARENH est aujourd’hui de 42 euros par mégawattheure, et certains souhaiteraient même le voir passer à 50 euros ; Exeltium, quant à lui, est à plus de 45 euros. Je ne puis ici que me référer à l’excellent article paru il y a quelques jours dans Les Échos, qui dresse ce constat.
Face à cette situation, de nombreux dispositifs sont donc prévus, et nous allons en examiner quelques-uns dans un instant, à commencer bien sûr par l’interruptibilité. Madame la secrétaire d’État, un tel dispositif est, en réalité, une subvention directe à l’industrie. Or je rappelle que l’Europe est très attentive à ce type de disposition. Elle a d’ailleurs engagé une procédure contre une entreprise italienne, le groupe Alcom, et exigé une amende de quelque 250 millions d’euros.
Nombreux sont ceux qui fondent de grands espoirs sur le dispositif hydraulique. Sur ce point, je rappelle la situation que nous avons évoquée dans le cadre de l’examen du projet de loi de transition énergétique, à savoir la difficulté de mobiliser des sociétés d’économie mixte qui seraient porteuses de l’hydraulique de barrage. Le problème majeur résulte du prix de cette énergie, puisque celui-ci se situe entre 60 et 130 euros, ce qui n’est pas compatible avec cette industrie. Le secteur de l’hydraulique au fil de l’eau présente les mêmes difficultés et il est lui aussi suivi de près par l’Europe.
Madame la secrétaire d’État, l’amendement qui sera présenté tout à l’heure tend à s’inscrire dans le prolongement des débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique. Nous souhaitons que les industriels de l’électro-intensif puissent bénéficier d’une consommation au tarif de la valeur du marché. Celui-ci n’a d’ailleurs cessé de se dégrader depuis quelques années : en 2011, il était de 42,9 euros, contre 33 euros en 2012 et 29 euros en 2014.
Mes chers collègues, je souhaitais attirer dès maintenant l’attention sur ce dispositif, qui me paraît particulièrement important pour notre industrie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, je me vois dans l’obligation de vous rappeler que nous venons d’examiner dix amendements en une heure et demie, et pas un de plus, et qu’il nous reste encore 400 amendements à examiner jusqu’à jeudi, veille du 8 mai ; peut-être la séance de nuit sera-t-elle ouverte ce jour-là. D’après le rythme auquel nous avançons, vous pouvez calculer le temps dont nous aurions encore besoin.
Je vous invite donc humblement à être plus concis dans vos interventions et à vous exprimer au moment de l’introduction de l’article, et non en amont de celui-ci, même si je comprends les contraintes de chacun, surtout dans les périodes où les réunions sont nombreuses ; cela permettrait un débat plus fluide, plus rapide et plus clair pour tout le monde.
Je me permets de vous faire cette recommandation en insistant sur le peu de temps dont nous disposons. Nous avons pris le temps nécessaire pour aborder la question du travail le dimanche. Par ailleurs, je suis tout à fait disposé, avec la commission et le Gouvernement, à vous répondre autant qu’il le faudra sur les sujets de fond du texte, mais je pense qu’il serait préférable de restreindre le nombre de discussions, ou en tout cas d’éviter les débats trop longs, du moins quand nous le pouvons. S’il le faut, nous serons là le 8 mai et au-delà, mais de grâce, essayons de tenir le calendrier qui a été fixé.
M. le président. L'amendement n° 1603, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’article 54 bis est relatif aux biocarburants. Les biocarburants dits « avancés », issus de déchets et de résidus, ainsi que de la valorisation des graisses animales, présentent un intérêt au regard du développement de l’économie circulaire et de la transition énergétique, et ce secteur mérite d’être soutenu.
Néanmoins, ce soutien doit être fait en bonne intelligence avec les biocarburants de première génération liés au colza, qui permettent aux agriculteurs de réaliser un investissement très intéressant.
Cet article a fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale : un amendement a été adopté en commission, puis modifié en séance. L’article, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale, présente des difficultés juridiques ; un travail d’examen est d’ailleurs en cours.
Le mécanisme de double comptage au titre de la taxe générale sur les activités polluantes, ou TGAP, dont les biocarburants avancés sont exonérés, vise un objectif d’incorporation de 0,35 % d’esters méthyliques d’huiles animales, ou EMHA, et d’esters méthyliques d’huiles usagées, ou EMHU, créant ainsi un mécanisme de cloisonnement. En effet, sur ces 0,35 % d'EMHA-EMHU, au moins 0,25 % devra être produit à partir de matières premières françaises, ce qui n’est pas compatible avec le droit européen.
La rédaction de l’article proposée par la commission spéciale pose également des difficultés, car elle conduirait à rompre l’équilibre entre les biocarburants de première génération et les biocarburants avancés. En effet, elle supprime le seuil de 0,35 % de double comptage pour l’exonération de TGAP dont bénéficient les biocarburants avancés. Ceux-ci, dont la plupart sont importés, je le rappelle, se retrouveraient ainsi trop favorisés au détriment des biocarburants agricoles, puisque le plafond global d’incorporation de 7 % ne change pas.
Les discussions entre les différents producteurs sont en cours et, à ce stade, faute d’accord entre ces derniers et de solution juridiquement satisfaisante, je propose de supprimer les dispositions de cet article 54 bis, dans la mesure où celui-ci n’a aucune stabilité juridique et pourrait même entraîner d’importantes difficultés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si aucune solution n’est trouvée dans les prochaines semaines, je vous propose de poursuivre la discussion lors de l’examen du projet de loi de finances, car le sujet doit être résolu et ces filières soutenues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. J’émets un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement, puisqu’il vise à supprimer le présent article, alors que la commission spéciale, Mme la secrétaire d’État y a fait référence, a adopté une nouvelle rédaction plus équilibrée que celle qui est issue de l’Assemblée nationale.
L’adoption des dispositions prévues par cet amendement empêcherait de soutenir le développement des biocarburants produits à partir de matières premières d’origine animale ou d’huiles usagées, c’est-à-dire les biocarburants EMHA et EMHU, qui, comme l’a dit notre collègue Agnès Canayer, offrent de nouveaux débouchés aux graisses animales issues d’abattoirs et impropres à l’alimentation.
La demande du Gouvernement de traiter la question dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances n’est en soit pas illégitime, mais le législateur peut se saisir du problème dès maintenant.
En outre, l’argument d’une rupture de l’équilibre avancé par le Gouvernement ne me paraît pas recevable, dans la mesure où la rédaction de la commission spéciale permet justement d’aider le Gouvernement à fixer la répartition entre les filières, et rien n’interdit ensuite de préciser l’exercice fiscal à partir duquel la mesure est effective.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission spéciale sur cet amendement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je suivrai Mme la corapporteur sur ce point. Je ne comprends pas la position du Gouvernement : madame la secrétaire d'État, vous dites qu’il faut développer cette filière tout en proposant un amendement qui tend à supprimer l’article 54 bis.
Comme l’a rappelé Mme Agnès Canayer, les produits qui servent de base à ces biocarburants avancés ne peuvent plus être consommés et proviennent de notre pays ; à cet égard, nous avons visité l’usine du Havre, qui fonctionne parfaitement. Aujourd’hui ces graisses animales et ces huiles usagées sont brûlées ; ne serait-il pas préférable de les réutiliser ?
Madame la secrétaire d’État, vous nous suggérez de revenir sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances. Pour ma part, je n’y suis pas opposé. Si des aménagements doivent être réalisés dans le code des douanes, rien ne vous empêchera de les faire au cours de l’exercice fiscal. Néanmoins, pour l’instant, il faut maintenir ce qui a été voté. Vous pourrez apporter les modifications nécessaires le moment venu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens la position de la commission, dans la mesure où cet enjeu est tout à fait stratégique pour la France.
On ne peut examiner un projet de loi sur la croissance et le développement économique sans donner des signes clairs aux industriels, afin de les inciter à investir au sein de notre territoire.
L’élevage animal est très étendu en France, par comparaison avec les autres territoires européens. Par conséquent, nous ne devons pas nous priver de tous ces sous-produits qui n’ont pas d’utilité humaine ; au contraire, il nous faut développer une utilisation et une revalorisation de ces matières. Nous ne devons pas attendre l’examen du projet de loi de finances, nous devons donner des signes clairs dès à présent.
Je me réjouis donc de la position de la commission spéciale.
M. le président. L'amendement n° 844 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé, Houel, Laménie, Lefèvre et Longuet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Perrin, Raison, Trillard et Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le III de l’article 266 quindecies du code des douanes est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le bénéfice du dixième alinéa du présent III est limité, pour les personnes mentionnées au I, à 0,35 % des quantités de carburants mis à la consommation l’année considérée pour les biocarburants incorporés aux gazoles routiers et non routiers dont au moins 0,25 % sont issus des biocarburants incorporés aux gazoles routiers et non routiers provenant de matières premières animales ou végétales, énumérées à l’article 21 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 précitée, collectées et transformées dans un processus d’économie circulaire.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés des douanes, de l’écologie, de l’énergie et de l’agriculture fixe les conditions et les modalités de mise en œuvre de l’avant-dernier alinéa du présent III. »
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Le présent amendement vise à rétablir la version existante de l’article 54 bis, tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale, conformément à la concertation en cours entre les autorités publiques et les parties intéressées. Il tend ainsi à se substituer à l’amendement n° 511 de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a choisi de ne pas maintenir l’amendement n° 511. L’amendement n° 844 rectifié vise à rétablir la rédaction du présent article, telle qu’elle est issue du débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Or la commission spéciale a adopté une rédaction différente.
Le texte, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale, prévoit un objectif d’incorporation de 0,35 % d’EMHA et d’EMHU, dont au moins 0,25 % devra être issu d’un processus d’économie circulaire. Nous avons plutôt cherché à mieux répondre aux préoccupations de la filière française des EMHA et EMHU, en maintenant dans la loi l’objectif global d’incorporation de 7,7 % de biocarburants et en renvoyant l’ensemble des autres éléments à un arrêté ultérieur.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Comme je l’ai dit tout à l’heure, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 54 bis présente un problème de compatibilité avec le droit européen, puisqu’il était prévu que, sur le pourcentage de 0,35 % d’EMHA-EMHU, au moins 0,25 % fût issu d’un processus d’économie circulaire. Ce dispositif n’étant pas stabilisé juridiquement, il devait être retravaillé.
Le texte adopté par la commission spéciale du Sénat soulève également des difficultés : certes, le seuil de 0,35 % est supprimé ; pour autant le plafond global d’incorporation de 7 % demeure.
Je le rappelle, les biocarburants avancés étant en partie importés, l’adoption de cette proposition se ferait au détriment des biocarburants agricoles français, en créant un important déséquilibre. Il convient donc de revoir ce dispositif au cours des prochaines semaines.
Nous soutenons la réflexion sur les biocarburants, notamment les biocarburants avancés ; néanmoins, nous devons faire en sorte de favoriser les filières françaises. Aussi, à défaut de disposer de tous les éléments nécessaires à notre réflexion dans les prochaines semaines, je vous propose d’attendre l’examen du projet de loi de finances, afin d’y introduire un dispositif opérationnel favorisant la production française.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. Madame Cayeux, l'amendement n° 844 rectifié est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 844 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 54 bis.
(L'article 54 bis est adopté.)
Article 54 ter
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le dernier alinéa de l’article L. 321-19 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette compensation est déterminée de façon à constituer une capacité totale interruptible permettant d’assurer le fonctionnement normal du réseau public de transport et à refléter le coût complet de la défaillance que l’interruption des consommateurs finaux concernés permet de prévenir ou de réduire. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. D’habitude, mon cher collègue, vous n’avez jamais le souffle court ni la démonstration aussi rapide ! (Rires.)
L'amendement n° 264 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 54 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 54 ter
M. le président. L'amendement n° 1404, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 54 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application effective de l’article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, relatif au financement du fonds de solidarité pour le logement. Ce rapport examine en particulier le montant et les modalités du concours financier au fonds de solidarité pour le logement des fournisseurs d’énergie ayant passé une convention avec le département.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Par cet amendement, nous profitons de l’article 54 ter, qui, initialement, tendait à favoriser une fois encore les industries électro-intensives – nous en avons parlé tout à l’heure –, alors que le projet de loi relatif à la transition énergétique, selon nous, les avait déjà suffisamment aidées, pour demander que le Gouvernement remette un rapport sur le financement du fonds de solidarité pour le logement, le FSL.
En effet, lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, il nous avait été répondu qu’une telle demande n’avait pas sa place dans ce texte. Nous considérons aujourd’hui que celle-ci a toute sa place dans le présent projet de loi.
Les chiffres sont connus : l’INSEE nous apprend qu’un foyer sur dix consacre plus de 10 % de ses ressources aux dépenses de chauffage et d’électricité et qu’au cours des dix ans qui ont suivi l’ouverture à la concurrence des activités des entreprises EDF et GDF Suez, le prix de l’électricité a augmenté de 22 % et celui du gaz de 66 %.
L’article 6-3 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre de droit au logement dispose que le financement du FSL est assuré par le département et prévoit la possibilité d’une participation complémentaire d’un certain nombre d’organismes, parmi lesquels les fournisseurs d’énergie.
Or nous savons tous que le mécanisme d’abondement du FSL par les fournisseurs d’énergie ne fonctionne pas. En effet, aujourd’hui, les nouveaux fournisseurs ne participent pas systématiquement, ni même sur l’ensemble du territoire, au financement du FSL.
De plus, même lorsqu’une convention existe, le montant de la contribution au FSL est trop souvent symbolique. En effet, en vertu d’un principe général, la participation au financement des fournisseurs d’énergie et des autres partenaires est facultative. S’ils décident apporter une contribution, ils en fixent librement le montant. Ainsi, bien que bénéficiant de la procédure de recouvrement d’impayés par le FSL, les fournisseurs non historiques ne contribuent pas, dans les faits, à son financement, laissant reposer cette responsabilité sur EDF, GDF Suez et les entreprises locales de distribution.
C’est pourquoi nous souhaiterions qu’un rapport faisant le point sur la contribution des fournisseurs d’énergie au FSL et sur les mesures qui pourraient être prises afin d’encadrer cette contribution et d’assurer son effectivité, y compris éventuellement en la rendant obligatoire, soit remis au Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mon cher collègue, il s’agit d’un amendement d’appel. Vous avez rappelé que, alors que vous aviez déposé un amendement identique lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, il vous avait été répondu qu’une telle demande n’avait pas sa place dans ce texte. À mon sens, celle-ci n’a guère plus sa place dans ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques !
Comme, de surcroît, nous sommes hostiles aux demandes de rapport, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Un tel rapport ne nous semble pas nécessaire, dans la mesure où les contributions d’EDF et de GDF Suez au FSL font l’objet d’une publicité dans les rapports de ces deux entreprises.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Si je comprends bien, cette demande de rapport n’a pas sa place dans le projet de loi relatif à la transition énergétique ni non plus dans le présent projet de loi…
Madame la secrétaire d'État, vous nous parlez d’EDF et de GDF Suez. Or, dans notre amendement, nous visons également les fournisseurs d’énergie non historiques, qui, tout en bénéficiant du FSL, n’y contribuent pas ou quasiment pas.
Quand débattra-t-on réellement de cette contribution au FSL ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Comme les opérateurs historiques, les nouveaux opérateurs doivent également mentionner dans leur rapport d’activité le montant de leur contribution au FSL. Nous disposons donc déjà de tous les éléments d’information.
Par ailleurs, comme vous, monsieur le sénateur, je considère que le FSL doit être abondé par tous les opérateurs.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1404.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 54 quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 178 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 693 rectifié, présenté par MM. Delebarre, Vandierendonck, Masseret, Montaugé, Daunis et Vincent, Mmes Bataille et Guillemot, MM. Chiron, Bourquin et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le titre II du livre V du code de l’énergie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Fourniture d’électricité d’origine hydraulique aux industriels utilisateurs intensifs d’électricité et exposés à la concurrence internationale
« Art. L. 524-1. – I. – Afin d’assurer la compétitivité des consommateurs dont la consommation en électricité est très intensive et qui sont exposés à la concurrence internationale, dans le respect du libre choix du fournisseur d’électricité, il est mis en place, à titre transitoire, un accès à l’électricité produite par les installations de production hydroélectrique mentionnées au II ouvert à tous les opérateurs fournissant certaines catégories de consommateurs finals mentionnées à l’article L. 351-1 du code de l’énergie, à des conditions économiques équivalentes à celles résultant, pour les concessionnaires des installations de production hydroélectrique mentionnées au II, de l’exploitation de ces mêmes installations.
« II. – La liste des installations de production hydroélectrique mentionnées au I situées sur le territoire national, mises en service avant la publication de la loi n° …. du ….. pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et faisant l’objet d’un contrat de concession est fixée par arrêté du ministre chargé de l’énergie, sur la base de critères liés au profil de production de la concession et de coût de production. Lors de la mise en concurrence d’une concession, celle-ci est retirée de la liste.
« III. – Les concessionnaires des installations de production hydroélectrique mentionnées au II cèdent l’électricité produite, pour un volume maximal et dans les conditions définies aux IV et V, aux opérateurs fournissant les consommateurs finals mentionnés au I qui en font la demande et situés sur le territoire métropolitain continental.
« IV. – Les conditions de vente reflètent les conditions économiques et industrielles de l’exploitation de la concession et couvrent l’ensemble des coûts d’exploitation et d’investissements encourus par le concessionnaire, ainsi que la rémunération des capitaux investis par ce dernier.
« V. – Le volume maximal d’électricité produite par une installation de production hydroélectrique mentionnée au II pouvant être cédé dans le cadre de ce dispositif est déterminé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie ne peut excéder 40 % de la production des installations de production hydroélectrique et demeure strictement proportionné aux objectifs poursuivis. Le volume maximal cédé à un fournisseur pour un consommateur final mentionné au I est calculé en fonction des caractéristiques de la consommation des installations concernées, ainsi que du respect des engagements en matière d’efficacité énergétique pris au titre de l’article L 351-1 du code de l’énergie.
« VI. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, précise les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement vise les industries hyper-électro-intensives, c’est-à-dire les entreprises industrielles qui utilisent énormément d’électricité dans leur processus de production.
Ces entreprises représentent en France pas moins de 10 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects. L’électricité entre en moyenne pour un tiers dans leurs coûts de production, ce qui est énorme, d’autant que ces entreprises fortement exposées à la concurrence internationale ont face à elles des sociétés rivales bénéficiant d’un accès à des énergies à bas coût. C’est le cas au Canada, en Islande aux États-Unis ou au Moyen-Orient.
Ces deux paramètres contribuent à fragiliser nos entreprises et, avec elles, les milliers d’emplois qu’elles représentent.
Il s’agit d’industries lourdes fortement capitalistiques dont les coûts d’investissement sont très élevés et dont la rentabilité ne peut être assurée que sur les moyen et long termes. Il est donc fondamental pour elles de disposer d’échéanciers de coûts à un horizon long.
La disparition des tarifs de vente d’électricité, programmée pour la fin de l’année, l’arrivée à échéance en 2016 des contrats à long terme de fourniture d’électricité dont elles bénéficiaient et qui leur apportaient une visibilité suffisamment lointaine pour les sécuriser à long terme auront pour conséquence une hausse des coûts de l’électricité qui pourrait leur être fatal.
La commission des affaires économiques, conjointement avec la commission des finances, a reçu leurs représentants, qui ont poussé un cri d’alarme. Ils nous ont déclaré que, à défaut d’une réaction de notre part, leurs entreprises pourraient quitter le sol national, ne pouvant plus produire compte tenu des tarifs de l’électricité tels qu’ils leur sont proposés.
Il faut donc trouver d’autres moyens non seulement pour maintenir le mégawattheure à un tarif compétitif compris entre 20 et 30 euros, mais également pour assurer à ces entreprises une visibilité à quinze ans.
Aussi, par cet amendement, nous proposons que ces entreprises hyper-électro-intensives puissent bénéficier d’un accès à l’hydraulique historique : chacun sait que l’électricité ainsi produite est la plus compétitive aujourd’hui en France.
Il existe peut-être d’autres solutions, comme l’a avancé tout à l’heure Jean-Pierre Vial, mais cette proposition présente l’avantage de permettre la mise à disposition rapide d’un volume suffisant et flexible d’énergie pour préserver la compétitivité de nos entreprises.
Aujourd’hui, la baisse des prix de l’énergie contribue à améliorer notre compétitivité, mais nous sommes tributaires de ses cours, ainsi que de ceux des monnaies. C’est pourquoi nous formulons plusieurs propositions : garantir à long terme un accès privilégié à une source d’énergie compétitive ; donner l’assurance d’une concurrence internationale sans distorsion ; offrir aux entreprises un horizon temporel dégagé, afin qu’elles puissent investir, des débouchés stables et pérennes, une quantité d’électricité quasi fixe à produire ; garantir aux fournisseurs d’être payés.
La préservation de l’emploi et des filières – localement et même au-delà – de ces industries situées en amont alimente des filières d’avenir innovantes qui sont indispensables à notre économie : stockage d’électricité, solaire, aéronautique.
Cet amendement a une qualité : les dispositions qui y sont visées sont eurocompatibles et ne copient pas la règle parfois mise en cause par Bruxelles. Elles offrent la possibilité de défendre pied à pied nos entreprises et illustrent notre volonté de produire sur le sol national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, a pour objet l’accès des industries électro-intensives à l’hydroélectricité.
Dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique, sur l’initiative de son rapporteur, Ladislas Poniatowski, le Sénat a déjà considérablement renforcé les mesures de soutien en faveur de ces industries électro-intensives, en prévoyant en particulier le bénéfice de conditions particulières d’approvisionnement ou la modulation de la redevance hydraulique pour favoriser leur approvisionnement, ce qui doit suffire à résoudre leur déficit de compétitivité.
La question d’un accès régulé à l’hydroélectricité que vous posez à travers votre amendement soulève en outre plusieurs difficultés.
Tout d’abord, la création d’un tel tarif régulé serait contraire aux engagements européens de la France, comme en témoigne l’ouverture par la Commission européenne d’une procédure d’infraction sur les concessions hydroélectriques à l’encontre de la France du fait de l’adoption de cette mesure à l’Assemblée nationale.
Ensuite, ce dispositif remettrait en cause des contrats de concession déjà signés, obligeant ainsi à indemniser les concessionnaires, ce qui nécessiterait des ressources budgétaires.
Enfin, les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique ont déjà produit leurs effets, puisqu’elles ont permis d’engager des discussions avec les principaux concessionnaires, EDF et GDF Suez, qui devraient aboutir à la conclusion de contrats bilatéraux au cas par cas adossés à l’hydroélectricité. Cela vaut mieux qu’un dispositif d’accès régulé qui serait contraire aux engagements européens de la France.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Cet amendement tend à réintroduire, en le modifiant, l’article 54 quater, qui crée un accès régulé des industriels électro-intensifs à l’hydroélectricité.
L’importance de ces secteurs pour l’économie française est incontestable. Comme cela a été indiqué à l’Assemblée nationale, le soutien aux électro-intensifs est une priorité, et nous souhaitons qu’un mécanisme garantissant l’approvisionnement compétitif de ces entreprises soit mis en place.
Des mesures figurant dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ont été adoptées : c’est un premier pas, mais il n’est pas suffisant. En outre, comme je l’ai indiqué devant l’Assemblée nationale, des questions juridiques devront être réglées, en particulier avec Bruxelles, sur ce mécanisme d’accès régulé à l’hydroélectricité. Par ailleurs, des discussions avec EDF se déroulent en ce moment même sur des pistes alternatives.
L’amendement n° 693 rectifié, qui est proche de celui, qui n’a pas été soutenu, de M. Bouvard, tend à instaurer une bonne répartition entre la loi et le règlement, en mentionnant explicitement que la cession d’électricité couvre l’ensemble des coûts d’exploitation et d’investissements encourus par le concessionnaire et exclut donc toute compensation par EDF. Il vise également à mentionner que l’électricité est cédée aux fournisseurs des électro-intensifs et non directement aux électro-intensifs eux-mêmes, ce qui constitue un facteur d’acceptabilité de l’Union européenne, celle-ci étant favorable à toute mesure susceptible d’accroître la concurrence dans la fourniture d’électricité.
À ce stade, et puisque de telles propositions pourront de toute façon être réexaminées par la suite, je sollicite donc plutôt le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Vial. Je laisse le soin à M. Bourquin de décider du sort de cet amendement. Sur le principe, je ne peux que m’associer à la présentation de notre collègue sur ce secteur des électro-intensifs. Et je tiens à rassurer ceux qui se lassent des discussions incessantes à leur sujet : le temps vient où nous n’en parlerons plus, compte tenu du calendrier actuel. En effet, si dans les prochains mois nous n’avons pas trouvé des solutions concrètes, ce sont des pans entiers de ce secteur, madame la secrétaire d'État, qui seront affectés – je n’ai nul besoin de citer les industriels auxquels vous deviez, les uns et les autres, penser tout à l’heure.
Quelle est la situation aujourd’hui ? Je l’ai indiqué, nous arrivons au terme des dispositions qui permettaient aux électro-intensifs français – ce sont, je le rappelle, 100 000 à 400 000 emplois indirects – de se prévaloir d’une énergie compétitive.
Que nous propose le Gouvernement ? Je citerai tout d’abord l’interruptabilité, un dispositif sur lequel personne n’a osé s’aventurer et qui se révèle d’ailleurs insignifiant par rapport aux enjeux, puisqu’il correspond à peu près à six entreprises en France, alors que 500 entreprises électro-intensives sont concernées.
Sur ce problème de l’hydraulique, je m’étais exprimé très longuement lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de souligner les fragilités de ce dispositif, qui sont au moins au nombre de trois.
Premièrement, le calendrier n’est pas compatible avec les besoins des industriels. Ces besoins vont très rapidement voir le jour, alors que le dispositif hydraulique ne pourra être mis en œuvre que dans le cadre des renouvellements de concession.
Deuxièmement, je me demande bien qui, dans cette assemblée, peut sérieusement soutenir que l’on sera capable de mettre en place les sociétés – sociétés d’économie mixte ou autres – aptes à porter les reprises de concession.
Troisièmement, le problème de la surveillance européenne se pose, comme vous le savez, madame la secrétaire d’État. Nous sommes confrontés à une énergie de barrage, énergie de pointe, pour un coût de 60 à 130 euros. Or nous avons besoin d’une énergie coûtant entre 25 et 30 euros.
Que dit la Commission de Bruxelles à ce propos ? Qu’il existe une aide directe et qu’elle a besoin d’explications en la matière. Si vous considérez le dispositif de l’hydraulique du fil de l’eau, qui, pour le coup, serait compétitif, la production de la CNR, la Compagnie nationale du Rhône, s’élève, en période basse, à 10 térawattheures, contre 17 en période haute, soit une fluctuation de 70 % dans la capacité de production, ce qui équivaudrait au maximum à une petite dizaine de sociétés.
Les solutions qui sont proposées sont – passez-moi l’expression – du bricolage ! Je le dis en réponse à la déclaration très récente de M. Macron, qui parlait d’une ambition industrielle. Il faut mettre en place des dispositifs efficaces.
Comme nous parlons des mêmes industriels, et puisque rien n’aura changé dans quelques instants, lors de l’examen de mon amendement, je ne puis que m’en remettre à la position que prendra M. Bourquin. Néanmoins, par solidarité, il faut que le Gouvernement leur apporte d’urgence une solution.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir rejoint notre assemblée tardivement, parce que je devais prononcer un éloge funèbre lors d’une cérémonie d’obsèques. En outre, l’examen de ces dispositions a été bouleversé par deux modifications de l’ordre du jour.
Je m’inscris dans la droite ligne des propos de Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d'État, voilà des années que nous débattons du sujet des électro-intensifs, car nous savons que les contrats de long terme dont ils bénéficiaient sont condamnés par la Commission européenne et que nous devons gérer aujourd’hui, immédiatement, la « sortie de l’article 8 » pour de nombreux industriels électro-intensifs.
Le mérite des amendements qui ont été déposés est de cerner le dispositif en faveur des industriels soumis à des procédés déterminés, c’est-à-dire ceux qui ont besoin de ces mesures. Ces dernières sont différentes de ce que l’on a pu proposer par le passé ; je pense notamment à mes anciens amendements visant à créer le dispositif Exeltium, qui est aujourd’hui dépassé compte tenu de l’évolution du prix de l’énergie, mais qui autrefois était ouvert aux grandes chaînes hôtelières notamment, elles-mêmes grosses consommatrices d’énergie, sans que cela repose sur des procédés industriels.
Aujourd’hui, les dispositions ciblées sur lesquelles nous nous appuyons se fondent sur une ressource dont nous avons la chance de bénéficier, qu’il s’agisse de tarifs ou de disponibilités en termes de puissance. Grâce à cela, nous pouvons résoudre le problème des électro-intensifs. Nous n’avons pas le droit de gâcher cette chance !
Emmanuel Macron connaît bien ce dossier, puisque, dans le cadre de ses fonctions antérieures à la présidence de la République, il faisait partie de ceux qui ont contribué de manière efficace à la résolution du dossier Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne, dans le cadre de l’accord avec Trimet.
Toutefois, pour un dossier réglé, fût-il le plus emblématique, puisqu’il était celui de la première grande unité de production d’aluminium de ce pays et d’une usine vieille de plus de cent ans, d’autres dossiers sont aujourd’hui en attente sur toute la chaîne électro-intensive. Celle-ci est très présente, à Dunkerque, bien évidemment, mais aussi dans les vallées de montagne, où elle constitue toujours un élément important des capacités industrielles, dans la mesure où l’industrie, à l’époque où l’énergie ne se transportait pas, s’est fixée sur ces territoires.
Aujourd’hui, nous devons trouver une solution qui nous permette de répondre aux exigences de la Commission européenne et aux réalités de la concurrence. En effet, dans d’autres pays, tout en respectant les dispositions communautaires, on a trouvé des solutions. D’ailleurs, en la matière, il n’est quasiment rien de nouveau. Ceux d’entre vous qui s’intéressent à ces sujets depuis un certain temps se souviennent que, voilà quelques décennies, à une époque où notre fleuron industriel s’appelait encore Pechiney, M. Gandois avait envisagé la fusion du groupe avec la CNR.
Ce dossier n’a pas abouti, et ce fut un premier échec. Nous en avons connu un second lorsque la Commission s’est opposée au regroupement entre Rio Tinto Alcan, Alusuisse et Pechiney. Nous disposons encore aujourd’hui d’industriels électro-intensifs, mais pour combien de temps ?
Je ne reprendrai pas les excellents propos de Jean-Pierre Vial à ce sujet. Je dirai simplement que le temps travaille contre nous. Il faut donc, entre l’examen de ce texte et celui du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qu’une solution émerge.
Je ne peux préjuger de la décision de M. Bourquin, mais je serai tenté de dire qu’il nous faut adopter quelque chose pour disposer, dans le cadre de la navette de ce texte, d’un élément nous permettant de poursuivre la discussion avec le Gouvernement et d’aboutir à une solution à l’issue de ce processus.
Mes chers collègues, nous nous trouvons dans une situation d’extrême urgence. Après plusieurs alternances et plusieurs gouvernements, les dispositions qui ont été prises se sont révélées, tantôt satisfaisantes, tantôt moins efficaces dans la durée.
Désormais, on ne peut plus transiger. On ne peut plus traiter au cas par cas chaque société. Il faut un dispositif d’ensemble !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. La qualité des interventions qui viennent d’être prononcées me permettra d’être très bref. Je souscris entièrement au diagnostic qui a été formulé, aussi bien par Martial Bourquin que par Jean-Pierre Vial et Michel Bouvard. L’heure est grave pour les industries électro-intensives.
Rappelez-vous, mes chers collègues, il n’y a pas si longtemps, en 1988 – j’en ai un souvenir précis –, la France attirait des entreprises électro-intensives du fait du prix de son électricité d’origine nucléaire. Je me souviens en particulier que l’ouverture de la centrale nucléaire de Gravelines avait attiré dans le Nord un certain nombre de grosses entreprises, notamment dans le secteur de l’aluminium, entraînant de nombreuses créations d’emplois.
Ce temps est révolu ! Pour des raisons invraisemblables, là où la France se montrait la plus compétitive, là où elle pouvait servir aux entreprises industrielles, grosses consommatrices en la matière, une électricité au demeurant assez bon marché par rapport à celle qui était proposée par les Allemands, la situation s’est radicalement renversée ! Voilà le diagnostic.
J’apporterai une précision à l’intervention de Martial Bourquin. Celui-ci a déclaré que les coûts étaient en train de diminuer. C’est faux : ils augmentent, et ce sont les prix qui baissent.
Pourquoi les coûts augmentent-ils ? Tout simplement parce qu’il faut investir, aussi bien dans la production que dans le transport, l’interconnexion, le renouvelable. Pourquoi les prix baissent-ils ? Parce que l’Europe, et pas seulement la France, connaît aujourd’hui une surproduction en raison du développement important, dans un certain nombre de pays, du renouvelable, même si celui-ci est intermittent et donc aléatoire.
On trouve actuellement sur le marché des mégawattheures à 32 euros, quand l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique s’élève à 42 euros et qu’un parti politique représenté ici par notre ami Jean Desessard aspire à ce que l’électricité soit beaucoup plus chère, à 100 ou 120 euros.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. Les remèdes, j’en conviens et M. Michel Bouvard a eu la franchise de le dire, nous ne les avons pas sous la main. En revanche, il m’apparaît indispensable que le Sénat délivre un signal avant l’examen du texte relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui viendra en discussion à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet prochain.
Personnellement, je suis tout à fait favorable au maintien de cet amendement, j’en délivre l’information à Martial Bourquin, et j’espère qu’il sera adopté. Cela ne réglera évidemment pas tout, mais cette proposition représentera un signal extrêmement important pour les électro-intensifs.
M. le président. Monsieur Bourquin, l'amendement n° 693 rectifié est-il maintenu ?
M. Martial Bourquin. La France doit rester une terre industrielle ! (Oui ! sur quelques travées de l’UMP.) Elle a déjà perdu beaucoup d’industries.
M. Gérard Longuet. Trop !
M. Martial Bourquin. Or dans les jours, les semaines et les mois qui viennent, le temps est compté. C’est ce que nous ont rappelé ces industriels lorsqu’ils sont venus, voilà quelques semaines, devant la commission des affaires économiques. Ils ont ajouté qu’ils pourraient quitter le territoire national si nous ne trouvions aucune solution à court terme.
Lorsque j’ai travaillé aux côtés d’Alain Chatillon, à la suite de la mise en place de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, nous nous sommes rendus à Saint-Jean-de-Maurienne, où nous avons constaté ces pertes d’emplois, tandis que certains industriels s’attachaient à garder des activités électro-intensives. Nous avons vu aussi l’ensemble des organisations syndicales demander d’agir. Agissons donc !
C’est pourquoi je maintiendrai mon amendement et demanderai au Sénat de l’adopter, pour provoquer une réaction, et surtout pour ne pas perdre de temps. Encore une fois, le temps nous est compté. Nous devons, si nous voulons mettre en œuvre une politique de réindustrialisation de notre pays, garder ces électro-intensifs. Il est impensable, vu le déficit de notre commerce extérieur, d’importer massivement des matières qui ne pourront plus être fabriquées sur notre sol.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Michel Bouvard. Bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mes chers collègues, nous avons quelque peu élargi le débat. Avant que nous ne passions au vote, permettez-moi de rappeler que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement et que Mme la secrétaire d’État en a demandé le retrait.
J’ai entendu les arguments exprimés sur les diverses travées de cet hémicycle. Je tiens simplement à apporter cette précision : cet amendement tend à renvoyer à un décret, lequel, s’il est rédigé, sera examiné par la Commission européenne au titre du contrôle des aides d’État. Or un tel texte risque fort d’être rejeté à ce niveau !
M. Daniel Raoul. C’est faux !
M. Marc Daunis. Prenons ce risque !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Madame la corapporteur, nos voisins allemands ont fait face au même problème vis-à-vis de l’Union européenne, et ils l’ont emporté après lui avoir forcé la main !
M. Martial Bourquin. Oui !
M. Robert del Picchia. Grâce aux subventions de l’État, le tarif du transport de l’électricité a été réduit outre-Rhin.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’était pour protéger le secteur de l’hydroélectricité !
M. Robert del Picchia. On peut bien tenter de procéder ainsi, et on verra bien ce qui se passera.
Au reste, certaines sociétés, dont une que je connais bien, livrent actuellement bataille à l’Union européenne sur ce sujet. Elles sont sur le point de l’emporter. Je ne vois pas pourquoi l’on ne persisterait pas dans cette voie.
Pour ma part, je voterai donc cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 54 quater est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l’article 54 quater
M. le président. L'amendement n° 580 rectifié bis, présenté par MM. Vial, Lenoir, Grand, Calvet, Milon, Charon, Longuet et Trillard, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Commeinhes, Houel, Doligé, Bizet, Béchu, Revet et G. Bailly, est ainsi libellé :
Après l’article 54 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de satisfaire l’offre croissante et variable résultant des investissements dans les énergies renouvelables qui ne peuvent être stockées, sont favorisés, en complément des autres dispositifs, les investissements chez les consommateurs afin de rendre leurs profils de consommation et de stockage plus durables et d’offrir une visibilité à long terme pour les investissements (dix à quinze ans). À cet effet, il est défini un nouveau cadre contractuel à long terme favorisant la flexi-consommation d’électricité avec l’ensemble des acteurs concernés (producteurs, consommateurs volontaires et autorités de régulation). Sa mise en place peut s’appuyer sur une expérimentation.
La définition de ce nouveau cadre et les modalités de l’expérimentation, mise en œuvre sous l’autorité des ministres chargés de l’industrie et de l’énergie, sont réalisées avec quelques entreprises grosses consommatrices qui s’engagent à adapter leurs besoins d’approvisionnement en électricité aux capacités de fourniture pendant les périodes de faible demande et sur des plans de modernisation tendant à l’accroissement de leur capacité de production et à la création de nouveaux emplois.
La démarche devra confirmer la pertinence du modèle proposé et déterminer les conditions économiques permettant :
1° D’augmenter le taux d’utilisation des outils de production dans les périodes d’excédents ;
2° De disposer de la flexibilité suffisante des industriels concernés pendant les périodes de tension sur la production.
Ce modèle de flexi-consommation pourra être élargi, aux autres entreprises grosses consommatrices d’électricité, à l’issue de la phase d’expérimentation.
Les catégories de bénéficiaires, ainsi que les conditions particulières, sont définies par voie réglementaire en tenant compte des critères suivants :
1° Le rapport entre la quantité consommée d’électricité et la valeur ajoutée produite définie aux articles 1586 ter à 1586 sexies du code général des impôts ;
2° Le degré d’exposition à la concurrence internationale ;
3° Le volume annuel de consommation d’électricité ;
4° Les procédés industriels mis en œuvre.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Mes chers collègues, je serai extrêmement bref, dans la mesure où nous venons de débattre longuement de ce sujet.
Le présent amendement tend à s’inscrire dans le prolongement de débats menés au titre du projet de loi relatif à la transition énergétique. Nous sollicitions, plus précisément, une expérimentation.
En effet, quelles que soient les pistes d’aides aux électro-intensifs, nous avons constaté deux fragilités. La première est économique : le volume de cette production énergétique excède les besoins de cette industrie. La seconde vient d’être évoquée. Il s’agit, bien entendu, de l’euro-compatibilité des dispositions considérées.
Dès lors, je propose de reprendre un dispositif longuement débattu au sujet de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », à savoir le marché capacitaire. Ce système est parfait, mais il n’a, hélas, jamais été mis en œuvre en France.
Pour une grande part de l’année 2014, le prix de l’énergie électro-intensive s’est établi à 29 euros le mégawattheure, tarif qui satisfait les industriels concernés. Certes, je connais déjà la réponse du Gouvernement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Eh oui !
M. Jean-Pierre Vial. Il nous opposera que, si le prix du marché est déjà atteint, il convient, en toute logique, de procéder par la voie contractuelle.
À cet égard, je me permets de reprendre les excellentes déclarations de M. Macron, lesquelles vont dans le même sens que les propos d’industriels comme M. Mestrallet ou que les remarques formulées à l’instant par M. Bourquin : pour mener à bien des investissements, les industriels ont besoin de visibilité à long terme.
En conséquence, il convient d’engager une expérimentation, dans le prolongement de la démarche proposée par Mme Ségolène Royal avec l’accord de la commission des affaires économiques. Cette méthode permettrait de définir le bon dispositif, en lien avec les industriels, le Gouvernement et les producteurs d’électricité. Il n’a guère été question de ces derniers, à la différence des autres acteurs, mais ils sont implicitement au cœur de cette discussion : il s’agit d’EDF, de GDF et des autres producteurs.
Ce chantier pourrait être engagé et mené dès cette année. À son issue, il serait possible de mesurer le potentiel de la transition énergétique, notamment des énergies renouvelables. Je rappelle que ces dernières sont à l’origine des déséquilibres que subit ce marché : très souvent, elles mettent des kilowattheures à disposition sur le marché à des périodes où l’on n’y enregistre qu’une faible demande.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement, dans le prolongement du précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Vial, lors de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique, vous avez déjà proposé d’accorder aux industries électro-intensives des conditions particulières d’approvisionnement, en fonction de leur faculté à moduler leur consommation selon la disponibilité de la production électrique.
Le Gouvernement a, quant à lui, proposé un dispositif plus général visant le même objectif. Dois-je vous le rappeler, mon cher collègue ? Vous vous êtes alors rallié à ce système, que le Sénat, en définitive, a retenu.
Le présent amendement tend à introduire une disposition similaire dans le présent texte, mais, cette fois, sous la forme d’une expérimentation, laquelle serait d’une durée maximale d’un an.
Or, à mes yeux, plusieurs facteurs s’y opposent.
Tout d’abord, les entreprises à même de moduler fortement leur consommation peuvent déjà bénéficier de prix bas, notamment l’été, en recourant aux marchés à terme ou au jour le jour.
Ensuite, au cours d’une telle expérimentation, les tarifs réglementés historiques seraient gelés. Cette mesure serait contraire aux engagements européens pris par la France. En conséquence, l’État pourrait être sommé d’indemniser EDF.
Enfin, l’élargissement éventuel de cette expérimentation aux industries non électro-intensives consommant de grandes quantités d’électricité créerait un effet d’aubaine. Dès lors, le dispositif ne pourrait plus être ciblé sur les entreprises qui en ont le plus besoin.
Mon cher collègue, j’ose espérer vous avoir convaincu de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Vial, je souscris au but visé via cet amendement : maintenir un prix compétitif de l’électricité, dans la durée, pour les électro-intensifs.
Par ailleurs, vous le soulignez avec raison, le développement des énergies renouvelables provoque des phases de surproduction, au cours desquelles la demande se révèle bien plus faible que l’offre.
Toutefois, sans même l’engagement de l’expérimentation que vous suggérez ou la définition d’un cadre législatif particulier, un industriel électro-intensif peut déjà bénéficier de ces périodes de surproduction : il peut moduler sa consommation, afin de bénéficier les prix bas durant l’été. De plus, les dispositions du précédent amendement, adopté à l’instant, répondent à cette préoccupation.
Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, que je considère comme satisfait.
M. le président. Monsieur Vial, l’amendement n° 580 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d’État, madame la corapporteur, je ne retirerai pas cet amendement. Au reste, je dois souligner que vos divers arguments sont tous plus ou moins inexacts.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Vial. Premièrement, vous fondant sur le fait que, comme je l’ai rappelé, le prix de vente de cette énergie est en règle générale de 29 euros le mégawattheure, vous déduisez que le marché existe. Néanmoins, le principal problème auquel se heurtent les industriels pour investir, c’est celui de la durée ! Relisez les propos de M. Mestrallet, ou encore l’excellente déclaration faite par M. Macron il y a quelques jours : un certain laps de temps est nécessaire à la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle. Je le répète, la durée est le facteur essentiel.
Deuxièmement, vous redoutez un effet d’aubaine. Or ce risque n’existe pas, dans la mesure où l’expérimentation que je propose, limitée à quelques mois, permettrait au Gouvernement de définir les critères d’éligibilité des industriels !
Il convient de travailler dans une parfaite transparence : aussi, cette expérimentation doit être menée sous le contrôle des producteurs, en particulier EDF et GDF. J’ajoute que ce dispositif est le seul qui ne coûterait rien à personne. Il se fonderait sur le prix du marché.
Mes chers collègues, parmi tous les systèmes auxquels, les uns ou les autres, nous pouvons penser, je ne crois pas qu’un seul puisse, aussi bien que celui-ci, être expérimenté et mis en place sous le contrôle de Bruxelles, et cela pour deux raisons.
D’une part, la commission du développement durable, qui, comme notre commission des affaires économiques, se préoccupe de la régulation des réseaux, a clairement dressé ce constat : le problème ne se pose pas seulement en France, il s’observe dans l’Europe entière ! On le sait, nos collègues de la commission du développement durable adhèrent à ce dispositif.
D’autre part, si, au sein de la Commission européenne, la direction générale de la concurrence, qui est à Bruxelles ce que Bercy est à Paris, surveille effectivement les dispositions compatibles avec la valeur du marché, ce système est, par définition, eurocompatible : il se fonde sur la valeur du marché !
Nous ne demandons qu’une chose au Gouvernement : la définition d’un cadre précis permettant, par le biais de l’expérimentation, de confirmer cette assurance sur la durée. Les industriels en ont besoin.
Il y a quelques instants, M. Bourquin indiquait que l’adoption de son amendement permettrait, au cours de la navette, d’éclaircir la situation sur ce point. Pour la même raison, et au bénéfice des précisions que je viens d’apporter, je vous demande d’adopter cet amendement. Le Gouvernement doit nous apporter de véritables réponses. Il ne doit pas se contenter de nous proposer des faux-nez, derrière lesquels nous savons bien qui se cache !
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Mes chers collègues, prenons garde : déjà, les sabords européens sont ouverts et les canons sont dirigés vers la mesure que nous venons de voter. Ne nous faisons pas d’illusions, nous sommes dans le collimateur !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Merci de le souligner !
M. Ladislas Poniatowski. Le système adopté par le Sénat au titre du projet de loi relatif à la transition énergétique, dont j’étais le corapporteur, consistait à placer les électro-intensifs français au même niveau que les électro-intensifs allemands. Il s’agissait d’une bonne mesure, au titre des transports. Si cette disposition demeure dans le texte final, Bruxelles l’examinera dès son adoption. Autant dire que nous ne sommes pas sortis de l’auberge…
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Très juste !
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Tout le monde ne veut pas l’entendre !
M. Ladislas Poniatowski. J’ai voté en faveur de l’amendement n° 693 rectifié, et je suis convaincu de sa pertinence. Néanmoins, je doute que Bruxelles l’accepte.
Monsieur Vial, quant aux dispositions de votre amendement, non seulement elles ne seront jamais acceptées à ce niveau, mais elles donneraient encore davantage de munitions à Bruxelles contre le précédent dispositif.
M. Marc Daunis. Oui !
M. Ladislas Poniatowski. Voilà pourquoi il faut agir avec prudence. Force est de le reconnaître : à cet égard, Mme la corapporteur a raison.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. On ne semble pas m’écouter pour autant…
M. Ladislas Poniatowski. Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, Jean-Pierre Vial a avancé les mêmes arguments pour solliciter un droit à l’expérimentation. Or je me souviens très clairement que Mme Ségolène Royal a donné, à ce titre, son accord de principe.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sans doute dans un moment d’égarement !
M. Jean-Claude Lenoir. À moins que des boissons euphorisantes n’aient alors été distribuées au banc des commissions (Sourires.), je peux affirmer que Mme la ministre s’est montrée favorable à un tel chantier.
Bien sûr, les arguments avancés par M. Poniatowski sont tout à fait pertinents.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ce sont aussi ceux de la commission !
M. Jean-Claude Lenoir. Cela étant, je lis dans le texte de cet amendement que la mise en place d’un nouveau cadre contractuel « peut s’appuyer sur une expérimentation ». (Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, manifeste son agacement.) J’en conviens, la tournure n’est guère normative, mais ces dispositions découlent en toute logique d’un principe que Mme Royal avait accepté, ici même, au Sénat.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. J’ai certes voté en faveur de l’amendement n° 693 rectifié, mais M. Poniatowski m’a convaincu, et je ne voterai pas en faveur du présent amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 580 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Très bien !
CHAPITRE IV
Simplifier
Section 1
Alléger les obligations des entreprises
Article 55 A
(Supprimé)
Article 55
I. – La sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier du code de commerce est complétée par des articles L. 123-28-1 et L. 123-28-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 123-28-1. – Par dérogation aux articles L. 123-12 à L. 123-23, les personnes physiques mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 123-16-1 peuvent ne pas établir de bilan et de compte de résultat lorsqu’elles n’emploient aucun salarié et qu’elles ont effectué une inscription de cessation totale et temporaire d’activité au registre du commerce et des sociétés. La dérogation n’est plus applicable en cas de reprise de l’activité et au plus tard à l’issue du deuxième exercice suivant la date de l’inscription. La dérogation ne s’applique pas lorsqu’il est procédé à des opérations modifiant la structure du bilan au cours de l’exercice considéré. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
« Art. L. 123-28-2. – Par dérogation aux articles L. 123-12 à L. 123-23, les personnes morales mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 123-16-1 peuvent établir un bilan abrégé et un compte de résultat abrégé lorsqu’elles n’emploient aucun salarié et qu’elles ont effectué une inscription de cessation totale et temporaire d’activité au registre du commerce et des sociétés. La dérogation n’est plus applicable en cas de reprise de l’activité et au plus tard à l’issue du deuxième exercice suivant la date de l’inscription. Un décret fixe le contenu du bilan et du compte de résultat abrégés ainsi que les modalités d’application du présent article. »
II. – (Non modifié) Le I du présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. L'amendement n° 1406, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Nous faisons, avec cet article 55, une découverte intéressante.
Notre pays compte un grand nombre d’entreprises, puisque pas moins de 3,14 millions d’entre elles étaient inscrites au registre du commerce et des sociétés en 2011. Sur ce total, quelque 243 grandes entreprises comptent près de 4 millions de salariés à temps plein, et il y a plus de 30 600 établissements divers. Nous avons ensuite près de 5 000 entreprises intermédiaires, comptant un peu moins de 48 000 établissements et 3 millions de salariés à temps plein.
Les petites et moyennes entreprises sont environ au nombre de 140 000, pour quelque 210 000 établissements et plus de 3,6 millions de salariés à temps plein.
Enfin, nous comptons plus de 3 millions de micro-entreprises, qui représentent environ 2,5 millions de salariés à temps plein. Sur ces 3 millions, quelque 90 000 entreprises seraient des sociétés en sommeil, c'est-à-dire sans activité.
Au demeurant, si, dans un autre ordre d’idées, on dressait un bilan des auto-entrepreneurs, on se rendrait probablement compte que nombre d’entre eux n’ont qu’une activité réduite, un résultat en tout état de cause fort éloigné de ce que pouvaient attendre les promoteurs de ce régime.
Revenons-en aux 90 000 entreprises sans activité : aux termes de l’article 55, nous sommes invités à en prononcer la cessation d’activité totale et temporaire, sous réserve d’une reprise d’activité dans les vingt-quatre mois suivant le dépôt de la déclaration de cessation d’activité.
Une telle conception de l’information légale sur les entreprises risque cependant de priver la justice commerciale d’un certain nombre d’éléments cruciaux pour analyser certains conflits ou situations. Il est de notoriété publique que la plus grande partie des micro-entreprises à activité épisodique est dirigée par d’anciens salariés de sociétés plus importantes, lesquels travaillent en position de sous-traitance avec un donneur d’ordre qui se trouve être, bien souvent, leur ancien employeur. Dans certains plans sociaux, c'est cette solution qui est effectivement proposée aux salariés dont l’emploi disparaît.
En clair, la simplification des procédures risque fort de conduire à ce que certaines opérations, notamment dans le cadre d’un chantier plus important associant plusieurs entreprises et sous-traitants, soient entourées d’une relative opacité, ce qui ne permettrait notamment pas d’appréhender toute la « matière fiscale » suscitée par l’activité. La simplification de la vie des entreprises risque de faire perdre quelques ressources à l’État, par le biais de la fiscalité, ainsi qu’aux collectivités locales et à la sécurité sociale.
Nous refusons donc sans ambiguïté cet article, qui valide des montages très complexes dans un bon nombre de secteurs économiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a approuvé la faculté pour les micro-entreprises n’ayant aucune activité ni salarié de bénéficier d’un allégement de leurs obligations comptables, dans la limite de deux ans.
Ma chère collègue, je ne parviendrai pas à vous convaincre de retirer votre amendement, mais je tiens à vous rassurer : la commission a précisé le dispositif en prévoyant, notamment, que les entreprises concernées devaient avoir effectué, préalablement, une inscription en ce sens au registre du commerce et des sociétés, de sorte que les tiers puissent être informés, ce qui répond à une partie de votre préoccupation.
Ce dispositif de simplification est, en outre, limité dans le temps et comporte des garde-fous en cas de fraude. Au bout de deux ans, si l’entreprise ne reprend pas son activité, les obligations comptables normales s’appliquent à nouveau : c’est une incitation à liquider l’entreprise si une reprise de l’activité n’est pas envisagée.
La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’Assemblée nationale a adopté cet article 55, qui permet d’alléger le formalisme comptable des entreprises sans salariés et sans activité.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression, prévue par l'amendement n° 1406, de ce dispositif qu’il a lui-même proposé. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permettra aux entrepreneurs d’éviter de déposer des états financiers, alors que, en l’absence d’activité et de salariés, il n’y a aucune information nouvelle susceptible d’intéresser les tiers. De plus, l’article prévoit que la dérogation est inapplicable en cas d’opérations modifiant la structure du bilan, comme des cessions d’actifs ou de nouveaux crédits.
Le Gouvernement a, par ailleurs, déposé un amendement de coordination, pour s’assurer que cette précaution soit applicable tant aux entreprises individuelles qu’aux sociétés commerciales.
Mon avis est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1605, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La dérogation ne s’applique pas lorsqu’il est procédé à des opérations modifiant la structure du bilan au cours de l’exercice considéré.
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
le contenu du bilan et du compte de résultat abrégés ainsi que
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Mes chers collègues, je tiens à préciser que nous entamons, avec cet article 55, l’examen d’une cinquantaine d’articles portant uniquement sur des mesures extrêmement techniques.
L’amendement n° 1605 vise à introduire deux précisions complétant utilement les modifications apportées par la commission, qu’il ne remet d’ailleurs pas en cause.
La commission souhaite toutefois que soit apportée une rectification au 2° de cet amendement, afin de réécrire entièrement la dernière phrase de l’alinéa 3. Sous réserve de cette modification, l’avis de la commission spéciale est favorable.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, acceptez-vous de rectifier cet amendement dans le sens suggéré par M. le corapporteur ?
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1605 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La dérogation ne s’applique pas lorsqu’il est procédé à des opérations modifiant la structure du bilan au cours de l’exercice considéré.
2° Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 55, modifié.
(L'article 55 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 55
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 756 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Duchêne, MM. Forissier, Fouché, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Reichardt, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Courtois, Darnaud et P. Dominati, Mmes Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mme Duranton et MM. Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les sections 3 et 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de commerce sont ainsi rédigées :
« Section 3
« De l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cessation d’activité dans les entreprises de moins de cinquante salariés
« Art. L. 141-23. - Dans les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du code du travail, la réalisation des formalités de radiation du registre du commerce et des sociétés ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification par l’employeur de son intention de mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou de la société, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour la reprise de l’entreprise.
« La réalisation des formalités de radiation peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que les salariés ont informé le cédant de leur décision unanime de ne pas présenter d’offre.
« Art. L. 141-24. - L’employeur porte sans délai à la connaissance des salariés la notification prévue au premier alinéa de l’article L. 141-23, en les informant qu’ils peuvent présenter une offre de reprise de l’entreprise.
« L’information des salariés peut être effectuée selon tout moyen, notamment par voie d’affichage sur le lieu de travail.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations communiquées en application des dispositions qui précèdent.
« Art. L. 141-25. - La cessation d’activité est de nouveau soumise aux dispositions des articles L. 141-23 et L. 141-24 lorsqu’elle intervient plus de deux ans après l’expiration du délai prévu à l’article L. 141-24.
« Art. L. 141-26. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par les dispositions du livre VI.
« Section 4
« De l’information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre de reprise en cas de cessation d’activité dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés
« Art. L. 141-27. - En cas de cessation d’activité, il est instauré une obligation d’information anticipée permettant à un ou plusieurs salariés de l’entreprise ou de la société de présenter une offre de reprise.
« En même temps qu’il procède, en application des dispositions de l’article L. 2323-19 du code du travail, à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, l’employeur porte à la connaissance des salariés son intention de mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou de la société et leur indique qu’ils peuvent présenter au cédant une offre de reprise.
« Art. L. 141-28. - L'information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues en application de la présente section, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d'entreprise par l'article L. 2325-5 du code du travail, sauf à l'égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre de rachat.
« Art. L. 141-29. - La cessation d’activité est de nouveau soumise aux dispositions des articles L. 141-27 et L. 141-28 lorsqu’elle intervient plus de deux ans après l’expiration du délai prévu à l’article L. 141-27.
« Si pendant cette période de deux ans le comité d’entreprise est consulté, en application de l’article L. 2323-19 du code du travail, sur un projet de cessation faisant l’objet de la notification prévue à l’article L. 141-27, le cours du délai est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis, et à défaut jusqu’à la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis.
« Art. L. 141-30. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables :
« - aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par les dispositions du livre VI ;
« - aux sociétés qui dépassent, à la clôture d’un exercice social, les seuils définissant les petites et moyennes entreprises prévus à l’article 2 de l’annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises. »
II. - En conséquence, le chapitre X du titre III du livre II du code de commerce est abrogé.
III. - En conséquence, l'article 18 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire est abrogé.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Nous avons eu cet après-midi un débat sur la désindustrialisation. S’il n’y avait pas autant de matraquage fiscal et d’asphyxie réglementaire et normative, nos entreprises, qu’elles soient de service ou appartiennent au secteur secondaire, se porteraient beaucoup mieux !
Mes chers collègues, vous avez là une occasion de voter un amendement utile, qui vise à remettre en cause un dispositif, adopté dans le cadre de la loi Hamon, auquel nous nous étions fermement opposés à l’époque et qui concerne la transmission des entreprises.
Ce dispositif ne fonctionne pas ! Tous ceux qui sont familiers des PME ont constaté son caractère à la fois nocif et inopérant. Il porte sur l’information des salariés en cas de cessation d’activité des entreprises de moins de 250 salariés.
On nous dit souvent qu’il faut lisser les seuils. Or, en l’espèce, on en a inventé un qui fonctionne à l’inverse des seuils habituels. En effet, un seuil correspond en général à un plancher ; ici, c'est un plafond. Vous astreignez à cette contrainte toutes les petites PME de moins de 250 salariés, et cela ne marche pas.
Cet amendement est extrêmement simple et de bon sens : il vise à prévoir que les salariés ne sont informés que s’il y a un risque de cessation d’activité sans repreneur.
Le dispositif Hamon fonctionnait si mal qu’une députée, Mme Fanny Dombre-Coste, a été missionnée pour faire des propositions.
Mme Nicole Bricq. Elle en a fait !
M. Bruno Retailleau. Elle propose de transformer la nullité de la cessation en une contravention pouvant aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires, sans supprimer pour autant le caractère toxique de ce dispositif.
Il serait bon que, ensemble, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous fassions œuvre utile en réformant profondément un dispositif qui est, je le répète, toxique pour les PME. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 875 rectifié quater, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon, MM. Cigolotti, Delahaye et Kern, Mme Loisier, MM. Longeot, Pozzo di Borgo, Tandonnet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier est complété par deux sections ainsi rédigées :
« Section …
« De l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cessation d’activité dans les entreprises de moins de cinquante salariés
« Art. L. 141-33. – Dans les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du code du travail, la réalisation des formalités de radiation du registre du commerce et des sociétés ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification par l’employeur de son intention de mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou de la société, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour la reprise de l’entreprise.
« La réalisation des formalités de radiation peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que les salariés ont informé le cédant de leur décision unanime de ne pas présenter d’offre.
« Art. L. 141-34. – L’employeur porte sans délai à la connaissance des salariés la notification prévue au premier alinéa de l’article L. 141-33, en les informant qu’ils peuvent présenter une offre de reprise de l’entreprise.
« L’information des salariés peut être effectuée selon tout moyen, notamment par voie d’affichage sur le lieu de travail.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations communiquées en application des dispositions qui précèdent.
« Art. L. 141-35. – La cessation d’activité est de nouveau soumise aux dispositions des articles L. 141-33 et L. 141-34 lorsqu’elle intervient plus de deux ans après l’expiration du délai prévu à l’article L. 141-34.
« Art. L. 141-36. – La présente section n’est pas applicable aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par le livre VI.
« Section ...
« De l’information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre de reprise en cas de cessation d’activité dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés
« Art. L. 141-37. – En cas de cessation d’activité, il est instauré une obligation d’information anticipée permettant à un ou plusieurs salariés de l’entreprise ou de la société de présenter une offre de reprise.
« En même temps qu’il procède, en application des dispositions de l’article L. 2323-19 du code du travail, à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, l’employeur porte à la connaissance des salariés son intention de mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou de la société et leur indique qu’ils peuvent présenter au cédant une offre de reprise.
« L’information des salariés peut être effectuée selon tout moyen, notamment par voie d’affichage sur le lieu de travail.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations communiquées en application des dispositions qui précèdent.
« Art. L. 141-38. – La cessation d’activité est de nouveau soumise aux dispositions des articles L. 141-37 et L. 141-38 lorsqu’elle intervient plus de deux ans après l’expiration du délai prévu à l’article L. 141-37.
« Si pendant cette période de deux ans le comité d’entreprise est consulté, en application de l’article L. 2323-19 du code du travail, sur un projet de cessation faisant l’objet de la notification prévue à l’article L. 141-37, le cours du délai est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis, et à défaut jusqu’à la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis. »
« Art. L. 141-39. – La présente section n’est pas applicable :
« - aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par le livre VI ;
« - aux sociétés qui dépassent, à la clôture d’un exercice social, les seuils définissant les petites et moyennes entreprises prévus à l’article 2 de l’annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises. » ;
2° Le chapitre X du titre III du livre II est abrogé.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. J’irai dans le même sens que mon collègue Bruno Retailleau, et ce en toute connaissance de cause, puisqu’il m’est personnellement arrivé de devoir céder des activités, ici, dans notre beau pays.
Vendre une entreprise n’est jamais une chose facile : cela demande beaucoup de tact, car il faut prendre en compte les collaborateurs, qui veulent être sûrs que la société pourra continuer à exister, et les clients de la société. Mener une opération de cession au vu et au su de tous peut poser de graves problèmes et servir l’intérêt des concurrents, ce qui serait évidemment préjudiciable à l’entreprise.
La disposition de la loi Hamon dont il est question ici a pour objet d’éviter que, dans le cadre d’une cession, l’entreprise ne soit reprise par un mauvais acheteur, qui n’aurait d’autre but que de dépecer la société au détriment des salariés. L’idée paraît bonne, mais le dispositif ne fonctionne pas. En effet, dire à la Terre entière que l’on est en discussion avec un acheteur risque de rendre caduque la cession.
Les dispositions de cet amendement partent de l’idée simple selon laquelle, en l’absence de solution, l’entrepreneur doit se tourner vers ses collaborateurs. C'est ce que j’ai fait lorsque j’ai voulu vendre ma dernière entreprise en France : ne trouvant pas d’acheteur, je me suis tourné vers mes collaborateurs, auxquels j’étais prêt à transmettre tout l’outil de travail et le carnet de clients pour un euro symbolique. Pourtant, cela n’a pas marché, ce qui peut arriver, même dans ce genre de reprise.
De mon point de vue, cette mesure est un vœu pieux. De toute façon, en pratique, un chef d’entreprise se tourne vers ses collaborateurs. Mon amendement est une façon de sortir par le haut de l’impasse dans laquelle nous sommes. Comme l’a dit très justement Bruno Retailleau, il arrive aujourd'hui que des entrepreneurs cèdent leurs entreprises sans prévenir leurs salariés : ils se mettent dans l’illégalité, ce qui n’est pas une bonne chose.
M. le président. L'amendement n° 303 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Cadic, Guerriau et Vanlerenberghe, Mme Gatel, M. Cigolotti, Mme Loisier, M. Médevielle, Mme Jouanno, MM. D. Dubois, Pozzo di Borgo, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 23-10-1 du code de commerce, les mots : « , les salariés en sont informés, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre » sont remplacés par les mots : « et ne trouve pas d'acquéreur, les salariés en sont informés, dans des conditions qui permettent ».
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Dans le cadre d’une négociation en vue d’une cession, l’information préalable des salariés peut être dangereuse pour l’entreprise et, donc, pour ses salariés.
La négociation engagée peut être mise en péril par une information trop précoce des tiers, et pas uniquement des salariés. Si la négociation n’aboutit pas, cela jette des suspicions sur les raisons de l’échec. Imaginez, par exemple, que le financement de l’opération échoue : les créanciers vont automatiquement se montrer, par prudence, plus exigeants.
Il y a donc un risque de faire échouer une négociation. Si tel est le cas, l’entreprise peut se trouver affaiblie auprès de ses partenaires, fournisseurs, clients et banques. C’est la raison pour laquelle il faut réserver l’information à une opération conclue, et non en cours de négociation.
D’ailleurs, en pratique, lorsque le chef d’entreprise présente le projet de cession, que ce soit au niveau du comité d’entreprise ou de l’assemblée générale des actionnaires, il a tout intérêt, pour garantir l’opération, à ce que le délai entre cette information et la conclusion irréversible de l’opération soit le plus court possible. Sinon, l’accord conclu pourrait être mis en péril, et les concurrents pourraient exercer des pressions extérieures.
Si l’on veut favoriser la transmission des entreprises – un sujet important dans notre pays, puisque l’on perd parfois une partie du tissu économique en raison d’opérations qui sont mal préparées ou ne le sont pas, ou qui sont mises à mal par la concurrence –, il faut sécuriser ces processus et limiter effectivement le temps d’information.
Si l’on se dirige vers la disparition d’une entreprise faute d’acquéreur ou parce que les acquéreurs potentiels se seraient retirés, il faut bien évidemment informer les salariés dans des conditions permettant la reprise. J’insiste sur cette dernière formulation, parce que je me distingue de mes collègues qui ont présenté les deux derniers amendements en ceci que le délai de deux mois ne me semble pas réaliste.
En effet, dans une opération de liquidation amiable, deux mois avant l’engagement des opérations de radiation au greffe du tribunal de commerce, l’entreprise est, selon moi, déjà morte, puisqu’il faut tenir compte des formalités à accomplir en la matière. Deux mois avant cette radiation du registre du commerce et des sociétés, le RCS, l’« extinction » de l’entreprise est donc déjà irréversible.
C’est pourquoi il faut s’abstenir de la mention de ce délai de deux mois ; nous devons trouver une solution qui favorise une reprise par les salariés, ou d’ailleurs par d’éventuels repreneurs trouvés par les salariés ; il ne faut pas que nous nous restreignions à cet égard.
Ce délai de deux mois me paraît donc trop court ; peut-être est-il préférable de ne pas prévoir de délai du tout, parce que le chef d’entreprise qui aura respecté formellement cette durée pourra jouer les Ponce Pilate en arguant qu’il a respecté la lettre de la loi et que l’entreprise n’est pas susceptible d’être reprise. En revanche, si on l’oblige à le faire dans des conditions qui permettent la reprise, cela me semble plus sûr pour les salariés éventuellement intéressés par la reprise.
M. le président. L'amendement n° 302 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Cadic, Guerriau et Vanlerenberghe, Mmes Gatel et Loisier, M. Médevielle, Mme Jouanno, MM. Pozzo di Borgo, D. Dubois, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du deuxième alinéa de l'article L. 23-10-1 du code de commerce est ainsi rédigé : « Lorsqu'un acquéreur ne s'est pas fait connaître, le représentant légal… (le reste sans changement). »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 301 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Cadic et Vanlerenberghe, Mmes Gatel et Loisier, M. Cigolotti, Mme Jouanno, MM. D. Dubois, Guerriau, Médevielle, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 141-23 du code de commerce, les mots : « , les salariés en sont informés, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre » sont remplacés par les mots : « et ne trouve pas d’acquéreur, les salariés en sont informés, dans des conditions qui permettent ».
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il est également défendu.
M. le président. L'amendement n° 300 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Cadic, Guerriau et Vanlerenberghe, Mmes Gatel et Loisier, MM. D. Dubois et Pozzo di Borgo, Mme Jouanno, MM. Médevielle, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 141-23 du code de commerce est ainsi rédigé : « Lorsqu'un acquéreur ne s'est pas fait connaître, l'exploitant... (le reste sans changement). »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 756 rectifié bis vise à résoudre le sujet, effectivement délicat, de l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, le défaut d’information étant susceptible d’entraîner l’annulation de la cession, d’où une insécurité considérable et anxiogène, selon les entreprises auditionnées. Un tel dispositif est donc in fine contre-productif, puisqu’il a conduit au blocage de divers projets de cession depuis plusieurs mois, à cause des craintes de contentieux qu’il suscite.
Le Gouvernement, reconnaissant justement les graves inconvénients de ce dispositif, a missionné – Bruno Retailleau le précisait précédemment – la députée Mme Fanny Dombre Coste pour proposer des solutions de nature à y remédier. Mi-mars, celle-ci a remis son rapport, dans lequel elle propose de remplacer la sanction de nullité de la cession par une simple amende civile, d’en exonérer les filiales et, de manière générale, de recentrer et simplifier le dispositif.
Le dépôt d’un amendement dont les dispositions allaient en ce sens avait été annoncé, mais à ce jour il n’a pas encore eu lieu. Pour éviter que la règle de l’entonnoir n’empêche ultérieurement de traiter la question ou d’affiner le dispositif – le Gouvernement en sera certainement d’accord –, je vous propose donc d’adopter l’amendement n° 756 rectifié bis ; les autres amendements en discussion devraient logiquement être retirés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Retailleau, nous ne pouvons être favorables à votre amendement, et ceci pour plusieurs raisons.
Vous souhaitez limiter le droit d’information des salariés aux seuls cas de cessation d’activité de l’entreprise. Les salariés seraient donc informés au plus tard deux mois avant la radiation de l’entreprise du RCS.
Or, à cette date, l’entreprise n’aura plus démarché de nouveaux clients depuis longtemps, aura déjà mis un terme à ses relations contractuelles avec ses fournisseurs et aura sans doute engagé une procédure de vente de ses actifs. Deux mois avant la radiation du RCS, elle aura également déjà entamé les procédures de licenciement de ses salariés. Votre amendement viserait donc à proposer aux salariés – s’il en reste – de reprendre une entreprise n’ayant plus de clients, plus de fournisseurs et peu d’actifs, autrement dit, qui aura pratiquement cessé toute activité.
En cohérence avec la philosophie de votre amendement, vous proposez également de supprimer l’article 18 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, qui prévoit d’informer les salariés des conditions juridiques d’une reprise d’entreprise en activité, selon un rythme triennal. Or le Gouvernement considère que les salariés sont une chance pour le maintien de l’activité et qu’ils doivent être mieux formés pour permettre la transmission d’entreprises. C’est pourquoi nous sommes attachés à un processus incitant à anticiper la transmission des entreprises.
Nous sommes bien conscients que le dispositif voté soulevait un certain nombre de problèmes ; c’est pourquoi j’ai demandé à Mme Fanny Dombre Coste, députée de l’Hérault, d’évaluer les conditions d’une application efficace du droit d’information des salariés et de formuler des propositions d’améliorations du dispositif, tout en assurant la sécurité juridique des cessions.
Mme Fanny Dombre Coste, après avoir auditionné une centaine d’acteurs, a rendu son rapport le 18 mars dernier. Ce document contient un certain nombre de propositions d’aménagements portant sur la nature de la sanction en cas d’absence d’information ou de mauvaise information des salariés, sur les modalités de formation desdits salariés et sur le champ d’application de ce dispositif.
L’objectif est de simplifier ce qui peut l’être et de sécuriser la situation des divers acteurs impliqués. Il propose également – comme vous l’indiquiez, monsieur le sénateur - de relier plus finement, d’une part, l’information triennale des salariés concernant la transmission d’entreprise, et, d’autre part, l’information préalable à la cession elle-même. Mme Fanny Dombre Coste a ainsi en quelque sorte souhaité relier plus étroitement les outils à leur utilisation.
Nous aurons ce débat en temps voulu, mais nous avons constamment indiqué, depuis le mois de novembre dernier, que nous n’accepterions pas les amendements de suppression de ce dispositif ; c’est pourquoi je répète solennellement l’engagement du Gouvernement dans ce sens. Nous sommes néanmoins ouverts à des ajustements concertés, que nous avons d’ailleurs un moment envisagé d’intégrer à notre présente discussion, et nous en débattrons ultérieurement devant l’Assemblée nationale, je m’y engage.
Pour tous ces motifs, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote sur l’amendement n° 756 rectifié bis.
M. Patrick Abate. Les dispositions des amendements nos 756 rectifié bis et 875 rectifié quater posent vraiment problème, car elles tendent à revenir sur la loi relative à l’économie sociale et solidaire, en se fondant, à mon sens, bien plus sur une volonté politique ou une vision dogmatique que sur une réelle préoccupation de terrain.
Le témoignage personnel de M. Olivier Cadic et les termes employés par M. Bruno Retailleau – celui-ci évoque un dispositif « toxique » – semblent en effet imputer les difficultés de reprise des entreprises au problème d’information des salariés. Soyons sérieux ! Dites clairement le fond de votre pensée ! Il s’agit à notre sens d’un retour en arrière, qui n’a aujourd’hui absolument aucune espèce d’utilité et de place dans un dispositif ayant pour vocation d’être facteur de croissance.
Néanmoins, il y a tout de même des points sur lesquels nous pouvons nous accorder : pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, les PME, la question de la succession du chef d’entreprise se pose en effet régulièrement et massivement en France.
Ainsi, chaque année, des dizaines de milliers d’emplois disparaissent au seul motif de l’incapacité à organiser la succession de l’employeur. C’est pourquoi nombre de régions et de départements ont créé des dispositifs destinés à remédier à ces difficultés. On parle ainsi de cinquante mille emplois perdus chaque année, c’est-à-dire peu ou prou la différence actuelle entre les jeunes salariés entrant sur le marché du travail chaque année et les salariés âgés faisant valoir leur droit à la retraite !
Dans le même ordre d’idées, si l’on peut s’interroger sur le nombre de créations d’entreprises et de défaillances, il faudrait aussi s’intéresser à la démographie spécifique des chefs d’entreprises. Ainsi, en 2011, selon une étude du Groupe BPCE, la France compte plus de 350 000 chefs d’entreprises qui ont plus de soixante ans – vous savez à quel point nous sommes attachés à cet âge-là pour le départ en retraite –, c’est-à-dire qui sont appelés, à plus ou moins brève échéance, à passer la main.
La France compte par ailleurs 150 000 entreprises n’ayant qu’un salarié, 70 000 commerces de proximité et 50 000 petites unités de production industrielle ou du secteur du bâtiment. Un tiers des entreprises dont le chef cesse son activité disparaît purement et simplement. Enfin, plus d’un millier d’entreprises d’au moins dix salariés cessent leur activité, compte non tenu des procédures collectives, et plus de 125 000 salariés sont concernés chaque année par la liquidation judiciaire ou par la cessation d’activité de leur entreprise.
J’en reviens à votre position plutôt passéiste à notre sens de ces problèmes d’informations. Le monde n’est pas parfait, non plus que la libre concurrence.
Or, en matière de transmission et d’information des salariés, qui connaît le mieux l’entreprise dont le chef part bientôt à la retraite ? Qui est le moins dangereux pour elle ? Qui a le plus envie qu’elle perdure ?
Le banquier, qui lui imposera des conditions léonines de crédit ? La centrale d’achat, qui fait supporter son crédit à ses fournisseurs, généralement plus petits ? Le groupe de bâtiment et travaux publics qui « oublie » de payer ses sous-traitants à temps ? Le fonds commun de placement, qui guette le moment où l’employeur actionnaire principal liquidera ses actifs ? Le fonds de pension étranger, qui aime particulièrement les PME et entreprises de taille intermédiaire françaises sans héritiers ? Ou bien tout simplement les salariés, c’est-à-dire leur force de travail, leur capacité productive et le produit de leurs compétences et de leurs qualifications communes ?
La réponse au problème des reprises d’entreprises, le maintien de dizaines de milliers d’emplois et le développement de notre activité économique reposent sur les salariés tout autant que sur le capital. C’est donc leur faire un bien mauvais procès que de trouver ces derniers trop bavards, trop dangereux ou trop mal armés pour être à même de bénéficier d’une information correcte d’un projet de cession.
C’est pourquoi nous ne voterons pas ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. J’ai l’impression de revenir en arrière, à l’époque des débats sur la loi relative à l’économie sociale et solidaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Tout à fait !
M. Marc Daunis. Je me souviens des grandes déclarations qui avaient été faites alors.
Concernant les amendements en discussion, l’exposé de M. Bruno Retailleau est habile, comme d’habitude, mais il souffre de deux défauts majeurs.
Tout d'abord, il présente presque l’amendement n° 756 rectifié bis comme une mesure de bon sens et de simplification, qui ramène simplement l’obligation d’information des salariés aux cas où il n’y aurait pas de candidat à la reprise de l’entreprise. Cela peut en effet apparaître comme une mesure de bon sens, d’autant qu’il va jusqu’à reprendre l’argumentation même que le M. le ministre avait développée lors de nos débats.
On sait néanmoins parfaitement – comme cela avait d’ailleurs été souligné à l’époque – que le délai de deux mois est considérablement insuffisant, ce que confirmait d’ailleurs l’intervention de M. Jean-Marc Gabouty. Il fallait donc compléter ce dispositif par un droit d’information continue, permanente, tout au long de la vie de l’entreprise, ce que prévoyait l’article 18 de ladite loi. D’où cette information triennale des salariés, qui doit s’organiser pragmatiquement en s’adaptant à la nature de l’entreprise.
En outre, je voudrais revenir sur un point factuel : M. Bruno Retailleau prétend qu’on a créé un seuil fonctionnant à l’inverse des seuils habituels. Non ! Il ne s’agit que d’un alignement sur les obligations pesant sur les entreprises comptant plus de deux cent cinquante salariés ou qui ont un comité d’entreprise, donc, en somme, d’une réelle simplification.
Si nous adoptions les amendements en discussion, non seulement nous ne résoudrions rien, mais, une fois de plus, nous avouerions, en tant que législateur, notre impuissance face au constat qu’a rappelé M. Patrick Abate : la destruction de 50 000 emplois annuels causée par l’absence d’un repreneur d’une entreprise. Je suis d’ailleurs assez d’accord pour regretter avec mon collègue l’emploi du mot « toxique », d’abord parce que je le trouve peu adéquat dans le débat qui nous occupe, ensuite, et surtout, parce que l’on a pris l’habitude de qualifier ainsi certains emprunts malheureux…
Enfin, notre débat montre de nouveau combien sont différentes nos conceptions de l’entreprise.
M. François Pillet, corapporteur. C’est certain !
M. Marc Daunis. J’avais senti au moment de l’examen de la loi relative à l’économie sociale et solidaire que deux conceptions sous-jacentes s’opposaient dans l’hémicycle.
Selon l’une, l’entreprise est la propriété d’un ou plusieurs actionnaires, et les salariés sont infantilisés et rabaissés au rang de biens immobiliers ou mobiliers, c’est-à-dire d’une sorte de matériel humain, qu’il faudrait intégrer au bilan comptable à côté des autres actifs.
Cette vision ancienne et insultante de l’entreprise est contraire à ma conception de ce qu’est l’acte d’entreprendre, l’un des plus beaux actes humains qui puissent exister. L’entreprise est forcément une action collective.
L’autre vision – c’est la nôtre – consiste à considérer que l’une des richesses, si ce n’est la richesse principale de l’entreprise, c’est son capital humain, ce sont ses salariés. À cet égard, dire que ceux-ci ne seraient pas en situation de comprendre les enjeux de l’entreprise, alors qu’ils ont un droit à la formation tout au long de la vie, est inacceptable. Bref, il faut faire un pari sur l’intelligence collective pour la reprise de l’entreprise.
D'ailleurs, cet amendement témoigne de l’absence systématique de confiance dans l’intelligence de l’entreprise et dans sa capacité d’évolution. En France, nous avons des progrès tout particuliers à faire en la matière !
C’est pourquoi, madame la secrétaire d'État, j’ai regretté que vous n’ayez pas déposé un amendement. J’espère que vous le ferez lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, à partir des différents scénarios proposés par notre collègue Fanny Dombre-Coste.
Je reste cependant dubitatif sur l’un de ces scénarios, le scénario C, qui conduit à priver les salariés de leur nouveau droit d’information préalable, au profit des institutions représentatives du personnel. J’espère que le scénario qui sera retenu est celui qui fait le pari de l’intelligence collective et de la responsabilité des salariés : il mettrait fin aux prédations sur des entreprises saines, ainsi qu’à cet énorme gâchis qui voit 50 000 salariés d’entreprises, où le profit est certes limité – entre 2 % et 3 % –, mais qui sont saines, perdre leur emploi chaque année.
C’est pourquoi je voterai contre les amendements qui nous sont présentés ; j’espère que le Gouvernement, à l’Assemblée nationale, reprendra les éléments clefs de la loi sur l’économie sociale et solidaire que sont le droit d’information des salariés et l’information régulière de ces derniers.
Pardonnez-moi d’avoir dépassé mon temps de parole, monsieur le président. Il faut dire que je n’étais pas intervenu précédemment ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. Retailleau et ses collègues ont, en fait, deux bêtes noires : le compte personnel de prévention de la pénibilité et le droit à l’information des salariés. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Pour ce qui concerne le compte pénibilité, nous sommes dans une période transitoire : à la suite des annonces qui ont été faites, des propositions visant à alléger le dispositif ont été formulées. La situation actuelle est en train d’être examinée, à partir de quelques éléments objectifs.
S’agissant de l’information des salariés, je crois que l’habileté de M. Retailleau est encore surpassée par celle de notre corapporteur, qui, comme j’ai déjà eu l’occasion de lui dire, me laisse admirative ! Monsieur Pillet, vous nous dites, finalement, qu’adopter votre amendement serait rendre service au Gouvernement et à la majorité des membres de l’Assemblée nationale, puisque, en vertu de la théorie de l’entonnoir développée par le Conseil constitutionnel, la procédure accélérée ayant été engagée sur le projet de loi, si le texte qui sortira des travaux du Sénat n’évoque pas le sujet, celui-ci ne pourra être abordé à l’Assemblée nationale, ce qui ne permettra pas de concrétiser les mesures que le Gouvernement a annoncées.
Sur le fond, examinons les réalités statistiques. J’ai relevé qu’une note de la direction générale du Trésor, réalisée à la fin de l’année 2013, démontrait, chiffres à l’appui, que les entreprises reprises par leurs salariés avaient une longévité plus grande de près de 20 %. En termes d’efficacité économique, la capacité des salariés à intégrer la direction des entreprises, notamment à partir de l’information dont ils disposent, n’est donc pas à démontrer.
Si le rapport de notre collègue députée a été cité, il ne l’a été que partiellement. Pour ma part, je veux retenir une autre de ses propositions, qui renvoie à la conception de l’entreprise qui est la nôtre et qu’a rappelée mon collègue Marc Daunis : c’est l’information régulière, en continu, des salariés.
M. Marc Daunis. C’est un point majeur !
Mme Nicole Bricq. Le véritable enjeu, c’est la capacité à considérer les salariés comme des parties prenantes de l’entreprise, et non comme des empêcheurs de tourner en rond.
Notre collègue députée va même jusqu’à proposer de renforcer l’information des salariés, ce qui me plaît beaucoup. Dans cette hypothèse, le chef d’entreprise qui procède à l’information régulière des salariés et leur communique des éléments sur le contexte économique spécifique de l’entreprise pourrait être dispensé de la procédure de droit d’information préalable en cas de vente de l’entreprise dans l’année suivant cette information.
Cette proposition me paraît intéressante, car il faut toujours privilégier ce qui permet d’associer les salariés de manière continue. Au reste, elle me paraît beaucoup plus intéressante que la proposition de notre collègue Bruno Retailleau, qui vise, finalement, à vider de son sens l’information des salariés.
En conclusion, monsieur le corapporteur, oui, nous souhaitons que le débat continue à l’Assemblée nationale, mais nous ne voulons pas de la disposition de nos collègues, contre laquelle nous voterons. Nous désirons que, sur la base du rapport de Mme Dombre Coste, les bons curseurs puissent être trouvés, permettant véritablement d’associer les salariés et de favoriser le dialogue social. (MM. Jean-Louis Carrère et Daniel Raoul applaudissent.)
M. Marc Daunis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Je veux juste évoquer un point de procédure parlementaire à l’intention de notre collègue Marc Daunis.
Cher collègue, vous souhaitez que ce sujet puisse être évoqué à l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi. Or nos collègues députés ne pourront en débattre si le Sénat ne vote pas la moindre disposition à ce sujet ! Cela n’a d'ailleurs pas échappé à Nicole Bricq, qui, sur ce point, a parfaitement compris l’utilité de notre démarche. (Sourires.)
C’est le fond qui importe. Tout le reste est littérature. Ce qu’il faut, c’est voter un texte. Aujourd'hui, le Gouvernement n’ayant pas déposé d’amendement, vous devez voter l’amendement de nos collègues, dans votre intérêt même. J’espère que vous aurez apprécié cette petite leçon de procédure parlementaire ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous prenez soin de nous !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la secrétaire d'État, je vous ai écoutée. Je comprends bien vos intentions. Toutefois, la manière dont vous abordez les choses montre que vous vous illusionnez complètement sur ce qu’est la réalité d’une transmission d’entreprise. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Oui, je trouve que l’information en continu des salariés est une excellente chose.
Dans certaines entreprises – celles qui ont un comité d’entreprise –, l’information est formalisée. Dans d’autres, elle l’est beaucoup moins. On ne peut que saluer l’attitude des chefs d’entreprise qui réunissent les salariés deux fois par an pour leur donner des indications sur le contexte commercial et financier ou sur les perspectives de développement.
Cela étant, la cession est un moment délicat, où l’entreprise est fragilisée. Il me semble que nous sommes tous d’accord pour augmenter le taux de réussite des transmissions d’entreprise ! Certains de nos collègues en ont dressé un bilan. Que des entreprises qui pourraient être transmises disparaissent, à la suite d’une mauvaise préparation, d’un manque de motivation ou encore de conflits, c’est quand même du gâchis ! Il est beaucoup plus facile de reprendre une entreprise qui fonctionne que de partir de zéro pour en créer une que l’on hisse au même niveau. Nous sommes donc bien d’accord sur les intentions.
Par ailleurs, ne vous trompez pas, les arguments que Bruno Retailleau, Olivier Cadic ou moi-même avons développés ne sont pas dirigés contre les salariés. Ce qui m’inquiète, c’est l’information des tiers. À cet égard, je ne considère pas les salariés d’une entreprise comme des tiers. Ces derniers sont extérieurs à l’entreprise : ce sont les fournisseurs, les clients, les partenaires, les concurrents, qui, dans ce monde difficile, ne font pas de cadeaux. C’est vis-à-vis de ces tiers qu’il faut protéger la transaction.
Or, si des dizaines d’actionnaires et de salariés disposent très précocement d’une information préalable, la négociation sera mise sur la place publique et risque d’échouer. C'est la raison pour laquelle je pense qu’il faut ne pas confondre l’information préalable avec l’information permanente des salariés.
Dans la réalité, que se passe-t-il ? Les entreprises concluent la transaction, la présentent devant le comité d’entreprise ou l’assemblée d’actionnaires, si ces structures existent, attendent que les délais légaux soient écoulés… Néanmoins, tout cela se fait de manière relativement hypocrite. Il vaudrait donc mieux qu’il y ait des processus différents.
Pour ce qui me concerne, je propose à mes collègues Bruno Retailleau et Olivier Cadic, s’ils en sont d’accord, de supprimer, dans le texte de leurs amendements, la référence au délai de deux mois, qui me semble irréaliste et beaucoup plus dangereuse que la mention d’un « délai suffisant ». Je suis d’accord : deux mois avant les formalités, l’entreprise a déjà un pied dans la cessation effective d’activité. La discrétion est alors nécessaire.
Que les chefs d’entreprise cèdent ou achètent des entreprises en en informant les salariés est la formule la plus souhaitable – celui qui reprend une entreprise a évidemment intérêt à en connaître les salariés, les cadres, etc. –, mais ce n’est ni possible ni opportun dans tous les cas. Dans certaines hypothèses, il peut y avoir des risques. Il ne faut donc pas en faire une obligation.
Je le répète, le monde n’est pas idéal. La réalité, c’est la brutalité des négociations, la concurrence entre les acheteurs potentiels de l’entreprise, qui peuvent se porter des coups durs. À cet égard, si l’on veut préserver et sécuriser la transaction, il faut garder un certain niveau de discrétion vis-à-vis des tiers à l’entreprise – et non, j’y insiste, vis-à-vis des salariés.
Je le répète, le délai de deux mois n’est pas crédible. Il n’est pas acceptable et doit être supprimé. Deux mois avant les formalités auprès du greffe du tribunal de commerce, l’entreprise a pratiquement disparu ou, du moins, est en voie de disparition avancée. Il me semble plus pertinent de retenir un « délai suffisant », dont les modalités pourraient être précisées ultérieurement par décret.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Le sujet dont nous débattons est central. Certains ont déclaré que différentes conceptions de l’entreprise s’opposaient. À mon avis, c’est notre conception de l’économie qui est en cause !
Nous avons été nombreux à dire, lors de la discussion générale, que le cap fixé par le Gouvernement depuis trois ans souffrait d’un problème de lisibilité.
Chacun convient – à sa façon, c'est-à-dire plus ou moins ouvertement – que le droit d’information préalable n’a pour le moins pas été compris par le monde de l’entreprise, qui y a vu, au mieux, une méconnaissance de son activité et, au pire, un repoussoir ; c’est singulièrement ce que pensent les investisseurs internationaux.
Certains membres du Gouvernement ont même reconnu, avec les précautions d’usage, qu’il fallait faire évoluer ce dispositif à certains stades. Le Gouvernement a diligenté une mission. Une collègue députée a proposé des solutions.
Je crois qu’il ne serait pas compris que la majorité du Sénat ne se prononce pas sur un tel sujet. Comme M. le corapporteur l’a fort bien expliqué, en votant un amendement, nous permettrions au Gouvernement d’évoquer ce sujet à l’Assemblée nationale, après la réunion de la commission mixte paritaire ou lors de l’examen du projet de loi en deuxième lecture, et d’en proposer une version qui puisse faire l’objet d’un consensus. C’est un point majeur !
Néanmoins, sur le fond, il s'agit de clarifier les intentions, de reconnaître que l’information des salariés est nécessaire et que, dans certains cas, les salariés peuvent reprendre les entreprises. Cependant, il ne faut pas obérer la croissance et l’activité. Or, à cet égard, cette mesure pose problème.
Sur ce sujet fondamental, il nous revient de proposer une solution de sortie, même si l’on peut toujours discuter de tel ou tel aspect de la mesure, et d’avoir le courage de la mettre sur la table et de la voter pour donner un sens clair et une impulsion à ce texte.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Mes chers collègues, je veux simplement vous faire part de quelques petites réflexions.
Tout d'abord, je ne pense pas que notre économie soit dans une forme olympique, bien que l’on nous promette 1 %, voire 1,1 % de progression du PIB dans les années à venir. Nous savons que ce n’est pas suffisant.
Nous débattons d’un texte sur la croissance. Je voterai l’amendement de M. Retailleau, non seulement pour obéir aux raisons techniques invoquées par M. Pillet, mais surtout parce que le dispositif proposé me paraît excellent.
Je ne peux accepter les caricatures qui viennent d’être faites. Il n’y a pas d’un côté ceux qui seraient favorables à l’information, de l’autre ceux qui prôneraient la désinformation ou la non-information ; il n’y a pas non plus d’un côté ceux qui seraient pour les salariés, de l’autre ceux qui seraient contre ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui caricaturez !
M. Éric Doligé. C’est pourtant bien ce que vous avez dit, chers collègues de l’opposition sénatoriale !
Nous, nous sommes pour développer les entreprises et l’activité économique. Nous voulons faire en sorte d’atteindre les 1 %, voire les 1,5 % ou 2 % de croissance. Voilà quel est le fondement de notre philosophie.
Nous sommes vraiment dans un débat franco-français ! Il serait d’ailleurs amusant de savoir ce qu’en penseraient des étrangers. J’ignore si M. Mandon suit nos travaux, mais toujours est-il que, depuis quelques jours maintenant, nous ne faisons que complexifier et ajouter de la norme à la norme et de la règle à la règle.
Si vous écoutez les entreprises, et je sais que vous le faites – vous n’avez pas forcément les mêmes attitudes dans cet hémicycle que dans vos territoires –, qu’entendez-vous qu’elles vous demandent ? Elles veulent de la simplification et de la clarification. De même, que réclament les partenaires étrangers de nos entreprises ? De la sécurité juridique, administrative et fiscale. Et que fait-on aujourd’hui ? On continue en voulant instaurer une obligation d’information sous peine de nullité de la cession !
Le message que nous envoyons avec ce débat est dramatique vis-à-vis de l’extérieur. Nous ferions mieux de travailler au développement de l’économie et de la croissance, plutôt qu’à la complexification et au développement des règles auxquelles sont soumises nos entreprises.
Je regrette la nature de ces débats, raison pour laquelle je voterai avec plaisir l’amendement – d’ailleurs très proche des autres amendements en discussion – de notre collègue Retailleau. J’espère que la Haute Assemblée l’adoptera, avec pour seul objectif le développement de l’activité des entreprises et la création d’emplois et non celui de régler les conflits entre telle ou telle partie. Nous n’en sommes plus là : avec un taux de 1 %, nous sommes loin d’être les champions européens de la croissance. Regardez ce que font nos voisins : avec des règles beaucoup plus simples, ils obtiennent des résultats bien supérieurs aux nôtres !
J’espère que l’amendement de M. Retailleau sera adopté et que l’Assemblée nationale nous suivra, afin d’adresser à l’extérieur un message positif.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Nous avions mûrement réfléchi à la question de l’information des salariés dans le cadre de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Le rapporteur de ce texte très élaboré, Marc Daunis, peut en témoigner.
S’agissant de l’amendement « Retailleau et consorts », je formulerai deux remarques : d’une part, le délai de deux mois ne me paraît pas raisonnable, à moins de vouloir absolument tuer l’entreprise concernée ; d’autre part, la limitation aux cas de cessation d’activité, faute de repreneurs, ne me semble pas acceptable. Cela signifie qu’il n’y aurait pas d’obligation d’information parce qu’un repreneur viendrait casser à moitié l’entreprise, la vidant de sa substance vive. C’est pourtant bien en cas de repreneur à moindre coût que le risque de casse sociale est le plus important !
Voilà au moins deux motifs de ne pas voter cet amendement.
Enfin, je dirai à l’une des corapporteurs qu’il n’y a de richesse que d’hommes. Informons donc les hommes avant de nous préoccuper du reste.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. L’amendement que nous avons présenté étant presque identique à celui de M. Retailleau, nous le voterons sans état d’âme.
Je voudrais rappeler à nos collègues que le principe de réalité s’impose à qui cherche à céder son entreprise. Que l’on souhaite passer à autre chose ou se retirer des affaires, il faut avant tout adopter une approche pragmatique.
Céder son entreprise à ses collaborateurs, à ses salariés, est l’une des options que l’entrepreneur va envisager. S’il s’agit de la bonne solution, c’est elle qu’il suivra. Les statistiques montrent que cela arrive. Dès lors, pourquoi créer une obligation, qui aurait un effet contre-productif ?
Jean-Marc Gabouty l’a bien expliqué : le problème, ce sont les tiers. À partir du moment où cette obligation d’information va rendre les choses publiques, l’entreprise concernée peut être en danger. Les seuls qui en tireront avantage, ce sont les concurrents, non les salariés. (M. Jean-Marc Gabouty approuve.)
Céder une entreprise est très compliqué. Aucun entrepreneur ne le fait sans se soucier de ses collaborateurs – en tout cas, je n’en connais pas.
Par ailleurs, quand il n’y a pas de solution de rechange, quand aucun cadre ou employé ne souhaite reprendre l’entreprise, quand il n’y a pas non plus de repreneur, il faut bien prévoir un délai avant l’arrêt de l’activité. Je ne connais pas de délai incertain. Les auteurs de l’amendement proposent deux mois, mais cela aurait très bien pu être trois mois. L’important est de laisser un délai de réflexion aux collaborateurs : soit ils reprennent l’entreprise, soit ils préfèrent que leur contrat de travail s’interrompe pour bénéficier de tous leurs droits. Dans ma dernière entreprise, les collaborateurs ont préféré être licenciés et voir la société disparaître.
Nous devons sortir de cette situation par le haut. Instaurer une obligation d’information ne résout pas les problèmes et ne fait qu’ajouter de la crispation. C'est la raison pour laquelle je souscris à l’amendement de M. Retailleau, qui est extrêmement proche du nôtre. (M. Marc Daunis s’exclame.)
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, créez donc de l’emploi, montrez la voie ! Créez des entreprises !
M. Marc Daunis. Venez sur mon territoire, je vous montrerai comment on crée des entreprises !
M. Olivier Cadic. Mais nous ne demandons que ça ! Les donneurs de leçon, nous en avons plus qu’assez ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis. Parole d’expert !
M. Olivier Cadic. Nous, nous essayons de trouver des solutions ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Je voudrais tout d’abord indiquer que les propositions de votre collègue députée Fanny Dombre Coste seront bien introduites sous forme d’amendement à l’Assemblée nationale. (M. Marc Daunis marque son approbation.)
Il s’agit de remplacer la sanction de nullité relative de la vente de l’entreprise par une sanction purement financière. Nous souhaitons mettre en place des dispositifs d’information sécurisés plus simples et plus opérationnels.
Le droit d’information préalable des salariés est un droit important. Nous devons entendre les remarques qui remontent du terrain. Si le Gouvernement est à l’écoute des entreprises, il faut aussi savoir être volontariste et poser, dans la loi, des principes. Nous suivons une ligne directrice en matière de transmission et de reprise des entreprises, car trop d’emplois sont supprimés en France faute d’une bonne anticipation. C’est à ce travail que nous nous attelons.
Je connais bien le secteur des TPE-PME. Élue d’un territoire rural, je suis amenée à travailler quotidiennement auprès de ces chefs d’entreprise, qui ont à cœur de développer l’activité et qui cultivent une relation de proximité avec leurs salariés.
Fixer un cadre et une obligation dans la loi, c’est aussi envoyer un message à d’autres entreprises. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter de la contrainte ! Vous parlez de crispation, mais c’est oublier qu’à un moment il faut savoir se montrer responsable quand on parle des entreprises. Nous sommes dans une situation difficile, et la priorité du Gouvernement est bien la création d’emplois. Nous l’avons prouvé en instaurant le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi – 6 % de la masse salariale –, le pacte de responsabilité, la suppression des charges sur les salaires autour du SMIC et, dernière mesure en date, le suramortissement. Là encore, il s’agit d’une mesure pragmatique !
M. Éric Doligé. Et malgré tout cela, combien de chômeurs en plus ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Concernant le chômage, nous n’avons pas de leçons à recevoir de la droite ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’était tout de même mieux !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’implication du Gouvernement est forte. Dans ce contexte difficile, nous ferions mieux d’être responsables et d’éviter de basses querelles. (Mêmes mouvements, sur les mêmes travées.)
De même, nous sommes auprès des entreprises quand nous décidons d’exonérer de cotisations salariales des apprentis de première année dans les sociétés de moins de onze salariés. Oui, le monde de l’entreprise demande à être écouté ; oui, les réalités locales des TPE-PME doivent être prises en compte. (Brouhaha.) Toutefois, nous devons aussi être volontaristes en matière de transmission et de reprise et bien affirmer que salariés et chefs d’entreprise doivent travailler ensemble et, pour ce faire, disposer d’une méthode à même de favoriser la conciliation et l’anticipation.
Nous voulons mettre en place un système volontariste d’information des salariés et continuer à promouvoir les valeurs qui sont les nôtres de façon forte, pragmatique et non démagogique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame la secrétaire d'État, cette mesure était un totem pour l’aile gauche de votre majorité à l’Assemblée nationale. Vous avez dû convenir, ce qui fut extrêmement douloureux, que le dispositif ne marche pas et qu’il va falloir y revenir. Il est difficile de reculer, mais vous allez devoir le faire.
Vous nous avez appris à l’instant le dépôt d’un amendement à l’Assemblée nationale. Le Sénat apprécie d’apprendre non seulement qu’il y aura une deuxième lecture (Sourires sur les travées de l'UMP.), mais aussi que tout cela se fera à l’Assemblée nationale, entre gens sérieux !
Il n’en reste pas moins que le « théorème Pillet » s’applique. Notre corapporteur a rappelé voilà quelques instants que, pour pouvoir amender à l’Assemblée nationale, il faut qu’une « accroche » juridique soit votée par le Sénat. Il nous faut donc adopter cet amendement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 55, et les amendements nos 875 rectifié quater, 303 rectifié ter, 302 rectifié ter, 301 rectifié ter et 300 rectifié ter n'ont plus d'objet.
Article 55 bis
Au premier alinéa de l’article L. 441-6-1 du code de commerce, le mot : « publient » est remplacé par le mot : « communiquent ».
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.
M. Maurice Antiste. Si j’ai sciemment pris la décision de ne pas déposer d’amendement sur cette partie du texte, il est de mon devoir d’évoquer un important point noir concernant le monde des entreprises et leur pérennité. Le non-respect des délais de paiement est un véritable fléau pour les entreprises, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites, voire individuelles ou artisanales.
Selon moi, nous disposons déjà d’un arsenal de mesures législatives et réglementaires sur le sujet.
Ainsi, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a modifié les règles relatives aux pénalités de retard pour les rendre plus dissuasives. Elles ne peuvent désormais être inférieures à trois fois le taux d’intérêt légal, soit 1,95 % en 2010, sachant qu’il s’agit là d’un minimum et que les entreprises qui le souhaitent peuvent appliquer des taux supérieurs. Dans l’absolu, ces pénalités sont applicables dès le dépassement du délai contractuel de paiement. Comme elles sont dues de plein droit, il incombe donc théoriquement au client de les calculer, ce qui est rarement le cas, pour ne pas dire jamais.
À cette disposition s’est ajoutée depuis le 1er janvier 2013 une indemnité forfaitaire de recouvrement dont l’objectif est d’éviter au créancier de supporter tous les frais imprévus supplémentaires : cette indemnité est de 40 euros par facture non payée à l’échéance.
Pourtant, depuis 2009, il n’y a pas véritablement eu d’amélioration du comportement des maîtres d’œuvre en matière de délais de paiement, puisqu’un tiers des entreprises restent touchées par ces retards.
Ainsi, selon une étude du groupe Altares, les paiements effectués sans retard représentaient, au premier semestre 2014, 32 % de la totalité des paiements, ceux effectués avec un retard de quinze à trente jours, 25,7 %, tandis que le nombre de jours de retard était de 11,9.
Par ailleurs, les entreprises ne semblent pas faire usage des recours prévus par la loi. Selon la dernière enquête annuelle de l’Association française des crédits managers et conseils, l’AFDCC, presque une entreprise sur deux ne réclame jamais les pénalités de retard, et près de 70 % déclarent ne pas encaisser l’indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement par facture de retard. C’est même 79 % des structures de plus de 50 salariés qui ne l’appliquent pas, selon un récent baromètre du cabinet ARC-IFOP.
La peur de perdre des parts de marché explique la réticence des entreprises à utiliser ces dispositions.
Je tiens à rappeler également que la survie d’une entreprise se joue parfois à peu de chose : un trou de trésorerie causé par un règlement de factures tardif et la structure peut être soit contrainte de cesser son activité, soit dans l’impossibilité d’investir comme elle le pourrait ou le voudrait.
Je ne peux que vous exhorter, madame la secrétaire d’État, à faire en sorte que nous nous penchions, Gouvernement et élus, sur cet épineux sujet, afin d’y apporter des solutions nécessaires et optimales pour tout un chacun.
Pourquoi ne pas imaginer par exemple une provision supplémentaire appliquée de plein droit, qui augmenterait donc le coût théorique de la prestation ou des travaux, cette somme étant vouée à faire l’objet d’un remboursement partiel ou total selon le délai de paiement du débiteur ?
Ou bien pourquoi ne pas généraliser un mode de paiement calqué sur le modèle PayPal ? La somme correspondante serait bloquée sur un compte et ferait l’objet d’un paiement selon la convention liant les parties entre elles. Pourquoi ne pas envisager – autre solution – une assurance obligatoire pour toute demande de travaux qui couvrirait le montant des dépenses prévues ?
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Au préalable, je veux dire à quel point j’ai apprécié la force des propos tenus par Marc Daunis tout à l’heure, propos qui plaçaient l’ensemble des salariés au centre de l’entreprise, en indiquant qu’ils étaient la première richesse de notre pays. Nous partageons ce point de vue, et je remercie mon collègue de son intervention.
L’article 55 bis a une portée assez limitée et l’on peut d’ailleurs s’interroger sur le sens profond d’un article prévoyant de remplacer le mot « publient » par le mot « communiquent ».
Dans l’esprit de nombreux spécialistes de la relation commerciale, le verbe « publier » fait référence à la production d’un document papier, matérialisé, alors que le verbe « communiquer » évoque plutôt un message passant par la voie électronique.
Si nous devions en rester là, nous pourrions donc fort bien supprimer cet article, qui se rapporte tout de même à une disposition législative récemment modifiée, à savoir l’article L. 441-6-1 du code de commerce, qui fait obligation aux entreprises de publier toute information sur les relations qu’elles peuvent entretenir avec leurs clients comme avec leurs fournisseurs.
Ledit article L. 441-6-1 a cependant connu un certain nombre de modifications. Toutefois, il apparaissait dès 2008 comme l’expression d’une volonté de transparence en matière de relations interentreprises, notamment pour isoler et repérer la situation de ceux qui se « nourrissent » du crédit fournisseurs pour dégager leur rentabilité et la situation de ceux qui en souffrent.
Le problème, c’est que l’article 123 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a complété utilement les termes du code de commerce, afin de détecter les « mauvais payeurs », c’est-à-dire les entreprises qui « tirent sur la corde » du crédit fournisseurs, en général certains groupes de la grande distribution, lesquels font des placements de trésorerie de court terme avec les sommes ainsi distraites.
Cette démarche impliquait notamment la publication des accords interprofessionnels passés entre opérateurs de commerce et fournisseurs.
Or le décret n’a pas encore été publié à la date du 17 avril 2015. Ainsi, faute de mieux, si l’on peut dire, on laisse Carrefour ou Auchan « communiquer » plutôt que « publier » la réalité des faits.
La mesure prévue à l’article 55 bis ne règle rien. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons, mes chers collègues, à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de suppression contraire à la position de la commission, laquelle approuve la mesure de simplification prévue à l’article 55 bis, consistant à remplacer une obligation de publication par une obligation plus souple de communication d’informations. Une telle obligation s’impose aux sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ce qui ne vous surprendra pas, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il nous semble important de conserver l’article 55 bis, afin de maintenir la possibilité, pour l’ensemble des sociétés, d’inclure des informations sur les délais de paiement dans le rapport de gestion. Un décret précisera par la suite les modalités.
M. le président. Je mets aux voix l'article 55 bis.
(L'article 55 bis est adopté.)
Article 55 ter
I. – L’article L. 526-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 526-1. – Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, à condition d’être désignée dans un état descriptif de division. La domiciliation de la personne dans son local d’habitation en application de l’article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.
« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n’est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
« L’insaisissabilité mentionnée aux deux premiers alinéas du présent article n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l’article 1729 du code général des impôts. »
II. – (Non modifié) L’article L. 526-2 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « déclaration », sont insérés les mots : « prévue au deuxième alinéa de l’article L. 526-1 » ;
2° Au troisième alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième ».
III. – L’article L. 526-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 526-3. – En cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par la personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 526-1 d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.
« L’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ; elle peut être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers mentionnés à l’article L. 526-1 désignés par l’acte authentique de renonciation. Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci. La renonciation peut, à tout moment, être révoquée dans les conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2. Cette révocation n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers mentionnés à l’article L. 526-1 dont les droits naissent postérieurement à sa publication.
« Les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque la personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 526-1 ou le déclarant mentionné au deuxième alinéa du même article est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès de la personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 526-1 ou du déclarant mentionné au deuxième alinéa du même article jusqu’à la liquidation de la succession, pour une durée ne pouvant excéder deux ans. »
IV. – Le premier alinéa des articles L. 526-1 et L. 526-3 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article, n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle postérieurement à la publication de la présente loi.
Les déclarations et les renonciations portant sur l’insaisissabilité de la résidence principale publiées avant la publication de la présente loi continuent de produire leurs effets.
V. – (Non modifié) L’intitulé de la section 1 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce est ainsi rédigé : « De l’insaisissabilité de la résidence principale ».
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique avait permis à l’entrepreneur individuel de protéger sa résidence principale, en établissant auprès d’un notaire une déclaration d’insaisissabilité. Un tel dispositif visait à mettre à l’abri le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel qui n’avait pas fait le choix de créer une société pour dissocier son patrimoine personnel et son activité professionnelle.
Malheureusement, beaucoup d’entrepreneurs s’affranchissent d’une telle démarche, par méconnaissance des risques encourus ou pour diverses autres raisons. C’est pourtant un gros risque, dans la mesure où, si le bien n’est pas déclaré insaisissable, n’importe quel créancier peut s’en saisir dans le cadre d’une liquidation ou d’une faillite.
L’article 55 ter que nous avons à examiner remplace la déclaration d’insaisissabilité, qui requiert un acte notarié, par une insaisissabilité de droit de la résidence principale, en instaurant une protection par défaut de la résidence principale des entrepreneurs individuels ou de la partie de la résidence principale affectée à un usage non professionnel.
Plusieurs modifications ont été apportées par la commission visant à améliorer la rédaction de l’article, notamment en prévoyant un état descriptif de division, en cas d’affectation d’une partie de la résidence principale à l’activité professionnelle.
Désormais, les entrepreneurs individuels n’auront plus à craindre de perdre, en cas de faillite, la maison ou l’appartement dans lequel ils vivent, souvent avec leur famille. Il s’agit, selon moi, d’une réelle avancée qui nous est proposée dans ce texte de loi.
Bien évidemment, la mise à l’abri de la résidence principale ne vaudrait que pour les créances professionnelles qui naîtraient après l’entrée en vigueur de la présente loi.
En outre, elle ne remet pas en cause les dispositions actuelles rendant inopposables à l’administration fiscale l’insaisissabilité de la résidence principale en cas de fraude fiscale ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales. Le principe d’une déclaration d’insaisissabilité pour d’autres biens fonciers non affectés à un usage professionnel est par ailleurs conservé.
Je considère que l’insaisissabilité de droit de la résidence principale de l’entrepreneur individuel à l’égard de ses créanciers professionnels est une mesure de simplification utile et protectrice pour l’ensemble des entrepreneurs individuels et je me réjouis qu’elle puisse figurer dans ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 1607, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer les mots :
à condition d’être désignée dans un état descriptif de division
par les mots :
sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire
II. – Alinéa 11, seconde phrase
Supprimer les mots :
, pour une durée ne pouvant excéder deux ans
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le présent amendement tend à supprimer l’obligation, pour bénéficier de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale, d’établir un état descriptif de division, dans le cas où une partie de la résidence est utilisée pour un usage professionnel.
Il est en effet important que le dispositif d’insaisissabilité de droit de la résidence principale puisse s’appliquer sans formalité ni coût pour l’entrepreneur. De surcroît, une telle formalité fait passer la mesure sur un régime d’autorisation préalable, dès lors que l’insaisissabilité est conditionnée à la réalisation d’une formalité préalable.
Cette suppression n’empêchera pas la saisie de la partie professionnelle du bien immobilier, les créanciers pourront toujours demander le moment venu au tribunal de faire procéder à un état descriptif de division.
L’amendement vise par ailleurs à supprimer la limitation des effets de l’insaisissabilité à deux ans, en cas de décès de l’entrepreneur, pour les besoins de la liquidation de la succession. En effet, la durée d’une succession peut excéder deux ans, et il n’y a pas de raison de faire tomber l’insaisissabilité dans ce cas particulier.
Cet amendement vise donc à simplifier les dispositions actuelles et à accorder une protection garantie dans le temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement déposé par le Gouvernement tend à introduire deux précisions distinctes à l’article 55 ter relatif à l’insaisissabilité de droit de la résidence principale de l’entrepreneur individuel.
La commission a approuvé cet article, qui est une vraie simplification concernant un dispositif lui-même vraiment protecteur pour l’entrepreneur et sa famille, à partir du moment bien sûr – c’est un bémol important – où celui-ci n’est pas obligé d’apporter sa résidence principale en garantie d’un crédit.
La commission a toutefois clarifié et mieux encadré le dispositif, en veillant notamment à la protection des droits des créanciers, qui possèdent une valeur constitutionnelle.
À cet égard, pour veiller aux droits des créanciers, il paraît nécessaire que l’entrepreneur individuel qui affecte à son activité professionnelle une partie de sa résidence principale la désigne bien dans un état descriptif de division, afin que les créanciers puissent bien avoir connaissance de la consistance de leur gage. C’est certes une formalité à effectuer, mais elle me semble nécessaire pour le motif de constitutionnalité que je viens de rappeler. Dans ces conditions, il ne paraît pas pertinent d’attendre un éventuel litige avec un créancier pour que soit établi a posteriori un état descriptif de division. La commission a donc émis un avis défavorable sur le paragraphe I de l’amendement.
En revanche, je veux bien souscrire au paragraphe II de l’amendement.
Contrairement au droit actuel, le projet de loi ne préciserait pas le devenir de l’insaisissabilité de la résidence principale en cas de décès de l’entrepreneur. Jusqu’à aujourd'hui, le décès emporte révocation, et donc possibilité, s’il y a lieu, pour les créanciers professionnels de saisir immédiatement le bien.
La commission a rétabli une disposition clarifiant cette question, en prévoyant que l’insaisissabilité subsiste pour les besoins de la succession, de façon à ménager la famille un certain temps après le décès. Pour tenir compte du fait qu’une succession peut parfois tarder à être liquidée, la commission avait adopté un délai maximal de deux ans après le décès.
Le Gouvernement considère que l’insaisissabilité doit subsister jusqu’à la liquidation de la succession, sans limite de temps.
Personnellement, je suis un peu circonspect, l’insaisissabilité pouvant être un élément permettant de « faire traîner » la succession, même si un créancier peut dans ce cas agir pour contraindre les héritiers à accepter ou renoncer à la succession à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
Néanmoins, la commission estime qu’elle peut s’en remettre à la sagesse du Sénat sur le II de l’amendement. En tout état de cause, en effet, les héritiers acceptant la succession sont tenus de régler les dettes professionnelles de l’entrepreneur décédé.
Dès lors, monsieur le président, je demande un vote par division sur l’amendement, dont le I recueille un avis défavorable et le II un avis de sagesse très positive.
M. le président. Nous allons donc procéder au vote par division de l’amendement n° 1607.
Je mets aux voix le I de l’amendement n° 1607.
(Le I de l’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le II de l’amendement n° 1607.
(Le II de l’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 55 ter, modifié.
(L’article 55 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 55 ter
M. le président. L’amendement n° 519 rectifié n’est pas soutenu.
Article 56
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Après le mot : « donné », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 145-9 est ainsi rédigée : « par acte extrajudiciaire. » ;
1° L’article L. 145-10 est ainsi modifié :
a) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
– le mot : « signifiée » est remplacé par le mot : « notifiée » ;
– sont ajoutés les mots : « ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » ;
b) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « signification » est remplacé par le mot : « notification » et les mots : « dans les mêmes formes » sont remplacés par les mots : « par acte extrajudiciaire » ;
c) (Supprimé)
2° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 145-12, à la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 145-18, au premier alinéa de l’article L. 145-19, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 145-47, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 145-49 et à l’article L. 145-55, après le mot : « extrajudiciaire », sont insérés les mots : « ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » ;
3° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 145-49, le mot : « signifié » est remplacé par le mot : « notifié ».
II. – (Non modifié) Le I du présent article et le I de l’article 2 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. L’amendement n° 276 rectifié, présenté par Mme Lamure et MM. César, Kennel, Lefèvre, D. Laurent, Calvet, Sido et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
...° L’article L. 145-3 du code de commerce est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du chapitre IV du présent titre ne sont pas applicables aux contrats de location qui ne remplissent pas les trois conditions cumulatives suivantes :
« – Stabilité et permanence, pendant toute la durée du contrat, de l’emplacement dans lequel est exercée l’activité, sans possibilité pour le bailleur de le déplacer unilatéralement ;
« – Existence, au profit de l’activité exercée, d’une clientèle propre, personnelle et autonome ;
« – Absence de contraintes incompatibles avec le libre exercice de l’activité par le preneur. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Le présent amendement vise à conforter la jurisprudence existante, qui exclut du champ d’application du statut des baux commerciaux les contrats de location de surface dès lors que certains critères ne sont pas réunis, à savoir la stabilité et la permanence d’un local, l’existence d’une clientèle propre à l’activité, et l’absence de contraintes incompatibles avec le libre exercice de l’activité.
Il s’agit non pas d’introduire une disposition qui viendrait déroger au statut des baux commerciaux, mais de constater que ce statut ne peut trouver application si certains critères qui justifient son existence ne sont pas réunis. Un contentieux abondant est né d’occupants de surfaces qui revendiquent le statut des baux commerciaux alors que leur emplacement n’y est pas éligible.
C’est pourquoi l’insertion dans le code de commerce des solutions dégagées par la jurisprudence leur donnera plus d’autorité juridique et limitera les contentieux abusifs qui encombrent les tribunaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission a déjà rejeté un amendement identique.
Le champ d’application des baux commerciaux est clair et bien connu. La jurisprudence est précise, stable, ancienne et les professionnels concernés la connaissent. Il n’y a pas lieu de vouloir, comme vous l’affirmez, clarifier ce champ d’application, au risque de susciter des perturbations, d’autant qu’une réforme importante des baux commerciaux a déjà eu lieu l’année dernière, par la loi relative au commerce, à l’artisanat et aux très petites entreprises.
On peut lire dans l’objet de l’amendement que « l’insertion dans le code de commerce des solutions dégagées par la jurisprudence leur donnera plus d’autorité juridique et limitera les contentieux abusifs qui encombrent les tribunaux ». Ce n’est pas tout à fait exact, puisque la jurisprudence est déjà une source de droit, et revêt donc une autorité juridique. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que cet amendement reprenne toute la jurisprudence en ce domaine. Je crains donc que codifier la jurisprudence dans la loi ne revienne à la simplifier ou à l’appauvrir.
On peut également lire dans l’objet de l’amendement qu’« un contentieux abondant est né d’occupants de surfaces qui revendiquent le statut des baux commerciaux alors que leur emplacement n’y est pas éligible ». Là encore, je crains qu’introduire ces dispositions ne rende la loi – pardonnez-moi cet adjectif mais c’est celui que l’on utilise souvent – un peu « bavarde », ce qui n’empêchera pas les personnes qui le veulent d’avoir recours au contentieux.
Laissons au législateur le soin de fixer des règles générales et au juge son office de trancher les litiges et d’appliquer la loi aux cas particuliers.
C’est la raison pour laquelle la commission suggère à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Le dispositif de cet amendement, au lieu de limiter le nombre des contentieux, pourrait au contraire l’augmenter, par l’introduction de dispositions sujettes à interprétation.
Le dispositif proposé ne se limite pas à conforter la jurisprudence, puisqu’il permettrait de priver, par l’insertion d’une simple clause de mobilité, tous les locataires du bénéfice du statut des baux commerciaux, y compris ceux qui jouissent d’un local clos et couvert.
Par ailleurs, en définissant les contrats qui ne constituent pas des baux commerciaux, le dispositif proposé est redondant avec l’article L. 145–1 du code de commerce, lequel définit déjà le champ du bail commercial. Cet ajout pourrait susciter des interrogations sur la volonté du législateur, voire créer des effets a contrario.
Il semble donc que cet amendement puisse aller à l’encontre de l’objectif de clarté du droit. Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. J’ai bien entendu les arguments juridiques très précis avancés par M. le rapporteur. Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 276 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1654, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 145-4 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « dans les formes et délai de l’article L. 145-9 » sont remplacés par les mots : « au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « faculté » sont insérés les mots : » , dans les formes et délai de l’article L. 145-9, » ;
c) Au quatrième alinéa, les mots : « dans les formes et délais de l’article L. 145-9 » sont remplacés par les mots : « dans les formes et délais prévus au deuxième alinéa ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Carole Delga, secrétaire d’État. La commission spéciale a supprimé la faculté de recourir à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception pour donner congé d’un bail commercial, faculté qui avait été introduite par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
Par le jeu des renvois d’articles, cette suppression s’appliquera non seulement aux congés donnés par le bailleur, ce qui correspond à la volonté de la commission spéciale, mais également à la résiliation triennale faite par le locataire, ce qui est un effet indirect.
Or la possibilité de recourir à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception pour la résiliation triennale a permis de mettre un terme à un abondant contentieux, au détriment des locataires.
C’est pourquoi il est proposé de rétablir cette seule possibilité pour la résiliation triennale faite par le locataire. Le congé donné par le bailleur resterait, lui, soumis à acte extrajudiciaire, comme le prévoit le texte voté par la commission spéciale.
De la sorte, la rédaction de l’article 56 parviendrait à trouver un équilibre : les actes les plus simples de la vie du bail pourraient désormais être notifiés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, quand les actes les plus importants et susceptibles de produire des conséquences sur les locataires continueraient de devoir être signifiés par acte extrajudiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement du Gouvernement ne remet pas en cause les modifications apportées par la commission pour garantir la sécurité juridique des actes les plus importants entre bailleur et locataire dans le régime des baux commerciaux.
La commission s’en remet donc à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 56, modifié.
(L’article 56 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 56
M. le président. L’amendement n° 238 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 145–40–2 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande expresse du locataire et après accord du bailleur, le présent article ne s’applique pas aux contrats de location portant sur les immeubles à usage unique pour l’exploitation d’établissements ou services médico-sociaux relevant de l’article L. 312–1 du code de l’action sociale et des familles et les établissements de santé relevant des articles L. 6161–1 et suivants du code de la santé publique. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article L. 145–40–2 du code de commerce dispose qu’en matière de baux commerciaux la répartition des charges entre le bailleur et le locataire doit être établie au sein d’un inventaire précis et limitatif.
En outre, lors de la conclusion du contrat de location, et par la suite tous les trois ans, le bailleur doit communiquer au locataire un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes.
Le sixième alinéa de cet article renvoie à un décret la détermination des charges qui ne peuvent pas incomber au locataire. Ainsi, le décret d’application en date du 3 novembre 2014 précise que les charges résultant de gros travaux ou de mise en conformité avec la réglementation ne peuvent être imputées au locataire.
Or, si cet article introduit par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises avait pour objet de combler un vide juridique qui engendrait de nombreux contentieux en défaveur des locataires, il n’est pas adapté aux secteurs médico-sociaux et sanitaires.
En effet, les établissements de ces secteurs, régulièrement contrôlés par les autorités administratives, doivent pouvoir conserver la maîtrise des travaux des locaux qu’ils exploitent en lieu et place de bailleurs non professionnels, puisqu’ils sont responsables des personnes accueillies.
Le présent amendement vise donc à écarter l’impossibilité pour ces établissements de prendre en charge les dépenses résultant de travaux importants, à leur demande expresse et à condition d’obtenir l’accord du bailleur.
Il s’agit par conséquent de combler un vide juridique.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à exonérer les établissements médico-sociaux exploités dans des locaux loués dans le cadre d’un bail commercial de certaines dispositions issues de la réforme des baux commerciaux de 2014, qui visaient à assurer la transparence des charges imputables au locataire et une répartition plus juste des charges entre bailleur et locataire. J’avoue que je ne comprends pas très bien l’objet de cet amendement, car son dispositif dépasse très largement ce qui est indiqué dans son exposé des motifs. (M. Alain Bertrand rit.)
Pour être plus précis, j’indique que, depuis la réforme opérée par la loi Pinel du 18 juin 2014, le code de commerce prévoit que « tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire » et que « cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire ». Il prévoit également qu’un décret précise notamment « les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire ». Un décret de novembre 2014 est venu préciser que les gros travaux intéressant la structure de l’immeuble et les travaux de mise aux normes réglementaires étaient à la charge du bailleur.
Si cet amendement était adopté, il aurait pour effet d’exonérer les établissements médico-sociaux de l’ensemble de ces règles de transparence et de répartition équitable des charges entre bailleur et locataire, dont je ne crains pas de dire qu’il s’agissait pourtant d’une avancée importante de la réforme de 2014. Je doute que cela soit opportun ; je doute même que cela soit l’intention des auteurs de l’amendement.
Si la question doit être traitée, pour que les travaux de mise aux normes qui s’imposent aux établissements médico-sociaux puissent être réalisés par les locataires, c’est au niveau réglementaire qu’elle doit l’être, en révisant le décret de novembre 2014, et non au niveau législatif.
Par conséquent, je vous demande, monsieur Requier, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification. L’avis du Gouvernement est extrêmement proche de la position qui vient d’être brillamment exposée par le rapporteur, M. Pillet. Je n’ai qu’un argument à ajouter, c’est que la dérogation proposée ne saurait se justifier – comme l’auteur de l’amendement l’a fait, me semble-t-il – par la situation spécifique des établissements de santé et médico-sociaux, puisque tous les locaux recevant du public – hôtels, salles de spectacles, restaurants – peuvent aussi exiger des travaux de mise en conformité avec la réglementation.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 238 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Nous n’avons pas eu beaucoup de succès. En espérant que le décret sera modifié, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 238 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1418 rectifié bis, présenté par M. Tandonnet, Mme Joissains, MM. Gabouty et Détraigne, Mme Férat, MM. Bockel, Roche, Guerriau, Delahaye, Canevet, Cigolotti, Longeot, Bonnecarrère, Kern et Cadic, Mme Jouanno, MM. Marseille, Namy, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 56
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-36 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement des opérations ainsi qu’un exemplaire des documents adressés au public doivent être déposés auprès d’un officier ministériel qui s’assure de la réalité des prix décrits ou de leur équivalent et en atteste par acte. Ce règlement est adressé, à titre gratuit, à toute personne qui en fait la demande. »
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Le présent amendement a pour objet d’introduire des dispositions protectrices des droits des consommateurs en matière de loterie publicitaire. La loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 juillet dernier en supprimant le formalisme entourant les loteries publicitaires et notamment le dépôt du règlement auprès d’un officier ministériel.
Bien que la législation issue de la loi précitée intègre la règle selon laquelle les loteries publicitaires sont a priori licites, il n’en demeure pas moins qu’elle ne protège pas suffisamment le consommateur de certaines pratiques découlant de la mise en œuvre de ce type de loteries.
Cet amendement vise donc à garantir la sincérité des loteries publicitaires et à éviter toute suspicion sur la réalité du règlement et des lots. Il tend à introduire l’obligation de s’assurer, par le dépôt du règlement, de la réalité des lots par acte d’huissier de justice. Une telle disposition, protectrice des intérêts du consommateur, n’est en outre nullement contraire à la directive européenne du 11 mai 2005 ni à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le Sénat avait déjà écarté un dispositif identique lors de l’examen d’autres textes. La commission spéciale n’est pas favorable à cet amendement.
Le fait de rendre obligatoire le dépôt des règlements des jeux et concours auprès d’un huissier de justice, comme cela nous est proposé, créerait une contrainte supplémentaire pour les entreprises ou les opérateurs concernés.
Surtout, une telle mesure pose des problèmes juridiques. Le droit européen considère les loteries comme licites en elles-mêmes ; elles ne relèvent pas des pratiques commerciales trompeuses. D’ailleurs, notre code de la consommation a dû être modifié sur ce point l’année dernière. Au regard du droit européen, le contrôle obligatoire du règlement par un huissier pourrait être interprété comme une entrave à la liberté commerciale.
Certes, il eût été préférable de conserver notre législation nationale. Mais elle était incompatible avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Force est de le constater, comme souvent en matière de droit de la consommation, les exigences d’harmonisation européenne affaiblissent malheureusement le droit français, qui offre un niveau de protection plus élevé.
Je suggère donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Tandonnet, l'amendement n° 1418 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Henri Tandonnet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1418 rectifié bis est retiré.
Article 56 bis
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Après l’article 1244-3, il est inséré un article 1244-4 ainsi rédigé :
« Art. 1244-4. – Une procédure amiable de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret.
« Cette procédure se déroule dans un délai de quinze jours à compter de l’envoi par le créancier d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception invitant le débiteur à participer à cette procédure. L’envoi de la lettre recommandée suspend la prescription.
« L’huissier de justice qui a reçu l’accord du créancier et du débiteur sur le montant et les modalités du paiement le soumet, au nom de son client, pour homologation au juge, aux fins de lui conférer force exécutoire.
« Les frais de toute nature qu’occasionne la procédure sont à la charge exclusive du créancier.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
2° L’article 2238 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou à compter de la saisine de l’huissier de justice par le créancier dans le cadre de la procédure prévue à l’article 1244-4 » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’échec de la procédure prévue au même article 1244-4, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l’huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 702 rectifié est présenté par Mme Gruny, MM. Calvet et Commeinhes, Mmes Deromedi et Mélot et MM. Milon, Pierre, Revet et Vasselle.
L'amendement n° 1348 est présenté par MM. Guerriau, Kern, Bonnecarrère et Longeot, Mme Morin-Desailly et M. Cadic.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 702 rectifié.
Mme Pascale Gruny. L'article 56 bis donne à l’huissier de justice le pouvoir de délivrer un titre exécutoire et de procéder de son propre chef au recouvrement forcé d’une créance.
Le titre exécutoire relève du pouvoir souverain du juge, sauf dans le cas exceptionnel du chèque sans provision. La mission de l’huissier de justice consiste à mettre à exécution un titre exécutoire délivré par le tribunal. Il ne peut donc pas se délivrer à lui-même un titre exécutoire, puis le mettre à exécution.
Par ailleurs, l’huissier de justice est mandaté par un client, le créancier. Il ne peut pas à la fois agir pour le compte de ce dernier et apporter les garanties d’impartialité, d’équité et de neutralité dans le traitement de la procédure. Le risque de conflit d’intérêt est donc réel.
Le mécanisme prévu à l’article 56 bis ne permettra pas la mise en œuvre du principe du contradictoire, que seule une procédure judiciaire garantit.
En outre, le recouvrement rapide des créances est déjà prévu par la procédure d’injonction de payer, conduite par le juge. Cette procédure est gratuite dans les juridictions civiles et coûte trente-cinq euros hors taxes dans les juridictions commerciales.
Le coût de la procédure de recouvrement des créances prévue à l'article 56 bis serait supérieur, ce qui augmenterait les charges pesant sur les entreprises.
Il convient donc de supprimer cet article.
Aujourd'hui, dans une entreprise, en cas de contentieux avec un client, on cherche d’abord un règlement à l’amiable, avant, le cas échéant, d’aller voir le juge pour la procédure d’injonction de payer.
Je ne vois pas ce que le nouveau dispositif apporterait. Il arrive qu’un créancier de bonne foi puisse expliquer au juge pourquoi il ne peut pas payer la créance. La situation risque d’être différente si la procédure est décidée seulement par le créancier et l’huissier !
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l'amendement n° 1348.
M. Joël Guerriau. J’irai exactement dans le même sens que Mme Gruny.
D’abord, il y a effectivement un conflit d’intérêt si un huissier de justice peut se délivrer à lui-même un titre exécutoire sans le contrôle et l’arbitrage d’un juge ! Et sa qualité d’huissier de justice risque de faire peser une contrainte morale sur des débiteurs en situation de faiblesse.
Ensuite, et cela a été souligné, la procédure d’injonction de payer, qui est conduite par un juge, garantit un traitement impartial.
En outre, le juge ne pourra plus exercer de contrôle sur les frais accessoires, d’intérêts de retard ou de frais résultant de clauses pénales, parfois discutables et souvent excessifs. Or, dans les faits, ce contrôle conduit parfois à écarter certaines demandes des créanciers. Le contrôle ne pourra pas être effectué par l’huissier de justice ; la procédure ne serait pas équitable.
Enfin, alors que la procédure d’injonction de payer est gratuite auprès des juridictions civiles et coûte trente-cinq euros hors taxes auprès des juridictions commerciales, la procédure de recouvrement des créances via les huissiers engendrera indubitablement un coût supérieur, ce qui augmentera les charges pesant sur les entreprises.
Nous proposons donc de supprimer l'article 56 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Sur le fond, je partage les arguments des auteurs de ces deux amendements identiques. Mais la solution envisagée, c'est-à-dire la suppression d’une mesure qui peut se justifier, est trop radicale. D’ailleurs, de manière ironique, nous examinerons ensuite deux amendements qui vont aussi loin, mais en sens contraire !
Les difficultés soulevées ne nous avaient pas échappé. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu une solution intermédiaire.
Je rejoins les auteurs de ces deux amendements identiques sur un point : le fait que l’huissier de justice puisse se délivrer un titre exécutoire pour son propre client risque de créer des conflits d’intérêts. C’est effectivement la principale critique à adresser au présent article.
Néanmoins, la mesure défendue par le Gouvernement a une justification économique. La commission spéciale a donc envisagé un autre dispositif, qui n’a d’ailleurs rien d’original ; nous proposons simplement de reprendre ce qui existe pour l’homologation d’une transaction devant un tribunal. L’huissier de justice aurait la possibilité, pour les petites sommes, de rechercher un accord et de le rendre exécutoire une fois la Marianne apposée par le juge.
Je suggère donc le retrait de ces deux amendements, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Je reviendrai plus en détail sur la solution intermédiaire retenue par la commission lors de l’examen des amendements nos 1534 et 845 rectifié. Elle est, me semble-t-il, parfaitement conforme à nos grands principes du droit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je ne veux pas prolonger les débats, qui, manifestement, n’ont pas besoin d’être prolongés… Toutefois, afin d’être certain que nous nous comprenons bien, je tiens à expliciter les enjeux, notamment financiers, du dispositif envisagé à l’article 56 bis. Peut-être y a-t-il encore une possibilité de chemin partagé…
Cet article introduit une nouvelle procédure, simplifiée, de recouvrement des petites créances, celles qui sont comprises entre 1 000 euros et 2 000 euros au maximum.
Le non-paiement de ces petites créances est souvent à l’origine de défaillances d’entreprises. Et de nombreux particuliers, simples citoyens, ne peuvent pas recouvrer des créances, d’un montant certes faible, mais qui sont importantes pour eux, à cause de la complexité, du coût et des délais des procédures. Une injonction de payer coûte au minimum 200 euros. Et, dans le meilleur des cas, la procédure prend plusieurs mois.
Nous proposons de rendre le recouvrement de ces petites créances plus rapide et plus simple.
Aujourd'hui, en cas de saisine d’un huissier de justice par un créancier, il y a des frais de signification, d’abord de la copie certifiée conforme de la requête et de l’ordonnance, puis de l’ordonnance exécutoire. En plus, le créancier doit avoir payé initialement trente-neuf euros de frais de greffe pour la requête en homologation.
Désormais, le créancier saisira un huissier de justice par tout moyen, y compris par voie électronique, via un seul formulaire. L’huissier notifiera par lettre recommandée avec accusé de réception le formulaire et demandera au débiteur s’il reconnaît le principe et le montant de la créance. En cas de réponse positive de ce dernier, l’huissier dressera procès-verbal de l’accord, et le procès-verbal aura force exécutoire, à l’instar de la procédure qui s’applique pour les chèques impayés.
Au total, la procédure coûtera vingt-cinq euros, une somme à comparer aux montants évoqués précédemment, et le délai serait trois ou quatre fois moindre !
J’insiste donc sur l’importance de l’article 56 bis. Le dispositif proposé présente de gros avantages, en temps et en argent, pour de très nombreuses petites entreprises.
M. le président. Madame Gruny, l'amendement n° 702 rectifié est-il maintenu ?
Mme Pascale Gruny. Non, monsieur le président ; je le retire, même si c’est à contrecœur.
M. le président. L'amendement n° 702 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 1348, monsieur Guerriau ?
M. Joël Guerriau. Je le retire également, la commission ayant trouvé une solution pour que le juge soit l’auteur du titre exécutoire.
M. le président. L'amendement n° 1348 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1534, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Après les mots :
du paiement
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
délivre, sans autre formalité, un titre exécutoire.
II. – Alinéa 12
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Le 5° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution est complété par les mots : « ou en cas d’homologation de l’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article 1244-4 du code civil ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir l’article 56 bis, qui concerne le recouvrement amiable de petites créances, dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Nous proposons de supprimer l’obligation pour l’huissier de soumettre le titre exécutoire au juge pour homologation, mesure que la commission spéciale du Sénat a introduite à l’alinéa 5. Nous souhaitons également rétablir à l’alinéa 12 la disposition modifiant le code des procédures civiles d’exécution, afin que l’huissier puisse délivrer lui-même un titre exécutoire pour ces petites créances.
Ce n’est évidemment pas une mauvaise manière à l’égard de la commission spéciale. Au contraire ! Nous avons la volonté de trouver un mécanisme plus rapide et moins coûteux pour les petites entreprises.
Avec le texte de la commission spéciale, l’huissier de justice ayant reçu l'accord du débiteur et du créancier ne pourra plus délivrer directement le titre exécutoire. Il aura l’obligation de soumettre cet accord pour homologation au juge. Cela représente des délais, parfois très longs, et des coûts supplémentaires.
L’homologation relève de la même procédure que l’injonction de payer. Le coût global est, au minimum, compris entre 100 euros et 200 euros, voire plus si le créancier ou le débiteur passent par un avocat. Le délai moyen est de trois à quatre mois de procédure lorsque le tribunal est au complet. En outre, compte tenu de la faiblesse des montants, les procédures relèvent des juges de proximité, et non des juges d’instance pour le civil ou des juges consulaires pour le commercial.
Il est donc indispensable de prévoir un dispositif plus opérationnel, plus rapide et moins coûteux pour les petites créances.
C’est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 845 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé et Houel, Mme Gruny, MM. Laménie, Lefèvre, P. Leroy, Longuet et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Reichardt, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
du paiement
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
délivre, sans autre formalité, un titre exécutoire.
La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Nous proposons de revenir au dispositif souple et efficace adopté, à l’unanimité des groupes de la majorité et de l’opposition – il est bon de le souligner –, par l'Assemblée nationale.
Les créances impayées et les retards de paiement constituent la cause principale de défaillances de nombreuses entreprises. Aucune catégorie d'entreprises n’est épargnée, mais les TPE, les PME et les jeunes entreprises sont les plus vulnérables. La moindre facture impayée a des conséquences immédiates sur leur trésorerie, les obligeant à puiser dans leurs fonds propres.
En France, le retard de paiement moyen reste bloqué au-dessus du seuil des douze jours. Moins de 31 % des entreprises françaises règlent leurs fournisseurs sans retard. C’est très peu ! À titre d'exemple, une étude d'Altares-D&B, qui analyse en permanence environ 65 milliards d'encours clients au travers des balances âgées confiées par les entreprises françaises a constaté que, à l'été 2013, 7,5 milliards d’euros étaient échus et non réglés, soit 11,5 % du total des encours.
Par ailleurs, nous constatons que les procédures judiciaires actuelles ne sont plus adaptées pour permettre aux entreprises créancières de parvenir rapidement et de façon peu coûteuse à la mise en exécution forcée des factures impayées, notamment lorsque celles-ci concernent les petites créances. Pour ces dernières, l'entreprise concernée n'entame que très rarement, contre son client, qui tarde à la payer ou néglige de le faire, une procédure judiciaire qui s'avérera beaucoup trop longue et nécessitera d'engager des frais d'un montant disproportionné au regard de la créance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les auteurs de ces amendements souhaitent rétablir la possibilité pour un huissier de justice de se délivrer à lui-même – c’est important – le titre exécutoire nécessaire pour qu’il puisse ensuite mettre en œuvre les voies d’exécution forcée contre le débiteur.
Ce dispositif est certainement fortement défendu par les huissiers de justice. Néanmoins, à mes yeux, il n’est pas exempt de toute difficulté et de tout danger pour eux.
Il est motivé, comme l’ont rappelé les orateurs, par l’idée que les entreprises sont victimes de trop de créances impayées, et qu’il faut absolument trouver les moyens de forcer les débiteurs à payer.
Ce constat est tout à fait légitime. Le problème, s’agissant du dispositif qui nous est proposé, est non seulement qu’il n’apporte qu’une réponse partielle à cette difficulté, mais également que cette réponse est dangereuse pour d’autres justiciables pouvant être concernés par la mesure.
En premier lieu, j’attire votre attention sur le fait que la réponse est très partielle. En effet, tout repose sur l’accord du créancier et du débiteur sur le principe de la créance et les modalités de règlement. Or le problème des impayés d’entreprises est que, la plupart du temps, le débiteur n’est pas d’accord pour payer comme l’entend le créancier. De la même manière, ce qui engendre des délais dans la procédure d’injonction de payer, ce n’est pas le recours au juge, c’est l’opposition éventuelle du débiteur qui suit la notification de l’injonction de payer.
Dans l’hypothèse heureuse sur laquelle se fonde la procédure de l’article 56 bis d’un accord de principe pour payer, le plus simple, le moins coûteux et le plus rapide sera certainement de passer par l’injonction de payer. Face à un débiteur récalcitrant, la procédure de l’article 56 bis est sans effet puisqu’il faut son accord. Finalement, elle n’aura de pertinence que pour les débiteurs qui auront bien voulu payer et qui, de manière fortuite ou parce qu’ils sont de mauvaise foi, se seront dédits.
Partielle dans ses effets, elle est en revanche générale dans son champ d’application, ce qui pose problème. Le Gouvernement comme les auteurs de l’amendement n° 845 rectifié n’ont parlé que des entreprises. Cependant, la procédure s’appliquera à toutes sortes de créances. En particulier, elle concernera les dettes locatives ou les créances de crédit à la consommation, ainsi que les impayés de consommation.
Nous avons créé ensemble des droits en matière de protection des consommateurs, qui comportent énormément de protections d’ordre public, avec des délais. Si le débiteur n’est pas informé de ces protections, il ne les invoquera pas, alors que, dans l’injonction de payer, le juge prend la peine de vérifier
D’ailleurs, l’Association nationale des juges d’instance, juges qui ont la charge de ces contentieux de la précarité, est intervenue directement auprès de nous par écrit – ce fait est assez rare – pour nous faire part de ses préoccupations sur le sujet. Certains débiteurs, peu avertis de leurs droits, s’engageront dans cette procédure en ignorant qu’une fois leur accord donné, elle les privera de tout recours efficace. En effet, supposons, par exemple, que le crédit à la consommation ait été accordé sans que certaines formalités très protectrices des consommateurs aient été respectées. Dans ce cas, un vice de procédure ne pourra pas être invoqué ; en tout cas, des protections d’ordre public ne pourront plus jouer.
En second lieu, et c’est un point essentiel, l’huissier est exclusivement rémunéré par le créancier. Jouera-t-il le rôle de protection dévolu dans ces contentieux au juge ? Je n’ai aucune raison de douter de l’honnêteté des huissiers. Mais voilà un professionnel qui travaille pour un client et qui peut obtenir un titre au profit de ce dernier dès lors qu’il reçoit l’accord du débiteur, qui, lui, par définition, n’est pas assisté. Cela pose tout de même problème. Je crains d’ailleurs, sans avoir aucune certitude à ce sujet, qu’un tel procédé ne soulève un problème de constitutionnalité. En effet, si les huissiers peuvent se délivrer des titres en matière de chèques sans provision, le problème juridique est radicalement différent : il s’agit d’une sanction à raison de ce qui était une infraction.
Notre droit des procédures civiles d’exécution est conçu pour apporter des garanties et des recours au débiteur. J’ajoute que cette prérogative exorbitante du droit commun crée une situation objective de conflit d’intérêt puisque le professionnel, rémunéré par le seul créancier, se conférera à lui-même, dans l’intérêt de son client, le pouvoir de procéder à l’exécution forcée.
M. François Pillet, corapporteur. C’est pourquoi nous avons essayé d’élaborer un système qui permette rapidement, en échappant à la procédure d’injonction de payer, dès l’obtention d’un accord, de le faire homologuer au moins par un juge.
En ce qui concerne les coûts, je serai plus mesuré. En l’espèce, le texte prévoit de faire payer la prestation de l’huissier par le créancier. Avec l’injonction de payer, une partie des frais est mise à la charge, dans le cadre du recouvrement, du débiteur. Connaître par avance le coût de l’intervention de l’huissier est du domaine divinatoire. Le coût de l’obtention de la copie exécutoire, de la Marianne apposée sur la transaction par le juge, est quant à lui nul ! Bref, les coûts seront diminués et l’efficacité du dispositif ne sera pas entravée par le risque d’un conflit d’intérêt.
La commission spéciale a donc cherché à satisfaire votre objectif, monsieur le secrétaire d'État, tout en évitant de créer une sorte d’OVNI juridique particulièrement contraire aux grands principes du droit. Voilà pourquoi je sollicite le retrait. Mais comme je ne suis pas persuadé de vous avoir convaincu, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 845 rectifié ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 845 rectifié présenté par Gérard Bailly, mais exclusivement pour des raisons rédactionnelles. En effet, l’amendement omet de rétablir l’alinéa 12 qui complète la liste des titres exécutoires reconnus par l’article L. 111–3 du code des procédures civiles d’exécution. De ce fait, sa rédaction est imparfaite. Je suggère à ses auteurs de voter plutôt l’amendement du Gouvernement.
En ce qui concerne l’amendement défendu par le Gouvernement, nous avons quelques points de désaccord avec la commission, qu’il paraît utile de rappeler pour éclairer les votes.
Premièrement, la procédure proposée repose sur l’accord entre le créancier et le débiteur. Faute d’accord, la procédure classique s’applique. L’encadrement juridique est donc très précis.
Deuxièmement, je suis convaincu que l’homologation que vous proposez fait perdre tous ses avantages au dispositif créé à cet article.
Tout d’abord, il fait perdre l’avantage coût. C’est l’occasion pour moi de rappeler que le tarif de 25 euros n’est pas né de l’imagination d’un ministre ou de sa brillante administration, mais est un tarif réglementé. C’est donc un coût maîtrisé et certain.
Ensuite, il fait également perdre l’avantage délai. En effet, nous passons de nouveau à des délais supérieurs à trois ou quatre mois, voire plus.
Par conséquent, si l’on croit à ce dispositif, ce qui semble être le cas de la commission spéciale, plutôt que de chercher, en le bonifiant, à lui faire perdre tous ses avantages, mieux vaut le voter conforme.
M. le président. Monsieur Bailly, l'amendement n° 845 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Bailly. Il s’agit d’un problème très important. Qui d’entre nous n’a pas entendu un jour ou l’autre que des entreprises fermaient en raison d’un trop grand nombre de retards de paiement ou d’impayés ?
J’ai souligné tout à l’heure que moins de 31 % des entreprises règlent leurs fournisseurs sans retard. Cela signifie donc que 69 % d’entre elles paient avec du retard ! Et on sait quelles sont les sommes en jeu !
J’accepte de retirer mon amendement, mais il faudra trouver des solutions, car trop d’entreprises sont en grande difficulté et ferment à cause de clients qui ne paient pas leurs factures.
M. le président. L'amendement n° 845 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 56 bis.
(L'article 56 bis est adopté.)
Article 57
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaire à la transposition de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession, dans le seul champ d’application de la directive ;
2° Permettant d’assurer la cohérence et de simplifier les règles communes aux différents contrats de la commande publique qui sont des contrats de concession au sens du droit de l’Union européenne, ainsi que de procéder à la mise en cohérence et à l’adaptation des règles particulières propres à certains de ces contrats, eu égard à leur objet, sans remettre en cause les règles applicables aux contrats n’entrant pas dans le champ de la directive précitée.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Billout, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 149 est présenté par M. Pointereau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 56.
M. Jean-Pierre Bosino. L’article 57 autorise, comme bien d’autres auparavant, le Gouvernement à transposer, par ordonnance, une directive européenne, en l’occurrence la directive sur l’attribution des contrats de concession.
Vous le savez, nous refusons en permanence cette méthode – nous sommes cohérents dans notre démarche – qui dessaisit le Parlement de son pouvoir législatif. Présentement, nous y sommes opposés pour les raisons suivantes.
D’abord, nous disposons encore d’un an pour mettre notre législation en cohérence avec cette directive. Il n’y a donc aucune urgence. Le Parlement peut encore être saisi, dans des délais raisonnables, d’un projet de loi de transposition.
Par ailleurs, nous sommes préoccupés par le contenu de cette directive à propos des contrats de concession qui sont décrits comme « des instruments importants dans le développement structurel à long terme d’infrastructures et de services stratégiques, car ils concourent au progrès de la concurrence sur le marché intérieur, permettent de tirer parti de l’expertise du secteur privé et contribuent à réaliser des progrès en matière d’efficacité et à favoriser l’innovation ».
Cela ne vous surprendra pas, nous ne partageons pas cette conception des contrats de concession, qui restent pour nous des outils afin de répondre à des besoins de la population et ne sont pas des instruments pour favoriser la concurrence libre et non faussée chère aux technocrates bruxellois.
De plus, comme le note le rapport, l’Association des maires de France demande la suppression de cette habilitation. En effet, elle est inquiète, car cette directive pourrait conduire à remettre en cause les règles actuelles en matière de délégation de service public et de concessions, telles qu’elles résultent de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ».
Enfin, l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux et l’Institut de la gestion déléguée ont, semble-t-il, également fait part de leurs inquiétudes.
Dans ces circonstances, partageant ces craintes, nous vous proposons cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l'amendement n° 149.
M. Rémy Pointereau. Cet article prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures qui relèvent de la loi dès lors qu’elles concernent la libre administration et la libre gestion des collectivités territoriales.
Cet article habiliterait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois, toute mesure visant, d’une part, à transposer la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession et, d’autre part, à unifier l’ensemble des règles générales relatives aux contrats de la commande publique, qui sont des contrats de concession au sens du droit de l’Union européenne - concessions d’aménagement, de travaux, de plage, certaines conventions d’occupation domaniales -, ainsi que les mesures nécessaires d’adaptation des règles particulières à ces contrats, y compris en deçà du seuil d’application de la directive à transposer.
Une telle habilitation dessaisit le Parlement et prive l’Assemblée nationale et le Sénat d’un débat démocratique, alors que les deux chambres avaient adopté des résolutions, respectivement en date du 28 février 2012 et du 13 mars 2012, dénonçant la rigidité du cadre fixé par la directive relative à l’attribution des contrats de concession, qui serait ici transposée.
Ainsi, je pense qu’il serait préférable de procéder à la transposition de cette directive sous forme de projet de loi, afin de permettre un débat démocratique sur le contenu des dispositions transposées par les parlementaires, également garants de ces libertés et du droit des collectivités locales.
Je rappelle en outre que l’Association des maires de France, l’AMF, n’a pas été consultée sur ce texte en amont. L’ancien président de l’AMF, M. Jacques Pélissard, avait écrit au Premier ministre à ce sujet, lequel lui avait répondu, par le biais du secrétaire général des affaires européennes. Cette réponse paraissait ne pas écarter la transposition par la voie d’un projet de loi.
Cet amendement vise donc à supprimer l’habilitation pour une intégration directe dans la législation. Je souligne par ailleurs l’avis défavorable de la Commission consultative d’évaluation des normes sur cet article et sur l’impact de la directive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’habilitation prévue à l’article 57 du projet de loi pour, d’une part, transposer la directive du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession et, d’autre part, à cette occasion, harmoniser et simplifier les règles applicables aux divers contrats de concession.
Les discussions au moment de la négociation de la directive puis celles qui ont suivi sur les modalités de sa transposition ont suscité de grandes inquiétudes de la part, en particulier, des élus locaux. En effet, les élus sont habitués au régime juridique issu de la loi dite Sapin du 25 janvier 1993 et craignent qu’il ne soit remis en cause, à la faveur de la transposition de la directive, qui ne concerne que certains types de contrats de concession, au-delà d’un certain montant.
De son côté, le Gouvernement poursuit une œuvre utile de codification et d’harmonisation du droit de la commande publique, par ordonnance, à l’occasion de la transposition de directives.
Une première ordonnance devrait être prochainement publiée, sur les marchés publics. Cette ordonnance présenterait d’ailleurs le mérite de reconnaître enfin la valeur législative des principes de l’ensemble du droit des marchés publics, mettant fin à une situation juridique contestable.
L’ordonnance prévue par le projet de loi sur les concessions est le second volet de ce travail qui doit, à terme, aboutir à l’édiction d’un véritable code de la commande publique.
La question qui nous est posée est donc celle de l’inquiétude quant à la remise en cause éventuelle de la loi Sapin en dehors du champ d’application de la directive sur les concessions. En audition, cher Rémy Pointereau, j’ai reçu M. Philippe Laurent, vice-président de l’AMF, et interrogé les représentants du Gouvernement, qui ont indiqué que telle n’était pas leur intention – ce que semble d'ailleurs contredire l’amendement que le Gouvernement présente à l’article 57, mais nous y reviendrons.
Dans ces conditions, pour rassurer tout le monde, j’ai proposé à la commission de bien préciser l’habilitation sur ce point, de façon à lever toute ambiguïté et à éviter toute querelle inutile. Avec le texte de la commission spéciale, l’habilitation du Gouvernement est encadrée, de telle manière que l’ordonnance à venir rassure totalement les élus locaux.
La commission ayant accepté l’habilitation ainsi précisée, les amendements de suppression de l’habilitation sont évidemment contraires à sa position.
J’ajoute que mes propos doivent être de nature à vous rassurer définitivement, puisque je m’opposerai tout à l'heure à l'amendement du Gouvernement visant à revenir au texte initial.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 56 et 149 pour plusieurs raisons, dont certaines viennent d’être exposées par M. le rapporteur.
La transposition par ordonnance – aujourd’hui, nous n’en sommes qu’au stade de l’habilitation, il reste encore beaucoup de travail à accomplir – reste l’option la plus sûre afin de respecter les délais de transposition, qui sont très contraints. La directive doit être impérativement transposée avant le 18 avril 2016, c’est-à-dire dans moins d’un an, soit un délai extrêmement court en matière de débat législatif. Or chacun connaît les sanctions pécuniaires qui pourraient menacer la France pour défaut de transposition.
Les dispositions de la directive, précises et d’une très grande technicité, laissent peu de marge de manœuvre aux États membres, qui doivent s’y conformer. Les seules options laissées ouvertes par la directive concernent des dispositifs favorables aux entreprises, plus particulièrement aux PME, qu’il n’est pas envisageable de remettre en cause.
J’ai bien entendu les inquiétudes qui se sont exprimées sur les principes que le Gouvernement entend suivre. Je vous le dis de manière très claire : le Gouvernement entend préserver les spécificités du modèle concessif français, sans remettre en cause, bien sûr, ni la notion de service public, ni la liberté des autorités publiques, quelles qu’elles soient, dans le mode de gestion de leur service public. Les acquis issus de la loi Sapin seront ainsi maintenus pour les contrats qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive.
L’habilitation donnée par le Parlement doit permettre à tous les contrats de concession de bénéficier des nouvelles souplesses contenues dans la directive. Il n’est en effet pas envisageable de maintenir en droit français des dispositifs plus contraignants que les mesures européennes, par exemple dans les relations entre personnes publiques ou pour permettre la modification des contrats – nous y reviendrons probablement ultérieurement.
Enfin, cette habilitation ouvre le temps du travail autour de l’ordonnance ; celle-ci sera bien évidemment bâtie avec un travail de concertation efficace ouvert à l’ensemble des parties prenantes, notamment les associations d’élus que vous avez évoquées. Dès lors que l’habilitation est votée, le travail peut s’engager. Cette méthode, qui associe tous les acteurs intéressés, offrira à ces derniers une vision plus claire et plus cohérente du dispositif global.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 149.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1541, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, dans le seul champ d’application de la directive
II. – Alinéa 3
1° Remplacer les mots :
assurer la cohérence
par le mot :
unifier
2° Supprimer les mots :
, sans remettre en cause les règles applicables aux contrats n’entrant pas dans le champ de la directive précitée
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir le texte de l’article 57, qui habilite le Gouvernement à transposer la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 par voie d’ordonnance, dans sa rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement vous présente cet amendement parce qu’il lui paraît important de ne pas limiter strictement l’habilitation aux seuls contrats couverts par le champ de la directive. Cela ne permettrait pas d’assurer la cohérence de l’ensemble des contrats ni de faire bénéficier les contrats de concession exclus du champ de la directive pour des questions de seuil, par exemple, des souplesses nouvelles que la France s’est battue pour introduire dans le texte de la directive.
La directive permet à plusieurs collectivités publiques de coopérer entre elles sans que cette coopération soit soumise aux procédures de mise en concurrence. Ces règles vont être introduites en droit national pour les concessions d’un montant supérieur au seuil européen déterminant le champ d’application de la directive ; il ne serait pas normal que les collectivités ne puissent en bénéficier lorsqu’elles passent des concessions qui seraient inférieures à ce seuil.
La directive assouplit également les règles de quasi-régie et les conditions de passation des avenants par rapport au droit interne actuel. Là aussi, les collectivités qui passent des concessions sous les seuils européens doivent pouvoir en bénéficier.
Il ne serait donc pas logique de maintenir en droit français, pour des contrats d’un faible montant, des dispositions plus contraignantes que celles qui seront mises en place pour des contrats plus importants entrant dans le champ de la directive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement constitue tout de même une modification importante par rapport aux propos qui ont été tenus concernant les amendements précédents. Le Gouvernement reconnaît qu’il veut se limiter aux stricts effets des précisions apportées par la directive. Or, au travers de cet amendement, vous semblez dire qu’il est légitime, possible d’aller plus loin ; c’est la raison pour laquelle vous proposez de revenir au texte de l’habilitation adopté par l’Assemblée nationale, moins étroit.
J’avoue que cet amendement me laisse assez perplexe parce que, ce faisant, vous annihilez les effets du travail de la commission spéciale, qui a dissipé toutes les inquiétudes des élus. Ce simple changement de position, ce contre-pas du Gouvernement réanime l’inquiétude des élus. J’émettrai donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1541, pour en rester aux assurances que j’ai données tout à l’heure pour répondre aux légitimes interrogations de mes collègues.
J’ajoute qu’il sera toujours possible d’amender le texte lorsque vous reviendrez devant le Parlement dans le cadre de l’ordonnance. Employer votre technique, c’est relancer l’inquiétude des élus que la commission spéciale a voulu apaiser en limitant strictement l’habilitation du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Si l’Association des maires de France a été consultée par la commission, et je m’en félicite, elle ne l’a pas été au moment de la rédaction du texte, qui comporte tout de même un certain nombre de points importants pour les élus.
Je constate que la transposition des directives européennes est à géométrie variable. Le cas de l’énergie hydraulique, pour lequel les Allemands ont légèrement contourné la directive européenne, a été évoqué. Nous allons nous-mêmes souvent un peu plus loin qu’il ne le faut… L’objet de votre amendement ne précise-t-il pas : « À l’occasion de cet exercice de transposition, le Gouvernement ne procédera à aucune sur-transposition – ce qui signifie que c’est généralement le cas – et préservera les spécificités du modèle concessif français » ?
C’est pour cela que nous nourrissons des craintes quant à la manière dont vous allez mener la transposition. Peut-être faut-il faire comme les Allemands et taper du poing sur la table de temps en temps pour obtenir d’en négocier les termes ? Notre pays – c’est un problème franco-français – cherche toujours à laver plus blanc que blanc !
Je suis d’accord avec le rapporteur et je voterai contre cet amendement, qui en rajoute encore un peu.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. le président. Je mets aux voix l'article 57.
(L'article 57 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 57
M. le président. L'amendement n° 983 rectifié, présenté par MM. S. Larcher et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Patient et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, et pour une période de trois années à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices, soumis au code des marchés publics ou à l’ordonnance n° 2005–649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, peuvent réserver une partie de leurs marchés de travaux ou de services d’un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées aux entreprises mentionnées à l’article 44 quaterdecies du code général des impôts ou accorder à ces entreprises un traitement préférentiel en cas d’offres équivalentes.
Le montant total des marchés attribués en application du premier alinéa au cours d’une année ne peut excéder 20 % du montant annuel moyen des marchés de travaux ou de services d’un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Le présent amendement s’appuie sur les mesures d’adaptation du droit commun aux contraintes et particularités des outre-mer prévues dans les textes : que ce soit à l’article 73 de la Constitution, qui autorise l’adaptation dans les départements et régions d’outre-mer des lois et règlements selon les caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ou à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit des possibilités d’application spécifiques aux régions ultrapériphériques, les RUP.
À cet égard, l’amendement tend à introduire, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un droit de préférence en faveur des entreprises implantées dans les zones franches globales d’activités pour l’attribution des marchés de travaux et de services passés par les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
Le montant total des marchés attribués en application du premier alinéa de cet amendement au cours d’une année ne peut excéder 20 % du montant annuel moyen des marchés de travaux ou de services d’un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Je demande le retrait de cet amendement, en mettant en avant des arguments purement juridiques, que notre collègue ne peut ignorer. La commission a d’ailleurs déjà écarté un amendement similaire. En effet, il est satisfait dans sa finalité par l’état du droit, tout en étant contraire au droit européen, me semble-t-il, dans sa rédaction.
Le droit commun de la commande publique s’applique aux collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, ce qui implique l’application des directives européennes, notamment celles qui concerne le marché intérieur et la concurrence.
En l’état, la rédaction de l’amendement est radicalement contraire au droit européen, car il tend à formuler des exceptions absolues à la concurrence en créant des formes de marchés réservés dans des hypothèses non prévues par les directives du 26 février 2014.
En outre, les pouvoirs adjudicateurs ont déjà la possibilité de retenir des candidats sans se fonder uniquement sur le critère du prix, pourvu que ces critères soient indiqués dans l’avis de marché et qu’ils ne provoquent pas de discrimination directe et indirecte.
Je vous remercie donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, le Sénat risquerait, s’il ne suivait pas l’avis défavorable que j’émettrai à titre subsidiaire, d’établir une norme contraire au droit européen. Ce n’est pas là une attitude qui siérait à un parlementaire !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je comprends l’esprit dans lequel cet amendement a été présenté, et je salue la volonté d’expérimentation législative, qui mériterait probablement – pas en l’espèce, malheureusement – de gagner plus souvent les textes que nous proposons et qui sont adoptés par le Parlement.
Monsieur le rapporteur, vous avez fort bien rappelé les contradictions entre le texte de cet amendement et les règles en vigueur dans l’Union européenne.
J’ajoute que le Conseil constitutionnel admet l’instauration d’un droit de préférence à égalité de prix ou à équivalence d’offre. Cependant, la situation d’égalité de prix ou d’offre se produit très rarement et le Conseil constitutionnel est très strict quant à la réservation des marchés. Celle-ci n’est possible que pour des catégories d’organismes précisément déterminées, pour une part très réduite, pour des prestations définies dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des objectifs d’intérêt général ainsi poursuivis. Autrement dit, pour des motifs beaucoup plus restreints que ceux qui sont visés par le champ d’application de cet amendement, qui est trop vaste.
Aussi, je suggère le retrait de l’amendement, faute de quoi le Gouvernement devrait s’y opposer.
M. le président. Monsieur Serge Larcher, l'amendement n° 983 rectifié est-il maintenu ?
M. Serge Larcher. Non, je le retire, monsieur le président. Je ne veux pas créer de précédent au Sénat français. Il n’en demeure pas moins que le problème existe. La réalité est claire : nos départements d’outre-mer sont exigus et leurs marchés sont très limités. Nous faisons face à des problèmes auxquels nous devons apporter des solutions, certes, sans doute pas en nous livrant à des contorsions législatives.
M. le président. L'amendement n° 983 rectifié est retiré.
L'amendement n° 824 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les comptables publics sont responsables dans les conditions prévues à l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 des intérêts moratoires et de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière s’ils sont dus par une collectivité locale, un groupement de collectivité ou un établissement public local et non-mandatés et qu’il ne les a pas transmis dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 1612-18 du code général des collectivités territoriales.
II. – Un recours de plein contentieux peut être engagé contre l’État devant la juridiction administrative par toute personne morale ou physique si le représentant de l’État n’a pas mandaté d’office les intérêts moratoires et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 précitée lorsque ces intérêts sont dus par une collectivité locale, un groupement de collectivité ou un établissement public local à la personne formant le recours. Ce recours n’est ouvert que s’il a été porté à la connaissance du représentant de l’État dans les conditions fixées à l’article L. 1612-18 du code général des collectivités territoriales que ces intérêts n’ont pas été mandatés.
La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Nous pourrions presque considérer que cet amendement a été défendu par l’intervention de M. Antiste.
Les retards dans la commande publique, malgré des avancées considérables durant la dernière décennie, restent un véritable problème économique, notamment pour les TPE et les PME.
Selon l’Observatoire des délais de paiement, auquel participe la direction générale du Trésor, le secteur public respecte dans l’ensemble ses obligations, avec toutefois des différences selon les acteurs.
Ainsi, le délai global de paiement des communes de moins de 10 000 habitants est de vingt-deux jours, pour une obligation légale de trente jours, celui des régions est passé de trente-trois jours en 2012 à quarante jours en 2013. Dans les 10 % de régions dont les délais sont les plus longs, ceux-ci atteignent presque quatre-vingts jours en 2013, alors qu’ils n’étaient que de cinquante-trois jours en 2012.
La proposition n° 2 du rapport 2014 de l’Observatoire invitait à assurer une plus grande automaticité du paiement des intérêts moratoires et de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans le secteur public. Pour cela, l’Observatoire suggérait une meilleure transmission des informations entre les ordonnateurs et les comptables publics, qui est du ressort du pouvoir réglementaire.
Il est proposé, à travers cet amendement, de renforcer le dispositif dans le cas des retards de paiement des collectivités locales en imposant aux comptables publics et à l’État d’inscrire les indemnités légales relatives aux retards de paiement, à peine d’en assurer la responsabilité pécuniaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le droit européen a mis en place des pénalités financières automatiques en cas de retard de paiement, de la part tant d’une personne privée que d’une personne publique, sans distinction. Ce que vous demandez existe donc déjà, dans la mesure où ces dispositions ont été transposées en droit français en 2013.
Les intérêts de retard après l’expiration du délai de paiement sont automatiquement dus et une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, de 40 euros, a même été mise en place. Ces sommes sont exigibles de droit, sans qu’il soit nécessaire de saisir quelque tribunal que ce soit, sans même que le bénéficiaire ait à les réclamer. Lors d’un paiement tardif, la personne publique en cause doit elle-même procéder à l’ajout des intérêts de retard et des frais de recouvrement.
À mon sens, le droit en vigueur est tout à fait de nature à soulager vos inquiétudes.
Vous proposez, par ailleurs, que les comptables publics soient tenus responsables des intérêts et indemnités non payés. C’est également la règle déjà en vigueur, même si la plupart des citoyens français l’ignorent. Le comptable public engage de toute façon sa responsabilité personnelle s’il ne respecte pas les dispositions législatives et réglementaires.
En revanche, si le retard résulte d’un défaut de mandatement par l’ordonnateur, il serait étrange de mettre en cause la responsabilité du comptable public.
Enfin, votre amendement prévoit qu’un recours puisse être formé contre l’État – vous n’évoquez plus, ici, les autres personnes publiques. Là encore, il va de soi qu’un recours est possible en pareille hypothèse, dès lors que les intérêts moratoires comme l’indemnité forfaitaire sont exigibles et n’auraient pas, par erreur, été payés.
Je comprends les motivations qui ont présidé à la rédaction de votre amendement, mais je peux vous rassurer : l’état actuel du droit satisfait vos demandes.
Je suggère le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desplan, l'amendement n° 824 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Félix Desplan. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 824 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 825 rectifié ter est présenté par MM. Cornano, Desplan, Karam, Mohamed Soilihi et Patient.
L'amendement n° 982 rectifié bis est présenté par MM. S. Larcher et Antiste, Mme Claireaux et MM. J. Gillot et Vergoz.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, les règles de la commande publique concilient, dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination, l’efficacité de l’achat public avec la nécessité de faire participer les marchés publics au développement économique et au développement durable de ces collectivités, compte tenu de leurs contraintes et caractéristiques particulières, notamment leur éloignement de la métropole, la fragilité de leur écosystème, la concurrence avec les pays de leur zone géographique, le niveau du chômage structurellement élevé, la petite taille des entreprises, ainsi que leurs difficultés d’accès aux financements et la faiblesse de leurs fonds propres.
Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices soumis au code des marchés publics ou à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, peuvent se fonder sur les performances en matière de développement économique propre du territoire, selon une pondération adaptée aux enjeux économique et sociaux du marché pour la collectivité considérée.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Félix Desplan, pour présenter l’amendement n° 825 rectifié ter.
M. Félix Desplan. Les marchés publics ne peuvent, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement des candidats, être attribués sur la base d'une préférence locale ou nationale.
Toutefois, tant le droit européen que le droit national ont créé des voies de droit sur lesquelles le pouvoir adjudicateur peut se fonder pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, en ce qui concerne l’environnement, l’insertion des publics en difficulté ou encore les approvisionnements directs de produits de l’agriculture.
Ces règles déjà existantes peuvent se conjuguer avec les possibilités offertes par l’article 73 de la Constitution d’adapter, dans les départements et régions d’outre-mer, le droit commun applicable aux contraintes et caractéristiques de ces collectivités. Cette disposition fait écho à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit la possibilité de mesures spécifiques d’application du traité dans les régions ultrapériphériques.
Il est donc proposé de s’appuyer sur ces précédents et sur ce régime juridique pour adapter les règles applicables à la commande publique afin d’améliorer sa contribution au développement économique et au développement durable des outre-mer.
Les adaptations suggérées sont limitées et adaptées à cet objectif.
Dans le premier alinéa, nous posons le principe d’une nécessaire conciliation, dans les règles de la commande publique applicables dans les collectivités visées à l’article 73 de la Constitution, entre l’objectif d’efficacité économique de l’achat public et sa contribution au développement économique et au développement durable de ces collectivités.
Le second alinéa vise à offrir la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs ou aux entités adjudicatrices de se fonder, dans une proportion adaptée aux enjeux du marché, sur le critère de la performance en matière de développement économique propre du territoire.
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l'amendement n° 982 rectifié bis.
M. Serge Larcher. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Une fois de plus, la commission va essayer de se montrer rassurante. Ces amendements s’apparentent à l’amendement n° 983 rectifié, qui vient d’être discuté.
Outre que leur caractère normatif est limité, je rappelle que les pouvoirs adjudicateurs dans les départements d’outre-mer ont d’ores et déjà la possibilité, dans le cadre juridique européen et national, de fixer des critères de pondération pour l’attribution d’un marché public, afin de tenir compte, en particulier, de l’impact sur le développement local, sans se fonder uniquement – c’est une règle générale, qui, d’ailleurs, n’est pas très récente – sur le critère du prix, pourvu que ces critères soient indiqués dans l’avis de marché et qu’ils ne provoquent pas de discrimination directe et indirecte.
Ces amendements sont satisfaits par le droit actuel. C’est la commission spéciale qui vous le dit ! Partez rassurés !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Daunis. « En l’espèce » !
M. le président. Monsieur Desplan, l’amendement n° 825 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Félix Desplan. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 825 rectifié ter est retiré.
Monsieur Serge Larcher, qu’advient-il de l'amendement n° 982 rectifié bis ?
M. Serge Larcher. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 176 rectifié est présenté par MM. Desplan, Antiste, Cornano, J. Gillot, Karam et Patient.
L'amendement n° 981 rectifié ter est présenté par M. S. Larcher, Mme Claireaux et M. Vergoz.
L'amendement n° 1177 est présenté par M. Vergès, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, les administrations financières peuvent délivrer, en lieu et place des attestations exigées au 2° du I de l’article 46 du code des marchés publics, des attestations certifiant, au regard notamment des créances publiques qu’elles détiennent, de la capacité des entreprises à se voir attribuer un marché public.
La parole est à M. Félix Desplan, pour présenter l’amendement n° 176 rectifié.
M. Félix Desplan. Alors que dans les départements d’outre-mer l’activité économique est très dépendante de la commande publique, de nombreuses petites et moyennes entreprises ultramarines ne peuvent pas soumissionner aux marchés publics, en raison de leurs dettes fiscales et sociales dues elles-mêmes à la défaillance de certains donneurs d’ordre publics.
Cet amendement vise à ce que le certificat indispensable pour candidater à ces marchés puisse désormais leur être délivré si elles détiennent suffisamment de créances sur les entités publiques pour rééquilibrer leur situation financière et fiscale.
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l'amendement n° 981 rectifié ter.
M. Serge Larcher. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l'amendement n° 1177.
M. Patrick Abate. Cet amendement est également défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Que les auteurs de ces amendements me pardonnent, mais l’avis de la commission spéciale ne va pas les rassurer. Ces trois amendements identiques visent à permettre l’accès aux marchés publics aux entreprises qui, dans vos territoires, rencontrent des difficultés dans le paiement de leurs cotisations URSSAF, notamment, et qui, de ce fait, ne peuvent se voir délivrer le certificat nécessaire à la passation d’un marché public, dès lors qu’elles démontreraient qu’une autorité publique ne leur a pas versé des sommes qu’elle leur devrait. C’est très imaginatif.
Pourtant ce mécanisme, sans doute parfaitement compréhensible sur le fond, constituerait une atteinte très grave l’égalité devant la commande publique, qui est un principe constitutionnel. En outre, lorsqu’un marché est organisé sur vos territoires, rien n’empêche une entreprise métropolitaine de venir y concourir. Or celle-ci n’aurait pas les mêmes obligations, ce qui pose tout de même, vous l’avouerez, un problème de droit qui n’est pas uniquement un problème de droit local.
J’ai parfaitement compris l’objectif de vos amendements : vous voulez ainsi attirer l’attention sur le fait que les collectivités locales d’outre-mer ont de telles difficultés de trésorerie que l’activité locale s’en voit affectée. Toutefois, nous ne pourrons pas régler cette situation par ce biais. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable, auquel vous vous attendiez, d’ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Cette disposition est maintenue. En effet, il faut comprendre ce qui nous motive : lorsque l’on parle en France d’un taux de chômage à 10%, tout le monde a les yeux au ciel. Chez nous, ce taux est de 25%. De ce fait, lorsque la commande publique ne fonctionne pas, lorsqu’on en écarte des entreprises, on crée du chômage dans une situation déjà terrible. Il faut par conséquent trouver une solution.
Et qui est responsable ? Ce ne sont pas forcément les élus. En effet, parmi les nombreux organismes publics qui ne paient pas leurs dettes se trouvent également des hôpitaux ou des cantines scolaires. Le problème que cela crée est d’autant plus grave que le tissu économique est déjà exsangue : les difficultés s’amoncellent sans qu’on aborde les solutions possibles ! Je comprends bien que les textes ne permettent pas certaines d’entre elles, mais, comme disait un célèbre personnage, que faire ?
Les solutions font défaut, nous apprécierions qu’il s’en trouve mais on ne peut en tout cas rester ainsi sans rien faire. C’est pour trouver une solution à ce problème que les parlementaires d’outre-mer posent cette question et interpellent la commission et le Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 rectifié, 981 rectifié ter et 1177.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 57 bis demeure supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Nomination de membres de deux organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission du développement durable a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
– d’une part, M. Ronan Dantec comme membre titulaire du conseil d’orientation de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d’outre-mer ;
– d’autre part, Mme Odette Herviaux et M. Michel Vaspart comme membres titulaires du Conseil national de la mer et des littoraux.
8
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté des candidatures pour la commission des finances, pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
– M. Didier Guillaume, membre de la commission des finances, en remplacement de Jean Germain, décédé ;
– M. Claude Haut, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Didier Guillaume, démissionnaire ;
– Mme Stéphanie Riocreux, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Claude Haut, démissionnaire.
9
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Demande de réserve
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La commission demande la réserve, après l’article 106, de l’amendement n° 1797 tendant à insérer un article additionnel après l’article 58 quater. Cet amendement ayant été déposé cet après-midi par le Gouvernement, la commission pourra ainsi l’examiner demain en début d’après-midi.
M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est ordonnée.
Nous poursuivons l’examen du texte de la commission spéciale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 58.
Article 58
I. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le V de l’article L. 141-1-2 est complété par des mots et une phrase ainsi rédigée : « aux frais de la personne sanctionnée. Toutefois, l’administration doit préalablement avoir informé cette dernière, lors de la procédure contradictoire fixée au IV, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. » ;
1° bis À la fin du II de l’article L. 121-16-1, la référence : « et 7 » est remplacée par les références : « , 7 et 8 » ;
2° L’article L. 132-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ce cas, le professionnel est informé, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l’injonction, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. La publicité est effectuée aux frais du professionnel qui fait l’objet de l’injonction. » ;
3° (Supprimé)
4° L’article L. 141-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du VII est complété par les mots : « ou interdite » ;
b) Le 1° du VIII est ainsi modifié :
– après le mot : « illicite », il est inséré le mot : « , interdite » ;
– après le mot : « consommateur », sont insérés les mots : « ou au non-professionnel » ;
– après la première occurrence du mot : « consommateurs », sont insérés les mots : « ou des non-professionnels » ;
– après la seconde occurrence du mot : « consommateurs », sont insérés les mots : « ou les non-professionnels ».
II. – Le V de l’article L. 465-2 du code de commerce est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « aux frais de la personne sanctionnée. Toutefois, l’administration doit préalablement avoir informé cette dernière, lors de la procédure contradictoire fixée au IV, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. »
II bis. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) Le II du présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Nous le retirons, monsieur le président. J’exprimerai éventuellement notre position lors de l’examen de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 57 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1493 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
1° bis L’article L. 121–16–1 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les contrats portant sur la création, l’acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, la construction d’immeubles neufs, la transformation importante d’immeubles existants ou la location d’un logement à des fins résidentielles. » ;
b) Le II est abrogé.
1° ter Les deux derniers alinéas de l’article L. 121-21 sont supprimés ;
1° quater Au 10° du III de l’article L. 141-1, les mots : « De l’article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation » sont remplacés par les mots : « Des articles L. 271-1, L. 271-2 et L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation » ;
II. – Après l’alinéa 13
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
I bis. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, à la première et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 271-1 et au troisième alinéa de l’article L. 271-2, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « dix » ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 271-2 est ainsi rédigé :
« Sont punis de 150 000 euros d’amende le fait d’exiger ou de recevoir un versement ou un engagement de versement en méconnaissance des alinéas ci-dessus, ainsi que le fait de ne pas respecter le droit de rétractation visé à l’article L. 271-1 et ses effets. »
I ter. – Les 1° bis à 1° quater du I et I bis s’appliquent aux actes conclus à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans un souci de plus grande lisibilité pour les professionnels, cet amendement vise à prévoir un seul régime au délai de rétraction applicable aux contrats immobiliers, que ceux-ci soient ou non conclus par voie de démarchage.
Actuellement, lorsqu’un contrat immobilier est conclu entre un professionnel et un consommateur par voie de démarchage, celui-ci se voit appliquer des règles fixées à la fois dans le code de la consommation et dans le code de la construction et de l’habitation et, de ce fait, il doit respecter deux délais de rétraction. Aussi, dans un souci de simplification, il apparaît préférable que ce type de contrat ne relève que d’un seul régime défini logiquement par le code de la construction et de l’habitation et dont les règles ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des contrats immobiliers. Voir les contrats relever de deux régimes légaux est source de grande complexité et d’insécurité juridique pour les professionnels de la construction et du logement.
Le présent amendement satisfait donc à cet impératif de simplification, en préservant un niveau élevé de protection du consommateur cocontractant. Lorsqu’il conclura un contrat immobilier à la suite ou non d’un démarchage, le consommateur pourra bénéficier, en vertu de cet amendement, d’un délai de rétractation de dix jours, dont le point de départ reste inchangé, c'est-à-dire le jour de la première présentation de la lettre notifiant l’acte.
M. le président. L'amendement n° 1449 rectifié bis, présenté par M. Dallier, Mme Bouchart, MM. Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Commeinhes, Delattre, Doligé, B. Fournier, J. Gautier et Genest, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Longuet, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Pellevat et Perrin, Mme Primas et MM. Raison et Saugey, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° bis L’article L. 121–16–1 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les contrats portant sur la création, l’acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, la construction d’immeubles neufs, la transformation importante d’immeubles existants ou la location d’un logement à des fins résidentielles. » ;
b) Le II est abrogé.
… Les deux derniers alinéas de l’article L. 121-21 sont supprimés ;
II. – Après l'alinéa 13
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa, à la première et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation et au troisième alinéa de l’article L. 271-2 du même code, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « quatorze ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Conso », soumet les contrats immobiliers au régime des contrats conclus hors établissement, ce qui est en contradiction avec les dispositions de la directive européenne, qui avait explicitement prévu de les en exclure.
Ce régime prévoit, depuis l’adoption de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises, un délai de rétractation de quatorze jours à compter de la livraison de l’objet de la vente. Néanmoins, si ce texte clarifie le point de départ du délai de rétractation, l’application de la loi relative à la consommation aux contrats immobiliers, dont le régime de protection de l’acquéreur immobilier figure depuis quinze ans parmi les meilleurs en Europe, soulève de nombreuses difficultés concernant l’articulation entre le régime du code de la construction et de l’habitation et celui du code de la consommation, ainsi que la notion de « contrat hors établissement ». Ces difficultés ont été clairement mises en lumière par les interprétations successives des CRIDON, les centres de recherche d’information et de documentation notariales. Il est donc proposé de suivre le texte de la directive pour sortir du régime de la loi relative à la consommation l’ensemble des contrats immobiliers.
Par ailleurs, par souci d’harmonisation, cet amendement vise à porter le délai de rétractation prévu par le code de la construction et de l'habitation de sept à quatorze jours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Ces amendements visent tout d’abord à exclure les contrats relatifs à l’immobilier du dispositif applicable aux contrats conclus « hors établissement », créé par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui transposait une directive européenne. Je rappelle que les contrats conclus « hors établissement » sont les contrats conclus par démarchage à domicile.
Cette question avait été abordée lors de l’examen, au mois de novembre dernier, du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. À cette occasion, la commission des lois avait émis un avis favorable sur un amendement de M. Dallier ayant le même objet, mais le Gouvernement s’y était, quant à lui, fermement opposé, ce qui avait d’ailleurs conduit notre collègue à le retirer.
Au travers de ces deux amendements, nous revenons aujourd’hui fort opportunément sur cette question, et nous nous félicitons que le Gouvernement fasse machine arrière, en proposant d’exclure du dispositif applicable aux contrats conclus « hors établissement » les contrats immobiliers et de supprimer, par conséquent, les dispositions relatives au délai de rétractation. Conformément à la position qui était déjà celle de la commission des lois en novembre dernier, il ne me semble effectivement pas pertinent de soumettre les contrats immobiliers, qui obéissent déjà aux règles protectrices fixées par le code de la construction et de l’habitation, au régime des contrats « hors établissement ». D’ailleurs, la directive européenne indiquait clairement dans ses considérants que le dispositif prévu pour les contrats « hors établissement » n’était pas « approprié » pour les contrats immobiliers.
Je suis donc favorable au paragraphe I de ces deux amendements.
Ces amendements prévoient ensuite de modifier la durée du délai de rétractation prévue par le code de la construction et de l’habitation en matière de contrats immobiliers, qui est actuellement de sept jours, pour la rapprocher du délai de quatorze jours prévu par le code de la consommation pour les contrats conclus à distance.
L’amendement n° 1449 rectifié bis vise à porter ce délai de rétractation de sept à quatorze jours à compter de la première présentation de la lettre notifiant l’acte à l’acquéreur non professionnel, alors que l’amendement n° 1493 rectifié du Gouvernement prévoit un délai de dix jours.
La solution proposée par Mme Lamure présente l’avantage de la lisibilité : désormais, la durée du délai de rétractation serait identique dans les deux codes, à savoir quatorze jours. Elle est également plus protectrice du consommateur, qui disposerait ainsi d’un délai plus long pour se rétracter.
Enfin, l’amendement du Gouvernement tend à augmenter de 30 000 à 150 000 euros le montant de l’amende due par le vendeur en cas de manquement à l’interdiction qui lui est faite de recevoir de l’acquéreur un versement quelconque avant l’expiration du délai de rétractation. Il prévoit également d’étendre cette sanction en cas d’irrespect par le vendeur du droit de rétractation de l’acquéreur immobilier. Le montant de l’amende serait désormais très élevé. Or l’objet de cet amendement n’apporte aucune justification à une multiplication par cinq du montant de cette amende.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1493 rectifié et un avis favorable sur l’amendement n° 1449 rectifié bis, qui satisfait d’ailleurs la première partie de l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1449 rectifié bis ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans la mesure où j’ai présenté un amendement prévoyant un autre délai, je ne peux, par cohérence, qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1547, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Au début de la seconde phrase du 2° de l’article L. 121-21, sont ajoutés les mots : « Pour les contrats conclus hors établissement, » ;
II. – Alinéa 15
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
II bis – L’article 17-2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Est puni de la peine d’amende prévue au 5° de l’article 131-13 du code pénal le fait… (le reste sans changement) ».
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le II bis entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir une précision juridique concernant le régime des contrats hors établissement et à supprimer les sanctions pénales applicables à certaines infractions à la loi Hoguet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite rétablir sur deux points le texte de l’article 58 adopté par l'Assemblée nationale.
Je suis quelque peu étonné que le Gouvernement veuille supprimer la possibilité pour le consommateur d’exercer son droit de rétractation, s’agissant de la vente à distance, avant la livraison du bien. Concrètement, comme l’indique l’objet de l’amendement, il s’agit d’obliger le consommateur à attendre que le bien lui soit livré avant de lui donner l’opportunité de se rétracter, en renvoyant, à ses frais, le bien à l’entreprise. Je dois avouer ne pas bien comprendre quel progrès il y a à rendre plus coûteux et plus contraignant pour le consommateur l’exercice de son droit de rétractation.
Dans l’objet de son amendement, le Gouvernement évoque également le fait que ce n’est qu’à la livraison que le consommateur s’apercevra que le bien ne lui convient pas. La facilité d’achat sur internet peut certes conduire à des achats impulsifs ou mal informés, mais le consommateur s’aperçoit vite que ceux-ci ne sont pas raisonnables. Condamner le consommateur à attendre la livraison du bien pour pouvoir, enfin, se rétracter ne paraît pas le plus opportun.
En outre, cet amendement vise à supprimer l’incrimination pénale qui sanctionne le défaut d’information d’un agent immobilier sur les honoraires qu’il pratique. Le Gouvernement évoque la crainte d’un cumul de sanctions administrative et pénale contraire à la Constitution.
Cette crainte ne me semble pas fondée dans la mesure où le législateur a pris la précaution de rappeler, dans le code de la consommation, que, lorsqu’une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le montant global des sanctions prononcées ne peut dépasser le maximum légal encouru le plus élevé. Il s’agit là de l’application stricte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Cet amendement me paraissant contraire à l’intérêt des consommateurs et la répression des infractions me semblant somme toute assez légitime, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaite apporter quelques précisions à M. le rapporteur.
L’amendement du Gouvernement obéit à une certaine logique. Il vise à rétablir, à l'article L. 121–21 du code de la consommation, le fait que le délai de rétractation pour le consommateur ne commence à courir qu’à compter de la conclusion du contrat de vente. Cette précision ne concerne que les seuls contrats hors établissement. Pour ces contrats, l’interdiction pour le vendeur de percevoir le paiement avant que ne se soit écoulé un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat a mécaniquement pour effet de différer d’autant la livraison du bien. Dès lors, plutôt que de laisser planer une incertitude sur le sort du contrat durant cette période, il me semble préférable de laisser le consommateur, qui, après réflexion, peut regretter d’avoir cédé à un démarchage persuasif, exercer son droit de rétractation sans attendre la livraison du bien.
Il y va différemment pour les contrats conclus à distance, notamment en ligne. Dans cette hypothèse, le consommateur ne voit pas physiquement le bien lorsqu’il passe commande. L’intérêt du droit de rétractation réside alors dans la possibilité qui lui est offerte de pouvoir revenir sur son engagement s’il s’aperçoit au moment de la livraison que son appréciation du produit est mauvaise ou que celui-ci ne répond pas à ses besoins.
Il existe donc un distinguo selon que le contrat résulte ou non d’un démarchage. Lorsque l’on commande en ligne, il est normal que la date de livraison serve d’élément déclencheur pour le délai de rétractation. En effet, le déclenchement du délai doit correspondre non pas à la date d’un démarchage qui n’a pas eu lieu ou à la date de la commande, mais bien au moment de la réception du bien.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. J’avais parfaitement compris l’objet de votre amendement. Je considère simplement que, même dans le cadre d’une vente à distance, il s’agit d’une garantie supplémentaire accordée au consommateur et qu’il est inutile de l’en priver.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne veux pas prolonger le débat outre mesure, mais je rappelle que le délai de rétractation est limité dans le temps. Si l’on commence à le faire courir trop tôt, le consommateur disposera de moins de temps pour se rétracter. Il pourrait même arriver que le délai de rétractation soit échu lors de la livraison du produit. L’amendement du Gouvernement introduit donc une distinction afin que le consommateur qui commande un produit en ligne puisse user de son droit de rétractation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 58, modifié.
(L'article 58 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 58
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1280 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 58
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre III du livre II du code du commerce est complété par une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Des dommages sanitaires, environnementaux et des atteintes aux droits fondamentaux
« Art. L. 233-... – I. – Dans le cadre de ses activités, de celles de ses filiales ou de celles de ses sous-traitants, toute entreprise a l’obligation de prévenir les dommages ou les risques avérés de dommages sanitaires ou environnementaux. Cette obligation s’applique aussi aux dommages résultant d’une atteinte aux droits fondamentaux.
« II. – La responsabilité de l’entreprise, dans les conditions ci-dessus définies, est engagée à moins qu’elle ne prouve qu’elle n’a pu, en dépit de sa vigilance et de ses efforts, prévenir le dommage en faisant cesser son risque ou en empêchant sa réalisation compte tenu du pouvoir et des moyens dont elle disposait. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Conformément aux principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en juin 2011, cet amendement vise à instaurer un devoir de vigilance pour les sociétés dans le cadre de leurs activités économiques ou commerciales.
La Commission européenne encourage vivement les États à transposer les principes des Nations unies dans leur droit interne. Il est en effet impératif que les entreprises s’efforcent de prévenir ou d’atténuer les effets négatifs de leurs activités, produits ou services sur les droits humains, même si elles n’ont pas contribué directement à les provoquer. L’objectif est d’obtenir des entreprises qu’elles fassent « preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme ».
En matière de responsabilité civile, il existe déjà dans notre droit un certain nombre de principes de prudence et de vigilance inspirés par le souci d’assurer la sécurité des personnes et des biens et de garantir l’efficacité des activités utiles à la collectivité. Le devoir de prudence concerne tous les types d’activité et s’impose à toutes les personnes physiques et en toutes circonstances. Il impose de veiller à la sécurité d’autrui comme à sa propre sécurité, ainsi qu’au respect des biens, y compris ceux de nature environnementale.
La prudence requise d’un professionnel dans l’exercice de sa profession est appréciée en fonction des usages de cette profession, des moyens dont il dispose lorsqu’il agit et de l’attitude que l’on peut normalement attendre d’un bon professionnel dans sa spécialité.
Le devoir de vigilance, quant à lui, s’inscrit dans le principe d’anticipation. Ainsi, un professionnel ne devrait pas attendre passivement les événements qui entraînent des risques. Dans certains domaines, la vigilance doit être accrue en raison de la nature des actes, notamment pour ceux qui concernent la sécurité des personnes. Elle consiste à envisager tous les incidents qui pourraient éventuellement perturber l’exécution d’un contrat ou causer un dommage au tiers afin d’élaborer des mesures pour y remédier par anticipation.
Il s’agit, enfin, d’étendre ce principe de vigilance aux personnes morales et à tout type de société dans leurs relations commerciales ou économiques. Ces obligations doivent toutefois s’imposer aux sociétés en fonction des moyens dont elles disposent, les PME ne pouvant bien évidemment pas mettre en œuvre les mêmes procédures de contrôle que les multinationales.
M. le président. L'amendement n° 1281 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 58
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre IV bis du livre III du code civil, il est inséré un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« De la responsabilité du fait des dommages sanitaires, environnementaux et des atteintes aux droits fondamentaux
« Art. 1386-... – Est présumée responsable la personne morale, qui dans le cadre de ses activités, de celles de ses filiales ou de celles de ses sous-traitants, ne démontre pas avoir pris toutes les mesures nécessaires et raisonnablement en son pouvoir en vue de prévenir ou d’empêcher la survenance d’un dommage ou d’un risque certain de dommage notamment sanitaire, environnemental ou constitutif d’une atteinte aux droits fondamentaux et dont elle ne pouvait préalablement ignorer la gravité. »
… – Au troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, les mots : « ou de sécurité » sont remplacés par les mots : « de sécurité ou de vigilance ».
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 1280 rectifié vise à proposer, de façon juridiquement très innovante, qu’une société soit tenue pour responsable des dommages causés par ses filiales et sous–traitants en matière sanitaire ou environnementale ainsi qu’en cas d’atteinte aux droits de l’homme. Ce dispositif a probablement été inspiré par le scandale qui s’est déroulé au Bangladesh. Il part donc d’une intention généreuse.
Comme Mme Beaufils l’a évoqué lors de la présentation de son amendement, il existe depuis 1804 un article du code civil très bien rédigé – à cette époque, on savait rédiger la loi –, correspondant aujourd’hui à l’article 1382, qui dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Quel est l’étudiant en droit qui ne connaît pas par cœur ce type d’article ? (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. François Pillet, corapporteur. Ce principe de responsabilité est du reste reconnu par le Conseil constitutionnel et rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il permet d’ores et déjà d’engager la responsabilité d’une entreprise et, s’il y a lieu, de ses dirigeants, pour tous les dommages dont elle est l’auteur. Il suffit de prouver devant le juge l’existence d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité. Nous connaissons tous des procès d’entreprises françaises qui peuvent illustrer ce principe, en particulier en matière de dégâts environnementaux.
Cela étant, vous admettrez que si une personne était responsable d’actes fautifs commis par une autre personne, a fortiori si ces actes fautifs étaient commis en dehors du territoire français, cela constituerait une sérieuse innovation juridique. Je doute d’ailleurs qu’une telle mesure soit constitutionnelle. En effet, on ne peut pas être tenu pour responsable des actes d’autrui.
S’agissant des actes fautifs commis par une filiale, la jurisprudence française considère que la responsabilité de la société mère peut utilement être recherchée dès lors qu’il apparaît que la filiale ne disposait en réalité d’aucune autonomie de direction et de gestion. Ce n’est pas envisageable dans les autres cas, par exemple pour les sous-traitants, compte tenu de la portée même du principe de responsabilité.
À cet égard, je ne sais pas si le Sénat aura l’occasion d’examiner la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, adoptée le 30 mars dernier à l’Assemblée nationale, mais ce texte vise exactement la même finalité que cet amendement. Compte tenu des difficultés juridiques et constitutionnelles que je viens d’évoquer, les auteurs de cette proposition de loi ont dû se contenter de prévoir l’établissement par les grandes sociétés de plans de vigilance à l’égard de leurs filiales et sous-traitants, dont seule l’absence serait sanctionnée. Le texte introduit en quelque sorte une obligation de précaution qui pourrait être sanctionnée en l’absence de tout mécanisme de responsabilité.
Compte tenu de ces arguments juridiques, qui, dans certaines hypothèses, permettent de répondre parfaitement à votre souhait, et en raison des difficultés qu’il y aurait à élargir la responsabilité des sociétés, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1281 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 58 bis A
I. – L’article L. 225-94-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle ne peut exercer simultanément plus de deux autres mandats dans une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé si elle exerce un mandat de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique dans une telle société. » ;
2° (nouveau) Au deuxième alinéa, après la référence : « L. 233-16, », sont insérés les mots : « ou dans lesquelles une participation est détenue, au sens de l’article L. 233-2, ».
I bis (nouveau). – Le premier alinéa de l’article L. 225-95-1 est ainsi modifié :
1° Les mots : « financier ou » sont remplacés par le mot : « financier, » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ou d’une société dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières ».
II. – Les directeurs généraux, membres du directoire et directeurs généraux uniques disposent d’un délai d’un an à compter de la date de publication de la présente loi pour se mettre en conformité avec le premier alinéa de l’article L. 225-94-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du I du présent article. À défaut, ils sont réputés démissionnaires de tous leurs mandats.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1553, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 225-94-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce nombre est réduit à trois pour les mandats sociaux exercés au sein de sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé par les personnes exerçant un mandat de directeur général, de membre du directoire ou de directeur général unique dans une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et qui emploie au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger. » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, ne sont pas pris en compte les mandats d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance exercés, par le directeur général, les membres du directoire ou le directeur général unique des sociétés dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des participations au sens de l’article L. 233-2, dans les sociétés qui constituent des participations. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur au plus tard l’année suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à limiter la réduction des possibilités de cumul des mandats d’administrateur aux dirigeants mandataires sociaux des grandes entreprises cotées et à maintenir une limitation globale à cinq mandats pour les autres dirigeants et administrateurs.
L’article 58 bis A, qui a été introduit par l’Assemblée nationale, plafonne à trois le nombre de mandats d’administrateur ou de mandataire social que peuvent détenir les dirigeants de grandes sociétés cotées françaises, afin de traiter le problème de la « consanguinité », qui est un héritage du capitalisme croisé français des années 1960, 1970 et 1980 mais parfois aussi des années 1990 et 2000. Pour les autres dirigeants ou administrateurs, le plafonnement global du nombre de mandats reste fixé à cinq.
L’amendement du Gouvernement vise à rectifier deux modifications introduites par la commission spéciale.
D’une part, la commission a exclu des règles de cumul les mandats de représentant d’une société dont l’activité consiste à acquérir et à gérer des titres de participation et de valeur mobilière. Il existe en effet des sociétés de gestion dont certains membres peuvent avoir pour profession de gérer des participations. Si je comprends tout à fait le principe selon lequel la nouvelle règle applicable aux dirigeants de grandes sociétés cotées qui restreint le cumul à trois mandats ne doit pas entraîner d’effets négatifs sur l’activité des sociétés d’acquisition et de gestion des participations, je ne suis pas favorable à l’extension de ce principe aux autres administrateurs, c’est-à-dire aux administrateurs non mandataires sociaux. Cet élargissement reviendrait en effet à assouplir la règle actuelle, qui plafonne le cumul à cinq mandats. Sur ce point, j’estime que la commission est allée trop loin.
D’autre part, la commission spéciale a choisi d’appliquer le nouveau plafond de trois mandats à l’ensemble des dirigeants mandataires sociaux. Or il me semble préférable de réserver ce nouveau plafond aux dirigeants des grandes sociétés cotées afin de ne pas pénaliser certains dirigeants de PME à la tête de plusieurs structures juridiques qui ne seraient pas organisées dans un groupe au sens du code de commerce. Tout d’abord, cette flexibilité est nécessaire à leur bon fonctionnement. Ensuite, la « consanguinité » que nous souhaitons réguler ici ne concerne ni les PME ni les TPE.
Le dispositif proposé par la commission spéciale couvre donc de manière indirecte et involontairement le cas de dirigeants qui n’ont pas nécessairement organisé leur PME dans un groupe et qui peuvent détenir plusieurs mandats, sans pour autant qu’on puisse y déceler un conflit d’intérêts. De telles situations résultent d’une organisation choisie par ces dirigeants ou d’une stratégie d’absorptions successives. Sur ce sujet également, la commission me semble être allée trop loin.
M. le président. L'amendement n° 1748, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – La section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de commerce est ainsi modifiée :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 225-21, les mots : « contrôlées au sens de l’article L. 233-16 » sont remplacés par les mots : « qui sont contrôlées, au sens de l’article L. 233-16, ou dans lesquelles une participation est détenue, au sens de l’article L. 233-2, » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 225-77, les mots : « contrôlées au sens de l’article L. 233-16 » sont remplacés par les mots : « qui sont contrôlées, au sens de l’article L. 233-16, ou dans lesquelles une participation est détenue, au sens de l’article L. 233-2, ».
B. – Alinéa 3
Remplacer la première occurrence du mot :
Elle
par les mots :
Cette personne physique
La parole est à M. François Pillet, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1553.
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 1748, par coordination avec les modifications qui ont été apportées par la commission spéciale concernant les mandataires sociaux dirigeants, vise à étendre aux sociétés dans lesquelles est détenue une participation la dérogation applicable actuellement aux sociétés contrôlées en matière de règle de cumul de mandat pour les mandataires non exécutifs administrateurs et membres du conseil de surveillance. En outre, il apporte une petite précision rédactionnelle.
L’amendement du Gouvernement tend à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en matière de limitation de cumul de mandats pour les dirigeants mandataires sociaux des sociétés cotées. Le dispositif de cet amendement ne permet plus aux mandataires exécutifs de ces sociétés d’exercer plus de deux autres mandats non exécutifs dans les sociétés cotées. De plus, il complète la règle de cumul par une exonération bénéficiant aux sociétés dont l’objet est de prendre des participations dans d’autres sociétés. Je ne saisis pas clairement l’intérêt d’un tel amendement, car il me paraît en grande partie satisfait par le texte de la commission.
D’une part, le texte de la commission spéciale clarifie et simplifie la restriction apportée à la possibilité pour les dirigeants de cumuler des mandats. Non seulement il est plus lisible, mais il ne comporte plus le seuil de 5 000 salariés, filiales françaises incluses, ou de 10 000 salariés, toutes filiales incluses, qui était source de complexité, nuisait à la clarté et aurait par définition entraîné des effets de seuil liés aux dépassements, qu’il aurait été difficile de gérer. Les représentants des entreprises que j’ai auditionnés m’ont indiqué que, en raison de ce problème, ils préféraient que le seuil soit supprimé et que la nouvelle règle s’applique à toutes les sociétés cotées, quelle que soit leur taille.
D’autre part, la rédaction adoptée par la commission spéciale exonère de la restriction les mandats dans les sociétés au capital desquelles une participation est détenue, au même titre que les mandats dans les sociétés contrôlées, ce qui peut paraître cohérent. Elle en exonère également les sociétés dont l’objet est de prendre des participations ; du reste, s’agissant de ces sociétés, dont M. le ministre a parlé il y a quelques instants, l’amendement du Gouvernement est plus restrictif que ne le laisse entendre son objet, puisqu’il vise seulement les sociétés dont l’activité principale est de prendre des participations. L’amendement n° 1748 que je défends au nom de la commission spéciale vise à compléter cette prise en compte des participations au titre du cumul des mandats non exécutifs.
J’ajoute que, s’agissant de l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles de cumul, qui est un aspect assez important, l’amendement du Gouvernement est moins complet que le texte de la commission, qui précise à titre transitoire la marche à suivre pour les dirigeants exécutifs qui détiendraient un nombre de mandats trop important. Au demeurant, notre texte se borne à reprendre le dispositif de la loi relative aux nouvelles régulations économiques adoptée en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Dans ces conditions, et comme une large partie des préoccupations de M. le ministre sont satisfaites par le texte de la commission, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1553.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1748 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1748 tend à instaurer une dérogation générale à la limite de cinq mandats d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance prévue par le code de commerce : il s’agit d’exclure du champ des mandats pris en compte non seulement les mandats détenus dans des sociétés contrôlées par celle dont on considère les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance, mais également les mandats détenus dans les sociétés au capital desquelles cette société participe. En pratique, donc, les mandats détenus dans toutes ces sociétés ne seraient pas pris en compte pour l’application du plafond légal de cinq mandats.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprenez bien que l’adoption de cet amendement renforcerait la possibilité pour les dirigeants mandataires sociaux des grandes sociétés cotées de cumuler des mandats ; l’amendement n° 1553, au contraire, est fidèle à la philosophie du projet de loi, qui consiste à la réduire.
Au fond, le Gouvernement et la commission spéciale ont deux sujets de désaccord, qui justifient que j’invite le Sénat à rejeter l’amendement n° 1748 et à adopter l’amendement n° 1553.
En premier lieu, la commission spéciale instaure une dérogation pour régler le cas des sociétés de gestion, ce que je conçois d’autant mieux que l’amendement du Gouvernement vise précisément à les prendre en compte, mais elle l’étend au-delà de ces seules sociétés, ce que je désapprouve.
En second lieu, la commission spéciale a supprimé le seuil que l’Assemblée nationale avait adopté, en conséquence de quoi la restriction s’appliquera aux mandats détenus dans des PME et des ETI. Ce sujet de désaccord est, à mes yeux, encore plus substantiel que le premier. Je vous suggère, monsieur le rapporteur, de demander aux organisations représentatives de ces entreprises, en particulier à ASMEP-ETI, ce qu’elles en pensent !
Les ETI, que nous voulons encourager, sont des entreprises à capitaux de long terme, souvent familiaux, qui grossissent par acquisitions et consolidations, suivant un processus qui est très bon pour les filières françaises. Or, très souvent, elles n’absorbent pas les structures juridiques qu’elles acquièrent, de sorte que leur mandataire social peut finir par cumuler plus de cinq mandats, parce qu’il n’a pas opéré de restructuration.
Ainsi donc, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous n’adoptez pas l’amendement n° 1553, vous gênerez les ETI dans leur croissance. Mettez-vous en rapport avec les patrons d’ETI de vos territoires, et vous constaterez que, compte tenu du modèle de développement que suivent ces entreprises, fondé sur des acquisitions, il faut les exonérer de la restriction instaurée en matière de cumul de mandats.
Nous cherchons à traiter un problème très concret du capitalisme français : le cumul par certains grands dirigeants de multiples mandats sociaux. Ce phénomène n’est pas sain, parce qu’il est source de consanguinité, d’opacité et, parfois, d’intérêts liés ; du reste, il a conduit à de mauvaises décisions collectives, dont nous mesurons encore aujourd’hui les conséquences. De là la nécessité d’une restriction.
L’amendement n° 1553 tend à exclure de cette restriction les sociétés de gestion, puisque la multiplication des mandats est leur objet même. Nous commettrions une erreur en n’en excluant pas également les ETI et les PME, au sein desquelles les termes du problème sont très différents.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, je sais écouter les interlocuteurs avec lesquels je débats. Puisque nous sommes appelés à nous revoir en commission mixte paritaire, dans des conditions que j’espère favorables, je vais prendre au pied de la lettre la suggestion que vous m’avez faite de m’entretenir avec les associations représentatives des PME et des ETI : je vais les auditionner, ce qui me permettra de mesurer le bien-fondé de votre argument.
Vous comprendrez que, pour l’heure, je maintienne la position que j’ai défendue au nom de la commission spéciale. Vérification faite, s’il y a lieu d’en changer, nous devrions arriver à un accord en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote sur l’amendement n° 1553.
M. Patrick Abate. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, aucun de vous ne nous a totalement convaincus, et nous n’avons pas, à cet instant, les moyens de trancher entre les deux options que vous venez de défendre au cours de votre dispute, au sens propre du terme.
L’article 58 bis A marquait une certaine avancée sur la voie d’une démocratisation, certes relative, des instances et des organes dirigeants de nos plus grandes entreprises. De fait, le partage des responsabilités au sein de ces entreprises privilégie largement les héritiers des fondateurs, les héritiers au sens large et les parents, cousins et alliés, sans oublier de hauts fonctionnaires désireux de réaliser une ou deux expériences rémunératrices dans le secteur privé. C’est à juste titre, monsieur le ministre, que vous avez parlé de consanguinité.
Permettez-moi de présenter trois remarques d’ordre général, dont découle notre position.
Premièrement, la logique de non-cumul des mandats, d’exemplarité et de transparence que nous nous imposons à nous-mêmes, ou que du moins nous essayons de nous imposer, devrait infuser dans toute la société et s’étendre à toutes les fonctions de représentation, y compris dans le monde de l’entreprise.
Deuxièmement, les deux amendements qui ont été présentés ne vont même pas aussi loin que le code de bonnes pratiques établi par le MEDEF et l’AFEP. C’est dire leur ambition ! Ils sont en vérité assez éloignés des préconisations de ceux qui, comme nous, espèrent de nouvelles avancées de la démocratie sociale.
Troisièmement, une entreprise ne se résume pas à un résultat opérationnel courant, une marge nette, un résultat d’exploitation ou un résultat net, bref à des données permettant de distribuer des jetons de présence et des dividendes, de préférence « en famille » et dans le cadre de responsabilités croisées assez opaques.
Monsieur le ministre, nous regrettons que l’amendement du Gouvernement s’écarte très largement du dispositif adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Mmes Rabault, rapporteur général du budget, et Berger. Autant dire que l’avis favorable que vous aviez émis sur leur amendement n’aura duré que le temps qu’il aura fallu au projet de loi pour parvenir au Sénat… Sans nul doute, il faut lutter contre la consanguinité au sein des conseils d’administration et de surveillance ; mais ce n’est pas en prenant le problème par le petit bout de la lorgnette, ni en adoptant des mesures timorées, que l’on remettra au cœur des préoccupations des grandes entreprises et de leurs dirigeants l’intérêt de l’outil de travail, de l’économie de notre pays et de la croissance qui vous est chère.
Aucun de ces amendements ne nous convient ; nous nous abstiendrons donc sur les deux.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements sont très importants.
Je me réjouis que, sur les travées de la majorité sénatoriale et au banc de la commission, on en vienne à préférer la loi aux codes de bonne conduite. Je le souligne, car, en 2008, je me suis heurtée à l’opposition de la droite lorsque j’ai défendu au nom du groupe socialiste une proposition de loi visant à encadrer les rémunérations, notamment les parts variables – nous reviendrons sur cette question à l’article 64 bis –, et à rétablir dans la loi le non-cumul des mandats, qui y avait été introduit par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, qui a été défaite à partir de 2003. Je vous rappelle que cette loi, à laquelle M. le rapporteur a eu l’honnêteté intellectuelle de faire référence, limitait à trois le nombre de mandats pouvant être cumulés ; je m’en souviens d’autant mieux que j’étais députée lorsqu’elle a été adoptée.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, aucun de vous deux n’a été clair. Vous avez entamé un débat juridique dont je comprends l’idée générale : il s’agit de limiter les cumuls. J’applique donc ce principe pour des raisons pratiques, les journées n’ayant que vingt-quatre heures. Être administrateur de sociétés, c’est un vrai boulot, et qui comporte de lourdes responsabilités ! Il est vrai que des progrès ont été accomplis au cours des quinze dernières années, en particulier grâce à la création de l’Institut français des administrateurs.
M. le ministre et M. le rapporteur ont ouvert un débat de juristes, mais ni l’un ni l’autre n’a été clair ; je le répète, moi qui suis favorable au mouvement que tous deux veulent encourager.
M. le ministre a parlé de consanguinité ; j’irai même plus loin, en parlant d’endogamie, et d’une endogamie qui va au-delà des cousins et des cousines – je n’en dirai pas plus. Parce que ce combat, que je mène depuis des années, est très important, j’ai envie de voter les deux amendements, faute de comprendre lequel est le plus fidèle à l’esprit de réduction du cumul. Parmi les sociétés cotées, auxquelles s’appliquera la restriction, il y a des sociétés du CAC40, des sociétés du SBF120, des ETI et, dans une moindre mesure, des PME. Je voudrais mieux comprendre ce sur quoi nous allons voter !
M. le rapporteur a affirmé, après avoir écouté l’argumentation de M. le ministre, que l’on devait pouvoir arriver à un accord. Pour ma part, j’aimerais voter un amendement, mais en sachant ce que je fais. Par rapport à l’initiative venue de l’Assemblée nationale, on a le sentiment que l’on est un peu revenu en arrière – même si l’expression ne convient pas vraiment, puisque, de toute façon, on fait un pas en avant. En tout cas, une clarification serait vraiment nécessaire, pour que le Parlement puisse se déterminer en connaissance de cause, que la loi soit la meilleure possible et que le débat soit compris par le grand public, parce que le sujet est très sensible.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Puisqu’il s’agit, semble-t-il, d’un débat de juristes, je vais me permettre d’y apporter ma petite pierre… Débat de juristes ou non, monsieur le ministre, son objet est somme toute assez simple : le Gouvernement entend-il, oui ou non, limiter le cumul des mandats au niveau financier ?
Or, dans l’objet de votre amendement, on lit que « cette limitation risque d’impacter négativement l’activité des grandes sociétés cotées dont l’activité principale est d’acquérir et de gérer des participations et dont les dirigeants mandataires sociaux disposent de mandats dans un certain nombre de sociétés dans lesquelles leur société détient des participations ». Passons sur le fait que cette rédaction mériterait sans doute d’être quelque peu allégée. Pour le reste, qu’est-ce que cela signifie : tout simplement que vous voulez maintenir la possibilité de cumuler cinq mandats dans toutes les sociétés.
Alors, je ne peux pas m’empêcher, dans cet hémicycle, de dire au Gouvernement, même si cela n’a pas l’air de vous troubler, que, en matière de cumul des mandats, il faudrait être cohérent… (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Je reconnais que l’argument est facile, mais vous l’avez bien mérité. (Sourires.)
Comment considérer qu’il soit encore possible de cumuler tous ces mandats, surtout lorsqu’il s’agit de grandes sociétés ? Il suffit de lire de temps en temps un certain nombre de journaux financiers pour voir ce qu’il se passe. Aussi, j’invite tant le Gouvernement que la commission spéciale à faire preuve de cohérence. Car on sent bien ce que sous-tendent ces deux amendements !
Pour une fois – cela m’arrive rarement –, j’étais plutôt en accord avec la position défendue par nos collègues députées Karine Berger et Valérie Rabault. De fait, monsieur le ministre, je n’ai pas très bien compris quelle était la position du Gouvernement sur le plan juridique, si ce n’est continuer à faciliter ces cumuls. Or, cela a été rappelé, dans sa version de juin 2013, le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, établi par l’AFEP et le MEDEF, prévoyait déjà qu’« un dirigeant mandataire social ne doit pas exercer plus de deux autres mandats d’administrateur dans des sociétés cotées extérieures à son groupe, y compris étrangères ». Certes, c’était un code de gouvernement, et il est bon que la loi fixe des règles claires.
Reste que quand nous pourrons de nouveau cumuler un mandat exécutif local avec un mandat parlementaire, nous n’en serons toujours qu’à deux mandats... Alors, faites un effort, monsieur le ministre, écoutez-nous ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Certes, nous aurions préféré conserver cet article dans une version proche de celle qu’avaient proposée nos collègues Karine Berger et Valérie Rabault, mais nous voterons l’amendement du Gouvernement.
En fait, la réponse au cumul des mandats d’administrateur, c’est la parité ! Un certain nombre d’incitations ont été votées pour tendre vers l’objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration ; si l’on veut qu’il soit atteint, il faudra limiter le cumul des mandats parmi les administrateurs, qui, pour 95 %, sont des hommes.
En ce qui concerne les exceptions à la règle, et pour ne citer qu’un secteur que je connais un peu, celui des industries culturelles, le mode de croissance de certaines petites entreprises est tel que, ponctuellement, il peut être difficile de s’en tenir au seuil tel qu’il a été fixé.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Il faut de temps en temps avoir l’humilité de dire qu’on ne peut pas refaire en séance le travail de commission. En l’espèce, les observations qu’a formulées M. le ministre m’ont amené à penser que, peut-être, je devais sur ce point, comme il m’en a fait la suggestion, vérifier un certain nombre d’éléments auprès de différentes catégories d’entreprises.
Monsieur le ministre, vous m’en donnez acte, je le ferai, mais, pour l’heure, je m’en tiens au texte voté par la commission spéciale, étant entendu qu’il ne s’applique qu’aux sociétés cotées et qu’il me semble avoir simplifié la question du cumul des mandats en supprimant le problème des seuils. Pour autant, tout reste ouvert d’ici à la commission mixte paritaire.
Il faut de temps en temps admettre que le débat peut repartir sur d’autres bases. Sinon Mme Bricq sera obligée de voter les deux amendements, ce qui sera tout de même un peu nouveau, y compris pour elle. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Nicole Bricq. Pas moi seulement ! (Nouveaux sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. … et, ce faisant, de répondre à Jacques Mézard.
On m’a fait beaucoup de reproches, mais, en matière de non-cumul des mandats, reconnaissez, monsieur Mézard, que je suis exemplaire. (Rires.)
M. Jacques Mézard. Pour l’instant !
M. Emmanuel Macron, ministre. La commission spéciale a voulu prendre en compte un cas, celui des sociétés de gestion, qui sont déjà exclues du code de gouvernement d’entreprise AFEP-MEDEF. Aussi, il est faux de dire que la commission spéciale serait plus laxiste que ce code.
L’Assemblée nationale a limité à trois le nombre total de mandats sociaux qu’il est possible pour une seule personne de détenir dans les grandes sociétés cotées. La commission spéciale a relevé ce seuil à cinq pour les mandataires sociaux des sociétés de gestion.
Nous prenons acte du fait que les sociétés de gestion sont un cas particulier, mais nous proposons de rétablir ce plafond de cinq mandats uniquement pour les mandataires sociaux de ces sociétés de gestion et non pas pour les administrateurs classiques. Sur ce volet, nous sommes donc plus restrictifs. Il s’agit là d’un débat très technique.
Au sujet des PME et des ETI, la commission spéciale se montre plus restrictive que le Gouvernement puisqu’elle propose de s’en tenir à un plafond de trois mandats. Dans le cas présent, nous assumons d’être moins sévères puisque nous considérons que les PME et les ETI ne sont que très marginalement concernées. Compte tenu de leur organisation et de leur mode de croissance, leur appliquer cette règle risquerait de les bloquer.
M. le président. Je mets aux voix l'article 58 bis A, modifié.
(L'article 58 bis A est adopté.)
Article 58 bis
(Supprimé)
Article 58 ter
(Supprimé)
Article 58 quater
I. – L’article L. 232-25 du code de commerce est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lors de ce même dépôt, les sociétés répondant à la définition des petites entreprises, au sens de l’article L. 123-16, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2, de celles dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières et de celles qui établissent des comptes consolidés en application de l’article L. 233-16, peuvent déclarer que le compte de résultat qu’elles déposent ne sera pas rendu public. »
1° ter (Supprimé)
2° (Supprimé)
II. – Le présent article s’applique aux comptes afférents aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015 et déposés à compter du 1er avril 2016.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 468 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 59.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à supprimer l’article 58 quater, aux termes duquel les petites sociétés sont autorisées à ne pas publier leur compte de résultat.
Dans cet article, il est proposé de modifier l’article L. 232-25 du code de commerce en utilisant la faculté offerte par la directive du 26 juin 2013 en matière de dispense de publication du compte de résultat pour les petites entreprises. Cette directive autorise les États membres de l’Union européenne qui le souhaitent à exempter les petites entreprises de l’obligation de publier leur compte de résultat et les micro-entreprises de l’obligation de publier leurs comptes annuels.
Depuis 2014, en conformité avec ce texte, il est déjà possible aux micro-entreprises françaises de demander que leurs comptes ne soient pas rendus publics lors de leur dépôt au registre du commerce et des sociétés. L’article 58 quater accorde la même dispense aux sociétés entrant dans la catégorie des petites entreprises suivant des critères précis. Cette faculté, comme c’était déjà le cas pour les micro-entreprises, ne fait pas obstacle à la non-opposabilité de la confidentialité à l’égard des autorités administratives et judiciaires ainsi que de la Banque de France pour permettre le bon exercice de leurs missions.
Par ailleurs, la nouvelle disposition ne s’applique pas aux établissements de crédit, aux compagnies d’assurance, aux sociétés d’investissement et aux sociétés cotées.
Dans le même temps, l’article 58 quater introduit une autre disposition, qui prévoit que la confidentialité des comptes des petites entreprises n’est pas non plus opposable en particulier aux établissements de crédit et aux divers organismes prêteurs.
Sous couvert d’assurer une meilleure défense des intérêts économiques des entreprises françaises, l’article 58 quater organise les conditions d’un véritable recul social. En autorisant les petites entreprises à ne pas communiquer sur leur situation financière, il les autorise finalement à priver les salariés et leurs représentants de leur droit à l’information. Nous sommes certains que les entreprises ont d’autres moyens de se renseigner sur les marges de leurs concurrents qu’en consultant leurs comptes publics et que ce n’est là qu’un prétexte supplémentaire pour servir encore un peu plus les intérêts des entreprises.
Nous préconisons une plus grande transparence dans la comptabilité des entreprises. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 468.
Mme Corinne Bouchoux. Nos arguments sont voisins, quoiqu’ils diffèrent quelque peu.
Lors de l’examen de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, il a beaucoup été question de la nécessaire transparence des activités bancaires ; il a été reconnu que les règles de gestion devaient être plus claires. De fait, il ne nous semble pas que cet article aille dans ce sens.
Par ailleurs, vous le savez comme moi, le Conseil d’État a inventé voilà deux ans le concept très intéressant de « vie privée des entreprises ». Cet article s’inscrit dans cette logique et, au motif de protéger ces petites entreprises, on risque au contraire de favoriser un marché de l’information sur ces entreprises. Pour les raisons évoquées précédemment, nous n’y sommes pas favorables.
Concernant la nécessaire transparence, s’il convient effectivement d’éviter toute violation du secret des affaires, se pose aussi la question du rapport à la fiscalité.
Pour l’ensemble de ces raisons, cet article ne nous semble pas opportun. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La suppression de l’article 58 quater que proposent les auteurs de ces deux amendements identiques va à l’encontre de la position de la commission.
La commission spéciale a accepté d’étendre l’option pour la confidentialité des comptes, déjà mise en œuvre par le Gouvernement par une ordonnance en 2014, au compte de résultat des entreprises de moins de cinquante salariés, dans le respect du cadre comptable fixé par le droit européen.
La question de la confidentialité des comptes des petites entreprises est certes un débat de fond, car la France, essentiellement, a une tradition de publicité légale des informations relatives aux entreprises, en particulier leurs comptes annuels. Mais ce débat a déjà été tranché par le législateur et le Gouvernement dans la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, qui ont accepté le principe de confidentialité pour les comptes des sociétés de moins de dix salariés.
Il s’agit aujourd’hui uniquement de compléter le dispositif déjà en vigueur pour utiliser l’ensemble des exonérations autorisées par le droit européen. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La disponibilité des comptes est effectivement la marque d’un système économique sain et concurrentiel. Je comprends les préoccupations exprimées par les auteurs de ces deux amendements identiques. L’objectif visé par vos collègues députés, qui ont introduit cet article dans le projet de loi, était de tenir compte de l’hétérogénéité des réglementations. Par exemple, les sociétés allemandes concurrentes de certaines entreprises françaises ne sont pas soumises aux mêmes obligations de transparence ; en particulier, les plus petites d’entre elles dont les domaines d’activité sont restreints ne publient pas systématiquement leurs comptes. Il convient donc d’éviter une transparence asymétrique de part et d’autre du Rhin.
Il s’agit ici d’offrir la possibilité de ne pas rendre public si elles le souhaitent leur compte de résultat aux petites entreprises définies selon trois critères : un bilan inférieur à 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires net total de moins de 8 millions d’euros ou un effectif inférieur à cinquante salariés. Même si je comprends tout à fait la préoccupation d’une plus grande transparence, il me semble important de ne pas aller au-delà. Les limites qui ont été fixées me paraissent raisonnables. Telles sont les raisons pour lesquelles je sollicite le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je veux dire dès à présent un mot de l’amendement n° 1668 du Gouvernement, car je tiens à souligner à quel point il est important de maintenir une disposition qui figurait dans le texte de l’Assemblée nationale. Si la confidentialité du compte de résultat pour les petites entreprises nous paraît indispensable, les financeurs doivent pouvoir continuer à accéder à l’intégralité des comptes. À défaut, le financement des PME via le crédit ou l’assurance crédit serait mis en péril.
J’appelle votre attention sur le fait que les acteurs de l’assurance crédit ou de la réassurance, contrairement aux banques, n’ont pas forcément une relation directe avec leurs clients. Il est donc nécessaire qu’ils disposent des informations relatives à la chaîne des risques. En leur absence, l’octroi des financements serait compromis. L’amendement n° 1668 vise donc à rétablir cette obligation de transmission de l’information à ces acteurs du financement.
En outre, le Gouvernement souhaite diversifier l’accès au financement des PME, y compris des petites entreprises, notamment via les fonds de prêt à l’économie ou les crédits interentreprises, ces derniers constituant l’une des nouveautés de ce texte. Une totale confidentialité des comptes reviendrait à fermer aux petites entreprises l’accès à ces financements innovants.
Si l’on veut développer le financement interentreprises, qui est un élément important de ce texte, il faut également rendre possible la transmission de l’information. Il me semble donc particulièrement risqué de penser que les petites entreprises pourraient désormais assurer elles-mêmes la diffusion de leurs comptes, alors que celle-ci est assurée à ce jour sans difficultés par le registre du commerce et des sociétés. Par conséquent, le présent amendement tend à rétablir cet accès dérogatoire aux comptes confidentiels à un panel pertinent de financeurs et d’investisseurs, ce qui me paraît important.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 et 468.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1668, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le 1° ter dans la rédaction suivante :
1° ter Au deuxième alinéa, après le mot : « France », sont insérés les mots : « et les personnes morales, relevant de catégories définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des finances, qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de l’intégralité des personnes morales » ;
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
présent article
par la référence :
1° bis du I
et remplacer le mot :
avril
par le mot :
juillet
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, dans la mesure où il vise à rétablir une disposition qu’elle a supprimée. Je vais essayer d’être clair sur ce point également très technique.
Tel qu’il est issu des travaux de la commission, l’article 58 quater du projet de loi est conforme à l’article 31 de la directive comptable du 26 juin 2013 permettant aux sociétés entrant dans la catégorie des petites entreprises, c’est-à-dire à celles qui comptent moins de cinquante salariés, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 4 millions d’euros de total de bilan, de demander que leur compte de résultat ne soit pas publié. Cette disposition complète celle qui a été introduite par l’ordonnance du 30 janvier 2014 permettant aux micro-entreprises de demander que l’intégralité de leurs comptes annuels ne soit pas publiée.
La position du Gouvernement sur ce sujet me paraît quelque peu contradictoire, car, avec le présent amendement, il vise à revenir sur l’équilibre du dispositif tel qu’il avait été instauré voilà un an par cette ordonnance de janvier 2014. Cette ordonnance a logiquement prévu que la confidentialité des comptes n’était pas opposable aux autorités administratives et judiciaires, aux fins notamment de contrôle, de suivi statistique ou encore de prévention des difficultés des entreprises.
Or le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait, comme l’amendement du Gouvernement, que la confidentialité des comptes n’était pas non plus opposable à toute une série de personnes privées, dont la liste serait fixée par arrêté ministériel : banquiers, investisseurs, assureurs, agences de notation, etc. Il me semble que c’est l’objet même de la confidentialité des comptes que d’autres entreprises, fussent-elles financières, n’accèdent pas aux comptes des entreprises ayant opté pour la confidentialité. À quoi cela sert-il de prévoir une option de confidentialité si on la vide complètement de son sens ? En outre, ce ne serait pas cohérent avec la logique de la directive comptable que j’ai citée. Ce qui était valable au début de 2014 ne le serait donc plus au début de l’année 2015…
En outre, dans la réalité de la vie économique, une société qui veut bénéficier d’un prêt, d’un apport de capitaux propres ou de tout soutien financier fournira nécessairement ses comptes certifiés à l’organisme qu’elle sollicitera. Il en sera de même si elle sollicite un crédit. Si elle veut bénéficier d’une notation financière pour asseoir sa crédibilité auprès de ses partenaires commerciaux, il est également peu probable qu’elle demande la confidentialité de ses comptes. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de revenir sur ce que le Gouvernement a lui-même décidé voilà un an, avec l’accord du législateur.
Je précise, car l’objet de l’amendement est un peu ambigu sur ce point, que la confidentialité des comptes n’est qu’une option et pas une règle automatique. La société doit remplir un formulaire spécial à cet effet, c’est-à-dire engager une démarche positive. Il est donc complètement faux de dire que nous allons vers une « confidentialité généralisée » des comptes.
J’ajoute, pour que chacun mesure bien l’ampleur du problème, que seulement 2 000 sociétés de moins de dix salariés environ ont opté pour la confidentialité de leurs comptes en 2014, soit une infime proportion.
La disposition que nous examinons à l’article 58 quater ne va donc pas remettre en cause le financement des entreprises. Peut-être constituera-t-elle une gêne pour les banquiers et les assureurs, mais ceux-ci ont à l’évidence les moyens de demander contractuellement à ces entreprises ayant opté pour la confidentialité de la lever lorsque celles-ci sont demanderesses d’un prix ou éventuellement d’une notation.
Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à revenir sur une ordonnance ayant été en quelque sorte « bénie » en 2014 par le législateur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’ordonnance à laquelle vous faites référence, monsieur le rapporteur, couvrait les TPE. Or vous étendez le dispositif aux PME. Cela signifie que les entreprises comptant entre dix et cinquante salariés ne seront pas couvertes par ladite ordonnance. Tel est le premier défaut de votre argumentation.
Le second défaut a trait au mécanisme même de l’assurance crédit. Celle-ci couvre des acteurs qui ne sont pas dans une relation contractuelle. Imaginez qu’un vendeur de pommes se couvre auprès d’un assureur crédit. Le risque couvert, c’est la défaillance de celui qui lui livre les pommes. Il faut donc que l’assureur crédit dispose d’informations relatives à ce fournisseur. À défaut, vous empêcheriez une partie des PME d’avoir un accès potentiel au financement, par ailleurs accru par le financement interentreprises que nous avons ouvert.
M. Bruno Retailleau. L’assurance crédit pour les PME !
M. Emmanuel Macron, ministre. Elle existe, et nous voulons l’étendre, comme le financement interentreprises, particulièrement utile pour les PME.
M. François Patriat. C’est vrai !
M. Emmanuel Macron, ministre. On ne peut pas dans le même temps affirmer vouloir développer le financement interentreprises tout en décidant de dégrader l’information financière au-delà de la simple relation contractuelle avec un financeur classique.
Ici, on peut vouloir préserver la non-publicité d’une information pour des raisons de concurrence, qui est l’objectif même de cet article. Néanmoins, on commettrait une erreur, me semble-t-il, à vouloir étendre cette possibilité à tous les acteurs de la chaîne du financement, d’autant que celle-ci peut être large et indirecte. C’est pourquoi l’amendement du Gouvernement me semble respecter les deux contraintes : la préservation d’un droit au secret en faveur des PME, pour des raisons concurrentielles, de leurs informations financières, et, dans le même temps, l’optimisation de la bonne circulation de l’information, permettant précisément un accès plus satisfaisant au crédit.
M. le président. L'amendement n° 1568 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 524-6-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 524–6–6. – Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions répondant à la définition des micro-entreprises au sens de l’article L. 123-16-1 du code de commerce, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2 du même code, peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne sont pas rendus publics.
« Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions répondant à la définition des petites entreprises, au sens de l’article L. 123-16 du code de commerce, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2 du même code et de celles qui établissent des comptes consolidés en application de l’article L. 524-6-1 du présent code, peuvent déclarer que le compte de résultat qu’elles déposent n'est pas rendu public.
« Les autorités judiciaires, les autorités administratives au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ainsi que la Banque de France et les personnes morales relevant de catégories, définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des finances, qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de ces personnes morales ont toutefois accès à l’intégralité des comptes. »
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Le sous-amendement n° 1749, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1568, dernier alinéa
Supprimer les mots :
et les personnes morales relevant de catégories, définies par arrêté des ministres chargés de l’économie et des finances, qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice de ces personnes morales
La parole est à M. François Pillet, corapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1568 rectifié.
M. François Pillet, corapporteur. La commission approuve totalement cette extension, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1749 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sous-amendement est cohérent avec la démarche de la commission. Par cohérence, le Gouvernement sollicite son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1568 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 58 quater, modifié.
(L'article 58 quater est adopté.)
Articles additionnels après l'article 58 quater
M. le président. L’amendement n° 185 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1660, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 58 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 411-14 du code du tourisme est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « développer », il est inséré le mot : « notamment » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut également apporter son concours à la mise en œuvre de toute politique sociale à la demande des ministres compétents. »
II - L’ordonnance n° 2015-333 du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation en matière de tourisme est ratifiée.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de faciliter, auprès des entreprises, l’utilisation des titres de paiement à vocation sociale dans le domaine du sport ou de l’énergie par exemple et de bénéficier, pour cela, de l’expertise acquise par l’Agence nationale des chèques vacances dans l’émission desdits chèques vacances.
L’ordonnance n° 2015-333 du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation dans le secteur touristique a été publiée le 27 mars 2015. Elle est conforme à l’habilitation accordée au Gouvernement par l’article 49 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives. Elle répond aux demandes des acteurs économiques du secteur touristique.
Il est donc proposé ici de procéder à la ratification de cette ordonnance conformément à l’article 59 de la loi précitée, qui prévoit un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance pour sa ratification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement étend considérablement les compétences de l’Agence nationale des chèques vacances, chargée principalement de gérer cette catégorie de chèques, à la mise en œuvre de toute politique sociale. Or cette extension nous paraît excessive : l’ANCV est un établissement public à caractère industriel et commercial, outil des politiques sociales du tourisme. Elle assure une mission d’intérêt général et n’a pas, nous semble-t-il, vocation à intervenir pour autant dans l’ensemble du champ social.
Par ailleurs, cet amendement vise à ratifier l’ordonnance du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation dans le secteur touristique. Cette ordonnance comporte certaines mesures d’importance, concernant par exemple les offices de tourisme ou la mise aux normes des hôtels. La ratifier par la voie d’un alinéa d’un amendement ne nous paraît pas, pour le moins, satisfaisante. Nous aurions plutôt souhaité que le Gouvernement dépose un projet de loi en ce sens, et que nous prenions ainsi le temps d’analyser chacune des mesures de l’ordonnance.
Pour ces deux raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 233 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Castelli, Collin et Arnell, est ainsi libellé :
Après l’article 58 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'une entreprise peut prouver qu'elle propose des services ou des biens qui comportent une innovation technologique, notamment numérique, au service du consommateur et que ces derniers ne sont encore l'objet d'aucune réglementation spéciale en vigueur, l'administration peut informer l'entreprise, sur la demande de cette dernière, de son interprétation de l'ensemble des normes qui lui sont applicables.
L'entreprise ne peut encourir de sanction administrative si la cause du litige avec l'administration est un différend sur l'interprétation par l'entreprise de bonne foi d'une norme et s'il est démontré que l'interprétation a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par l'entreprise de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.
Lorsque l'entreprise a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Il s’agit d’un amendement d’appel.
On le sait, les entreprises sont confrontées à un stock de normes qui, pour protectrices qu’elles soient, les contraignent parfois inutilement. L'inflation normative, la volonté de tout réglementer et de tout encadrer peuvent parfois constituer des freins à l’innovation, notamment dans les nouveaux secteurs de la connaissance. Or l’innovation est un levier de création de valeur avéré, lequel passe de plus en plus par le médium du numérique. À ce titre, si, une année de plus, la France se hausse à la troisième marche du podium des pays les plus innovants au monde, il ne faut pas oublier que la transformation des inventions de laboratoire en innovations industrielles ou de service, donc en emplois, exige encore d’être fortement améliorée.
Dans un récent article, un grand quotidien le rappelait : massivement et mondialement, l’outil internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. Les internautes tissent des liens horizontaux, achètent et vendent sur leboncoin.fr, pratiquent le covoiturage grâce à blablacar.fr, conduisent la voiture de leur voisin, s’entraident et se logent avec airbnb.com.
La France ne doit pas laisser disparaître ce précieux levier de croissance. À cet égard, les normes administratives ne doivent pas étouffer dans l’œuf l’innovation des jeunes entrepreneurs, sous réserve, toutefois, que les principes cardinaux de l’information et de la sécurité des consommateurs soient préservés.
Cet enjeu est soulevé par le crowdfunding, mais aussi par la situation de nombreuses start-up.
Cet amendement, certes imparfait, a pour objet d’instaurer un permis d’innovation pour les entreprises proposant effectivement des services innovants, et ce sur le modèle du rescrit, lequel a fait l’objet d’un rapport du Conseil d’État. Lorsqu’une entreprise peut prouver qu’elle propose des services ou des biens comportant une innovation technologique, notamment numérique, au service du consommateur et que ces derniers ne sont encore l’objet d’aucune réglementation spéciale en vigueur, l’administration doit pouvoir informer l’entreprise, sur sa demande, de son interprétation de l’ensemble des normes qui lui sont applicables.
Sur le modèle du rescrit, l’entreprise ne peut encourir de sanction administrative si la cause du litige avec l’administration est un différend portant sur l’interprétation par l’entreprise de bonne foi d’une norme et s’il est démontré que ladite interprétation a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.
Il ne peut être procédé à aucun rehaussement d’imposition antérieure si la cause du rehaussement visé par l’administration est un différend sur l’interprétation de l’entreprise de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.
Qui disait que nous sommes dans un débat de juristes ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission a jugé cet amendement intéressant.
Mme Françoise Laborde. Bon début !
M. François Pillet, corapporteur. Toutefois,…
Mme Françoise Laborde. Aïe !
M. François Pillet, corapporteur. … elle ne l’a pas retenu, l’estimant insuffisamment abouti. Je sais que M. le ministre est très sensible à ces enjeux d’innovation : sans doute pourra-t-il nous apporter des précisions à ce propos.
Cet amendement tend à transposer le système du rescrit, existant en matière fiscale, dans le domaine de l’innovation. Plus précisément, seraient visées les activités économiques innovantes qui ne font pas encore l’objet d’une réglementation complète et adaptée. Toutefois, force est de constater que la rédaction retenue est assez générale. J’ajoute que les termes choisis évoquent un aspect fiscal qui n’a peut-être pas de liens réels avec le sujet.
On peut difficilement avoir la certitude qu’une activité économique n’est pas couverte par une réglementation existante, étant donné la foule des normes existant dans tous les domaines.
L’idée de s’adresser à l’administration – je suppose qu’il pourrait s’agir des services des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE –, pour obtenir une forme de rescrit, opposable, en contrepartie, à l’administration, est tout à fait intéressante. Cette piste pourrait s’inscrire dans le cadre des travaux que le Gouvernement consacre actuellement à l’extension du rescrit à de nouveaux champs de l’action administrative. Elle pourrait également trouver sa place dans le programme de toilettage des régimes d’autorisation administrative ou de déclaration préalable.
Je n’ai pas eu l’occasion d’examiner, avec les auteurs de cet amendement, les moyens d’améliorer sa rédaction. Au reste, ce travail serait sans doute très difficile, compte tenu du champ d’application considéré.
Madame Laborde, vous avez eu l’honnêteté de dire qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Cet appel ayant été lancé, je vous suggère de retirer le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Laborde, la procédure de rescrit, que vous souhaitez appliquer aux innovations, existe déjà en droit fiscal, et elle est bien définie.
M. le rapporteur vient de l’indiquer, le Gouvernement cherche à étendre le rescrit au-delà du seul droit fiscal, notamment dans le domaine social, par le biais d’une ordonnance prise sur le fondement de l’habilitation accordée par le Parlement en décembre 2014. Ce texte viendra compléter les dispositifs existants.
En l’espèce, vous proposez d’aller plus loin encore, avec une forme de rescrit sectoriel. Cette démarche me semble tout à fait intéressante. En effet, elle prendrait en compte la nécessité, fréquemment constatée, d’aller plus vite et de garantir aux acteurs économiques la visibilité dont ils ont besoin. Néanmoins, ainsi rédigées, ces dispositions sont trop larges, alors même que, pour être robuste, le rescrit doit être parfaitement défini. S’il entrait en vigueur, ce dispositif susciterait une insécurité juridique nuisible aux acteurs que vous souhaitez, précisément, protéger par ce biais. En effet, il ferait peser sur eux une incertitude à moyen et long terme. Je songe notamment aux investisseurs, qui, face aux risques auxquels ils sont exposés, doivent disposer d’une bonne visibilité.
Je vous propose de travailler à cette mesure au cours des prochaines semaines : il faut poursuivre dans cette direction, quitte à emprunter d’autres voies et moyens. Nous devons définir la bonne rédaction, pour les divers sujets sectoriels. Pour l’heure, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Dans le cadre du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, j’avais moi-même proposé un rescrit similaire visant le même objectif. Le Gouvernement m’avait objecté qu’il était difficile de limiter une telle procédure au seul domaine de l’économie sociale et solidaire, mais il avait ajouté que l’idée était intéressante et qu’elle serait travaillée plus avant. Aujourd’hui, vous apportez peu ou prou la même réponse à Mme Laborde, à ceci près que, cette fois-ci, le champ d’application n’est plus jugé trop étroit mais trop large.
À mon sens, il est urgent d’optimiser la définition de cet outil et de l’utiliser réellement. Nous devons tenir, ensemble, cet engagement ! Étant donné les mutations que connaissent aujourd’hui notre tissu économique, nos entreprises, nous avons tout intérêt à pouvoir utiliser au mieux un tel instrument, dans le domaine de l’innovation et tout particulièrement dans le champ de l’innovation sociale. Un tel rescrit présente toute la souplesse nécessaire. Il serait tout à fait pertinent.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 233 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 233 rectifié est retiré.
M. François Pillet, corapporteur. Parfait !
Section 2
Procédures de l’Autorité de la concurrence
Article 59
(Suppression maintenue)
Article 59 bis
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa du III de l’article L. 430-2 est complété par les mots : « sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l’ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale » ;
2° Au troisième alinéa de l’article L. 430-3, les mots : « de dimension communautaire » sont remplacés par les mots : « relevant de la compétence de l’Union européenne » ;
3° L’article L. 430-4 est ainsi modifié :
a) Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’octroi de cette dérogation peut être assorti de conditions. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La dérogation mentionnée au deuxième alinéa cesse d’être valable si, dans un délai de trois mois à compter de la réalisation effective de l’opération, l’Autorité de la concurrence n’a pas reçu la notification complète de l’opération. » ;
4° Après le deuxième alinéa du II de l’article L. 430-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de la concurrence peut suspendre le délai mentionné au I lorsque les parties ayant procédé à la notification ont manqué de l’informer d’un fait nouveau dès sa survenance ou de lui communiquer tout ou partie des informations demandées dans le délai imparti, ou lorsque des tiers ont manqué de lui communiquer, pour des raisons imputables aux parties ayant procédé à la notification, les informations demandées. Le délai reprend son cours dès la disparition de la cause ayant justifié sa suspension. » ;
5° L’article L. 430-7 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa du II, les mots : « S’ils » sont remplacés par les mots : « Lorsque des engagements ou des modifications apportées à des engagements déjà proposés » et les mots : « la date de réception des engagements » sont remplacés par les mots : « leur réception, dans la limite de quatre-vingt-cinq jours ouvrés à compter de l’ouverture de l’examen approfondi » ;
b) (Supprimé)
5° bis (nouveau) L’article L. 430-7-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le ministre chargé de l’économie estime que les parties n’ont pas exécuté dans les délais fixés un engagement figurant dans sa décision, il peut prendre les décisions prévues aux 1° à 3° du IV de l’article L. 430-8. » ;
6° Le IV de l’article L. 430-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ou dans la décision du ministre ayant statué sur l’opération en application de l’article L. 430-7-1 » sont supprimés ;
b) Au 2°, les mots : « qu’ils fixent » sont remplacés par les mots : « qu’elle fixe » et sont ajoutés les mots : « figurant dans la décision » ;
c) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l’article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l’obligation, d’exécuter dans un délai qu’elle fixe des injonctions, prescriptions ou engagements en substitution de l’obligation non exécutée. » ;
7° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 est complétée par les mots : « et des décisions nécessaires à la mise en œuvre des décisions prévues aux III et IV de l’article L. 430-7 » ;
8° À la fin de la seconde phrase de l’article L. 954-2, les mots : « de dimension communautaire » sont remplacés par les mots : « relevant de la compétence de l’Union européenne ».
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Cette intervention ne porte pas sur la forme de cet article, mais revient sur le fond du débat que suscitent ses dispositions.
La concentration des enseignes commerciales est l’un des problèmes les plus préoccupants pour qui veut faire en sorte que le pouvoir d’achat des ménages échappe quelque peu aux ententes entre les groupes de la distribution, qui tendent à fixer les prix à leur convenance. À cet égard, la question est la suivante : le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence se révélera-t-il suffisant pour lutter efficacement contre les effets pervers de la concentration commerciale ? En vérité, nous ne le croyons pas.
Que certains groupes de la distribution disposent de positions dominantes dans certaines régions de notre pays, c’est assez évident. Il faut bien le reconnaître, cette réalité est tout à fait manifeste au sein des marchés captifs que constituent les territoires ultramarins, où les mêmes groupes détiennent pratiquement toutes les plus grandes enseignes. Cette situation nuit profondément au pouvoir d’achat des ménages, d’autant que, dans ces territoires, la pratique des prix élevés est légitimée par des circuits d’approvisionnement inconséquents et par l’existence de l’octroi de mer. Cependant, les enseignes de la grande distribution y disposent de marges confortables. Voilà la preuve que l’on peut très bien s’accommoder des contraintes fiscales…
Cela étant, les positions dominantes existent également en métropole, d’autant que les grands groupes de la distribution y ont, dans un passé récent, développé toute une gamme d’enseignes, de la supérette au supermarché en passant par la chaîne de maxi-discount. Si l’on y ajoute les réseaux de franchises rattachées, on obtient un univers commercial assez nettement répétitif : les centres-villes sont progressivement désertés par les commerces de proximité et ne laissent plus place qu’aux activités « de niche ». Quant aux entrées de villes, elles sont, si l’on peut dire, fleuries des mêmes enseignes…
Nous n’avons, par principe, jamais cru au pouvoir des autorités indépendantes pour réguler efficacement les activités concurrentielles, en particulier le commerce de détail. La création de l’Autorité de la concurrence est en effet allée de pair avec le démantèlement des activités de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont la fonte des effectifs a constitué l’une des plus graves erreurs politiques des dernières années. Au demeurant, en renforçant aujourd’hui les prérogatives du président de l’Autorité de la concurrence, on ne résoudra guère de problèmes. Il faudra commencer par poser, dans leur ensemble, la question de la sécurité alimentaire, pour conforter les circuits courts, et celle du pouvoir d’achat des ménages, les clients les plus modestes étant pour l’heure « captifs » d’enseignes obéissant à des logiques de groupe.
Par les dispositions du présent texte portant atteintes au repos dominical, le Gouvernement affiche l’intention de multiplier les jours d’activité des magasins et commerces situés dans les zones touristiques diverses et variées. Mais, que celui-ci le veuille ou non, ces mesures devraient normalement aboutir au renforcement des positions dominantes existantes.
La journée du dimanche est faite pour aller au cinéma, au théâtre, à la campagne, en forêt, au bord de la mer ou pour rester en famille. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. François Pillet, corapporteur. Et aux vêpres ? (Sourires.)
M. Michel Le Scouarnec. Je n’y avais pas songé, monsieur le rapporteur. (Nouveaux sourires.)
C’est un temps familial et culturel destiné à l’épanouissement et à la réussite. J’insiste sur ce point ! Nous ne croyons donc nullement à l’efficacité de cet article 59 bis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1570, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Compléter cet alinéa par les mots :
ou de nouvelles injonctions ou prescriptions
II. – Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
7° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-3 est complétée par les mots : « , des décisions de révision des mesures mentionnées aux III et IV de l’article L. 430-7 ou des décisions nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement tend à rétablir deux éléments du présent article.
Premièrement, en cas d’inexécution par les parties de leurs engagements initiaux, l’Autorité de la concurrence doit pouvoir substituer à ces derniers d’autres mesures, si celles-ci se révèlent nécessaires.
Deuxièmement, le président de cette instance doit être habilité à prendre seul les mesures de révision ou de mise en œuvre des engagements ou injonctions pris après un examen approfondi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, il ne s’agit pas de revenir sur l’ensemble des modifications apportées à cet article par la commission. Toutefois, ces deux dispositions me semblent nécessaires au bon fonctionnement de la procédure fixée.
M. le président. L'amendement n° 1750, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
, prescriptions ou engagements
par les mots :
ou prescriptions
II. – Alinéa 21
Remplacer la première occurrence des mots :
des décisions
par les mots :
de celles
La parole est à M. François Pillet, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1570.
M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 1750 est purement rédactionnel.
Le I de l’amendement n° 1570 est déjà satisfait par le texte de la commission. En effet, cette dernière a acté la possibilité, pour l’Autorité de la concurrence, de prononcer de nouvelles injonctions ou prescriptions à l’encontre d’une entreprise issue d’une opération de concentration, lorsque les injonctions et prescriptions de la décision initiale ne sont pas respectées, quelle qu’en soit la raison. Il s’agit bien de pouvoir substituer de nouvelles mesures aux dispositions initiales.
Quant au II de cet amendement, il est contraire à la position de la commission. Actuellement, lorsqu’une entreprise demande la révision d’une décision par laquelle une concentration a été autorisée, c’est l’Autorité de la concurrence elle-même qui prend la décision de révision. En pareil cas, le présent projet de loi prévoyait, dans sa rédaction initiale, une décision du président de l’Autorité de la concurrence seul.
Monsieur le ministre, l’autorisation d’une concentration relèverait de l’Autorité de la concurrence tout entière, mais la modification d’une telle décision appartiendrait à son seul président… À nos yeux, cette rupture du parallélisme des formes est curieuse et, en tout cas, insatisfaisante. La commission a considéré que ces décisions de révision ne pouvaient revenir au président seul, compte tenu de leur importance potentielle. Nous sommes là face à un pur problème de procédure, et les décisions dont il s’agit peuvent modifier profondément la décision initiale.
À cet égard, il nous semble préférable d’en rester au texte de la commission. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1750 ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il est question ici de procédures, mais je saisis l’occasion pour appeler l’attention du Sénat et du Gouvernement sur une situation que je considère comme anormale. Je vais citer trois événements relatifs à l’Autorité de la concurrence qui témoignent du déséquilibre auquel nous sommes actuellement confrontés.
J’évoquerai, d’abord, la situation des producteurs de volaille. Les PME et les ETI du secteur ont vu, dans les années 2000, en raison de la grippe aviaire, le volume de leur activité s’effondrer de 30 % ; au même moment, le prix des céréales a explosé. Certes, ces entreprises ont discuté entre elles, mais simplement pour essayer de faire face à la grande distribution qui les étranglait, sans qu’il y ait eu aucun préjudice pour les consommateurs, et de conserver l’activité et les emplois. Dans quelques jours, l’Autorité de la concurrence devrait prononcer de lourdes amendes, alors même qu’une grande partie de ces entreprises, dont des filiales de Doux, sont aujourd'hui insolvables, quand elles ne sont pas purement et simplement rayées de la carte.
Ensuite, le président de la commission des affaires économiques du Sénat et vous-même, monsieur le ministre, avez saisi le président de l’Autorité de la concurrence à la fin de l’année dernière du cas de quatre grandes enseignes qui se sont associées pour peser davantage. Celui-ci vous a répondu qu’il n’en pouvait mais.
Enfin, il y a quelques jours, une grande enseigne a cherché à faire garantir sa marge par ses clients : si la marge baissait, ces derniers devaient lui verser le différentiel, et ce rétroactivement.
Les questions de procédure sont certes fondamentales, et je soutiens la proposition de M. le rapporteur, mais, on le voit bien, l’Autorité de la concurrence et le législateur seront toujours en retard sur les rapports de force. À quoi sert une telle autorité si l’on continue à affaiblir notre tissu industriel agroalimentaire – car c'est bien ce qui se passe ! –, sans se donner la possibilité de peser sur ces rapports de force ? Au moment où nous allons délibérer sur ces questions de procédure, j’invite chacune et chacun de nos collègues à méditer ces exemples, qui me paraissent extrêmement instructifs si nous voulons avoir encore demain une industrie dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président Retailleau, après vous avoir entendu, j’ai envie de vous dire : « Chiche ! » Car on ne peut pas reprocher à l’Autorité de la concurrence d’appliquer la loi !
Vous avez cité l’affaire sur laquelle elle rendra son avis très prochainement. En l’espèce, l’infraction à la loi semble évidente. Je suis, comme vous, tout à fait sensible à la situation de la filière, et mon collègue Stéphane le Foll s’en préoccupe également quotidiennement. Nous avons eu un dialogue avec le président de l’Autorité de la concurrence pour qu’il tienne compte de la situation de la filière, et j’ai bon espoir qu’il le fasse – ce serait la première fois s’agissant d’un avis de cette autorité –, dans le cadre de la loi.
Mais que n’avez-vous déposé d’amendements ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ils arrivent ! Nous en avons deux !
M. Emmanuel Macron, ministre. En dénonçant ces pratiques, en particulier la dernière que vous avez citée et qui constitue une infraction à la loi, vous soulignez l’importance de renforcer les procédures, comme le Gouvernement avait décidé de le faire par le texte figurant initialement dans ce projet de loi, et de clarifier les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence.
Il est devenu à la mode de taper sur cette autorité. Mais encadrons-la mieux, soyons exigeants ! Dans le même temps, elle rend un travail utile. En effet, dans les cas que vous avez cités, on ne peut que constater la puissance de quelques-uns placés en situation de force, le non-respect du droit des concentrations et l’absence d’une saine concurrence.
Car beaucoup de reproches ont été faits à la concurrence depuis le début de nos débats, mais celle-ci ne doit être ni un dogme ni un objectif en soi. Elle est simplement le bon moyen de préserver de manière juste les intérêts de toutes et tous, y compris des plus faibles, de ceux qui n’ont pas accès à certains marchés. Quand la concurrence marche mal, ce sont les producteurs les plus fragiles qui en sont les victimes.
Monsieur le président Retailleau, je souscris pleinement à votre objectif, mais je considère que c’est au législateur, et non aux présidents d’autorités, de faire les lois. En l’espèce, l’autorité applique la loi. On peut avoir des débats contradictoires avec elle, mais si on veut que la loi aille plus loin, il faudra débattre des différents objectifs.
Ce texte va en tout cas dans le sens d’un renforcement du droit de la concurrence, qui permet de préserver l’intérêt des plus faibles sur certains marchés. Il répond donc, pour partie, aux préoccupations que vous venez ici d’éclairer.
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 bis, modifié.
(L'article 59 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 59 bis
M. le président. L'amendement n° 846 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé, Houel, Laménie, Lefèvre, Lemoyne, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Trillard, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 59 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article L. 430-7-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’avis du ministre chargé de l’économie est obligatoire lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieure à 2,5 milliards d’euros et lorsque le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 166 millions d’euros. »
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. À la suite du débat que nous venons d’avoir, cet amendement vise à rendre obligatoire l'avis du ministre chargé de l'économie lorsque l'opération de concentration atteint une forte dimension, déterminée selon un double seuil.
Le premier est celui de 2,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires mondial, qui est un seuil important puisqu'il s'agit d'un niveau « dérogatoire » permettant une éventuelle saisine de la direction générale de la concurrence. Si la concentration concernée atteint ce niveau, mais reste « dans le giron national », le ministre chargé de l'économie devrait se pencher sur la question.
Le second est celui de 166 millions d'euros de chiffre d'affaires national, qui est, lui aussi, un seuil important puisqu'il s'agit d'un niveau « plancher » à partir duquel une concentration relevant potentiellement d'une saisine de la direction générale de la concurrence peut toutefois éventuellement rester « dans le giron national ». Si tel est le cas, le ministre chargé de l'économie devrait aussi se pencher sur la question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement prévoit que le ministre de l’économie donne obligatoirement son avis sur les dossiers de concentration les plus importants traités par l’Autorité de la concurrence.
L’objectif est louable, car le Gouvernement ne peut évidemment pas se désintéresser des opérations les plus significatives pour notre économie. Toutefois, cet amendement est déjà satisfait, puisqu’un commissaire du gouvernement est nommé par le ministre de l’économie auprès de l’Autorité de la concurrence pour faire connaître la position du Gouvernement sur tous les dossiers.
Ce commissaire du gouvernement – ce titre est parlant – est, à ce jour, un fonctionnaire du ministère de l’économie qui prépare et présente les observations sur toutes les affaires dont est saisie l’autorité, sans prendre part ensuite, bien évidemment, à la délibération. Je suppose donc qu’il dispose d’instructions précises lorsqu’il s’agit de statuer sur une opération importante de concentration. Je le redis, votre préoccupation, ma chère collègue, est déjà parfaitement prise en compte par le droit et la pratique actuels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous débattons là d’un sujet majeur en termes économiques. D’un point de vue juridique, le Gouvernement a aujourd'hui la faculté de porter à la connaissance de l’autorité un certain nombre d’observations par l’intermédiaire du commissaire du gouvernement. Mais, d’un point de vue politique, le poids de ce dernier est faible.
Par ailleurs, l’article L. 430-7-1 du code de commerce prévoit un droit d’évocation du ministre. Mais, dans les faits, ce droit n’est jamais actionné, car on imagine qu’il doit l’être pour des affaires stratégiques. Pourtant, la loi prévoit des cas bien plus larges : le ministre peut évoquer l’affaire et statuer sur l’opération pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence. Sont évoqués le développement industriel, la compétitivité des entreprises, la création et le maintien de l’emploi.
Les cas évoqués par le président Retailleau correspondent tout à fait à ces situations. Si je prends le cas de la filière volaille, la moitié des entreprises concernées sont dans une situation économique quasi désespérée. On pourrait donc s’attendre à ce que le droit d’évocation soit utilisé : il n’en est rien. D’autre pays, pourtant plus libéraux que le nôtre, n’ont pas cette pudeur et n’hésitent pas à intervenir.
L’amendement que je propose avec un certain nombre de collègues tend à compléter la palette de moyens à notre disposition : d’un côté, nous avons le commissaire du gouvernement – une petite arme – et, de l’autre, le droit d’évocation – une grosse arme –, mais, entre les deux, il manque peut-être quelque chose.
Nous proposons donc que le ministre soit obligatoirement saisi et donne un avis dès lors que la concentration en question est supérieure à 2,5 milliards d’euros au niveau mondial et 166 millions d’euros au niveau national. Il ne s’agit pas d’un enjeu minime, puisque, la plupart du temps, les entreprises concernées sont des ETI, dont M. le ministre a pris la défense il y a quelques instants. Dans ces entreprises patrimoniales, dont j’ai en tête certains exemples, certains industriels n’ont eu d’autre choix pour régler des sanctions que de « rester liquide », c’est-à-dire de céder une partie de leurs actifs industriels, lesquels, la plupart du temps, quittent le giron du capitalisme familial pour celui du capitalisme financier.
Monsieur le ministre, vous connaissez les enjeux en termes humains et d’emploi qu’il peut y avoir derrière une telle situation. Nous avons tous en mémoire votre premier déplacement ministériel, au cours duquel vos mots avaient d’ailleurs dépassé votre pensée,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. … certainement parce que vous aviez été saisi par une réalité difficile.
Au regard des enjeux de la filière laitière, et demain peut-être de la filière volaille, il nous est apparu important de compléter la législation, comme vous nous y appeliez il y a quelques instants, afin de mieux l’adapter à la réalité et, surtout, pour ne pas contribuer au désarmement industriel de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. On peut être sensible, comme je le suis, aux préoccupations que vous, monsieur Lemoyne, et le président Retailleau avez exposées et, dans le même temps, chercher à être efficace et, donc, précis.
Vous avez évoqué le droit des concentrations. L’exemple cité par le président Retailleau n’a rien à voir avec le droit des concentrations : il s’agit d’une entente, ce qui n’est pas la même chose.
M. Bruno Retailleau. Les enseignes qui se réunissent se concentrent !
M. Emmanuel Macron, ministre. On parle ici de la filière, vous l’avez bien compris. L’exemple cité par votre collègue porte sur un accord passé entre enseignes : ce n’est pas une concentration capitalistique.
Pour pouvoir les prendre en compte, il faudrait changer la loi, avec toutes les problématiques que cela entraîne. Mais, je le redis, les accords entre enseignes ne sont pas des rapprochements capitalistiques. Le président Lenoir et moi-même le savions lorsque nous avons demandé l’avis de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci nous a renvoyés au droit et à la difficulté de se saisir de tels abus au regard du droit actuel. Elle nous a incités à être très vigilants sur les potentielles ententes qui pourraient dériver de ces accords. C'est ce que nous ferons, et la DGCCRF a déjà été mandatée sur ce sujet.
S’agissant du problème qui fera l’objet dans les prochains jours d’un avis de l’Autorité de la concurrence, il s’agit non de concentration, mais d’entente : les deux situations ne sont pas traitées sur la même base. Ce que vous proposez dans cet amendement ne couvre donc pas le cas précis que vous évoquiez ; une autre caractérisation juridique serait plus pertinente.
Par ailleurs, comme le disait à l’instant M. le rapporteur, l’avis du ministre et le droit d’évocation existent déjà dans le droit actuel. Ce que vous proposez est donc superfétatoire et ne répond pas à votre préoccupation. Quelle erreur les acteurs de cette filière, qui est en difficulté, ont-ils commise ? Ils n’ont pas conclu un accord de filière. Pourtant, un tel accord, signé de manière transparente est tout à fait légal et leur aurait permis d’éviter de recourir à la politique du pire. Il est donc normal qu’on ne ferme pas les yeux ; j’ai toutefois bon espoir que le président de l’Autorité de la concurrence, précisément en raison de la situation de la filière, fera preuve de discernement. L'industrie, de son côté, a compris l’intérêt d’un accord de filière et l’autorité l’y encouragera.
Je le répète, le droit prévoit des modes d’organisation permettant de répondre à ces situations. En l’espèce, la procédure que vous proposez à propos des concentrations n’a rien à voir avec l’accord dont nous parlions et serait superfétatoire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 846 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59 ter
Après l’article L. 450-4 du code de commerce, il est inséré un article L. 450-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 450-4-1. – Les agents mentionnés à l’article L. 450-1 peuvent se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques en application de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et par les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie. »
M. le président. L'amendement n° 876 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Gatel et M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour l’Autorité de la concurrence de disposer, dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs d’enquête simple sur les pratiques anticoncurrentielles et de concentration, de factures téléphoniques détaillées, dites « fadettes », et de données de géolocalisation détenues par les opérateurs téléphoniques. En effet, la communication de ces éléments est en contradiction avec la protection des données puisque l’entreprise visée n’est pas avertie de la demande, qui peut concerner toutes les données traitées par les opérateurs de télécommunications. Ainsi, elle ne peut avoir connaissance des conditions de transfert de ces données ou de l’usage qui en est fait.
Par ailleurs, dans le cadre des enquêtes lourdes, l’accès à des informations personnelles doit être justifié par des indices d’activités anticoncurrentielles. Or cela n’est pas prévu pour une procédure d’enquête simple, ce qui pose donc la question de l’encadrement et de la cohérence des pouvoirs entre les différentes procédures.
J’ajoute que notre commission a amendé le texte du Gouvernement pour éviter d’attribuer à l’Autorité de la concurrence un pouvoir qui s’avérerait excessif ou inapproprié pour certaines procédures. Or le Gouvernement veut rétablir le texte de l’Assemblée nationale ; il me paraît donc nécessaire de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’Autorité des marchés financiers dispose de ce pouvoir, et il ne nous a pas paru choquant que l’Autorité de la concurrence ait le même. Je précise néanmoins, pour qu’il n’y ait pas d’erreur d’interprétation, qu’il ne s’agit que de savoir qui a téléphoné à qui ; à aucun moment, le contenu des conversations n’est connu. La commission a donc souhaité donner à l’Autorité de la concurrence, qui est tout de même confrontée à des problématiques très importantes, des moyens identiques à ceux d’un organisme comparable. Dans le cas cité précédemment par Bruno Retailleau, ces fadettes auraient pu s’avérer décisives pour contrecarrer les abus qu’il a mentionnés.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 876 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1572, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 450-3 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent en particulier se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques en application de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et par les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement certes un peu technique mais qui a son importance.
Le texte de la commission spéciale renvoie à l’article L. 450-4 du code de commerce, et non à l’article L. 450-3, le pouvoir d’obtenir la communication des fadettes. Ce transfert ne semble pas justifié, car les dispositions de l’article L. 450-4 concernent les pouvoirs d’enquête des rapporteurs de l’Autorité de la concurrence et des enquêteurs de la DGCCRF sur autorisation judiciaire.
Une entreprise ne peut faire l’objet d’une opération de visite et de saisie que si elle a participé à une pratique anticoncurrentielle. Or les fadettes sont détenues par les opérateurs de communications électroniques, qui sont étrangers aux pratiques anticoncurrentielles en question. Le juge des libertés et de la détention ne pourrait donc délivrer une autorisation de visite et de saisie auprès d’un tel opérateur pour une entente suspectée dans un autre secteur.
L’article 59 ter ne fait que préciser un pouvoir général de communication dont disposent déjà les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence et les enquêteurs de la DGCCRF avec l’article L. 450-3 du code de commerce. C’est pourquoi la disposition spécifique concernant l’obtention des fadettes doit logiquement être codifiée à l’article L. 450-3 plutôt qu’à l’article L. 450-4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le ministre. La commission spéciale a créé un article spécifique, qui donne à l’Autorité de la concurrence – au grand désespoir de M. Cadic – la possibilité d’accéder aux fadettes. Faire référence à l’article L. 450-3 du code de commerce, auquel de nombreux textes renvoient, donnerait expressément à la DGCCRF le pouvoir d’utiliser les fadettes. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Pillet, corapporteur. Pas en droit de la consommation !
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 ter.
(L'article 59 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 59 ter
M. le président. L'amendement n° 469, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 59 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 461-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa du II, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « ou environnementale », et après le mot : « concurrence », sont insérés les mots : « de défense des consommateurs et de l’environnement » ;
2° Au sixième alinéa du II, après le mot : « production », sont insérés les mots : « du développement durable, ».
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à élargir la composition de l’Autorité de la concurrence.
Dans le projet de loi, l’Autorité de la concurrence acquiert de nouveaux pouvoirs. C’est pourquoi il semble important de diversifier sa composition.
Actuellement, l’ensemble de ses membres sont nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie. Cet amendement vise à inclure dans le collège des personnalités choisies des membres compétents en matière de développement durable et de défense des consommateurs et de l’environnement. Pour le moment, une seule des personnalités du collège est issue d’une association de défense des consommateurs. Nous proposons que cette ouverture salutaire soit inscrite dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le droit en vigueur prévoit déjà la désignation de personnalités qualifiées au sein du collège de l’Autorité de la concurrence ; votre souhait est donc exaucé. J’émettrai tout de même un bémol : le rapport entre droit de la concurrence et compétence en matière d’environnement n’est pas manifeste. Cela étant, vous obtiendrez peut-être satisfaction à travers la nomination d’une personnalité qualifiée. Adressez-vous à qui de droit pour que celle-ci soit celle qui vous intéresse. (Sourires.)
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 469.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59 quater
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 462-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsque les faits invoqués peuvent être traités par le ministre chargé de l’économie en application de l’article L. 464-9. » ;
2° Le troisième alinéa de l’article L. 464-9 est complété par les mots : « sauf si l’Autorité de la concurrence a rejeté la saisine sur le fondement du troisième alinéa de l’article L. 462-8 » ;
3° À l’article L. 954-14, les mots : « troisième et quatrième » sont remplacés par les mots : « quatrième et cinquième ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 59 quater
M. le président. L'amendement n° 847 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé et Gremillet, Mme Gruny, M. Houel, Mme Keller, MM. Laménie, Lefèvre, Lemoyne, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Pierre, Trillard, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 59 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce est complétée par les mots : « en s’assurant que la sanction infligée ne mette pas irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et ne conduise pas à priver ses actifs de toute valeur ».
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. S’il est légitime que les pratiques anticoncurrentielles soient sanctionnées, il convient néanmoins de prendre en compte la capacité contributive de chaque entreprise ou organisme et de mesurer les conséquences économiques des sanctions envisagées. Cet amendement a donc pour objet de s'assurer que ces conséquences ne soient pas disproportionnées et ne mettent pas en péril l'existence même de l'entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le code de commerce dispose que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ». Pour une infraction qui durerait vingt ans, l’Autorité de la concurrence prendrait ainsi en compte le profit indûment retiré sur toute la période. Il s’agit de ce qu’on appelle en droit une infraction continue ; il peut en effet paraître légitime qu’une faute commise, même sur une longue durée, ne puisse bénéficier à son auteur.
Pour faire une analogie, prenons le cas d’une affaire portée devant une Cour d’assises. Pour déterminer la peine, la Cour ne prendra en principe pas en considération les crimes ou délits prescrits, qui figurent au bas de la commode à tiroirs que peut représenter le casier judiciaire de l’accusé. Pourtant, de fait, elle en tiendra compte. Il s’agit ici de la même situation : l’Autorité de la concurrence tient compte de la situation concrète pour apprécier le dommage causé. Il ne s’agit donc pas d’une pratique juridiquement exceptionnelle.
Cela étant, le débat mérite sans doute d’avoir lieu, mais il faudrait rédiger différemment votre amendement, afin de rendre sans objet les réflexions très mesurées dont je viens de vous faire part et qui me conduisent à vous demander de le retirer. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous nous trouvons là sur le terrain des sanctions. Or nous avons pu apprécier dernièrement combien les montants de celles-ci peuvent être considérables, s’élevant parfois à 16 % du chiffre d’affaires d’une filière. Je parle bien du chiffre d’affaires, donc imaginez ce que cela représente au regard du résultat ! Aussi, la plupart du temps, les ETI, les PME-PMI familiales ou les coopératives concernées en sont réduites, pour pouvoir payer ces sanctions, à céder une partie de leurs actifs à des acheteurs étrangers, faisant ainsi sortir de notre territoire une partie de notre outil industriel.
Le code de commerce dispose effectivement dans sa rédaction actuelle que la sanction est proportionnée à la situation de l’organisme, mais il est insuffisamment précis. J’entends certes l’appel de M. le rapporteur à peaufiner la rédaction de l’amendement, mais peut-être pourrions-nous tout de même l’adopter et parachever sa rédaction dans la suite de la procédure législative, puisque le texte fera l’objet d’une commission mixte paritaire, puis vraisemblablement d’une nouvelle lecture. Nous enverrions un signal important en affirmant que l’on ne veut pas mettre irrémédiablement en danger la viabilité économique d’une entreprise. Faisons ce premier pas ce soir !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai dit tout à l'heure à M. le ministre à propos du cumul de mandats, utilisons le temps de la procédure parlementaire pour réfléchir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. La rédaction de l’amendement est très large, mais je veux faire état de ce qui fonctionne aujourd'hui et de la manière dont les choses peuvent déjà être encadrées.
Nous pourrions discuter encore des situations auxquelles vous faites référence, monsieur le sénateur : dans le secteur du chocolat, les changements de propriété étaient antérieurs à la décision. Dans le secteur du yaourt, il ne me semble pas que les décisions de l’Autorité de la concurrence aient déclenché un tel changement : elles ont été postérieures à cette mutation.
Cela dit, il faut maintenir un équilibre dans lequel la sanction garde un aspect dissuasif.
Aujourd'hui, l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que l’Autorité de la concurrence doit déjà prendre en compte la situation particulière d’une entreprise avant de lui infliger une sanction. En outre, dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, l’Autorité prévoit d’ajuster cette sanction aux capacités contributives de l’entreprise et à ses éventuelles difficultés financières. C’est ce qui ressort de sa pratique décisionnelle.
Quant à l’article L. 464-8 du code précité, il permet au président de la cour d’appel de Paris, en cas de recours contre une décision de l’Autorité de la concurrence, d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
On a donc en quelque sorte un double cliquet. Or le dispositif proposé a une portée beaucoup plus large – selon moi, trop large.
Enfin, le ministre de l’économie peut décider d’étaler le paiement et d’accorder des sursis en cas de sanctions qui, ne mettant pas en péril la viabilité de l’entreprise, seraient conformes au droit, mais seraient considérées comme non supportables par l’entreprise.
La discussion que nous avons depuis tout à l'heure est d’intérêt général, mais elle est aussi liée à des situations existantes, dans des filières en difficulté, où certains ont exprimé un sentiment d’instabilité et ont manifesté des inquiétudes. Je vois bien que c’est cela qui vous préoccupe, à juste titre.
Pour ma part, je m’engage à ce que les décisions d’échelonnement dans le temps soient prises de toute façon si elles sont justifiées et nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je souhaite que l’on adopte ce dispositif.
La méthode prétorienne, consistant à laisser au juge, quel qu’il soit, le soin de donner toute leur portée aux textes, a ses limites.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas, dans un même mouvement, nous inviter à légiférer, à nous saisir des problèmes – d'ailleurs, je vous retourne cette invitation, puisque vous savez que le législateur et le Gouvernement partagent l’initiative législative sous la Ve République, même si c’est de façon très inégale –, et nous demander de ne pas le faire !
Pour ce qui me concerne, je souhaite que nous prenions nos responsabilités en inscrivant un encadrement dans le texte que nous examinons. En effet, je pense que c’est le moment, pour le législateur, de rappeler que notre pays se situe désormais, sauf erreur de ma part, au quinzième rang en matière de désindustrialisation, non loin de la Grèce !
Monsieur le ministre, je ne demande à personne de prendre une tonalité « montebourienne », si j’ose dire. À chacun sa personnalité ! Simplement, je souhaite que l’on puisse réaffirmer dans cette enceinte ce soir des perspectives pour nos industries.
On peut parfaitement protéger la concurrence et encourager la compétition, sans que soient pour autant rendues des décisions, qui, parfois, nous paraissent déséquilibrées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux faire trois remarques.
Premièrement, on ne réindustrialisera pas le pays par des cartels ou des ententes illégales.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. Deuxièmement, légiférez, mais légiférez bien ! M. le corapporteur vous a indiqué que le présent amendement était mal rédigé.
Troisièmement, vous pouvez décider de l’adopter afin d’envoyer un signal, mais on ne réindustrialisera pas le pays, on ne donnera pas de la confiance à nos acteurs économiques en envoyant des signaux brouillons. C’est au quotidien qu’on le fait, par l’action !
Vous pouvez compter sur moi pour ce faire, mais pas pour contracter des engagements qui ne valent pas au-delà de la discussion de ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 59 quater.
Article 59 quinquies
I. – L’article L. 464-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité de tout ou partie des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée pour les griefs non contestés. Lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans la proposition de transaction qu’il lui soumet. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’organisme ou l’entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction. » ;
2° À la dernière phrase du IV, après le mot : « peut », sont insérés les mots : « , après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l’entreprise ou l’organisme concerné sans établissement préalable d’un rapport, et ».
II (nouveau). – Le présent article est applicable aux procédures pour lesquelles les griefs ont été notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, postérieurement à la publication de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 664 rectifié est présenté par MM. Kern et Médevielle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 60.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à supprimer l’article 59 quinquies. Nous n’approuvons pas la forme de justice parallèle que celui-ci conforte. Par ailleurs, nous sommes en désaccord total avec les dispositions relatives au plafond des sanctions.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l'amendement n° 664 rectifié.
M. Claude Kern. Cet amendement est le résultat d’une erreur d’interprétation. De ce fait, je le retire, monsieur le président.
M. François Pillet, corapporteur. Exemplaire, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 664 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 60 ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement de suppression est évidemment contraire à la position de la commission spéciale.
Monsieur Bosino, vous proposez de supprimer ce qui apparaît comme une certaine modernisation du pouvoir de transaction de l’Autorité de la concurrence et qui nous semble, d'ailleurs, aller dans le sens des préoccupations qui ont été exprimées tout à l'heure du côté de l’hémicycle où vous siégez.
Personne ne sera donc étonné que la commission spéciale soit défavorable à cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1574, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
de tout ou partie
et les mots :
pour les griefs non contestés
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de la transaction partielle.
L’objectif, quand on fait une transaction, est de ne pas avoir à y revenir. Or la transaction partielle laisserait ouverts les débats sur les griefs qui demeureraient contestés, ainsi que les recours devant la cour d’appel. Une telle contestation irait à l’encontre de l’objectif même de la procédure de transaction, qui consiste précisément en une économie procédurale, liée à l’absence de discussion sur les faits et leur qualification une fois la notification des griefs adressée à l’entreprise.
L’enjeu n’est pas majeur si l’on considère le projet de loi dans son ensemble.
M. François Pillet, corapporteur. En effet ! La France n’est pas en danger !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à souligner que la commission spéciale n’a pas dénaturé le texte, mais, sur ce point précis, je trouve qu’elle a apporté un élément de complexité.
Par ailleurs, les entreprises qui s’engageaient dans la procédure actuelle de non-contestation des griefs, à laquelle la transaction se substitue, ne disposaient pas d’une telle faculté et pouvaient seulement contester les modalités de calcul de la sanction.
La transaction partielle rouvrirait la possibilité de poursuivre la procédure, ce qui me semble contraire à son objectif même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas d’accord sur ce point, mais, comme vous l’avez fait remarquer, l’enjeu n’est pas de taille à mettre la France en danger !
La commission spéciale a proposé d’instituer la possibilité d’une transaction partielle. En effet, il est possible que l’entreprise ne reconnaisse qu’un certain nombre des griefs retenus à son encontre par l’Autorité de la concurrence. Je trouve qu’il serait un peu dommage de ne pas permettre une transaction partielle sur ces griefs. Cela n’empêchera pas, comme je l’ai dit tout à l'heure, que la cour d’appel statue sur les griefs qui ne sont pas reconnus ! Cette souplesse peut être intéressante.
Cette procédure existe aussi en matière de contributions indirectes, qui relèvent désormais du domaine des douanes.
Pour vous être agréable, mes chers collègues, je vais prendre l’exemple d’une infraction commise en matière viticole. À l’occasion d’un contrôle de cave, l’administration s’aperçoit que les stocks déclarés par l’entreprise ne correspondent pas aux stocks existants. Elle s’aperçoit également qu’il y a, dans le hangar à côté, des quantités de sucre que la chaptalisation permise à l’occasion d’une certaine récolte ne peut guère expliquer. Si l’entreprise admet qu’il y a un problème à propos des stocks, elle pourra alors parfaitement transiger avec l’administration fiscale – en l’espèce, les douanes. En revanche, elle peut contester l’existence d’une infraction à l’égard du sucre, si, par exemple, une partie du sucre stocké correspond à une autorisation de chaptaliser qui lui a été accordée l’année précédente en raison de très mauvaises conditions climatiques. Dans ce cas de figure, soit l’administration poursuivra la procédure, et c’est alors le tribunal correctionnel qui décidera, soit elle y renoncera. On le voit, la transaction partielle n’a rien de choquant ! Et, juridiquement, c’est tout à fait possible.
La commission spéciale a voulu donner de la souplesse en ce domaine. Nous permettrions ainsi aux entreprises d’accepter de battre leur coulpe lorsqu’elles ont fait une erreur, et de ne pas la battre lorsqu’elles n’en ont pas commis.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 877 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern, Pozzo di Borgo et Tandonnet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de ne pas contester la réalité des griefs qui lui sont notifiés en application de l’alinéa précédent ne constitue ni un aveu ni une reconnaissance de responsabilité par l’entreprise en cause. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement a pour objet de préciser que, à l’instar de la procédure de non-contestation des griefs, qu’elle entend remplacer, la procédure de transaction ne suppose pas une reconnaissance préalable de culpabilité. Sans une telle précision, cette procédure ne sera pas attractive pour les entreprises.
L’Autorité de la concurrence a toujours considéré que la non-contestation des griefs ne constitue ni un aveu ni une reconnaissance de culpabilité – je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport d’activité de 2005 du Conseil de la concurrence. Ainsi, elle estime que les entreprises victimes de pratiques contestables ne peuvent pas se prévaloir devant les juridictions civiles d’une participation à une procédure de non-contestation des griefs.
Toutefois, certaines décisions de jurisprudence isolées ont semblé, dans le cadre d’actions indemnitaires engagées par des victimes de pratiques anticoncurrentielles, assimiler une non-contestation des griefs à une reconnaissance de l’infraction.
C’est pourquoi, afin de garantir l’effectivité de la nouvelle procédure de transaction introduite par le présent projet de loi, il est nécessaire de préciser que le fait, pour une entreprise ou un organisme, de ne pas contester la réalité des griefs qui lui sont notifiés ne constitue pas un aveu ou une reconnaissance de culpabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à ce que l’acceptation, par une entreprise, d’une proposition de transaction, dans le cadre d’une enquête de concurrence, ne vaille pas aveu ou reconnaissance de culpabilité. Au reste, on peut se demander ce qu’une entreprise qui accepte une transaction sans être responsable allait faire dans cette galère… (Sourires.)
À mon avis, la faculté qu’ouvrirait l’adoption de cet amendement ne serait pas conforme aux principes du droit français et poserait sans doute un problème de constitutionnalité au regard du principe de responsabilité.
Si des griefs sont notifiés, c’est que l’Autorité de la concurrence constate des faits constitutifs, selon elle, d’une infraction au droit de la concurrence. Admettre avoir commis des faits constitutifs d’une infraction et considérer que l’on n’est pas responsable de celle-ci serait très contradictoire ! Or la procédure de transaction ne vise qu’à accélérer la procédure, dans le cadre d’une reconnaissance de culpabilité.
Aller au-delà en exonérant l’entreprise de toute responsabilité pour l’infraction commise serait excessif, en particulier au regard des consommateurs ou des autres entreprises lésés.
Vous estimez sans doute, mon cher collègue, que si la transaction ne vaut pas reconnaissance de responsabilité, on peut être à l’abri d’une action de groupe. Je ne le pense pas : le seul fait d’avoir transigé, sur la base des constatations de l’Autorité de la concurrence, n’empêchera pas l’entreprise de faire l’objet d’une telle action.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je ne suis pas du tout d’accord avec vous, monsieur le corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Je n’en suis pas étonné !
M. Olivier Cadic. Il faut savoir se montrer pragmatique : tout le monde sait qu’un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès.
Il est en l’espèce question d’une procédure qui peut engager l’entreprise sur le long terme, et la transaction sert justement à sortir d’une situation conflictuelle, à faire gagner du temps à tout le monde. Pour autant, elle ne vaut pas reconnaissance de culpabilité.
Voilà quelque temps, un grand personnage de l’État, attaqué en justice, a fini par transiger. Or cette transaction ne valait pas reconnaissance de culpabilité.
Vous êtes féru de ces questions, vous savez que l’on se dirige de plus en plus vers une procédure à l’anglo-saxonne. Vous devez l’accepter : il faut bien être moderne et reconnaître que l’approche française que vous évoquez a vécu. Encore une fois, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.
Je le répète, je suis totalement en désaccord avec vous, monsieur le corapporteur.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Je crains que notre désaccord ne persiste, monsieur Cadic.
La transaction en matière pénale existe à travers le dispositif de la composition pénale, mais elle vaut bien reconnaissance de la responsabilité.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. François Pillet, corapporteur. Je pense avoir trouvé l’un des meilleurs défenseurs qui soit ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Surtout, ne parlons pas de la justice américaine. Si l’on part dans cette direction, je peux vous assurer que les bases de notre système juridique seront très menacées. Je pense que personne dans cet hémicycle n’en veut !
Ne pas contester, c’est admettre. Pourquoi accepter la sanction si l’on n’a rien fait ? Ou bien on refuse la sanction, ou bien on l’accepte.
Il est question en l’espèce non pas de responsabilité pénale, monsieur le corapporteur, mais de responsabilité civile, même si les choses ne sont pas très claires en raison du caractère mixte des avis de l’Autorité de la concurrence.
Monsieur Cadic, je pense que vous allez trop loin. Le rapport de l’Autorité de la concurrence que vous évoquez ne concernait pas la transaction. Il y était seulement question du fait de ne pas contester. S’il y a transaction, il faut bien admettre qu’il existe des griefs, autrement ça n’a aucun sens !
Je veux bien que l’on fasse du droit ce soir, mais il s’agit d’un drôle de droit ! (Sourires.)
Tâchons de garder quelques principes de base simples : on est responsable de ce que l’on a commis, même si l’on peut transiger par la suite. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 877 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 quinquies.
(L'article 59 quinquies est adopté.)
Section 3
Faciliter la vie de l’entreprise
Article 60 A
(Non modifié)
Le III de l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est ainsi rédigé :
« III. – Les systèmes de garantie et les labels de commerce équitable sont reconnus par une commission selon des modalités définies par décret. » – (Adopté.)
Article 60
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant de mettre à la disposition des entreprises un dispositif permettant, dans leurs relations dématérialisées avec l’administration et les tiers, de justifier de leur identité et de l’intégrité des documents transmis. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 60
M. le président. L'amendement n° 837, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bignon, Bouchet, Bouvard, Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Chasseing, Commeinhes, Danesi et Darnaud, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. B. Fournier, Frassa, Genest, Gilles, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Kennel, Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Nougein, Pierre et Pintat, Mme Primas, MM. Reichardt, Revet, D. Robert, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Leleux, Courtois et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2016, l’application des nouvelles normes prises par l’État et les collectivités territoriales s’imposant aux entreprises se fait chaque année à dates fixes : une première date ouvre le préavis de mise en œuvre, pendant lequel l’administration porte à la connaissance des entreprises une information sur ces mesures et leurs conséquences procédurales ; la seconde est la date de mise en œuvre effective de ces dispositions.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de mise en place de ce dispositif.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Personne, pour l’instant, n’a trouvé le moyen de réduire le poids normatif réglementaire qui pèse sur nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles.
Cet amendement, assez simple, s’inspire d’un exemple britannique. Je lisais, voilà quelques jours, une interview de Thierry Mandon, qui envisageait lui-même d’avoir recours à plusieurs dispositifs inspirés de cet État membre de l’Union européenne.
Il s’agit d’instituer deux dates anniversaires. La première vaudrait, pour les entreprises, préavis et annonce des changements que prévoit le droit législatif ou réglementaire. L’administration serait tenue, à la première date anniversaire, d’envoyer aux entreprises une sorte de memento pour les prévenir que dans trois ou six mois, par exemple, tel point normatif va changer.
La seconde date anniversaire serait celle de mise en œuvre des nouvelles contraintes, des nouvelles obligations.
Ce dispositif présente un double avantage. D’une part, les entreprises ayant des services administratifs réduits seront plus facilement au courant des changements normatifs de l’année à venir. D’autre part – cet avantage n’est pas le moindre –, en envoyant ces préavis, l’administration pourra vérifier simplement le poids des nouvelles contraintes en question.
Tout cela est très vertueux, assez simple et ne coûte rien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’idée est intéressante. Il s’agit d’un domaine où notre vigilance ne doit pas se relâcher.
Les auteurs de l’amendement proposent que toute nouvelle norme s’imposant aux entreprises s’applique chaque année à des dates fixes, avec un mécanisme d’entrée en vigueur différée. La première date concerne l’information de l’entreprise de la nouvelle norme et la seconde la mise en œuvre effective de celle-ci.
Si ce dispositif peut s’envisager à l’échelon réglementaire, il ne saurait s’appliquer au niveau législatif. En effet, le législateur ne peut se lier lui-même, comme le Conseil constitutionnel l’a souvent répété.
Il faudrait plutôt veiller, dans chaque loi concernant les entreprises, à prévoir un différé d’entrée en vigueur et une entrée en vigueur à date unique, par exemple le 1er janvier. Votre amendement, monsieur Retailleau, nous invite donc à réfléchir à la mise en place d’une telle procédure à l’avenir.
S’agissant des normes de niveau réglementaire, l’amendement me paraît satisfait par une circulaire de François Fillon du 23 mai 2011 relative aux dates communes d’entrée en vigueur des normes concernant les entreprises. Selon cette circulaire, chaque texte doit comporter un différé d’entrée en vigueur, laquelle doit s’opérer à un nombre réduit d’échéances prédéterminées au cours de l’année. Les dates retenues sont le 1er janvier et le 1er juillet ; à défaut, il s’agit du 1er avril et du 1er octobre, avec un différé d’entrée en vigueur d’au moins deux mois.
En matière réglementaire, la circulaire de François Fillon – efficace et respectée, les services y veillent – répond exactement à l’objectif souhaité. Un suivi rigoureux est assuré au sein du secrétariat général du Gouvernement.
Mon cher collègue, je vous suggère de bien vouloir retirer cet amendement, qui a eu le mérite d’attirer notre attention sur cette question. Puisque nous ne pouvons le faire de manière générale, veillons à faire respecter ces deux dates relatives à l’application des normes dans chaque loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je partage l’objectif poursuivi par les auteurs de cet amendement. Tout ce qui met de la discipline dans l’organisation collective, en particulier de l’administration, et qui donne de la visibilité aux acteurs économiques va dans le bon sens.
Les arguments de droit ont été rappelés par le corapporteur. Chacun rendant les hommages qui conviennent à ses mânes et ses lares, je ferai référence à la mesure présentée au mois d’avril 2014 et visant à ce que les instructions fiscales soient produites à date fixe, ce qui permet de rationaliser les dates d’annonce et de prise d’effet des normes.
Je peux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agit d’une mesure extrêmement importante et concrète pour les entreprises, preuve que nous continuons à progresser en la matière et que tout n’est pas réglé.
Pour les raisons juridiques qu’évoquait le corapporteur et compte tenu de sa rédaction, je ne peux pas être favorable à cet amendement. Toutefois, je m’engage à continuer à cogiter en ce sens. Je pense que le terme « normes » est trop large et vous expose, monsieur Retailleau, aux reproches formulés par la commission spéciale. Peut-être que celui d’« obligation » serait préférable… En tout cas, j’estime que nous pouvons faire œuvre collective sur ce mécanisme. Je suis sûr que Thierry Mandon continuera à travailler sur ce sujet.
Pour autant, la philosophie qui sous-tend cet amendement est la même que celle qui a inspiré la circulaire de 2011 et la mesure de 2014, ainsi que la meilleure organisation que nous nous efforçons de mettre en œuvre.
On peut encore aller plus loin et prévoir un mécanisme de ce type, à même d’assurer une meilleure visibilité, pour les obligations pesant sur les entreprises. Je m’engage à y travailler avec Thierry Mandon.
M. le président. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 837 est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Oui, monsieur le président. Je connais la circulaire susvisée, inspirée au Premier ministre de l’époque par un rapport que j’avais rédigé sur les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI.
Mes chers collègues, on n’en finit pas de créer des normes. Dès que l’on essaie de faire preuve d’un peu d’imagination pour simplifier, il y a toujours un écueil pour vous en empêcher dans ce pays ! En revanche, dès qu’il s’agit de normes, il n’y a pas de problème. Tous les jours, de nouveaux impôts, de nouvelles taxes, de nouvelles normes !
Ce que je vous propose, ce n’est pas une nouvelle circulaire ; ce que je vous propose, c’est de graver dans le marbre de la loi une volonté politique. À défaut, nous nous enfoncerons chaque jour un peu plus dans ce flux continuel.
Savez-vous comment s’écrit « France » en mandarin ? Avec deux idéogrammes signifiant le pays des lois, c’est-à-dire le pays des normes.
M. Marc Daunis. Cela vaut mieux que le pays de la junte !
MM. Jean Desessard et Patrick Abate. Ce n’est pas négatif !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 60.
Article 60 bis
(Supprimé)
Article 60 ter
(Supprimé)
Article 60 quater
(Supprimé)
Article 61
Ne sont pas soumis à l’article 2 de l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation numérique :
1° La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités ;
2° La Caisse des dépôts et consignations.
M. le président. L'amendement n° 1575, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités ne sont pas soumis à l’article 2 de l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à la suppression de l’exonération d’utilisation de la plateforme commune de facturation électronique mise à disposition par l’État pour la Caisse des dépôts et consignations.
L’ordonnance du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique organise, d’une part, la dématérialisation progressive de l’ensemble des échanges de factures entre les personnes publiques et leurs fournisseurs et, d’autre part, l’utilisation d’une plateforme commune mise à disposition par l’État.
L’article 61 prévoit une exemption pour la Caisse des dépôts et consignations à l’obligation d’utilisation de cette plateforme commune. Or une telle exemption conduirait à limiter très significativement l'incidence de la mesure en termes de simplification. Il est donc proposé de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et de supprimer cette exemption.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Par cet amendement, monsieur le ministre, vous proposez de revenir sur une modification apportée par la commission spéciale à l’article 61. Celle-ci a étendu à la Caisse des dépôts et consignations la dérogation prévue à cet article concernant l’obligation, pour les établissements publics, d’utiliser la plateforme de facturation électronique instituée par l’État.
En effet, la Caisse des dépôts et consignations est déjà engagée dans un processus de dématérialisation de ses factures, et ce depuis 2011. Elle a mis en place une solution pour le traitement dématérialisé des factures de ses fournisseurs fondée sur un système d’échange de données informatisé lui permettant de dématérialiser 50 % de ses factures. C’est donc dans un souci d’accélérer et non de freiner la dématérialisation des factures que la commission spéciale a pris cette décision.
Il convient de ne pas faire perdre de temps à la Caisse des dépôts et consignations, eu égard aux investissements qu’elle a consentis et qui ont déjà porté leurs fruits.
La commission spéciale est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 61.
(L'article 61 est adopté.)
Article 61 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 1579, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, par l'institution d'une obligation, applicable aux contrats en cours, d’acceptation des factures émises sous forme dématérialisée, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Le présent amendement vise à rétablir l’article 61 bis prévoyant d'habiliter le Gouvernement à prendre toute mesure visant à permettre le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises.
En effet, l’ordonnance du 26 juin 2014 a déjà prévu l’obligation, pour toutes les entreprises titulaires de marchés publics, de transmettre aux acheteurs publics leurs factures sous forme électronique à partir du 1er janvier 2020. Si une entreprise doit passer à la facturation électronique pour ses échanges avec les administrations, elle devrait également pouvoir utiliser cet outil dans ses relations avec les autres entreprises. La généralisation de la facture électronique permettra une réduction importante des frais de gestion de ces entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le Gouvernement a apporté certaines précisions concernant cette demande d’habilitation, notamment à l’égard du délai de publication de l’ordonnance.
De façon générale, à condition que son développement soit progressif et tienne compte de la taille des entreprises, le développement de la facturation électronique va dans le sens de la simplification administrative et contribue à réduire les frais de gestion.
Par conséquent, la commission spéciale est favorable à cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'article 61 bis est rétabli dans cette rédaction.
Articles additionnels après l'article 61 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 127 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly, Jouanno et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 61 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 581-9 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « publicité lumineuse », sont insérés les mots : « et numérique » ;
b) Après les mots : « d’économies d’énergie », sont insérés les mots : «, de réduction des émissions de gaz à effet de serre » ;
2° Au troisième alinéa, après les mots : « publicité lumineuse », sont insérés les mots : « et numérique ».
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. L’affichage numérique en ville est réglementé par des textes qui concernent l’affichage lumineux, ce qui ne correspond pas aux techniques proposées, lesquelles ont fortement évolué. Celles-ci permettent, d’une part, de réduire l’emprise de l’affichage et du mobilier urbain sur le domaine public, d’autre part, d’utiliser les nouveaux dispositifs – colonnes, panneaux ou mâts – pour des usages qui relèvent de l’intérêt général et local dans les collectivités qui font le choix du numérique. Enfin, dans le cadre de la transition énergétique engagée par le pays, elles rendent possible la réduction par vingt de l’empreinte CO2 de l’affichage urbain, contrairement à l’affichage papier.
Nous ne sommes qu’au début d’une révolution des services susceptibles d’être rendus aux populations. Il est donc nécessaire de revisiter la réglementation en créant une catégorie autonome d’affichage numérique. Cette simplification permettra de développer un secteur innovant porteur de nouveaux emplois directs – animation territoriale des réseaux, développeurs de contenus – et indirects – promotion des services et des commerces de proximité.
M. le président. L'amendement n° 595 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mmes Gruny et Hummel et MM. Magras, G. Bailly, de Nicolaÿ et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 61 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 581-9 du code de l’environnement, après les mots : « pour la publicité lumineuse », sont insérés les mots : « et numérique ».
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je ne reprendrai pas l’argumentation qui vient d’être développée par ma collègue. Je considère donc cet amendement comme défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces deux amendements, qui portent sur la question de l’affichage publicitaire numérique, sont très proches. Un amendement semblable a également été examiné en commission spéciale.
Il s’agit de modifier le code de l’environnement, afin de permettre le développement de l’affichage numérique. Est-ce nécessaire ? Je n’en suis pas convaincue. Les normes législatives relatives à l’affichage font actuellement une différence entre l’affichage lumineux et non lumineux. La définition précise de l’affichage lumineux, ainsi que les règles spécifiques qui s’y appliquent, est établie au niveau réglementaire. L’article R. 581-34 du code précité définit ainsi la publicité lumineuse comme « la publicité à la réalisation de laquelle participe une source lumineuse spécialement prévue à cet effet. » L’éclairage numérique est manifestement inclus dans cette définition et, sur la base de cette « accroche » réglementaire, il est possible de définir, si besoin est, les règles propres à l’affichage numérique, sans qu’il soit nécessaire de modifier la partie législative du code de l’environnement.
Je vous invite donc, mes chères collègues, à retirer vos amendements. À défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 127 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Je me permets d’insister sur ce point, l’affichage numérique n’est pas l’affichage lumineux. Soyons clairs, il ne figure pas encore dans le cadre législatif.
Disposons-nous d’un meilleur véhicule législatif que le texte dont nous débattons ce soir pour encadrer l’affichage numérique – il est très nouveau –, ce que nous n’avons pas eu l’opportunité de faire jusqu’à présent ?
Compte tenu de ce que vous venez de dire, madame la corapporteur, je ne retire pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. En commission spéciale, j’avais déjà essayé d’expliquer la différence entre l’affichage numérique et lumineux, de nature complètement différente, mais sans grand pouvoir de conviction.
L’affichage lumineux est plus proche de l’affichage non lumineux que de l’affichage numérique, et ce pour une raison très simple. L’outil numérique, comme un poste de télévision, permet de faire passer un certain nombre de messages, ou de publicités, sur une même superficie d’écran, tandis que l’affichage lumineux ou non consiste en la rotation de trois à quatre images sur certains types de panneaux.
Sur le plan technique, qu’il s’agisse d’un affichage lumineux ou non lumineux, le support est le même. Simplement, il bénéficie ou non d’un éclairage, placé devant ou derrière. L’affichage numérique peut se résumer ainsi : une image sur un écran. Ce n’est donc absolument pas la même chose, au regard de la transmission du nombre de messages. Finalement, l’affichage numérique permettra de réduire le nombre de panneaux. Tel est le sens de cet amendement, qui vient non pas de moi, mais de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Je souhaitais expliquer cette différence, qui mérite d’être prise en compte si l’on veut coller à la réalité, le numérique étant en train de se développer très rapidement.
M. Jean Desessard. C’est lumineux ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Après cet éclairage technique, je n’imagine pas un seul instant que M. le ministre ne puisse pas au minimum rebondir sur les propos de Mme la corapporteur, qui a renvoyé ce sujet à des dispositions réglementaires, lesquelles pourraient intégrer la demande exprimée par mes collègues.
Le minimum que notre Haute Assemblée est en droit d’attendre, c’est que M. le ministre prenne la parole pour dire que, la demande formulée étant tout à fait légitime, elle sera intégrée dans le cadre des dispositions réglementaires que le Gouvernement s’engage à prendre, auquel cas le débat sera clos et satisfaction pourra être donnée aux auteurs des amendements. J’ajoute que cela permettrait également de prendre en compte l’avis pertinent formulé par Mme la corapporteur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, je prends des engagements quand je sais pouvoir les tenir.
Cette question fait l’objet d’une discussion interministérielle, dans la mesure où ces affichages lumineux, on le sait bien, constituent également des nuisances. Ainsi, ce qui peut paraître une évidence d’un certain point de vue s’opacifie d’un autre point de vue.
Je ne sais donc pas si ce débat peut prospérer utilement, y compris au niveau réglementaire, compte tenu des contraintes qui y sont liées.
Pour autant, je peux m’engager à mener une discussion au niveau interministériel, car je considère qu’il s’agit d’un débat légitime. Toutefois, je ne peux m’engager – ce serait vous mentir – à ce que satisfaction vous soit donnée au niveau réglementaire en la matière, car je prends précisément en compte les sensibilités exprimées par d’autres, qui considèrent que ces affichages lumineux peuvent constituer une nuisance.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 61 bis, et l’amendement n° 595 rectifié bis n’a plus d’objet.
Article 62
(Non modifié)
Après l’article L. 581-9 du code de l’environnement, il est rétabli un article L. 581-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 581-10. – Sans préjudice de l’article L. 581-4 et des I et II de l’article L. 581-8, les dispositifs publicitaires, lumineux ou non, implantés sur l’emprise des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places assises peuvent déroger aux dispositions prévues au premier alinéa de l’article L. 581-9 en matière d’emplacement, de surface et de hauteur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. L’implantation des dispositifs dérogatoires est soumise à l’autorisation du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante de l’établissement public de coopération intercommunale compétent. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. L’article 62 modifie le code de l’environnement, afin de créer un régime dérogatoire aux règles de la publicité pour les stades.
L’article L. 581-9 du code de l’environnement autorise en effet la publicité dans les agglomérations, sous réserve qu’elle remplisse un certain nombre de critères concernant l’emplacement, la densité, la surface, la hauteur et, pour la publicité lumineuse, les économies d’énergie et la prévention des nuisances lumineuses.
L’article 62 du présent projet de loi crée une dérogation concernant ces conditions relatives à l’emplacement, à la surface et à la hauteur, afin de permettre l’implantation des dispositifs publicitaires lumineux ou non aux abords des équipements sportifs d’au moins 15 000 places. Cette mesure viserait ainsi les stades grands et moyens, qui sont au nombre, en France, de quarante-huit.
Il s’agit d’une nouvelle déréglementation tendant à favoriser les recettes publicitaires, afin de financer les grands événements sportifs, en l’occurrence l’Euro 2016 de football.
Soulignons en premier lieu que le choix de l’organisation de ces grands événements sportifs constitue de notre point de vue une priorité discutable en matière de politique sportive et d’affectation des crédits de l’État.
Nous déplorons que la priorité soit donnée au sport spectacle et au « sport business », au détriment du sport pour le plus grand nombre. L’accès du plus grand nombre à un service public du sport devrait figurer au cœur de toute politique en tant que moyen d’émancipation sociale et collective. Mais tel n’est pas le cas. Le budget de l’État enregistre une diminution des crédits de promotion du sport pour tous, accentuant le déséquilibre entre les crédits destinés au sport amateur et ceux qui sont affectés au sport de haut niveau, qui représente à lui seul 76 % du budget dédié au sport pour 2015.
Cette tendance est également dénoncée par la Cour des comptes, qui, dans son rapport de 2013, affirme que, depuis 2006, les crédits alloués par le ministère au sport pour tous ont baissé de 30 %, alors que ceux qui bénéficient au sport de haut niveau ont doublé !
En privilégiant le sport professionnel, le Gouvernement fait le choix de promouvoir un sport financiarisé, dirigé par l’argent et les profits – on peut l’observer en particulier en matière de football –, et fort éloigné des valeurs humanistes et d’émancipation du sport.
Concernant les seuls équipements sportifs, le coût de l’Euro 2016 est évalué à 1,7 milliard d’euros.
La rénovation et la construction de stades correspondant aux normes de l’UEFA, l’Union des associations européennes de football, sont en effet extrêmement coûteuses et leur financement complexe. L’État participant à hauteur de 152 millions d’euros, les collectivités ont à leur charge l’essentiel du financement public des infrastructures sportives, 384 millions d’euros selon une prévision.
Ces collectivités font souvent appel à des partenariats publics-privés, pour étaler dans le temps des financements qu’elles ne peuvent pas trouver, et ce malgré le paiement d’une redevance échelonnée sur des dizaines d’années, qui s’avérera finalement plus coûteuse que le projet initial.
On comprend donc bien la finalité du présent article : il s’agit de trouver de nouveaux financements pour des équipements coûteux pour les collectivités.
Pour autant, sous prétexte d’un événement sportif mondial dont nous contestons la tenue, en raison même de son coût et parce qu’il s’inscrit dans le sport spectacle au détriment du sport amateur, nous refusons la déréglementation tous azimuts de la publicité aux abords des stades qui entretient par là même la vision d’un sport marchand, dominé par l’argent, la consommation et la publicité, que nous combattons.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 61 est présenté par Mmes Assassi et Prunaud, M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 470 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 777 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 61.
Mme Christine Prunaud. Il convient de le réaffirmer, les dispositions introduites par l’article 62 pourraient permettre de déroger aux règles existantes en matière de publicité autour des stades. Quels garde-fous sont prévus pour encadrer ces nouvelles règles ? Le présent article se contente de renvoyer à un décret en Conseil d’État. Rien n’est donc clairement précisé, si ce n’est que des dérogations aux dispositions actuelles en matière d’emplacement, de surface et de hauteur d’affichage publicitaire aux abords des stades sont désormais possibles.
Nous souhaiterions par conséquent que les dispositions existantes restent en l’état, raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 470.
M. Jean Desessard. Les articles 62, 62 bis et 63 prévoient que les grands stades de plus de 15 000 places pourront déroger aux règles actuelles d’affichage publicitaire. En d’autres termes, pourront désormais être présents dans ces stades des panneaux de plus de douze mètres carrés, lumineux et même vidéo, pour que le public ne rate pas une image des différentes publicités qui lui seront proposées.
Les écologistes s’opposent avec force à ces articles. Le milieu du sport, déjà bien dévoyé par le « sport business », n’a pas vocation à devenir plus encore le réceptacle des avidités commerciales des entreprises. Ces panneaux publicitaires sont à l’opposé des valeurs mises en avant par le sport : honnêteté, développement de soi, respect des autres.
Nous ne voulons pas de cette société, où l’agression visuelle de la publicité ne connaît aucune limite. Nous ne voulons pas que l’on nous conseille une compagnie d’assurance ou une boisson sucrée alors que nous assistons à un match. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Si vous voulez voir des publicités, vous n’êtes pas obligés d’aller assister à un match, mes chers collègues ! (Sourires.)
Nous ne voulons pas que le football français devienne le Super Bowl américain.
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Jean Desessard. D’autres peuvent le vouloir, en revanche !
Les publicités sont déjà partout, dans les rues, dans les transports, dans les médias. Il est impératif de préserver des espaces libérés d’elles.
L’argument financier utilisé pour défendre l’article 62 n’est pas non plus recevable. À ce compte-là, l’éducation nationale a aussi besoin de moyens. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi, dès lors, ne pas installer de panneaux publicitaires dans les cours de récréation ? (Sourires.)
Le présent article s’inscrit dans une logique de marchandisation permanente des lieux de vie communs, marchandisation que les écologistes condamnent.
Enfin, les grands stades sont aussi des œuvres architecturales majeures. Voyez le Stade de France ou le nouveau Stade Vélodrome : ce sont de véritables œuvres d’art, élaborées comme telles. Imaginez ces mêmes stades avec un immense panneau suspendu en plein milieu et faisant la publicité pour une marque de soda. (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.) C’est comme mettre une publicité de soda dans les musées ! Il s’agit d’une défiguration totale du bâtiment.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. De la pollution visuelle !
M. Jean Desessard. Je doute que les architectes qui ont longuement travaillé à la conception de ces stades soient d’accord avec ces dispositions.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, la suppression de l’article 62, comme nous vous proposerons celle des articles 62 bis et 63.
M. le président. L’amendement n° 777 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 61 et 470 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces deux amendements ont déjà été examinés lors des travaux de la commission spéciale.
Les stades de grande taille sont des équipements collectifs coûteux à construire et à faire fonctionner. Les collectivités territoriales sont très souvent impliquées dans leur financement. Leur coût peut néanmoins être réduit par le recours encadré au financement publicitaire.
Le présent article, tel que modifié par les députés, favorise l’accès à ce type de financement tout en soumettant l’affichage publicitaire sur l’emprise des stades au contrôle des collectivités.
La commission spéciale est donc favorable au maintien de l’article 62, lequel prévoit, je le rappelle, que l’implantation des dispositifs dérogatoires est soumise à l’autorisation du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante de l’établissement public de coopération intercommunale compétent. Elle est par conséquent défavorable aux deux amendements identiques nos 61 et 470.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Ce point particulier m’inspire une réflexion. Nous parlons de grands stades, et donc de sport professionnel. Ce dernier est financé par les places achetées par les spectateurs, par les subventions des collectivités territoriales et par la publicité. Or je ne pense pas que les auteurs de ces amendements soient partisans d’augmenter le prix des places, pas plus que les subventions des collectivités territoriales.
J’ajoute que, dans l’approche développée par les auteurs de ces amendements, que je dirais empreinte de purisme, une autre source de financement n’a pas été mentionnée : l’apport en capital des propriétaires. J’aimerais qu’ils se posent aussi la question de l’origine, de la traçabilité des capitaux investis dans certains de nos clubs professionnels. Sans vouloir être vexant à l’égard de qui que ce soit, la publicité est peut-être plus correcte, du moins plus acceptable, que certains circuits financiers qui pénètrent le sport professionnel. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
M. Jean Desessard. Ce n’est pas moi qui l’ai dit !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Puisque nous parlons des grands stades de football, il existe une autre option pour les financer : l’UEFA fera des bénéfices énormes avec l’Euro 2016, comme à chaque édition d’ailleurs. Avec les retombées financières de cet événement, avec le produit de toutes les licences vendues, l’UEFA pourrait donc contribuer à la réalisation de ces stades, dont le financement incombe en grande partie aux collectivités territoriales.
J’ajoute, cela a été rappelé, que les normes pour la réception de tels événements sont de plus en plus importantes. Elles requièrent que des travaux soient faits pour y répondre chaque fois que l’on y est candidat, afin de pouvoir prétendre à l’homologation. C’est un peu le serpent qui se mord la queue !
L’article 62 soulève la question de l’engouement autour du sport spectacle, lequel pousse à la réalisation de tels équipements. Je ne porte pas de jugement moral sur ce point, d’autant que ces réalisations peuvent avoir des retombées sur l’emploi.
Néanmoins, la question du financement se pose. Il est un peu facile de tenir le discours de la nécessaire réduction de la dépense publique sans songer aux moyens d’augmenter les recettes en prenant l’argent où il est, et de recourir ensuite à la publicité pour faire face au manque d’argent. On peut sourire aux propos de Jean Desessard sur la publicité dans les cours de récréation, mais la question est posée : la publicité est tolérée aujourd’hui dans les stades ; où le sera-t-elle demain ?
À suivre les débats que nous avons eus hier, on constate qu’il suffit de tirer sur un fil de la pelote pour qu’elle vienne tout entière.
Nous voterons donc ces amendements tendant à supprimer l’article 62. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Ce que je viens d’entendre est assez étonnant. Certains d’entre vous, mes chers collègues, ont peut-être reçu cette semaine un courrier de l’UEFA incitant les collectivités territoriales à déposer des dossiers pour la couverture des terrains dans les quartiers.
Vous vous demandiez où ira l’argent que gagnera l’UEFA, madame Cukierman ? Il va en partie aux collectivités territoriales pour améliorer leurs installations sportives, cela au bénéfice des enfants.
Mme Cécile Cukierman. C’est ce que l’on appelle l’aumône, cela !
M. Jean-François Longeot. C’est pourtant du concret !
En tant que maire, je peux vous dire que les petits clubs des petites collectivités vont chercher quelques euros en autorisant l’installation de panneaux publicitaires autour du stade. Les élus sont bien contents quand ils les trouvent, car cela leur évite de distribuer l’argent public, lequel devient rare, compte tenu de la baisse des dotations.
Mme Cécile Cukierman. Et la France est la sixième puissance mondiale…
M. Jean-François Longeot. Il est donc important que la publicité participe à ce bel élan sportif, professionnel comme amateur, d’ailleurs. Il faut en effet aider l’ensemble des amateurs, des clubs, des dirigeants, des associations bénévoles, qui œuvrent dans le monde du sport. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 470.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme Jouanno et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
lumineux ou non
par les mots :
non lumineux, lumineux ou numérique
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Il s’agit de faciliter l’autorisation des implantations d’écrans numériques, ce que nous appelons des « dispositifs intelligents ». Les affichages numériques dans les agglomérations n’ont pas seulement des finalités publicitaires ; ils permettent également de diffuser des informations sur la sécurité, les services de transport, la qualité de l’air, la météorologie, des informations touristiques relatives aux collectivités territoriales.
L’objet du présent amendement est de préciser clairement la nature des affichages intéressés par l’article 62.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement reprend l’objet de l’amendement n° 127 rectifié bis présenté voilà quelques instants.
Par cohérence avec l’avis de la commission spéciale alors émis, je répète que la précision que le présent amendement tend à introduire est inutile. Il n’y a pas lieu de prévoir un régime législatif spécifique pour le numérique.
Par conséquent, la commission spéciale vous demande, madame Férat, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 126 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Je ne répéterai pas les arguments développés tout à l’heure. Je me permets seulement d’insister sur la qualité des affichages que nous souhaitons voir clairement définis dans le présent texte. Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126 rectifié ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 1437 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 1581, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ou du conseil de la Métropole de Lyon
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Au premier alinéa de l’article L. 581-14 du code de l’environnement, après les mots : « compétent en matière de plan local d’urbanisme », sont insérés les mots : « , la Métropole de Lyon ».
… – Au deuxième alinéa de l’article L. 581-14-1 du code de l’environnement, après les mots : « compétent en matière de plan local d’urbanisme », sont insérés les mots : « , la Métropole de Lyon ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement est le fruit d’un engagement que j’avais pris à l’Assemblée nationale d’intégrer dans l’article 62 la référence explicite à la métropole de Lyon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La métropole de Lyon n’étant pas un établissement public de coopération intercommunale n’entre pas dans le champ de l’article tel qu’il est rédigé actuellement. Il convient donc de modifier légèrement ce dernier pour ce faire. C’est l’objet de cet amendement du Gouvernement, auquel la commission est favorable.
M. le président. L’amendement n° 110 rectifié quater, présenté par MM. Marseille, Détraigne, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, MM. Gabouty, Bockel et Cadic, Mme Goy-Chavent et MM. Roche et Kern, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le quatrième alinéa de l’article L. 581-14 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage ne peuvent faire l’objet d’une réglementation locale plus restrictive que les prescriptions législatives et réglementaires du présent code lorsque les recettes perçues pour cet affichage sont affectées par le maître d’ouvrage au financement de travaux de rénovation énergétique. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Le recours aux bâches publicitaires sur les échafaudages est une solution pertinente pour financer les rénovations énergétiques du parc immobilier. Le présent amendement a pour objet de faciliter le recours à ce mode de financement, dès lors que les recettes générées par cette publicité temporaire sont exclusivement affectées à ces travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Si on peut partager l’objectif de trouver des ressources financières nouvelles, on peut aussi s’interroger sur le moyen utilisé pour ce faire. Sachant qu’il n’est pas de travaux de quelque importance qui n’inclue pas un volet de rénovation énergétique, cet amendement revient à libéraliser assez fortement l’affichage sur des bâches d’échafaudage.
Or, et il convient de le rappeler, un règlement local de publicité est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, compétent en matière de plan local d’urbanisme, ou PLU, ou par une commune, dans un objectif de préservation du paysage urbain. Il traduit réglementairement une initiative des collectivités concernées pour mettre en place un paysage urbain de qualité.
Si l’on peut écarter aussi facilement le règlement local de publicité, quelle est l’utilité d’en élaborer un ?
La commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 187 rectifié septies, présenté par MM. Commeinhes, Buffet, Pozzo di Borgo, Legendre, Milon, B. Fournier et César, Mme Imbert, MM. Guerriau, Vaspart, Calvet et A. Marc, Mme Primas, MM. Vogel, P. Leroy et Laufoaulu, Mme Bouchart, MM. Mandelli, Houpert, Bockel et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Bignon et Grosdidier, Mme Lopez, MM. Laménie, de Nicolaÿ et Grand, Mme Lamure et MM. Doligé, P. Dominati, Gabouty et Kern, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 621-29-8 du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article L. 581-2 du code de l’environnement, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux sur les immeubles classés ou des demandes d’accord de travaux sur les immeubles inscrits, l’autorité administrative chargée des monuments historiques en lien avec la direction régionale des affaires culturelles et le représentant de l’État dans la région peuvent autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage. En cas d’évocation du dossier, le ministre chargé de la culture est décisionnaire. La décision est prise après consultation du représentant de l’État et, le cas échéant, accord de l’affectataire cultuel. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorisation d’affichage peut être délivrée à l’occasion de travaux extérieurs sur des immeubles classés ou inscrits nécessitant la pose d’échafaudage. La demande est présentée par le maître d’ouvrage, le cas échéant après accord du propriétaire. Ladite demande doit être accompagnée d’une étude de faisabilité et de conformité des services territoriaux de l’architecture et du patrimoine. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement vise à offrir un cadre normatif plus adapté à l’affichage publicitaire sur les monuments.
Contrairement aux affichages relevant des règlements de publicité arrêtés dans les communes, les affichages publicitaires sur les échafaudages qui masquent les monuments n’ont pas un caractère permanent.
En outre, la bâche doit être beaucoup plus propre que pour d’autres échafaudages, faute de quoi l’affichage publicitaire ne présente aucun intérêt. Il faut donc un « support propreté ». Ce type d’affichage améliore par conséquent l’esthétique pendant les travaux.
Au demeurant, cela procure des recettes supplémentaires à l’État. À titre d’exemple, la rénovation de la Conciergerie de Paris lui avait rapporté près de 2 millions d’euros, dans un contexte qui est tout de même marqué par des difficultés de financement, notamment pour ce type d’opérations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Depuis 2007, des affichages publicitaires peuvent, par dérogation, être autorisés sur les bâches d’échafaudage des monuments historiques en travaux.
Les auteurs du présent amendement souhaitent conforter ce régime, en confiant le pouvoir d’accorder l’autorisation à l’autorité chargée des monuments historiques, comme c’est le cas aujourd'hui, et au préfet de région. L’amendement tend également à préciser la procédure, en s’inspirant du décret en vigueur.
La commission spéciale a souhaité marquer son soutien à la dérogation « bâches publicitaires », un dispositif qui permet de financer utilement une partie des travaux effectués sur des monuments historiques. Elle émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends l’objectif des auteurs de cet amendement, dont je partage les préoccupations.
D’ailleurs, je rappelle que le Gouvernement avait émis un avis défavorable sur la suppression du régime des bâches publicitaires lors de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Il convient de souligner l’intérêt du dispositif actuel.
Ce sont bien la qualité du cadre de vie et l’objectif de sauvegarde du patrimoine qui ont présidé à la décision prise en 2007 relative au recouvrement d’échafaudages par des bâches. Une telle pratique permet d’améliorer la qualité sur les échafaudages pendant la durée des travaux et de financer la restauration des monuments en garantissant leur conservation à long terme, ainsi que M. Gabouty l’a évoqué.
Le dispositif contribue également au principe de redistribution. Les bâches publicitaires apportent des financements. Ce sont autant de dépenses que l’État n’a pas à réaliser à propos des monuments concernés. Cela permet de consacrer les crédits budgétaires à la conservation d’autres monuments historiques du territoire national.
Je précise également que les services de l’État chargés d’instruire les dossiers veillent à éviter toute dérive ; vous avez fait référence à certaines situations connues. La légitimité du mécanisme repose sur le fait qu’il est très encadré dans le temps et dans son contenu visuel.
Toutefois, la rédaction de l’amendement n° 187 rectifié septies pose au moins trois problèmes.
D’abord, l’autorité administrative chargée des monuments historiques est la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, qui est placée auprès du préfet de région. Or il est précisé dans l’amendement que « l’autorité administrative chargée des monuments historiques en lien avec la direction régionale des affaires culturelles et le représentant de l’État dans la région peuvent autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage ». C’est redondant.
Ensuite, il est proposé d’ajouter un alinéa à l’article L. 621-29-8 du code du patrimoine pour indiquer que le dispositif s’applique pour des travaux « nécessitant la pose d’échafaudage ». Or le droit actuel et le texte envisagé dans l’amendement pour le premier alinéa du même article indiquent déjà qu’il s’agit de bâches publicitaires d’échafaudage. Là aussi, c’est redondant.
Enfin, les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine sont des services placés sous l’autorité des DRAC. Quand ces dernières accordent une autorisation, c’est évidemment après consultation des différents services concernés, non seulement les services que je viens d’évoquer, mais également les conservations régionales des monuments historiques.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, dont la rédaction soulève plusieurs difficultés. Il s’engage à déposer un amendement pour rétablir le dispositif des bâches publicitaires d’échafaudage dans les toutes prochaines semaines.
En cas d’adoption du présent amendement, le Gouvernement apporterait les rectifications que je viens d’évoquer. Je le précise pour dédramatiser la demande de retrait que j’ai formulée. Vous l’aurez compris, elle est motivée non par des raisons de fond, mais par un souci rédactionnel.
M. le président. Monsieur Gabouty, l'amendement n° 187 rectifié septies est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Gabouty. Non, monsieur le président ; compte tenu de l’engagement que M. le ministre vient de prendre, je peux retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 187 rectifié septies est retiré.
Je mets aux voix l'article 62, modifié.
(L'article 62 est adopté.)
Article 62 bis (nouveau)
À la deuxième phrase de l’article L. 581-7 du code de l’environnement, après les mots : « gares ferroviaires », sont insérés les mots : « et des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Assassi et Prunaud, M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 471 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 778 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 62.
Mme Marie-France Beaufils. Je ne reprendrai pas les arguments que mes collègues ont développés sur la publicité dans les stades. Nous avons tous bien compris que les considérations relatives au championnat d’Europe de football en 2016 étaient omniprésentes.
L’UEFA adresse des propositions aux collectivités territoriales, mais elle leur impose également un certain nombre de normes à respecter et de travaux supplémentaires à effectuer ! J’incite les maires à examiner de manière très attentive tout ce qui figure dans les dossiers envoyés par l’UEFA…
Je tiens à rappeler qu’un stade est d’abord une enceinte sportive !
Les publicitaires qui s’intéressent aux stades ciblent ceux dont les matchs sont retransmis à la télévision, en particulier lorsqu’il y a une possibilité d’attirer beaucoup de téléspectateurs ; ce n’est donc pas n’importe quel match ! Les clubs concernés sont rarement les clubs amateurs ; ce sont les clubs professionnels, qui bénéficient déjà de forts contrats publicitaires et dans lesquels certains joueurs n’ont plus la mesure de ce que devrait être la rémunération d’un sportif !
Il faut tout de même s’interroger sur une telle pratique. En ce qui me concerne, ce n’est forcément pas le modèle que j’ai envie de mettre en avant et de soutenir dans un texte législatif…
Je souhaite également insister sur les conséquences des publicités sur l’architecture des biens. Les collectivités territoriales ont, me semble-t-il, fait des efforts pour que l’architecture des enceintes sportives s’intègre bien dans l’environnement.
Nous avons été nombreux à mettre en place des règlements de publicité ; Mme la corapporteur y a fait référence tout à l’heure. Nous avons utilisé la taxe sur la pollution visuelle pour réduire les dimensions des publicités dans nos communes. Et on nous demande aujourd'hui d’augmenter la publicité sur des équipements qui sont déjà réalisés ? Je ne crois pas qu’il faille s’engager dans une telle démarche.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 471.
M. Jean Desessard. C’est un amendement de cohérence avec l’amendement que j’avais déposé sur l’article 62.
M. le président. L’amendement n° 778 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 62 et 471 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 62 et 471, par cohérence avec la position qu’elle avait adoptée sur les amendements de suppression de l’article 62.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 et 471.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 62 bis.
(L'article 62 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 62 bis
M. le président. L'amendement n° 633 rectifié, présenté par MM. César et Courteau, Mme Férat, MM. Patriat, D. Laurent, P. Leroy, Grand, Bouchet, Darnaud, Genest, Commeinhes, Pintat, Détraigne, Guené et Grosperrin, Mme Monier, MM. Trillard, Houpert et Pierre, Mme Troendlé, M. Milon, Mme Lamure, MM. Filleul, Camani, Houel, Madrelle et Chaize et Mmes Des Esgaulx et Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 62 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3323-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Est considérée comme propagande ou publicité, au sens du présent livre, une opération de communication effectuée en faveur d’un produit ou service, relevant de l’activité d’une personne ayant un intérêt à la promotion dudit produit ou dudit service et susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne.
« Toute propagande ou publicité en faveur d’une boisson alcoolique ne doit pas inciter à un excès de consommation, en particulier chez les jeunes.
« La publicité ou la propagande est directe lorsqu’elle est effectuée en faveur d’une boisson alcoolique. » ;
2° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après la seconde occurrence du mot : « publicité », il est inséré le mot : « effectuée » ;
b) Après le mot : « rappelle », sont insérés les mots : « effectivement ou a pour but de rappeler » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les éléments de la publicité consacrée à un organisme, un service, une activité, un article autre qu’une boisson alcoolique qui rappellent effectivement ou ont pour but de rappeler une boisson alcoolique doivent être conformes à l’article L. 3323-4 du code de la santé publique. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement, qui a pour particularité d’avoir été signé par des collègues siégeant sur la quasi-totalité des travées de la Haute Assemblée, concerne la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Évin ».
Plus de vingt ans après son adoption, cette loi est devenue source d’insécurité juridique, donc de complexité, à la fois pour les filières viticoles, les médias, qui s’autocensurent par crainte d’être condamnés, les annonceurs, mais également tous nos territoires.
La principale explication est la suivante : ce texte vise à encadrer la publicité et la propagande en faveur de l’alcool en général sans en avoir donné une définition, ce qui laisse un boulevard aux recours.
Face à une telle absence de définition, la jurisprudence s’est écartée des objectifs initiaux de la loi Évin.
En conséquence, toute évocation du vin dans un contenu journalistique, culturel, artistique, de divertissement ou œnotouristique peut être condamnée. Des publications de presse comme Le Parisien ou Paris Match en ont d’ailleurs fait les frais.
M. Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, qui est chargé du tourisme, a très bien compris le fort intérêt de l’œnotourisme. D’ailleurs, il l’encourage, en apportant son soutien à l’action et aux projets des régions, des départements et des organismes interprofessionnels viticoles. L’œnotourisme a été classé parmi les cinq pôles d’excellence retenus pour développer l’attractivité de la France lors des Assises du tourisme du mois de juin 2014.
M. le Premier ministre vient de qualifier le vin de « produit phare qui contribue à l’identité de la France dans le monde ». Voilà une belle déclaration !
La filière viticole française, qui correspond à 550 000 emplois, est la deuxième filière exportatrice de France, avec un excédent de 12 milliards d’euros. Elle accueille 11 millions de visiteurs par an. Ces chiffres sont en augmentation constante. Les professionnels de cette filière sont des personnes responsables. Ils appliquent la loi Évin avec intelligence. Promouvoir la modération est leur engagement constant.
Il est par conséquent essentiel d’apporter la sécurité juridique nécessaire aux opérateurs privés et publics, qu’il s’agisse des agences de voyage, des collectivités territoriales ou des offices du tourisme, afin d’informer et de valoriser les vignobles de France, nos territoires, nos paysages.
Le présent amendement a donc pour objet de clarifier les frontières de ce qui relève, d’une part, de la publicité et, d’autre part, de l’information journalistique et œnotouristique, de la création artistique et culturelle, en définissant la publicité.
Cet amendement a toute sa place dans un projet de loi sur la croissance et l’activité, puisqu’il se rapporte à une activité économique importante du secteur agroalimentaire, de nos exportations et, bien entendu, du tourisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Les auteurs de cet amendement transparti et transcourant, comme l’a précisé Mme Lamure,…
M. Jean Desessard. C’est un amendement vignoble ! (Sourires.)
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Tout à fait, c’est un amendement déposé par des parlementaires attachés à ce que représente la viticulture dans leur département. Le mien est d’ailleurs également concerné !
Bref, les auteurs de cet amendement souhaitent clarifier la loi Évin en apportant une définition précise de ce qu’est la publicité en faveur d’une boisson alcoolique ou d’un produit qui en rappelle les caractéristiques.
La commission spéciale avait initialement demandé le retrait de cet amendement, relevant à ses yeux du projet de loi relatif à la santé que nous examinerons prochainement – un amendement similaire a d’ailleurs été présenté à l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen de ce texte. Je comprends vos arguments, ma chère collègue : nous discutons d’un texte relatif à la croissance et à l’activité, et ce sujet y a toute sa place.
Certes la publicité sur l’alcool relève de la loi Évin et de la protection de la santé, mais des articles de presse et autres ont été, de façon exagérée à mes yeux, considérés comme de la publicité, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés. Une clarification s’impose, mais la commission spéciale préfère reporter le débat à l’examen du projet de loi relatif à la santé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous sommes quelques-uns au groupe socialiste à être également signataires de cet amendement défendu par le groupe d’études « Vigne et Vin » du Sénat.
Mes chers collègues, les faits sont là. L’absence de définition de la publicité conduit à considérer toute information sur le vin comme de la publicité. Faut-il rappeler, une fois encore, les jugements rendus en 2007 et en 2013 ? Ces arrêts se situent dans le prolongement d’une jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris du 24 avril 2003 : le juge a considéré – écoutez bien ! – qu’il n’y avait pas lieu de distinguer, eu égard à l’objectif de santé publique visé par la loi, entre publicité commerciale conçue et payée par un annonceur et information objective émanant d’un journaliste dès lors qu’elle a pour effet de donner une image favorable des produits en cause.
En fait, cela signifie que tout article de presse qui n’aborderait pas une boisson comme le vin sous l’angle de la dénonciation pudibonde encourrait un risque de censure : c’est clair ! Les journalistes seraient donc contraints de donner une image négative du vin, faute de quoi leurs articles seraient considérés comme de la publicité. Merci pour la liberté d’expression et pour la liberté de la presse ! François Patriat s’exprimera dans quelques instants sur ce sujet.
Dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi que j’avais déposée d’abord en 2007 puis en 2013, j’écrivais : « La lutte contre l’alcoolisme est un objectif de santé publique qui justifie que certaines restrictions soient apportées au régime de la publicité en faveur des boissons alcoolisées. Mais ces restrictions doivent rester proportionnées à l’objectif poursuivi et ne pas compromettre le respect de principes tout aussi légitimes comme celui de la liberté d’expression. » Je maintiens cette position, car cet équilibre délicat est remis en question par cette évolution jurisprudentielle récente, qui étend à des articles rédactionnels parus dans la presse les contraintes que le législateur entendait réserver à la publicité proprement dite, et uniquement à celle-ci.
C’est donc cette confusion entre publicité et articles rédactionnels qui paraît extrêmement périlleuse au regard de la liberté d’expression. En fait, assimilés à une forme de publicité, tout article ou toute publication qui donneraient une image favorable du vin devraient non seulement être assortis du rituel message sanitaire, mais également se borner aux seules indications limitativement autorisées par l’article L. 3323-4 du code de la santé publique. Remarquez, chers collègues, que ces règles conçues pour encadrer la publicité constitueraient un redoutable carcan pour la presse. Les revues de consommateurs devraient y regarder à deux fois avant de comparer les mérites et les prix respectifs de plusieurs vins.
En faisant porter sur la presse une menace de procès, et peut-être de sanction, ne va-t-on pas conduire les journalistes à une certaine forme d’autocensure ? Quant à la presse œnologique, elle n’aurait plus qu’à se résigner à sa disparition. Sans parler des problèmes qui ne manqueront pas de survenir en matière de développement de l’œnotourisme.
Toute la difficulté provient donc du fait que la loi Évin encadre la publicité et la propagande des boissons alcooliques, sans toutefois en donner une définition. Résultat, le juge aujourd'hui s’est substitué au législateur, et la jurisprudence s’est écartée des objectifs initiaux de la loi. Considérez-vous, mes chers collègues, que c’est normal ?
Nous estimons que le législateur doit reprendre la main sur ce dossier. D’où ma proposition de loi susvisée, jamais inscrite à l’ordre du jour. D’où également cet amendement soutenu par le groupe d’études « Vigne et Vin » du Sénat qui vise à clarifier ce qui relève, d’une part, de la publicité et, d’autre part, de l’information journalistique et œnotouristique, en définissant exactement ce qu’est la publicité.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Après les vins de l’Aude, le Bourgogne ! (Sourires.)
M. François Patriat. Je souhaite ajouter quelques mots en complément de ce que viennent de dire mon ami Roland Courteau et Mme Lamure. Évidemment, en tant que président du conseil régional de Bourgogne, qui fusionnera bientôt avec la Franche-Comté, je ne peux m’empêcher de citer Pasteur, né à Dole, dans le Jura, qui disait que le vin est la plus noble des nourritures – et pas des boissons !
Ce matin, le président du Sénat a reçu une délégation de parlementaires japonais. Ces derniers, à l’occasion de l’organisation de leur visite de quatre jours en France avec David Assouline, ont souhaité passer deux jours en Bourgogne pour visiter les côtes viticoles et prendre connaissance de l’économie de ce secteur. (Exclamations amusées.)
M. Jean Desessard. Pour acheter !
M. François Patriat. Demain après-midi, à dix-huit heures, je les accueillerai à Nuits-Saint-Georges et à Beaune. Ils seront conviés à une table gastronomique jeudi midi pour découvrir la gastronomie française, inscrite par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité. Nous discuterons autour des vins de Bourgogne.
M. Jean Desessard. Quel dur métier ! (Rires.)
M. François Patriat. Tout à fait, j’ai une vie souterraine intense, cher collègue !
Voilà quinze jours, le président du comité régional du tourisme de Bourgogne et moi-même avons rencontré les plus grands tours opérateurs de Hong-Kong. Ils nous ont dit qu’ils organiseraient des visites dans notre région autour de plusieurs vecteurs. Le premier d’entre eux sera le vin. Le deuxième sera le patrimoine. Le business viendra après ! Demain, des entreprises de Hong-Kong viendront en Bourgogne, feront des affaires avec nous, mais ce qui les intéresse au premier chef, c’est la viticulture et l’œnotourisme.
J’ai voté la loi Évin…
M. Roland Courteau. Hélas…
M. François Patriat. Il est vrai que je m’en suis un peu repenti depuis, même si je continue à la défendre, car il s’agissait à l’époque, pour des raisons de santé publique, d’éviter toute publicité abusive, sur des panneaux de quatre mètres sur trois mètres, autour des écoles ou des lycées.
Mme Cécile Cukierman. Et dans les stades !
M. François Patriat. La loi Évin a obtenu des résultats en matière de lutte contre le tabagisme, mais pas pour ce qui concerne la lutte contre l’alcoolisme. Elle n’a en effet pas empêché l’émergence de tous les prémix à base de bière ou autres, de tous les alcools forts qui sont bus indépendamment du vin. Aujourd'hui, l’alcoolisme des jeunes ne résulte pas de la consommation de vin de Bordeaux, de Bourgogne, des Côtes-du-Rhône ou du Languedoc-Roussillon à trente ou quarante euros la bouteille !
Mme Catherine Génisson. C’est trop cher !
M. François Patriat. Pourquoi faudrait-il, alors que la Rioja, la Toscane, la Napa Valley, le Chili, l’Amérique du Sud ventent leur territoire, vendent leurs produits, défendent leur œnotourisme, que la France se trouve contrainte à promouvoir ses vins en catimini ?
Quand un grand professeur de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, l’ANPAA, affirme que l’alcoolisme est la cause en France 48 000 morts par an et que le vin est responsable à 50 % de l’alcoolisme, soit de 24 000 décès, comment réussir à exporter notre production, comme nous tentons de le faire, en Grande-Bretagne et en Amérique ? C’est insensé !
Il faut donc savoir raison garder, non seulement pour soutenir l’attractivité du territoire, mais surtout pour sécuriser les médias, qu’il s’agisse de la presse écrite, spécialisée ou autres : ils n’osent plus parler des territoires et de nos produits.
Je me trouvais voilà trois semaines au domaine de la Romanée-Conti (Exclamations amusées)...
M. Marc Daunis. De plus en plus dur ! (Sourires.)
M. François Patriat. … en présence des émissaires du président des États-Unis, de Moscou ou de la Principauté de Monaco. C’est une belle vitrine pour la France !
C’est donc l’image de la France que nous voulons défendre tout en assurant la sécurisation de la communication sur nos produits. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Encore une autre cave !
M. Alain Joyandet. J’apporterai, si j’ose dire, de l’eau au moulin du président de la région Bourgogne. Mieux vaut le vin d’ici plutôt que l’eau de là, dit-on… (Sourires.)
Plus sérieusement, il est vrai que sur le terrain, notamment pour la presse, l’application de cette fameuse loi Évin, qui présente de nombreux mérites, pose un certain nombre de problèmes.
La Bourgogne et la Franche-Comté sont appelées à se rapprocher. Nous nous rencontrons donc souvent ces derniers temps. Mais qu’il s’agisse de la Saint-Vincent tournante, au clos-Vougeot, ou de la Percée du vin jaune qui se déroule dans le massif du Jura, nous sommes tous confrontés à des difficultés pour ce qui est de la promotion viticole. Le vin est pourtant l’une des meilleures armes françaises en termes de patrimoine et de commerce extérieur.
J’approuve donc les propos de mon collègue François Patriat. La Franche-Comté est certes un peu plus petite mais au moins aussi valeureuse que la Bourgogne. La commission spéciale et le Gouvernement préfèrent reporter le débat à l’examen d’un futur projet de loi. Pour ma part, cet amendement d’appel me semble particulièrement pertinent !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62 bis.
Article 63
(Non modifié)
À la fin du premier alinéa de l’article L. 581-14 du code de l’environnement, la référence : « à l’article L. 581-9 » est remplacée par les références : « aux articles L. 581-9 et L. 581-10 ».
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Nous l’avons constaté, alors que des grandes villes reviennent sur l’invasion de la publicité dans l’espace public pour favoriser une meilleure qualité de vie de leurs habitants, l’article 62 permet de nouvelles exceptions afin de favoriser toujours plus de publicité dans les lieux accueillant du public tels que les stades de plus de 15 000 places qui pourront accueillir des formats publicitaires sans limite de surface, ni de hauteur ni de densité, et sans condition relative aux économies d’énergie... Mais dans l’intérêt de qui ?
Nous abordons maintenant l’article 63 et en souhaitons la suppression, raison pour laquelle nous voterons l’amendement de M. Desessard.
En effet, cet article permettrait de nouvelles dérogations par le biais du règlement local de publicité. Or rappelons que ce règlement est plus restrictif que la loi nationale. Ainsi, seraient autorisées des publicités sans restriction de taille ni de hauteur, en opposition totale avec l’objectif de la loi, qui est de réduire les nuisances et la pollution créées par la publicité extérieure.
Cela montrerait une méconnaissance du code de l’environnement qui encadre la publicité extérieure dans son livre V intitulé « Prévention des pollutions, des risques et des nuisances ».
De ce fait, au minimum 15 000 personnes qui se déplacent pour assister à un événement sportif se verront imposer, sans limite, diverses formes de pollutions visuelles et énergétiques.
À l’heure où les prix de l’énergie augmentent et où les citoyens prêtent attention à la diminution des consommations électriques, les publicitaires poursuivent eux un gaspillage énergétique sans précédent alors que l’on culpabilise toujours un peu plus la population. Le fait que les panneaux publicitaires lumineux et les diodes utilisées réduisent en partie la consommation énergétique ne change rien au problème !
Cette mesure permettra ainsi aux grandes firmes multinationales et aux acteurs de la grande distribution d’afficher ce qu’ils souhaitent sans limite sur les panneaux publicitaires déroulants et lumineux.
Rappelons que la publicité peut être assimilée à une forme d’impôt privé, prélevé par des grandes marques, majoritairement multinationales – ce sera le cas de celles qui auront recours à ce type d’affichage – dans la mesure où le coût de sa communication est répercuté dans le prix des produits.
C’est toujours le consommateur qui, au final, paye. Il y a donc une hypocrisie à vanter ce système de pseudo-gratuité pour se désengager en faisant passer des dépenses financées par l’impôt à des dépenses financées par la publicité. Car si le contribuable peut contrôler les dépenses publiques, exiger des rapports – même si ce sont rarement les rapports qui infléchissent ces dépenses –, le consommateur n’a en tout cas aucun contrôle sur les dépenses publicitaires ni même sur ce qui est prélevé sur le prix d’achat de ses produits.
Cette mesure va par conséquent satisfaire les appétits financiers de quelques gestionnaires de stade au détriment de l’intérêt de la population.
M. le président. L'amendement n° 472, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les deux amendements que j’ai précédemment présentés relatifs à la publicité des stades.
Je ne peux qu’approuver l’argumentation de ma collègue du groupe CRC sur la pseudo-gratuité de la publicité : on a l’air de considérer que la publicité est gratuite, mais il y a bien quelqu’un qui la paie ! Son coût se répercute sur les charges des entreprises, qui elles-mêmes le répercutent sur le prix des produits ou des services qu’elles vendent aux collectivités, aux particuliers ou à d’autres entreprises. Donc, il est faux de prétendre que la publicité est gratuite et qu’elle n’a pas de coût pour la société. On peut cependant estimer que c’est un bon système, mais ce qui n’est pas notre cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En cohérence avec l’avis qu’elle a précédemment émis sur les amendements de suppression des articles 62 et 62 bis, la commission spéciale est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer l’article 63.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 63.
(L'article 63 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 63
M. le président. L'amendement n° 885 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern et Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 522-1 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’État agit directement sur les zones d’archéologie préventive définies par l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Cette cartographie est mise à jour annuellement. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement est le premier d’une série de cinq concernant l’archéologie préventive. Il vise à limiter le périmètre d’application de l’archéologie préventive en renvoyant la définition de zones d’archéologie préventive à une cartographie de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, mise à jour tous les ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cette réduction de l’archéologie préventive aux seuls zonages établis par l’INRAP, comme le propose M. Cadic, comporte des risques qu’il faudrait à tout le moins évaluer. Cet amendement aurait bien mieux sa place dans le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
La commission spéciale vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 886 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine, après le mot : « conclue », sont insérés les mots : « dans un délai maximal de trois mois à compter de l’attribution du diagnostic ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à limiter le délai de signature de la convention de diagnostic à trois mois à compter de l’attribution du diagnostic à l’EPIC ou à la collectivité locale chargée de son exécution.
En effet, la procédure d’archéologie préventive est longue par nature, puisqu’elle nécessite régulièrement des travaux d’aménagement en vue d’organiser des fouilles, qui peuvent durer plus d’un an. Dès lors, pour ne pas freiner le développement de projets, il convient de réduire les délais de signature, afin de compenser la perte de temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à réduire le délai de signature à trois mois. Cette modification du code du patrimoine nécessite une expertise qui n’a, à ce jour, pas été envisagée dans le cadre du présent projet de loi. Je vous renvoie donc également, monsieur Cadic, au projet de loi précité sur le patrimoine. La commission spéciale vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Les dispositions figurant dans cet amendement et les suivants sont à mon sens impossibles à mettre en œuvre. En tout cas, elles n’ont pas leur place dans le présent projet de loi.
Certes, les contraintes de l’archéologie préventive sont frustrantes pour ceux qui ont la responsabilité d’une collectivité – c’est le cas de nombre d’entre nous dans cet hémicycle – et qui veulent conduire un projet d’intérêt général. Devoir attendre pour réaliser celui-ci, parce que des recherches, qui ont un coût, sont nécessaires, c’est aussi le prix à payer pour préserver notre patrimoine, élargir nos connaissances. Ce n’est pas un obstacle au développement économique. Ces précautions qu’il faut prendre, qui compliquent parfois un peu les choses, permettent de conserver la richesse archéologique de notre territoire.
Des améliorations sont certainement possibles, mais la manière dont vous abordez les choses, mon cher collègue, n’est pas pertinente. Sur le fond, un certain nombre des préoccupations que vous exprimez et auxquelles on est effectivement confronté sur le terrain sont légitimes. Mais vous n’y apportez pas les bonnes réponses.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je voudrais apporter de l’eau au moulin de M. Cadic.
J’ai entendu l’argument selon lequel le projet de loi sur le patrimoine se prêterait mieux à l’examen de ces propositions d’évolution concernant les fouilles archéologiques. Or, depuis le début de la discussion du présent projet de loi, j’ai le sentiment que les questions dont nous traitons touchent à des domaines très divers. On a ainsi évoqué les tribunaux de commerce, le vin… Dans tous les cas, la motivation générale est de diminuer les freins au développement et à la croissance.
Aujourd'hui, tous les élus demandent que soient réalisées des expertises en matière de patrimoine, mais ils veulent aussi que les contraintes auxquelles ils sont confrontés soient limitées à la fois en termes de coût, de délai, de moyens et d’opportunité.
C’est pourquoi il faut prendre en compte ces propositions. Le présent projet de loi est une ouverture. Le Sénat, qui représente les collectivités, doit se saisir de la question en cause en votant les amendements présentés par M. Cadic. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je suis en désaccord avec M. Abate qui affirme que cet amendement ne dénote aucun intérêt pour le patrimoine. Cela étant, l’intérêt pour le patrimoine doit, au même titre que l’agriculture, être raisonné. L’archéologie préventive ne doit pas faire obstacle au développement économique des collectivités. Dans mon département, l’Ille-et-Vilaine, où je préside une intercommunalité, le gel d’un grand nombre d’opérations immobilières a failli conduire les maires à l’émeute, l’INRAP étant incapable, faute de moyens, de faire face aux chantiers qu’il ouvrait.
Cet amendement est un appel à engager une véritable révision de la loi relative à l’archéologie préventive.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Bien sûr !
Mme Françoise Gatel. Celle-ci, qui doit manifester le respect dû au patrimoine et à l’histoire de notre pays, doit également prendre en compte des réalités qui sont aujourd’hui trop souvent oubliées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, il nous reste 315 amendements à examiner. Le présent ce projet de loi, qui embrasse un grand nombre de sujets et de matières, nous amène à nous intéresser à différents aspects de la vie économique, notamment celle des collectivités. Toutefois, j’incline à penser que nous devons restreindre le champ de notre discussion, faute de quoi nous risquons de traiter superficiellement de sujets qui, nous en convenons tous, sont importants.
Ainsi que Mme la corapporteur l’a souligné, un projet de loi sur le patrimoine est en préparation, dont la commission de la culture de cette noble maison pourra se saisir. Il s’agit de sujets complexes, qui mettent en jeu différents organismes, Françoise Gatel y faisait fort justement allusion. Ayant un lointain passé culturel, je me souviens que ces matières ne sont pas simples à faire évoluer. La preuve, c’est qu’on y est encore !
Notre préoccupation commune, c’est de viser juste et d’avancer sur ces questions. Françoise Gatel disait à l’instant qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Certes, le Sénat doit marquer sa volonté de voir traiter ces sujets, mais ils doivent l’être sur le fond, ce qui pourra être fait dans le cadre du projet de loi sur le patrimoine.
En traiter dans le présent projet de loi, c’est élargir par trop le débat et créer un cavalier. On peut tout ramener à la croissance et à l’activité, mais, là, le lien me paraît particulièrement ténu. Ces problèmes seront mieux traités dans un autre cadre. En voulant les régler aujourd'hui, nous ferons une loi bavarde et inefficace.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. J’ai bien compris les propos de M. le président de la commission spéciale selon lesquels ces problèmes pourraient être réglés dans le cadre d’un autre texte. Néanmoins, je crois qu’on ne peut pas dissocier cette question de celle de la croissance.
Lorsqu’on est confronté à ce genre de difficulté, il n’y a pas d’issue. À Ornans, où je vous invite à venir, mes chers collègues, j’ai développé une zone d’activité où l’on soupçonne l’existence d’une léproserie. Mais comme personne n’a les moyens d’entreprendre les fouilles qui permettraient de s’en assurer, on a gelé plus de deux hectares de cette zone d’activité, sur lesquels on ne fait rien parce qu’il pourrait y avoir quelque chose en dessous !
En plus, quand il est demandé d’effectuer des sondages, c’est la collectivité d’accueil qui paie. Or quand une entreprise attend de pouvoir effectuer les travaux, les choses se compliquent. Les collectivités ne peuvent plus se permettre de faire attendre les entreprises, qui partiront ailleurs si elles ne trouvent pas de chantier.
Venez donc à Ornans : vous verrez comment a été protégé un patrimoine qui date de deux siècles !
Je le dis souvent, il faut faire confiance aux élus. C’est pourquoi il faut voter cet amendement d’appel, qui permettra une prise de conscience. Compte tenu des blocages administratifs qui entravent les opérations menées dans le cadre des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme et de la complexité des procédures qui sont engagées au niveau de l’INRAP, il faut saisir cette occasion pour progresser.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
L'amendement n° 887 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine est complété par les mots : « , dans un délai de trois mois à compter de la fin du diagnostic fixée par la convention ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Actuellement, après la mise en état du terrain pour l’exécution du diagnostic, puis le diagnostic lui-même, il n’est prévu aucun délai pour la remise du rapport. Dès lors, pour circonscrire la durée globale de la procédure d’archéologie préventive dans des délais raisonnables, qui ne soient pas des freins aux projets d’aménagement, il est proposé de limiter ce délai à trois mois. Ce délai laisse le temps à la rédaction des constats et des préconisations nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale est défavorable à cet amendement pour les raisons que j’ai déjà exposées.
J’appelle mes collègues, qui ont rejeté le premier des cinq amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 63 et adopté le deuxième, à la cohérence : ces cinq amendements portent tous sur le même sujet. On ne peut rejeter les uns et adopter les autres !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 887 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 888 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern, Gabouty et Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 523-9 du code du patrimoine est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le contrat prévoit également la durée maximale des travaux de fouilles au-delà de laquelle, en cas d’absence de résultats, les opérations seront arrêtées. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à renvoyer au contrat déterminant les modalités des fouilles la fixation d’un délai maximal au-delà duquel, à défaut de découvertes archéologiques, les fouilles doivent cesser.
Ainsi, le contrat prévoirait deux délais, l’un, global, assurant une véritable fouille lorsque des éléments archéologiques seront découverts, l’autre permettant de libérer l’aménageur de manière anticipée lorsque les fouilles ne sont pas fructueuses.
Dès lors, cette mesure a pour avantage de réduire les coûts de la fouille et de permettre une réduction du temps d’aménagement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 888 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 889 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 524-7 du code du patrimoine est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Le montant de la redevance d’archéologie préventive calculé selon les modalités prévues aux I et II, est plafonné à 1 % du montant total du projet d’aménagement déclaré. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement tend à plafonner le coût total de la redevance d’archéologie préventive à 1 % du montant du chantier. En effet, le mécanisme de la redevance peut induire un surcoût important sur les projets. Dès lors, pour ne pas freiner les projets d’aménagement, il convient de circonscrire ce montant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 889 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 63 bis
(Supprimé)
Article 64
(Non modifié)
L’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, les organismes et entreprises mentionnés au I de l’article L. 137-11 débiteurs des rentes établissent un rapport de suivi qui retrace, pour l’année précédente, le montant des engagements souscrits, le nombre de rentes servies, les montants minimal, moyen, médian et maximal de rentes servies ainsi que le nombre de bénéficiaires potentiels. Ce rapport est adressé à l’Institut national de la statistique et des études économiques et aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la mutualité. Une version consolidée, après anonymisation éventuelle, de ces rapports de suivi est également mise à la disposition du public, dans un format ouvert permettant sa libre réutilisation. »
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 64 a pour objet de faire obligation aux compagnies d’assurance et aux organismes de prévoyance gérant, pour le compte d’entreprises déterminées, des dispositifs de régime de retraite à prestations et/ou cotisations définies, de fournir toute information à l’INSEE et au ministère des affaires sociales.
Nous pourrions nous interroger sur les motivations d’une telle obligation, dans la mesure où même le grand public a aujourd’hui accès à des études précises sur la réalité des cotisations perçues, des prestations rendues, du nombre de bénéficiaires potentiels – onze millions de personnes à terme, pour un nombre actuel de rentiers bien plus faible – et du montant des rentes qui leur sont servies.
Nous savons d’ores et déjà que, en 2013, si environ 13 milliards d’euros de cotisations diverses ont été encaissées, faisant monter à plus de 185 milliards d’euros les engagements en contrepartie, il a été servi près de 7 milliards d’euros de rentes viagères.
Moins de quinze ans après la création des plans d’épargne retraite populaire, les PERP, et des plans d’épargne pour la retraite collectifs, les PERCO, par la loi Fillon portant réforme des retraites, le taux de couverture des rentes par les cotisations est déjà proche de 50 % et devrait se dégrader rapidement, avec la fin d’activité d’un grand nombre de cotisants aux différents régimes existants et le non-renouvellement des cotisants potentiels.
Le véritable enjeu de ces statistiques concerne le destin de ces régimes de retraite supplémentaire, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’offrent qu’une solution très partielle au problème de la déperdition du pouvoir d’achat des prestations servies par le régime de base et les régimes obligatoires complémentaires. Cela ne nécessite pas l’adoption de l’article 64 !
Pour la plupart des bénéficiaires, le montant mensuel de retraite supplémentaire se situe aux alentours au minimum de 100 euros et au maximum de 150 euros.
Il reste, en outre, deux situations spécifiques que nous estimons nécessaires d’examiner : la retraite des travailleurs indépendants, peu améliorée par le dispositif Madelin ; et, surtout, le cas très particulier des retraites dites « article 39 » qui sont à l’origine du scandale des golden parachutes et autres « retraites chapeaux à larges bords », dont ne bénéficient qu’une infime minorité de cadres dirigeants d’entreprise.
C’est pourquoi nous serons très attentifs à ces questions lors de la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mme Assassi, M. Watrin, Mmes David et Cohen, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Comme vient de le dire Dominique Watrin, l’article 64 nous semble inutile. Il ne vise qu’à moraliser un peu les retraites chapeaux, en ajoutant un peu de transparence. Or cette ambition est vaine : il faudrait se poser la question de l’existence même de ces régimes à prestations définies, plutôt que d’en favoriser le développement par le biais de cet article.
Nous nous interrogeons, en outre, sur le caractère législatif de cette disposition. De toute évidence, les informations dont il est question sont disponibles, ainsi que l’a précisé mon collègue.
Il est impossible d’évoquer ces dispositifs sans rappeler que ces « retraites chapeaux à larges bords » ont concerné en 2011, l’ancien P-DG de France Télécom, avec 7,3 millions d’euros ; en 2013, l’ancien P-DG de PSA Peugeot Citroën, avec 21 millions d’euros ; en 2014, le l’ancien P-DG de GDF-Suez, avec 21 millions d’euros également. Vous noterez, mes chers collègues, que je n’évoque que des entreprises dans lesquelles l’État a son mot à dire.
Si l’article 64 semble introduire un peu de morale, il n’en reste pas moins que le capitalisme immoral qui s’affiche de manière scandaleuse continue son chemin. Les représentants de l’État dans les conseils d’administration portent une lourde responsabilité en la matière.
Toutes ces raisons nous amènent à vous proposer la suppression du présent article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet article contraint les institutions gestionnaires de régimes de retraites chapeaux à remettre chaque année au Gouvernement un rapport de suivi sur leur fonctionnement. Il est de nature à améliorer l’information du Gouvernement, du Parlement et des citoyens sur ces régimes. Ne souhaitant pas s’en priver, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 64.
(L'article 64 est adopté.)
Article additionnel après l'article 64
M. le président. L'amendement n° 550, présenté par MM. Bignon et Chaize, Mme Deromedi, MM. Commeinhes et J. Gautier, Mmes Giudicelli et Des Esgaulx, MM. Mouiller, César, Cornu et Vaspart, Mme Canayer, M. Charon et Mme Bouchart, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa de l’article L. 3262-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2016, les titres restaurant ne peuvent être émis que sous forme dématérialisée. » ;
2° L’article L. 3262-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 31 mars 2016, les titres-restaurant sous format papier détenus par les restaurateurs ou affiliés restaurateurs ne sont plus remboursés. »
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement concerne la dématérialisation des titres-restaurant, dont la mise en œuvre est extrêmement lente et souffre d’une importante distorsion concurrentielle entre le support papier et les versions dématérialisées.
Nous proposons ainsi de fixer une date butoir d’extinction du titre-restaurant sur support papier au 1er janvier 2016, tout en prévoyant une période de transition de trois mois, durant laquelle les titres papier seront encore remboursés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire la dématérialisation des titres-restaurant pour accélérer un processus qui est aujourd’hui défini, par voie réglementaire, comme facultatif.
Une accélération brutale de la dématérialisation des titres-restaurant risque, dans l’immédiat, de restreindre la consommation, et donc l’emploi, au moins dans certains secteurs, en limitant l’usage de ces titres.
La situation de notre économie semble justifier une étude d’impact préalable sérieuse. La commission spéciale vous invite donc à retirer cet amendement, ma chère collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Des Esgaulx, l'amendement n° 550 est-il maintenu ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 550 est retiré.
Article 64 bis
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Les articles L. 225-22-1 et L. 225-79-1 sont ainsi modifiés :
a) Après le mot : « celles-ci, », sont insérés les mots : « ou à des engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « du présent code » ;
2° Les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 sont ainsi modifiés :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « celles-ci, », sont insérés les mots : « ou à des engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, » ;
– sont ajoutés les mots : « du présent code » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « et avantages » sont remplacés par les mots : « , avantages et engagements de retraite » ;
c) La seconde phrase du dernier alinéa est ainsi modifiée :
– les mots : « des engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, ainsi que » sont supprimés ;
– à la fin, les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code de la sécurité sociale » ;
3° L’article L. 225-42-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d’administration détermine annuellement, avant la tenue de l’assemblée générale, l’accroissement, au titre de l’exercice en cours, des droits conditionnels bénéficiant au président, au directeur général ou aux directeurs généraux délégués au titre des régimes à prestations définies mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale. Ces droits ne peuvent augmenter d’un montant supérieur à 3 % de la rémunération annuelle servant de référence au calcul des prestations. » ;
4° L’article L. 225-90-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de surveillance détermine annuellement, avant la tenue de l’assemblée générale, l’accroissement, au titre de l’exercice en cours, des droits conditionnels bénéficiant aux membres du directoire au titre des régimes à prestations définies mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale. Ces droits ne peuvent augmenter d’un montant supérieur à 3 % de la rémunération annuelle servant de référence au calcul des prestations. » ;
5° Le troisième alinéa de l’article L. 225-102-1 est ainsi modifié :
a) La troisième phrase est complétée par les mots : « , notamment les engagements de retraite et autres avantages viagers » ;
b) Après le mot : « doit », la fin de l’avant-dernière phrase est ainsi rédigée : « expliciter les modalités précises de détermination de ces engagements ainsi que, pour chaque mandataire social, une estimation du montant des charges annuelles afférentes et du montant des droits acquis ou conditionnels, selon des modalités fixées par décret. »
II. – Les 1° à 4° du I sont applicables à compter du 1er janvier 2016.
Le 5° du I est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. Cet article aborde la question des retraites chapeaux avec la volonté d’en limiter les abus et les privilèges. Si nous sommes satisfaits de ne pas nous trouver seuls à les dénoncer, nous restons pourtant sur notre faim.
Pourquoi proposer uniquement un encadrement de ces dispositifs plutôt que leur suppression pure et simple ?
Vous vous êtes pourtant également exprimé en faveur de cette suppression, monsieur le ministre : pourquoi n’êtes-vous pas allé jusqu’au bout ?
Ce débat n’est pas nouveau. Chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale et chaque projet de loi de finances apportent l’occasion de rappeler les abus que ces mécanismes permettent ou les scandales qu’ils créent. Il est donc temps d’y mettre fin, dans l’esprit de moralisation de la vie publique qui vous anime, tout comme nous.
En complément des exemples cités tout à l'heure par Patrick Abate, notons que l’examen du présent article par l’Assemblée nationale est intervenu quelques semaines après la révélation du montant de la retraite chapeau de M. Gérard Mestrallet, P-DG de GDF-Suez : 831 641 euros par an.
Cet exemple, parmi d’autres, montre à quel point cette pratique est scandaleuse, particulièrement au regard des politiques d’austérité salariale que les entreprises en question imposent à leurs employés. En comparaison, je me permets de rappeler ces chiffres, que tout le monde dans cette enceinte connaît : en France, la pension de retraite mensuelle moyenne s’élève à 1288 euros et, pour ce qui concerne les femmes, à 951 euros. Nous les répétons souvent, car ils nous permettent de prendre la mesure de la réalité.
Dans cet hémicycle, chacun connaît les difficultés auxquelles sont confrontés les retraités en termes de pouvoir d’achat, et la dégradation des conditions de vie de nombre d’entre eux. Mettre fin à ces luxueuses retraites chapeaux n’aurait pas été indécent, bien au contraire.
L’article 64 bis a notamment conditionné l’attribution de ces retraites à la performance de la société et à une approbation annuelle par le conseil d’administration. L’intention est certes louable et, compte tenu de la situation, nous pourrions considérer cela comme une avancée. Nous pensons pourtant qu’encadrer ces retraites chapeaux légitime pleinement leur existence.
Au regard de ces éléments, nous appelons la Haute Assemblée à s’opposer à cet article et à permettre enfin la disparition de ces retraites chapeaux.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Depuis plusieurs années déjà, les retraites chapeaux suscitent de vifs débats et, du fait de leurs dérives, l’indignation de nos concitoyens.
L’article 64 bis du projet de loi prévoit des règles d’encadrement des retraites chapeaux versées aux dirigeants mandataires sociaux des sociétés cotées, en liant leur progression aux performances de ces dirigeants et en assurant une plus grande transparence. L’ambition est donc bien de lutter contre certaines dérives des retraites chapeaux.
Cet article prévoit également de mieux encadrer ces retraites. À cette fin, il durcit les conditions d’ouverture de ce régime de retraite, notamment en le subordonnant à la performance de la société et en le soumettant à une approbation annuelle par le conseil d’administration. Il est plus qu’essentiel, selon moi, de lier retraites chapeaux et performances : en effet, si elles sont déconnectées de la performance, elles deviennent totalement incompréhensibles.
L’article plafonne par ailleurs la vitesse d’acquisition des droits à une retraite chapeau à un taux de remplacement de 3 % par an.
Ces mesures de régulation, qui sont plus que nécessaires, visent à favoriser le travail, l’effort et le mérite, et non l’esprit de rente. Il s’agit d’éviter les excès auxquels a pu donner lieu ce dispositif, dont bénéficient plus de 200 000 personnes.
En outre, ces mesures permettront la mise en place d’un cadre de régulation prenant notamment en compte la situation de l’entreprise et la dépendance économique, afin de prévenir les abus que nous avons pu constater par le passé.
Je salue la présentation de cet article qui nous permet de dépasser le stade de l’indignation auquel nous étions cantonnés depuis des années et de proposer des avancées substantielles, voire historiques, en matière de retraites chapeaux.
Le groupe socialiste présentera un amendement visant à clarifier les dispositions de cet article sans en modifier le fond.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1179 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 137-11-1. - Les rentes versées au titre des retraites liquidées avant le 1er janvier 2011 sont soumises à une contribution sur la part qui excède 1 € par mois. Le taux de cette contribution est fixé à :
« - 18 % pour la part de ces rentes supérieure à 1 € et inférieure ou égale à 1 000 € par mois ;
« - 18 % pour la part de ces rentes supérieure à 1 000 € et inférieure ou égale à 24 000 € par mois ;
« - 21 % pour la part de ces rentes supérieure à 24 000 € par mois.
« Les rentes versées au titre des retraites liquidées à compter du 1er janvier 2011 sont soumises à une contribution sur la part qui excède 1 € par mois. Le taux de cette contribution est fixé à :
« - 18 % pour la part de ces rentes supérieure à 1 € et inférieure ou égale à 600 € par mois ;
« - 18 % pour la part de ces rentes supérieure à 600 € et inférieure ou égale à 24 000 € par mois ;
« - 21 % pour la part de ces rentes supérieure à 24 000 € par mois. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à tenter de rétablir une certaine justice sociale en revalorisant les taux de contribution des rentes.
Je rappelle que les rentes versées au titre des retraites à prestations définies sont complémentaires du système par répartition actuel. Nous avons déjà dit ce que nous en pensions.
Nous sommes opposés au développement d’un système de retraite par capitalisation privée en parallèle de notre système de protection sociale collective.
Pour cette raison, nous estimons que ces rentes doivent être soumises à un taux de contribution dissuasif pour les petites entreprises comme pour les grands patrons.
Il est indispensable de notre point de vue d’engager une véritable politique de lutte contre les parachutes dorés, que la grande majorité de nos concitoyens juge indécents et injustifiés.
Une véritable mesure de gauche sur ce sujet consisterait notamment à relever les montants des salaires et des pensions de retraites – ma collègue Christine Prunaud l’a déjà très bien dit – afin d’assurer à tous une retraite par répartition garantissant des conditions de vie dignes.
Ce n’est pas en encadrant les retraites chapeaux des plus riches tout en laissant les salariés épargner pour leur retraite complémentaire que notre système solidaire sera renforcé.
Il est évident qu’une politique qui accumule ainsi les mesures individualistes nous empêchera bientôt de convaincre de l’intérêt du collectif.
M. le président. L'amendement n° 1184 rectifié, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa de l’article L. 225-22 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Après sa nomination, un administrateur en fonction ne peut pas conclure un contrat de travail avec la société ou avec l’une de ses filiales. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire lors de certains débats, et à nouveau au cours de celui-ci, notre groupe est fortement opposé au cumul des mandats. Or ce qui est vrai en politique doit l’être aussi en matière de gestion d’entreprise. Pourtant, nous en sommes ici encore loin.
Le débat sur la limitation des mandats de dirigeant ou d’administrateur est d’autant plus important qu’il existe assez souvent une dangereuse endogamie entre, d’une part, les héritiers, parents, cousins et alliés des familles fondatrices de tel ou tel groupe industriel et commercial, et, d’autre part, de hauts fonctionnaires mis à disposition, venus pantoufler quelque temps dans une entreprise privée, ou de manière générale marchande.
Prenons l’exemple du conseil d’administration d’Engie, l’ancien GDF Suez. Gérard Mestrallet, le PDG du groupe, a été de 1984 à 1991 l’un des principaux cadres de la Compagnie financière de Suez, avant de se voir confier la direction de la Société générale de Belgique entre 1991 et 1995. Il est alors devenu PDG de Suez et a exercé la fonction de président du directoire de ce groupe de 1997 à 2001. Il est, depuis la privatisation de Gaz de France, le PDG de l’ensemble GDF Suez, devenu il y a peu Engie. Outre la présidence de filiales de Suez comme Aguas de Barcelona, International Power ou Electrabel, Gérard Mestrallet exerce également à ses heures perdues les fonctions d’administrateur de Saint-Gobain et de Siemens.
Prenons aussi le cas d’Isabelle Kocher, directrice générale déléguée d’Engie, c’est-à-dire son numéro 2, qui est passée par Safran, par la finance, à savoir la Compagnie financière de Rothschild, mais aussi par l’administration et les cabinets ministériels. Vice-présidente d’Electrabel et administratrice de quatre filiales majeures de GDF Suez, elle est aussi, quand l’occasion lui en est offerte, administratrice d’Axa.
Le président du conseil d’administration d’Engie est quant à lui le banquier belge Albert Frère, dont il n’est pas besoin de présenter le curriculum vitae bien fourni, car il est connu de vous.
Engie compte également parmi ses dirigeants Jean-Louis Beffa, président d’honneur de Saint-Gobain.
Ces données sont publiques !
Notre amendement tend à empêcher le cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social et à éviter ainsi que l’on parvienne à ce niveau d’endogamie dans la direction d’une entreprise, notamment si elle est cotée en bourse.
M. le président. L'amendement n° 1751, présenté par M. Pillet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
A. – Alinéas 3 et 7
Après le mot :
ou
supprimer le mot :
à
B. – Alinéa 14, première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Le conseil d’administration vérifie, avant l’assemblée générale ordinaire devant statuer sur les comptes du dernier exercice clos, le respect des conditions prévues au deuxième alinéa et détermine l’accroissement, au titre de cet exercice, des droits conditionnels…
C. – Alinéa 16, première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Le conseil de surveillance vérifie, avant l’assemblée générale ordinaire devant statuer sur les comptes du dernier exercice clos, le respect des conditions prévues au deuxième alinéa et détermine l’accroissement, au titre de cet exercice, des droits conditionnels…
D. – Alinéa 19
Après les mots :
ainsi que
insérer le mot :
contenir
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement tend à apporter plusieurs précisions rédactionnelles qui sont intervenues après la première réunion de la commission, et à clarifier ainsi la rédaction des dispositions encadrant les régimes de retraite chapeau.
M. le président. L'amendement n° 256 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Bigot, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéas 13 à 16
Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 225-42-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « et avantages » sont remplacés par les mots « , avantages et droits conditionnels octroyés aux président, directeur général ou directeurs généraux délégués au titre d’engagements de retraite mentionnés au premier alinéa du présent article » ;
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil d’administration constate annuellement, avant la tenue de l’assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes du dernier exercice clos, le respect des conditions prévues, et détermine l’accroissement, au titre dudit exercice, des droits conditionnels bénéficiant aux président, directeur général ou directeurs généraux délégués au titre des régimes à prestations définies mentionnées à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.
« Le quantum de l’accroissement annuel des droits conditionnels mentionnés au septième alinéa ne peut excéder un taux supérieur à 3 % de la rémunération annuelle servant de référence au calcul de la rente versée dans le cadre de ces régimes.
« Aucun droit conditionnel au titre de l’activité de président, directeur général ou directeurs généraux délégués ne peut être octroyé en dehors des conditions fixées aux deux alinéas précédents. » ;
4° L’article L. 225-90-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « et avantages » sont remplacés par les mots : « , avantages et droits conditionnels octroyés aux membres du directoire au titre d’engagements de retraite mentionnés au premier alinéa du présent article » ;
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil de surveillance constate annuellement, avant la tenue de l’assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes du dernier exercice clos, le respect des conditions prévues, et détermine l’accroissement, au titre dudit exercice, des droits conditionnels bénéficiant aux membres du directoire au titre des régimes à prestations définies mentionnées à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.
« Le quantum de l’accroissement annuel des droits conditionnels mentionnés au septième alinéa ne peut excéder un taux supérieur à 3 % de la rémunération annuelle servant de référence au calcul de la rente versée dans le cadre de ces régimes.
« Aucun droit conditionnel au titre de l’activité de membre du directoire ne peut être octroyé en dehors des conditions fixées aux deux alinéas précédents. » ;
III. – Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Après le mot : « doit », la fin de l’avant-dernière phrase est ainsi rédigée : « , dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, expliciter les modalités précises de détermination de ces engagements ainsi que, pour chaque mandataire social, une estimation du montant des rentes qui seraient potentiellement versées au titre de ces engagements et des charges afférentes. »
IV. – Alinéa 20
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
II. - Les 1° à 4° du I sont applicables aux engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale pris par l’entreprise à compter du 1er juillet 2015 au bénéfice d’un président, directeur général, directeur général délégué ou membre du directoire.
Les 1° à 4° sont également applicables aux engagements de retraite répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale bénéficiant au président, directeur général, directeur général délégué ou membre du directoire nommé ou renouvelé postérieurement au 1er juillet 2015, à compter de la nomination ou du renouvellement.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L’article 64 bis est de saison, puisque c’est la période des assemblées générales d’actionnaires.
Conformément à la règle que l’on appelle « say on pay » figurant dans le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées établi par l’AFEP, l’Association française des entreprises privées, et le MEDEF, les assemblées d’actionnaires sont très attentives au mode de rémunération des dirigeants. Elles soumettent ainsi leur augmentation annuelle au vote de résolutions.
Si ces augmentations étaient adoptées dans 80 % des cas il y a quelques années, elles ne le sont plus qu’à une courte majorité aujourd’hui, comme en témoigne celles de deux grands dirigeants français récemment, qui n’ont été approuvées que par un peu plus de 50 % des actionnaires. Ce sujet est donc très sensible.
L’Assemblée nationale a d’ailleurs porté une attention particulière à la question des retraites chapeaux ou, pour le dire de manière plus savante, aux régimes à prestations définies.
Cet amendement tend à préciser et à clarifier le dispositif introduit à l’Assemblée nationale. Il vise tout d’abord à préciser la séquence de détermination annuelle par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de l’accroissement annuel des droits conditionnels bénéficiant au mandataire social. Il tend également à clarifier l’effet du nouveau dispositif d’approbation annuelle des droits conditionnels et de plafonnement du quantum d’accroissement annuel en spécifiant explicitement qu’aucun droit conditionnel ne peut être octroyé en dehors de ce dispositif.
Nous apportons par ailleurs une précision importante quant à l’octroi de droits conditionnels avant même la prise de fonctions du dirigeant, ab initio si je veux le dire de manière vraiment savante. Si notre amendement était adopté, l’octroi de droits conditionnels à un mandataire social rejoignant une entreprise contreviendrait aux nouvelles modalités d’encadrement des retraites chapeaux.
Enfin, cet amendement tend à réécrire les modalités d’entrée en vigueur à fin de clarification et à rétablir le 1er juillet 2015 comme date d’entrée en vigueur du dispositif. Cette date est cohérente avec la tenue des assemblées générales, lesquelles ont lieu pour la plupart ce printemps.
Nous avons eu un petit débat en commission sur les modifications apportées par la commission au texte issu de l’Assemblée nationale. M. le rapporteur présentait ces modifications comme de simples précisions rédactionnelles. Or tel n’était pas le cas, comme j’ai pu le vérifier à la lecture du tableau comparatif. Permettez-moi donc, monsieur le rapporteur, de préférer notre version, qui prolonge, complète, clarifie et précise la rédaction de l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 1180, présenté par Mme Assassi, M. Watrin, Mmes David et Cohen, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 255-38 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La rémunération du président du conseil d’administration et du directeur général est également soumise à autorisation préalable du conseil d’administration.
« L’augmentation substantielle de la rémunération du président du conseil d’administration fait l’objet, au préalable, d’un avis conforme du comité d’entreprise et de l’assemblée générale des actionnaires. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement tend à reprendre la proposition de loi visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations déposée en son temps au Sénat par le groupe socialiste, laquelle prévoyait la mise en place d’un contrôle collectif de la rémunération du président du conseil d’administration grâce à une autorisation préalable de ce dernier. Ce système permettrait de soumettre cette rémunération à une procédure de contrôle des conventions réglementées.
Cet amendement tend également à prévoir un avis conforme du comité d’entreprise et de l’assemblée générale des actionnaires sur les augmentations substantielles des rémunérations des présidents de conseil d’administration.
Il s’agit ici de mesures a minima, qui permettraient un premier rééquilibrage des pouvoirs au sein des conseils d’administration des grandes entreprises, qu’elles soient publiques ou privées.
M. le président. L'amendement n° 1181, présenté par Mme Assassi, M. Watrin, Mmes David et Cohen, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le troisième alinéa de l’article L. 225-40 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans ce rapport, figure une annexe spécialement consacrée à toutes les rémunérations allouées au président du conseil d’administration et au directeur général. Cette annexe met en évidence la partie fixe et la partie variable des rémunérations octroyées. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le code AFEP-MEDEF définit la voie à suivre en matière de rémunération fixe des mandataires sociaux.
Pour ce qui est de la rémunération variable, le conseil d’administration peut décider d’attribuer aux dirigeants mandataires sociaux une rémunération variable annuelle ou pluriannuelle.
Ces différentes rémunérations variables peuvent s’additionner, mais ce cumul doit être décidé au regard de certains principes, dont je vous épargnerai la liste.
Critérisation, fixation par le conseil d’administration après consultation de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires, et évaluation : tels sont les éléments qui devraient contribuer à définir la meilleure méthode de rémunération des mandataires sociaux de quelque entreprise que ce soit.
Dans cette attente, nous vous invitons à voter cet amendement qui, s’il était adopté, permettrait d’apporter aux intéressés toutes les informations nécessaires sur la rémunération du président du conseil d’administration et du directeur général.
M. le président. L'amendement n° 1182, présenté par Mme Assassi, M. Watrin, Mmes David et Cohen, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 225-40, il est inséré un article L. 225-40-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 225-40-1 A. – Un rapport sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise est rédigé chaque année en début d’exercice, qui présente la politique de rémunération de l’entreprise, les objectifs et les modes de rémunérations qu’elle met en œuvre, ainsi que les critères de la relation entre les rémunérations et les performances individuelles des dirigeants. Ce rapport est élaboré par le comité des rémunérations, composé d’administrateurs indépendants, qui délibère en l’absence des dirigeants. Les institutions représentatives du personnel ont la possibilité d’interroger les dirigeants sur le contenu dudit rapport. Les réponses apportées sont intégrées dans le rapport. Le rapport est validé par l’assemblée générale des actionnaires. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement tend à reprendre l’article 7 de la proposition de loi socialiste que j’ai évoquée il y a quelques instants.
Dans le souci de donner à un comité indépendant, au sein même du conseil d’administration, la responsabilité de surveiller la politique de rémunération de l’entreprise vis-à-vis de ses dirigeants, cet amendement tend à instituer un comité des rémunérations, lequel devra présenter un rapport sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise, sur la politique de rémunération de cette entreprise, sur les objectifs et les modes de rémunération, ainsi que sur les critères de la relation entre les rémunérations et les performances individuelles des dirigeants.
M. le président. L'amendement n° 1185 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Watrin, Mmes David et Cohen, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 225-51 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Après sa nomination, le président du conseil d’administration en fonction ne peut pas conclure un contrat de travail avec la société ou avec l’une de ses filiales. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Il est recommandé, lorsqu’un salarié devient dirigeant mandataire social de l’entreprise, de mettre fin au contrat de travail qui le lie à la société ou à une société du groupe, soit par rupture conventionnelle, soit par démission.
Cette recommandation s’applique au président, au président directeur général et au directeur général dans les sociétés à conseil d’administration, au président du directoire et au directeur général unique dans les sociétés à directoire et conseil de surveillance, enfin aux gérants dans les sociétés en commandite par actions.
La mesure que nous proposons peut évidemment paraître particulièrement sévère, mais elle ne fait que reprendre les termes actuels de la jurisprudence en vigueur, la plupart des dirigeants de nos grandes entreprises ayant cessé d’avoir un lien salarial avec l’entreprise qu’ils dirigent.
C’est une bonne chose pour l’entreprise et son devenir que des administrateurs émergent de par leurs qualités au sein des cadres, des ingénieurs ou, plus généralement, des salariés, notamment lorsqu’on poursuit un objectif de diversité du conseil d’administration ou de la structure en tenant lieu. Qu’ils ne soient pas tous investis des fonctions de direction est également assez logique, eu égard aux principes retenus quant à la composition minimale et maximale des organes dirigeants d’entreprise.
La fonction de mandataire social est à la fois gratifiante et utile pour la société dans son ensemble. Quand il n’y a plus de lien de subordination entre un individu et une entité, l’intérêt et l’attachement que cet individu peut manifester à l’endroit de la remarquable construction que représente l’entreprise ne peuvent être que fondés sur la préoccupation de la pérennité de la structure. C’est ce mélange complexe entre implication personnelle et regard extérieur, critique à l’endroit de l’entreprise comme de soi-même, qui fait la qualité des mandataires sociaux efficaces.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons, mes chers collègues, que, après sa nomination, le président du conseil d’administration en fonctions ne puisse pas conclure un contrat de travail avec la société ou l’une de ses filiales.
M. le président. L'amendement n° 1183, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 225-252 est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-252. – Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l’article L. 225-120, soit en se regroupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, intenter l’action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu’ils ont subi personnellement. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement, comme le précédent, vise à reprendre l’intéressante proposition de loi déposée par nos collègues socialistes à l’automne 2008, laquelle mettait en cause les conditions générales de fonctionnement des organes de gestion des entreprises privées, notamment des entreprises cotées.
La question de la représentation des intérêts minoritaires est essentielle en matière de démocratie actionnariale. À la vérité, la possibilité de former une action de groupe par des actionnaires minoritaires à l’endroit d’une décision qui ne correspondrait pas à leur attente ou à leur conception générale de l’entreprise nous semble assez intéressante pour faire, de nouveau, l’objet d’un examen législatif.
À ce stade de la réflexion, je souligne que le rapport ne décrivait que de manière assez succincte les dispositions de ladite proposition de loi.
Je rappelle que le rapporteur de la commission des lois avait alors considéré qu’il était souhaitable qu’une période de quelques mois soit laissée aux sociétés cotées pour se mettre en conformité avec le code AFEP-MEDEF.
Par cet amendement, nous proposons d’inscrire dans la loi les règles à mettre en œuvre. Lors de l’examen de la proposition de loi socialiste, le cours boursier de nombreuses entreprises continuait de chuter, et aucune disposition ne semblait devoir remettre en cause les logiques de gestion de nombreuses entreprises. Le rapporteur nous avait alors invités à renoncer à exercer notre pouvoir de législateur.
Aujourd'hui, nous appuyant sur cette proposition de loi, il nous semble temps de légiférer sur ces questions. Nous proposons donc que « les actionnaires [puissent], soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l’article L. 225-120, soit en se regroupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, intenter l’action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le problème des retraites chapeaux a déjà fait l’objet de débats à plusieurs reprises. La commission a d’ailleurs déjà rejeté un amendement identique à l’amendement n° 1179 rectifié.
À titre d’information, je rappelle que moins de 16 % des 200 000 personnes percevant aujourd’hui une retraite chapeau bénéficient d’une pension annuelle d’un montant supérieur à 5 000 euros et que moins de cinquante personnes touchent plus de 300 000 euros par an.
Contrairement aux idées reçues, la très grande majorité des retraites chapeaux sont d’un montant limité, de l’ordre de quelques centaines d’euros par mois. Il n’est donc pas souhaitable de les taxer davantage ; le produit d’une telle taxe serait d’ailleurs limité.
Les parachutes dorés ne font pas l’objet du texte en discussion.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 1179 rectifié.
L’amendement n° 1184 rectifié est lui aussi identique à un amendement que la commission a déjà rejeté. Il vise à rappeler un principe existant déjà en droit des sociétés : un mandataire social ne peut conclure un contrat de travail avec la société, sauf à en être salarié avant sa nomination au conseil d’administration.
Une seule entorse, que l’on peut certes contester, a été prévue pour les PME dans la dernière loi Warsmann. Son objectif était de rendre plus attractifs les mandats d’administrateur dans les petites sociétés, afin de leur permettre de recruter des administrateurs de qualité en les salariant aussi comme cadres dans l’entreprise.
En l’état actuel du droit, un administrateur ne peut donc pas conclure un contrat de travail avec la société, sauf dans les PME.
Cet amendement étant largement satisfait par le droit en vigueur, la commission émet un avis défavorable.
J’en viens à votre amendement, madame Bricq. Vous admettrez, chère collègue, que la commission spéciale n’a pas trituré le texte. Elle a apporté un certain nombre de clarifications – en tout cas, elles lui sont apparues comme telles, c’est une question d’appréciation ! – tout en respectant parfaitement l’esprit qui sous-tend ce projet de loi.
L’essentiel de votre amendement est donc satisfait par les modifications que nous avons apportées.
Mme Nicole Bricq. Non !
M. François Pillet, corapporteur. Je comprends que nous ne soyons pas entièrement d’accord sur ce sujet. Mais chacun appréciera, car, sur le fond, il n’y a pas de problème majeur.
Enfin, le texte de la commission me semble beaucoup plus lisible concernant les modalités d’entrée en vigueur. Il prévoit en effet une entrée en vigueur globale au 1er janvier 2016, soit au début d’un nouvel exercice plutôt qu’en cours d’année.
En effet, le mode de calcul des retraites chapeaux se fait par exercice, et l’intervention du conseil doit se faire avant l’assemblée générale ordinaire, qui a lieu avant le 30 juin.
Je propose donc d’en rester au texte de la commission, sans craindre les foudres exceptionnelles de M. le ministre ! (Sourires.)
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 256 rectifié.
La commission a déjà rejeté un amendement identique à l’amendement n° 1180. Il existe une législation précise sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux des sociétés anonymes, laquelle prévoit l’intervention des actionnaires et pas seulement celle du conseil d’administration. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable sur cet amendement.
De même, la commission a également déjà rejeté un amendement identique à l’amendement n° 1181, lequel est d’ailleurs déjà satisfait par les obligations actuelles d’information sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux prévues aux articles L. 225-40, L. 225-42-1 et L. 225-102-1 du code de commerce. La commission émet donc là encore un avis défavorable sur cet amendement.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 1182, identique à un amendement qu’elle a déjà rejeté. Comme le précédent, cet amendement est déjà largement satisfait par les obligations actuelles d’information sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux, qui se sont d’ailleurs beaucoup développées au cours de ces dernières années.
L’amendement n° 1185 rectifié, qui tend à reprendre la même idée que celle de l’amendement n° 1184 rectifié relatif à tous les administrateurs, est lui aussi identique à un amendement ayant déjà été rejeté par la commission. Le président du conseil d’administration est lui aussi, par définition, administrateur. L’adoption de cet amendement pourrait conduire à un risque d’a contrario : les simples administrateurs pourraient conclure un contrat de travail après leur nomination, ce qui est contraire à ce que vous souhaitez. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens au dernier amendement, l’amendement n° 1183. La commission a déjà débattu de cette question. D’ailleurs, en matière de responsabilité, nous avons parlé précédemment de l’application du droit commun, qui permet de mettre en cause la responsabilité des mandataires sociaux au titre de leurs décisions pour le préjudice subi par un actionnaire, et pas seulement pour un préjudice causé par la société. Je crois me souvenir qu’un tiers peut également rechercher la responsabilité d’un mandataire social.
En droit boursier, ce type d’action en responsabilité peut donc être engagé.
En outre, je rappelle que l’assemblée générale des actionnaires peut révoquer un administrateur et qu’une résolution de révocation peut être déposée par des actionnaires représentant au moins 5 % du capital.
Aussi, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement. Je n’ai pas été très généreux… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je serai un tantinet plus généreux que M. le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
M. Marc Daunis. Comme souvent !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne reprendrai pas les arguments développés par M. le rapporteur, le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 1179 rectifié.
La logique n’est pas de taxer les retraites chapeaux. Nombreuses sont les majorités ayant cédé à cette tentation, laquelle a pénalisé nombre de bénéficiaires de retraites dites « supplémentaires » alors même qu’ils y contribuaient.
Il convient de faire une distinction entre les mandataires sociaux, qui perçoivent des retraites chapeaux sans avoir jamais contribué à leur financement – ce texte vise à les encadrer en termes de vitesse d’accumulation des droits, de montant et de performance –, et les personnes bénéficiant de retraites supplémentaires auxquelles elles ont contribué. Il est normal que ces dernières touchent les retraites auxquelles elles ont contribué au moyen d’un mécanisme assurantiel classique.
Tous les cas que vous avez cités précédemment, monsieur le sénateur, relèvent de la première logique. On peut considérer qu’il s’agit d’un revenu différé, voire d’une rente, et c’est précisément ces revenus que nous voulons encadrer. Mais la taxation indifférenciée ne me paraît pas être une bonne mesure.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 1184 rectifié, car il est déjà satisfait : le droit actuel issu du code de commerce et de la jurisprudence prévoit déjà l’interdiction pour les administrateurs d’une société de conclure postérieurement à leur nomination un contrat de travail avec cette même société.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1751.
Il est également favorable à l’amendement n° 256 rectifié, qui vise à clarifier les dispositions relatives à l’encadrement des retraites chapeaux des dirigeants. Il tend à préciser que les dispositions s’appliquent à tout engagement de retraite pris par l’entreprise au bénéfice d’un mandataire à compter du 1er juillet 2015 et que le régime s’appliquera à tous les engagements de retraite bénéficiant à un dirigeant qui serait nommé ou renouvelé à compter du 1er juillet 2015.
En outre, il vise à clarifier le montant de référence. En effet, en fonction de la date de référence, il peut y avoir une ambiguïté sur la règle des 3 %. Certains petits joueurs pourraient optimiser le système mis en place ! C’est pourquoi ces clarifications me semblent utiles.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1180 tendant à soumettre la rémunération du président du conseil d’administration et celle du directeur général à la procédure des conventions réglementées, en prévoyant, en outre, un avis conforme du comité d’entreprise et de l’assemblée générale en cas d’augmentation substantielle de la rémunération.
Je partage la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, mais le dispositif proposé soulève plusieurs difficultés.
D’abord, cet amendement ne me semble pas tout à fait cohérent. Outre le fait qu’il concerne seulement les sociétés à conseil d’administration – cela ne correspond pas à la totalité des sociétés ! –, il est redondant dans la mesure où le code de commerce prévoit déjà que la rémunération des dirigeants est validée par le conseil d’administration.
Ensuite, le champ d’application de l’amendement proposé, en ce qu’il prévoit la validation par l’assemblée générale de la rémunération des dirigeants, paraît excessivement large puisqu’il couvre l’ensemble des sociétés par actions, quelle que soit leur taille, y compris les PME et les ETI, alors même que les excès en matière de rémunération sont, dans l’immense majorité des cas, circonscrits à certaines grandes entreprises. Il me semble donc que les exigences ne sont pas parfaitement proportionnées.
Enfin, le fameux principe dit du « say on pay », c'est-à-dire du vote des actionnaires sur la rémunération du dirigeant, déjà prévu depuis 2013 par le code de gouvernance d’entreprise de l’AFEP et du MEDEF, pour les sociétés du SBF 120, est actuellement discuté à Bruxelles, dans le cadre de la négociation de la directive sur les droits des actionnaires.
Il est donc préférable d’attendre les conclusions de cette discussion afin de connaître les détails de cette nouvelle obligation en vue de transposer cette directive sans complexité excessive.
L’amendement n° 1181 me semble satisfait dans la mesure où il vise à inclure dans le rapport établi par le commissaire aux comptes sur les conventions réglementées en application de l’article L. 225-40 du code de commerce une information sur la rémunération fixe et variable du président du conseil d’administration et du directeur général.
Or le code de commerce prévoit que cette information figure dans le rapport de gestion. L’article L. 225-102-1 du code de commerce précise ainsi que ce rapport rend compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature qui sont versés aux dirigeants mandataires sociaux en distinguant la part fixe et la part variable.
Par ailleurs, je partage la préoccupation des auteurs de l’amendement n° 1182, qui s’appuie en grande partie sur la proposition de loi déposée en 2008 par Mme Bricq. Celui-ci tend à prévoir qu’un rapport sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise sera soumis à l’approbation des actionnaires.
Cependant, le dispositif proposé soulève plusieurs difficultés.
Tout d’abord, il comporte un ensemble d’éléments redondants avec le droit existant. Comme je l’ai rappelé, des informations sur la rémunération des dirigeants figurent déjà dans le rapport de gestion.
Ensuite, s’il était adopté, cet amendement entraînerait automatiquement la création d’un comité des rémunérations dans l’ensemble des sociétés et la validation systématique du rapport proposé par l’assemblée générale des actionnaires. Une telle disposition paraît disproportionnée par rapport à l’objectif recherché puisqu’elle s’appliquerait à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, aux PME comme aux ETI.
Je ne reviendrai pas sur l’argument déjà évoqué sur le « say and pay ».
Compte tenu de ces réserves, je prie les auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 1185 rectifié visant à interdire au président du conseil d’administration d’une société de conclure avec elle un contrat de travail après sa nomination me semble déjà satisfait.
Enfin, l’amendement n° 1183, qui tend à modifier le régime de responsabilité des administrateurs résultant de l’article L. 225–252 du code de commerce en prévoyant un recours collectif des actionnaires pour la réparation de leurs préjudices individuels, soulève également plusieurs difficultés juridiques déjà mentionnées.
Il tend à modifier le régime de l’action sociale des actionnaires visant à obtenir la réparation du préjudice subi par la société et à étendre le champ de l’action de groupe aux préjudices individuels subis par les actionnaires, ce qui apparaît prématuré. Il faudrait en effet au préalable effectuer le bilan de l’application de l’action de groupe dans les domaines prévus dans la loi relative à la consommation. Or cette voie de recours n’existe que depuis 2014.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 256 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 1180.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 64 bis, modifié.
(L'article 64 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 64 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 266 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
L’amendement n° 280 rectifié est présenté par Mme Lamure, MM. Calvet, Grand, Adnot, César, Kennel, Lefèvre, D. Laurent, Sido, Husson et P. Leroy, Mme Primas et MM. Houel, G. Bailly, Laménie et Gremillet
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 64 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce est complétée par un article L. 233-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 233-5-… .- Sans préjudice des actions sociales et individuelles en responsabilité mentionnées aux articles L. 223-22, L. 225-252 et L. 225-256 du présent code, les associés ou actionnaires, personnes physiques ou morales, qui seuls ou de concert, directement ou indirectement, contrôlent une société dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé, et qui conduisent ou contraignent, directement ou indirectement, cette société à une action ou une omission contraire à ses intérêts propres, commettent un abus de majorité. Ils sont tenus de réparer le dommage qui en résulte pour la société, au plus tard à la fin de l’exercice suivant celui au cours duquel ce dommage est survenu.
« À défaut, ils doivent proposer aux autres associés ou actionnaires, dans un délai de trente jours courant à compter de la fin dudit exercice, d’acquérir la totalité de leurs titres pour une valeur déterminée par un expert désigné soit par les parties, soit, à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal compétent statuant en la forme des référés et sans recours possible. Pour les besoins de son évaluation, l’expert doit se placer immédiatement avant la survenance du dommage.
« Les autres associés ou actionnaires, bénéficiaires de l’obligation d’achat visée au second alinéa peuvent en poursuivre l’exécution forcée. »
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 266 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Au cours des travaux de la commission spéciale, le rapporteur a souhaité compléter le chapitre du présent projet de loi relatif à la facilitation de la vie des entreprises en introduisant une disposition qui protège les actionnaires minoritaires de PME non cotées contre le risque d’abus de majorité.
En effet, il arrive trop fréquemment qu’une PME prenne des décisions contraires à ses intérêts sous la contrainte notamment d’un grand groupe qui la contrôle, au risque de limiter son développement, voire de mettre en danger son existence.
Pour notre part, nous souhaitons protéger les PME, qui sont des lieux privilégiés d’innovation et d’emploi propres à dissuader les formes de prédation économique, et réduire la différence de traitement entre ces entreprises et les sociétés cotées.
Fidèle à l’esprit du présent texte, les dispositions que nous proposons permettraient de combler, si elles étaient adoptées, une lacune du droit existant, de préserver nos PME et de favoriser le développement d’un tissu d’ETI mieux préparé pour affronter la concurrence internationale.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 280 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement identique est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. François Pillet, corapporteur. Ces deux amendements ont déjà été rejetés par la commission. Ils visent à intégrer dans le code de commerce la notion jurisprudentielle, bien connue en droit des sociétés, d’abus de majorité dans le cas où les actionnaires prennent une décision contraire à l’intérêt de la société.
Introduire cette notion dans la loi ne me paraît guère utile, car il sera de toute façon nécessaire de saisir le juge pour faire constater un tel abus.
Par ailleurs, ces amendements créeraient des discordances juridiques. D’une part, ils ne concernent que les sociétés non cotées alors que l’abus de majorité intéresse également les sociétés cotées. D’autre part, ils n’intègrent pas la notion d’abus de minorité en cas de détention d’une minorité de blocage, alors qu’elle existe tout autant.
De plus, ces amendements ne caractérisent pas correctement la notion de majorité d’un point de vue juridique : la notion de contrôle par des actionnaires qui y figure ne correspond pas juridiquement à celle qui est définie dans l’article L. 233-3 du code de commerce.
Par conséquent, l’abus de majorité tel qu’il apparaît dans ces amendements risque de perturber et de fragiliser la jurisprudence en vigueur.
Un abus de majorité engage bien sûr la responsabilité des actionnaires concernés en application du droit général de la responsabilité, sans qu’il soit besoin de le préciser.
L’apport de l’amendement réside en réalité dans l’idée que les actionnaires qui commettraient un abus de majorité devraient racheter, dans un délai donné, les titres des autres actionnaires si leur responsabilité n’est pas recherchée au titre de l’abus de majorité, ce qui suppose implicitement que le juge ne soit pas saisi. Ce dispositif ne peut donc pas fonctionner puisque seul un juge pourrait, le cas échéant, constater l’abus. Les actionnaires à l’origine de l’abus ne le reconnaîtront évidemment pas d’eux-mêmes, rendant de ce fait inopérant le dispositif concernant le rachat des autres titres.
Sur le fond, les amendements visent à résoudre des difficultés – que certains cas particuliers ont pu mettre en lumière, d’où les critères retenus – résultant du financement insuffisant des PME françaises. Ces dernières sont souvent acculées à demander à de grandes entreprises d’entrer dans leur capital et d’accompagner leur développement, faute d’outils de financement suffisants en fonds propres. Elles acceptent alors souvent de passer sous leur contrôle, parfois à leur détriment. Pour autant, si une société accepte l’entrée d’une autre société à son capital, elle ne peut pas ignorer la volonté de ses actionnaires.
En conclusion, je doute que l’artifice du droit des sociétés que proposent les auteurs de ces deux amendements, a fortiori s’il est inopérant comme je le crains, puisse résoudre les difficultés de financement du tissu des PME françaises.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 266 rectifié et 280 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 325, présenté par MM. Joyandet et Charon, Mme Gruny, MM. Houpert et Raison et Mme Troendlé, est ainsi libellé :
Après l’article 64 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1 du I de l’article 244 quater F du code général des impôts est complété par les mots : « , collaborateurs libéraux et gérants non-salariés ».
II. – Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.
IV. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Le crédit d’impôt famille bénéficie actuellement uniquement aux entreprises qui ont des salariés. Les professions libérales et les gérants non-salariés ne peuvent y prétendre qu’à la condition que leur entreprise emploie des salariés en bénéficiant également.
Étrangement, ce dispositif écarte donc de nombreuses entreprises n’ayant pas de salariés, comme les professions libérales évidemment, mais aussi les gérants non-salariés, les entreprises individuelles, les artisans et les auto-entrepreneurs.
Le présent amendement vise donc à mettre fin à cette discrimination et à faciliter la vie des entreprises. Il est en effet injuste que l’accès des enfants aux structures d’accueil soit différent selon le statut professionnel de leurs parents. Exclure les artisans ou les créateurs d’entreprises, n’est-ce pas créer un système pour les grands groupes et exclure les petites structures ? Un créateur d’entreprise, quand il se lance, n’a-t-il pas plus besoin que les autres d’un peu de stabilité dans son organisation familiale ? Un imprévu de garde d’enfant ne perturbe-t-il pas la journée de travail d’une personne exerçant une profession libérale ?
Je précise également qu’une telle mesure n’entraînera aucun coût supplémentaire pour l’État, car le nombre de places dans les crèches inter-entreprises est limité. Elle permettra même de réaliser des économies, car les places non pourvues dans les crèches inter-entreprises pourront être financées par des entreprises individuelles. Des places dans de tels établissements coûtent évidemment moins cher que dans des crèches municipales, lesquelles sont entièrement financées par des fonds publics.
Cet amendement suscite une forte attente. Je pense à toutes celles et à tous ceux qui sont au chômage et qui souhaiteraient rejoindre le monde du travail, aux personnes, en particulier les femmes, qui veulent créer leur propre activité, sous le statut d’auto-entrepreneur ou sous toute autre forme, et qui n’ont pas de salarié. Ces personnes doivent avoir accès aux crèches, au même titre que les salariés ou les autres formes d’entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice du crédit d’impôt famille aux entreprises qui assurent un service de crèche pour les enfants à destination de leurs collaborateurs libéraux ou de leurs gérants non-salariés.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui tend à favoriser le développement des crèches d’entreprise pour un coût budgétaire limité.
Le crédit d’impôt famille est un crédit d’impôt à destination des entreprises. Il correspond à 50 % des dépenses réalisées par l’entreprise en vue de l’accueil direct des enfants de leurs salariés de moins de trois ans, ou à 25 % des aides de l’entreprise en vue de l’accueil des enfants à l’extérieur. Son coût est évalué à 70 millions d’euros pour 2015.
Cependant, l’assiette de ce crédit d’impôt est actuellement limitée.
Compte tenu de la dépense fiscale actuelle et du caractère limité de l’ouverture proposée, le coût de la mesure proposée ne devrait pas dépasser quelques millions d’euros.
En revanche, elle pourrait permettre de favoriser le développement des crèches d’entreprise ou des aides à l’accueil par des assistants maternels ou des crèches extérieures. Cela est d’autant plus justifié que les horaires de travail dans les petites entreprises et dans les sociétés libérales rendent nécessaire une prise en charge des enfants de l’ensemble des collaborateurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends votre objectif, monsieur le sénateur. Tel que vous l’avez présenté, votre amendement relève du bon sens. Du reste, il est difficile de s’opposer à ses présupposés.
Je ferai néanmoins trois objections.
Premièrement, le crédit d’impôt famille a été adopté dans la loi de finances de 2004 afin d’inciter les entreprises à prendre des mesures en faveur de leurs salariés. Je rappelle qu’il a été admis, par mesure de tolérance, que les dépenses engagées par une entreprise ayant pour objet de financer la création et le fonctionnement d’établissements destinés à assurer l’accueil des enfants de moins de trois ans de son personnel salarié, titulaire d’un contrat de travail, sont éligibles au crédit d’impôt, quand bien même ces établissements accueilleraient également les enfants du personnel non-salarié de l’entreprise, en particulier les gérants salariés ou les professions libérales.
Deuxièmement, contrairement à ce que vous avez dit, cette mesure aura évidemment un coût et représenterait une dépense publique que le Gouvernement n’a pas encore évaluée. Une telle mesure aurait en effet un caractère incitatif et permettrait aux entreprises qui ne sont pas aujourd’hui éligibles au crédit d’impôt famille d’en bénéficier. J’émets donc une réserve sur cet amendement pour cette raison.
Troisièmement, la réforme que vous proposez suppose évidemment une discussion préalable avec l’ensemble des parties prenantes concernées, notamment les différents acteurs participant au financement de ces crèches.
Ce type de mesures doit en effet s’inscrire dans une politique globale d’accueil des très jeunes enfants. Elle doit ainsi tenir compte des modalités de financement des places en crèches, qu’elles soient publiques ou privées. À cet égard, vous savez sans nul doute que la branche famille de la sécurité sociale reste l’un des principaux contributeurs au financement des crèches. Il s’agit de deniers publics.
Pour toutes ces raisons, bien qu’il soit nécessaire de traiter ce sujet, et même si je partage l’objectif qui est le vôtre, monsieur le sénateur, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Je tiens beaucoup à cet amendement, dont l’adoption me paraît nécessaire au moment où nous nous efforçons de soutenir nos TPE et nos PME et alors que ceux qui s’engagent, le plus souvent seuls, dans la création d’entreprise, en particulier les femmes, rencontrent un certain nombre de problèmes sociaux.
Monsieur le ministre, si j’ai expliqué que l’extension du crédit d’impôt famille aux professions libérales et aux gérants non-salariés aurait un coût nul, c’est parce que le nombre de places est aujourd’hui limité et qu’on ne construira pas du jour au lendemain des places supplémentaires. À la vérité, il s’agit seulement de rendre l’accès à ces places équitable, afin que les entrepreneurs qui n’ont pas de salarié ne soient plus pénalisés par rapport à ceux qui en ont un ou deux.
De très nombreuses petites entreprises attendent cette mesure de bon sens et d’équité, destinée seulement à mettre fin à une discrimination dont on ne comprend pas très bien qu’elle n’ait pas été corrigée d’emblée, lorsque ce crédit d’impôt a été instauré.
J’invite donc résolument le Sénat à adopter cet amendement cosigné par plusieurs de nos collègues, dont Mme Gruny ici présente, et auquel la commission spéciale s’est déclarée favorable, ce dont je la remercie. Je remercie également M. le ministre qui, s’il a émis une réserve de forme, n’a pas contesté le bien-fondé de notre amendement.
M. Jean Desessard. Il a aussi parlé de son coût !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64 bis.
L'amendement n° 473, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 64 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les infractions définies aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à prévenir la fraude et l’optimisation fiscales, qui coûtent à la France entre 60 et 80 milliards d’euros chaque année.
L’optimisation fiscale est le fait de grandes entreprises, mais aussi de cabinets de conseil réalisant des montages complexes en vue de permettre à des particuliers ou à de petites et moyennes entreprises de placer leur argent dans des paradis fiscaux.
Sur internet, voire par démarchage téléphonique, de nombreuses entreprises proposent des solutions pour payer moins d’impôts. Ces encarts publicitaires et ces sollicitations ont aujourd’hui tendance à se multiplier. On ne voit pas encore de publicité dans les stades, mais cela viendra peut-être, d’autant que certains sportifs professionnels en profiteraient volontiers… Il est vrai qu’ils ont déjà leurs canaux !
Nous estimons que le législateur doit durcir les sanctions contre les auteurs de publicités incitant à la fraude, ainsi qu’il l’a fait pour les fraudeurs eux-mêmes à la faveur de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
Certes, l’optimisation n’est pas la fraude.
M. François Pillet, corapporteur. Exactement !
M. Jean Desessard. Reste que la frontière est ténue, et que nous devons veiller à son étanchéité en renforçant les sanctions.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il me semble que la frontière est très nette.
M. Jean Desessard. Dans cet esprit, nous proposons que l’incitation à la fraude fiscale soit punie de la même peine que l’incitation à attenter à la vie ou à commettre des vols ou des destructions, soit cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
La sanction doit être dissuasive si nous voulons qu’elle soit suivie d’effets !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale a rejeté cet amendement.
L’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime l’incitation aux atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité des personnes et de leurs biens ; il punit cette infraction de cinq ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Prévoir une peine similaire pour l’incitation à la fraude fiscale, qui à l’évidence ne se situe pas sur le même plan, soulève un problème de proportionnalité.
Par ailleurs, la disposition proposée par M. Desessard n’a peut-être pas sa place dans le présent projet de loi, nonobstant l’éclectisme de celui-ci.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de l’amendement n° 473 ; s’il est maintenu, j’y serai défavorable.
Réfléchir à l’instauration d’un délit de ce type n’est pas illégitime, mais suppose de préciser la définition de la fraude fiscale, qui, contrairement à l’optimisation fiscale, est hors-la-loi. Il convient également de veiller à la proportionnalité de la peine prévue. Il est vrai que, depuis quelque temps, la proportionnalité des peines est largement mise à mal par notre code pénal ; c’est pourquoi les membres de la commission des lois répètent régulièrement qu’il faudra très rapidement réétudier l’échelle des peines pour restaurer leur proportionnalité globale, qui a été perdue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 473 est retiré.
L'amendement n° 731 rectifié, présenté par Mme Imbert, MM. D. Laurent, Trillard, Mouiller, Vasselle, Pellevat, Milon et Vogel, Mmes Morhet-Richaud et Procaccia, MM. Husson, Morisset, Mandelli, Lefèvre et Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 64 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 931-14-1 du code de la sécurité́ sociale est ainsi rédigé́ :
« Art. L. 931-14-1. – Sont exemptées des obligations mentionnées à l’article L. 823-19 du code de commerce :
« 1° Les personnes et entités contrôlées au sens de l’article L. 233-16 du même code lorsque la personne ou l’entité́ qui les contrôle s’est volontairement dotée d’un comité spécialisé au sens et selon les modalités de l’article L. 823-19 dudit code ;
« 2° Les personnes et entités liées à un organisme de référence au sens du 1° de l’article L. 933-2 lorsque l’organisme de référence est lui-même soumis à ces obligations ou s’est volontairement doté d’un comité spécialisé au sens et selon les modalités de l’article L. 823-19 du code de commerce. »
II. – L’article L. 212-3-1 du code de la mutualité est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-3-1. –Sont exemptées des obligations mentionnées à l’article L. 823-19 du code de commerce :
« 1° Les personnes et entités contrôlées au sens de l’article L. 233-16 du même code lorsque la personne ou l’entité qui les contrôle s’est volontairement dotée d’un comité spécialisé au sens et selon les modalités de l’article L. 823-19 dudit code ;
« 2° Les personnes et entités liées à un organisme de référence au sens du 1° de l’article L. 212-7-1 lorsque l’organisme de référence est lui-même soumis à ces obligations ou s’est volontairement doté d’un comité spécialisé au sens et selon les modalités de l’article L. 823-19 du code de commerce. »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à harmoniser les rédactions du code de la sécurité sociale, du code de la mutualité et du code des assurances en ce qui concerne le comité d’audit que l’ordonnance du 8 décembre 2008 a rendu obligatoire pour les entreprises d’assurance, les mutuelles régies par le code de la mutualité et les institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale.
Cette ordonnance prévoit que le conseil d’administration d’une entreprise d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance n’est pas tenu de mettre en place un comité d’audit dès lors que celle-ci appartient à un groupe dont l’entité de tête s’est dotée d’un tel comité en application d’une obligation légale.
La loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière prévoit que, si une entité de tête se dote volontairement d’un comité d’audit en respectant les conditions prévues par le code de commerce, une entreprise d’assurance contrôlée par cette entité n’est pas tenue de constituer elle aussi un tel comité.
Or si le code des assurances a été aménagé en ce sens, le code de la sécurité sociale et le code de la mutualité ne l’ont pas été en 2010. L’objet du présent amendement est de procéder à l’harmonisation nécessaire en prévoyant le cas où une entité de tête contrôlant des mutuelles ou des institutions de prévoyance se dote volontairement d’un comité d’audit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à réparer un oubli de la loi du 22 octobre 2010. Comme souvent lorsque des dispositions sont prises relativement à l’organisation des entreprises d’assurance, il y a lieu de prendre des dispositions similaires pour les mutuelles, ce qui n’a pas été fait à l’époque. L’avis de la commission spéciale est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64 bis.
L'amendement n° 826 rectifié bis n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1492 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 64 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 48-824 du 14 mai 1948, réglementant l’emploi de la dénomination de qualité « fait main » et l’emploi de l’expression « bottier » dans l’industrie et le commerce est abrogée.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans un premier temps, la commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, mais nous avons ensuite tenu à nous renseigner sur les réalités de terrain. Or les témoignages des professionnels que nous avons consultés nuancent fortement les indications du Gouvernement.
En effet, les méthodes de fabrication décrites par la loi du 14 mai 1948 réglementant l’emploi de la dénomination de qualité « fait main » et l’emploi de l’expression « bottier » dans l’industrie et le commerce semblent n’être en aucun cas périmées ou désuètes ; au contraire, elles correspondraient parfaitement aux procédés de fabrication utilisés par nos plus prestigieux fabricants. Mieux encore : ces techniques susciteraient aujourd’hui un regain d’engouement, en particulier auprès des jeunes en formation.
De plus, l’abrogation proposée par le Gouvernement ne semble pas justifiée par un inconvénient économique bien identifié.
Il semble en réalité que l’un des bureaux de la Commission européenne ait exprimé un doute juridique sur la législation de 1948.
M. Jean Desessard. Et voilà !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Dans cette hypothèse, il serait préférable de faire valoir les arguments que je viens d’exposer pour démontrer que cette loi est tout le contraire d’un frein à l’activité. Il serait dommage de céder sans combattre en qualifiant de désuète une méthode de fabrication bien vivante, ainsi que le fait le Gouvernement dans l’objet de son amendement.
Compte tenu de ces observations, je souligne à titre personnel qu’un très sérieux doute entoure le bien-fondé de cet amendement. En ce qui me concerne, je ne voterai pas l’abrogation d’une loi à la fois opérationnelle et mobilisatrice, qui marque la reconnaissance du législateur pour toute une profession qui y est particulièrement attachée ! (M. le ministre rit.)
M. Marc Daunis. Voilà un argumentaire « fait main » ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’appuie la position de Mme la rapporteur, qui nous a expliqué que l’abrogation de la loi du 14 mai 1948 visait à satisfaire une demande européenne.
Pourquoi donc un écologiste s’intéresse-t-il à cette question ? Parce que, pour lui, notre avenir économique passe par des produits et des services de qualité non seulement dans l’alimentaire, mais dans tous les secteurs. Nous ne nous en sortirons jamais en fabriquant des produits bas de gamme à faible coût !
La qualité est pour notre économie un ressort de développement d’autant plus puissant qu’elle est associée à l’image de la France dans le monde, qui est très bonne dans les domaines du luxe et de l’élégance. Quel pays peut-il prétendre que ses produits ont une meilleure image que les nôtres dans ces domaines ? À nous, mes chers collègues, de cultiver cette image en privilégiant des produits d’une qualité certifiée !
Comme Mme la rapporteur, j’ai voulu prendre des renseignements. Je me suis donc intéressé à la maison Berluti. (Exclamations amusées.)
M. Jean-Pierre Grand. Vous vous êtes souvenu de Roland Dumas !
M. Jean Desessard. Je vois que certains de nos collègues jettent un œil sur mes chaussures… Je ne porte pas de Berluti et, soyez tranquilles, je n’en porterai pas davantage dans les mois qui viennent. Pas de cadeau ! (Sourires.)
On lit dans l’objet de l’amendement du Gouvernement que la fabrication des chaussures « nécessite systématiquement le recours à des machines ». Or une brochure de Berluti que j’ai sous les yeux prouve que cela est faux. On y trouve décrite la fabrication de chaussures assemblées à la main et personnalisées. On apprend ainsi que c’est dans une pièce en bois de charme, un bois dur et dense, que le formier sculpte progressivement la forme du soulier avec son paroir, une forme ensuite affinée à la râpe ou au papier de verre ; que le patronnier recouvre la forme d’une toile adhésive sur laquelle il dessine le modèle ; que cette toile adhésive est ensuite décollée, avant que le modèle ne soit reproduit sur un patron en carton.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous pourriez peut-être abréger !
M. Jean Desessard. La brochure indique que c’est de ce patron que le coupeur découpe au trancher les pièces de cuir. Je vous fais grâce, mes chers collègues, de l’essayage. (Sourires.)
M. Marc Daunis. Dommage !
M. Jean Desessard. Vient ensuite le montage, au cours duquel le monteur et le bottier assemblent les pièces à la main sur la forme en bois. Je ne dirai rien de la patine et de la livraison, mais vous constatez, mes chers collègues, qu’il n’est à aucun moment question d’une machine. Voilà une entreprise française où tout est fait à la main !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurais préféré vous faire grâce d’une longue tirade sur les bottiers, mais vous n’avez pas résisté au plaisir de la provoquer… (Sourires.)
La description que M. Desessard vient de faire illustre le caractère particulièrement contraignant de la loi du 14 mai 1948, dont le Gouvernement propose l’abrogation. Tel qu’il y est défini, le « fait main » suppose que l’intégralité de la fabrication soit assurée à la main et interdit le recours au moindre instrument d’automatisation, à quelque stade de la chaîne que ce soit.
Si le Gouvernement vous propose cette mesure de simplification, c’est non pas pour faire de la moins bonne qualité, mais parce que, contrairement à Berluti, de nombreux artisans seront exclus de cette certification, faute d’avoir les moyens de suivre un processus aussi luxueux et de pouvoir vendre des chaussures aussi coûteuses.
Or la définition du « fait main » n’est pas aussi contraignante dans les autres pays européens. Ainsi, en Italie, le « fatto a mano » permet à de nombreux bottiers italiens de suivre un processus dont une partie n’est pas totalement assurée à la main, contrairement à ce qui se passe pour les souliers de Berluti, dont il ne vous aura pas échappé qu’ils ne sont pas les meilleurs marché. Une telle définition permet de qualifier de « faites à la main » des chaussures d’un prix raisonnable qui ne sont pas en totalité fabriquées à la main.
Je ne vous cache pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que la disposition proposée par le Gouvernement ne me paraît pas être la plus importante du projet de loi.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est aussi mon avis !
M. Emmanuel Macron, ministre. Quelle que soit votre décision, donc, tout ira bien. Reste que, sentant une forme de suspicion monter, j’ai tenu à clarifier les intentions du Gouvernement.
La loi de 1948, par son degré d’exigence, est mieux-disante que la plupart des législations en vigueur chez nos voisins. De fait, elle a pour effet d’exclure beaucoup d’acteurs du marché, à leur fermer celui-ci ; c’est la raison pour laquelle elle nous est apparue excessive.
J’ignore qui parmi vous a été sondé, mais dans ces affaires, les intérêts sont toujours croisés. Je ne veux pas viser Berluti en particulier, car je ne suis pas en capacité de savoir s’ils ont intérêt à maintenir la législation en l’état, mais puisque vous avez cité cette marque, monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que le propre des « surrégulations » ou des régulations très protectrices quelque peu obsolètes, à l’image de la loi de 1948, qui est extrêmement exigeante – mais on peut trouver d’autres exemples dans le présent projet de loi –, c’est que certains ont intérêt à ce qu’elles soient préservées parce qu’elles excluent d’autres acteurs du marché.
Adapter raisonnablement ces règles, donner des droits à quelques autres, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Il faut toujours se demander à qui profite le maintien de législations anciennes excessivement exigeantes ; en l’espèce, je l’ignore.
Pour les bottiers, il ne me paraît pas excessif de considérer que l’appellation « fait main » puisse autoriser dans le processus de fabrication le recours à la machine, ce que ne permet pas la loi de 1948.
Je tenais à préciser la portée de cet amendement du Gouvernement. Ensuite, advienne que pourra ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 1494 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 64 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 221-3, les mots : « , pris après avis de la commission prévue à l’article L. 534-4 » sont supprimés ;
2° À la première phrase de l’article L. 531-2, aux articles L. 531-3 et L. 531-4, à la première phrase de l’article L. 534-8, au premier alinéa de l’article L. 534-9 et à l’article L. 534-10, la référence : « , L. 534-4 » est supprimée ;
3° L’article L. 531-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le commissaire du Gouvernement auprès de l’Institut national de la consommation est le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes » ;
4° Les articles L. 534-4, L. 534-5 et L. 534-6 sont abrogés.
II. – Au premier alinéa du II de l’article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, les mots : « de la Commission de la sécurité des consommateurs, » sont supprimés.
III. – La vingt-troisième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est supprimée.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à intégrer, compte tenu d’une « baisse d’activité » de celle-ci, la Commission de la sécurité des consommateurs, la CSC, au sein du Conseil national de la consommation, la CNC, afin de lui redonner du « dynamisme ».
La commission des affaires économiques du Sénat s’est bien rendu compte de cette baisse d’activité, qui s’inquiétait dès octobre 2014 plus particulièrement du non-renouvellement du président de cette autorité administrative, le Sénat procédant normalement à une audition des candidats.
Je me demande si le Gouvernement a bien identifié les raisons précises de cette « mise en sommeil » ; en tout cas, aucune mesure sérieuse ne semble avoir été prise pour pallier cette difficulté dans un domaine aussi fondamental que celui de la sécurité du consommateur.
La CSC étant une autorité administrative indépendante, comment pourrait-elle préserver son indépendance si elle était intégrée au CNC ?
Cette intégration s’accompagnerait a priori d’une sorte de dissolution de l’autorité indépendante telle qu’elle existe aujourd’hui. Le travail de la CSC consistant à porter des appréciations sur des produits, les enjeux sont souvent importants. Dès lors, je ne vois pas comment cette autorité pourra résister aux pressions qui doivent s’exercer de toutes parts si elle ne dispose pas d’un statut lui garantissant une très solide indépendance.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, votre amendement n’a pas convaincu la commission spéciale, qui a émis un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1494 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
CHAPITRE V
Assurer la continuité de la vie des entreprises
Section 1
Spécialisation de certains tribunaux de commerce
Article 65
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 65
M. le président. L'amendement n° 1187, présenté par Mme Assassi, M. Favier, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre IV du titre II du livre VII du code de commerce, il est inséré un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Formation
« Art. ... – Le droit à la formation est reconnu aux juges élus des tribunaux de commerce.
« Art. ... – Les juges nouvellement élus des tribunaux de commerce suivent, dans l’année de leur prise de fonction, une formation.
« Les juges élus des tribunaux de commerce suivent, au cours de l’exercice de leur mandat, une formation continue.
« Ces formations sont organisées par l’École nationale de la magistrature. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons avancer dans le sens d’une réforme positive des tribunaux de commerce et entendons donc mettre en avant diverses mesures à travers cet amendement et le suivant.
Celle que nous proposons dans celui-ci a par ailleurs été avancée dans le projet de loi n°2545 portant réforme des tribunaux de commerce, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2000, dont l’examen n’a malheureusement pas abouti.
Jugée utile par le rapport Guinchard de 2003, ce qu’a récemment confirmé la mission d’information constituée par l’Assemblée nationale sur le rôle de la justice en matière commerciale dans son rapport rendu le 24 avril 2013, la formation des juges consulaires doit être renforcée. Tel est l’objet de cet amendement.
Une fois élus, ces derniers se voient offrir la possibilité de suivre, dans neuf centres régionaux regroupant plusieurs cours d’appel, une formation initiale de neuf jours comprenant huit modules de un à deux jours et portant notamment sur la déontologie, l’organisation judiciaire, la rédaction des jugements, la procédure civile, le droit des contrats et des garanties.
Le suivi de cette formation initiale n’est qu’une simple faculté reposant sur le volontariat. Il en est de même pour la formation continue.
À nos yeux, celle-ci devrait être rendue obligatoire et même approfondie pour une meilleure appréhension des enjeux et des règles déontologiques, mais aussi pour permettre d’engranger les connaissances suffisantes en procédure, qu’il s’agisse notamment du droit commercial, du droit des affaires, du droit bancaire, du droit de la construction, du droit des assurances, et pour acquérir la technique de rédaction et de motivation des décisions nécessaire.
Depuis 2009, cette formation peut également être suivie à l’École nationale de la magistrature, qui a accueilli en 2012 1 800 des 3 100 juges consulaires.
Nous proposons ainsi que cette formation soit rendue obligatoire et qu’elle soit dispensée par l’ENM. Cela constituerait un moyen positif de lutter contre les soupçons de partialité qui ont pesé ces derniers temps sur une grande partie des juges consulaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à instaurer une obligation de formation initiale et continue pour les juges des tribunaux de commerce.
Comme ses auteurs, je déplore que le Gouvernement ait scindé la réforme des tribunaux de commerce entre la spécialisation, que traite ce projet de loi, et les aspects statutaires, annoncés dans le futur projet de loi pour la justice du xxie siècle, qui devrait prochainement être présenté en conseil des ministres.
J’observe qu’un choix différent a été fait pour les conseils de prud’hommes – ma chère collègue, je me souviendrai utilement des propos que vous venez de tenir sur la formation et le rôle de l’ENM en la matière. À cet égard, monsieur le ministre, je rappelle que, lors de votre audition devant la commission spéciale, vous aviez justifié une réforme globale des conseils de prud’hommes par la nécessité d’en avoir une vue d’ensemble. Cet argument n’a semble-t-il pas prévalu pour la juridiction commerciale…
Sur le fond, si je souscris à l’objectif des auteurs de cet amendement – d’ailleurs, les juges consulaires sont d’accord avec une telle obligation de formation –, il me semble préférable néanmoins de discuter de cette question dans le cadre du projet de loi annoncé par la garde des sceaux, plus complet. Cela n’en sera que mieux et il vous sera tout loisible de déposer les amendements de votre choix. La discussion sera plus globale et nécessairement plus positive.
Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement demande lui aussi le retrait de cet amendement, sans quoi il émettra un avis défavorable.
Dans ce projet de loi, nous proposons de réformer substantiellement, en profondeur, les conseils de prud’hommes, en entrant dans l’intimité de la procédure prud’homale. L’objectif est de simplifier largement la vie tant des entreprises que des salariés justiciables.
Pour les tribunaux de commerce, nous proposons simplement de créer des tribunaux spécialisés. Nous nous sommes refusé à modifier leurs règles de composition et d’organisation, les règles de formation des juges. Il a été question d’échevinage : ce n’est pas du tout le sujet de ce projet de loi, qui a uniquement pour objet de créer une procédure pour certaines affaires qui seront traitées dans des tribunaux de commerce spécialisés.
Il s’agit donc d’une réforme extrêmement circonscrite, dont le but est clairement identifié, très différente de celle que nous proposons pour la justice prud’homale.
J’assume totalement ma position : tout ce qui relève de la formation et de la déontologie des juges consulaires doit trouver sa place dans le projet de loi pour la justice du xxie siècle, qui embrassera plus largement la question des tribunaux de commerce.
M. le président. L'amendement n° 1188, présenté par Mme Assassi, M. Favier, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre IV du titre II du livre VII du code de commerce, il est inséré un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Déontologie
« Art. L. … – Dans le mois qui suit son installation, chaque juge élu déclare au président du tribunal de commerce les intérêts qu’il détient et les fonctions qu’il exerce dans toute activité économique ou financière ainsi que tout mandat qu’il détient au sein d’une société civile ou d’une personne morale menant une activité à caractère commercial. Copie de cette déclaration est adressée sans délai au procureur de la République par le président du tribunal de commerce.
« Dans le mois qui suit son installation, le président du tribunal de commerce doit procéder à la déclaration prévue au premier alinéa auprès du premier président de la cour d’appel qui en adresse sans délai copie au procureur général.
« En cours de mandat, chaque juge élu d’un tribunal de commerce est tenu d’actualiser, dans les mêmes formes, sa déclaration initiale à raison des intérêts qu’il vient à acquérir et des fonctions qu’il vient à exercer dans une activité économique ou financière ainsi que de tout mandat qu’il vient à détenir au sein d’une société civile ou commerciale.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article et notamment le contenu de la déclaration mentionnée aux trois premiers alinéas.
« Art. L. … – Aucun juge élu d’un tribunal de commerce ne peut connaître, dans l’exercice de ses fonctions judiciaires, d’une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale dans laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat a un intérêt ou a eu un intérêt dans les cinq ans précédant la saisine de la juridiction. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je ne doute pas que cet amendement subira le même sort que celui que vient de connaître l’amendement n° 1187…
Monsieur le ministre, quitte à prévoir la création de tribunaux de commerce spécialisés – nous en discuterons dans un instant –, pourquoi ne pas traiter le cas de ces tribunaux dans leur ensemble ? On ne peut pas à la fois soumettre à notre examen tel aspect de la question et nous dire dans le même temps que tel autre aspect sera vu lors de l’examen – à une date encore inconnue – d’un prochain texte.
C’est pourquoi je présente ce second amendement, que je maintiendrai en dépit des demandes de retrait. Il concerne cette fois la déontologie.
L’adoption et le partage de règles de comportement exemplaires contribueront selon nous à prévenir certains cas de dérives entachant la réputation d’une immense majorité des juges consulaires, alors qu’ils n’ont, eux, rien à se reprocher.
Le projet de loi doit s’attaquer, en matière de justice commerciale, au renforcement de la transparence et de la déontologie afin d’éviter tout soupçon de partialité et de conflits d’intérêts au sein de ces tribunaux.
Cet amendement vise à prévoir que chaque juge élu doit déclarer au président du tribunal de commerce les intérêts qu’il détient et les fonctions qu’il exerce dans toute activité économique ou financière, ainsi que tout mandat qu’il détient au sein d’une société civile ou d’une personne morale menant une activité à caractère commercial.
Le président du tribunal de commerce doit également procéder à la déclaration auprès du premier président de la cour d’appel.
Enfin, cet amendement tend à prévoir qu’aucun juge élu d’un tribunal de commerce ne peut connaître, dans l’exercice de ses fonctions judiciaires, d’une affaire dans laquelle lui-même ou une personne morale dans laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat a un intérêt ou a eu un intérêt dans les cinq années précédant la saisine de la juridiction.
Ces dispositions nous paraissent de nature à lutter efficacement contre les conflits d’intérêts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Comme vous l’aviez deviné, ma chère collègue, la commission spéciale émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1188.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 66
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre VII du code de commerce est ainsi modifié :
1° (nouveau) À l’intitulé, après le mot : « institution », est inséré le mot : « et » ;
2° (nouveau) Est insérée une section 1 intitulée : « Compétence commune à tous les tribunaux de commerce » et comprenant les articles L. 721-3 à L. 721-7 ;
3° (nouveau) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Compétence particulière à certains tribunaux de commerce
« Art. L. 721-8. – Des tribunaux de commerce spécialement désignés, après avis du conseil national des tribunaux de commerce, à raison d’un tribunal au moins dans le ressort de chaque cour d’appel, connaissent, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale :
« 1° Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire mentionnées au livre VI lorsque le débiteur est une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
« 1° bis Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire mentionnées au livre VI qui leur sont renvoyées en application de l’article L. 662-2 ;
« 2° Des procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application des actes pris par l’Union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité ;
« 3° Des procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application d’autres actes de droit international.
« Pour l’application du 2°, le tribunal spécialisé compétent est celui dans le ressort duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur. Pour les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège.
II. – Le présent article entre en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.
Il est applicable aux procédures ouvertes six mois après la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Je le rappelais en présentant les deux amendements précédents, de nombreux rapports, de nombreuses commissions ont fait état depuis trente ans de dysfonctionnements dans les tribunaux de commerce. Ils en appellent tous à une nécessaire réforme afin de mettre fin aux soupçons de partialité et de conflits d’intérêts directement liés à la composition et au mode de désignation des juges consulaires.
Cette réforme, voulue et annoncée par la gauche dans toute sa diversité, amorcée à deux reprises, a été chaque fois enterrée sous la pression des juges des tribunaux de commerce. Nous le regrettons.
Certes, ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ne semble pas être le bon texte pour aborder des questions relatives à la justice. À cet égard, nous partageons l’analyse de la garde des sceaux. Mais ces questions y étant malgré tout évoquées, permettez-nous de contribuer au débat en vous livrant ce qui à notre sens constituerait une véritable réforme intéressante des tribunaux de commerce, bien loin de la création d’une énième juridiction spécialisée en dehors du droit commun, objet du présent chapitre.
Fruits d’une histoire particulière, les juges consulaires sont non pas des professionnels du droit, mais des professionnels, chefs d’entreprise et commerçants élus.
Il n’est pas contestable que la justice puisse être rendue par des personnes élues et non par des magistrats de carrière. Loin de nous l’idée de remettre en cause le principe de l’élection de ces juges ; bien au contraire. Il se trouve juste que ces juridictions ont été entachées par plusieurs « affaires » et que des conflits d’intérêts et des soupçons de partialité ont entaché les jugements rendus.
Le problème réside dans le fait que ces juges sont issus du monde de l’entreprise, qu’ils sont désignés par leurs pairs, alors qu’ils sont précisément amenés à se prononcer sur des litiges entre commerçants et sur des procédures collectives et à placer les entreprises en difficulté sous contrôle judiciaire, en procédure de sauvegarde, en cessation de paiement, en redressement judiciaire et, dans les cas extrêmes, en liquidation judiciaire.
Comment des chefs d’entreprise et des commerçants élus par leurs pairs pourraient-ils, sur des territoires de taille parfois restreinte, ce qui garantit une certaine proximité, demeurer impartiaux alors qu’ils doivent statuer sur le sort d’entreprises dont ils connaissent parfois personnellement les dirigeants ? Je n’évoquerai pas plus avant les liens qui les unissent parfois, je me contenterai juste de souligner qu’ils se fréquentent, comme d’ailleurs leurs enfants.
Alors que de nombreuses entreprises et leurs salariés font face à de grandes difficultés du fait de la crise, il nous paraît plus que jamais nécessaire de lever les soupçons pesant sur les tribunaux de commerce. Le meilleur moyen de le faire nous semble être d’introduire l’échevinage. Il faut conserver des juges élus, car leur connaissance professionnelle du monde de l’entreprise est nécessaire, en leur adjoignant un magistrat professionnel garant de l’impartialité du jugement, afin d’éviter tout conflit d’intérêts et de renforcer la légitimité des décisions rendues, en première instance comme en appel.
Telle est la réforme que devrait porter la gauche, monsieur le ministre, qui l’avait promise voilà quelque temps.
Mme la garde des sceaux semble s’orienter vers un échevinage en appel, ce qui constituerait déjà un progrès. Encore faudrait-il que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour de nos travaux et puisse réellement aboutir. À nos yeux, seule une véritable réforme permettra à cette institution judiciaire de retrouver toute sa capacité à jouer un rôle en matière de régulation et d’apaisement des conflits.
Si j’interviens sur cet article, c’est parce que l’amendement que nous avions déposé sur les tribunaux de commerce est malheureusement tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution et que nous ne pouvions pas nous contenter d’approuver ou de rejeter vos propositions, chers collègues ; j’y reviendrai.
En définitive, vous nous demandez d’attendre encore la réforme d’ensemble des tribunaux de commerce qui nous a été tant de fois promise. Sachez que nous l’attendons avec impatience et que nous n’y renoncerons pas.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, sur l'article.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce projet de loi est gigantesque du fait du nombre formidable de sujets qui y sont traités, tous n’étant cependant pas d’un grand intérêt… (Sourires.) Mais vous n’êtes pas le seul responsable de cet état de fait, monsieur le ministre ; il faut bien avouer que les parlementaires le sont aussi.
La question des tribunaux de commerce m’inquiète beaucoup.
Contrairement à ce que beaucoup pensent, il y a peu d’affaires dans lesquelles les tribunaux de commerce sont suspects de conflits d’intérêts. Il y en a en fait même moins que dans la justice judiciaire.
M. François Pillet, corapporteur. Nous vous remercions de le souligner !
M. Jean-Jacques Hyest. Il est vrai qu’il faudrait mieux former et renouveler les membres des tribunaux de commerce. Cela étant dit, vous le savez, les présidents de tribunaux de commerce comme ceux de Paris, Nanterre, Bobigny ou de Lyon sont très compétents d’un point de vue juridique. Ils le sont même parfois bien plus que certains conseillers de certaines chambres commerciales de cours d’appel que je ne citerai pas pour ne pas être désagréable. (Rires sur les travées de l'UMP.)
On en revient toujours à l’échevinage, qui fait partie de ces sujets sur lesquels on ne cesse de colporter des idées reçues, comme on le fait d’ailleurs à propos des notaires, lesquels gagneraient trop d’argent. On a tout de même fini par s’apercevoir que ces derniers jouaient un rôle indispensable.
Depuis que je suis parlementaire – cela fait, hélas ! bien trop longtemps –, j’ai assisté à cinq tentatives de casser les tribunaux de commerce. Un jour, ces bénévoles décideront de rendre leur robe et nous diront de nous débrouiller ! Je peux vous dire que si l’on met en place des magistrats professionnels, les procédures collectives n’avanceront plus aussi vite ! D’ailleurs, dans certains tribunaux de grande instance, les contentieux sont beaucoup plus lents que dans les tribunaux de commerce. Tout cela, personne ne le dit et on tape toujours sur les mêmes. On veut tout réformer en permanence, mais pour quelle efficacité ?
Certes, lors de la refonte de la carte judiciaire, nous n’avons sans doute pas supprimé suffisamment de tribunaux de commerce n’atteignant pas la taille critique, car c’est difficile de le faire. On en a selon moi conservé un peu trop dans le ressort de certaines cours d’appel. De ce point de vue, la proximité n’est pas toujours la meilleure chose. Disant cela, je ne remets pas en cause l’honnêteté et l’impartialité des juges.
On veut tout transformer et instaurer l’échevinage. C’est formidable, mais on n’en a pas les moyens, à moins que ce projet ne soit qu’une première étape avant la création de quelques tribunaux spécialisés ?
Personnellement, je pense que la réforme qui nous est proposée n’a aucun intérêt, car elle ne changera rien ! Je ne suis pas toujours contre la spécialisation, comme je l’ai prouvé par le passé, mais un tribunal de commerce doit-il traiter en priorité le cas de vingt entreprises en difficulté comptant vingt salariés, ou celui d’une seule en employant quatre cents ? Les nombreuses procédures collectives touchant les petites entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics seraient-elles moins importantes que les autres ? Est-ce le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires qui détermine la complexité d’une affaire ?
Certes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il faut veiller aux grandes entreprises, mais cette réforme, je le répète, ne changera strictement rien !
Je ne voterai pas cette réforme tant que l’on ne m’aura pas démontré que, dans des affaires complexes, des tribunaux de commerce, même de petite taille, ont failli à leur mission en termes de sauvegarde de l’entreprise ou de règlement judiciaire. Quant à la liquidation, c’est une autre affaire…
Il faut un nombre suffisant de tribunaux de commerce sur le territoire, mais, de grâce, n’acceptons pas le principe d’un seul tribunal par cour d’appel. Bobigny, Nanterre, Paris ou Meaux sont de grands tribunaux de commerce. Pourquoi n’en retenir qu’un seul, alors qu’ils traitent quotidiennement de nombreux dossiers ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne suis pas intervenu très souvent, monsieur le président.
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, cher collègue !
M. Jean-Jacques Hyest. Compte tenu de l’heure tardive, je vais m’arrêter là, mais trouvez-vous normal, monsieur le président, que l’on traite de questions aussi importantes à trois heures du matin ? Moi non !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l'article.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jacques Mézard. On ne peut pas modifier de cette manière le système de la juridiction consulaire.
J’ai passé une grande partie de ma vie à plaider devant tous les tribunaux, que ce soit à Paris ou en province. L’expérience m’a appris, monsieur le ministre, que les choses évoluent. Aujourd’hui, les tribunaux de commerce posent peu de difficultés de fonctionnement. Ils font un travail de qualité et l’on n’assiste plus à ces affaires malheureuses que l’on a connues voilà encore quelques décennies.
Pour ma part, je ne pense pas que la création de juridictions spécialisées que vous proposez soit une bonne chose.
Je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez a pris depuis trois ans des décisions, qu’il s’agisse de la réforme territoriale, de celle des professions réglementées ou encore de celle des tribunaux de commerce que vous nous proposez ce soir, tout à fait néfastes pour les territoires ruraux, que l’on évoque ici avec un peu de mépris.
Mme Cécile Cukierman. Avec condescendance !
M. Jacques Mézard. Considérer que les juridictions consulaires dans nos départements seraient de mauvaise qualité, que les juges consulaires sont moins compétents parce qu’ils rendent leurs décisions dans des villes moins importantes en termes de population, n’a strictement aucun sens !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est pas une question de taille !
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
Aujourd’hui, dans nos territoires, des dossiers sont bien traités parce que le président du tribunal ou les juges consulaires connaissent les entreprises. Dans mon département, les dossiers de sociétés assez importantes ont été réglés de manière positive et ont permis des reprises d’activité parce que les juges consulaires connaissent le terrain.
La réforme que vous proposez n’aura que des conséquences négatives. J’attire votre attention sur ce point, car vous allez vraiment trop vite en besogne, monsieur le ministre.
Comme je l’ai lu dans le rapport, la conférence générale des juges consulaires « a déploré le caractère symbolique d’une telle spécialisation, qui traduirait l’incompétence des juges consulaires élus dans les tribunaux non spécialisés,…
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … alors qu’elle ne concernerait en pratique qu’un nombre restreint de procédures chaque année. Plus largement, un certain nombre de personnes entendues par [le] rapporteur – représentants des entreprises, praticiens des procédures collectives ou universitaires – ont douté, voire remis en cause l’utilité d’une telle spécialisation, compte tenu de son impact concret limité et de son impact symbolique négatif. » Telle est la réalité !
Depuis des mois, voire des années, vous enlevez toute la matière grise de nos départements. Il faut stopper cela ! Quand on tient ce discours, le Gouvernement nous taxe de ringards. Cela suffit !
Mme Nicole Bricq. Il n’a rien dit !
M. Jacques Mézard. Je ne vise pas particulièrement M. Macron, je m’adresse à tous ceux qui nous disent cela depuis trois ans, et j’ai le droit de le dire, madame Bricq, car ce que nous subissons est absolument inacceptable. Je tenais à le dire ici.
Je ne suis pas beaucoup intervenu au cours de la discussion de ce projet de loi, mais, sur ces thèmes, nous devons faire entendre notre voix.
Un jour, en plus de ne plus avoir ni médecins ni avocats, nous n’aurons plus non plus de juges consulaires ! Compte tenu du peu d’affaires concernées, on considérera qu’il n’est pas bien grave de devoir parcourir quelques centaines de kilomètres pour se rendre au tribunal de commerce. Cela n’a aucun sens !
Il faut arrêter avec cette vision technocratique, parisienne – je suis pourtant très jacobin –, dont cet article 66 est l’une des illustrations. Personnellement, je ne le voterai pas. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je n’ai pas l’habitude de répondre aux prises de parole sur article, mais j’ai été sensible à certains points qui ont été soulevés et qui me semblent aller au-delà des mesures figurant dans le présent texte, en particulier dans cet article. Avant d’aborder des sujets plus techniques, je voulais vous inviter collectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, à raison garder.
Tout d’abord, il ne s’agit pas ici d’élaborer une réforme des tribunaux de commerce en profondeur. À cet égard, il ne m’appartient pas de juger aujourd’hui des propositions des uns et des autres sur l’échevinage ou sur d’autres sujets. Mme la garde des sceaux présentera au mois de juin, en conseil des ministres, le texte sur la justice du XXIe siècle qui portera cette réforme.
Monsieur Hyest, vous l’avez rappelé, les juges consulaires sont des professionnels qui assurent bénévolement, au plus près du terrain, une justice qui fonctionne. Parfois, leur volume d’affaires traitées est réduit. Parfois, des problèmes se font jour, vous les avez mentionnés.
Toutefois, dans cet article, il ne s’agit en aucun cas de stigmatiser une profession ou une formation de jugement ou de régler son compte à qui que ce soit. Le présent article ne met pas en œuvre une réforme générale des tribunaux de commerce. Il prévoit juste d’adapter de façon pragmatique le mode de traitement de certaines affaires.
Cet article ne fait pas non plus le procès des territoires. Il ne tend nullement à en drainer les cerveaux.
Tout d’abord, aucun tribunal ne sera supprimé.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, examinons ensemble les chiffres relatifs à la procédure collective, en faisant abstraction de toutes les autres missions qu’assument par ailleurs les tribunaux de commerce – je note à ce propos que, dans un certain nombre de ces juridictions, la procédure collective ne constitue pas l’essentiel de l’activité.
En 2014, le nombre total de procédures collectives menées s’est établi à 63 000. Comment ce volume d’affaires se répartit-il selon le nombre de salariés des entreprises, point dont nous allons sans doute débattre dans quelques instants ? Les entreprises de plus de 100 salariés représentent 155 dossiers. Quant aux entreprises de plus de 200 salariés, elles n’en représentent que 61.
M. Jean-Jacques Hyest. Sur ce point, nous sommes d’accord !
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Mézard, redouter que les territoires soient privés de leurs cerveaux alors qu’un si petit nombre d’affaires est en jeu, cela revient à affirmer qu’ils n’en possèdent déjà plus !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’argument peut se retourner contre vous !
M. Emmanuel Macron, ministre. Pas du tout, madame la sénatrice.
Pourquoi proposons-nous de réformer le mode de traitement de ces quelques dossiers ?
Parlons très concrètement. Certaines affaires peuvent concerner plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de salariés, présents en divers points du territoire. (M. Henri Tandonnet s’exclame.) Ce sont ces situations que nous souhaitons traiter. Ainsi, dans le cas de Villeneuve Pet Food, deux tribunaux de commerce étaient compétents. Il a donc fallu attendre que les deux instances se coordonnent.
Mme Catherine Génisson. Les enjeux sont essentiels !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte !
Mme Nicole Bricq. Si !
M. Emmanuel Macron, ministre. Si, madame Des Esgaulx, je vous l’assure ! Je vous renvoie à la rédaction du présent article.
De même, Mory-Ducros compte plus de 6 000 salariés, répartis dans tout l’Hexagone. Dans ce cas également, il faut attendre la décision de plusieurs tribunaux de commerce. De tels exemples illustrent clairement la nécessité de simplifier la procédure.
Monsieur Mézard, je suis prêt à examiner avec vous le nombre d’affaires traitées au cours des dernières années par le tribunal de commerce de votre territoire qui auraient été visées par la spécialisation. Vous constaterez ainsi que cette juridiction ne sera pas déstabilisée par le changement que nous proposons. Je vous en donne mon billet, passez-moi l’expression !
Je suis même prêt à examiner toutes les situations au cas par cas. Ainsi, chacun sera sûr que la spécialisation ne compromettra pas la viabilité et l’activité d’un seul tribunal de commerce.
Avec cette réforme, on préviendra des situations au mieux croquignolesques, au pis dramatiques, dans lesquelles il faut attendre que les différents tribunaux de commerce saisis d’une même affaire se coordonnent. Parfois, ces instances n’étant pas habituées à faire face à tels cas de figure, qui ne se présentent que très rarement, elles pourraient en concevoir un vif embarras.
M. Hyest a mentionné avec raison les grands tribunaux de commerce, qui, eux, examinent un nombre élevé d’affaires. En pareil cas, nous serons également pragmatiques. Je n’ai jamais dit que le dispositif introduit par le présent article était immuable et qu’il vaudrait de toute éternité.
Nous reviendrons sur cette question lors de l’examen des amendements. Toutefois, j’indique d’ores et déjà que cela n’aurait aucun sens de multiplier les tribunaux de commerce spécialisés, car cela créerait des difficultés.
En résumé, le Gouvernement est conscient de l’engagement, aujourd’hui, des juges des tribunaux de commerce, et il mesure ce que leur action a d’essentiel. Il reconnaît également l’importance de ces juridictions au sein des territoires.
Monsieur Mézard, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, je suis sensible aux inquiétudes que vous exprimez à propos des territoires. Néanmoins, il ne faut pas chercher, dans cet article, matière à les nourrir. Je le dis et je le répète, cette réforme ne concerne que quelques affaires par an. Elle ne vise qu’à faciliter leur traitement. Elle ne déstabilisera aucun tribunal de commerce de quelque manière que ce soit. Son seul but est d’apporter un peu de clarté.
J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer à M. Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre : en contrepartie de cette transformation, on peut tout à fait concevoir de confier un nouveau rôle aux présidents des tribunaux de commerce locaux concernés dans le cadre de cette procédure, afin de préserver les liens avec le terrain.
Le mode de traitement de ces affaires n’en doit pas moins, en tant que tel, être un peu simplifié. Nous devons nous doter d’une organisation plus rationnelle, mieux adaptée aux cas complexes, un peu plus sophistiqués que la moyenne. Gardons bien à l’esprit que ne sont concernés que quelques dossiers par an.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si je me permets d’insister sur ce sujet, c’est parce qu’il faut bien avoir à l’esprit ce dont nous parlons. Ne donnons pas à cet article 66 une hauteur, une solennité qui ne sont pas les siennes. Il s’agit tout simplement de résoudre les divers problèmes d’organisation que je viens d’évoquer.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 859 rectifié est présenté par Mme Gruny, MM. Calvet, Commeinhes et de Raincourt, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mme Mélot et MM. Milon, Pierre, Revet et Vasselle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, en cohérence avec la position que nous venons d’exprimer, nous vous proposons de supprimer l’article 66.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos propos. Mais force est de reconnaître que cet article, ainsi rédigé, réussit à faire l’unanimité contre lui, qu’il s’agisse de ceux qui souhaitent une réforme ou de ceux qui préfèrent s’en tenir à la situation existante !
Vous répétez avec insistance que seuls quelques cas sont visés, et vous n’hésitez pas à « nous en donner votre billet » – je reprends votre formule. Toutefois, la précipitation avec laquelle le Gouvernement procède ne peut que nous interpeller. Pourquoi une telle mesure est-elle soumise au Parlement au détour de ce projet de loi très important, qui, loin d’être un fourre-tout, vise, de manière systématique, à libéraliser davantage encore de nombreux secteurs d’activité de notre pays ?
Vous affirmez que le changement que vous nous proposez est, somme toute, anecdotique. On ne peut donc que regretter que la réforme globale envisagée ne figure pas dans le présent projet de loi et qu’il nous faille attendre la réforme de la justice du XXIe siècle que promet le Gouvernement pour l’examiner. À cet égard, nous déplorons que ce grand projet de loi ne soit présenté en conseil des ministres qu’au mois de juin prochain et que l’on ne sache pas quand il sera soumis au Parlement.
L’utilité et l’opportunité des tribunaux spécialisés dont vous nous proposez la création dans le présent article suscitent de notre part de grandes réserves.
De plus, cette réforme ne permettra pas, selon nous, de résoudre les différents problèmes auxquels les tribunaux de commerce sont confrontés, qu’il s’agisse de leur organisation interne ou de leurs rapports avec les entreprises. Une nouvelle fois, tout dépend de l’angle d’attaque choisi !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 859 rectifié.
Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise, lui aussi, à supprimer l’article 66, lequel institue des juridictions spécialisées pour les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire des entreprises les plus importantes.
Cette mesure, en tant que telle, crée un déséquilibre. Si elle était adoptée, elle aurait pour effet de créer huit à dix juridictions spécialisées sur l’ensemble du territoire national. Dès lors, coexisteraient des juridictions d’inégale importance.
La spécialisation des tribunaux de commerce est une réforme dangereuse, tant pour les entreprises que pour les salariés. Les juges consulaires connaissent bien le tissu économique, les acteurs et les enjeux locaux. Ils sont donc les mieux à même de rendre une justice efficace et de proximité.
De surcroît, à notre connaissance, la spécialisation des tribunaux de commerce n’est justifiée par aucun dysfonctionnement ou défaut d’efficacité.
Je rappelle qu’il est déjà possible de dépayser des dossiers lorsque les circonstances l’exigent, en vertu de l’ordonnance du 12 mars 2014, portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.
En outre, le ministère public, garant de l’ordre public économique, peut demander la délocalisation d’un dossier de procédure collective.
Il n’est donc pas opportun d’aménager aujourd’hui les conditions dans lesquelles ces juridictions spécialisées agiraient. C’est le principe même de la création de ces tribunaux spécialisés qui doit être rejeté.
Il est urgent d’attendre la réforme que le Gouvernement nous promet !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Monsieur Hyest, monsieur Mézard, je vous ai écoutés attentivement, et je suis entièrement d’accord avec l’état des lieux que vous dressez.
C’est exact, les tribunaux de commerce rendent une justice qui vaut les autres, et ce dans des conditions incritiquables.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et ils sont plutôt rapides !
M. François Pillet, corapporteur. Au surplus, monsieur le ministre, c’est une justice qui ne coûte pas cher, puisque tous les juges sont bénévoles.
Dès lors, imaginez – j’ose à peine le concevoir – que, privés de la considération et de l’écoute à laquelle ils aspirent et ont droit, ces magistrats cèdent à une forme de désespoir. Imaginez un instant qu’ils démissionnent en masse. (Mme Cécile Cukierman acquiesce.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce serait une belle pagaille !
M. Jean-Jacques Hyest. Et les greffes !
M. François Pillet, corapporteur. Dans l’ensemble du pays, les tribunaux de grande instance devraient gérer tous les contentieux des tribunaux de commerce. Vous n’avez pas idée du désordre que cela provoquerait dans les territoires. L’image même de la justice française s’en trouverait atteinte.
C’est un risque auquel on ne peut pas s’exposer.
M. François Pillet, corapporteur. Certes, monsieur le ministre ! Mais cette hypothèse n’est pas le fruit de mon imagination personnelle. En la soulevant, je rapporte simplement certains propos que j’ai entendus au cours des auditions de la commission.
Au demeurant, mes chers collègues, je vais m’efforcer de vous convaincre de privilégier un autre scénario.
Bien entendu, nous pouvons partir du principe que les tribunaux de commerce doivent rester tels qu’ils sont, et faire acte de résistance en supprimant l’article 66. J’aurais moi-même pu être tenté par cette position. Dans l’immédiat, ce geste ferait plaisir aux tribunaux de commerce. Mais, dans les faits, il reviendrait à les abandonner totalement.
À mon sens, mieux vaut procéder avec pragmatisme.
Il ne vous a pas échappé que le présent texte a été adopté par nos collègues députés grâce à l’article 49-3 de la Constitution. Il ne vous a pas non plus échappé qu’en nous enferrant dans une attitude de force, de résistance, étendard au vent, nous abandonnons les tribunaux de commerce et nous nous résignons à confier leur sort à l’Assemblée nationale.
M. Jacques Mézard. De toute manière…
M. François Pillet, corapporteur. Nous devons prendre nos responsabilités. Mon sentiment est le suivant : le Gouvernement n’est nullement prêt à abandonner cette réforme. Cependant, je sens qu’il est peut-être disposé à écouter le Sénat.
Mme Cécile Cukierman. Tiens donc !
M. François Pillet, corapporteur. Sur cette base, le Gouvernement tiendra compte de notre travail : non seulement nous sauverons les tribunaux de commerce, mais nous le ferons dans des conditions qui ne leur déplairont pas.
Deux solutions s’offrent à nous : ou bien nous optons pour le pragmatisme et nous conservons cet article (M. Jacques Mézard hausse les épaules), ou bien nous préférons nous draper dans une belle attitude. Toutefois, en pareil cas, nous devrons assumer personnellement le fait d’avoir abandonné ces juridictions.
Soyons très attentifs à cet enjeu. D’ailleurs, je sais bien que nombre d’entre vous y ont déjà songé : j’en veux pour preuve les divers amendements de repli et d’amélioration qui ont été déposés.
Si nous, sénateurs, ne faisons pas pression sur le Gouvernement, par notre intelligence, notre sagesse et notre réflexion, nous perdrons la main…
M. Jacques Mézard. Nous ne l’avons jamais eue !
M. François Pillet, corapporteur. … et nous ne serons plus en mesure d’améliorer cette réforme.
Je note d’ailleurs qu’une part des tribunaux de commerce ne rejette pas la perspective d’une spécialisation, dont ils ont accepté le principe. Ce constat a son importance. Dès lors, tout est affaire de mesure, de proportions et de procédures. C’est dans cet esprit que la commission spéciale a travaillé.
J’ai exercé une profession dans laquelle on sait ce que sont les tribunaux de commerce et, de ce fait, j’ai de la considération pour ces institutions. Ne croyez pas que je sois ravi d’aller dans la direction qui nous est proposée. Mais en tant que pragmatique, je souhaite que le Sénat puisse apporter sa plus-value.
M. Jacques Mézard. À chaque fois, nous sommes les dindons de la farce !
M. François Pillet, corapporteur. La Haute Assemblée doit prouver qu’elle peut contribuer à résoudre le problème que le Gouvernement nous demande d’examiner, hélas ! à trois heures du matin...
Telles sont les raisons pour lesquelles je prie les auteurs de ces amendements de suppression de bien vouloir les retirer.
Mes chers collègues, au cas où ils seraient maintenus, je vous demande de ne surtout pas les voter afin de pouvoir écouter les arguments que j’invoquerai, dans la suite de nos débats, pour contrer le raisonnement du Gouvernement, lequel a, lui aussi, déposé un amendement sur le présent article.
Je critiquerai, monsieur le ministre s’y attend, la position du Gouvernement, car j’attendais un accord global sur la réforme des tribunaux de commerce. Nos débats faisant l’objet d’un compte rendu, peut-être même d’une retransmission télévisée, je tiens à vous dire que j’avais obtenu l’accord des tribunaux de commerce sur certains points. Tous n’ont pas été acceptés par le Gouvernement. Nous devons donc dire au Gouvernement que, s’il n’accepte pas les propositions du Sénat, il portera la responsabilité de ce qui arrivera par la suite.
Mes chers collègues, vous n’êtes pas obligés de me suivre, mais alors, je le répète, c’est nous qui aurons abandonné les tribunaux. Personnellement, je ne marche pas dans cette manœuvre !
Vous ne pouvez pas dire que, au moins sur le principe, je n’ai pas raison. Vous connaissez comme moi la procédure parlementaire. Si l’article 66 est supprimé, l’article 67 disparaît, et nous pouvons rentrer chez nous. Toute la réforme des tribunaux de commerce sera faite par une autre assemblée, d’une majorité différente, certes dansante et fragile, mais maîtrisable avec un 49-3 !
Voilà la raison pour laquelle je vous demande expressément de bien réfléchir à ce que nous allons faire. Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année, et vous avez compris mon argumentation. Je vous laisse prendre vos responsabilités.
Cela étant dit, messieurs Hyest et Mézard, je vous ai parfaitement compris et je suis d’accord avec vous, mais ne faites pas semblant de ne pas comprendre la stratégie que je vous demande d’adopter. Pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui se suicident pour embêter leurs voisins !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président, j’ai déjà défendu ma position. J’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Nous sentons bien que nous sommes arrivés à un moment important, non seulement sur ce sujet, que M. le rapporteur a excellemment présenté, mais également sur l’ensemble du projet de loi.
M. le ministre le sait, la commission spéciale et, plus largement, le Sénat ont déjà eu l’occasion d’exprimer des désaccords avec le Gouvernement sur un certain nombre de points. Sur la réforme des tribunaux de commerce, le désaccord est très grand.
En termes de méthode, je rappelle, comme M. le rapporteur l’a déjà très bien fait, que nous sommes dans un système bicaméral, dans lequel l'Assemblée nationale peut avoir le dernier mot. Pour notre part, nous souhaitons que le Sénat puisse faire entendre la voix des professionnels et proposer une réforme raisonnable et réaliste, car, nous le savons fort bien, le Gouvernement s’est engagé sur une mauvaise voie.
Monsieur le ministre, vous le savez, vous devrez vous-même évoluer. Nous avons dans notre gibecière des cartouches qui devraient nous permettre de faire entendre notre voix. Le rapport de forces est difficile,…
Mme Nicole Bricq. Il est arithmétique !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … mais nous tenons à faire des propositions.
Comme il l’a fait en commission et devant la Haute Assemblée pour les professions réglementées, le rapporteur propose de construire une autre réforme, en nous engageant dans une voie exigeante et juridiquement solide.
Il est clair que la suppression de l’article ne permettra pas d’atteindre ce dernier objectif et de faire prospérer une autre réforme demain. Si nous supprimions cet article, soit l'Assemblée nationale rétablirait son texte, soit le Gouvernement déciderait seul d’un certain nombre de choses. C’est pour nous une grande difficulté.
Monsieur le ministre, vous vous êtes, selon moi, engagé dans cette réforme avec une certaine légèreté, peut-être aussi avec une certaine méconnaissance des mécanismes de terrain et en suivant des points de vue un peu trop théoriques.
Nous devons, mes chers collègues, prendre nos responsabilités et, comme le suggère M. le rapporteur, opposer une méthode constructive à celle, brutale, du Gouvernement. Évidemment, il est plus difficile de s’engager dans cette voie que de se contenter de supprimer l’article, mais une telle méthode ferait honneur à notre Haute Assemblée. Elle montrerait aux professions réglementées et aux tribunaux de commerce que le Sénat a entendu leurs cris de colère et surtout qu’il propose une solution de sortie.
J’espère, le cas échéant, que le Gouvernement sera à notre écoute.
Dans un premier temps, nous vous proposons une manière de sortir par le haut de cette réforme fort mal engagée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis bien embarrassé après les plaidoyers ou, plutôt, les plaidoiries du rapporteur et du président de la commission spéciale. Je rappelle que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et que, par conséquent, l’échange avec l'Assemblée nationale sera limité à la commission mixte paritaire.
Vous dites, monsieur le président de la commission, que le Gouvernement doit faire évoluer sa position, or il ne bouge pas, il reprend simplement le texte de l'Assemblée nationale ! Je n’ai donc pas envie de voter ce qu’il propose.
Monsieur le ministre, vous auriez pu simplement évoquer les problèmes de coordination, qui auraient pu être réglés, avec de la bonne volonté, par les présidents de cour d’appel ou la Cour de cassation. Il ne faut pas oublier les articles L. 622-2 et L. 622-7 du code de commerce. Quel rôle jouent les parquets dans les tribunaux de commerce ? Lorsqu’ils sont représentés et qu’ils font bien leur travail de juristes, et encore mieux de commissaires du Gouvernement, cela marche bien. Ils ont un rôle à jouer.
Personnellement, je ne voterai pas l’amendement de suppression. J’attends toutefois, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale, les progrès que vous espérez du Gouvernement, car je n’ai pas non plus l’intention de voter des dispositions absurdes.
Monsieur le ministre, je le répète, si vous aviez simplement évoqué la question des procédures complexes, j’aurais compris qu’il faille choisir une juridiction. Pourquoi, d’ailleurs, prévoir que celle-ci soit spécialisée ? Un grand tribunal de commerce ayant les moyens de traiter ces affaires suffirait. Que spécialise-t-on ? Quelle que soit la taille de l’affaire, les procédures sont toujours les mêmes, qu’il s’agisse de la liquidation, de la sauvegarde, du règlement judiciaire ou du mandat ad hoc.
Monsieur le président, il est trois heures vingt du matin, je ne voterai pas les amendements de suppression, mais dépêchons-nous de produire un texte ! Nous avons consacré beaucoup de temps à des sujets qui étaient, de mon point de vue, moins importants pour l’avenir des entreprises.
Monsieur le ministre je comprends très bien que vous souleviez le problème des tribunaux de commerce, mais la solution que vous proposez n’est pas la bonne.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Pour ma part, je voterai les amendements de suppression. Je ne peux pas suivre le rapporteur et le président de la commission spéciale lorsqu’ils nous disent qu’ils vont bâtir une nouvelle réforme et que le Gouvernement tiendra compte de leurs efforts, car nous savons d’expérience que de tels engagements ne sont pas tenus.
Si le Gouvernement indiquait qu’il est prêt à évoluer et si nous étions sûrs qu’il tiendrait ses engagements, nous pourrions discuter. Or, je n’ai aucun doute, l’Assemblée nationale reviendra sur tous ces points-clés. Quelle que soit la majorité, la commission nous dit toujours la même chose et, au final, le résultat est toujours le même. Chat échaudé craint l’eau chaude !
J’en viens au fond. Pour ma part, je pense non seulement aux tribunaux de commerce et aux juges consulaires, mais aussi aux entreprises sur le terrain. Vous me dites qu’il ne doit pas y en avoir beaucoup dans mon territoire. Effectivement, la plus importante d’entre elles doit compter 520 salariés ; la suivante, 250 salariés. Toutefois, il arrive à toutes les grosses entreprises, à un moment ou à un autre, de devoir passer devant le tribunal de commerce. Et quand, dans un département de 150 000 habitants, une entreprise de 250 ou de 300 salariés est en jeu, c’est la vie de la ville qui en dépend !
Il n’est donc ni sérieux ni raisonnable de prévoir que les affaires seront traitées à une distance de 250 kilomètres ! Je ne céderai pas sur ce point. Même si de telles affaires ne se produisent qu’une fois tous les trois ans ou tous les dix ans, elles sont vitales pour nous. Cela, il faut l’entendre, mais vous vous y refusez.
Une autre majorité nous a fait le coup des pôles d’instruction. On est dans une belle situation aujourd’hui ! À cet égard, permettez-moi d’évoquer ce qu’il s’est passé dans mon département il y a quelques jours. Un meurtre ayant été commis, le suspect a été envoyé à 200 kilomètres de là pour être entendu par le juge d’instruction avant d’être reconduit à la maison d’arrêt le jour même. On lui aura fait parcourir 400 kilomètres dans la journée ! Tout cela est aberrant et témoigne d’une vision de nos territoires complètement déconnectée de la réalité. Je ne sais pas combien de fois il faudra le répéter !
On se gargarise des juridictions spécialisées, comme on l’a déjà fait en matière pénale sous un autre gouvernement, de droite celui-là. Aujourd’hui, ce sont les tribunaux de commerce qui sont visés. Arrêtez !
Cela étant dit, je ne prétends pas qu’il ne faut pas faire de réformes ni changer les choses. Personnellement, je n’ai rien contre l’échevinage. Mais ce n’est pas de cela qu’il est question ce soir !
Instituer des juridictions spécialisées dans tous les domaines nous obligera à parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour traiter les affaires. On nous rétorque qu’il s’agit de cas très particuliers, auxquels on n’est confronté qu’une fois dans sa vie, mais ce n’est pas ainsi que l’on aménage le territoire !
Monsieur le ministre, vous pourriez proposer des avancées et prendre des engagements, mais je doute que vous le ferez. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, Ségolène Royal a pris au Sénat des engagements sur un amendement qui nous tenait à cœur. Hélas ! Quarante-huit heures plus tard, son ministère publiait un communiqué indiquant qu’elle allait faire l’inverse de ce qu’elle s’était engagée à faire. Étonnez-vous ensuite que l’on soit peu enclin à croire ce que l’on nous dit !
La réforme des tribunaux de commerce que vous proposez est un point important du texte, comme l’ont été certaines dispositions relatives aux professions réglementées.
Il est trop facile de dire que nous ne cherchons qu’à préserver des situations acquises. Lors d’une émission de télévision consacrée au cumul des mandats sur Public Sénat, un bandeau à l’écran nous avait qualifiés de « ringards du Sénat ». Nous en avons assez de ces comportements. Nous avons le droit de dire que nous avons envie de faire vivre nos territoires !
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Le président Mézard a dit beaucoup de choses avec lesquelles je suis d’accord. J’abonderai en son sens concernant les territoires ruraux.
Monsieur le ministre, je vous l’ai dit au début de la discussion de ce projet de loi, comme je l’ai déjà dit à d’autres membres du Gouvernement concernant d’autres textes : vous nous proposez depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, des lois très urbaines, pour ne pas dire parisiennes.
On déménage tout, morceau par morceau, arguant à chaque fois que ce n'est pas bien grave. D’ailleurs, je vous l’accorde, vous n’êtes pas le premier à le faire : cette pratique a cours depuis fort longtemps, sous tous les gouvernements.
Les structures quittent peu à peu les territoires, où il ne reste bien souvent que la représentation institutionnelle et les professions réglementées. Si vous nous les enlevez, il ne restera plus grand-chose !
Au-delà de cette question, j’avoue être très ennuyé, car la commission spéciale, dont je tiens à saluer le travail, nous place dans une situation assez embarrassante.
En effet, le chemin de crête est vraiment très étroit. J’ai pour ma part en tête quelques exemples d’occurrences où des membres du Gouvernement – et jusqu’au Premier ministre – se sont engagés ici sans que cela soit suivi d’effets. Je pense en particulier à la discussion relative à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe ; soucieux de l’aménagement de nos territoires, nous avions à l’époque tiré la sonnette d’alarme à propos du fameux seuil de 20 000 habitants. Mme Marylise Lebranchu s’était engagée à tenir compte des préoccupations du Sénat, et nous n’avions donc pas rejeté la disposition en question. Mais finalement, le seuil est resté identique lors de l’examen devant l’Assemblée nationale, avec en plus des calculs d’apothicaires pour tenir compte de la densité.
J’observe donc que, quand les textes reviennent in fine de l’Assemblée nationale, ce sont les positions de celle-ci qui demeurent, bien que dans ce cas – je le concède –, certaines des avancées que nous avions introduites dans ce projet de loi avaient été conservées.
C’est pourquoi je m’inquiète, monsieur le corapporteur, quand je crois comprendre que votre position procède non pas du fond mais de la « stratégie de la navette » : selon vous, si nous rejetions le texte, la solution retenue serait celle de l’Assemblée nationale, tandis que, si nous le conservions et le modifiions « à notre parfum sénatorial », nous aurions fait quelque chose d’utile. Vous faites ainsi un premier pas – et c’est tout à l’honneur du Sénat – vers l’exécutif ; mais M. le ministre, quand on lui a donné la parole, n’a pas cherché à négocier. Il a simplement déclaré que cela avait déjà plaidé ! Il n’a pas pris d’engagement ni n’a entamé de démarche de négociation ! Je n’entrevois donc aucune avancée du Gouvernement – en tout cas, pour l’instant – qui nous laisserait entendre, afin de nous mettre en situation de confiance, quelles évolutions pourraient avoir lieu en échange du maintien par le Sénat de l’article 66 du projet de loi.
Pour ma part, et bien que j’aie très envie de conforter la commission spéciale dans son travail, je partage à ce sujet-là le sentiment de certains de nos collègues.
J’ajoute que, quand nous déposons des amendements n’entrant pas tout à fait dans le champ des textes qui nous sont soumis, le Gouvernement nous rétorque immédiatement que, si l’intention est louable, la disposition proposée ne concerne pas le texte en discussion et qu’elle devra être incluse dans tel ou tel projet de loi à venir. Pourtant, là, alors qu’un projet relatif à la justice est annoncé, on « enfile » tout de même dans le présent texte, qui est déjà dense, cette disposition concernant les tribunaux de commerce ! C’est d’ailleurs peut-être ce qui me gêne le plus ! Pourquoi ne pas attendre la réforme à venir afin d’avoir une vision globale ? On sait que toucher à un coin de l’échiquier emporte des conséquences sur son ensemble !
Pour toutes ces raisons, malgré notre envie de saluer le travail de la commission spéciale et de suivre son avis, nous serions assez embarrassés de voter contre les amendements de suppression. Il ne s’agit en effet pas d’un petit sujet : je ne sais pas pour ma part ce que pensent les tribunaux de commerce ! Attendent-ils du Sénat qu’il s’oppose à cette réforme, ou souhaitent-ils l’adoption d’une mesure dont on ne connaît pas les conséquences ?
En conclusion, je serais très heureux d’entendre de nouveau le Gouvernement sur les propositions qu’il serait prêt à faire si le Sénat adoptait une position constructive, puisqu’il a été dit précédemment que la parole du Gouvernement avait ici quasiment force de loi. Dès lors, nous serions peut-être enclins à suivre la position constructive de la commission spéciale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il me semble que les caricatures collectives n’incitent pas vraiment au mouvement ! « La France d’en haut dicte sa règle aux territoires », « vous avez mal engagé cette réforme », ai-je entendu en substance ! J’en suis désolé mais, s’il y a un sujet que le ministère de l’industrie connaît, c’est bien celui des tribunaux de commerce ! C’est à la situation des entreprises ayant affaire à ces juridictions que mon cabinet et mes services sont quotidiennement confrontés ! Il s’agit donc non pas d’une vision éthérée et parisienne, mais au contraire d’une vision de femmes et d’hommes travaillant chaque jour avec les territoires et les tribunaux ! Ainsi, tant que sera adoptée par tel ou tel la posture de celui qui a raison, de celui qui connaît le terrain – posture que pour ma part je n’ai jamais prise –, il y aura toujours deux France, voire plus, qui ne cherchent même plus à se parler mais veulent imposer leurs vues l’une à l’autre.
Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une réforme systémique des tribunaux de commerce ; cette mesure n’est pas un drame et vous savez comme moi, monsieur le corapporteur, que la réaction des tribunaux de commerce reflète largement plus leurs craintes sur d’autres sujets, tel l’échevinage, que sur les propositions figurant dans ce texte. Disons les choses franchement !
Par conséquent, sachons raison garder ; nous ne sommes pas en train de mettre le système « cul par-dessus tête » : seules quelques centaines d’affaires sur environ 60 000 procédures collectives par an – qui ne représentent d’ailleurs qu’une partie de l’activité de ces juridictions – seraient susceptibles d’être renvoyées à une petite dizaine de tribunaux. Il n’est donc pas raisonnable de prétendre que le système irait à vau-l’eau ni que nous sommes en train de tout bousculer dans les territoires !
Abordons enfin les évolutions que nous pouvons envisager sur ce texte, par exemple le seuil du nombre de salariés présents dans une entreprise à partir duquel les juridictions spécialisées seraient compétentes. Il s’agit d’ailleurs là d’un débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale ; le député rapporteur du texte, M. Alain Tourret, en a beaucoup parlé, comme vous, avec M. Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre.
Plusieurs seuils peuvent ainsi être envisagés : 150, 250, ou encore 400 salariés. Ce dernier seuil n’aurait pas vraiment de sens, car cela ne concernerait que quelques affaires par an ; c’est pourquoi, personnellement, j’envisageais plutôt un seuil de 150 salariés ; mais je suis ouvert à la discussion et je suis prêt à envisager un seuil de 250 salariés, qui diviserait par plus de deux le nombre d’affaires concernées, ce qui constituerait donc un mouvement important.
Un autre point de négociation possible sur ce texte pourrait être le nombre de juridictions spécialisées. Nous aurons l’occasion d’en discuter à l’occasion de l’examen des amendements. Il n’y aurait pas beaucoup de sens à avoir plusieurs juridictions spécialisées par ressort de cour d’appel, car cela aboutirait in fine à un nombre très élevé : nécessairement un multiple de trente-cinq ! Il ne s’agirait donc plus de spécialiser quoi que ce soit…
M. François Pillet, corapporteur. Non, ce serait une juridiction spécialisée par ressort de cour d’appel !
M. Emmanuel Macron, ministre. Eh bien, cela en fait tout de même au moins trente-cinq !
En résumé, il s’agit d’un volume limité d’affaires ; je ne suis pas crispé sur le seuil du nombre de salariés concernés ; et je ne suis pas opposé à une discussion sur le nombre de juridictions spécialisées. J’ajoute, pour terminer, que je suis ouvert à la participation du président du tribunal de commerce à ces formations spécialisées lorsqu’une affaire du ressort de sa juridiction est évoquée.
Il me semble donc que nous pouvons définir une organisation optimale, qui, d’un côté, garde le lien avec les territoires, et qui, de l’autre, soit assez spécialisée pour ne pas concerner des centaines d’affaires par an. Et, en tant que praticien quotidien de ces affaires – je n’ai donc pas une vision éthérée, technocratique ou parisienne des choses, j’y insiste –, ma conviction est que, face à des affaires compliquées comme celles qui sont en cause, une organisation plus simple est forcément positive.
Enfin, à mon sens, une telle réforme a sa place dans ce texte-là puisqu’elle concerne la vie des entreprises, notamment de celles qui sont en difficulté. Cette disposition s’insère donc de manière tout à fait cohérente dans un texte relatif à la croissance et à l’activité. Nous ne sommes précisément pas en train de conduire une réforme de la justice consulaire elle-même, qui aurait effectivement sa place dans le projet sur la justice du XXIe siècle.
Je plaide donc pour que nous ayons cette discussion, dans l’esprit d’ouverture que j’évoquais. Mais, j’y reviens : sortons de la caricature collective à laquelle nous assistons depuis tout à l’heure, et qui ne ressemble d’ailleurs pas au débat de qualité que nous avons eu jusqu’à présent sur ce texte ! Ne m’accusez pas d’avoir « emmanché » cette réforme de mon bureau de Paris, en méprisant les uns et les autres, de m’être mal débrouillé en agissant tout seul ! Je ne prends jamais d’engagements la main sur le cœur – vous l’avez vu tout à l’heure – lorsque je ne peux pas les tenir ! En l’espèce, je me suis engagé, car je considère que cela concerne la vie économique et que je sais vers quoi je peux évoluer. Mais il ne faut pas me caricaturer ou opposer deux France qui se regarderaient en chiens de faïence !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Mes chers collègues, j’étais pour ma part assez perplexe quant au contenu de cet article relatif à la spécialisation des tribunaux de commerce, notamment parce que j’ai encore en mémoire le procès en incompétence fait par le dirigeant d’une grande organisation syndicale agricole au tribunal de commerce de Quimper en août 2012, dans le cadre du dépôt de bilan d’une importante société de production industrielle de volailles. Il se trouve que, en janvier dernier, nous avons visité cet établissement ensemble, monsieur le ministre, et vous avez alors pu constater combien l’entreprise en question avait renoué avec l’activité et les bénéfices ; vous avez d’ailleurs bien voulu accompagner son plan d’investissement.
Cela montre donc que même les tribunaux de province savent parfois prendre les bonnes décisions, celles qui permettent aux entreprises de poursuivre leur activité ; d’où mes doutes au sujet de cet article, parce qu’il nous faut nous assurer que nous ne créons pas de tribunaux de commerce de seconde zone.
J’ai toutefois été assez sensible aux propositions du corapporteur incitant à améliorer le texte. C’est pourquoi le groupe UDI-UC ne votera pas les amendements de suppression, afin que le Sénat puisse proposer des réponses aux problématiques auxquelles nous sommes confrontés.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je voudrais tout d’abord saluer le travail des corapporteurs de la commission spéciale. S’il est un sujet à propos duquel n’émergeront pas dans cet hémicycle des postures purement politiques, c’est bien celui des tribunaux de commerce. Quelle que soit en effet notre sensibilité politique, nous savons tous quelle est l’importance sur le terrain des tribunaux de commerce – d’où la place que vous donnez à leur réforme dans votre texte, monsieur le ministre.
Je voudrais néanmoins vous faire toucher du doigt, mes chers collègues, le niveau de notre responsabilité en la matière. En effet, le fonctionnement actuel des tribunaux de commerce constitue aujourd'hui l’un des principaux facteurs de croissance et d’égalité des chances en France. Combien d’affaires, d’emplois et d’activités ont été maintenus par l’action de ces hommes et ces femmes donnant de leur temps pour sauver ce qui pouvait l’être ? Nous en avons tous des exemples dans nos circonscriptions !
Je m’apprêtais donc à voter moi aussi ces amendements de suppression.
Mais je dois dire que vous m’avez convaincu, monsieur le corapporteur. Je ne peux effectivement imaginer que le Sénat n’apporte pas sa contribution à la réforme, afin de conserver cette proximité et ce réalisme de terrain propres à sauver les entreprises et les emplois menacés sur nos territoires. Ce réalisme de terrain, ce vécu de celles et ceux qui gèrent effectivement les affaires en difficulté me paraissent en effet importants.
Je viens de l’Est de la France, et, dans les propositions de la commission spéciale apparaît la notion de procédure transfrontalière. Étant lorrain, je suis donc concerné au premier chef par cette disposition ; mais sachez tout de même que cette dimension transfrontalière est aujourd'hui déjà prise en compte sans que l’on ait eu besoin de spécialiser les tribunaux de commerce.
Toutefois, je le redis, j’ai été convaincu par M. le corapporteur, et je soutiendrai donc sa position courageuse, parce que, à mon sens, il en va de notre responsabilité.
Cela étant dit, monsieur le ministre, même à cette heure tardive, vous ne pouvez conserver cette position si peu clairvoyante concernant l’enjeu de cette réforme. Vous devez aller plus loin et vous engager ! On ne peut imaginer que vous n’entendiez pas cette nécessité de proximité avec les territoires.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons est avant tout celui du redressement d’entreprises en difficulté employant de nombreux salariés – 150, 200…
Comme vous l’avez dit, le rôle des tribunaux de commerce en la matière est tout à fait différent de celui qu’ils ont au quotidien, à savoir le règlement des litiges entre commerçants, des problèmes de paiement, des conflits au sein d’une société, etc.
Dans ce domaine, le tribunal de commerce a une activité par définition complexe. Il doit avoir des relations avec de nombreux interlocuteurs : administrateurs judiciaires, représentants des créanciers, représentants du Gouvernement – la préfecture, notamment le secrétaire général pour les affaires régionales, ou SGAR, intervient dans la procédure pour essayer de faire en sorte que l’entreprise soit sauvée –, éventuels repreneurs, entre lesquels il lui faut arbitrer, etc.
Je pense que des tribunaux spécialisés doivent avoir suffisamment de dossiers de cette nature à traiter pour avoir l’expérience de cette matière complexe.
Si le rapporteur estime qu’une ouverture est possible, c’est parce que les représentants des tribunaux de commerce qu’il a auditionnés sont eux-mêmes conscients qu’une réforme n’est sans doute pas inutile sur ces affaires, peu nombreuses mais importantes. Le débat est là.
Cela étant, monsieur le ministre, ce qui m’ennuie, dans votre texte et dans celui qu’a adopté l’Assemblée nationale, c’est la manière dont on enferme la réforme en prévoyant qu’il ne peut y avoir qu’un tribunal spécialisé dans le ressort d’une ou de plusieurs cours d’appel. Je pense pour ma part que le décret qui devra être pris, après avis du Conseil national des tribunaux de commerce, devra tenir compte des réalités locales.
En région parisienne, l’existence de plusieurs tribunaux de commerce et d’affaires importantes pourrait justifier la spécialisation sur le ressort d’une seule cour d’appel. À d’autres endroits du territoire, compte tenu de la présence des entreprises, deux tribunaux de commerce pourraient être compétents. Je pense qu’une avancée est possible sur ce point, sans d'ailleurs enfermer le Gouvernement. Et même si nous débattons, pour l’heure, de la suppression de l’article 66, je me permets de dire dès à présent que la présence d’un seul tribunal spécialisé dans le ressort d’une cour d’appel me paraît trop réductrice.
J’espère que tout le monde sera d’accord pour dire que nous avons besoin de renforcer encore nos stratégies en matière de redressement judiciaire des entreprises. C’est d’ailleurs ce qui a été fait depuis la loi Badinter, et des améliorations ont déjà été enregistrées.
Je peux vous dire que j’ai connu pour ma part des situations extrêmement difficiles, des situations que l’on pensait désespérées et qui ont pu être dénouées par des contacts avec l’ensemble des acteurs, y compris les tribunaux de commerce. Certains d’entre vous pourraient sans doute apporter d’autres témoignages en ce sens ! C’est le sujet d’aujourd'hui. Il a toute sa place dans un projet de loi sur la croissance et l’attractivité.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous en arrivons à une heure tardive à un point important du dossier.
J’entends que, selon certains de mes collègues, il conviendrait de supprimer l’article 66 parce que le Gouvernement ne nous entendra pas et que, de toute façon, le projet de loi va retourner à l’Assemblée nationale.
Chers collègues, je vous signale que, depuis trois semaines, nous ne faisons que modifier le texte ! Fallait-il ne pas travailler sur les professions réglementées ? On peut en douter quand on voit le travail remarquable que François Pillet a réalisé sur ce sujet. Ses propositions satisfont les acteurs concernés, que ce texte inquiétait beaucoup. Dominique Estrosi Sassone et moi-même avons modifié le texte sur d’autres sujets : j’ai travaillé pour ma part sur le travail du dimanche, et nous le ferons encore sur d’autres points.
Si nous nous disons que tout ce que nous faisons ne sert à rien, il fallait d’emblée tout rejeter en bloc ! Nous aurions été tranquilles et nous aurions gagné du temps.
M. Jacques Mézard. Ce n’est pas ce que nous disons !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Si, monsieur Mézard ! Au fond, votre raisonnement est celui-là.
Nous sommes en train de débattre d’amendements visant à la suppression de l’article. Il est clair que, si nous les adoptons, nous en reviendrons au texte de l’Assemblée nationale. Nous n’aurons donc pas l’occasion de discuter des propositions de notre collègue François Pillet.
Ce que nous souhaitons, c’est proposer des éléments qui puissent satisfaire les professions concernées – en l’occurrence, les tribunaux de commerce. Allons au moins au bout de ce débat !
Tout le monde a le droit de s’exprimer, et je respecte les positions de chacun. Mais je veux dire à ceux qui appellent à la suppression de l’article au prétexte que notre travail ne servirait à rien, que, avec une telle logique, nous aurions pu gagner beaucoup de temps depuis trois semaines en traitant ce texte de façon beaucoup plus radicale !
Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Ce n’est pas le choix qu’a fait le Sénat. Ce n’est pas le choix qu’a fait la majorité sénatoriale. Personnellement, je reste sur cette position.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je vais retirer mon amendement n° 859 rectifié, car, membre de la commission spéciale, je fais confiance à son président et à M. le corapporteur.
J’ai bien entendu les arguments avancés par chacun.
Monsieur le ministre, vous avez complètement bousculé nos tribunaux de commerce ; vous les avez braqués. Vous nous reprochez d’opposer Paris et nos territoires ruraux, mais vous faites de même avec nos tribunaux de commerce !
Je pense que les propositions qui vont nous être présentées nous conviendront. Disant cela, je pense notamment aux effets de seuils.
Je veux aussi rappeler que les tribunaux de commerce sont très compétents et qu’ils veulent garder leurs compétences, qu’ils perdront si les affaires concernant les entreprises les plus importantes sont délocalisées.
N’oubliez pas que les tribunaux de commerce dispensent aussi en amont beaucoup de conseils – gratuits – aux entreprises, pour essayer, justement, d’éviter les redressements, les sauvegardes et les liquidations.
Dans ces conditions, je retire mon amendement. Mais je pense que ce débat était nécessaire, malgré l’heure tardive.
M. François Pillet, corapporteur. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 859 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 64.
(Le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme Cécile Cukierman. Il y a des retournements ! Les crêpes seront bonnes…
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 119 amendements au cours de la journée ; il en reste 293.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 6 mai 2015, à quatorze heures trente et le soir :
Examen de l’article 50 A précédemment réservé (Sociétés de projet) du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Suite de la discussion des articles de ce projet de loi ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
En outre, à quatorze heures trente :
Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 6 mai 2015, à trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART