M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, sur l'article.
M. Jean-Pierre Vial. La question du lien que l’industrie, dont traite le chapitre III du titre II du projet de loi, entretient avec l’énergie nous rappelle le débat très intéressant qui s’est tenu dans cet hémicycle il y a quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi présenté par Mme Royal relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, au sujet des industries électro-intensives.
Lorsque le débat sur la transition énergétique avait été lancé, Mme Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, avait invité son homologue allemand, M. Peter Altmaier, qui, après s’être félicité que la France ouvre ce débat, avait conclu son propos en soulignant la nécessité d’établir un lien entre la transition énergétique et l’enjeu industriel – une conclusion qui avait dû en surprendre plus d’un, mais que l’on comprend mieux si l’on considère les moyens consacrés par nos voisins allemands au soutien de leurs industries électro-intensives.
À ce sujet, je souligne que la forte dégradation que notre industrie a subie, alors que, il y a quelques années, nous faisions jeu égal avec les Allemands, correspond à 6 gigawatts. En d’autres termes, notre situation énergétique actuelle, dont nous nous félicitons, résulte autant de la dégradation malheureuse de notre secteur industriel que des économies réalisées par les consommateurs.
Les électro-intensifs constituent un enjeu important, puisque ce secteur représente 100 000 emplois directs, 400 000 emplois indirects et plus de 500 entreprises. En outre, comme je le soulignais à l’instant, ce sont six gigawatts qui seraient concernés si ce secteur se trouvait malmené.
Dans ce secteur, la compétition internationale fixe le prix de référence à entre 25 et 30 dollars, ce qui correspond à peu près aujourd’hui à entre 25 et 30 euros, compte tenu du taux de change.
Jusqu’à ce jour, les entreprises françaises ont pu résister à cette situation grâce à des dispositions que nous connaissons bien, comme l’article 8, le tarif vert, ou encore les contrats spécifiques. Il est facile d’estimer la valeur de ces dispositifs lorsque l’on considère que nos voisins allemands, espagnols, italiens mobilisent entre 300 et 700 millions d’euros pour soutenir ce secteur industriel. Le seul article 8 équivaudrait – je parle sous votre contrôle, madame la secrétaire d’État – à entre 250 et 300 millions d’euros.
Cette situation n’est pas nouvelle, et certaines solutions ont d’ailleurs été au cœur des débats parlementaires depuis plusieurs années, par exemple s'agissant de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, ARENH, ou d’Exeltium. Je rappelle que, par rapport aux prix de référence internationaux que j’évoquais à l’instant, l’ARENH est aujourd’hui de 42 euros par mégawattheure, et certains souhaiteraient même le voir passer à 50 euros ; Exeltium, quant à lui, est à plus de 45 euros. Je ne puis ici que me référer à l’excellent article paru il y a quelques jours dans Les Échos, qui dresse ce constat.
Face à cette situation, de nombreux dispositifs sont donc prévus, et nous allons en examiner quelques-uns dans un instant, à commencer bien sûr par l’interruptibilité. Madame la secrétaire d’État, un tel dispositif est, en réalité, une subvention directe à l’industrie. Or je rappelle que l’Europe est très attentive à ce type de disposition. Elle a d’ailleurs engagé une procédure contre une entreprise italienne, le groupe Alcom, et exigé une amende de quelque 250 millions d’euros.
Nombreux sont ceux qui fondent de grands espoirs sur le dispositif hydraulique. Sur ce point, je rappelle la situation que nous avons évoquée dans le cadre de l’examen du projet de loi de transition énergétique, à savoir la difficulté de mobiliser des sociétés d’économie mixte qui seraient porteuses de l’hydraulique de barrage. Le problème majeur résulte du prix de cette énergie, puisque celui-ci se situe entre 60 et 130 euros, ce qui n’est pas compatible avec cette industrie. Le secteur de l’hydraulique au fil de l’eau présente les mêmes difficultés et il est lui aussi suivi de près par l’Europe.
Madame la secrétaire d’État, l’amendement qui sera présenté tout à l’heure tend à s’inscrire dans le prolongement des débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique. Nous souhaitons que les industriels de l’électro-intensif puissent bénéficier d’une consommation au tarif de la valeur du marché. Celui-ci n’a d’ailleurs cessé de se dégrader depuis quelques années : en 2011, il était de 42,9 euros, contre 33 euros en 2012 et 29 euros en 2014.
Mes chers collègues, je souhaitais attirer dès maintenant l’attention sur ce dispositif, qui me paraît particulièrement important pour notre industrie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, je me vois dans l’obligation de vous rappeler que nous venons d’examiner dix amendements en une heure et demie, et pas un de plus, et qu’il nous reste encore 400 amendements à examiner jusqu’à jeudi, veille du 8 mai ; peut-être la séance de nuit sera-t-elle ouverte ce jour-là. D’après le rythme auquel nous avançons, vous pouvez calculer le temps dont nous aurions encore besoin.
Je vous invite donc humblement à être plus concis dans vos interventions et à vous exprimer au moment de l’introduction de l’article, et non en amont de celui-ci, même si je comprends les contraintes de chacun, surtout dans les périodes où les réunions sont nombreuses ; cela permettrait un débat plus fluide, plus rapide et plus clair pour tout le monde.
Je me permets de vous faire cette recommandation en insistant sur le peu de temps dont nous disposons. Nous avons pris le temps nécessaire pour aborder la question du travail le dimanche. Par ailleurs, je suis tout à fait disposé, avec la commission et le Gouvernement, à vous répondre autant qu’il le faudra sur les sujets de fond du texte, mais je pense qu’il serait préférable de restreindre le nombre de discussions, ou en tout cas d’éviter les débats trop longs, du moins quand nous le pouvons. S’il le faut, nous serons là le 8 mai et au-delà, mais de grâce, essayons de tenir le calendrier qui a été fixé.
M. le président. L'amendement n° 1603, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’article 54 bis est relatif aux biocarburants. Les biocarburants dits « avancés », issus de déchets et de résidus, ainsi que de la valorisation des graisses animales, présentent un intérêt au regard du développement de l’économie circulaire et de la transition énergétique, et ce secteur mérite d’être soutenu.
Néanmoins, ce soutien doit être fait en bonne intelligence avec les biocarburants de première génération liés au colza, qui permettent aux agriculteurs de réaliser un investissement très intéressant.
Cet article a fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale : un amendement a été adopté en commission, puis modifié en séance. L’article, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale, présente des difficultés juridiques ; un travail d’examen est d’ailleurs en cours.
Le mécanisme de double comptage au titre de la taxe générale sur les activités polluantes, ou TGAP, dont les biocarburants avancés sont exonérés, vise un objectif d’incorporation de 0,35 % d’esters méthyliques d’huiles animales, ou EMHA, et d’esters méthyliques d’huiles usagées, ou EMHU, créant ainsi un mécanisme de cloisonnement. En effet, sur ces 0,35 % d'EMHA-EMHU, au moins 0,25 % devra être produit à partir de matières premières françaises, ce qui n’est pas compatible avec le droit européen.
La rédaction de l’article proposée par la commission spéciale pose également des difficultés, car elle conduirait à rompre l’équilibre entre les biocarburants de première génération et les biocarburants avancés. En effet, elle supprime le seuil de 0,35 % de double comptage pour l’exonération de TGAP dont bénéficient les biocarburants avancés. Ceux-ci, dont la plupart sont importés, je le rappelle, se retrouveraient ainsi trop favorisés au détriment des biocarburants agricoles, puisque le plafond global d’incorporation de 7 % ne change pas.
Les discussions entre les différents producteurs sont en cours et, à ce stade, faute d’accord entre ces derniers et de solution juridiquement satisfaisante, je propose de supprimer les dispositions de cet article 54 bis, dans la mesure où celui-ci n’a aucune stabilité juridique et pourrait même entraîner d’importantes difficultés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si aucune solution n’est trouvée dans les prochaines semaines, je vous propose de poursuivre la discussion lors de l’examen du projet de loi de finances, car le sujet doit être résolu et ces filières soutenues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. J’émets un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement, puisqu’il vise à supprimer le présent article, alors que la commission spéciale, Mme la secrétaire d’État y a fait référence, a adopté une nouvelle rédaction plus équilibrée que celle qui est issue de l’Assemblée nationale.
L’adoption des dispositions prévues par cet amendement empêcherait de soutenir le développement des biocarburants produits à partir de matières premières d’origine animale ou d’huiles usagées, c’est-à-dire les biocarburants EMHA et EMHU, qui, comme l’a dit notre collègue Agnès Canayer, offrent de nouveaux débouchés aux graisses animales issues d’abattoirs et impropres à l’alimentation.
La demande du Gouvernement de traiter la question dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances n’est en soit pas illégitime, mais le législateur peut se saisir du problème dès maintenant.
En outre, l’argument d’une rupture de l’équilibre avancé par le Gouvernement ne me paraît pas recevable, dans la mesure où la rédaction de la commission spéciale permet justement d’aider le Gouvernement à fixer la répartition entre les filières, et rien n’interdit ensuite de préciser l’exercice fiscal à partir duquel la mesure est effective.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission spéciale sur cet amendement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je suivrai Mme la corapporteur sur ce point. Je ne comprends pas la position du Gouvernement : madame la secrétaire d'État, vous dites qu’il faut développer cette filière tout en proposant un amendement qui tend à supprimer l’article 54 bis.
Comme l’a rappelé Mme Agnès Canayer, les produits qui servent de base à ces biocarburants avancés ne peuvent plus être consommés et proviennent de notre pays ; à cet égard, nous avons visité l’usine du Havre, qui fonctionne parfaitement. Aujourd’hui ces graisses animales et ces huiles usagées sont brûlées ; ne serait-il pas préférable de les réutiliser ?
Madame la secrétaire d’État, vous nous suggérez de revenir sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances. Pour ma part, je n’y suis pas opposé. Si des aménagements doivent être réalisés dans le code des douanes, rien ne vous empêchera de les faire au cours de l’exercice fiscal. Néanmoins, pour l’instant, il faut maintenir ce qui a été voté. Vous pourrez apporter les modifications nécessaires le moment venu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens la position de la commission, dans la mesure où cet enjeu est tout à fait stratégique pour la France.
On ne peut examiner un projet de loi sur la croissance et le développement économique sans donner des signes clairs aux industriels, afin de les inciter à investir au sein de notre territoire.
L’élevage animal est très étendu en France, par comparaison avec les autres territoires européens. Par conséquent, nous ne devons pas nous priver de tous ces sous-produits qui n’ont pas d’utilité humaine ; au contraire, il nous faut développer une utilisation et une revalorisation de ces matières. Nous ne devons pas attendre l’examen du projet de loi de finances, nous devons donner des signes clairs dès à présent.
Je me réjouis donc de la position de la commission spéciale.
M. le président. L'amendement n° 844 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé, Houel, Laménie, Lefèvre et Longuet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Perrin, Raison, Trillard et Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le III de l’article 266 quindecies du code des douanes est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le bénéfice du dixième alinéa du présent III est limité, pour les personnes mentionnées au I, à 0,35 % des quantités de carburants mis à la consommation l’année considérée pour les biocarburants incorporés aux gazoles routiers et non routiers dont au moins 0,25 % sont issus des biocarburants incorporés aux gazoles routiers et non routiers provenant de matières premières animales ou végétales, énumérées à l’article 21 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 précitée, collectées et transformées dans un processus d’économie circulaire.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés des douanes, de l’écologie, de l’énergie et de l’agriculture fixe les conditions et les modalités de mise en œuvre de l’avant-dernier alinéa du présent III. »
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Le présent amendement vise à rétablir la version existante de l’article 54 bis, tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale, conformément à la concertation en cours entre les autorités publiques et les parties intéressées. Il tend ainsi à se substituer à l’amendement n° 511 de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a choisi de ne pas maintenir l’amendement n° 511. L’amendement n° 844 rectifié vise à rétablir la rédaction du présent article, telle qu’elle est issue du débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Or la commission spéciale a adopté une rédaction différente.
Le texte, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale, prévoit un objectif d’incorporation de 0,35 % d’EMHA et d’EMHU, dont au moins 0,25 % devra être issu d’un processus d’économie circulaire. Nous avons plutôt cherché à mieux répondre aux préoccupations de la filière française des EMHA et EMHU, en maintenant dans la loi l’objectif global d’incorporation de 7,7 % de biocarburants et en renvoyant l’ensemble des autres éléments à un arrêté ultérieur.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Comme je l’ai dit tout à l’heure, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 54 bis présente un problème de compatibilité avec le droit européen, puisqu’il était prévu que, sur le pourcentage de 0,35 % d’EMHA-EMHU, au moins 0,25 % fût issu d’un processus d’économie circulaire. Ce dispositif n’étant pas stabilisé juridiquement, il devait être retravaillé.
Le texte adopté par la commission spéciale du Sénat soulève également des difficultés : certes, le seuil de 0,35 % est supprimé ; pour autant le plafond global d’incorporation de 7 % demeure.
Je le rappelle, les biocarburants avancés étant en partie importés, l’adoption de cette proposition se ferait au détriment des biocarburants agricoles français, en créant un important déséquilibre. Il convient donc de revoir ce dispositif au cours des prochaines semaines.
Nous soutenons la réflexion sur les biocarburants, notamment les biocarburants avancés ; néanmoins, nous devons faire en sorte de favoriser les filières françaises. Aussi, à défaut de disposer de tous les éléments nécessaires à notre réflexion dans les prochaines semaines, je vous propose d’attendre l’examen du projet de loi de finances, afin d’y introduire un dispositif opérationnel favorisant la production française.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. Madame Cayeux, l'amendement n° 844 rectifié est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 844 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 54 bis.
(L'article 54 bis est adopté.)
Article 54 ter
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 264 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le dernier alinéa de l’article L. 321-19 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette compensation est déterminée de façon à constituer une capacité totale interruptible permettant d’assurer le fonctionnement normal du réseau public de transport et à refléter le coût complet de la défaillance que l’interruption des consommateurs finaux concernés permet de prévenir ou de réduire. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. D’habitude, mon cher collègue, vous n’avez jamais le souffle court ni la démonstration aussi rapide ! (Rires.)
L'amendement n° 264 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 54 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 54 ter
M. le président. L'amendement n° 1404, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 54 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application effective de l’article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, relatif au financement du fonds de solidarité pour le logement. Ce rapport examine en particulier le montant et les modalités du concours financier au fonds de solidarité pour le logement des fournisseurs d’énergie ayant passé une convention avec le département.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Par cet amendement, nous profitons de l’article 54 ter, qui, initialement, tendait à favoriser une fois encore les industries électro-intensives – nous en avons parlé tout à l’heure –, alors que le projet de loi relatif à la transition énergétique, selon nous, les avait déjà suffisamment aidées, pour demander que le Gouvernement remette un rapport sur le financement du fonds de solidarité pour le logement, le FSL.
En effet, lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, il nous avait été répondu qu’une telle demande n’avait pas sa place dans ce texte. Nous considérons aujourd’hui que celle-ci a toute sa place dans le présent projet de loi.
Les chiffres sont connus : l’INSEE nous apprend qu’un foyer sur dix consacre plus de 10 % de ses ressources aux dépenses de chauffage et d’électricité et qu’au cours des dix ans qui ont suivi l’ouverture à la concurrence des activités des entreprises EDF et GDF Suez, le prix de l’électricité a augmenté de 22 % et celui du gaz de 66 %.
L’article 6-3 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre de droit au logement dispose que le financement du FSL est assuré par le département et prévoit la possibilité d’une participation complémentaire d’un certain nombre d’organismes, parmi lesquels les fournisseurs d’énergie.
Or nous savons tous que le mécanisme d’abondement du FSL par les fournisseurs d’énergie ne fonctionne pas. En effet, aujourd’hui, les nouveaux fournisseurs ne participent pas systématiquement, ni même sur l’ensemble du territoire, au financement du FSL.
De plus, même lorsqu’une convention existe, le montant de la contribution au FSL est trop souvent symbolique. En effet, en vertu d’un principe général, la participation au financement des fournisseurs d’énergie et des autres partenaires est facultative. S’ils décident apporter une contribution, ils en fixent librement le montant. Ainsi, bien que bénéficiant de la procédure de recouvrement d’impayés par le FSL, les fournisseurs non historiques ne contribuent pas, dans les faits, à son financement, laissant reposer cette responsabilité sur EDF, GDF Suez et les entreprises locales de distribution.
C’est pourquoi nous souhaiterions qu’un rapport faisant le point sur la contribution des fournisseurs d’énergie au FSL et sur les mesures qui pourraient être prises afin d’encadrer cette contribution et d’assurer son effectivité, y compris éventuellement en la rendant obligatoire, soit remis au Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mon cher collègue, il s’agit d’un amendement d’appel. Vous avez rappelé que, alors que vous aviez déposé un amendement identique lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, il vous avait été répondu qu’une telle demande n’avait pas sa place dans ce texte. À mon sens, celle-ci n’a guère plus sa place dans ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques !
Comme, de surcroît, nous sommes hostiles aux demandes de rapport, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Un tel rapport ne nous semble pas nécessaire, dans la mesure où les contributions d’EDF et de GDF Suez au FSL font l’objet d’une publicité dans les rapports de ces deux entreprises.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Si je comprends bien, cette demande de rapport n’a pas sa place dans le projet de loi relatif à la transition énergétique ni non plus dans le présent projet de loi…
Madame la secrétaire d'État, vous nous parlez d’EDF et de GDF Suez. Or, dans notre amendement, nous visons également les fournisseurs d’énergie non historiques, qui, tout en bénéficiant du FSL, n’y contribuent pas ou quasiment pas.
Quand débattra-t-on réellement de cette contribution au FSL ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Comme les opérateurs historiques, les nouveaux opérateurs doivent également mentionner dans leur rapport d’activité le montant de leur contribution au FSL. Nous disposons donc déjà de tous les éléments d’information.
Par ailleurs, comme vous, monsieur le sénateur, je considère que le FSL doit être abondé par tous les opérateurs.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1404.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 54 quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 178 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 693 rectifié, présenté par MM. Delebarre, Vandierendonck, Masseret, Montaugé, Daunis et Vincent, Mmes Bataille et Guillemot, MM. Chiron, Bourquin et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le titre II du livre V du code de l’énergie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Fourniture d’électricité d’origine hydraulique aux industriels utilisateurs intensifs d’électricité et exposés à la concurrence internationale
« Art. L. 524-1. – I. – Afin d’assurer la compétitivité des consommateurs dont la consommation en électricité est très intensive et qui sont exposés à la concurrence internationale, dans le respect du libre choix du fournisseur d’électricité, il est mis en place, à titre transitoire, un accès à l’électricité produite par les installations de production hydroélectrique mentionnées au II ouvert à tous les opérateurs fournissant certaines catégories de consommateurs finals mentionnées à l’article L. 351-1 du code de l’énergie, à des conditions économiques équivalentes à celles résultant, pour les concessionnaires des installations de production hydroélectrique mentionnées au II, de l’exploitation de ces mêmes installations.
« II. – La liste des installations de production hydroélectrique mentionnées au I situées sur le territoire national, mises en service avant la publication de la loi n° …. du ….. pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et faisant l’objet d’un contrat de concession est fixée par arrêté du ministre chargé de l’énergie, sur la base de critères liés au profil de production de la concession et de coût de production. Lors de la mise en concurrence d’une concession, celle-ci est retirée de la liste.
« III. – Les concessionnaires des installations de production hydroélectrique mentionnées au II cèdent l’électricité produite, pour un volume maximal et dans les conditions définies aux IV et V, aux opérateurs fournissant les consommateurs finals mentionnés au I qui en font la demande et situés sur le territoire métropolitain continental.
« IV. – Les conditions de vente reflètent les conditions économiques et industrielles de l’exploitation de la concession et couvrent l’ensemble des coûts d’exploitation et d’investissements encourus par le concessionnaire, ainsi que la rémunération des capitaux investis par ce dernier.
« V. – Le volume maximal d’électricité produite par une installation de production hydroélectrique mentionnée au II pouvant être cédé dans le cadre de ce dispositif est déterminé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie ne peut excéder 40 % de la production des installations de production hydroélectrique et demeure strictement proportionné aux objectifs poursuivis. Le volume maximal cédé à un fournisseur pour un consommateur final mentionné au I est calculé en fonction des caractéristiques de la consommation des installations concernées, ainsi que du respect des engagements en matière d’efficacité énergétique pris au titre de l’article L 351-1 du code de l’énergie.
« VI. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, précise les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement vise les industries hyper-électro-intensives, c’est-à-dire les entreprises industrielles qui utilisent énormément d’électricité dans leur processus de production.
Ces entreprises représentent en France pas moins de 10 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects. L’électricité entre en moyenne pour un tiers dans leurs coûts de production, ce qui est énorme, d’autant que ces entreprises fortement exposées à la concurrence internationale ont face à elles des sociétés rivales bénéficiant d’un accès à des énergies à bas coût. C’est le cas au Canada, en Islande aux États-Unis ou au Moyen-Orient.
Ces deux paramètres contribuent à fragiliser nos entreprises et, avec elles, les milliers d’emplois qu’elles représentent.
Il s’agit d’industries lourdes fortement capitalistiques dont les coûts d’investissement sont très élevés et dont la rentabilité ne peut être assurée que sur les moyen et long termes. Il est donc fondamental pour elles de disposer d’échéanciers de coûts à un horizon long.
La disparition des tarifs de vente d’électricité, programmée pour la fin de l’année, l’arrivée à échéance en 2016 des contrats à long terme de fourniture d’électricité dont elles bénéficiaient et qui leur apportaient une visibilité suffisamment lointaine pour les sécuriser à long terme auront pour conséquence une hausse des coûts de l’électricité qui pourrait leur être fatal.
La commission des affaires économiques, conjointement avec la commission des finances, a reçu leurs représentants, qui ont poussé un cri d’alarme. Ils nous ont déclaré que, à défaut d’une réaction de notre part, leurs entreprises pourraient quitter le sol national, ne pouvant plus produire compte tenu des tarifs de l’électricité tels qu’ils leur sont proposés.
Il faut donc trouver d’autres moyens non seulement pour maintenir le mégawattheure à un tarif compétitif compris entre 20 et 30 euros, mais également pour assurer à ces entreprises une visibilité à quinze ans.
Aussi, par cet amendement, nous proposons que ces entreprises hyper-électro-intensives puissent bénéficier d’un accès à l’hydraulique historique : chacun sait que l’électricité ainsi produite est la plus compétitive aujourd’hui en France.
Il existe peut-être d’autres solutions, comme l’a avancé tout à l’heure Jean-Pierre Vial, mais cette proposition présente l’avantage de permettre la mise à disposition rapide d’un volume suffisant et flexible d’énergie pour préserver la compétitivité de nos entreprises.
Aujourd’hui, la baisse des prix de l’énergie contribue à améliorer notre compétitivité, mais nous sommes tributaires de ses cours, ainsi que de ceux des monnaies. C’est pourquoi nous formulons plusieurs propositions : garantir à long terme un accès privilégié à une source d’énergie compétitive ; donner l’assurance d’une concurrence internationale sans distorsion ; offrir aux entreprises un horizon temporel dégagé, afin qu’elles puissent investir, des débouchés stables et pérennes, une quantité d’électricité quasi fixe à produire ; garantir aux fournisseurs d’être payés.
La préservation de l’emploi et des filières – localement et même au-delà – de ces industries situées en amont alimente des filières d’avenir innovantes qui sont indispensables à notre économie : stockage d’électricité, solaire, aéronautique.
Cet amendement a une qualité : les dispositions qui y sont visées sont eurocompatibles et ne copient pas la règle parfois mise en cause par Bruxelles. Elles offrent la possibilité de défendre pied à pied nos entreprises et illustrent notre volonté de produire sur le sol national.