M. le président. Monsieur Billout, l’amendement n° 1174 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Billout. Le dispositif de cet amendement est peut-être un peu excessif, en effet. En tout cas, je prends note de votre engagement, monsieur le ministre, à faire preuve de la plus grande vigilance. Si la procédure débouchait sur une condamnation, la situation deviendrait extrêmement problématique.
Cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1174 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1173, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
N’est pas autorisé le transfert de capital du Groupement industriel des armements terrestres et de ses filiales au profit d’une société tributaire de contraintes nationales pouvant compromettre l’exercice par la France de sa pleine souveraineté en matière de politique étrangère, de mise en œuvre de ses accords de défense ou de coopération en matière de défense, comme de sa politique d’exportation d’équipements de défense.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’argumentation que vient de développer M. le ministre est tout de même affligeante… Cela signifie que bon nombre de sociétés sont poursuivies pour des raisons diverses et variées.
Mme Laurence Cohen. Cette situation est assez terrible, et devrait nous faire réfléchir sur les pratiques des grandes entreprises.
J’en viens à l’amendement n° 1173.
Nous estimons que les modalités de constitution de la nouvelle société NEWCO ne donnent pas suffisamment de garanties pour préserver au mieux nos intérêts nationaux. Trop d’incertitudes pèsent sur ce transfert de capitaux publics français au sein d’une nouvelle entité, de droit hollandais, et constituée à proportion égale de capitaux privés.
Ces incertitudes sont d’ordre financier, juridique ou encore social, s’agissant de la pérennité des emplois. Sur ce point, Mme la rapporteur affirme que toutes les garanties sont réunies, mais nous connaissons par expérience la fin de ce genre de scénario…
En effet, quels critères prévaudront dans les choix stratégiques, industriels et financiers des futurs dirigeants de la nouvelle société ? Quel type de gouvernance choisiront-ils ? Quelle sera la répartition des fabrications au sein de cette nouvelle entreprise intégrée ?
En outre, nous savons d’expérience qu’une fusion de ce type a souvent des répercussions négatives en matière d’emploi et de savoir-faire des entreprises.
Mais c’est aussi la future stratégie du groupe qui est en question. Elle ne manquera pas d’emporter des conséquences sur notre liberté de choix en matière de politique d’exportation de matériels militaires, d’accords de coopération de défense et, plus généralement, de politique étrangère.
En l’absence de réponses précises à ces questions, nous refusons de signer un chèque en blanc en acceptant la cession de la majorité d’une entreprise à capital public au secteur privé.
Nous doutons que les modalités de rapprochement entre Nexter et KMW, telles qu’actuellement négociées entre les deux entreprises, puissent permettre de préserver intégralement les intérêts de notre pays.
M. le président. L’amendement n° 1414 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1173 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 47.
(L’article 47 est adopté.)
Article 48
(Non modifié)
I. – Après le mot : « État », la fin de la seconde phrase du premier alinéa et la fin du troisième alinéa de l’article L. 5124-14 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « , par ses établissements publics ou par d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public. » ;
II. – Dans les cas mentionnés aux I et II de l’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, un décret pris en application de l’article 31-1 de la même ordonnance peut prononcer la transformation d’une action ordinaire en une action spécifique, assortie de tout ou partie des droits définis au même article.
III. – Tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies » doit être autorisé par la loi, selon les modalités prévues au titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. L’article 48 ouvre le capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, à Bpifrance. Jusqu’à maintenant, le LFB figure dans le portefeuille de l’Agence des participations de l’État, l’APE.
Je rappelle que la France a décidé d’organiser la collecte et le fractionnement du sang à la suite de l’affaire du sang contaminé. Créés dans ce contexte, l’Établissement français du sang, l’EFS, et le LFB, qui sont bien deux établissements distincts, ont ainsi mis en œuvre des normes et des pratiques sanitaires bien supérieures à celles en vigueur au sein de l’Union européenne. L’idée était de conjuguer éthique du don et sécurité sanitaire, avec comme garantie l’implication de l’État.
Or l’article 48 pourrait ouvrir la porte à une remise en cause du rôle de l’État, et alimente des craintes quant à une éventuelle privatisation du LFB. En effet, si la rédaction actuelle de l’article ne permet pas celle-ci dans l’immédiat, nous considérons que le risque est suffisamment élevé pour que l’on s’oppose à l’adoption d’un tel dispositif.
Par expérience, nous savons que les ouvertures de capital de ce type sont un premier pas vers un désengagement progressif de l’État, puis du secteur public, au bénéfice du secteur privé.
À ce titre, je rappelle que le statut du LFB avait déjà été modifié en 2004 : d’établissement public industriel et commercial, il était devenu société anonyme à capitaux publics majoritaires. Le gouvernement de l’époque avait justifié cette modification par la nécessité, pour le LFB, d’attirer des capitaux extérieurs afin de pouvoir augmenter ses dépenses de recherche et développement.
L’ouverture de capital proposée, quant à elle, a pour objet de permettre au LFB de mener une croissance externe et d’innover. Elle serait destinée à financer l’ouverture d’une usine, assortie de la création de 2 000 postes, dont 500 à l’étranger. Nous ne pouvons évidemment qu’encourager ce type de démarche et saluer la création d’emplois qu’elle engendre. Néanmoins, nous nous posons de nombreuses questions sur le mode de financement choisi pour ce site. Pourquoi ne pas demander à l’APE, aujourd’hui seul financeur du LFB, d’assurer l’investissement de 300 millions d’euros nécessaire à ce projet ? Pourquoi ouvrir le capital à Bpifrance, au lieu de lui demander de consentir un prêt ? Cette ouverture se fera-t-elle d’ailleurs uniquement au bénéfice de Bpifrance ? Quelle sera l’étape suivante ? Pourquoi prendre le risque de voir l’État, à terme, se désengager d’une activité rentable, créatrice d’emplois et innovante ?
Le LFB, en effet, est un laboratoire innovant, dynamique, un fleuron de notre industrie biotechnologique. Il serait dommage de laisser les intérêts privés s’emparer de cette ressource.
Nous nous posons également des questions sur la logique capitaliste affirmée qui sous-tend la stratégie du LFB, alors que celle-ci devrait être principalement guidée par l’éthique.
En effet, la stratégie offensive du LFB consistant à rechercher une expansion à l’international et à conquérir de nouvelles parts de marchés peut être intéressante, mais elle ne doit pas être mise en œuvre en s’affranchissant de certaines normes éthiques et de sécurité sanitaire.
Or, par exemple, lorsqu’il opère à l’étranger, ou pour l’étranger, le LFB utilise du sang collecté en échange d’une rémunération. Au lieu d’exporter notre modèle éthique, nous le remettons en cause pour exporter !
Ces évolutions, qui nous semblent regrettables, justifient d’autant plus le maintien de la maîtrise des activités du LFB par la puissance publique. C’est pourquoi nous défendrons dans quelques instants un amendement visant à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article relève du titre II, intitulé « Investir », et de la section 3 « Autorisation d’opérations sur le capital de sociétés à participation publique » du chapitre II… Au travers de son dispositif, vous entendez, monsieur le ministre, appliquer ce programme au domaine transfusionnel. Nous ne pouvons vous suivre.
S’il est composé de trois alinéas seulement, cet article n’en est pas moins primordial et risque de bouleverser le paysage actuel.
En effet, pour l’heure, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies est détenu à 100 % par l’État. Il a été créé en vue de séparer les activités de collecte, de préparation et de distribution des produits sanguins de la fabrication des médicaments dérivés du sang. C’est une garantie au regard des enjeux de sécurité sanitaire.
La rédaction initiale de l’article et les débats qui ont eu lieu, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au sein de la commission spéciale du Sénat, ont porté sur la question suivante : cet article permet-il une privatisation du LFB ? Nous n’avons pas la même interprétation juridique que vous, manifestement, et nous ne sommes pas rassurés par les arguments selon lesquels il s’agit uniquement de permettre à Bpifrance d’investir pour la construction d’une nouvelle usine.
Pour nous, l’alinéa 3 est parfaitement clair : « tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société "Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies" doit être autorisé par la loi, selon les modalités prévues au titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée ».
Au regard des majorités actuelles au sein du Parlement et, surtout, de la politique qui est menée, l’autorisation par la loi ne nous semble guère être un obstacle difficile à franchir pour les tenants de la privatisation à tout crin. Par ailleurs, comment ne pas craindre l’utilisation du 49-3, auquel, hélas ! il est souvent recouru, aujourd'hui comme hier ?
Cet article est tout sauf anodin : un commerce du sang est bel et bien en train de s’organiser, et le dispositif prend encore plus de sens quand on fait le lien avec les débats que nous avons eus lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour rappel, l’article 51 de ce dernier, contre lequel une majorité du Sénat s’était prononcée, légalise et légitime la commercialisation d’un produit sanguin, le plasma SD, devenu « médicament » le 13 juillet dernier par arrêt du Conseil d’État consécutif à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
En cohérence avec le vote émis ici même lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur un amendement de notre groupe, j’appelle la Haute Assemblée à rejeter l’article 48 du présent texte, qui ouvre la voie à la marchandisation du sang, rompant avec les principes éthiques qui permettent de garantir la sécurité des patients et des donneurs de sang.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 158 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux, M. Raoul et Mmes Monier et Jourda.
L'amendement n° 462 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 52.
Mme Éliane Assassi. L’article 48 a été l’objet de nombreux débats et critiques, notamment à l’Assemblée nationale.
Nous avons lu, pour notre part, avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, les arguments que vous avez développés devant nos collègues députés. Je dois dire qu’ils ne nous ont pas convaincus, d’où le dépôt de cet amendement de suppression.
Avant d’entrer dans le détail, je me permettrai de souligner, comme cela a déjà été fait, que cet article offre une parfaite illustration du caractère tous azimuts de votre loi, puisqu’il se situe entre un article concernant le GIAT, le Groupement industriel des armements terrestres, et un autre relatif aux aéroports !
M. Emmanuel Macron, ministre. On me l’a déjà faite ! Vous suivez bien les débats de l’Assemblée nationale !
Mme Éliane Assassi. Je rappellerai tout d’abord que le LFB a été créé en même temps que l’Agence française du sang et l’Établissement français du sang, par la loi du 4 janvier 1993. L’objectif est de garantir une éthique et une sécurité sanitaire des dons et de la fabrication des produits issus du sang.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ça n’a rien à voir !
Mme Éliane Assassi. Le LFB est aujourd’hui détenu à 100 % par l’État. Vous souhaitez, au travers de cet article, permettre à Bpifrance d’entrer au capital du LFB pour, dites-vous, permettre à celui-ci de construire une nouvelle usine plus moderne, nécessitant un investissement d’environ 300 millions d’euros.
Pour cela, vous souhaitez modifier un article du code de la santé publique. Ce qui nous inquiète très fortement, c’est que, en réalité, le droit actuel permet déjà cette participation. En effet, l’article L. 5124 du code de la santé publique dispose que l’État ou des établissements publics doivent être détenteurs majoritaires du capital du LFB, ce qui n’exclut en rien la participation au capital d’autres acteurs publics tels que Bpifrance.
Si le dispositif de l’article n’est pas donc pas à proprement parler utile pour permettre l’intervention de Bpifrance, quel est l’objectif visé ? Nous craignons une privatisation programmée et rampante. Nos inquiétudes sont d’autant plus fondées que nous avons déjà été particulièrement échaudés, Laurence Cohen l’a souligné, par l’article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’abandon du service public assuré par l’Établissement français du sang. Nous avons parfaitement compris que le système transfusionnel devait être, selon vous, également soumis aux lois du marché. L’article 42 du projet de loi relatif à la santé, actuellement en débat, est de la même veine : tout cela est cohérent et organisé.
Tout comme lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous dénonçons cette évolution, qui remet profondément en cause le système actuel, dont l’objet est de préserver le sang des logiques mercantiles et des risques qu’elles comportent.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a été déposé par mes collègues Karine Claireaux, Daniel Raoul, Marie-Pierre Monier, Gisèle Jourda et moi-même. Nous ne comprenons pas pourquoi il serait nécessaire de modifier le statut du LFB, détenu aujourd'hui à 100 % par l’État.
Je rappelle que l’État ne perçoit actuellement aucun dividende en raison du caractère bénévole du don de plasma, ce qui signifie que le laboratoire réinvestit la totalité de ses bénéfices. Cela maintient la cohérence éthique du système français.
Il est à craindre que l’entrée au capital de Bpifrance n’amène une remise en cause de l’absence de versement de dividendes. La construction d’une nouvelle usine est nécessaire, mais pourquoi ne pas recourir à un financement au travers de l’Agence des participations de l’État ? Ne dites-vous pas vous-même que celle-ci doit avoir une gestion active et fluide de ses crédits ?
Nous ne voyons pas l’intérêt de modifier la composition du capital et le statut du LFB, pour l’heure comme pour l’avenir. Une telle opération nous semble au contraire risquée.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 462.
M. Jean Desessard. Si j’osais, je dirais que cet amendement est dans la même veine que les précédents… (Sourires.)
L’article 48 vise à permettre l’ouverture du capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies aux établissements ou entreprises publics. La justification de cet article est simple : le LFB a un besoin de financement d’environ 250 millions d’euros, que l’État n’a pas les moyens de satisfaire.
L’activité du LFB est essentiellement tournée vers le fractionnement des protéines plasmatiques issues du plasma sanguin humain. Il dispose de l’exclusivité du fractionnement du plasma issu des dons de sang bénévoles, collectés sur le territoire français par l’Établissement français du sang. Il est également l’un des leaders mondiaux du fractionnement ; c’est à ce titre qu’il a besoin de financement.
Si l’on peut penser que cette volonté de gagner de nouveaux marchés est légitime, nous estimons que la filière du sang doit rester publique. Nous ne voyons pas pourquoi impliquer d’autres acteurs publics alors même que l’État a soutenu la recherche au sein de ce laboratoire et que celui-ci s’apprête à développer une activité très rentable, à partir de sang donné gratuitement par les Français.
Il est incompréhensible de se retirer du capital d’une entreprise publique aussi sensible alors qu’un apport de 250 millions d’euros suffirait. Le Gouvernement pourrait certainement débloquer cette somme par d’autres moyens.
De plus, le III de l’article 48 laisse planer un doute, même si certains estiment qu’il constitue un verrou. Il y est en effet précisé que « tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société "Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies" doit être autorisé par la loi ». Pourquoi inscrire une telle mention dans le texte si ce capital doit rester public ? Ce passage n’est pas de nature à nous rassurer. Voilà pourquoi nous souhaitons conserver un statut public au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies.
Les privatisations d’entreprises publiques commencent toujours de la même manière. On dit d’abord qu’il n’y a pas d’inconvénient à réduire la part du capital détenue par l’État, du moment qu’elle reste supérieure à 50 %. Puis on dit que l’on peut sans dommage l’abaisser à 30 %, dans la mesure où l’État conserve alors une minorité de blocage. Enfin, puisqu’on ne contrôle plus rien, on décide de tout vendre pour être tranquille… (Sourires.) Nous sentons bien que nous ne sommes pas loin ici de cette logique. C’est comme pour les autoroutes : on estime que la puissance publique ne sera pas capable de rentabiliser l’investissement projeté…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Cet article est absolument indispensable pour assurer le financement de la future usine du LFB et contribuer ainsi à son développement, ainsi qu’à son rayonnement au niveau international.
Il ne s’agit en aucun cas d’une privatisation, puisque la majorité du capital doit bien appartenir à des personnes publiques. Il n’y aura aucune possibilité de privatiser sans en passer de nouveau par la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements de suppression.
Il s’agit de corriger une anomalie juridique : la rédaction actuelle de l’article du code de la santé publique relatif au LFB ne couvre pas la personnalité juridique de Bpifrance.
Le rôle de l’APE, qui a une gestion patrimoniale, n’est pas de réinvestir dans les entreprises dont elle détient une partie du capital pour accompagner leur développement : c’est là une autre activité, celle précisément que nous avons confiée à Bpifrance.
Que l’on me permette de lever une ambiguïté : il ne s’agit pas ici, pour Bpifrance, d’accorder un prêt au LFB, mais d’entrer à son capital pour lui permettre de réaliser des investissements, dont le financement passera donc par une augmentation du capital. Celle-ci n’est pas permise, à l’heure actuelle, par le code de la santé publique. L’objet de l’article 48 est de remédier à cette difficulté, afin que le LFB puisse disposer de 250 millions ou 300 millions d’euros pour construire la nouvelle usine dont il a besoin.
Très franchement, quand je vois le nombre d’heures passées sur ce sujet, la violence des débats et des accusations lancées, y compris à mon encontre, je me dis parfois que j’aurais mieux fait de ne pas m’attaquer à ce sujet, que le jeu n’en valait pas la chandelle…
Mme Laurence Cohen. Supprimez donc l’article !
M. Emmanuel Macron, ministre. Non, je ne le ferai pas, par principe ! Sinon, cela signifierait que nous ne sommes pas capables d’avoir un débat instruit, informé, démocratique et responsable sur un tel sujet. Je continue à me battre, car je n’admets pas que l’on veuille interdire à une entreprise publique de se développer pour des raisons totalement irrationnelles et non documentées ! Ce combat vaut la peine d’être mené ! Rien dans vos propos n’est fondé.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est ce que vous pensez !
M. Emmanuel Macron, ministre. Non, c’est un fait !
Il s’agit de permettre à Bpifrance, dont les deux coactionnaires sont l’État et la Caisse des dépôts et consignations, qui ne sont en rien des acteurs privés, d’entrer au capital du LFB, afin d’aider celui-ci à se développer.
L’État n’a jamais perçu du LFB le moindre dividende, il a toujours réinvesti. Je le redis, l’État, à l’avenir, ne demandera pas le versement de dividendes. Bpifrance n’aura pas non plus les moyens d’en demander, puisque nous détenons 50 % des droits de vote en son sein.
La seule justification de l’entrée de Bpifrance au capital du LFB est de contribuer au développement de ce laboratoire. Que l’on ne vienne donc pas me dire qu’il y aurait un changement de jurisprudence ou que l’on aurait soudainement décidé de commercialiser ou de privatiser la collecte de sang, comme j’ai pu l’entendre, puisqu’il ne s’agit pas du sang, mais de l’utilisation du plasma sanguin pour la fabrication de médicaments.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est ce que nous avons dit !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’État a toujours décidé, en tant qu’actionnaire public, de ne jamais percevoir de dividendes, préférant réinvestir ; c’est ce que nous continuerons à faire pour permettre le développement du LFB. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une privatisation. J’ai même pris l’engagement, que je réitère ici, que nous n’ouvririons pas le capital, fût-ce de façon minoritaire, à des acteurs privés.
Imaginons que je décide de retirer l’article 48.
M. Jean-Pierre Bosino. Faites-le !
M. Emmanuel Macron, ministre. Demain, je peux décider, par décret, d’ouvrir jusqu’à concurrence de 49 % le capital du LFB à des fonds privés. Tel est l’état actuel du droit français : si vous en êtes contents, alors vous êtes en totale contradiction avec ce que vous me dites depuis tout à l’heure !
Non seulement nous sécurisons le dispositif en prévoyant, à l’alinéa 3 de l’article 48, que toute privatisation devra être autorisée par la loi, mais j’ai également pris l’engagement qu’il n’y aura même pas d’ouverture minoritaire du capital au secteur privé.
Si l’on veut que l’État conduise une véritable politique actionnariale, une véritable politique de santé publique, il faut que nous puissions collectivement avoir un débat responsable. Or, à entendre les propos qui sont tenus depuis tout à l’heure, ce n’est pas le cas.
La sécurisation du LFB est pleine et entière, d’abord parce qu’il reste dans le giron public, ensuite parce que nous avons réitéré, à l’alinéa 3, ce que l’ordonnance elle-même prévoit, à savoir que toute privatisation devra être autorisée par la loi.
Tels sont les arguments qui me conduisent à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Je trouve que le débat sur cet article, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, est parfois emblématique du drôle d’état dans lequel se trouve notre pays… (MM. Jean Bizet, Gérard Longuet et Marc Laménie applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Les débats sont toujours passionnés dès lors qu’il s’agit du sang. Je crois que nous avons tous été extrêmement marqués par la crise du sang contaminé, qui a notamment abouti à la création de l’Établissement français du sang. Celui-ci s’occupe de la collecte du sang, de la préparation des globules rouges, des plaquettes et de deux types de plasma aujourd’hui, contre trois auparavant, le plasma SD ayant été reconnu comme un médicament à la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne et d’un arrêt du Conseil d’État.
L’Établissement français du sang fournit le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, qui est chargé de fabriquer des médicaments dérivés du plasma, les MDP.
Une troisième structure, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, est le gendarme de la sécurité sanitaire et de l’application des règles éthiques.
Pour ma part, je soutiens totalement l’article 48. Sans l’apport de capitaux prévu par celui-ci, le LFB, qui est un laboratoire de très haute technologie, occupant le sixième rang dans le monde, serait obligé de vendre ses brevets. On peut tout de même faire preuve d’un peu de patriotisme scientifique quand on a la chance de disposer d’un laboratoire aussi remarquable, qui ne demande qu’à pouvoir se développer. Comme vient de l’expliquer M. le ministre, les capitaux apportés par Bpifrance sont publics, les actionnaires de celle-ci étant la Caisse des dépôts et consignations et l’État.
Par ailleurs, le fait qu’une privatisation éventuelle du LFB devrait être autorisée par la loi est une sécurité supplémentaire : il ne tiendrait qu’au Parlement d’en décider autrement. Pour parler familièrement, c’est ceinture et bretelles pour protéger le caractère public du capital du LFB !
Nous devons être fiers de pouvoir compter sur un laboratoire de cette qualité et sur des donneurs de sang qui incarnent le don éthique, c’est-à-dire gratuit, bénévole et anonyme.
Mme Nicole Bricq et Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Bosino. Ceci est mon sang, prenez-en tous…