Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
3. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 1097 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1098 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 35 bis B
Amendement n° 457 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1101 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1099 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1102 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1100 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 35 bis
Amendement n° 32 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 851 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 920 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Articles additionnels après l'article 35 ter B
Amendement n° 917 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 915 rectifié de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 914 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 918 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 919 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Amendement n° 806 de M. Jacques Genest. – Retrait.
Amendement n° 1725 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 749 de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
Article additionnel après l'article 35 ter C
Amendement n° 1427 rectifié bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 35 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1718 de la commission. – Rectification.
Amendement n° 1718 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 35 quinquies (supprimé)
Amendement n° 1103 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1576 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1104 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1577 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 1105 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1728 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 36 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 35 octies
Amendement n° 104 rectifié bis de Mme Isabelle Debré. – Rejet.
Amendement n° 37 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1107 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 608 de Mme Nicole Bricq. – Retrait.
Amendement n° 1578 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 105 rectifié ter de Mme Isabelle Debré. – Retrait.
Amendement n° 883 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 884 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 1106 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 882 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 1435 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 45 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 613 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 107 rectifié ter de Mme Isabelle Debré. – Adoption.
Amendement n° 1485 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 35 nonies
Amendement n° 106 rectifié bis de Mme Isabelle Debré. – Rejet.
Amendement n° 797 de Mme Agnès Canayer. – Rejet.
Amendement n° 103 rectifié bis de Mme Isabelle Debré. – Rejet.
Amendement n° 1108 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 798 de Mme Agnès Canayer. – Retrait.
Amendement n° 880 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 35 decies
Amendement n° 799 de Mme Agnès Canayer. – Rejet.
Amendement n° 1109 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1729 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 35 undecies
Amendement n° 271 rectifié quater de M. Serge Dassault. – Rejet.
Amendement n° 38 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1734 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 35 duodecies
Amendement n° 1438 rectifié de M. Francis Delattre. – Retrait.
Amendement n° 1110 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1730 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 39 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1582 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1659 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1584 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1731 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 37
Amendement n° 1498 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 40 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1113 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1732 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 37 bis A
Amendement n° 1114 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1733 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1115 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1112 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1737 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 41 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 42 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1116 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1735 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1736 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 43 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1117 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 40
Amendement n° 459 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1416 rectifié bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.
Amendement n° 813 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Demandes de priorité et de réserve
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. – La priorité et la réserve sont ordonnées.
4. Demande d’avis sur un projet de nomination
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
6. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 40 bis B – Adoption.
Amendement n° 1713 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 40 ter A – Adoption.
Article 40 ter (précédemment examiné)
Article additionnel après l'article 40 ter
Amendement n° 1340 rectifié bis de M. Francis Delattre. – Retrait.
Amendement n° 818 rectifié quinquies de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 562 rectifié quater de M. Didier Guillaume. – Devenu sans objet.
Amendement n° 46 de Mme Éliane Assassi. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 47 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 563 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 258 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 41 bis – Adoption.
Article additionnel après l'article 41 ter
Amendement n° 257 de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Amendement n° 48 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1121 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1119 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1120 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 49 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1124 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1706 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1125 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1126 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 50 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1127 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1128 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1129 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1130 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1131 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1132 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1134 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1133 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 43 C
Amendement n° 1122 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1123 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1135 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1657 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1141 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1142 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1143 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1140 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1137 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1136 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1138 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1139 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 1144 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 1145 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1146 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1147 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1148 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1149 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1150 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1151 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1152 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1153 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1154 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1155 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1156 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1157 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 44 – Adoption.
Amendement n° 1716 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1717 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1158 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1160 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1162 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1163 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1164 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1165 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1166 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1168 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1169 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1171 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1172 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1159 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1161 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1167 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1170 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 51 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1174 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 1173 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 463 de M. Jean Desessard. – Retrait.
Adoption de l’article par scrutin public.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale
Amendement n° 1738 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 355 rectifié de M. Marc Daunis. – Retrait.
Amendement n° 1369 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 464 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 1402 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 1401 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 49
Amendement n° 962 de M. Jean Bizet. – Retrait.
Amendement n° 963 de M. Jean Bizet. – Retrait.
Amendement n° 961 de M. Jean Bizet. – Retrait.
Amendement n° 409 rectifié bis de M. Philippe Dominati. – Retrait.
Article 50 A (supprimé) (réservé)
Article 50 – Adoption.
Demande de priorité de l’amendement n° 155 de M.Gérard Longuet. – M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. – La priorité est ordonnée.
Article additionnel après l'article 54 (priorité)
Amendement n° 115 de M. Gérard Longuet. – Adoption par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaire :
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifiée de trois projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord france–pays-bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à saint-martin
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin (ensemble deux annexes), signé à Paris le 7 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin (projet n° 355, texte de la commission n° 385, rapport n° 384).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
protocole entre la france et l'albanie sur la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier signé le 14 avril 2005 à Luxembourg (ensemble deux annexes), signé à Tirana le 8 avril 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (projet n° 354, texte de la commission n° 397, rapport n° 396).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
convention n° 188 de l’organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention n° 188 de l'Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche, adoptée à Genève le 14 juin 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la convention n° 188 de l’Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (projet n° 353, texte de la commission n° 399, rapport n° 398).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
3
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
Titre II (suite)
Investir
Chapitre Ier (suite)
Investissement
Section 2 (suite)
Améliorer le financement
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la section 2 du chapitre Ier du titre II, à l’article 35 bis A.
Article 35 bis A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 1097, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Au 1° du III de l’article L. 3332-17-1 du code du travail, le pourcentage : « 35 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % ».
II. – Les pertes éventuelles de recettes résultant pour l’État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à renforcer les conditions auxquelles certains organismes de financement peuvent être assimilés à des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées en application de l’article L. 3332-17-1 du code du travail.
En l’état actuel du droit, pour qu’un organisme de financement soit assimilable à une entreprise solidaire d’utilité sociale agréée, son actif doit être composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises de l’économie sociale et solidaire définies à l’article 1er de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dont au moins cinq septièmes de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale. Nous proposons de porter le premier pourcentage à 50 %.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, nous avions insisté sur la nécessité de garantir le respect des principes fondateurs de ce secteur : la liberté d’adhésion, la gestion démocratique, la non-lucrativité individuelle, l’utilité collective ou sociale du projet et la mixité des ressources. Nous avions également mis en garde contre la démarche inclusive visant à intégrer les sociétés commerciales ou les organismes financiers dans l’économie sociale et solidaire. En particulier, nous avions dénoncé l’élargissement du champ de l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité publique ; cet agrément ouvrant droit à des dispositifs de soutien fiscal, à des réductions d’impôt et à des aides publiques, il doit être irréprochable.
Le présent amendement procède de notre volonté de renforcer les moyens de développer les entreprises solidaires tout en instaurant des garde-fous à la démarche inclusive désormais entérinée dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Les acteurs économiques, y compris ceux qui financent l’économie sociale et solidaire, ont besoin de stabilité. La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire n’ayant même pas un an, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission spéciale, non seulement pour la raison importante que Mme la corapporteur vient d’exposer, mais aussi parce que l’adoption de cet amendement présente un risque.
Trois catégories d’organismes peuvent bénéficier de l’agrément ouvrant droit aux financements d’épargne salariale : les entreprises qui font la démonstration que leur modèle économique a un impact social, les entreprises agréées de droit du fait de leur statut et les organismes de financement et les établissements de crédit orientés vers l’économie sociale et solidaire. Ces derniers, pour être assimilés aux entreprises solidaires d’utilité sociale agréées, doivent détenir un actif composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont au moins cinq septièmes émis par des entreprises agréées ; ils doivent donc satisfaire à un double critère.
Augmenter de 35 % à 50 % la part des actifs émis par des entreprises de l’économie sociale et solidaire qui doit être atteinte entraînerait selon moi une réduction de la liquidité des organismes de financement, et donc de leur nombre potentiel, ce qui serait contre-productif. C’est la raison pour laquelle, même si je souscris à l’intention des auteurs de l’amendement n° 1097, je leur demande de bien vouloir le retirer. S’il est maintenu, le Gouvernement ne pourra qu’y être défavorable, car il ne faudrait pas que, du fait du durcissement du double critère, moins d’entreprises de l’économie sociale et solidaire puissent se financer par cette voie.
À propos de l’économie sociale et solidaire, je souhaite apporter une précision au sujet du débat qui s’est tenu hier soir sur les moyens d’accroître le financement de ce secteur. Si les amendements présentés par le groupe socialiste, le groupe écologiste et le RDSE ont été rejetés, c’est parce qu’ils n’étaient pas techniquement satisfaisants. L’idée proposée n’en était pas moins bonne, ce que j’aurais dû mieux souligner. Je prends l’engagement qu’un travail sera mené dans cette direction en vue de la nouvelle lecture du projet de loi. (M. Jean Desessard s’en félicite.)
M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 1097 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Il est exact que le renforcement du critère pourrait présenter l’inconvénient décrit par M. le ministre. À nos yeux, toutefois, le plus important est de préserver l’éthique de l’économie sociale et solidaire. En somme, c’est une affaire de priorité : en ce qui nous concerne, nous donnons la priorité à l’éthique, raison pour laquelle nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je déplore que la commission spéciale ait supprimé l’article 35 bis A du projet de loi, qui comportait une mesure favorable aux incubateurs et aux pépinières de la région d’Île-de-France ; je rappelle que les membres du groupe socialiste se sont opposés à cette suppression, que je n’ai pas comprise. Monsieur le président de la commission spéciale, vous qui êtes aussi francilien, vous savez que l’attractivité de cette région bénéficie à l’ensemble du pays !
Le groupe CRC propose de rétablir cet article dans une rédaction modifiée, qui donne la priorité à l’économie sociale et solidaire. Je souscris à leur intention, même si je pense que l’argumentation juridique et technique de M. le ministre est justifiée. En tout cas, je trouve dommage qu’on ait fait passer à la trappe une mesure favorable à l’ensemble des entreprises de l’Île-de-France. On ne peut pas prétendre renforcer l’attractivité et la compétitivité tout en supprimant des mesures qui y concourent !
Cette suppression est d’autant plus regrettable que l’activité des entreprises franciliennes profite à tout le pays. Il suffit de considérer le poids des contribuables franciliens dans le produit de l’impôt sur le revenu pour mesurer que la richesse produite dans notre région est largement redistribuée sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis d’accord avec Mme Bricq, car l’article 35 bis A du projet de loi comportait une mesure favorable aux incubateurs, mesure tout à fait positive pour l’attractivité parisienne.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je ne pensais pas refaire ce débat. Certes, on avait considéré que le présent article proposait l’institution d’une nouvelle niche fiscale alors que l’effet désincitatif sur l’installation d’incubateurs en Île-de-France tant de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage que de la redevance sur la création de bureaux, de locaux commerciaux et de stockage ne semblait pas clairement démontré.
Par ailleurs, la rédaction de l’article concernant la définition des incubateurs posait un problème. D'ailleurs, en séance publique, à l’Assemblée nationale, tant les députés que le Gouvernement avaient indiqué que la rédaction actuelle ne permettait pas de couvrir précisément l’objectif visé et pourrait conduire à des abus. C’est ce qui a été dit en commission spéciale, et c’est pourquoi cette dernière a supprimé l’article, aucun amendement n’ayant été déposé de nature à lever les objections et les incertitudes.
Mme Éliane Assassi. Mais il n’y a pas eu de navette !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Bien sûr, mais j’y insiste, aucun amendement n’a été déposé permettant de lever les obstacles et les incertitudes. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mme Bricq m'a interpellé, et je souhaite réagir rapidement. Si Mme la corapporteur a bien expliqué les raisons pour lesquelles la commission a supprimé l’article 35 bis A, Mme Bricq a abordé un problème de fond, celui des effets de la taxe précitée sur les locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage en Ile-de-France.
Selon moi, le dispositif de 2010, aménagé en 2014, a un effet désincitatif extrêmement important en première et en deuxième couronne, à tel point qu’il faudrait être en charge foncière négative pour faire du bureau dans un certain nombre de sites – c'est le cas dans ma commune, mais bien d’autres sont concernées. Je crois que subsiste un problème de zonage ; de nombreux territoires qui pourraient muter avec l’émergence d’activités tertiaires et tout ce qu’elle impliquerait en termes d’emplois et d’entraînement économique, sont confrontés à ce problème.
Je pense qu’il faudrait réfléchir posément – peut-être avec M. le ministre et ses services, un peu plus tard – à une évolution de cette taxe sur les bureaux, dont les taux, à mon avis démesurés pour beaucoup de territoires, finissent par tuer certains marchés, notamment le marché du tertiaire.
M. le président. L'amendement n° 1098, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 221-5 du code monétaire et financier, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le tiers de ce montant est destiné aux entreprises répondant aux critères de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ou aux entreprises faisant l’objet de la procédure de reprise d’entreprise par les salariés définie au chapitre X du titre III du livre II du code de commerce. »
II. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l’État de l’application du I sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits fixés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’amendement que nous défendons vise à favoriser l’allocation des ressources tirées de l’épargne dite « réglementée non centralisée » en direction des sociétés coopératives et des projets de reprise d’entreprise par les salariés.
Dans un contexte de chômage de masse où les entreprises ferment, laissant trop souvent les salariés sans solution, il nous semble primordial d’aider au développement de projets réellement innovants que constituent ces modes d’organisation. En effet, ces projets sont le plus souvent la meilleure garantie du maintien de l’emploi et de l’activité dans les entreprises concernées.
En outre, les possibilités de financement existent. On estime aujourd’hui que le livret A et le livret de développement durable, en épargne non centralisée, représentent 100 milliards d’euros. Pourquoi, au lieu de laisser cet argent entre les mains de banques qui jouent parfois avec pour réaliser toujours plus de profits, ne pas l’utiliser pour soutenir notre économie nationale dans ce qu’elle sait faire de plus moderne et de plus durable ?
Si vous voulez être constructif, monsieur le ministre, misez sur les modèles de développement des entreprises vraiment innovants, comme ceux qui s’inscrivent dans le champ de l’économie sociale et solidaire, comme ceux que constituent les SCOP, les sociétés coopératives et participatives, comme ces projets qui rendent les salariés maîtres du devenir de leur entreprise. Monsieur le ministre, nous vous invitons donc, ainsi que nos collègues, à soutenir cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les sociétés coopératives et participatives représentent moins de 1 % des PME, et il ne nous semble pas raisonnable de leur réserver 30 % de la part non centralisée du livret A, qui est déjà fléchée vers les PME et les travaux d’économie d’énergie. L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’article 35 bis B demeure donc supprimé.
Articles additionnels après l’article 35 bis B
M. le président. L'amendement n° 457, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 35 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 238 A du code général des impôts est complété par les mots : « , notamment en indiquant la méthode de définition des prix concernant des actifs immatériels ».
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Aujourd’hui, un tiers du commerce mondial est effectué entre les filiales d’un même groupe. Ces opérations, en particulier les échanges de capitaux et d’actifs incorporels, permettent aux grands groupes mondiaux de profiter des différences entre les systèmes fiscaux pour échapper à l’impôt.
Parmi ces techniques, figure en bonne place la méthode dite des « prix de transfert ». Le principe est simple : une filiale d’un groupe située dans un pays où les taxes sont très faibles achète à un prix modique des matières premières qu’elle revend ensuite à un prix élevé à une autre filiale du groupe située dans un pays où l’imposition est forte. Cette filiale réalise ensuite une faible marge dans le pays de vente, ce qui lui permet de réduire son imposition.
Si les prix de transferts sont légitimes dans de nombreux cas, il n’est pas rare que les filiales d’une même multinationale surfacturent leurs prestations à d’autres entités du même groupe pour diminuer l’imposition globale. C’est particulièrement vrai concernant les actifs immatériels, avec les transferts de licences et de technologies.
Un rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et actifs hors de France évalue le manque à gagner dû à ces mécanismes à 36 milliards d’euros. Il est donc urgent d’agir dans ce domaine.
Ainsi, la communication des méthodes de définition de ces prix est essentielle pour vérifier si les paiements réalisés par une entreprise installée en France à une entreprise installée dans un pays ayant une fiscalité moindre ne sont ni anormaux ni exagérés. Tel est le but de notre amendement.
M. Jean Desessard. Bravo ! C’était très clair !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement dont l’intention est louable, mais la portée juridique faible.
Il existe déjà, par ailleurs, une obligation d’information sur les prix des transferts en matière d’actifs immatériels.
Pour le calcul de leur impôt sur les sociétés, les entreprises peuvent déduire leurs charges de leur résultat. Parmi ces charges figurent les sommes versées à d’autres entreprises.
Afin de lutter contre l’évasion fiscale, l’article 238 A du code général des impôts subordonne la déductibilité des sommes versées à des entreprises établies dans un régime fiscal privilégié à la démonstration, par l’entreprise qui les verse, que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
Vous proposez que les entreprises qui effectuent ces versements appuient en particulier leur démonstration sur leur méthode de définition des prix de transfert en matière d’actifs immatériels.
Cette préoccupation est compréhensible. Toutefois, elle est de faible portée juridique : il y a lieu de penser que les entreprises concernées devront de toute façon apporter des précisions sur le sujet à l’appui de leur démonstration. En outre, il existe déjà une obligation plus générale en la matière : depuis le 1er janvier 2010, l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales impose aux grands groupes de tenir à disposition de l’administration une documentation qui permet de justifier leur politique de prix de transfert, notamment en matière d’actifs incorporels.
Pour toutes ces raisons, je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Aïchi, l'amendement n° 457 est-il maintenu ?
Mme Leila Aïchi. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 458 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 1178 rectifié est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 35 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Déclaration de certaines prestations de conseil afin de lutter contre l’évasion fiscale et de prévenir les abus de droit
« Art. 1378 .... - I. – Dans le but de lutter contre l’évasion fiscale et de prévenir les abus de droit tels qu’ils sont définis à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, les personnes domiciliées ou établies en France dont l’activité professionnelle consiste en tout ou partie à fournir des prestations de conseil à des personnes exploitant une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du présent code, sont soumises à une obligation de déclaration dans les conditions définies au présent article.
« Doivent être déclarées à l’administration les prestations de conseil dont la mise en œuvre :
« 1° Implique une entité : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée soit dans un État ou territoire non coopératif, au sens de l’article 238-0 A, soit dans un État ou territoire dans lequel elle est soumise à un régime fiscal privilégié, au sens de l’article 238 A ;
« 2° A pour effet de faire naître ou de modifier dans leur sens ou leur montant un ou plusieurs des flux suivants, entre la personne exploitant une entreprise en France et l’entité mentionnée au 1°:
« a) Les redevances de concessions de produits de la propriété industrielle définis à l’article 39 terdecies ;
« b) Les produits des participations, au sens de l’article 145 ;
« c) Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition ;
« 3° Laisse espérer à la personne exploitant une entreprise en France une réduction d’au moins 1 million d’euros du montant d’impôt sur les bénéfices dont elle aurait été redevable sans cette mise en œuvre.
« La déclaration intervient dans les trente jours suivant la fourniture des prestations de conseil.
« Les personnes soumises à l’obligation de déclaration sont tenues de garantir l’anonymat des personnes exploitant une entreprise en France mentionnées au premier alinéa.
« II. – Le I s’applique à titre expérimental, pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2016.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour défendre l’amendement n° 458.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement a pour objet d’instaurer une obligation de déclaration de certaines opérations à la charge des conseils d’entreprise. Son objectif est que l’administration n’ait plus à investir des ressources importantes pour découvrir où pourraient se situer les montages menant à l’évasion fiscale.
Il s’agit de demander aux cabinets de conseil, qui commercialisent des prestations de conseil en matière de fiscalité, de transmettre à l’administration fiscale les schémas commercialisés dès que ces derniers permettent une économie d’impôt sur les bénéfices d’au moins un million d’euros, et s’ils concernent des transactions avec une entité située dans un État non coopératif ou à fiscalité privilégiée.
Sa logique n’est pas répressive : il s’agit d’informer l’administration, en garantissant l’anonymat des entreprises bénéficiaires des prestations de conseil. L’amendement tend à ce que les prestations de conseil dont la mise en œuvre repose sur la création ou la modification de certains flux – redevances, dividendes, intérêts – soient déclarées dans le détail.
Pour l’administration fiscale, disposer de ces informations permettra de détecter les cas où ces pratiques donnent lieu à évasion fiscale. Elle pourra dans certains cas procéder à son évaluation ou à sa résolution en permettant des contrôles efficaces fondés sur les risques.
C’est donc un système gagnant-gagnant pour les entreprises que nous proposons : nous voulons diminuer le nombre des contrôles fiscaux de routine et accroître la culture de la discipline fiscale.
Ces informations pourraient d’ailleurs permettre à l’administration fiscale d’avoir une vision plus claire de certaines stratégies de réorganisation d’entreprise et, plus généralement, de montages transnationaux qui peuvent parfois s’apparenter à de l’évasion fiscale.
Il faut noter que le mécanisme que nous proposons a été préconisé dans de nombreux rapports parlementaires : rapport Migaud de 2009, rapport Bocquet de 2011 et rapport Muet de 2013. Par ailleurs, ce type de déclaration est déjà effectif dans huit pays : Royaume-Uni, Canada, États-Unis, Irlande, Portugal, Afrique du Sud, Israël, Corée du Sud.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour défendre l’amendement n° 1178 rectifié.
Mme Annie David. Cet amendement est en tout point identique au précédent. J’ajouterai simplement cet argument : il s'inscrit dans l’objectif de lutte contre l’évasion fiscale que le Conseil constitutionnel reconnaît comme faisant partie intégrante de l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale invite au retrait de ces deux amendements, qui prévoient un dispositif intéressant, mais peu praticable en l’état et à la constitutionnalité douteuse.
Les travaux de la DGFIP, la direction générale des finances publiques, et de l’OCDE sur le sujet devraient permettre d’avancer dans les prochains mois. En effet, d’importants travaux ont été lancés.
Ainsi, la DGFIP a publié début avril une liste de dix-sept schémas d’optimisation fiscale qu’elle considère comme les plus contestables, liste devant être progressivement étendue. L’OCDE, dans le cadre de son projet BEPS, base, erosion and profit shifting, soit érosion des bases d’imposition et transfert des bénéfices, fera connaître en octobre 2015 ses recommandations sur le sujet.
Dans l’attente de la conclusion de ces travaux, qui permettront d’élaborer un dispositif plus solide en vue d’une prochaine loi de finances, je demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Les amendements nos 457, 458 et 1178 rectifié traitent du même sujet : ils tendent à lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale qui empiètent sur la ligne blanche censée les séparer de la fraude fiscale. Mais il est vrai que leur rédaction est floue et que les deux derniers amendements sont inconstitutionnels.
Il se trouve que cette lutte est menée à l’échelle des États. Dès le sommet du G20 de 2009, en pleine crise économique mondiale, a été exprimée une volonté de voir les États se doter d’armes pour rapatrier leurs recettes fiscales. Il est clair que, entre certains mécanismes d’optimisation et la fraude, la frontière n’est pas très étanche. Il est dommage de traiter la question ici. Un gros travail a été fait, et il doit se poursuivre pour que l’on se dote d’outils clarifiant cette pseudo-frontière aux niveaux national et européen.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’apprécie les propos mesurés de Mme Bricq, mais je rappelle les références des rapports parlementaires : Migaud en 2009, Bocquet – c'est du sérieux ! (Sourires.) – en 2011, Muet en 2013. Une telle suite de rapports parlementaires montre déjà qu’il n’y a pas eu d’évolution de 2009 à 2013. Par ailleurs, ce type de déclarations existe déjà dans d’autres pays : Royaume-Uni, Canada, États-Unis, Irlande, Portugal, Afrique du Sud, Israël, Corée du Sud.
Nous savons très bien que l’évasion fiscale est un grand problème pour la France. La perte de ressources qu’elle représente est considérable. On nous demande de développer les entreprises. Soit ! Mais si certaines jouent le jeu et font très correctement leur déclaration, ce n’est pas le cas pour d’autres. Que se donne-t-on, alors, comme moyen pour lutter contre l’évasion fiscale et contre ces entreprises qui, par des stratagèmes, par des montages, ne participent pas à l’éducation – hier, M. Valls s'est interrogé à ce propos –, aux frais de justice, à l’aménagement des routes, à la sécurité ? De grandes entreprises, qui bénéficient ainsi d’un ensemble de services, ne rendent pas la pareille parce qu'elles veulent échapper à l’impôt…
Il est du devoir du politique de se doter de moyens. On ne peut se contenter de déclarer tous les ans, en séance publique : « On va faire quelque chose, vous allez voir. » « Il faut se pencher sur le problème ! » « Nous y réfléchirons ! » « Dans quelques années, nous allons trouver une solution ! »
Le texte que nous examinons a un large spectre. Nous pouvons d’ailleurs nous en plaindre au regard de la longue nuit de débat qui nous attend... En matière d’évasion fiscale, il serait normal que nous élaborions une amorce de proposition de solution.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage les propos que Jean Desessard vient de tenir. Hier soir, l’examen du fameux amendement du Gouvernement sur le plan d’investissement a donné lieu à une discussion très intéressante. De nouveau, des allégements fiscaux ont été accordés aux entreprises.
Là, nous demandons qu’un contrôle soit exercé. Vous l’avez vous-même affirmé hier soir, monsieur le ministre, il nous faut nous doter de moyens pour permettre à nos entreprises d’investir et de travailler correctement. L’adoption de ces amendements permettrait à l’État de récupérer des recettes légitimes.
Nous avons aussi évoqué la responsabilité sociale des entreprises. À quel moment le législateur pourra-t-il intervenir pour que la responsabilité sociale des entreprises voie le jour, monsieur le ministre ?
Quant à l’argument relatif à la constitutionnalité de cette disposition qu’a fait valoir Mme la rapporteur, il ne manque pas de m’étonner. Le Conseil constitutionnel a au contraire fait état du fait que cette mesure de contrôle aurait valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. C’est dans cet esprit que s’inscrit l’amendement n° 1178 rectifié. Je doute par conséquent que le Conseil constitutionnel invalide la disposition prévue par cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. J’avoue être un peu étonné par ce genre de débat. C’est une grande spécialité française que de toujours vouloir empiler des textes et de toujours vouloir légiférer, alors que l’arsenal existe pour lutter contre les excès auxquels vous faites allusion.
Mme Annie David. Non, justement !
M. Jean-Noël Cardoux. Vous êtes en train de dire que l’on va augmenter pour les conseils des entreprises – avocats, experts-comptables – l’« obligation de délation »,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas de la délation !
M. Jean-Noël Cardoux. … quand ils estimeront qu’une convention avec des sociétés situées dans d’autres pays que la France entraîne une optimisation fiscale exagérée et constitue donc une fraude.
Il existe déjà une profession réglementée qui a l’obligation légale de dénoncer ce type de pratique, sous peine de créer elle-même un délit, c’est celle de commissaire aux comptes. Dès que l’un de ses membres découvre dans l’exercice de son mandat une action, une décision de la société, tout acte qui constitue un délit ou une infraction à la législation financière, il est tenu de le révéler immédiatement au procureur de la République. Par conséquent, l’outil existe bel et bien !
Monsieur le ministre, au lieu d’empiler des textes, il serait plus judicieux de se réunir autour d’une table avec la Compagnie nationale des commissaires aux comptes pour rédiger une norme supplémentaire – c’est ainsi que fonctionne cette profession –, afin que les points particuliers qui sont débattus aujourd’hui soient parfaitement fléchés. Nous apporterions ainsi une précision à l’obligation de révélation qu’ont les commissaires aux comptes, sans pour autant faire intervenir d’autres professions libérales, tenues par le secret professionnel.
Ce faisant, nous obtiendrions des résultats. C’est en tout cas la suggestion que je vous soumets.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Derrière le dispositif qui est ici proposé, le risque juridique qui sourd, c’est le caractère disproportionné des moyens mis en œuvre. C’est là le véritable problème. Nous sommes d’accord sur l’objectif, mais, d’ordinaire, vos groupes ont plutôt des prises de position protectrices des libertés.
Là, vous demandez que tous les professionnels, en particulier les grands cabinets d’audit, qui sont en charge de gérer des affaires courantes de ces sociétés donnent toutes les informations qui permettent de déterminer les abus de droit. En d’autres termes, il faut tout donner, tout mettre sur la table. On va donc lancer de grands filets…
Mme Nicole Bricq. …à la maille inconstitutionnelle…
M. Emmanuel Macron, ministre. … pour rassembler éventuellement les informations susceptibles de caractériser les abus !
Cela soulève deux réserves.
D’une part, c’est totalement disproportionné par rapport à l’objectif recherché. C’est là le véritable risque juridique et c’est pourquoi ce dispositif, quand bien même il serait adopté, ne passerait pas le filtre de la Constitution.
D’autre part, en termes de culture politique même, par rapport aux propos que vous tenez sur d’autres sujets, on bascule là dans l’hypersurveillance !
M. Jean Desessard. Il y a des limites !
Mme Nicole Bricq. Ne leur donnez pas d’idées ! La loi sur le renseignement n’est pas encore adoptée !
M. Emmanuel Macron, ministre. Certes, c’est anonyme, mais il n’est qu’à se référer au débat qui a lieu actuellement sur d’autres sujets…
Mme Annie David. C’est de la transparence !
Mme Annie David. Nous aussi !
M. Emmanuel Macron, ministre. Elle est déclaratoire, elle existe dans notre droit, notamment dans le droit fiscal. Le droit définit un cadre. Dans ce cadre, vous faites appel à des professionnels, en l’espèce du chiffre, auxquels vous demandez de fournir tous les documents qui sont à leur disposition.
M. Jean Desessard. Et s’il y a des économies d’impôt ?
Mme Annie David. S’il y a des économies d’impôt d’un million d’euros ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ces économies peuvent reposer sur la règle de droit de manière tout à fait légitime.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce n’est pas interdit !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce qui relève de l’optimisation n’est pas forcément de l’abus ou de la fraude, ou alors vous faites potentiellement de la fraude tous les jours !
Si l’on poursuit cette logique, c’est de l’hypercontrôle social et fiscal.
J’appelle votre attention sur ce point précis : vos moyens sont disproportionnés. Bien plus, la culture politique qui sous-tend cette disposition ne me semble pas cohérente par rapport aux principes que vous défendez sur d’autres textes.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour explication de vote.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le ministre, je tiens à vous répondre sur ce problème de cohérence.
Lorsque la transmission des conventions entre avocats jusqu’à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a été décidée, vous ne vous êtes pas plaint de cette absence de discrétion.
Mme Leila Aïchi. À mon tour de ne pas comprendre votre raisonnement, alors que nous visons en particulier l’évasion fiscale des grands groupes, ce qui constitue un sujet majeur dans notre pays. Il s’agit non pas de faire du grand flicage, si je puis dire, mais de faire preuve de cohérence.
Appliquez la logique de votre raisonnement à l’ensemble des acteurs économiques de notre pays !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis cohérent ! Nous n’avons pas demandé que la totalité des conventions et des textes qui passent par les avocats soient systématiquement envoyés à la DGCCRF, je vous rassure. Ce serait en effet l’équivalent de ce que vous proposez. (Mme Leila Aïchi s’exclame.) En revanche, nous accordons le droit à cet organisme d’effectuer un contrôle, lorsque le problème est identifié.
Sauf à ce que quelque chose m’ait échappé, la DGFIP a les moyens de contrôler absolument tout, mais ce n’est pas la transmission de tous les documents, même dans un cadre défini, qui sont gérés par un avocat ou un expert-comptable pour le compte d’un client. Cela n’a rien à voir.
Mme Leila Aïchi. Je demande la parole.
M. le président. Je ne peux vous la donner, car vous êtes déjà intervenue pour explication de vote, ma chère collègue !
Je mets aux voix les amendements identiques nos 458 et 1178 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 35 bis
(Non modifié)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la troisième phrase du deuxième alinéa du IV de l’article 199 terdecies-0 A, le mot : « dixième » est remplacé par le mot : « septième » ;
2° Au dernier alinéa du 1 du II de l’article 885-0 V bis, le mot : « dixième » est remplacé par le mot : « septième ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Cet article prévoit un intéressant outil législatif qui appelle plusieurs réflexions et montre, s’il en était besoin, les limites de la triangulation dont nous avons évoqué la teneur.
Cet article modifiant quelques éléments du code général des impôts a été introduit dans le texte par un amendement déposé par deux rapporteurs de la commission spéciale de l'Assemblée nationale. Je ne nourris strictement aucune animosité personnelle à l’encontre de ces deux éminents parlementaires, mais il me semble que, du côté de Châteaulin, de Carhaix-Plouguer, de Forcalquier ou de Seyne, les préoccupations immédiates de la population, en matière fiscale, sont assez éloignées de l’amélioration des dispositifs Madelin et ISF-PME prévue par cet article.
Les salariés de Doux ou de Gad, ceux d’Arkéma et de Sanofi Sisteron seront satisfaits de constater que leurs députés ont ainsi « sanctuarisé » deux niches fiscales qui ne profitent qu’à quelques dizaines de milliers de contribuables « initiés ». Voilà qui ne change pas grand-chose à leur quotidien, fait de licenciements collectifs pour les uns et d’incertitudes du lendemain pour les autres !
Cet article 35 bis rompt avec la règle posée depuis quelque temps dans le débat parlementaire, à savoir que les dispositions modifiant le droit fiscal ne pouvaient trouver place que dans une loi de finances. Or c’est bien de cela qu’il s’agit.
Il est donc étonnant, mes chers collègues, que, peu de jours après l’annonce d’une relative amélioration des comptes publics, avec des déficits ramenés à 4 % du PIB, le Gouvernement nous invite, une fois encore, avec cet article et quelques autres articles de l’« archipel » des mesures de ce titre II, à creuser quelques trous supplémentaires dans les caisses de l’État et de la sécurité sociale, sans garantie de la parfaite efficacité des mesures concernées. À quoi sert en effet l’ISF-PME dans un pays qui a connu, sous le quinquennat précédent, une croissance moyenne d’un dixième de point de PIB ?
Quant au dispositif Madelin, il a certes permis de financer la création d’un certain nombre d’entreprises, ce dont nous pouvons sans doute nous féliciter. Il se trouve cependant, de manière plutôt paradoxale, que la France n’a jamais compté, en temps de paix, autant de chômeurs que depuis qu’elle a un nombre record d’entreprises enregistrées dans les greffes de tribunaux de commerce ! Nous avons même l’impression que plus le nombre de créations d’entreprise est élevé, plus le nombre des personnes privées d’emploi progresse lui aussi !
Je ne vous infligerai pas l’exposé des chiffres qui le démontrent. Je me contenterai de préciser que l’ensemble des dispositifs Madelin et assimilés représente une déperdition de 161 millions d’euros pour les finances publiques, pour moins de 2 milliards d’euros d’engagements financiers. En d’autres termes, une bonne partie des versements ont excédé les plafonds et seront donc défiscalisés les années suivantes.
À ce stade de la discussion, rappelons que le livret A et le livret de développement durable centralisaient, à la fin de l’année 2013, 365 milliards d’euros de ressources disponibles pour une dépense fiscale associée de 650 millions d’euros.
Aussi avons-nous bien l’impression que, en termes d’effet levier, il serait sans doute plus pertinent, plutôt que de renforcer les dispositifs Madelin et ISF-PME, de mettre en œuvre le relèvement du plafond des deux livrets défiscalisés.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1101 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 199 terdecies 0-A du code général des impôts est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mon intervention sur l'article vaut défense de cet amendement. J’ajoute toutefois que cet article illustre l’absence d’intelligibilité de ce projet de loi, que j’ai d’ailleurs évoquée lorsque j’ai présenté au nom de mon groupe, au début de nos débats, la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. le président. L'amendement n° 1099, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
septième
par le mot :
douzième
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement tend à s’opposer à la logique du Gouvernement, qui réduit le délai pour percevoir les avantages fiscaux à la suite de la cession des actions dans le cadre du dispositif dit « Madelin ». Nous proposons au contraire de l’augmenter.
Allonger ce délai aurait en effet deux conséquences positives. En premier lieu, cela favoriserait la constitution de « noyaux durs » et durables d’actionnaires privés dans les entreprises. En second lieu, ce serait de nature à favoriser la souscription de parts de sociétés et entreprises solidaires en ajustant les obligations des détenteurs de titres ordinaires.
L’idée que nous défendons est de ne pas inciter simplement les acteurs économiques à investir, récupérer leur « pactole » le plus rapidement possible, puis se retirer de l’entreprise.
Nous promouvons au contraire un modèle de développement des entreprises durables, qui ne soit pas uniquement focalisé sur la stricte question de la rentabilité financière. Nous pensons que c’est l’économie et la société dans leur ensemble qui gagneraient à voir se développer des entreprises s’établissant sur le temps long, des sociétés rejoignant le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Par cet amendement qui nous semble constructif, nous vous invitons donc à considérer différemment le fonctionnement de notre économie et les dispositifs fiscaux existants.
M. le président. L'amendement n° 1102 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° L’article 885-0 V bis est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Inventé par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, le dispositif ISF-PME n’a jamais rencontré, dans les faits, le succès que ses promoteurs pouvaient attendre. Leur préoccupation initiale était de permettre aux petites et moyennes entreprises de disposer de généreux donateurs en fonds propres sous forme de souscription de parts, d’actions, de titres, etc. Très vite s’est évidemment posée la question de la pertinence et de la consistance de la mesure.
En appliquant un taux particulièrement élevé d’abattement, l’affaire se rapprochait beaucoup plus de la niche fiscale très confortable que de l’incitation au financement des entreprises et à l’allocation de l’épargne des ménages au profit de l’économie.
Et le fait est que la mesure a rapidement montré ses limites et sa nature, coûtant fort cher, et de plus en plus cher, malgré un montant de fonds levés relativement faible.
Nous avions ainsi pu dénoncer, dans cette affaire, un coût exorbitant pour les finances publiques : plus de 700 millions d’euros pour une faible portée des sommes mises en jeu, à savoir tout au plus 1,2 ou 1,3 milliard d’euros.
Gardons en vue que les banques implantées en France gèrent un encours de crédits de près de 1 900 milliards d’euros, pour avoir une idée de ce que donne le dispositif ISF-PME…
Bien souvent, comme on pouvait le craindre dès l’origine, la niche fiscale et son optimisation ont pris le pas sur toute autre considération, notamment l’éventuel intérêt pour la gestion des PME ainsi financées.
Nombre des contribuables sollicitant le dispositif ISF-PME n’ont versé que la somme nécessaire pour leur permettre de ne pas payer l’ISF et ont ajusté leur concours aux PME à raison de cette contribution.
La baisse du montant de la réduction d’impôt, observée dès 2012, illustre d’ailleurs pleinement ce processus.
Lorsque les contribuables de l’ISF, en bénéficiant du tarif Hollande, se sont retrouvés avec un montant d’imposition moindre à acquitter, ils ont adapté leurs versements ISF-PME à la situation ainsi créée. De fait, le dispositif se trouve disqualifié et n’a plus grand-chose à voir avec l’aide aux entreprises et beaucoup plus avec une niche fiscale bien garnie.
Mettons donc un terme à un dispositif coûteux, aux objectifs dévoyés, et trouvons d’autres modes moins onéreux d’aide au financement des PME.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1100, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
septième
par le mot :
douzième
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est étonnant que la loi décide de favoriser la constitution d’un actionnariat de plus en plus nomade, au détriment d’une stabilité du « noyau dur » des actionnaires d’une entreprise.
En effet, l’article 35 bis tend à modifier les dispositifs dits « Madelin » afin de ramener de dix ans à sept ans le délai pendant lequel les apports à la PME ne doivent pas faire l’objet d’un retrait des capitaux investis, sauf à perdre les avantages fiscaux prévus par ces deux dispositifs.
Dans le cas de notre amendement, qui porte particulièrement sur le dispositif ISF-PME prévu à l’article 885-0 V bis du code général des impôts, cet avantage se traduit, entre autres, par le fait que 50 % des versements peuvent être imputés sur l’ISF du contribuable dans la limite de 50 000 euros par an.
Il est contradictoire de vouloir financer les PME de manière pérenne tout en permettant à ces contributeurs de partir aussi vite, surtout quand il s’agit de contribuables de l’ISF.
L’effort financier notable consenti par l’État impose d’assurer la meilleure efficacité économique des sommes investies par les redevables de l’ISF bénéficiant de la réduction d’impôt visée à l’article 885-0 V bis du code général des impôts. Selon nous, cette meilleure efficacité économique se traduit au contraire par un allongement de la durée d’engagement de ces contributeurs.
Pour reprendre les termes d’un ancien président de la République, « il s’agit de faire en sorte, non pas que ceux qui gagnent le plus paient moins – ce n’est pas la politique du Gouvernement –, mais que l’argent prélevé sur ceux de nos compatriotes qui gagnent le plus soit le plus utile possible à l’emploi et à la recherche. Il ne s’agit pas de faire payer moins, mais de mieux utiliser l’argent » ; nous ajoutons : « le plus longtemps possible ».
De plus, rappelons que ce dispositif que nous avions critiqué en 2009 permet d’obtenir un crédit d’impôt des plus importants comparativement à la somme investie. Rappelons aussi qu’il serait plus opportun de financer les PME grâce à l’épargne populaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable sur les quatre amendements.
Les amendements nos 1101 rectifié et 1102 rectifié de suppression des dispositifs ISF-PME reviennent, selon nous, à nier les difficultés spécifiques rencontrées par les PME.
On sait depuis longtemps que l’intervention de l’État est nécessaire du fait de l’existence de défaillances de marché concernant les entreprises innovantes, les jeunes entreprises en phase d’amorçage et les entreprises en phase d’expansion, et qu’il est indispensable de mettre en place des dispositifs incitatifs visant à développer le capital-investissement.
Concernant les amendements nos 1099 et 1100, qui visent à allonger les durées au cours desquelles les remboursements d’apports donnent lieu à la reprise de l’avantage fiscal, les risques d’optimisation sont déjà limités par la nécessité de conserver les titres pendant cinq ans, ainsi que par l’obligation de réemploi en cas de sortie avant cette échéance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1102 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 150 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 310 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1100.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 bis.
(L'article 35 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 35 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 753 rectifié ter est présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, Frassa et Genest, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, MM. Kennel, Laménie, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, Mme Billon et M. Joyandet.
Le sous-amendement n° 1763 rectifié est présenté par MM. Adnot et D. Laurent et Mme Deromedi.
L'amendement n° 878 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Delahaye, Mme Loisier et M. Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du IV de l’article 199 terdecies-0 A est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
b) À la deuxième phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° Le premier alinéa du 1 du II de l’article 885-0 V bis est complété par les mots : « ou, si la société est créée depuis moins de sept ans au moment de la souscription, jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la souscription »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour défendre l’amendement n° 753 rectifié ter.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement, présenté par des membres du groupe UMP et de la délégation sénatoriale aux entreprises, vise à raccourcir de cinq ans à trois ans le délai de détention des titres requis pour bénéficier des dispositifs ISF-PME et IR-PME, dans le seul cas des investissements en direct, c’est-à-dire réalisés par des business angels, dans des entreprises de moins de sept ans.
En effet, ce type d’investissement peut connaître une sinistralité importante ou, en cas de succès, des cycles d’investissements, les « tours de table », très rapprochés dans le temps.
M. le président. Le sous-amendement n° 1763 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 878 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à faciliter le développement des fonds investis par les business angels. En tant que membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, je ne peux que souscrire à cet objectif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si elle comprend les arguments développés par les auteurs de ces amendements, la commission sollicite le retrait de ces derniers, car il ne semble pas opportun de soutenir l’aménagement proposé dans un souci de stabilisation de l’actionnariat des PME.
En effet, les investisseurs doivent représenter un pôle de stabilité dans l’actionnariat de ces entreprises, qui sont déjà tenues de participer régulièrement à des tours de financement pour répondre à leurs besoins de trésorerie.
Par ailleurs, cette condition de détention de cinq ans constitue un élément décisif – M. le ministre nous le confirmera sans doute – dans la négociation en cours entre le Gouvernement et la Commission européenne sur la refonte du dispositif ISF-PME afin de le rendre compatible avec les nouvelles règles européennes sur les aides d’État, sujet sur lequel la France est plutôt en retard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 753 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, je le maintiens, monsieur le président, ne serait-ce que par égard pour les quelque quatre-vingts collègues qui l’ont cosigné.
J’entends les arguments de la commission spéciale, mais je regrette cet avis, puisque ce dispositif permettrait justement d’accompagner les start-up en phase de croissance.
Le sous-amendement n° 1763 rectifié était intéressant, parce qu’il apportait un encadrement à cette mesure pour éviter de provoquer une bulle sur les produits à trois ans. Il n’a pas été soutenu.
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 878 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je veux revenir un instant sur ces deux amendements. Mme la corapporteur a excellemment donné le point de vue de la commission. Je voudrais simplement ajouter un éclairage global.
À ce stade, nous avons avancé sur différents dispositifs importants. Hier, nous avons voté la partie du texte relative à l’amortissement et à l’aide à l’investissement, et Mme la corapporteur nous a déjà proposé un certain nombre de mesures sur ces sujets.
Vous savez que nous nous sommes fixé comme objectif de ne pas alourdir la facture, car nous souhaitons rester dans une logique économique et financière globale, à savoir qu’il ne faut pas alourdir le poids des finances publiques, et que notre contribution à la croissance doit se faire, autant que possible, à dépense égale.
Aussi, c’est avec une très grande prudence que la commission s’est « autorisée » à faire un certain nombre d’incursions sur le terrain fiscal. Et nous avons bien conscience que, lors de l’examen d’une éventuelle loi de finances rectificative ou, en tout cas, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, nous pourrons proposer des mesures globales, mais avec le souci de présenter des économies en contrepartie.
Nous avons bien conscience aussi que l’exercice contraint auquel nous devons nous livrer en examinant ce projet de loi ne nous permet pas d’avoir l’équation globale, à savoir des mesures d’incitation fiscale et, en contrepartie, des économies pour financer le tout.
Même si elle a bien conscience qu’il faudra demain aller plus loin, c’est volontairement – je le précise – que la commission a restreint son horizon dans ce texte, qui peut difficilement contenir plus de mesures à caractère fiscal. Il s’agissait juste pour elle de se fixer un cadre. La commission a cependant d’ores et déjà présenté un certain nombre de mesures significatives depuis le début de l’examen de cette partie du projet de loi.
La commission spéciale a travaillé en concertation avec la commission des finances, avec M. le rapporteur général, afin de veiller à la crédibilité de ses propositions.
Mme Estrosi Sassone présentera tout à l’heure d’autres dispositions à caractère économique ; Mme Deroche présentera quant à elle des dispositions de nature sociale. Des évolutions majeures seront proposées, qu’elles portent sur les seuils, sur la pénibilité ou encore sur les accords de maintien de l’emploi. Ces propositions forment un tout. Si l’on y ajoute le dispositif d’amortissement en faveur des PME et les mesures qui ont déjà été votées, une architecture globale s’esquisse.
Afin de ne pas entamer la crédibilité financière de l’ensemble du projet de loi, nous suggérons de ne pas alourdir la facture. Je le répète : nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets dans d’autres textes. Sur ces questions, l’horizon ne s’arrêtera pas à ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Comme l’a dit Mme la corapporteur dans la première partie de son intervention, les entreprises ont besoin de visibilité et de stabilité, quel que soit le sens des mesures adoptées. Il ne me paraît donc pas opportun de bricoler un dispositif dans ce projet de loi, qui contient déjà de nombreuses mesures fiscales, comme vient de le rappeler M. le président de la commission spéciale.
Madame Lamure, je rappelle que nous avons voté hier des dispositifs particulièrement encourageants en faveur des start-ups et des jeunes entreprises, qu’il s’agisse des allégements fiscaux applicables aux actions gratuites ou des BSPCE, les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, sans parler du dispositif sur le suramortissement.
Mon discours ne varie pas : on ne bricole pas des articles à portée fiscale en faveur des entreprises dans une loi telle que celle que nous examinons en ce moment. Il y a des lois de finances pour cela.
Je rappelle en outre que, l’année dernière, le Président de la République et le Premier ministre ont pris des engagements vis-à-vis des entreprises s’agissant de la stabilité de l’ISF-PME. Il est de toute façon très mauvais de modifier la fiscalité. De grâce, restons-en là !
M. Jean-Claude Lenoir. Une loi vaut mieux qu’un engagement moral !
Mme Nicole Bricq. Mais nous tenons nos engagements, monsieur Lenoir !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La position de M. le président de la commission spéciale est cohérente, mais je tiens à dire que je trouve insultant de qualifier de « bricolage » la proposition formulée par des parlementaires ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Je n’ai pas signé cet amendement – je l’aurais fait avec plaisir si on me l’avait soumis –, mais je le soutiens totalement, car il est véritablement nécessaire d’adresser des signaux positifs à nos entreprises, en particulier aux plus petites d’entre elles, qui sont l’élément moteur de la croissance attendue.
Je voterai donc cet amendement, et j’encourage mes collègues à en faire de même, bien que nous soyons peu nombreux en séance en ce vendredi matin.
On nous dit qu’il faut reporter l’adoption de cet amendement à un autre texte. Certes, mais combien de fois avons-nous été déçus, les promesses n’ayant pas été tenues ? Je le répète : notre devoir est d’encourager et de soutenir les PME.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Pour ma part, je suis l’un des cosignataires de cet amendement et je souscris évidemment aux arguments qu’a présentés ma collègue Élisabeth Lamure.
J’étais prêt à retirer cet amendement, comme nous y invitait Mme la corapporteur, mais je dois dire que j’ai été heurté par les propos de notre collègue Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il vous en faut peu ! Je peux faire mieux, vous savez, je me suis limitée… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. Qualifier de « bricolage » une disposition qui ne vous satisfait pas, madame Bricq, franchement…
Mme Nicole Bricq. Je le maintiens : c’est du bricolage !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez été membre du Gouvernement, et vous savez qu’il y a des choses qui ne se disent pas ! Je vous demande de respecter le travail des parlementaires. Nous ne bricolons pas, nous travaillons, nous formulons des propositions, lesquelles sont adoptées ou non. Pour ma part, il ne me viendrait jamais à l’idée de qualifier une proposition de « bricolage ».
Nous avons donc raison de maintenir cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je remercie le président de la commission spéciale de nous avoir présenté le tableau d’ensemble de sa réflexion : la loi Macron contiendrait un certain nombre de dispositifs ; quant aux dispositions fiscales, elles seraient inscrites dans un projet de loi de finances rectificative. Pourquoi pas ? M. le ministre pourrait-il toutefois nous confirmer que tel est bien son plan d’ensemble ?
On nous dit aujourd'hui que ce texte est destiné à relancer la croissance. Or il ne sera pas possible de le faire si les investisseurs ne sont pas parties prenantes et s’ils ne sont pas incités à investir. C’est une nécessité. Pour que ce projet de loi puisse avoir un véritable effet sur la croissance, il faut libérer l’investissement.
Madame Bricq, je suis un investisseur.
Mme Nicole Bricq. Oui, ça, on le sait !
M. Olivier Cadic. À ce titre, je puis vous dire qu’il serait plus dynamique de favoriser les cessions tous les trois ans, car cela donnerait lieu au paiement d’impôts sur les plus-values, ce qui serait très bon pour nos finances publiques. En revanche, bloquer les investisseurs n’aurait pas un effet positif sur nos finances publiques, bien au contraire. Il n’y a pas besoin d’aller très loin d’ici pour constater que ce que je dis est vrai !
Mme Nicole Bricq. Il suffit d’aller de l’autre côté de la Manche, vous l’avez dit. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Olivier Cadic. En effet, chère collègue ! J’étais encore hier soir de l’autre côté de la Manche, en compagnie de près de 200 entrepreneurs qui cherchent des solutions pour développer leur entreprise. Nous devons nous aussi réfléchir à des solutions permettant de développer la croissance en France, comme le fait la délégation sénatoriale aux entreprises, afin que nos entrepreneurs n’aient pas à aller la chercher ailleurs. Tel est notre rôle de parlementaire ! Il nous faut faire évoluer la législation.
M. Pierre Laurent. Et les banques, que font-elles ?
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise donc à permettre aux business angels d’investir tout en sachant qu’ils pourront éventuellement céder leurs titres rapidement s’ils ont un acheteur et réinvestir dans d’autres sociétés. La disposition proposée serait bonne pour le développement de notre économie.
Mme Marie-France Beaufils. Elle serait bonne surtout pour les financiers !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je rappellerai simplement que le dispositif ISF-PME est actuellement en pleine refonte, qu’il doit être entièrement revu, y compris son ciblage. Le Gouvernement doit le faire, car notre droit n’est pas conforme à la réglementation européenne, contrairement à celui d’autres pays.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission spéciale n’a pas souhaité modifier le délai de détention, qui sera l’une des conditions de la négociation. En revanche, j’avais proposé à la commission spéciale, qui l’avait accepté, de doubler le plafond de l’ISF-PME pour un panel d’entreprises plus réduit, comme j’ai augmenté le plafond de l’ISF du dispositif Madelin. Ce serait un signal positif pour les entreprises concernées.
La commission spéciale a donc déjà accompli des efforts sur ce sujet.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je regrette vivement de ne pas avoir signé cet amendement et je juge inacceptable l’usage du mot « bricolage » pour qualifier la disposition qu’il tend à prévoir, qui plus est à un moment où le débat se déroule de manière tout à fait cordiale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous ne l’avez jamais utilisé peut-être ?
M. Alain Gournac. Nous en avons assez des donneurs de leçons ! Les Français aussi, d’ailleurs…
On peut être pour ou contre une proposition, ou encore s’abstenir, mais on ne peut en aucun cas faire preuve de manque de respect. Nous ne faisons pas de bricolage ici ! Employer un tel terme, c’est dévaloriser le travail de l’une des deux chambres du Parlement.
Je ne puis qu’être en accord avec l’objet de cet amendement. Ceux qui veulent se lancer ou se développer doivent pouvoir dire qu’ils sont entendus par le Sénat. Nous devons donc faire un geste important dans leur direction, même si cela ne réglera pas toutes leurs difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je suis surprise que l’on réfléchisse aux moyens pour les entreprises, en particulier les PME, de se développer, sans s’interroger sur les raisons pour lesquelles les banques françaises ne sont pas en mesure de leur apporter des réponses.
En toute logique, le rôle premier des banques est de financer les entreprises, me semble-t-il ! Nous avons déjà eu des discussions sur ce sujet, y compris sur le rôle de la BPI, au sein de la commission des finances. Nous avions alors considéré que les banques devaient faire tous les efforts nécessaires pour accompagner les entreprises.
Notre collègue vient d’expliquer qu’il souhaitait que les investisseurs effectuant le type de placements qu’il a décrits puissent bénéficier d’une meilleure rémunération. Pour ma part, je pense que ce n’est pas la meilleure solution pour favoriser le développement économique. Il serait plus efficace d’avoir recours à notre outil bancaire.
Nous sommes donc opposés à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 753 rectifié ter et 878 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
Article 35 ter A
Le troisième alinéa du IV de l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au deuxième alinéa du IV par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, l’avantage fiscal mentionné au 1° du I du présent article accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas remis en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu’au même terme. Cet avantage fiscal n’est pas non plus remis en cause lorsque la condition de conservation prévue au deuxième alinéa du IV n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes.
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au même deuxième alinéa du IV en cas de cession stipulée obligatoire par un pacte d’associés ou d’actionnaires, l’avantage fiscal mentionné au 1° du I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas non plus remis en cause si le prix de vente des titres cédés, diminué des impôts et taxes générés par cette cession, est intégralement réinvesti par un actionnaire minoritaire, dans un délai maximum de douze mois à compter de la cession, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 2° du même I, sous réserve que les titres ainsi souscrits soient conservés jusqu’au même terme. Cette souscription ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1° dudit I.
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au deuxième alinéa du IV en cas d’offre publique d’échange de titres, l’avantage fiscal mentionné au 1° du I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant cette opération n’est pas remis en cause si les titres obtenus lors de l’échange sont des titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 2° du même I et si l’éventuelle soulte d’échange, diminuée le cas échéant des impôts et taxes générés par son versement, est intégralement réinvestie, dans un délai maximal de douze mois à compter de l’échange, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au même 2° du I, sous réserve que les titres obtenus lors de l’échange et, le cas échéant, souscrits en remploi de la soulte soient conservés jusqu’au terme du délai applicable aux titres échangés. La souscription de titres au moyen de la soulte d’échange ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1° du même I. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 35 ter A, qui a été introduit dans le texte par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, résulte d’une forme de coproduction accidentelle entre une députée socialiste, à l’origine de la proposition initiale, l’Assemblée nationale – celle-ci était favorable à une mesure accordant la priorité au financement des entreprises dites « solidaires », malgré les réserves et l’opposition du Gouvernement – et la majorité sénatoriale, qui, s’en étant émue, en tire profit pour procéder à un nouvel alignement législatif.
Mes chers collègues, pardonnez-moi l’expression, mais j’ai l’impression que l’on nous propose un véritable « machin » législatif. (Sourires.)
M. Marc Daunis. Un bricolage ? (Nouveaux sourires.)
Mme Éliane Assassi. Pour ma part, j’emploie le mot « machin » !
M. Robert del Picchia. C’est plus élégant !
Mme Éliane Assassi. Celui-ci présente une particularité fort intéressante : il s’agit en fait d’une sorte de loterie permettant au joueur de gagner à tous les coups.
Prenons le cas d’un investisseur Madelin ayant placé 10 000 euros dans le capital d’une petite entreprise non cotée. La première année, il pourra bénéficier d’une réduction d’impôt de 2 500 euros, ce qui constituera un premier retour sur investissement. Toutefois, ce contribuable bénéficiant d’autres réductions d’impôt plafonnées, il ne pourra imputer que 1 500 euros au titre de ses versements Madelin et devra reporter 1 000 euros à l’année suivante.
Imaginons que l’entreprise enregistre des pertes et que la valeur du capital investi diminue de moitié, chutant à 5 000 euros – cela arrive – et que les actionnaires décident en assemblée générale de la poursuite de l’activité, malgré des pertes en capital supérieures à la moitié du capital social. C’est possible.
Si l’article 35 ter A était adopté, la réduction d’impôt serait maintenue au niveau antérieur, permettant l’imputation des 1 000 euros résiduels de la réduction d’origine, alors qu’elle aurait dû être limitée à 25 % de 5 000 euros, soit 1 250 euros.
La deuxième année, revenue à meilleure fortune, l’entreprise ainsi financée connaît son premier résultat positif et redresse son bilan, le niveau des fonds propres retrouvant sa quotité d’origine.
La troisième année, au grand bonheur des actionnaires, l’entreprise dégage un résultat net très positif, qui va permettre aux détenteurs de parts de commencer à percevoir des dividendes, lesquels vont constituer une nouvelle source de retour sur investissement, assortie, rappelons-le, d’un crédit d’impôt correspondant à 40 % de ces dividendes.
Enfin, au bout de cinq ans, le détenteur des titres d’origine pourra réaliser une intéressante plus-value de cession, qui sera, comme chacun le sait, largement défiscalisée, notamment s’il réemploie les sommes tirées de sa vente dans une opération de même nature.
Nous aurons donc remarqué qu’à aucun moment notre généreux donateur d’argent frais n’aura subi les conséquences des pertes temporairement constatées dans l’entreprise réceptrice des fonds et qu’il est fort possible qu’entre remise fiscale, dividendes et abattement sur la plus-value, le retour sur l’investissement de départ ait été parfaitement réalisé !
Du reste, il n’est pas rare que, dans nombre de sociétés non cotées, le niveau du dividende versé soit très proche de celui du capital social, en raison tant de la sous-capitalisation que de la non-incorporation des réserves.
Nous ne voulons pas, mes chers collègues, de cette logique de socialisation des pertes, aux termes de laquelle les profits, plus importants, ouvrent droit à de nouveaux allégements fiscaux.
C’est pourtant ce à quoi tend cet article que certains ici, en d’autres temps, auraient probablement combattu.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Mme Assassi a très bien expliqué les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’interdiction de remboursement des apports avant dix ans représente une contrainte supplémentaire qui ne semble pas justifiée.
La commission spéciale donc émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 851 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Bockel et Cadic et Mme Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le IV de l’article 199 terdecies-0 A est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du deuxième alinéa, les mots : « ou des sociétés de financement » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au deuxième alinéa du présent IV par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, l’avantage fiscal mentionné au I du présent article accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas remis en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu’au même terme. Cet avantage fiscal n’est pas non plus remis en cause lorsque la condition de conservation prévue au deuxième alinéa du présent IV n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au deuxième alinéa du présent IV, en cas de cession, pour quelque cause que ce soit, de titres souscrits à l’origine dans une société éligible créée depuis moins de sept ans, l’avantage fiscal mentionné au I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas non plus remis en cause si le montant initialement investi ou si le prix de vente, si ce prix de cession est inférieur au montant initialement investi, net d’impôt et de taxes, des titres cédés, est intégralement réinvesti, dans un délai maximal de douze mois à compter de la cession, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au deuxième alinéa du présent IV, sous réserve que les titres ainsi souscrits soient conservés jusqu’au même terme. Cette souscription ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au même I. » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas du 2 du II de l’article 885-0 V bis sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au premier alinéa du 1 du présent II par suite d’une cession, pour quelque cause que ce soit, de titres souscrits à l’origine dans une société éligible créée depuis moins de sept ans, l’avantage fiscal mentionné au I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas non plus remis en cause si le montant initialement investi ou si le prix de vente, s’il est inférieur au montant initialement investi, net d’impôt et de taxes, des titres cédés, est intégralement réinvesti, dans un délai maximal de douze mois à compter de la cession, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 1 du I, sous réserve que les titres ainsi souscrits soient conservés jusqu’au même terme. Cette souscription ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au même I. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Une réduction d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune est accordée aux personnes physiques qui effectuent des versements au titre de la souscription au capital de certaines sociétés non cotées.
Cet avantage fiscal est subordonné à la conservation des titres reçus pendant cinq ans, à l’exception du cas de sorties forcées et avec obligation de remploi dans les douze mois qui suivent la sortie, et ce pour une durée égale au temps qui reste à courir par rapport à l’investissement initial.
Est considérée comme sortie forcée une cession stipulée obligatoire par un pacte d’associés ou d’actionnaires.
Or cette limitation de possibilité de sortie avec obligation de réemploi aux « sorties forcées » présente de nombreux effets pervers : certains investissements doivent être cédés avant le délai de cinq ans et l’application d’une clause de sortie forcée – rachat par les fondateurs, nécessités de restructuration financière de la participation – n’est pas toujours possible ; une cession avant cinq ans, et répondant aux conditions de non-remise en cause de l’avantage fiscal pour l’ISF, a déjà pour effet de susciter une double obligation : d’une part, réinvestir le prix de vente dans une PME éligible dans les douze mois ; d’autre part, payer l’impôt sur les plus-values correspondantes.
Qui plus est, les souscripteurs n’ont aucune garantie de retour en capital à l’échéance des cinq ans, le réinvestissement leur faisant prendre un nouveau risque total.
Aussi, cet amendement vise à maintenir le bénéfice de la réduction d’ISF ou d’IR sous condition de réemploi quelle que soit la cause de la cession et à exonérer de la contrainte de la sortie forcée les sorties concernant uniquement les sociétés de moins de sept ans d’âge. En effet, c’est dans ces entreprises que se pose ce problème fondamental de flexibilité du capital.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons débattu de cette question lors de l’examen des amendements identiques nos 753 et 878. De surcroît, et contrairement à ces deux derniers, la rédaction de cet amendement soulève quelques problèmes.
La commission spéciale sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 851 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Il est toujours quelque peu désagréable de s’entendre dire que la rédaction de l’amendement que l’on vient de défendre soulève de nombreux problèmes.
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Vous allez l’entendre pendant six ans !
M. Olivier Cadic. C’est une manière de dire que le travail qui a été fait n’est pas tout à fait abouti. À l’école, on dit : « Peut mieux faire »,…
M. François Pillet, corapporteur. Au Sénat, c’est pareil !
M. Olivier Cadic. … ce qui permet d’éviter tout commentaire sur le fond. Permettez-moi de dire les choses en toute franchise.
Le présent projet de loi, c’est ainsi que je l’ai compris, a pour objectif de libérer la croissance et d’ôter des carcans. Eh bien, voilà un exemple de blocage !
Comment comprendre qu’on puisse empêcher de réemployer ses fonds un investisseur qui a pris part à une aventure, qui a pris un risque financier et qui, quelle qu’en soit la raison, cède ses titres ?
Je retire donc cet amendement, monsieur le président, mais c’est à regret.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, je vais m’employer à vous expliquer pourquoi le Gouvernement s’associait à la demande de retrait de la commission spéciale.
Vous avez défendu votre amendement avec enthousiasme et je salue votre volonté d’aider les entreprises. Vous proposez de modifier la loi pour tendre vers une plus grande flexibilité du capital. Or j’attire votre attention sur le fait que ces règles sont souvent source de contentieux et que leur modification est génératrice d’instabilité. De fait, le remède peut être pire que le mal.
C’est ce qui explique la prudence entourant le recours aux dispositifs du type ISF-PME, qui sont instables au regard du droit communautaire ; nous sommes d’ailleurs actuellement en discussion avec la Commission – cela aurait dû être fait depuis des années – à ce sujet.
Il ne m’appartient pas de juger de votre travail, monsieur le sénateur, et je crois pouvoir dire que tel n’était pas non plus le propos de Mme la corapporteur. Toutefois, compte tenu des risques potentiels, il convient de faire preuve d’une grande prudence, afin d’éviter des contentieux qui nuiraient aux entreprises.
Sur le fond, pourquoi étais-je réservé à l’égard de cet amendement ?
Tout d’abord, il était en partie satisfait. En effet, la loi et la doctrine administrative prévoient d’ores et déjà plusieurs cas de non-remise en cause de la réduction d’impôt, parmi lesquels les fusions, les scissions, les liquidations judiciaires. À cet égard, je vous confirme que, dans ces situations, lorsqu’elles se présentent, ni l’avantage Madelin ni l’avantage ISF-PME ne sont remis en cause. Des ambiguïtés ont pu subsister, qui expliquent que des entreprises ou des investisseurs vous aient saisi, mais, je le répète, celles-ci ont été levées à la fois par la jurisprudence et par la doctrine fiscale.
Ensuite, l’amendement adopté par la commission spéciale tend à légaliser plusieurs exceptions doctrinales et à étendre au dispositif Madelin l’absence de remise en cause en cas de cession forcée par un détenteur parti à un pacte d’actionnaires. C’est là une avancée importante, qui répond à votre préoccupation.
Enfin, vous proposiez d’étendre les cas dans lesquels le contribuable peut céder, sous condition de réemploi, les titres reçus à la suite de son investissement en ouvrant cette possibilité, quel que soit le motif de la cession.
Sur ce point, je suis plus réservé : l’actionnaire qui est parti à un pacte d’actionnaires, en vertu duquel il était obligé de céder ses titres, conserve le bénéfice des avantages fiscaux s’il réemploie dans des sociétés éligibles le prix de cession diminué des impositions dues sur la plus-value de cession. Cette mesure permet d’éviter la remise en cause d’un avantage fiscal dans des situations subies par le contribuable. La cession forcée peut être prévue par le pacte, notamment dans le cas d’une solidarité avec un autre actionnaire qui a décidé de vendre au même moment. C’est le principe du tag along right et du drag along right, que vous devez connaître, puisque vous fréquentez les investisseurs britanniques.
La possibilité que vous vouliez offrir au contribuable de céder ses titres pour n’importe quel motif aurait privé d’effet la condition de conservation des titres, qui est consubstantielle à l’avantage fiscal et en est la contrepartie.
Le risque inhérent à cette logique, c’est de remettre en cause en cascade tout le dispositif. Votre proposition, si elle avait été adoptée, aurait encouragé des arbitrages de court terme en fonction des performances ponctuelles de la société au capital de laquelle le contribuable souscrit, ce qui n’est pas toujours dans l’intérêt de l’entreprise soutenue.
L’aide publique, dans le cas tant de l’ISF-PME que de la réduction d’impôt Madelin, ne se justifie que pour soutenir des investisseurs qui prennent des risques sur le long terme. C’est ce qui a toujours sous-tendu ces deux dispositifs, qui s’inscrivent donc bien dans une logique productive. Par conséquent, il n’y a pas lieu de mobiliser ces aides pour soutenir des investissements de portefeuille de court terme. Or lever la condition de détention des titres pendant cinq ans ferait courir ce risque.
Pour conclure, je comprends ce qui a motivé le dépôt de cet amendement, mais je veux vous dire que nous avons amélioré la situation. Plus largement, ce dispositif est plutôt favorable aux détentions de moyen et de long terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement était lui aussi favorable au retrait de cet amendement, auquel je vous remercie d’avoir procédé.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je souscris aux propos de M. le ministre.
Monsieur Cadic, quand j’ai dit que la rédaction de votre amendement soulevait des problèmes, je ne critiquais pas le fond de votre amendement ni votre travail ; je voulais simplement souligner que son adoption aurait pu faire naître des situations contentieuses.
Autant que faire se peut, et même si nous n’y parvenons pas toujours, faisons en sorte d’adopter des textes de loi exempts de difficultés rédactionnelles !
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 ter A.
(L'article 35 ter A est adopté.)
Article 35 ter B (nouveau)
I. – À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le montant : « 45 000 € » est remplacé par le montant : « 90 000 € ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par Mmes Assassi et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 560 rectifié quater est présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Lalande, Patient, Chiron, Yung, Botrel, Raynal, Vincent, Raoul, Boulard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 33.
M. Pierre Laurent. Au travers de cet amendement, nous entendons supprimer cet article, qui a pour objet de doubler le plafond de la réduction d’impôt ISF-PME, pour le porter à 90 000 euros. Cette mesure, selon nous, n’est absolument pas nécessaire et soulève de surcroît des problèmes d’équilibre et de justice fiscale. En outre, je rappelle que ce dispositif fiscal fait l’objet de discussions entre la France et les instances européennes.
Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune est déjà bridé par un certain nombre de niches fiscales, dont le coût se révèle important et l’efficacité extrêmement limitée.
Nous connaissons les chiffres : 47 098 contribuables ont effectué des apports en direction de PME, pour un coût fiscal de 468 millions d’euros, soit près de 10 % du produit de l’ISF.
Parmi les contribuables assujettis à l’ISF de la première tranche du tarif, on trouve quelque 30 305 contribuables financeurs, qui ont apporté 330,4 millions d’euros au capital des PME. Seulement 30 % d’entre eux, soit 9 155 personnes, ont réalisé un apport direct au capital d’une PME, d’un montant moyen de 14 225 euros. Pour ceux qui ont opté pour l’apport à une holding, le versement moyen est de 15 400 euros.
L’apport aux fonds d’investissement de proximité conduit à un versement moyen de 9 100 euros environ ; le versement moyen par le truchement des FCPI est de 8 850 euros.
Quel que soit le type de versement ou de véhicule utilisé, nous sommes fort loin du plafond de versement du dispositif ISF-PME. Il n’y a donc aucune raison de suivre la commission spéciale dans sa décision de doubler ce plafond.
En vérité, on se demande ce qui a pu motiver l’adoption de cet article additionnel. Peut-être offrir aux quelques centaines de contribuables concernés un rendement financier supplémentaire à travers une niche fiscale renforcée, même si cette mesure n’est d’aucune efficacité pour l’investissement réel dans les PME ?
En tout cas, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour présenter l'amendement n° 560 rectifié quater.
M. Marc Daunis. Cet article vise à doubler le plafond de la réduction d’impôt liée au dispositif dit « ISF-PME », en le passant à 90 000 euros, contre 45 000 euros actuellement, avec un coût pour les finances publiques de près de 100 millions d’euros.
Cette mesure ne nous paraît pas pertinente, a fortiori pour un dispositif qui donne aujourd’hui entière satisfaction. En doublant le plafond de l’avantage fiscal, nous risquerions de dévoyer son objet initial et de le transformer quasiment en un pur instrument d’optimisation fiscale.
L’encouragement au doublement de ce plafond par la commission spéciale m’étonne quelque peu, car celle-ci souhaitait, elle l’a encore rappelé tout à l’heure, que ce dispositif soit stabilisé.
En outre, s’agissant de l’enjeu principal, à savoir la restauration de l’attractivité économique du pays, les réductions d’impôts peuvent-elles constituer le seul moyen permettant de favoriser le financement en fonds propres des entreprises ?
Dans le présent texte, le choix d’une palette large, diversifiée, au service du développement et du renforcement de nos entreprises, notamment de nos PME et de nos entreprises de taille intermédiaire innovantes, s’accompagne des dispositifs appropriés.
En outre, nous avons décidé d’actionner toute une panoplie d’outils cohérents. À cet égard, M. le ministre a rappelé hier que Bpifrance fonctionne désormais à plein régime. Il a d’ailleurs annoncé le 8 avril dernier que le montant des prêts devrait passer, pour la période de 2015 à 2017, de 5,9 milliards à 8 milliards d’euros.
Ce texte comporte également des instruments tels que les business angels, le crowdfunding et le capital-risque via la « société de libre partenariat », autant d’outils qui nous apparaissent bien plus cohérents.
Pour conclure, je formulerai deux remarques.
Sur le fond, et je m’adresse à mes collègues de l’UMP, augmenter le poids des niches fiscales ne peut pas tenir lieu de politique, surtout quand on ne cesse d’annoncer 100, 120 ou 130 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique ! Cette incohérence, rappelée d’ailleurs par le Premier ministre lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, est difficilement compréhensible.
De plus, permettez-moi de signaler, à propos de cette niche de l’ISF-PME, que c’est vous-mêmes qui, en 2011, avez ramené le plafond de l’avantage fiscal de 50 000 euros à 45 000 euros.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Contrairement à ce que vous affirmez, chers collègues, le dispositif actuel n’est pas stabilisé, puisqu’il est en cours de refonte, je le redis, afin de le rendre compatible avec le nouveau règlement général d’exemption de la Commission européenne et les lignes directrices qui le complètent.
La principale difficulté aujourd’hui est que le nouveau régime prévoit un ciblage des sociétés beaucoup plus restrictif que le dispositif actuel. Notre volonté de doubler le plafond de l’avantage fiscal au travers de l’article 35 ter B vise à envoyer une sorte de signal. En effet, le ciblage plus restrictif que pourrait exiger la Commission européenne dans le cadre de la négociation en cours ne doit pas se traduire, dans la mesure où nous avons déjà pris du retard, par une baisse de l’investissement dans les PME.
Pour 2015, le coût de cette mesure est nul, puisque nous avons prévu son entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Pour les années suivantes, le dispositif sera, je l’espère, refondu à cette date et le ciblage restreint.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ces objectifs sont aujourd’hui, je le répète, en voie de stabilisation, puisque nous avons trouvé un équilibre destiné à garantir leur efficacité en apportant des aménagements, ce qui a été fait dans les articles précédents.
Au demeurant, ces ajustements ne sauraient compenser la totalité de la politique de financement en fonds propres des entreprises. En tout cas, le doublement envisagé du plafond de l’avantage fiscal contreviendrait à l’engagement pris par le Gouvernement de ne pas revoir en profondeur ces dispositifs tant que la négociation avec la Commission européenne n’est pas stabilisée.
En outre, aujourd’hui, le financement en fonds propres de nos entreprises est un véritable enjeu, qui va bien au-delà de cette discussion.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je pense à tous les dispositifs portés dans ce texte, mais aussi à la mobilisation des intermédiaires financiers, banques ou assureurs, car la réouverture d’une partie du système soumis à la régulation financière a pénalisé le financement de l’économie au niveau européen.
À cet égard, je citerai, parmi d’autres, le véhicule Novi conçu par la Caisse des dépôts et consignations afin de remobiliser les investisseurs institutionnels dans le financement en fonds propres de nos entreprises. Ce dernier ne dépasse pas les 20 % – n’oublions jamais ce chiffre – et vient s’ajouter au niveau encore trop bas et insuffisant de leurs marges.
Tous ces dispositifs sont importants, mais la réponse ne saurait être apportée par un doublement du plafond, tel qu’il est envisagé par la commission. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne dois pas être assez intelligente – mes collègues de l’UMP et de l’UDI-UC seront satisfaits ! –, car je ne comprends pas votre raisonnement, madame la corapporteur. Vous avez utilisé deux arguments pour vous opposer aux amendements du groupe CRC : la stabilité interne de nos dispositifs fiscaux et l’existence d’une procédure contentieuse européenne à l’encontre du dispositif.
Le premier argument ne tient pas, car l’augmentation du plafond créera de l’instabilité. Quant à l’amendement porté tout à l’heure par M. Cadic, il vise non pas à doubler le plafond, mais à le multiplier par dix !
Second argument, vous préjugez de la décision de la Commission européenne, en prévoyant, en contrepartie de l’obligation d’être plus restrictif, de doubler le plafond de la réduction d’impôt. Or, dans la mesure où une négociation est en cours avec le gouvernement français, il ne faut pas anticiper un résultat aussi négatif, alors que la décision n’est pas prise.
Je soutiens donc ces deux amendements identiques tendant à la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Nous aboutissons tous, sur l’ensemble de ces travées, au même constat : nos structures industrielles, principalement dans le secteur des ETI, et pas uniquement des PME, rencontrent des difficultés. Certes, la compétitivité des grandes entreprises du CAC 40 s’améliore, mais c’est l’arbre qui cache la forêt, car notre faiblesse se manifeste dans les entreprises intermédiaires, les grosses PME : leurs besoins de croissance sont importants, qui requièrent des capitaux relativement élevés.
Aujourd’hui, lorsque vous élaborez un plan de développement, vous vous appuyez sur la BPI et le secteur bancaire, bien sûr, mais lorsque vous empruntez des capitaux, ces organismes financiers exigent un certain équilibre entre fonds propres et fonds d’emprunts. À ce propos, il faut bien reconnaître que la faiblesse des fonds propres dans les entreprises, PME et ETI, a probablement représenté un frein au développement de ces structures.
Flécher l’ISF de manière un peu plus importante pour financer durablement le capital des entreprises me paraît judicieux. Il serait curieux que la Commission européenne porte une appréciation négative sur un dispositif relatif à un impôt inexistant dans certains pays européens. Cette position serait à mes yeux paradoxale et injuste. Il serait plus opportun d’encourager ce dispositif dans des proportions raisonnables.
Je vous le rappelle, dans le secteur industriel requérant des investissements lourds, une grosse PME dont le chiffre d’affaires avoisine les 10 à 15 millions d’euros et qui compte une centaine de salariés devrait disposer d’au moins 1 million d’euros de fonds propres. Sinon, elle ne pourra pas suivre ses plans d’investissements et injecter les milliers d’euros nécessaires pour atteindre 1,2 million ou 1,5 million d’euros.
Or c’est par dizaine de milliers d’euros que les capitaux doivent être placés dans les fonds propres de ces structures industrielles. Les dérives que l’on a pu constater se sont produites dans des sociétés où les besoins d’investissement sont moindres.
Par conséquent, cette disposition introduite par la commission est bénéfique pour renforcer les structures financières des entreprises désirant investir.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je suis étonné de l’argumentation de Mme la corapporteur.
Pour anticiper le dispositif, on prend la voie prétendument la plus efficace. Nous contestons totalement cette assertion, car je ne vois pas en quoi le doublement du plafond de la réduction d’impôt représentera un réel encouragement pour la plupart des cas auxquels nous sommes confrontés. Nous ne disposons d’aucune preuve à ce sujet. Nous risquons uniquement, en contournant ainsi l’anticipation de la discussion avec la Commission européenne, de renforcer dans le dispositif la part de l’optimisation fiscale, au détriment du soutien réel à l’investissement.
Par conséquent, nous rejetons cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 560 rectifié quater.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 151 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 191 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1721, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I le montant : « 45 000 euros » est remplacé par le montant : « 90 000 euros » ;
2° Au 2 du III, le montant : « 18 000 euros» et le montant : « 45 000 euros » sont remplacés par le montant : « 90 000 euros » ;
3° Au quatrième alinéa du V, le montant : « 45 000 euros » est remplacé par le montant : « 90 000 euros ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Voilà encore un sujet qui fâche… (Sourires.)
Mes chers collègues, cet amendement vise à étendre le doublement du dispositif ISF-PME, adopté par la commission spéciale, aux fonds d’investissement éligibles.
Cette réduction d’impôt, prévue à l’article 885-0 V bis du code général des impôts, s’applique, sous certaines conditions, aux versements effectués au titre de la souscription de parts des fonds d’investissement de proximité, les FIP, et des fonds communs de placement dans l’innovation, les FCPI.
Comme pour un investissement direct, l’avantage fiscal équivaut à 50 % des montants versés au titre de la souscription, à proportion des sommes investies dans le fonds au sein de PME éligibles. Toutefois, la réduction d’impôt est actuellement plafonnée à 18 000 euros, contre 45 000 euros pour les investissements indirects – nous venons d’évoquer ce second seuil.
Cette différence entre les souscriptions directes et indirectes s’explique historiquement par la volonté d’encourager les investisseurs indirects, dont le rôle ne se limite pas au strict financement de l’entreprise. Or, aujourd’hui, cette distinction ne semble plus justifiée. En effet, les souscriptions directes sont souvent réalisées via un mandat de gestion ou de conseil. En pareil cas, l’intermédiaire procède aux investissements pour le compte de l’investisseur, ou lui permet de bénéficier d’une sélection de PME.
Par conséquent, le présent amendement vise à étendre le nouveau plafond du dispositif ISF-PME aux souscriptions de parts de FIP et de FCPI, afin de garantir une neutralité fiscale entre les différents véhicules, fonds, holding et gestion sous mandat, permettant d’investir au sein de sociétés éligibles à cette aide. Conformément au plafond voté par la Haute Assemblée, la somme des différents avantages sera ainsi limitée à 90 000 euros.
M. le président. L'amendement n° 920 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le montant :
90 000 euros
par le montant :
500 000 euros
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Ces dispositions vont dans le sens indiqué par la commission spéciale. À cet égard, je me félicite que l’on se montre enfin prêt à ouvrir un tant soit peu les vannes, en envisageant d’adopter une mesure fiscale !
Madame la corapporteur, vous l’avez compris, cet amendement tend à aller un peu plus loin que votre proposition de doublement du plafond.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Olivier Cadic. Il s’agirait de multiplier le montant des aides considérées par dix environ, en portant ce plafond de 45 000 euros à 500 000 euros. Pourquoi ? Pour nous aligner sur le dispositif britannique baptisé EIS, Enterprise investment scheme, qui a fait ses preuves. Cet outil, qui encourage l’investissement dans de petites entreprises, offre un allégement fiscal de 30 % dans une limite annuelle d’investissement, pour les personnes physiques, de 1 million de livres sterling, soit 450 000 euros.
Mes chers collègues, permettez-moi d’insister : dans ce domaine, nous devons devenir fiscalement compétitifs vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Cet ajustement le permet.
Bien entendu, je soutiens la commission spéciale dans sa démarche. Néanmoins, chacun doit prendre conscience des avantages dont disposent, en la matière, les investisseurs outre-Manche.
M. Marc Daunis. Ah !
M. Olivier Cadic. J’entends M. Daunis s’exclamer. Mais, je le répète, les enjeux sont de taille !
Voilà quelques mois, s’est achevé un concours destiné à récompenser les entreprises françaises qui se développent au Royaume-Uni. Une firme spécialisée du secteur de l’internet a remporté le premier prix. Que nous disaient ses représentants pas plus tard qu’hier au soir ? Voilà quatre mois que la maison-mère de cette société tente de lever des fonds en France, sans succès ! Outre-Manche, le principal concurrent britannique de cette firme a levé de l’argent en une semaine...
M. Pierre Laurent. Et la responsabilité des banques françaises ?
M. Olivier Cadic. Que va-t-il se passer ? À terme, cette société française sera rachetée par son concurrent, qui se sera développé beaucoup plus vite qu’elle. Voilà la réalité !
Notre seul but, c’est de dynamiser notre économie pour assurer la compétitivité de nos entreprises. Tel est l’esprit de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Cadic, j’entends tout à fait vos propos et je souscris à nombre des constats que vous dressez : les dispositions suggérées par la commission spéciale peuvent sembler un peu frileuses. Si la décision n’avait tenu qu’à moi, j’aurais poussé plus loin cette avancée.
Toutefois, la commission spéciale a privilégié un dispositif plus mesuré. Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La proposition de Mme la corapporteur est en cohérence avec les dispositions votées par la commission spéciale : il s’agit d’étendre le dispositif ISF-PME, élaboré par ses soins, à d’autres outils d’investissement. J’étais favorable à la suppression du dispositif initial rehaussant le plafond de réduction d’impôt.
Par cohérence, je ne puis qu’être défavorable à l’amendement n° 1721. Et en toute logique, j’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 920 rectifié bis.
Monsieur Cadic, nous ne manquerons pas d’examiner de près le système dont disposent, à ce titre, nos voisins britanniques. Toutefois, j’émets d’emblée une réserve à ce sujet. Les deux dispositifs sont difficilement comparables, et ce pour une raison qui n’aura échappé à personne : à proprement parler, l’ISF n’existe pas outre-Manche. Le dispositif britannique se fonde sur l’imposition des revenus les plus élevés. Aussi, comment cet avantage fiscal, qui porte, en France, sur cet impôt, pourrait-il faire l’objet de telles comparaisons ?
Nous n’en devons pas moins continuer à concentrer nos efforts vers ce but : la mobilisation de l’épargne financière vers le capital productif.
À cet égard, plusieurs pistes existent, dont la Haute Assemblée a commencé à débattre hier. À mon sens, notre pays doit relancer avec beaucoup plus d’énergie l’actionnariat salarié et l’épargne sociale – nous reviendrons sur cette question dans quelques instants. C’est la mère des batailles !
Il est essentiel que le Sénat se saisisse de cette question, qui, au demeurant, est de nature à dépasser les clivages partisans : la mobilisation de l’épargne financière des Français et, au premier chef, de l’assurance vie, en faveur du capital productif. En effet, force est de l’admettre, nous avons collectivement laissé naître un monstre qui, aujourd’hui, pénalise notre économie.
Lorsqu’on observe l’épargne de nos concitoyens, on constate qu’elle est massivement investie dans l’immobilier. Quant à l’épargne financière, elle est placée à près de 80 % dans des assurances vie. C’est un produit que les Françaises et les Français apprécient particulièrement, notamment parce qu’il les rassure.
Historiquement, la France a constitué, par l’assurance vie, un « môle » dans nos grandes entreprises françaises. Il y a de cela vingt ans, les grands assureurs jouaient un rôle très actif en la matière.
Par suite des dernières crises financières, ces intermédiaires financiers ont fait l’objet d’une régulation très stricte, alors même qu’ils n’étaient pas au cœur de cette tourmente. Ces crises ont été provoquées, pour une très large part, par les opérateurs hors marché, les « opérateurs de l’ombre », qui procédaient à la titrisation.
Toujours est-il que l’activité des banques et des assurances a été extrêmement régulée. Je songe notamment à la règle dite « de Solvabilité II », qui, aujourd’hui, pousse les assureurs, en particulier les assureurs français, à investir dans des obligations d’État et à abandonner toutes les participations dont ils disposaient au capital des entreprises, cotées ou non cotées. Voilà l’aberration face à laquelle nous nous trouvons !
Le financement de notre économie nous impose de réexaminer collectivement cette régulation opérée par des professionnels du secteur. Les politiques se sont dépossédés de cette question. Or les actifs financiers dont il s’agit doivent être investis dans nos entreprises. C’est là une bataille vitale, qui exige d’exercer une pression politique.
Nous avons débattu hier du secteur du numérique, dans lequel, j’en suis persuadé, une telle attitude serait bénéfique. En l’espèce, nous devons faire pression collectivement pour canaliser l’argent des assureurs au profit de la sphère productive.
Ces précisions étant apportées, je réitère mon avis défavorable sur les amendements nos 1721 et 920 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Les propositions que traduisent ces amendements s’inscrivent clairement dans une logique du « toujours plus ». On suggère de multiplier les avantages fiscaux par quatre,…
M. Marc Daunis. Non, par deux !
M. Pierre Laurent. … puis par dix, et cela sur la base d’arguments qui ne nous convainquent pas.
Monsieur le ministre, je souscris pleinement au constat que vous dressez. Encore faudrait-il s’emparer de la question du rôle de ces institutions financières ! Votre projet de loi l’élude totalement… Or la loi bancaire, récemment votée par le Parlement, ne permet pas de la traiter, et, en dépit de ses qualités, la Banque publique d’investissement reste largement sous-dimensionnée face aux réalités financières auxquelles elle fait face.
J’ajoute que d’autres questions méritent d’être posées : comment sont contrôlées ces institutions financières ? Quel doit être le rôle des salariés qui y travaillent ?
Les moyens de mieux diriger l’épargne vers l’investissement productif constituent un véritable enjeu, et nous y sommes on ne peut plus sensibles. Toutefois, pour l’heure, je constate que l’on persiste à multiplier les niches fiscales sans traiter réellement le sujet.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien noté, comme vous, que l’ISF n’existait pas au Royaume-Uni. Le problème de la compétitivité se pose bel et bien en termes distincts de part et d’autre de la Manche – nous aurons l’occasion d’y revenir en examinant d’autres amendements.
Je comprends l’orientation suivie par le présent texte, et j’observe que nous admettons tous la nécessité d’aller plus loin dans ce sens. Vous ne serez pas surpris que je fasse preuve de pragmatisme : en soutien à votre action, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 920 rectifié bis est retiré.
Mme Nicole Bricq. À la bonne heure !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1721.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 152 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 151 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 35 ter B est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 35 ter B
M. le président. L'amendement n° 917 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1° bis du I de l’article 156 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un investisseur personne physique ayant investi dans une société mentionnée à l’article 239 bis AB plus de 100 000 € est réputé exercer dans cette société une activité professionnelle et, dans la limite du montant de son investissement, les déficits éventuels sont, pour la part le concernant, des déficits professionnels. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Le législateur a voté l’article 30 de la loi de modernisation de l’économie, ou LME, du 4 août 2008, créant dans le code général des impôts, à l’article 239 bis AB, la société de capitaux transparente fiscalement, la SCT, inspirée de la forme sociale dite « Subchapter S », qui est une des sources de l’expansion économique américaine.
Cette SCT a permis la multiplication des investisseurs en création d’entreprise, grâce à la faculté qu’elle offre de déduire des pertes éventuelles du revenu pour le calcul de l’impôt. Pour résumer, en cas d’échec de l’entreprise créée, l’État prend en charge la moitié du risque.
C’est la condition pour que se multiplient les investisseurs dans les SCT, au moment où, dans la vie d’une entreprise, le risque est maximum. L’article 239 bis AB limite leur usage à des entreprises de moins de cinq ans, de moins de cinquante salariés et de moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires ou de bilan.
Cette incitation manque toutefois son objectif en raison, principalement, d’une disposition du code général des impôts à l’article 156 qui provoque une « tunnellisation » des revenus en n’autorisant la déduction que des bénéfices de même nature.
La plupart des investisseurs potentiels se trouvent ainsi écartés, car les pertes relèvent le plus souvent des bénéfices industriels et commerciaux, ou BIC, alors que les revenus sont, le plus souvent, salariaux ou mobiliers.
L’article 156 prévoit bien que ne sont pas soumis à cette « tunnellisation » les investisseurs professionnels dont la participation est « personnelle, continue et directe ». Le rôle d’un business angel indépendant, qui investirait à lui seul entre 10 % et 30 % du capital social initial, soit au moins 100 000 euros, pour un capital situé en dessous d’un million d’euros – ce qui est le cas pour 95 % des créations d’entreprise – correspond, en pratique, à cette définition. Les contours en sont toutefois si imprécis qu’il ne pourrait être assuré d’échapper à un redressement.
Cette situation est extrêmement dommageable à notre économie. Le mécanisme en question a en effet conduit, aux États-Unis, à une explosion du nombre de créations d’entreprise. En outre, les bénéfices des entreprises « Subchapter S » qui en font sont environ trois fois supérieurs aux pertes encourues par celles qui sont déficitaires. Pour information, les résultats de la première année pour les entreprises créées en France présentent un ratio similaire.
Cet amendement vise donc à multiplier les investisseurs dans les SCT et à sécuriser les business angels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a demandé le retrait de cet amendement, qui est régulièrement rejeté par les commissions des finances des deux assemblées, car il tend à traiter de la même façon sur le plan fiscal un gestionnaire et un investisseur.
La possibilité offerte aux petites entreprises de moins de cinq ans d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes aide les associés à passer le cap difficile des premières années en leur permettant d’imputer les déficits sur leur imposition personnelle de l’année sans attendre que la société devienne bénéficiaire.
En pratique, l’actionnaire actif – le gestionnaire – est distingué de l’actionnaire passif – l’investisseur. Seul le premier peut imputer les déficits sur son revenu global. Le public visé est celui des entrepreneurs qui prennent un risque maximal et dont le foyer fiscal dégage d’autres revenus professionnels, issus par exemple des activités du conjoint ou de celles des parents.
Le critère proposé par les auteurs de cet amendement, qui conduirait à qualifier de gestionnaire tout associé ayant investi plus de 100 000 euros, semble à cet égard beaucoup trop large et de nature à porter atteinte à un principe constant du droit fiscal français. Un actionnaire passif pourrait, par exemple, imputer les pertes d’une PME en phase d’amorçage sur ses loyers locatifs.
Le régime dont il est question concilie déjà, en outre, transparence fiscale et responsabilité limitée.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, tout en souhaitant entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, vous abordez le sujet bien connu et très technique du direct et de l’indirect. Vous proposez, en somme, que les investisseurs dans les sociétés de capitaux qui optent pour le régime des sociétés de personnes soient réputés exercer une activité professionnelle dans ces sociétés lorsqu’ils investissent au moins 100 000 euros. De cette manière, la part du déficit catégoriel attribuée aux investisseurs passifs serait déductible de leur revenu global, soumis en particulier à l’impôt sur le revenu.
Le régime de l’article 239 bis AB permet une dérogation au régime applicable aux sociétés de capitaux relevant de l’impôt sur les sociétés. Si une société est constituée d’au moins 50 % d’associés personnes physiques, il lui est aujourd’hui possible d’opter, sur la durée de cinq exercices, pour l’application de l’impôt sur le revenu.
L’introduction, en 2008, de ce droit d’option avait précisément pour objectif de permettre aux associés professionnels personnellement impliqués dans le développement de l’entreprise d’imputer les déficits des premières années d’exercice sur leur revenu global.
Ce que vous cherchez à couvrir par votre proposition me semble donc l’être déjà pour les premières années de la vie de l’entreprise. La capacité à créer des entreprises par ce dispositif fiscal correspond à la disposition de l’article 239 bis AB que j’évoquais.
Les règles déterminant lesquels des associés sont considérés comme professionnels et peuvent donc imputer des déficits de leur activité n’ont, quant à elles, pas été modifiées par la loi de modernisation de l’économie. Aussi, seuls sont déductibles du revenu global les déficits revenant à des associés exerçant leurs activités dans la société.
Pour un investisseur purement financier, ou de type business angel, ce truchement n’est en effet pas le bon, parce qu’il ne permet pas, dans ce cas, de déduire les pertes des premières années. L’activité professionnelle se caractérisant fiscalement, je le rappelle, par la participation personnelle, directe et continue de l’associé à l’activité, la participation indirecte ne rend pas éligible à ce dispositif.
Vous proposez d’aller plus loin en faisant en sorte que l’option des sociétés de capitaux pour l’impôt sur le revenu permette à tout associé d’imputer sur son revenu imposable une quote-part des déficits de l’exercice correspondant à sa part dans le capital, à la seule condition qu’il ait investi plus de 100 000 euros. Cela permettrait, dites-vous, aux investisseurs professionnels de bénéficier du même traitement que les créateurs de l’entreprise qui exercent leur activité. C’est vrai !
Toutefois, en pratique, l’incitation à l’investissement que vous proposez ne me semble pas pleinement opérante au regard des critères légaux. Elle viendrait en quelque sorte à l’appui d’un deuxième objectif, qui est relatif aux business angels. Nous avons traité cette question à travers certaines dispositions relatives à l’impôt sur la fortune.
Le mécanisme que j’évoquais favorise plutôt un co-investissement avec la Banque publique d’investissement, qui permet un effet de levier.
Aujourd’hui – je vous en donne crédit –, pour des investisseurs qui ne prennent pas part à l’activité de l’entreprise, le dispositif français est moins attractif que son équivalent en Grande-Bretagne. Il est vrai également que, ce mode de financement étant moins développé, il est moins dirimant pour le financement de notre économie.
C’est pourquoi mon avis sur cet amendement est défavorable, bien que je ne considère pas que la totalité de son objet, en particulier la base de votre raisonnement, soit erronée.
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 917 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. J’ai le sentiment d’avoir été entendu et compris, ce qui est une première satisfaction.
Monsieur le ministre, vous avez bien saisi cette demande de sécurité, qui revient de façon récurrente dans les conversations avec nos entrepreneurs. Ceux-ci se sentent souvent fragilisés vis-à-vis de l’administration et du cadre légal, qu’ils trouvent très complexe. Vous avez compris cette attente, qui s’exprime depuis longtemps.
Pour un parlementaire récemment élu comme moi, la difficulté réside dans cette capacité très française à attendre – la prochaine fois, une nouvelle loi… Pendant ce temps, les autres avancent !
Puisque nous sommes conscients des attentes qui s’expriment et des progrès qu’il faut réaliser, puisque nous partageons la volonté que notre pays soit compétitif, nous devons travailler ensemble, pour ne pas laisser passer trop de temps et mettre en place, à court terme, ces dispositions.
Dans cette attente, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 917 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 915 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le e du 2° du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … ) la société vérifie les conditions mentionnés au 2° du II de l’article 239 bis AB et aux f et g du 1 du I de l’article 885-0 V bis » ;
2° Les II, II bis et II ter sont ainsi rédigés :
« II. – Les versements ouvrant droit à la réduction d’impôt mentionnée au I sont ceux effectués jusqu’au 31 décembre 2016. Ils sont retenus dans la limite annuelle de 20 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 40 000 € pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
« La fraction d’une année excédant, le cas échéant, les limites mentionnées au premier alinéa du présent II ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions au titre des quatre années suivantes.
« II bis. - Le montant de la réduction d’impôt sur le revenu de 18 % mentionnée au 1° du I est portée à 30 % pour les souscriptions en numéraire au capital initial, aux augmentations de capital de sociétés et les limites mentionnées au premier alinéa du II sont portées respectivement à 250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et à 500 000 € pour les contribuables mariés soumis à imposition commune ouvrant droit à la réduction d’impôt mentionnée au 2° du I.
« La fraction d’une année excédant, le cas échéant, les limites mentionnées au premier alinéa du présent II bis ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions au titre des quatre années suivantes.
« II ter. – La réduction d’impôt prévue au I est calculée sur le montant total des versements mentionnés aux II et II bis retenus dans leur limite annuelle respective. Le montant total ainsi déterminé ne peut excéder les limites mentionnées au premier alinéa du II bis. La fraction des versements pour laquelle le contribuable entend bénéficier de la réduction d’impôt dans la limite prévue au II ne peut ouvrir droit à la réduction d’impôt dans la limite prévue au II bis, et inversement. »
II. - Après l’article 150-0 D ter du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … - L’abattement prévu à l’article 150-0 D ter s’applique en totalité dès la première année de détention au-delà de la troisième année pour les cessions de titres acquis dans les conditions de l’article 199 terdecies- 0 A. Les conditions prévues à l’article 150-0 ter sont présumées remplies pour les investisseurs dans le cadre de l’article 199 terdecies- 0 A. »
III. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à mettre en place une véritable politique publique en faveur des petites entreprises communautaires qui commencent ou renforcent leurs activités.
La France accuse un retard de quelque cinq millions d’emplois marchands par rapport à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne. Nous créons des entreprises, mais elles sont vides d’emplois marchands.
Cette carence est imputable, pour une bonne part, au « trou de financement » qui apparaît dès le démarrage de l’activité. Quelque 95 % des entreprises dont le potentiel de développement va au-delà de l’objectif d’employer leur créateur ont, tôt ou tard, des besoins en fonds propres situés entre 100 000 euros et 1 million d’euros. Les fonds d’investissement sont cependant peu actifs sur ce segment, où seuls les individus aisés, les investisseurs providentiels, ou business angels, peuvent être efficaces.
Les États-Unis et la Grande-Bretagne ne sont parvenus à combler ce trou de démarrage qu’en multipliant les business angels, à travers, respectivement, le Small Business Investment Act de 1958, et le Enterprise investment scheme. Ces dispositions visent essentiellement les gros investisseurs providentiels, qui engagent plus de 100 000 dollars.
Il est en effet essentiel que l’entrepreneur souhaitant créer ou développer une entreprise trouve avec deux ou trois actionnaires les 500 000 euros nécessaires, par exemple, de manière à faire l’économie du marathon éprouvant qui est nécessaire pour en réunir vingt ou cinquante.
Pour remédier partiellement à cette situation, une réduction d’impôt sur le revenu, dite « Madelin », a été instaurée dès 1994. Elle s’élevait à 18 % du montant de la souscription dans la limite de 20 000 euros pour un contribuable célibataire et de 40 000 euros pour les couples, sous condition de conservation des actions ou des parts pendant cinq ans. La fraction excédentaire des versements pouvait être reportée au titre des quatre années suivantes.
Ce dispositif a été amélioré en 2008 par l’adoption d’un amendement de Nicolas Forissier portant les investissements à 50 000 euros pour un célibataire et 100 000 euros pour un couple, à condition d’investir dans des entreprises de moins de cinquante salariés et de moins de dix millions d’euros de bilan total.
Le dispositif, tel qu’il existe aujourd’hui, cible donc à la fois les petites entreprises communautaires jusqu’à cinquante salariés et les PME jusqu’à deux cent cinquante salariés. Ces dernières peuvent trouver ces financements auprès du capital-risque ou des investisseurs institutionnels.
Cet amendement vise à mettre en place une véritable politique publique en faveur des petites entreprises communautaires qui démarrent ou renforcent leur activité. Cela nécessite une politique fiscale incitative permettant à chaque individu d’investir directement jusqu’à 250 000 euros – 500 000 euros pour un couple – déductibles à 30 %, avec exonération des plus-values au-delà de trois ans.
Telle est, selon moi, la condition indispensable pour créer une véritable culture de l’investisseur providentiel dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a déjà fait un effort sur les dispositifs Madelin en faisant passer de 10 000 euros à 18 000 euros la possibilité de déduction. Vous proposez d’aller au-delà. Si l’on peut, en effet, le comprendre, au regard des arguments que vous développez, les contraintes budgétaires nous ont conduits à nous en tenir au dispositif proposé.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 915 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Vous avez été moins compris, cette fois !
M. Olivier Cadic. Quelque chose me dit que je l’ai malgré tout été ! (Sourires.)
Il me reste des amendements à présenter ; je vais poursuivre cette démarche. Un vrai débat est nécessaire. J’ai entendu tout à l'heure que les banques devaient prendre en charge ces investissements. Non, ce n’est pas leur rôle ! Comme épargnant, l’idée qu’il revienne aux banques d’investir dans le risque me met mal à l’aise. Nous avons déjà pu constater les dérives auxquelles cela donnait lieu.
J’ai une autre vision de l’économie, mais je ne suis pas surpris que vous ne la partagiez pas. Notre pays attend cette véritable évolution !
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 915 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 914 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début du premier alinéa de l’article 885 I du code général des impôts, sont insérés les mots : « Les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et ».
II. – Les articles 885 I ter, 885 quater et 885 0 bis du code général des impôts sont abrogés.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Le redressement de notre pays passe par le développement des entreprises. Or pour rechercher, investir, innover et conquérir de nouveaux marchés, les entreprises doivent pouvoir se financer. L’alourdissement des règles prudentielles qui pèsent sur les acteurs classiques du financement et que le ministre évoquait encore tout à l'heure impose, au minimum, de permettre aux autres sources de financement, telles que l’autofinancement ou l’investissement de particuliers, de prendre le relai.
À ce titre, l’impact de l’ISF, l’impôt sur la fortune – on y vient ! – apparaît singulièrement négatif : il contraint les entreprises à verser des dividendes pour permettre aux actionnaires de payer l’impôt, diminuant ainsi leur capacité d’investissement ; il obère la rentabilité des actions, alors même qu’elles représentent un investissement risqué et de moyen ou de long terme ; enfin, il pousse les business angels et les créateurs d’entreprises innovantes et en forte croissance à s’expatrier, ce qui se traduit, in fine, par une perte de revenu fiscal pour notre pays.
Afin de favoriser le financement long et pérenne des entreprises, il est proposé d’exonérer d’impôt sur le revenu toutes les parts d’entreprises.
M. le président. L'amendement n° 918 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article 885 A, après la référence : « 885 R », sont insérés les mots : « ainsi qu’à l’article 885 I bis » ;
2° L’article 885 I bis est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérées comme des biens professionnels si les conditions suivantes sont réunies : » ;
b) La seconde phrase du cinquième alinéa du b est ainsi rédigée :
« La valeur des titres de cette société bénéficie de l’exonération à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation. » ;
c) Aux septième et huitième alinéas du b, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa et à la première phrase (deux fois) et à la seconde phrase du dernier alinéa du même b, le mot : « partielle » est supprimé ;
d) Au c, aux première et seconde phrase du d, aux premier et dernier alinéas du g et à la première phrase des h et i, le mot : « partielle » est supprimé.
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à attribuer aux droits sociaux soumis à un engagement collectif de conservation la qualité de biens professionnels exonérés d’ISF. Une telle mesure permettrait d’encourager l’investissement de long terme, d’au moins six ans, dans les entreprises françaises et d’assurer la stabilité de leur actionnariat.
M. le président. L'amendement n° 919 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa du 1 du I de l’article 885 I ter du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Sont exonérées les valeurs mobilières émises par des sociétés si les conditions suivantes sont réunies au 1er janvier de l’année d’imposition : »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement tend à élargir le champ des biens exonérés d’ISF et à encourager l’investissement dans les entreprises, pour relancer la création d’emplois. Lorsque nous nous sommes rendus à Londres avec la délégation aux entreprises, nous avons observé les conséquences d’une telle mesure sur l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mon cher collègue, je comprends votre objectif, qui est de réduire les effets antiéconomiques de l’ISF, lesquels sont évidents : il n’est peut-être pas politiquement correct de le dire, mais il faut bien en être conscient.
Néanmoins, nous avons déjà fait un effort, même s’il semble minime, sur les dispositifs ISF-PME et Madelin. Par ailleurs, il me paraît indispensable de maintenir un traitement fiscal plus favorable pour les PME, dont les titres sont déjà totalement exonérés d’ISF en cas de souscription au capital initial ou à l’occasion d’une augmentation de capital.
Si ces amendements étaient adoptés, on peut craindre que les investisseurs ne prennent plus le risque d’accompagner une PME en phase d’amorçage. Il leur suffirait d’acheter des actions de grandes entreprises qui bénéficieraient, elles aussi, d’une exonération totale d’ISF.
En outre, les dispositifs proposés ne semblent pas comporter de clause anti-abus – les activités de gestion de patrimoine ne sont, par exemple, pas exclues –, ce qui pourrait conduire à une optimisation fiscale importante.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je formulerai la même demande de retrait que Mme la rapporteur.
Tout d’abord, on voit bien, au travers de nos discussions récurrentes sur la fragilité du dispositif ISF-PME, à la suite de la position adoptée par Bruxelles, que nous serons de toute façon collectivement conduits à mener une réflexion sur le traitement des entrepreneurs dans le cadre de l’ISF.
À quoi sert le dispositif ISF-PME aujourd’hui ? Même si on l’a encadré et flexibilisé, il vise à permettre à des entrepreneurs, c’est-à-dire à celles et ceux qui font courir des risques à leur capital, qui créent de la valeur par leur propre travail et celui de leurs salariés, de bénéficier de la règle d’abattement des 75 % à l’ISF. Nous avons préservé un équilibre au terme duquel un investisseur qui ne s’implique pas dans l’entreprise – telle était la réserve que j’ai formulée précédemment – ne peut en bénéficier.
Néanmoins, compte tenu du rapport entre la rémunération du capital et le taux de fiscalité, une révision en profondeur du dispositif ISF-PME, pour cette fameuse raison « bruxelloise », aurait des conséquences désincitatives pour celles et ceux qui entreprennent. Pour être parfaitement clair, je ne parle pas des investisseurs financiers. Il faudra donc revoir tout cela pour éviter d’en arriver, dans le cadre de ce dispositif, à des aberrations.
Monsieur Cadic, l’objet de votre premier amendement est trop large, puisqu’il vise en quelque sorte toutes les détentions d’actions. Ne resteraient soumis à l’ISF que les détenteurs de patrimoine immobilier. Il faut savoir proportion garder !
Il n’en reste pas moins qu’il faudra chercher à améliorer, au-delà du dispositif existant, la situation au regard de l’ISF de ceux qui détiennent un certain niveau de capital dans une entreprise qu’ils ont créée ou dans laquelle ils ont contribué à créer de la valeur.
Nous devons prendre cet engagement commun pour avancer et moderniser cet impôt. Sinon, il aura un effet contreproductif sur le financement de notre économie, qui est, si j’ai bien entendu nos débats depuis hier, un objectif pleinement partagé.
Nous devrons engager une réflexion sur ce sujet pour tirer les conséquences de la notification de Bruxelles quant au dispositif ISF-PME. Je veux le dire, je serai très vigilant pour que les entrepreneurs de notre pays ne soient pas pénalisés lors de la révision des modalités des dispositifs concernés.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur Cadic, je suis d’accord avec vous sur le fond. Il faudra se poser non seulement la question de l’ISF pour les entrepreneurs – M. le ministre l’a dit implicitement –, mais aussi – j’irai plus loin –, celle de l’ISF tout court.
Cette question est déjà dans le débat public ; nous devrons la porter dans cet hémicycle, car, quand on fait des comparaisons internationales, on voit bien que l’ISF participe des problèmes rencontrés par notre pays en termes de compétitivité. Cette question devra être posée à l’évidence. Nous aurons l’occasion, dans les mois qui viennent et à l’occasion d’échéances majeures, de dire que ce sujet doit maintenant être pris à bras-le-corps, non seulement pour les entrepreneurs, mais de façon globale. En effet, l’ISF pousse un certain nombre de nos compatriotes à adopter des logiques d’évitement, voire de déménagement.
La difficulté que nous rencontrons est celle du coût des mesures envisagées, dans ce texte et en année budgétaire. Elles devraient être débattues dans le cadre d’une réforme fiscale globale, car il faut regarder comment équilibrer l’ensemble.
Le coût de la mesure figurant dans l'amendement n° 914 rectifié bis, qui est le plus lourd financièrement, est évalué à 1,5 milliard d’euros. C'est une somme considérable, et qui vaut pour ce seul amendement, même si, je le répète, je souscris totalement à cette proposition sur le fond.
Par ailleurs, Mme la corapporteur l’a très bien dit, nous avons adopté un certain nombre de mesures. On peut toujours en débattre, mais les dispositifs ISF-PME et Madelin vont dans le bon sens, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Cadic, ce dont je vous remercie. Il paraît difficile d’aller plus loin aujourd’hui.
Ensuite, comme Mme la corapporteur l’a souligné, si votre amendement n° 914 rectifié bis était adopté, un investisseur prendrait plus difficilement le risque d’accompagner une PME, surtout en phase d’amorçage. Or tel n’est pas votre souhait, me semble-t-il. L’investisseur irait plus facilement vers les grandes entreprises. Il ne faut pas opposer les petites et les grandes entreprises, mais le risque d’un tel effet pervers doit être pris en compte.
La majorité sénatoriale aura l’occasion de soulever la question de l’ISF. Nous ne le ferons pas à l’occasion de la discussion de ce texte, car cela n’entre pas dans l’équation. L’ISF sera débattu dans un texte strictement budgétaire et financier.
M. le président. Monsieur Cadic, les amendements nos 914 rectifié bis, 918 rectifié bis et 919 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Olivier Cadic. Monsieur le président de la commission, vous évoquez le coût de la mesure que je propose, en l’estimant à 1,5 milliard d’euros. Aujourd'hui, si vous achetez une œuvre d’art, comme un tableau ou une statue, vous pourrez la déduire de votre ISF. En revanche, si vous décidez d’investir dans une entreprise qui va créer de l’emploi, vous ne pourrez pas profiter de cette déduction.
Je vous le dis comme je le pense, cela me heurte ! Notre fiscalité incite plus à acheter des œuvres d’art qu’à investir dans une entreprise qui crée de l’emploi : c'est tout de même quelque peu étrange quand on connaît les problèmes d’emploi de notre pays.
À un moment, il faut faire des choix et déterminer des priorités : mon amendement avait comme objectif de le rappeler. J’aimerais que nous nous posions certaines questions : ne sommes-nous pas finalement en train de créer nous-mêmes les conditions du chômage que nous connaissons ?
Je ferai preuve de pragmatisme et retirerai mes amendements pour ne pas faire durer le débat. Mais, honnêtement, comme beaucoup d’entrepreneurs, je ne comprends pas que des choses qui paraissent évidentes nécessitent des années de discussion, que l’on se réfugie derrière des arguments ou derrière la nécessité de faire valider toute décision par X ou Y. Voilà ce que je tenais à dire.
Comme vous, j’espère que nous allons enfin nous y mettre, mais, sincèrement, les Français ne sont plus patients : ils veulent des résultats maintenant. C’est ce qu’ils attendent de nous. Les textes que nous votons doivent avoir un impact en termes de développement des entreprises et de diminution du chômage.
Avec l’amendement n° 914 rectifié bis, je m’inscrivais dans cette perspective. Je regrette d’avoir à le retirer. Je retire également les deux autres amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 914 rectifié bis, 918 rectifié bis et 919 rectifié bis sont retirés.
L'amendement n° 806, présenté par MM. Genest, Allizard, Baroin, Bignon, Bizet, Bouchet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, MM. Doligé et Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois, Forissier, Fouché et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel et Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le quatrième alinéa de l’article 885 I bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de cession ou donation partielle à un associé de l’engagement collectif, l’exonération n’est pas remise en cause, sous réserve que le cessionnaire ou le donataire s’engage à conserver les titres qu’il a conservés pendant toute la durée de l’engagement collectif. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à mettre fin à une incertitude juridique, née de la réponse apportée le 13 août 2013 à la question du député Alain Moyne-Bressand, concernant les conséquences d’une cession partielle de titres intervenant entre les signataires d’un engagement collectif de conservation Dutreil-ISF en cours de validité.
Le député de l’Isère avait souhaité savoir si, en cas de cession partielle de titres placés sous engagement collectif réalisée par l’un des signataires au profit d’un autre signataire de l’engagement, le cédant conservait bien pour l’avenir l’exonération partielle d’ISF sur les titres conservés.
Le ministre de l’économie et des finances avait répondu que « dès lors qu’un signataire cède un seul de ses titres en cours d’engagement collectif, il perd le bénéfice de l’exonération partielle d’ISF, au titre de l’année en cours ainsi qu’au titre des années précédentes pour lesquelles l’exonération s’est appliquée, et cela pour la totalité des titres détenus inclus dans le pacte, y compris donc pour les titres qu’il a conservés ».
Ainsi, selon cette interprétation, toute cession partielle de titres entre signataires d’un engagement collectif de conservation ISF entraînerait pour le cédant une remise en cause du bénéfice de l’exonération partielle, tant pour les titres cédés que pour ceux qu’il a conservés.
La précision apportée paraît très contestable et directement contraire à la lettre de l’article du code général des impôts, qui autorise expressément les cessions entre signataires : « Les associés de l’engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l’engagement ».
En effet, une cession expressément autorisée par les textes ne devrait pas être susceptible d’emporter la déchéance du bénéfice de l’exonération partielle d’ISF pour le cédant. Cette réponse apparaît également en totale contradiction avec la doctrine administrative actuelle, qui ne vise comme cause de déchéance que la cession à des tiers à l’engagement collectif.
La sécurité fiscale étant une condition sine qua non du développement économique et de la pérennité des entreprises familiales, le présent amendement vise à revenir sur cette interprétation en clarifiant les dispositions concernées du code général des impôts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mme Lamure a bien expliqué l’objet de cet amendement. La réponse ministérielle qu’elle a évoquée remet en cause un élément de souplesse qu’offre le dispositif Dutreil.
C’est pourquoi la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais clarifier cette position importante, qui est, cela a été dit, de nature doctrinale.
Aux termes de cet amendement, en cas de cession ou de donation partielle à un autre associé partie à l’engagement collectif, l’exonération d’ISF ne serait pas remise en cause pour l’associé qui cède ou donne une partie de ses titres, sous réserve que le cessionnaire ou le donataire s’engage à conserver les titres pendant toute la durée de l’engagement collectif.
On le voit bien, il est ici question de l’articulation entre l’engagement individuel et l’engagement collectif dans le cadre du dispositif Dutreil.
La réponse ministérielle dite « Moyne-Bressand » a précisé les conséquences d’une cession partielle de titres en cours d’engagement collectif. L’exonération d’ISF à hauteur de 75 % des titres placés dans le cadre du dispositif Dutreil est acquise au terme d’un délai de conservation de six ans. Cette mesure est logique, puisque le dispositif a pour objet de garantir la pérennité des entreprises et de permettre à des entrepreneurs, comme à leur succession, de conserver l’outil productif ; elle repose sur des critères de participation à la vie de l’entreprise et à sa direction.
C'est la loi qui a prévu ce long engagement de conservation, assorti d’un avantage d’assiette important, pour stabiliser le capital autour d’un noyau dur d’actionnaires.
Pendant cette période, on parle d’un avantage fiscal global, apprécié au regard du respect d’un engagement qui, lui aussi, est global. Au-delà de cette période, les critères du respect de l’engagement s’apprécient sur une base annuelle.
Il y a donc la période intangible des six ans, puis, chaque année, ce dispositif devenu continu. La période d’engagement de six ans se découpe, vous le savez, en une période d’engagement dit « collectif » d’au moins deux ans et une période d’engagement dit « individuel » de quatre ans a priori.
Ce n’est qu’à la lumière de ces éléments précis qu’il est possible de comprendre la réponse ministérielle que j'évoquais et qui est le sous-jacent de votre question.
En effet, cette réponse ministérielle prévoit que la cession des titres sous pacte par l’un des signataires à un autre signataire n’emporte pas de conséquence sur les autres signataires dudit pacte, ce qui me paraît tout à fait normal. En revanche, elle rappelle que, au niveau individuel, l’avantage tiré des 75 % d’assiette de l’ISF n’est quant à lui acquis qu’au bout de six ans, décomposés dans les deux périodes d’engagement que je viens d’évoquer : quatre ans pour l’engagement collectif et deux ans pour l’engagement individuel.
Dès lors, un contribuable qui céderait une partie de ses titres en cours d’engagement collectif, même à d’autres signataires du pacte, romprait pour lui-même l’engagement qu’il a pris initialement. Et c’est de cette manière, précisément, que sont articulées les deux périodes d’engagement du dispositif dit « Dutreil ».
Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à un amendement qui tend à remettre en cause l’équilibre garanti par le dispositif actuel, qui repose sur un engagement long en échange d’un avantage significatif.
Plus généralement, le débat sur l’ISF, qui s’est cristallisé dès l’année 2012, a conduit à une réforme profonde, avec des équilibres sur lesquels je ne reviendrai pas.
À mes yeux, le débat que nous avons tenu précédemment et que vos amendements ont permis d’éclairer ouvre une réflexion. Toutefois, la clarté du dispositif Dutreil, son caractère pérenne et la clarté apportée par la réponse ministérielle dont je viens, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler devant vous les termes, doivent être confortés. Le sujet est à mon sens plus large et s’inscrit dans la ligne de la discussion que nous venons d’avoir.
J’estime qu’il n’y a pas lieu, à ce stade, de rouvrir cette question, car nous serions alors susceptibles de déstabiliser l’articulation entre l’engagement collectif et l’engagement individuel, tel qu’il existe dans le cadre du dispositif Dutreil. Partant, nous risquerions de créer alors de l’instabilité normative, voire du contentieux.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 806 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Il est vrai que les éléments dont nous discutons sont très techniques.
Pour ma part, j’ai bien compris qu’il ne s’agissait pas de remettre en cause les éléments du pacte Dutreil. J’ai bien noté que l’exonération, dans ce cas, n’était pas discutée : tel était, précisément, le point qui m’importait.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 806 est retiré.
L'amendement n° 1725, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts est complété par un 4 ainsi rédigé :
« 4. Les frais et commissions imputés par les sociétés mentionnées au premier alinéa du 3 ou par les sociétés et les personnes physiques exerçant une activité de conseil ou de gestion au titre des versements mentionnés aux 1, 2 ou 3 ne peuvent être pris en charge, directement ou indirectement, par les sociétés bénéficiaires de ces versements.
« Les sociétés et les personnes physiques mentionnées au premier alinéa du présent 4 ne peuvent faire appel, pour la réalisation de prestations de service au profit des sociétés bénéficiaires des versements mentionnés aux 1, 2 ou 3, à des personnes physiques ou morales qui leur sont liées au sens des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-10 du code de commerce.
« Sans préjudice des sanctions que l’Autorité des marchés financiers peut prononcer, tout manquement à ces interdictions est passible d’une amende dont le montant ne peut excéder cinq fois les frais indûment perçus. »
II. - Le I s'applique aux versements effectués après le 1er juillet 2015.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le présent amendement vise à mettre fin à un usage, pratiqué par certains intermédiaires, qui consiste à facturer des frais considérables aux PME éligibles à la réduction d’impôt prévue par le dispositif ISF-PME, afin de réduire artificiellement les frais directement imputés aux investisseurs.
Sous certaines conditions, les souscriptions peuvent être faites de manière indirecte via une société holding. Toutefois, même dans le cas des souscriptions directes, l’investissement mobilise souvent des intermédiaires par le biais d’un mandat de conseil ou de gestion. Or l’étude de l’offre commerciale de nombreux intermédiaires conduit à deux constats.
Premièrement, le niveau des frais de souscription, de gestion et de fonctionnement facturés par ces intermédiaires est particulièrement élevé. D’après le rapport de l’Inspection générale des finances, ces frais représentent en moyenne 38 % des montants investis !
Mme Nicole Bricq. C’est scandaleux !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Deuxièmement, une nouvelle pratique consistant à mettre une part substantielle des frais à la charge des PME se développe. Cette pratique concerne tant les sociétés de gestion et de conseil que les holdings, qui sont souvent liées par contrat à des sociétés de conseil. Une telle évolution conduit à un biais de sélection, qui est susceptible de réduire fortement l’efficacité de cette réduction d’impôt, puisque seules des PME en grande difficulté financière sont susceptibles de payer de tels frais : elles doivent tout simplement assurer leur survie.
Par ailleurs, ce mode de facturation vise à tromper les investisseurs, afin de masquer l’effet de captation de l’avantage fiscal. Les frais imputés au client sont artificiellement réduits. Néanmoins, à moyen terme, les frais imputés aux PME se traduiront de facto par une moindre rentabilité des investissements de leurs clients.
Par conséquent, le présent amendement vise à interdire aux sociétés exerçant une activité de conseil ou de gestion au titre des versements bénéficiant de l’avantage fiscal aménagé par le dispositif ISF-PME de mettre une partie de leurs frais à la charge des PME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. L’examen de cet amendement me permet d’apporter quelques remarques relatives au dispositif dit « ISF-PME ». J’ai voulu prendre la parole, précédemment, à deux reprises, mais, par manque de chance, les amendements concernés ont été retirés et je n’ai pas pu intervenir.
Je suis globalement d’accord avec l’exposé général que M. le ministre vient de consacrer à cette grave question : la difficulté d’orienter l’épargne populaire vers l’économie et les entreprises.
Monsieur le ministre, je suis également d’accord avec vous au sujet de la modification du pacte Dutreil. En effet, au fond, lorsqu’une personne se retire, aucune raison ne justifie qu’elle continue à bénéficier des avantages prévus par ledit pacte.
Vous semblez très ouvert s'agissant de l’ISF-PME et du financement du haut de bilan de nos PME. À cet égard, permettez-moi d’attirer votre attention sur ce point, dans la perspective d’un travail éventuel consacré à la situation des PME familiales.
En effet, certaines PME sont administrées par plusieurs associés appartenant à une même famille. Il arrive que ces derniers soient tout à fait prêts, notamment lors de la succession et de la transmission de ladite entreprise, à conserver leurs parts de capital, sans pour autant souhaiter entrer dans le périmètre et dans la logique de dispositifs très contraignants.
Pour revenir au parallèle tracé tout à l’heure avec les œuvres d’art, je ne dis pas qu’il faille assujettir à nouveau les œuvres d’art à l’ISF : en effet, on ne fera pas le bonheur des uns en faisant le malheur des autres. Il convient plutôt d’apporter des solutions adaptées aux différentes situations.
Si nous pouvions permettre, pour les PME familiales, sans contrainte particulière, aux associés familiaux n’exerçant pas de mission de gestion, de bénéficier du dispositif ISF-PME, la situation serait meilleure. En effet, il s’agit de l’ISF, mais pour bénéficier de ce dispositif, la question du mandat se pose tout de même.
Imaginons que, au sein d’une entreprise donnée, une personne, sans détenir de mandat de gestion, est associée au capital à hauteur de 60 %, tandis que le gérant détient le reste du capital. Contrairement à ce dernier, elle va voir ses parts de capital assujetties à l’ISF dès lors qu’elle ne travaille pas au sein de la société considérée et qu’elle ne répond pas aux critères d’application du dispositif dit « Dutreil », car il ne s’agit plus d’un bien professionnel, mais d’un bien privé. Il serait bon, par conséquent et a minima, que la personne placée dans la situation que je viens de décrire bénéficie du même avantage que si elle investissait son argent dans des œuvres d’art.
Voilà un objectif qui me paraît logique et atteignable. En tout cas, je tenais à attirer votre attention sur ce point, parce que le financement de nos PME présente des difficultés. Lorsqu’il y a trois ou quatre frères et sœurs qui administrent une entreprise et que seulement l’un d’entre eux en est le gérant, il ou elle bénéficie de l’exonération prévue par le dispositif ISF-PME, mais ses frères et sœurs, qui maintiennent pourtant leurs parts de capitaux au sein de l’entreprise familiale, parce qu’ils en ont hérité au bout de trois générations, doivent s’acquitter du paiement de l’ISF.
En outre, dans les entreprises qui présentent un taux de rentabilité nul ou proche de zéro et dont l’activité ne donne par conséquent lieu à aucune distribution de dividendes à la fin de l’année, ces associés devront payer sur des capitaux dormants, qui financent le maintien des emplois.
Monsieur le ministre, je tenais donc à attirer vivement votre attention sur ce point, car vous m’avez semblé tout à l’heure très ouvert pour engager une telle démarche. Pour le reste, je suis assez d’accord avec les propos que vous avez tenus.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35 ter B.
Article 35 ter C (nouveau)
I. – Aux premier et second alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 undecies C », est insérée la référence : « , 199 terdecies-0 A ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 561 rectifié quater est présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Lalande, Patient, Chiron, Yung, Botrel, Raynal, Vincent, Raoul, Boulard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Pierre Laurent. Au fond, nous poursuivons la même discussion, puisque, à l’instar du dispositif ISF-PME, le dispositif dit « Madelin » se révèle à nos yeux largement surdimensionné au regard de son efficacité.
Les fonds levés sous l’empire des dispositifs concernés s’élèvent à près de 700 millions d’euros au titre de l’année 2013, auxquels s’ajoutent des investissements, à hauteur de plus de 800 millions d’euros, dont l’imputation a été reportée, le tout étant réalisé par un nombre de souscripteurs très faible.
Au cours de l’année 2012, d’après les données fournies par l’administration fiscale – la situation a peut-être quelque peu évolué depuis lors –, quelque 47 000 foyers fiscaux, soit un peu plus d’un millième des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, ont versé un peu plus de 586 millions d’euros au capital de sociétés naissantes ou en expansion primaire, ce qui situe le montant moyen de versement à 12 475 euros par participant et l’avantage fiscal moyen à 2 245 euros. Autant dire que, de manière générale, le dispositif dit « Madelin » n’est pas d’une efficience optimale et qu’il est loin de répondre à l’attente des entreprises en matière d’apport de fonds propres.
Pour notre part – il s’agit d’un vieux débat –, nous sommes favorables à la disparition pure et simple du dispositif dit « Madelin ».
L’État, à plus forte raison dans un contexte de tension budgétaire affirmée, serait mieux inspiré s’il évitait de préserver un dispositif coûteux et dont l’évaluation est hasardeuse. Et ce n’est ni le changement de quotité de ce dispositif ni l’augmentation de son taux de remboursement qui changera fondamentalement la situation du financement des PME dans notre pays.
En revanche, ces mesures produiront un effet d’aubaine au bénéfice de quelques investisseurs fortunés. Ces derniers ne pourront que se féliciter de ce que des parlementaires pensent à eux et à leurs problèmes de fins de mois difficiles. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
J’ajouterai, en complément à ce qui vient d’être dit, deux éléments au sujet de l’ISF.
J’entends de nouveau toutes les plaintes suscitées par cet impôt, dans un contexte général d’injustice fiscale, dont tous les chiffres montrent qu’il évolue de manière extrêmement préoccupante. J’entends bien que certains nous proposent tout à la fois de multiplier les niches fiscales, de supprimer des recettes fiscales, comme celles tirées de l’ISF, et de supprimer des dépenses publiques plus fortement encore qu’aujourd’hui. Si l’on suivait l’ensemble de ces propositions, nous aboutirions à un véritable désastre pour l’économie nationale, contrairement à ce qui nous est dit.
Par ailleurs, s’agissant de la façon d’assurer durablement le financement de l’investissement productif, j’ai entendu ce qui a été dit tout à l’heure à propos de notre désaccord au sujet du secteur bancaire.
Certains considèrent que le secteur bancaire n’a absolument pas à s’occuper de cette question. Or je ne vois pas très bien, au regard du fonctionnement général de l’économie, où nous mènera une telle position ! Ou alors il faut m’expliquer pourquoi, par exemple, la BCE réinjecte 1 140 milliards d’euros dans le financement de l’économie européenne. S’il n’est pas utilisé au service des économies européennes, où va cet argent ? Il s’agit d’ailleurs d’une question pertinente, que nous devrions par conséquent nous poser : où va l’argent actuellement réinjecté dans le système bancaire et financier par la Banque centrale européenne ?
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour présenter l'amendement n° 561 rectifié quater.
M. Marc Daunis. Je formulerai des remarques similaires à celles qui ont été développées à l’occasion de l’examen de l’article 35 ter B, à propos du dispositif ISF-PME.
Nous assistons là à une modification de la niche fiscale dite « Madelin », qui est proposée, en l’occurrence, par la commission spéciale.
Premièrement, certes, nous tenons là un outil qui fonctionne et dont nous aménageons les dispositions, mais y a-t-il lieu d’augmenter la portée de cet avantage fiscal en risquant là encore de pousser à des comportements abusifs d’optimisation ?
Deuxièmement, je renvoie à la même interrogation que tout à l’heure, formulée à la droite de cet hémicycle, ainsi que par la commission spéciale : la question des niches fiscales est symptomatique. Chers collègues, vous tentez de faire passer un creusement des niches fiscales pour une politique de soutien à la croissance !
Mme Nicole Bricq. Exactement !
M. Marc Daunis. Il y a vraiment une contradiction. D’un côté, vous appelez à davantage de rigueur. De l’autre, vous affirmez qu’il convient de permettre un financement favorable à l’investissement productif, afin d’alimenter la croissance. Et en même temps, vous augmentez systématiquement tous les petits dispositifs, épars, de niches fiscales, qui, additionnés, représentent des sommes particulièrement importantes.
Troisièmement, la politique du Gouvernement et les engagements qu’il a pris en la matière consistaient à apporter un peu de justice dans les efforts qui sont demandés à notre pays pour son redressement. Il était assez symptomatique que ce plafond de réduction d’impôt soit ramené à 10 000 euros par an et par foyer, quand vous souhaitez aujourd’hui son rétablissement à 18 000 euros.
Je rappelle que cette part proportionnelle au revenu imposable permettait aux ménages les plus aisés de réduire fortement leur impôt. Ainsi, depuis 2013, un couple avec deux enfants ne peut pas être concerné par cette mesure s’il gagne moins de 95 000 euros par an.
Au moment où nous devons redresser les comptes publics, mobiliser le pays autour de l’objectif de justice sociale et répartir équitablement cet effort souhaité par tous, adopter un tel article serait contreproductif.
Enfin, je le répète, creuser les niches fiscales ne constitue pas une politique de soutien à l’activité. Nous avons vu ce qu’il en était de la croissance en 2012 ! Si les niches fiscales représentaient une véritable politique de soutien à l’activité, au vu de tout ce qui a été distribué lors du précédent quinquennat, nous aurions dû connaître alors une croissance d’un dynamisme étonnant !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons déjà eu ce débat sur l’avantage ISF-PME.
Pour ce qui concerne l’avantage Madelin, dont le plafond passe de 10 000 euros à 18 000 euros, les arguments sont les mêmes, et l’avis de la commission spéciale est tout aussi défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’émettrai, par cohérence, un avis favorable sur ces amendements identiques.
S’agissant du plafond, l’objectif est de maintenir les dispositifs existants. J’ajouterai toutefois un élément, pour que nous soyons bien au clair.
Pour assurer la stabilité des dispositifs, je veux bien que l’on trouve des aménagements, qui peuvent exister, par ailleurs, dans d’autres dispositifs fiscaux en vigueur. Toutefois, nous devons avoir bien présente à l’esprit la distinction entre le financement par fonds propres et le financement par l’endettement.
La Banque centrale européenne mène actuellement une politique très volontariste, qui permet de fournir des liquidités aux banques. Par ailleurs, la régulation européenne pénalise les banques françaises – nous n’allons pas refaire le débat sur la loi bancaire ! – et restreint le crédit.
Les économies très intermédiées par les établissements bancaires, comme la nôtre, sont pénalisées par cette régulation, ce qui est mauvais pour leur financement par l’endettement. Quoi qu’il en soit, il faut toujours distinguer entre fonds propres et dette.
Ce dont il s’agit au travers des dispositifs dont nous parlons – je le dis pour la clarté du débat –, c’est du financement par fonds propres. Ces deux sujets sont complémentaires, mais différents.
La faiblesse du financement de notre économie par fonds propres peut être compensée par divers aménagements et l’introduction d’une certaine flexibilité, et cela a déjà été fait. Les aménagements apportés en 2013 sur l’avantage Madelin me semblent suffisants. Il est donc inutile de revenir sur son plafond. On ne peut pas imposer, en termes de financements bancaires, une logique relevant d’un autre mode de financement des entreprises : une logique ne peut se substituer à l’autre.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Jusqu’où faut-il aller ? Cette question, légitime, pouvait se poser, et nous avons eu ce débat. Nous nous sommes ainsi demandé si les propositions de Mme la corapporteur, suivies par la commission, allaient suffisamment loin.
En l’occurrence, je viens d’entendre que la commission allait trop loin… Celle-ci a essayé d’adopter des mesures efficaces, qui s’inscrivent dans une approche budgétaire acceptable. Au vu des amendements des groupes de l’opposition, je constate que nous avons touché la cible ! Il y a, dans la solution proposée par la commission, un équilibre entre dynamique et recherche d’efficacité.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Que signifie « toucher la cible » ? Celle-ci est atteinte au prix de vos contradictions : d’un côté, vous dites de façon récurrente que les mesures budgétaires de réduction des déficits sont insuffisantes, et, de l’autre – mais dans un même mouvement ! –, vous réclamez des niches fiscales toujours plus nombreuses, qui, de fait, continuent à creuser les déficits. C’est incohérent !
Le ministre a utilement rappelé que les entreprises devaient faire face à des problèmes de fonds propres. Il faut nous y atteler ! Nos propositions et les mesures qui ont été adoptées sur notre initiative, quant à elles, sont efficaces et pertinentes.
Par ailleurs, il nous faut aussi nous mettre à la place de nos concitoyens. Un effort a été consenti collectivement par la nation, et il se poursuit. Nombre de nos concitoyens, notamment les salariés, auront du mal à comprendre et à accepter que vous demandiez de relever le plafond de cet avantage de 10 000 à 18 000 euros, car cette mesure bénéficiera aux couches les plus aisées.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je suis d’accord avec Pierre Laurent sur un point : cet avantage n’est pas assez efficace. Toutefois, nous ne le pensons pas pour les mêmes raisons !
Parce qu’il est inefficace, je considère, pour ma part, qu’il faut relever son plafond. Les personnes qui investissent en France et bénéficient à ce titre de dispositifs fiscaux, comme l’avantage Madelin, ne sont pas des privilégiés. Ils participent à l’effort d’investissement, ils sont des héros ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Ils pourraient tout aussi bien, en effet, placer leur argent ailleurs et avoir de meilleurs revenus. Plutôt que de les stigmatiser, mieux vaudrait reconnaître l’impact positif de leurs investissements sur notre économie !
Par ailleurs, monsieur Laurent, je vous confirme qu’il n’appartient pas aux banques de financer le risque. Ce que l’on attend d’elles, c’est qu’elles investissent dans des projets lourds et à long terme, comme des infrastructures, dont la rentabilité ne sera pas forcément très forte, des projets pour lesquels il est difficile de trouver des investisseurs prêts à prendre des risques. Voilà pourquoi on fait appel à la finance !
Mes chers collègues socialistes, vous avez l’air d’être satisfaits et de considérer que la politique menée actuellement donne des résultats. Apparemment, les électeurs ne partagent pas votre avis.
Quant aux niches fiscales, celle qui fonctionne le mieux est le crédit d’impôt recherche. (M. Marc Daunis opine.) Grâce à cet avantage fiscal, de nombreuses entreprises internationales viennent investir dans notre pays. Cet exemple montre que les niches peuvent avoir des effets positifs pour l’économie.
À propos de l’ISF dû au titre des actions et des parts sociales, je vous ai demandé précédemment si vous préfériez accorder un avantage fiscal à une personne qui achète un tableau plutôt qu’à une autre qui investit dans une entreprise. Cette question n’a pas eu l’air de vous émouvoir !
M. Jean-Claude Lenoir. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il me semble, sans vouloir intenter de procès à quiconque, que la mesure proposée par la commission spéciale fait partie d’un ensemble de dispositifs – d’autres viendront sur le volet strictement social – que l’on pourrait qualifier de « marqueurs »...
M. Marc Daunis. Idéologiques !
Mme Nicole Bricq. Pour ma part, je ne les qualifierai pas ; après tout, chacun a les siens, de même que chacun a ses totems et tabous. Malheureusement, ce débat nous empêche d’avancer pour redresser notre pays.
En relevant ce plafond de 10 000 euros à 18 000 euros, vous en revenez à ce qui existait avant. Je vous rappelle le débat que nous avons eu sur le plafonnement global des niches fiscales : vous-mêmes, quand vous étiez dans la majorité nationale, aviez commencé à baisser le plafond. Nous avons poursuivi ce mouvement.
M. Robert del Picchia. Ce n’est pas parce que des erreurs ont été faites qu’il faut les continuer !
Mme Nicole Bricq. Si vous n’aviez pas fixé le plafond à 18 000 euros, j’aurais pensé que vous étiez de bonne foi. Il est en effet légitime de s’interroger sur le plafond actuel. Toutefois, revenir à l’ancien système, c’est un marqueur. Il faut que vous l’assumiez comme tel, au lieu de vous réfugier derrière le discours selon lequel cette mesure permettra de retrouver la croissance !
Quant à la comparaison avec le crédit d’impôt recherche, elle n’est pas bienvenue : ils n’ont pas la même assiette. Le CIR est en effet assis sur l’impôt sur les sociétés.
On le sait, nos impôts ne sont pas toujours bien faits.
M. Jean-Claude Lenoir. Ils sont bricolés ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. L’ISF cumule beaucoup de défauts pour quelqu’un qui aime la fiscalité : il a, comme souvent chez nous, une petite assiette, puis son taux galope assez vite. Mais pas tout de suite, je tiens à le dire, car les premières tranches sont tout de même très faibles ! Votre proposition fait donc partie d’un paquet global.
Je vous invite à réfléchir, mes chers collègues. Pour notre part, nous ne souhaitons pas revenir en arrière.
On pourrait s’interroger sur le plafond de 10 000 euros, lequel, je le reconnais, est sévère. Néanmoins, vous voulez remettre ce choix en cause en rétablissant l’ancien plafond. Si vous aviez proposé 15 000 euros, on aurait pu discuter ; mais pas là !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je ne recommencerai pas le débat sur l’ISF.
La réduction d’impôt sur le revenu, dite « Madelin », est égale à 18 % des versements effectués dans la limite annuelle de 100 000 euros pour les contribuables mariés. C’est la situation actuelle.
Or, dans le cas où un couple atteindrait cette limite de 100 000 euros, il bénéficierait non pas de cette réduction d’impôt de 18 %, mais de la niche des 10 000 euros. Il y a là une forme d’incohérence.
Nous n’avons donc rien augmenté de particulier, notamment en termes de taux. Nous avons simplement précisé que le dispositif Madelin pouvait, en théorie, faire bénéficier un couple d’une réduction d’impôt d’un montant maximum de 18 000 euros.
Il était en effet incohérent que, du fait du plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros pour les sommes investies au-delà de 55 500 euros, et non plus de 100 000 euros, le foyer fiscal ne puisse plus bénéficier de la réduction d’impôt pour l’année correspondant au versement. Certes, la possibilité de report existe, mais elle est tout de même moins incitative et plus complexe.
Mes chers collègues, nous n’avons tout de même pas bouleversé le système !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je voudrais appeler votre attention, mes chers collègues, sur la situation dans laquelle nous nous trouvons. Alors que nous demandons beaucoup d’efforts aux Français, est-il imaginable que le Sénat vote le relèvement du plafond de la niche dont nous parlons à 18 000 euros ? Ce plafond, mes chers collègues, doit rester à 10 000 euros.
À en croire plusieurs orateurs, le problème de croissance pourrait être réglé par la seule création de nouvelles niches fiscales. Je ne le pense pas du tout.
Penchons-nous sur la productivité française ; regardons de plus près le manque d’investissement dans notre pays ; et réfléchissons autrement. Considérez, mes chers collègues, que le crédit impôt recherche n’est affecté qu’à 22 % au bénéfice des PME. Le Sénat doit travailler sur cette question.
Ce n’est pas en nivelant par le bas la fiscalité, en l’alignant sur celle des pays anglo-saxons, que nous réglerons nos problèmes. Nous devons trouver un moyen de défiscaliser les investissements, ce que le Gouvernement vient d’ailleurs de proposer récemment. Nous allons dans le bon sens. Il faut penser aux Français, mes chers collègues ; il y aurait un côté indécent à ce que le Sénat se prononce pour la création de nouvelles niches.
Je ne partage pas non plus du tout l’idée selon laquelle les banques ne doivent pas prendre de risques. Ce n’est en tout cas pas à l’État de les prendre à leur place. C’est leur métier ! Incitons-les plutôt à les prendre avec nous. L’État, d’ailleurs, fait déjà beaucoup en ce sens. Les mesures prises pour renforcer la croissance sont très importantes ; n’en rajoutons pas dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Nous parlions il y a un instant de nos différents marqueurs politiques. Il me semble, mes chers collègues, que ces marqueurs se rapprochent désormais.
Depuis des années, un débat fameux nous opposait : fallait-il relancer par la demande ou bien par l’offre ?
Mme Nicole Bricq. On en a parlé hier soir !
M. Alain Joyandet. J’ai l’impression que le Président de la République et le Gouvernement ont tranché : c’est sur nos positions, celles que nous défendons depuis de nombreuses années, qu’ils se rendent désormais. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je parle du Gouvernement, mes chers collègues, et non de l’ensemble de la gauche !
Nous sommes tous d’accord : pour relancer, il faut mener une politique de l’offre, c’est-à-dire remettre sur pied la compétitivité des entreprises. Sans compétitivité, il n’y a pas d’offre.
Pourquoi recourons-nous, pour ce faire, à la création de certaines niches fiscales ? C’est que, au fond, je ne crois pas au grand soir. Mener une vraie politique de l’offre sans avoir recours aux niches implique de baisser massivement, et d’un seul coup, les charges pesant sur les entreprises. Or, on le sait, c’est très difficile dans la situation actuelle.
Dès lors, chacun d’entre nous essaie, par voie d’amendement, de trouver des solutions alternatives, qui amélioreront la compétitivité des entreprises, ou bien encore l’afflux des capitaux vers elles, et notamment les PME et les PMI. J’ai d’ailleurs compris, monsieur le ministre, que vous partagiez notre souci d’améliorer le haut de bilan des entreprises.
À mon avis, apposer à la droite sénatoriale et à la commission spéciale un marqueur bleu, auquel s’opposerait un marqueur rose,…
Mme Éliane Assassi. Rouge, plutôt !
M. Alain Joyandet. … me semble un réflexe du passé. (Mme Nicole Bricq et M. Marc Daunis s’exclament.)
Essayons plutôt de faire preuve de bonne volonté, de trouver des solutions sans nous caricaturer, afin de redresser la compétitivité de nos entreprises, de manière massive ou par le biais de certaines solutions ponctuelles, dans l’attente de l’amélioration du niveau des charges qui pèsent sur elles. Car c’est bien le problème de nos entreprises, en effet, quand on les compare aux entreprises allemandes ou anglaises, et non le niveau des salaires de leurs collaborateurs. Le problème ne vient pas de la concurrence chinoise ou africaine : nos concurrents directs sont en Europe, et ils sont beaucoup plus compétitifs que nous.
Tel est le sens de la démarche de la commission, que nous soutenons. Nous ne sommes pas dogmatiques, mes chers collègues ;…
M. Marc Daunis. En relevant le plafond ?
M. Alain Joyandet. … nous tentons plutôt d’être pragmatiques.
M. Jean Desessard. À gauche, on n’a plus de couleurs dans les marqueurs : rouge, rose, vert…
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je partage les propos tenus à l’instant par Alain Joyandet. Notre objectif est bien de flécher des capitaux vers les fonds propres des entreprises.
La commission agit par souci de cohérence. Elle ne propose pas d’étendre une niche existante : le dispositif est déjà en vigueur ! Une réduction d’impôt de 18 %, dans la limite annuelle de 100 000 euros, cela représente un montant maximal de 18 000 euros. Or, on le voit, il y a une contradiction avec un autre dispositif existant, qui prévoit un plafonnement global des niches à 10 000 euros.
Nous sommes bien sûr d’accord sur le principe du plafonnement des niches. Il ne faut pas les multiplier, c’est évident. Néanmoins, le plafonnement a pour but d’éviter que les agents économiques n’aient recours à différentes niches pour faire de l’optimisation fiscale. On pourrait donc imaginer que la réduction des 18 % s’applique dans une limite inférieure à 100 000 euros. Il faut être cohérent, mes chers collègues !
Je veux également faire une remarque sur le système bancaire. M. le ministre a indiqué que deux types de financement existaient pour les entreprises : par les fonds propres, et par l’endettement. Or les banques n’interviennent aujourd’hui que par le levier de l’endettement. De plus, elles ne jouent pas – j’en conviens – totalement leur rôle. Lorsqu’une entreprise contracte un emprunt auprès d’une banque, le premier réflexe de cette dernière est de le garantir auprès de Bpifrance. (M. Marc Daunis opine.) Il y a comme un dysfonctionnement sur lequel, mes chers collègues, nous devrions avoir un œil plus attentif. Les banques, en effet, se surgarantissent.
Il faut aussi reconnaître que nous avons mis en place, après la crise de 2008, des dispositifs prudentiels pour que les banques prennent moins de risques. Mais, avec les dispositifs Bâle II et Bâle III, nous sommes allés trop loin, mes chers collègues. Je vous en donne acte, monsieur Bourquin : les banques se servent désormais des contraintes qui leur ont été imposées pour prendre de moins en moins de risques. Dans le mécanisme du financement de l’endettement, il y a un élément qui ne tourne pas convenablement.
M. Martial Bourquin. Très juste !
M. Jean-Marc Gabouty. Heureusement, donc, que Bpifrance existe pour donner les garanties nécessaires ; sans quoi l’investissement serait complètement coincé.
Pour terminer, j’indique que je suis pour la taxation des œuvres d’art. Cela réglerait le problème que nous avons soulevé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 561 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 153 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 150 |
Contre | 189 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 749, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Cadic et Danesi, Mme Deromedi, MM. P. Dominati, Forissier, Joyandet et Kennel et Mme Primas, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – Au 1° du I de l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, le taux : « 18 % » est remplacé par le taux : « 30% ».
II. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
Le I s’applique
par les mots :
Les I et I bis s’appliquent
III. – Alinéa 3
Après la référence :
I
insérer les mots :
et du I bis
IV. Pour compenser la perte de recettes résultant du I compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Dans le souci de favoriser l’investissement des particuliers dans les PME, et en réponse aux besoins des entreprises qu’elle a pu rencontrer sur le terrain, la délégation sénatoriale aux entreprises propose de revoir le dispositif actuel de réduction d’impôt sur le revenu pour investissement dans les PME, dite « réduction Madelin ».
Ce dispositif est aujourd’hui peu incitatif, en raison non seulement de son intégration dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros, ce qui le met en concurrence avec les déductions classiques, mais aussi du taux de la réduction d’impôt, égal à 18 % de l’investissement effectué dans les PME, taux qui n’est pas incitatif du fait du niveau important du risque et de la faible liquidité des participations.
La commission spéciale, en adoptant un nouvel article 35 ter C, entend faire sortir la « réduction Madelin » de la niche des 10 000 euros et l’intégrer au plafonnement global des avantages fiscaux de 18 000 euros ; cela répond bien à la première préoccupation de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Néanmoins, nous pourrions pousser le débat plus loin et nous interroger sur le niveau de la réduction d’impôt sur le revenu accordée. L’amendement vise donc à porter le taux de déduction à 30 %, qui est, par comparaison, le taux minimal de réduction d’impôt dont jouit l’investissement dans les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, les SOFICA. Le financement en fonds propres des PME n’est-il pas en effet aussi légitime que celui de l’industrie du cinéma, lequel n’est pas particulièrement lié au capital productif cher à M. le ministre ?
M. le président. Le sous-amendement n° 1762 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 749 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si l’on peut effectivement s’interroger sur la différence entre le taux de 30 % applicable aux investissements dans les SOFICA et celui de 18 % pour les investissements dans les entreprises, la commission estime avoir trouvé un équilibre satisfaisant dans le présent article. Elle demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Lamure, l’amendement n° 749 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Dans notre pays, on protège à la fois le cinéma et les œuvres d’art ; j’y souscris d’ailleurs tout à fait. Je regrette seulement que les dispositifs de financement dans les PME ne soient pas aussi incitatifs.
Néanmoins, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 749 est retiré.
Je mets aux voix l’article 35 ter C.
(L’article 35 ter C est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement portant article additionnel après l’article 35 ter C.
Article additionnel après l'article 35 ter C
M. le président. L'amendement n° 1427 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Cadic et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au II de l’article 77 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, les mots : « 1er janvier 2016 », sont remplacés par les mots : « 1er juillet 2015 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement ne porte pas sur le fond, mais concerne un problème de calendrier.
Le collectif budgétaire pour 2014 institue un crédit d’impôt en vue de soutenir l’emploi dans l’industrie cinématographique nationale. La localisation du tournage des films internationaux est un enjeu majeur dans le sens où les productions internationales mobilisent en général plus de salariés que les films français.
Ce crédit d’impôt, en l’état actuel de la loi, doit entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Cette date paraît trop tardive pour inciter certains studios à localiser le tournage de leurs films en France.
L’objet de cet amendement est donc d’avancer au 1er juillet 2015 l’ouverture de ce crédit d’impôt afin de garantir une attractivité optimale pour la France en matière de localisation de tournages de films internationaux.
J’aimerais faire référence à nos débats d’hier soir sur les dates concernant le suramortissement. Le souhait était que la date soit la plus rapprochée possible, de manière à éviter tout creux entre la décision et la concrétisation. Sur la base de cet exemple, il serait bon de ramener non au 15 avril mais au 1er juillet 2015 l’application de ce crédit d’impôt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale souhaiterait avoir l’avis du Gouvernement : il serait nécessaire de connaître l’état d’avancement des travaux de la Commission européenne sur le nouveau dispositif pour pouvoir apprécier l’opportunité d’un avancement de sa date d’application.
En effet, le dispositif ne peut entrer en vigueur qu’une fois qu’il a été déclaré conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
Même s’il est possible d’avancer son application, on peut douter de l’effet incitatif d’une mesure dont la conformité avec le droit européen n’est pas encore connue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je m’efforcerai de vous répondre de la manière la plus précise qui soit. Nous avons eu hier un débat similaire sur une mesure qui concernait également des critères d’entrée en vigueur.
Vous proposez de modifier la date d’entrée en vigueur de la mesure adoptée dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2014, qui vise à renforcer les crédits d’impôt cinéma « national » et « international », afin de soutenir le tournage de films internationaux en France. Comme vous l’avez souligné à juste titre, c’est un sujet important d’attractivité, car il s’agit d’une industrie qui emploie et qui fonctionne. Elle doit, en particulier, développer sa compétitivité par rapport à Prague ou à Londres, qui sont les deux principaux concurrents en Europe.
Permettez-moi de vous rappeler l’objet de la mesure adoptée l’an dernier. L’objectif est de renforcer non seulement le crédit d’impôt cinéma international pour les tournages de films en France, mais aussi le crédit d’impôt en faveur des œuvres cinématographiques et audiovisuelles d’animation pour les productions nationales. Ce dispositif s’applique aux crédits d’impôt calculés au titre des exercices couverts à compter du 1er janvier 2016. Cependant, dans la mesure où les crédits d’impôt en faveur du secteur cinématographique sont considérés, Mme la rapporteur vient de le souligner, comme des aides d’État au sens du droit communautaire, toute modification ne peut entrer en vigueur qu’après autorisation de la Commission européenne. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle, dans cette loi de finances rectificative pour 2014, le 1er janvier 2016 a été retenu comme date d’entrée en vigueur pour permettre d’attendre, de sécuriser le dispositif et d’avoir les autorisations requises. Il s’agissait de laisser à la Commission le temps de se prononcer.
J’ajoute que votre proposition fait, me semble-t-il, une confusion entre l’entrée en vigueur de la mesure et la date d’ouverture des exercices qui sont couverts par son applicabilité. La date du 1er janvier 2016 correspond à l’ouverture des exercices couverts par l’applicabilité. En quelque sorte, le dispositif est entré en vigueur avec l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2014, mais les exercices commencent bien au 1er janvier 2016.
Autrement dit, certaines mesures peuvent avoir été décidées durant l’année 2015 ; il faut simplement qu’elles soient rattachables à l’exercice comptable pour l’entreprise à partir du 1er janvier 2016 pour se voir appliquer le dispositif de la loi de finances rectificative pour 2014. C’est à mon avis le point fondamental. Si on le corrigeait aujourd'hui, on toucherait assez peu de cas. En effet, quand bien même des producteurs décideraient aujourd'hui de réaliser un tournage, par exemple en Seine-Saint-Denis, à la cité du cinéma, plutôt qu’à Prague, les dépenses y afférentes se rattacheront à l’exercice qui commence au 1er janvier 2016 ; il y aura très peu de chance qu’elles se rattachent à l’exercice 2015. Votre souhait sur ce deuxième point est donc satisfait.
Enfin, l’objectif de ces dispositifs suppose de leur donner un caractère incitatif et non un caractère rétroactif – le raisonnement était le même hier. Si l’on décidait de changer et d’avoir non pas une date d’ouverture des exercices qui sont couverts par l’applicabilité, mais une entrée en vigueur, vous auriez alors un effet rétroactif.
Pour toutes ces raisons, il me semble préférable d’en rester à l’équilibre défini dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. Le dispositif est sécurisé d’un point de vue communautaire et il est pertinent compte tenu du temps d’action de ce secteur. À la lumière de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Gabouty, l'amendement n° 1427 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Gabouty. Je remercie M. le ministre de ces précisions et explications, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 1427 rectifié bis est retiré.
Article 35 quater
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 214-154 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Un fonds professionnel spécialisé prend la forme d’une SICAV, d’un fonds commun de placement ou d’une société en commandite simple. Selon le cas, sa dénomination est alors, respectivement, celle de “société d’investissement professionnelle spécialisée”, de “fonds d’investissement professionnel spécialisé” ou de “société de libre partenariat”. La société de libre partenariat est soumise au sous-paragraphe 3 du présent paragraphe. Les articles L. 214-155 et L. 214-157 ne lui sont pas applicables. »
II. – Le paragraphe 2 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du même code est complété par un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Sous-paragraphe 3
« Société de libre partenariat
« Art. L. 214-162-1. – I. – Le premier alinéa de l’article L. 221-3 et les articles L. 221-7, L. 222-4, L. 222-5, L. 222-7 à L. 222-9, L. 222-12 et L. 232-21 du code de commerce ne sont pas applicables aux sociétés de libre partenariat mentionnées à l’article L. 214-154 du présent code.
« Sous réserve du présent sous-paragraphe, les articles L. 222-1 à L. 222-3, L. 222-6, L. 222-10 et L. 222-11 du code de commerce et les dispositions réglementaires correspondantes relatives à la société en commandite simple sont applicables à la société de libre partenariat. Le livre VI du code de commerce n’est pas applicable aux sociétés de libre partenariat.
« II. – La dénomination sociale de la société de libre partenariat est précédée ou suivie immédiatement des mots : “société de libre partenariat” ou “S.L.P.”.
« III. – Un ou plusieurs gérants, associés ou non, sont désignés dans les conditions prévues par les statuts.
« IV. – Les parts des associés commandités peuvent être souscrites et acquises par toute personne physique ou morale ou entité autorisée par les statuts.
« V. – Les articles L. 214-24-29 à L. 214-24-42, L. 214-24-45 et L. 214-24-46, L. 214-24-48, L. 214-24-49, L. 214-24-52, L. 214-24-62 et L. 214-25 ne s’appliquent pas aux sociétés de libre partenariat.
« VI. – La souscription et l’acquisition des parts des commanditaires sont réservées :
« 1° Aux investisseurs mentionnés à l’article L. 214-144 ;
« 2° Au gérant, à la société de gestion et aux commandités ou à toute société réalisant des prestations liées à la gestion investissant directement ou indirectement, ainsi qu’à leurs dirigeants, à leurs salariés ou à toute personne physique ou morale agissant pour leur compte ;
« 3° Aux investisseurs dont la souscription initiale ou l’acquisition est d’au moins 100 000 €.
« VII. – Le dépositaire ou la personne désignée à cet effet par les statuts de la société de libre partenariat s’assure que le souscripteur ou l’acquéreur des parts est un investisseur défini au 3° du VI.
« Il s’assure également que le souscripteur ou l’acquéreur a effectivement déclaré avoir été informé de ce que cette société relevait du présent sous-paragraphe.
« Art. L. 214-162-2. – I. – Une société de libre partenariat peut, dans les conditions prévues par les statuts, déléguer globalement la gestion de son portefeuille à une société de gestion de portefeuille ou à tout gestionnaire agréé conformément à la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010. Cette mission seule ne confère pas à cette société ou à ce gestionnaire la qualité de gérant de la société de libre partenariat.
« La société de gestion de portefeuille, la société de gestion ou le gestionnaire a le pouvoir de prendre toute décision relative à la gestion du portefeuille, y compris le pouvoir de représentation de la société de libre partenariat à cet effet.
« II. – La société de libre partenariat peut déléguer tout ou partie de la gestion de son portefeuille dans les conditions définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
« Art. L. 214-162-3. – I. – Un associé commanditaire ne peut faire aucun acte de gestion externe, hormis le cas où il est gérant ou société de gestion de la société, et en cette seule qualité. Dans ce cas, l’article L. 222-6 du code de commerce ne s’applique pas. Ne constituent pas des actes de gestion, notamment, l’exercice des prérogatives d’associé, les avis et les conseils donnés à la société, à ses entités affiliées ou à leurs gérants, les actes de contrôle et de surveillance, l’octroi de prêts, de garanties ou de sûretés ou toute autre assistance à la société ou à ses entités affiliées, ainsi que les autorisations données aux gérants dans les cas prévus par les statuts pour les actes qui excèdent leurs pouvoirs.
« II. – Le ou les gérants sont responsables soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à la société, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
« Art. L. 214-162-4. – Dans les conditions définies par les statuts, la responsabilité à l’égard des tiers de la centralisation des ordres de souscription et de rachat des parts de la société de libre partenariat est confiée soit au gérant, soit à la société de gestion, soit au dépositaire, soit à un prestataire de services d’investissement agréé pour fournir l’un des services mentionnés à l’article L. 321-1. L’entité à qui cette responsabilité est confiée dispose de moyens adaptés et suffisants pour assurer cette fonction.
« Art. L. 214-162-5. – Le gérant désigne, conformément à l’article L. 823-1 du code de commerce, le commissaire aux comptes de la société de libre partenariat pour six exercices, après accord de l’Autorité des marchés financiers. La désignation d’un commissaire aux comptes suppléant n’est pas requise.
« Les associés de la société de libre partenariat exercent les droits reconnus aux actionnaires par les articles L. 823-6 et L. 823-7 du même code.
« Le commissaire aux comptes porte à la connaissance du gérant les irrégularités et inexactitudes qu’il a relevées dans l’exercice de sa mission.
« Art. L. 214-162-6. – I. – Les statuts de la société de libre partenariat sont publiés par extrait au registre du commerce et des sociétés. Les mentions devant y figurer sont définies par décret.
« II. – À l’exception de l’extrait des statuts rédigé en français pour l’exécution des formalités, les statuts de la société de libre partenariat ainsi que les documents destinés à l’information des associés peuvent être rédigés dans une langue usuelle en matière financière autre que le français.
« Art. L. 214-162-7. – Par dérogation aux articles L. 214-24-55 et L. 214-24-56, les statuts déterminent les règles d’investissement et d’engagement de la société de libre partenariat.
« La société de libre partenariat peut détenir des biens, dans les conditions définies à l’article L. 214-154.
« L’actif de la société peut également comprendre des avances en compte courant consenties, pour la durée de l’investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles la société de libre partenariat détient une participation.
« Il peut également comprendre des droits représentatifs d’un placement financier émis sur le fondement du droit français ou étranger dans une entité.
« Art. L. 214-162-8. – I. – Par dérogation aux titres II et III du livre II et au titre II du livre VIII du code de commerce, les dispositions suivantes s’appliquent à la société de libre partenariat :
« 1° Les statuts de la société de libre partenariat prévoient les modalités d’émission et de libération des parts et titres. Les parts émises par la société sont nominatives.
« À défaut pour l’associé de libérer les sommes à verser sur le montant des parts détenues, aux époques fixées par le gérant dans les conditions prévues par les statuts, le gérant peut, dans les conditions prévues par les statuts, procéder de plein droit à la cession de ces parts ou à la suspension de toute distribution.
« Sous réserve de dispositions spécifiques des statuts, le gérant peut adresser à l’associé défaillant une mise en demeure. Un mois après cette mise en demeure et si celle-ci est restée sans effet, le gérant peut procéder de plein droit à la cession de ces parts ou à la suspension du droit au versement des sommes distribuables mentionnées au présent 1°.
« Dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir à l’encontre de l’associé défaillant la suspension de ses droits non pécuniaires jusqu’au complet paiement des sommes dues ;
« 2° Tout apport en nature est apprécié par le commissaire aux comptes sous sa responsabilité ;
« 3° Les statuts de la société de libre partenariat déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient.
« Toutefois, toutes décisions emportant modification de l’objet social, tout changement de nationalité, la fusion, l’absorption, la scission, la transformation ou la liquidation de la société sont adoptées collectivement par les associés, dans les conditions prévues par les statuts et avec l’accord du ou des associés commandités.
« Les décisions prises en violation du deuxième alinéa du présent 3° peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ;
« 4° Chaque associé dispose d’un nombre de voix en proportion des parts qu’il possède, sauf disposition contraire des statuts.
« II. – Les statuts de la société de libre partenariat peuvent prévoir des parts donnant lieu à des droits différents sur tout ou partie de l’actif de la société ou de ses produits. Les parts peuvent également être différenciées selon les dispositions prévues au second alinéa de l’article L. 214-24-25 ou dans les conditions prévues par les statuts.
« III. – Les statuts de la société de libre partenariat déterminent :
« 1° La périodicité minimale et les modalités d’établissement de la valeur liquidative ;
« 2° Les conditions et modalités de modification des statuts.
« IV. – Les modalités de transfert des parts sont définies dans les statuts. Toute opération donne lieu à une inscription sur le registre des associés. Le transfert de propriété qui en résulte est opposable dès cet instant à la société et aux tiers.
« V. – Sans préjudice du titre III du livre II du code de commerce, les conditions de liquidation ainsi que les modalités de répartition du boni de liquidation sont déterminées librement par les statuts de la société de libre partenariat. Le gérant ou toute personne désignée à cet effet conformément aux statuts assume les fonctions de liquidateur ; à défaut, le liquidateur est désigné en justice à la demande de toute personne intéressée.
« Art. L. 214-162-9. – I. – Une société de libre partenariat peut comporter un ou plusieurs compartiments si ses statuts le prévoient. Lorsqu’un ou plusieurs compartiments sont constitués au sein d’une société de libre partenariat, ils sont soumis individuellement au présent sous-paragraphe.
« II. – Par dérogation à l’article 2285 du code civil et sauf stipulation contraire des statuts de la société de libre partenariat, les actifs d’un compartiment déterminé ne répondent que des dettes, engagements et obligations et ne bénéficient que des créances qui concernent ce compartiment.
« III. – Chaque compartiment fait l’objet d’une comptabilité distincte, qui peut être tenue en toute unité monétaire dans les conditions fixées par le décret prévu à l’article L. 214-24-52.
« Art. L. 214-162-10. – Les statuts de la société de libre partenariat fixent la durée des exercices comptables, qui ne peut excéder douze mois. Toutefois, le premier exercice peut s’étendre sur toute durée n’excédant pas dix-huit mois.
« Dans un délai de huit semaines à compter de la fin de chaque semestre de l’exercice, le gérant de la société de libre partenariat établit l’inventaire de l’actif sous le contrôle du dépositaire.
« La société est tenue de communiquer aux associés, à leur demande, la composition de l’actif dans un délai de huit semaines à compter de la fin de chacun des semestres de l’exercice. Le commissaire aux comptes contrôle la composition de l’actif avant publication.
« Le ou les gérants doivent, au moins une fois dans l’année, rendre compte de leur gestion aux associés, le cas échéant dans les conditions fixées dans les statuts.
« La société de libre partenariat établit un rapport annuel dans les conditions prévues à l’article L. 214-24-19 et un rapport semestriel couvrant les six premiers mois de l’exercice.
« Ces rapports sont mis à la disposition des associés, sans frais, dans des délais fixés par décret.
« Les statuts de la société de libre partenariat constituent le prospectus dont les rubriques sont précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
« Art. L. 214-162-11. – Les statuts fixent librement les conditions de répartition de tout ou partie des actifs de la société de libre partenariat, y compris le remboursement d’apports aux associés ainsi que les conditions dans lesquelles la société de libre partenariat peut en demander la restitution totale ou partielle.
« Art. L. 214-162-12. – Les FIA régis par le présent paragraphe peuvent se transformer sans dissolution en société de libre partenariat dans les conditions définies par les statuts ou par le règlement du FIA.
« Les porteurs de parts ou actionnaires existants deviennent associés commanditaires. »
III. – À l’article L. 211-14 du code monétaire et financier, après la référence : « L. 214-114 », sont insérés les mots : « , des parts des sociétés de libre partenariat mentionnées à l’article L. 214-154 ».
IV. – L’article L. 651-2 du code de la sécurité sociale est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Les sociétés de libre partenariat régies par l’article L. 214-154 du code monétaire et financier. »
V. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 8 bis, la référence : « à l’article 1655 ter » est remplacée par les références : « aux articles 1655 ter et 1655 sexies A » ;
2° Le 2° du 5 de l’article 38 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou d’une société de libre partenariat » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou d’une société de libre partenariat » ;
c) Le a est complété par les mots : « ou d’une société de libre partenariat prévues à l’article L. 214-162-11 du code monétaire et financier » ;
d) Au b, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou qu’une société de libre partenariat relevant de l’article L. 214-154 du code monétaire et financier, » ;
3° Le 2° du 5 de l’article 39 terdecies est ainsi modifié :
a) Au a, après le mot : « financier, », sont insérés les mots : « ou d’une société de libre partenariat, prévues à l’article L. 214-162-11 du code monétaire et financier, » ;
b) Au b, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou qu’une société de libre partenariat » ;
4° L’article 125-0 A est ainsi modifié :
a) Au d du I quater, après la première occurrence du mot : « innovation », sont insérés les mots : « , de société de libre partenariat, » ;
b) Au d du 1 du I quinquies, après la première occurrence du mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat » ;
5° L’article 150-0 A est ainsi modifié :
a) Au 7 du II, après la première occurrence du mot : « investissement », sont insérés les mots : « , d’une société de libre partenariat mentionnée à l’article L. 214-154 du même code dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger » ;
b) Le 8 du II est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « capital-risque, », sont insérés les mots : « des sociétés de libre partenariat dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger, du ou de leurs gérants ou de leurs associés commanditaires, » ;
– au même alinéa, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou de société de libre partenariat dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger » ;
– au premier alinéa du 2°, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat dont l’objet principal est d’investir dans des sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger, » ;
c) Le 1 du III est ainsi modifié :
– à la première phrase du premier alinéa et au second alinéa, les mots : « ou de fonds professionnels de capital investissement » sont remplacés par les mots : « , de fonds professionnels de capital investissement ou de sociétés de libre partenariat » ;
– à la première phrase du premier alinéa, après les mots : « porteurs de parts », sont insérés les mots : « ou associés » ;
– à la seconde phrase du même alinéa, les mots : « a cessé » sont remplacés par les mots : « ou la société ont cessé » ;
6° L’article 163 quinquies B est ainsi modifié :
a) Aux premier et second alinéas du I, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat » ;
b) Au 2° du II, après le mot : « fonds », sont insérés les mots : « ou dans la société de libre partenariat » ;
c) Au 3° du II, après le mot : « parts », sont insérés les mots : « ou l’associé » et, après la première occurrence du mot : « fonds », sont insérés les mots : « ou de la société de libre partenariat » ;
d) Après le mot : « parts », la fin du IV est ainsi rédigée : « ou associés ainsi qu’aux gérants et dépositaires des fonds ou des sociétés de libre partenariat. » ;
7° Après le quatrième alinéa du 1° de l’article 209-0 A, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois premiers alinéas ne sont pas applicables aux parts de sociétés de libre partenariat régies par l’article L. 214-154 du même code. » ;
8° Au deuxième alinéa du I de l’article 239 bis AB, après la première occurrence du mot : « investissement, », sont insérés les mots : « des sociétés de libre partenariat, » ;
9° Le début du premier alinéa du I de l’article 242 quinquies est ainsi rédigé : « I. – La société de gestion d’un fonds commun de placement à risques ou d’un fonds professionnel de capital investissement ou le gérant d’une société de libre partenariat dont le règlement ou les statuts prévoient que les porteurs de parts ou les associés pourront… (le reste sans changement). » ;
10° À l’article 730 quater, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat » ;
11° À l’article 832, après le mot : « placement », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat » ;
12° Après l’article 1655 sexies, sont insérés des articles 1655 sexies A et 1655 sexies B ainsi rédigés :
« Art. 1655 sexies A. – Sous réserve des articles 730 quater et 832, les sociétés de libre partenariat régies par l’article L. 214-154 du code monétaire et financier sont réputées ne pas avoir de personnalité distincte de celles de leurs membres pour l’application des impôts directs, des droits d’enregistrement ainsi que des taxes assimilées. Notamment, les associés sont personnellement soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, suivant le cas, pour la part des revenus et gains sociaux correspondant à leurs droits dans la société.
« Art. 1655 sexies B. – Une société de libre partenariat peut s’engager, dans des conditions fixées par décret, à respecter les ratios mentionnés au II de l’article 163 quinquies B du présent code, en particulier les conditions prévues à l’article L. 214-160 du code monétaire et financier. La société de libre partenariat est alors assimilée, pour l’application du présent code et de ses annexes, à un fonds professionnel de capital investissement. » ;
13° L’article 1763 B est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du 1, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou le gérant d’une société de libre partenariat » ;
b) À la première phrase du premier alinéa du 1 bis, après le mot : « investissement », sont insérés les mots : « ou le gérant de la société de libre partenariat » ;
14° Le début de la première phrase du premier alinéa de l’article 1763 C est ainsi rédigé : « Lorsque l’administration établit qu’un fonds commun de placement à risques, qu’un fonds professionnel de capital investissement ou qu’une société de libre partenariat dont le règlement ou les statuts prévoient que les porteurs de parts ou associés pourront bénéficier des avantages fiscaux prévus au 2° du 5 de l’article 38 et aux articles 163 quinquies B, 150-0 A, 209-0 A et 219 n’a pas respecté son quota d’investissement prévu au 1° du II de l’article 163 quinquies B, la société de gestion du fonds ou le gérant de la société de libre partenariat est redevable… (le reste sans changement). »
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous ne retrouvons guère, dans cet article relatif à la création de fonds d’investissement « à la française », cet esprit tourné vers la lutte contre la pression des marchés financiers sur l’activité économique.
La société de libre partenariat, la SLP, se présente, en effet, comme une sorte de fonds d’investissement dont les membres fixeraient les règles, les priorités, les choix d’investissement et la stratégie de moyen et long termes.
Elle se présente comme la traduction concrète d’une ordonnance, habilitée au beau milieu du projet de loi sur la Banque publique d’investissement – on s’est demandé, d’ailleurs, ce qu’elle faisait là.
Renseignements pris, le texte de l’ordonnance permet de nous proposer un magnifique véhicule d’optimisation fiscale, que le Luxembourg est appelé à nous envier.
Ce fonds particulier qu’est la société de libre partenariat sera en effet, pour l’essentiel de ses activités – achat et revente de titres –, soumis au régime des plus-values de long terme, ce qui signifie que l’essentiel des plus-values tirées de l’activité du fonds ne subira aucune imposition.
Cela veut dire que, comme tout fonds d’investissement, il fera des choix d’entrée en capital à raison des décisions de ses dirigeants, quitte à tenter ensuite de les imposer en apportant du capital et une partie de ses critères et objectifs propres.
Dans les faits, quels emplois risquent d’être créés dans les sociétés de libre partenariat ? À notre avis, il s’agira des emplois d’analystes financiers, de contrôleurs ou d’auditeurs de gestion, de « tueurs de coûts » qui se mettront au chevet d’une bonne partie de notre appareil industriel et commercial, c’est-à-dire les PME et entreprises de taille intermédiaire, les ETI, de caractère familial et/ou dynastique confrontées à des problèmes de renouvellement des cadres dirigeants, d’abord, à la concurrence internationale, ensuite, et aux nécessités de la recherche développement, enfin.
Ces fonds d’investissement « à la française » se comporteront bien évidemment comme les autres, à savoir comme des chasseurs recherchant de la « valeur », c'est-à-dire de la rentabilité financière de moyen terme, et ce sous toutes ses formes.
Notre amendement est donc, clairement, un appel à refuser cette nouvelle étape du mouvement de prédation financière sur l’économie de production.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article. La société de libre partenariat, créée par l’article 35 quater, est une mesure utile au financement de l’économie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. De quoi s’agit-il avec ces sociétés de libre partenariat ? C’est le système des FPCI – les fonds professionnels de capital investissement –, qui existe en France. C’est le même avantage fiscal. Simplement, on le fait pour les plus gros tickets. Il s’agit d’une mesure de financement de l’économie.
Nous pouvons décider de ne pas le faire. Ça existe au Luxembourg, au Royaume-Uni, et même en Allemagne à certains égards.
Cependant, lorsqu’on examine les critères d’investissement de ces fonds, on s’aperçoit qu’il existe un biais domestique. En effet, lorsqu’ils sont localisés en France, ils préfèrent investir plutôt en France. On peut continuer à dire que nous, nous n’en voulons pas, mais il ne faut pas ensuite venir demander à avoir du financement. Ou alors on aura essentiellement des fonds anglo-saxons, avec des politiques de dividendes qui sont beaucoup plus brutales que celles qui sont menées par les fonds européens. (M. Robert del Picchia opine.)
Depuis hier, je n’arrive pas boucler, en quelque sorte, le modèle qui est le vôtre,…
Mme Éliane Assassi. Ça me rassure !
M. Emmanuel Macron, ministre. … sauf à considérer qu’il doit s’agir en totalité de financement public. Nous pouvons avoir des sensibilités différentes, cependant, même en nous référant aux textes historiques, il me semble que, in fine, nous devrions tous croire aux fonctions productives de l’économie. Et si l’on croit aux fonctions productives de l’économie, on croit au travail et au capital !
L’expérience nous enseigne que le capital n’a pas le même comportement selon l’endroit où il se trouve. Pour ce qui me concerne, je pense effectivement qu’avoir une politique aujourd’hui, y compris une politique de justice, une politique de gauche, c’est favoriser la production en France avec du capital plutôt français. Eh bien, cette mesure, elle sert à ça !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En effet, quand on croit à l’économie, on croit à la production et au capital. Mais encore faut-il que chacun assume ses responsabilités, notamment sociales, dans le pays dans lequel il réside. Or, aujourd’hui, nous avons le sentiment que l’ensemble des mesures que vous nous proposez permettent de plus en plus au capital, puisque c’est ainsi que vous l’appelez, de pouvoir bénéficier de la production en France sans assumer en contrepartie les responsabilités qui en découlent.
Avec tous les amendements que nous avons déposés, et au travers de toutes les discussions que nous aurons ensemble sur ces sujets, nous voulons vous dire que nous acceptons l’économie telle qu’elle est aujourd’hui, à condition que chacun assume ses responsabilités et respecte ses obligations. Tout à l’heure, nous évoquions l’optimisation fiscale…
Mme Annie David. Certes, mais la ligne ne doit pas être franchie. Malheureusement, elle est parfois un peu courbe et il est difficile de ne pas naviguer de part et d’autre.
Mme Annie David. Nous vous proposons donc de maintenir le cap et de faire en sorte que cette ligne soit infranchissable, car ce que vous portez ne correspond pas à notre vision de l’économie, telle qu’elle existe aujourd’hui.
Hier, quelqu’un, je ne sais plus qui, nous enjoignait de vivre dans la réalité, mais, monsieur le ministre, nous vivons bien dans la réalité : nous côtoyons les gens qui vivent avec les minima sociaux ; nous vivons aussi avec les salariés qui apprennent en regardant en famille le journal télévisé de vingt heures que leur entreprise va fermer et que, demain, ils n’auront plus de travail. Telle est la réalité que vivent beaucoup de nos compatriotes et chacun mesure le choc qu’une telle nouvelle peut produire.
Nous vous demandons donc de construire des digues, d’organiser l’économie au service de l’intérêt général et non pas du seul capital.
Tel est le sens de tous les amendements que nous avons défendus et que nous continuerons à défendre.
Mme Éliane Assassi. En même temps, on est communistes ! (Sourires.)
Mme Annie David. Quant à vous, vous allez défendre votre vision, avec la fougue qui est la vôtre, et que nous avons appris à connaître ces derniers jours. (M. le ministre sourit.) Permettez-nous de continuer nous aussi à défendre fougueusement notre vision.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 154 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 19 |
Contre | 310 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1573, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
mentionnées à l’article L. 214-154 du présent code
III. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les autres dispositions concernant la société en commandite simple sont applicables à la société de libre partenariat sous réserve du présent sous-paragraphe. Le livre VI du code de commerce et les articles L. 214-155 et L. 214-157 du présent code ne sont pas applicables aux sociétés de libre partenariat.
IV. – Alinéa 16
Supprimer la référence :
3° du
V. – Alinéa 18
1° Au début, supprimer la mention :
I
2° Après la seconde occurrence du mot :
portefeuille
supprimer la fin de la première phrase.
VI. – Alinéa 19
Supprimer les mots :
, la société de gestion ou le gestionnaire
VII. – Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
VIII. – Alinéa 21, dernière phrase
Après la première occurrence du mot :
gérants
insérer les mots :
ou à leurs dirigeants
IX. – Alinéa 24, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le gérant désigne le commissaire aux comptes de la société de libre partenariat pour six exercices, conformément à l’article L. 823-1 du code de commerce, après accord de l’Autorité des marchés financiers.
X. – Alinéas 31 et 32
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« L’actif peut également comprendre des droits représentatifs d’un placement financier émis sur le fondement du droit français ou étranger, ainsi que des avances en compte courant consenties, pour la durée de l’investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles la société de libre partenariat détient une participation. »
XI. – Alinéa 35
Supprimer les mots :
, aux époques fixées par le gérant
et remplacer la deuxième occurrence des mots :
dans les conditions prévues par les statuts
par les mots :
un mois après une mise en demeure
XII. – Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
XIII. – Après l'alinéa 37
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les statuts peuvent prévoir que, lorsque les parts sont cédées, le souscripteur et les cessionnaires successifs sont tenus solidairement du montant non libéré de celles-ci ;
XIV. – Alinéa 40
Supprimer les mots :
, tout changement de nationalité
et après la première occurrence du mot :
associés
insérer le mot :
commanditaires
XV. – Alinéa 41
Après le mot :
annulées
insérer les mots :
en justice
XVI. – Alinéa 42
Remplacer le mot :
disposition
par le mot :
stipulation
XVII. – Alinéa 47
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« IV. - Par dérogation aux dispositions applicables à la société commandite simple, les parts des associés commanditaires sont des titres financiers négociables.
« Par dérogation à l’article L. 211-14, les parts des associés commandités ne sont pas négociables. La cession des parts des associés commandités doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société par le dépôt d’un original ou d’une copie certifiée conforme de l’acte de cession au siège social contre remise par le gérant d’une attestation de ce dépôt, ou dans les formes prévues à l’article 1690 du code civil. Elle est opposable aux tiers après accomplissement de ces formalités.
« Les statuts de la société peuvent prévoir des clauses d’agrément, d’inaliénabilité, de préférence, de retrait et de cession forcée selon les conditions et modalités, notamment de prix, prévues par les statuts. Toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle. Ces clauses sont adoptées ou modifiées par une décision collective des associés dans les conditions prévues par les statuts.
XVIII. – Alinéa 49, seconde phrase
Remplacer les mots :
au présent sous-paragraphe
par les mots :
aux dispositions applicables aux sociétés de libre partenariat
XIX. – Alinéa 58
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le prospectus est composé des statuts de la société de libre partenariat selon les modalités précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
XX. – Alinéa 62
Supprimer cet alinéa.
XXI. – Alinéas 66 à 95 et alinéa 101
Supprimer ces alinéas.
XXII. – Alinéa 99
Remplacer les mots :
sont insérés des articles 1655 sexies A et 1655 sexies B ainsi rédigés
par les mots :
il est inséré un article 1655 sexies A ainsi rédigé
XXIII. – Alinéa 100
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 1655 sexies A. – Pour l’imposition de leurs bénéfices et celle de leurs associés, les sociétés de libre partenariat mentionnées à l’article L. 214-154 du code monétaire et financier sont assimilées à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d’un fonds commun de placement pour l’application du présent code et de ses annexes et elles sont soumises aux mêmes obligations déclaratives que ces fonds.
XXIV. – Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
…° À l’avant-dernière phrase du b de l’article 39 quinquies D et au c du 2° du II de l’article 199 ter C, après les mots : « des fonds communs de placement à risques, », sont insérés les mots : « des fonds professionnels spécialisés relevant de l’article L. 214-37 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de libre partenariat, » ;
…° Au c du 4° de l’article 44 sexies-0 A, à la seconde phrase du b du VI de l’article 44 octies et du b du I de l’article 44 octies A, à la deuxième phrase du 6° de l’article 151 septies A, à la troisième phrase du 2 du II de l’article 163 bis G, au c du 1° du II des articles 199 ter B et 199 ter D, à la dernière phrase du dernier alinéa du I de l’article 235 ter ZC, à la deuxième phrase du 2° du d du 2 du II de l’article 238 quindecies, au deuxième alinéa du I de l’article 239 bis AB, à la quatrième phrase du dernier alinéa du 1° du I de l’article 244 quater E, à la quatrième phrase du deuxième alinéa du I de l’article 244 quater H, à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 1465 B et à la seconde phrase du troisième alinéa du I, à la seconde phrase du premier alinéa du 2° du I sexies et à la seconde phrase du premier alinéa du 3° du I septies de l’article 1466 A, après les mots : « fonds professionnels de capital investissement, », sont insérés les mots : « des sociétés de libre partenariat, » ;
…° Au 1 de l’article 242 ter C, après les mots : « de sociétés de capital-risque », sont insérés les mots : « , les gérants des sociétés de libre partenariat » et, après les mots : « la gestion de tels fonds », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat » ;
…° Le troisième alinéa de l’article 244 bis B est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le seuil de 25 % est apprécié en faisant la somme des droits détenus directement et indirectement par les personnes ou organismes mentionnés à la première phrase du présent alinéa, dans la société mentionnée au f du I de l’article 164 B. Les droits détenus indirectement sont déterminés en multipliant le pourcentage des droits de ces personnes et organismes dans les entités effectuant les distributions par le pourcentage des droits de ces dernières dans la société mentionnée au même f. » ;
…° Au a du 2° du 2 du I bis de l’article 990 I, après les mots : « fonds professionnels de capital investissement », sont insérés les mots : « ou de sociétés de libre partenariat ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est un amendement essentiellement rédactionnel, avec plusieurs précisions techniques et juridiques relatives aux dispositions intégrées au code monétaire et financier, qui ont pour objet d’améliorer la lisibilité et la cohérence du texte. Il comporte également des modifications sur les dispositions fiscales de l’article, lesquelles ont pour but d’assurer aux sociétés de libre partenariat créées un traitement en tout point identique à celui des FPCI. Il s’agit notamment de permettre à ces véhicules d’être opérationnels rapidement.
M. le président. Le sous-amendement n° 1719, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1573
I. - Paragraphe XXI, premier alinéa
Supprimer les mots :
et alinéa 101
II. - Paragraphes XXII et XXIII
Supprimer ces paragraphes.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le sous-amendement vise à maintenir un régime de transparence, puisque, avec son amendement, le Gouvernement revient sur un des points saillants du régime de la société de libre partenariat. Nous souhaitons donc voir ce sous-amendement adopté, sauf à ce que le Gouvernement justifie son choix et s’engage sur la préservation de l’attractivité de ce nouveau véhicule.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1573 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est favorable s’il est sous-amendé. Maintenant, si M. le ministre nous donne des explications satisfaisantes, nous prendrons l’amendement tel quel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1719 ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’idée, me semble-t-il, madame la rapporteur, est de maintenir l’option de la SLP pour un régime de transparence fiscale, en lieu et place du régime fiscal des fonds professionnels de capital investissement.
J’émettrai sur ce point un avis défavorable et je vais tenter de vous expliquer pourquoi. Mon exposé sera technique, mais c’est la seule façon de parvenir à vous convaincre. (M. Robert del Picchia s’esclaffe.)
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la peine, alors ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Si, parce que je crois à la conviction au fond, monsieur le sénateur, et vous le savez. Je vais y arriver. (Nouveaux sourires.)
L’amendement du Gouvernement avait pour effet de supprimer l’option entre deux régimes – d’une part, le régime déjà existant des FPCI, qui est l’avantage que je décrivais tout à l’heure, et, d’autre part, le régime dit de transparence fiscale, lequel n’a actuellement pas d’équivalent en droit interne, hormis le cas des sociétés immobilières de copropriété – et d’appliquer aux SLP et à leurs associés le seul régime des FPCI constitués sous la forme de fonds communs de placement, donc unique.
Le texte initial adopté n’était pas pleinement opérationnel, raison pour laquelle je vous ai proposé cet amendement de clarification. Sinon, il aurait été inapplicable. Par exemple, le mécanisme d’option pour le régime des FPCI fiscaux, tel qu’il est rédigé, fait obstacle au principe de transparence, l’article prévoyant que l’option emporte le basculement de l’ensemble des associés vers le régime des FPCI, alors même que l’intention était de pouvoir appliquer un régime dual, à savoir celui des FPCI pour les investisseurs français et celui de la transparence pour les investisseurs étrangers. Par ailleurs, les conséquences du principe de transparence étaient insuffisamment précisées par le texte.
Plus largement, le système de transparence a déjà été proposé – c’était sous la précédente législature – et repoussé par le Parlement en raison de la difficulté à anticiper finement ses effets et ses coûts. Il nous poserait également problème pour l’application de nos conventions fiscales.
Il n’y a pas d’opposition de principe de ma part à en analyser le fonctionnement, mais, au stade où nous en sommes de nos travaux, il nous apparaît que le plus simple est d’en rester à la proposition de voir la SLP rattachée au régime fiscal des FPCI.
Je le répète, la solution proposée dans notre amendement permet d’aller vers cette simplification.
Concrètement, cela voudrait dire que la cession des parts du fonds n’est pas imposée en France et que les redistributions de plus-values réalisées par le fonds ne sont pratiquement jamais taxées non plus, puisqu’elles ne sont imposées que si l’investisseur étranger détient plus de 25 % du capital des sociétés dont les titres ont été cédés par le fonds. En outre, si le fonds redistribue des dividendes qu’il a perçus, ils sont alors soumis à une retenue à la source uniquement s’il s’agit de dividendes de source française. La fiscalité des FPCI que le Gouvernement propose de retenir n’est, à cet égard, pas un obstacle à l’investissement étranger – on a tout de même les protections que j’évoquais–, car elle est tout à fait classique.
Les professionnels du capital investissement reprochent essentiellement au régime français actuel le fait qu’il oblige à présenter aux investisseurs étrangers potentiels certaines règles de fonctionnement propres à la fiscalité française, mais, à mon sens, si votre sous-amendement, qui maintient l’option au régime de transparence fiscale, était voté, on créerait non seulement une incertitude et des complications potentielles, mais surtout un régime particulièrement déséquilibré, qui me semble peu souhaitable.
Cette clarification était nécessaire.
M. Robert del Picchia. Oui !
M. Robert del Picchia. Elle est convaincue !
M. le président. Madame la rapporteur, le sous-amendement n° 1719 est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Au bénéfice des explications de M. le ministre, je retire le sous-amendement. Néanmoins, nous resterons attentifs à ce que la nouvelle rédaction ne conduise pas à créer de nouveaux cas de fraude au niveau fiscal, comme en Allemagne.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 1719 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1573.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1718, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après la référence :
L. 214-25
insérer les mots :
du présent code
II. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
du présent code
III. – Alinéa 51
Après le mot :
par
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
décret.
IV. – Après l’alinéa 62
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au deuxième alinéa de l’article L. 752-6 du code monétaire et financier, la référence : « L. 214-154, » est supprimée.
V. – Alinéa 96
Après le mot :
pourront
insérer les mots :
bénéficier des avantages fiscaux prévus au 2° du 5 de l’article 38 et aux articles 163 quinquies B, 150-0 A, 209-0 A et 219 est tenu
VI. - Alinéa 97
Rédiger ainsi cet alinéa :
10° À l’article 730 quater, les mots : « et de fonds professionnels de capital investissement » sont remplacés par les mots : « , de fonds professionnels de capital investissement et de sociétés de libre partenariat ».
VII. - Alinéa 104
Remplacer les mots :
de la
par les mots :
d’une
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je donnerai un avis favorable si Mme la rapporteur accepte la suppression du IV. En effet, concernant ce point IV, la modification proposée, qui emporte une modification de l’article L. 752–6 du code monétaire et financier, s’appliquera à l’ensemble des fonds professionnels spécialisés, et pas seulement aux SLP.
À l’exception de ce petit point qui est rédactionnel, je suis tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Madame la rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le ministre ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Oui, monsieur le président, car nous sommes d’accord avec la modification proposée.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1718 rectifié, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après la référence :
L. 214-25
insérer les mots :
du présent code
II. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
du présent code
III. – Alinéa 51
Après le mot :
par
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
décret.
IV. – Alinéa 96
Après le mot :
pourront
insérer les mots :
bénéficier des avantages fiscaux prévus au 2° du 5 de l’article 38 et aux articles 163 quinquies B, 150-0 A, 209-0 A et 219 est tenu
V. - Alinéa 97
Rédiger ainsi cet alinéa :
10° À l’article 730 quater, les mots : « et de fonds professionnels de capital investissement » sont remplacés par les mots : « , de fonds professionnels de capital investissement et de sociétés de libre partenariat ».
VI. - Alinéa 104
Remplacer les mots :
de la
par les mots :
d’une
Je mets aux voix l’amendement n° 1718 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 quater, modifié.
(L'article 35 quater est adopté.)
Article 35 quinquies
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1103, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Le conseil de surveillance est composé de salariés représentant les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 35 quinquies a été supprimé par la commission spéciale du Sénat. Il concernait le conseil de surveillance instauré dans les entreprises ayant mis en place un plan d’épargne salariale. Ce conseil de surveillance exerce les droits de vote attachés aux valeurs comprises dans le fonds et décide de l’apport de titres. Il est également chargé de l’examen de la gestion financière, administrative et comptable du fonds, et peut à ce titre entendre la société de gestion, le dépositaire et le commissaire aux comptes du fonds. Il décide des fusions, liquidations, etc., et peut également agir en justice pour faire valoir les droits des porteurs.
Dans l’état actuel du droit, le conseil de surveillance est composé de salariés représentant les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts et, pour moitié au plus, de représentants de l'entreprise. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait que la représentation de l’entreprise soit limitée à un tiers au plus. Nous allons dans le même sens, mais beaucoup plus loin, en proposant que les salariés représentant les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts constituent l’ensemble du conseil de surveillance.
En effet, ils sont les principaux intéressés par l’évolution du fonds, car c’est bien de leur épargne qu’il s’agit. La représentation de l’entreprise ne semble pas justifiée. Alors que l’entre-soi est respecté quand il s’agit de déterminer la rémunération des dirigeants, il est étonnant de voir que les salariés concernés n’ont pas le monopole pour statuer sur l’allocation de leur propre épargne. Le fait que cette épargne ait été potentiellement abondée par l’entreprise ne change rien : l’entreprise ne contrôle pas l’utilisation faite par les salariés des primes et salaires qu’elle leur verse.
M. le président. L'amendement n° 1576, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – À la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, le mot : « moitié » est remplacé par les mots : « un tiers ».
II. – Le présent article est applicable au renouvellement du conseil de surveillance suivant d’au moins six mois, de date à date, la publication de la présente loi.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1103.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1576 vise à rétablir l’équilibre du texte initial, qui prévoyait un ratio maximal d’un tiers de représentants de l’entreprise dans les conseils de surveillance des fonds commun de placement d’entreprise, les FCPE. Je ne vais pas aussi loin que Dominique Watrin : il est normal que l’entreprise ait des représentants puisqu’elle abonde le fonds. Le ratio de deux tiers de représentants des salariés me semble satisfaisant. J’invite donc Dominique Watrin à retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. La nouvelle composition a été introduite par l’Assemblée nationale. Aujourd'hui, la parité au sein des conseils de surveillance des FCPE, dont, par ailleurs, la présidence est systématiquement assurée par un salarié, apporte la confiance indispensable à leur bon fonctionnement. Elle apporte également la confiance indispensable aux actionnaires et aux dirigeants.
Rompre avec cette règle de parité alors qu’aucun dysfonctionnement n’a été mis en lumière par nos auditions enverrait un signal négatif aux actionnaires et dirigeants d’entreprise qui s’apprêteraient à faire le choix de l’ouverture du capital aux salariés. Ce serait particulièrement vrai pour les actionnaires et dirigeants de PME, qui, ne disposant pas toujours de moyens et ressources juridico-techniques suffisants, hésiteraient encore plus que les autres à franchir le pas.
Surtout, la modification apportée par l’Assemblée nationale poserait un problème aux entreprises non cotées qui ont développé l’actionnariat salarié. En effet, dans ces entreprises, il est de la responsabilité des dirigeants d’assurer le rachat ou l’apport de titres au FCPE dans la durée, ce qui permet à chaque collaborateur détenteur de titres de l’entreprise d’acheter ou de vendre ces titres. Or, contrairement à ceux des entreprises cotées, les dirigeants des entreprises non cotées ne peuvent pas faire appel au marché boursier pour assurer cette liquidité. L’exercice de leur responsabilité n’est pas sans difficulté : s’ils décident du moment et du montant maximal des achats des collaborateurs, ils ne décident ni du moment ni du montant de leurs ventes.
Il y aurait donc un risque majeur pour l’équilibre financier des entreprises non cotées si la règle de parité était remise en cause. Composé en majorité de représentants de salariés, un conseil de surveillance pourrait en effet décider d’une composition de fonds entre titres et liquidités ne permettant pas au dirigeant d’anticiper les conséquences de cette évolution. Le dirigeant devrait alors gérer une situation critique sans disposer des moyens d’y faire face.
Remettre en cause les règles de fonctionnement des conseils de surveillance ne serait donc pas sans conséquence sur le développement des entreprises non cotées et, surtout, ne constituerait pas un bon signal si l’on veut développer l’actionnariat salarié.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 1103.
Mme Nicole Bricq. La commission spéciale a modifié le texte de l’Assemblée nationale afin de conserver les dispositions en vigueur, qui prévoient que les conseils de surveillance des FCPE sont composés pour moitié de représentants des salariés et pour moitié de représentants de l’entreprise.
Le groupe CRC nous propose une solution radicale, consistant à confier exclusivement aux représentants des salariés la gestion des FCPE. Cependant, les entreprises abondent ces fonds ; il est donc normal qu’elles aient des représentants.
Le Gouvernement propose pour sa part que les représentants des salariés constituent les deux tiers des membres du conseil de surveillance. En effet, il s’agit de l’épargne des salariés ; il est donc normal que leurs représentants soient plus nombreux. C’est déjà le cas dans certains fonds, notamment ceux qui gèrent de l’épargne socialement responsable. Notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1576.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l’article 35 quinquies demeure supprimé.
Article 35 sexies
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1104, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le troisième alinéa de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Les représentants des salariés au conseil de surveillance du fonds sont élus sur listes syndicales par les salariés porteurs de parts. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement se situe dans le droit fil de nos considérations sur le fonctionnement des fonds gérant l’épargne salariale. Notre position est constante. À notre sens, toute réforme de l’épargne salariale devrait prendre en compte quatre objectifs : la non-substitution de l’épargne salariale au salaire, l’affectation des fonds collectés au développement de l’emploi, le renforcement des pouvoirs des salariés dans la gestion de l’épargne salariale et l’absence de confusion entre épargne salariale et épargne retraite.
Le présent texte semble cependant accorder une forme de priorité au développement d’une épargne salariale devenue épargne retraite, c’est-à-dire d’une épargne obligatoirement de longue durée. Nous sommes au cœur d’un débat de fond. Le texte nous amène notamment à nous poser deux questions majeures sur le plan du dialogue social : l’épargne salariale est-elle du salaire ou bien, comme des études très fouillées le prétendent, joue-t-elle contre les salaires ? La mise en place de l’épargne salariale dégage-t-elle les entreprises de leurs obligations en termes de politique sociale et de relance du dialogue social ?
Attendu que l’épargne salariale s’apparente de plus en plus à une sorte de substitut à la progression normale des salaires, elle se compose, dans les faits, de sommes qui auraient normalement dû être attribuées aux salariés à raison du travail accompli pour le compte de l’entreprise. Les salariés en auraient alors eu la pleine et libre jouissance ; ils auraient par exemple pu les placer sur des livrets réglementés.
Comme un tel droit leur est retiré par l’actuelle architecture des fonds de gestion, il convient de leur rendre la possibilité de donner leur avis sur la gestion de cette épargne assez particulière. Cela implique que les représentants des salariés dans l’organe de gestion soient démocratiquement élus par l’ensemble des salariés sur des listes syndicales reconnues.
La démocratie sociale doit être la raison d’être, la clef de voûte, le fondement de tout développement de l’épargne en entreprise. Élus sur listes syndicales, les administrateurs du fonds feront les choix de gestion que leurs mandants attendent. Ensuite, il s’agira simplement de faire confiance à la sagesse des salariés eux-mêmes.
C’est pour ces motifs que je vous invite à adopter notre amendement, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 1577, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du premier alinéa du V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, après le mot : « éthiques », sont insérés les mots : « ainsi que celles tenant aux types d’entreprises financées ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’idée, c’est de réussir à flécher la gestion de l’épargne salariale, ou du moins à donner des indications en la matière. L’amendement du groupe CRC vise à ce que les représentants des salariés au conseil de surveillance du fonds soient directement élus sur listes syndicales. J’ai une réserve : l’esprit de l’épargne salariale n’est pas de faire coïncider strictement la représentation syndicale et l’accès à l’épargne salariale.
Néanmoins, sur le fond, si votre objectif est que les représentants des salariés puissent faire des choix en termes d’allocation des fonds levés, je vous rejoins. Le Gouvernement poursuit en effet le même objectif à travers son amendement, qui vise à compléter les considérations que doivent respecter les gestionnaires d’épargne salariale lors de l’achat ou de la vente des titres, afin notamment de flécher ces opérations vers les parts de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, ou ETI.
Nous souhaitons également inscrire dans la loi l’obligation pour les sociétés de gestion de rendre annuellement des comptes. En effet, l’épargne salariale est une forme d’épargne un peu particulière. Il est donc normal qu’il soit possible d’indiquer une préférence et que le gestionnaire n’ait pas une liberté complète dans le choix de l’allocation des fonds.
J’invite les auteurs de l’amendement n° 1104 à le retirer au profit de l’amendement du Gouvernement, qui le satisfait pour partie. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1104. Il n’y a pas lieu d’instaurer un monopole syndical pour la représentation des salariés porteurs de parts. Des élections libres parmi les salariés sont tout aussi transparentes et démocratiques.
L’amendement n° 1577 vise à rétablir l’article 35 sexies, supprimé par la commission spéciale, qui prévoyait de permettre aux règlements des FCPE de préciser les considérations liées aux types d’entreprises financées que les sociétés de gestion devront appliquer. Le dispositif proposé est particulièrement flou. En outre, l’amendement est satisfait par le droit existant : le règlement d’un FCPE peut déjà définir une politique d’investissement prenant en compte la taille des entreprises ; il peut notamment prévoir des quotas d’investissement dans les PME. Le Gouvernement souhaite rétablir le texte de l’Assemblée nationale, mais il n’a pas répondu aux arguments de la commission spéciale. Notre avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 1104.
M. Dominique Watrin. On parlait tout à l’heure de principe de réalité. Nous prenons en compte la difficulté de dégager une majorité (M. Robert del Picchia s’exclame.) dans cette assemblée sur des dispositions qui améliorent un peu les choses. C’est pourquoi, au nom de notre groupe, je retire l’amendement n° 1104. Manifestement, il n’a en effet aucune chance d’être adopté.
M. Jean Desessard. Mais si !
M. Dominique Watrin. Par ailleurs, même si l’amendement n° 1577 du Gouvernement est en deçà des ambitions que nous exprimions à travers notre amendement, nous nous y rallions, car il constitue néanmoins un progrès. (M. Jean Desessard s’exclame.)
M. le président. L'amendement n° 1104 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1577.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 35 sexies demeure supprimé.
Article 35 septies
(Non modifié)
Le deuxième alinéa du III de l’article L. 214-165 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° La première phrase est supprimée ;
2° Au début de la seconde phrase, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le règlement du fonds ».
M. le président. L'amendement n° 1105, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme le précise le rapport de la commission spéciale : « L'article L. 214–165 du code monétaire et financier régit les fonds communs de placement d'entreprise dits “ d'actionnariat salarié ” dont plus du tiers de l'actif est composé de titres émis par l'entreprise.
Il dispose notamment que « le règlement du fonds prévoit que les dividendes et les coupons attachés aux titres compris à l'actif du fonds sont distribués aux porteurs de parts, à leur demande expresse, suivant des modalités qu'il détermine ».
Cette disposition permet aux salariés de percevoir immédiatement le produit des actifs investis dans un FCPE, alors même que les sommes issues des versements réalisés sur ce fonds restent indisponibles.
Cette obligation a été instaurée par la loi n° 2006–1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.
Antérieurement, les salariés actionnaires devaient attendre la fin de la période d’indisponibilité des fonds pour percevoir les sommes correspondant aux dividendes versés.
Il s’agissait, selon notre collègue député Patrick Ollier, alors rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, sur l’initiative duquel cette disposition a été introduite par l’Assemblée nationale,…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Dominique Watrin. … de « renforcer la perception par les salariés du lien entre leur travail et le résultat de l’entreprise ».
Le présent article, introduit par la commission spéciale à l’initiative des rapporteurs et avec l’avis favorable du Gouvernement, vise à revenir sur cette obligation. »
L’objectif de l’article 35 septies est donc tout à fait clair : il s’agit, en pratique, d’empêcher les salariés participant à un plan d’épargne entreprise, ou PEE, de percevoir immédiatement l’un des produits de leur épargne, à savoir les dividendes qui peuvent leur être attribués en raison de la détention d’actions de leur propre entreprise.
L’idée qui sous-tend cet article est de procéder à la capitalisation éventuelle de ces dividendes et de faire en sorte que le règlement du fonds décide de l’utilisation ou non des sommes ainsi réunies.
Si les dividendes d’une société, qu’elle soit cotée ou non, ne sont pas toujours d’un très haut niveau ni d’un montant unitaire élevé – tout dépend de la valeur initiale de l’action et in fine du nombre d’actions détenues comme du pourcentage du résultat financier que l’entreprise décide de consacrer à la rémunération du capital –, il n’en demeure pas moins que les dispositions de cet article visent à donner de l’épargne salariale l’image d’une épargne « captive » en plus de constituer une sorte d’« épargne bloquée ».
Notons enfin, mes chers collègues, que cet article est directement inspiré des travaux du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS, et qu’il s’inscrit dans le cadre des propositions formulées par le MEDEF et par lui seul !
Cette disposition ne faisant pas l’unanimité des partenaires sociaux, il ne nous semble donc pas utile de la retenir. D’où le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est défavorable, puisque l’article 35 septies rend facultative la distribution par les FCPE des dividendes attachés aux actions de l’entreprise. Le choix appartiendra désormais au conseil de surveillance du fonds. Il s’agit d’une mesure de simplification et de souplesse, qui, comme l’a dit notre collègue Dominique Watrin, est en effet préconisée par le COPIESAS. La commission est donc opposée à la suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, j’entends vos arguments mais je pense qu’ils vont à l’encontre des reproches que vous adressez ordinairement à l’épargne salariale.
En effet, vous défendez avec constance l’idée que l’épargne salariale ne doit pas se substituer au salaire. Vous avez d’ailleurs raison : cela ne doit pas viser ce but !
C’est pourquoi, du reste, l’épargne salariale est abondée par l’employeur, selon des modalités dont on va continuer à discuter. Il faut rester vigilant et veiller à ce qu’il n’y ait aucun effet de substitution.
Elle permet – c’est la force de la philosophie de l’épargne salariale – de réunir l’ensemble des « productifs » autour de la table et en alignement d’intérêts, puisqu’elle fait du salarié potentiellement un actionnaire – c’est l’une des options possibles, mais ce n’est pas la seule. Pour être sûr que ce soit le cas, ce qui est important, c’est que les éventuelles plus-values, les fonds que l’on peut tirer, aient une pérennité, puissent être réinvestis.
S’il était adopté, votre amendement de suppression, monsieur Watrin, faciliterait le déblocage systématique des dividendes, et donc la liquidité permanente ou quasi permanente de ces fonds, et par conséquent encouragerait la substituabilité de l’épargne au salaire.
Or l’épargne salariale a d’abord vocation à mettre le salarié autour de la table potentiellement des actionnaires et cette « poche », avec les règles de gouvernance que j’évoquais et qui sont importantes, et les règles de représentation sur lesquelles nous nous accordons largement, doit elle-même avoir vocation à investir durablement.
La souplesse qui permet le réinvestissement me semble plutôt aller dans le sens de cette philosophie et constituer un frein, en quelque sorte un rempart, au risque de substituabilité de l’épargne salariale au salaire.
C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’interviens afin d’être certain de bien comprendre nos débats. L’amendement du groupe CRC consisterait à permettre aux salariés de profiter des dividendes annuels liés à leur épargne salariale. Cela me paraît tout à fait logique !
Imaginez que l’on annonce aux patrons qu’ils ont des dividendes mais qu’ils ne peuvent pas les toucher avant dix ou quinze ans ! Je n’ai jamais entendu personne défendre une telle position ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
C’est une étrange idée que d’empêcher des personnes en difficulté – je n’affirme pas pour autant qu’elles doivent obligatoirement débloquer leurs dividendes – d’être associés à la bonne santé de leur entreprise et à ses activités.
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas de l’actionnariat, mais de l’épargne !
M. Jean Desessard. Je suis d’accord avec vous, il ne faut pas les confondre, mais à quoi comparer l’épargne salariale ? Ce n’est pas un salaire, ce n’est pas de l’actionnariat, c’est…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. De l’épargne !
M. Jean Desessard. Lorsque vous épargnez, vous avez en général la possibilité de retirer les sommes épargnées quand vous le désirez ou quand vous en avez besoin !
M. Michel Bouvard. Non !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ça dépend de la forme d’épargne !
M. Jean Desessard. Nous sommes d’accord : ça dépend de la forme d’épargne.
Si j’ai bien compris les propos du groupe CRC, ça dépend ; vous, vous dites : ça ne dépend pas, ça doit obligatoirement…
Mme Isabelle Debré. Il y a des cas de déblocage !
M. Jean Desessard. Prenez la parole si vous souhaitez apporter des explications. Cela ne me dérange pas d’être interrompu. Il faut simplement que je puisse ensuite aller jusqu’au terme de mon propos. Mais, en l’occurrence, ça tombe bien : j’avais terminé ! (M. Marc Daunis s’esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Exceptionnellement, je serai plutôt d’accord avec ce qu’a dit le ministre.
Pour une raison très simple : à partir du moment où on introduit ce qu’on a appelé l’intéressement, on prend un peu – le mot est excessif – les employés en otage. Si les salariés ne sont pas bien gentils, ils perdront eux-mêmes au niveau de l’épargne qui est constituée pour eux. C’est absolument indéniable.
En revanche, dès lors qu’on institue ce type de dispositif, permettre de mobiliser presque instantanément ces dividendes augmente véritablement la tentation de s’en servir comme un équivalent de salaire. C’est d’ailleurs toute l’ambiguïté du dispositif.
On peut regretter et être en désaccord avec un tel dispositif, mais, dès lors qu’il existe, il est préférable que ce soit vraiment un investissement pour l’entreprise, plutôt qu’un substitut de salaire.
Encore une fois, dès lors que l’on a admis qu’il y a de l’intéressement salarial, le mieux, c’est que ça serve à l’investissement.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas clair !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Une certaine confusion règne dans nos débats.
D’un côté, il y a l’intéressement, qui est fonction des résultats de l’entreprise. On peut donc en disposer comme on l’entend et le toucher immédiatement. De l’autre côté, il y a la participation et l’épargne salariale. Cela signifie qu’épargne salariale et intéressement sont deux choses différentes. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Mon cher collègue, je ne m’adressais pas à vous en particulier, je m’exprimais d’une manière générale.
L’épargne salariale veut bien dire ce qu’elle veut dire : elle est faite pour épargner. Par conséquent, à mes yeux, les mesures de déblocage anticipé de l’épargne, décidées par le gouvernement actuel mais aussi par les gouvernements précédents, étaient totalement absurdes !
D’ailleurs, on a bien vu ce qui s’est passé : ça a été débloqué et l’essentiel a été rebloqué dans d’autres possibilités de capitalisation, notamment dans l’assurance vie ; très peu a été consacré à la consommation !
Pour répondre à notre collègue Jean Desessard, il existe d’ores et déjà des possibilités de déblocage anticipé. On peut prendre les cas du PEE ou du PERCO, plan d'épargne pour la retraite collectif. En pratique, les deux principaux cas de déblocage concernent, d’une part, la cessation de travail et, d’autre part, l’achat de sa résidence principale.
Dans le premier cas, lorsque vous perdez votre contrat de travail, vous pouvez tout débloquer et disposer d’une somme qui vous permet de tenir pendant un petit moment.
Le second cas concerne 227 000 personnes qui ont débloqué leur épargne en 2014 afin de pouvoir acheter une résidence principale et donc préparer leur retraite.
Par conséquent, la philosophie de l’épargne salariale n’est pas de retirer immédiatement les dividendes qu’elle rapporte !
Je répondrai, enfin, à M. Dominique Watrin. Vous indiquiez, cher collègue, que les salariés devraient pouvoir récupérer toute leur épargne et en faire ce qu’ils veulent. Vous oubliez simplement une chose : si cette épargne se fait dans l’entreprise, elle peut faire l’objet d’un abondement, alors que placée en dehors de l’entreprise, vous n’en bénéficiez pas !
Il ne faut pas perdre de vue l’objectif de la participation voulue par le général de Gaulle : rapprocher les dirigeants des entreprises et les salariés.
M. Jean Desessard. Si le général de Gaulle est appelé dans la discussion… (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Il est souvent appelé, et depuis toutes les travées !
Mme Isabelle Debré. Voilà les précisions que je tenais à apporter et les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. C’est un peu fort de café ! Certes, l’épargne salariale et un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre, mais je vous rappelle, au passage, qu’une bonne partie de ces dispositifs profitent aux entreprises puisqu’ils sont en grande partie exonérés du forfait social.
S’agissant de l’épargne salariale et de l’intéressement, les salariés n’ont pas le choix. La participation est ainsi obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus, dès lors qu’un accord existe. Personne n’a demandé leur avis à ces salariés ! On épargne pour eux, pour leur retraite. Si on ne le faisait pas, ils seraient probablement au minimum vieillesse… Ils doivent certainement avoir besoin d’aide pour construire leur avenir ! Ils ne doivent pas être capables de savoir ce qui est bon pour eux puisqu’on cherche à faire leur bonheur à leur place !
Dès lors qu’on les oblige à placer ces sommes,…
Mme Isabelle Debré. On ne les oblige pas !
Mme Annie David. … pour quelle raison ne pas les autoriser à utiliser cet argent comme ils le désirent ?
Il est probablement plus intéressant de faire de l’optimisation fiscale ! Seuls les gens riches pourraient donc choisir de réaliser des placements qui rapportent beaucoup d’argent ? Les salariés, de leur côté ne pourraient-ils pas bénéficier du peu dont ils disposent ?
Oui, l’épargne salariale est un substitut de salaire. Mais que l’on augmente les salaires et les gens laisseront leur argent dans les placements qui permettent de préparer leur retraite !
Lorsque les salariés disposent de très faibles revenus et qu’on les oblige à placer leur argent,…
Mme Isabelle Debré. On ne les oblige pas !
Mme Annie David. … la moindre des choses est de leur permettre de bénéficier de ce placement comme ils en ont envie.
Hier, on nous disait qu’il fallait vivre à notre époque ! En effet, il faut vivre à son époque ! Aujourd’hui, les gens ne veulent plus que l’on fasse leur bonheur à leur place, ils veulent eux-mêmes construire leur bonheur !
Il faut permettre aux salariés d’employer leur argent comme ils le souhaitent. Toutefois, les sommes en jeu sont si faibles que cela ennuierait les entreprises. En effet, laisser les salariés débloquer leur épargne leur coûterait de d’argent ! Cela leur coûterait même davantage que cela ne leur rapporterait. Du coup, cela les embête de reverser ces sommes qui sont minimes. Mais, aux yeux des personnes concernées, ces petites sommes sont très importantes pour leur quotidien.
C’est pourquoi nous souhaitons que cette épargne salariale soit laissée à la disposition des salariés puisqu’on les oblige déjà à épargner alors qu’ils ne l’ont pas forcément demandé.
M. Claude Raynal. C’est obligatoire !
Mme Annie David. Oui !
Mme Isabelle Debré. Non, seule la mise en place est obligatoire !
M. le président. L'amendement n° 1728, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° La seconde phrase est ainsi rédigée :
« Le règlement du fonds peut prévoir plusieurs catégories de parts.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est retiré.
M. le président. L'amendement n° 1728 est retiré.
Je mets aux voix l'article 35 septies.
(L'article 35 septies est adopté.)
Article 35 octies
(Non modifié)
I. – Le titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 10° sexies de l’article L. 135-3 est abrogé ;
2° La section 2 du chapitre VII est abrogée.
II. – Le I est applicable aux abondements versés par les employeurs à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement, que nous avions déjà rejeté en commission.
Nous nous inquiétons tous du déficit du Fonds de solidarité vieillesse – FSV –, qui a atteint 2,9 milliards d’euros en 2013. L’article 35 octies, que cet amendement vise à supprimer, supprime certes une ressource du FSV, mais dont le rendement est marginal : la contribution sur les abondements des employeurs au PERCO s’élève à 7 millions d’euros par an, à comparer aux 21,4 milliards d’euros de ressources du FSV en 2013.
De plus, cette contribution avait des effets désincitatifs qui freinaient le développement des PERCO.
La commission a émis un avis favorable sur le dispositif prévu à l’article 35 octies, qui ne remet pas en cause notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés. Cet article répond par ailleurs à une demande du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 octies.
(L'article 35 octies est adopté.)
Article additionnel après l'article 35 octies
M. le président. L'amendement n° 104 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux, Deseyne et Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 35 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L’article L. 3334-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3334-3. – L'entreprise qui a mis en place un plan d'épargne d'entreprise depuis plus de trois ans met en place un plan d'épargne pour la retraite collectif ou un contrat mentionné au b du 1 du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts ou un régime mentionné au 2° de l'article 83 du même code. »
II – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Les amendements que je vais vous proposer viseront toujours le même objectif : développer l’épargne longue dans les PME et les TPE – cela devrait plaire beaucoup à Mme David (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) – au moment où elles ont besoin de fidéliser leurs personnels et où ceux-ci s’inquiètent pour leur retraite.
En effet, aujourd’hui, seuls 17 % des salariés de TPE et de PME de moins de cinquante salariés sont couverts par un dispositif d’épargne salariale, contre 93 % des salariés des entreprises de plus de 500 salariés.
L’ensemble des amendements que je vais vous proposer n’engendre pas de charge financière directe pour les entreprises, si ce n’est, il est vrai, quelques frais administratifs extrêmement légers.
L’amendement n° 104 rectifié bis prévoit la mise en place d’un dispositif d’épargne pour la retraite couvrant tous les salariés de l’entreprise dès lors que celle-ci propose un plan d’épargne d’entreprise, ou PEE, depuis plus de trois ans.
Cette proposition est de nature à accélérer le développement de l’épargne de longue durée en vue du financement de la retraite dans les TPE et les PME.
Le coût de mise en place du PERCO est marginal pour l’employeur par rapport à celui du PEE. La disposition proposée ne créerait donc pas de contrainte financière supplémentaire significative pour les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est bien entendu favorable au PERCO et aux dispositifs équivalents.
L’auteur de l’amendement souhaite aller au-delà du système actuel en rendant obligatoire la création d’un PERCO, ou d’un dispositif équivalent, après trois ans d’existence d’un PEE.
Compte tenu de leur rémunération, de leur situation familiale et de leur choix personnel, les salariés d’une entreprise peuvent privilégier le court terme, donc le PEE, qui est plus liquide, ou, au contraire, le long terme à travers le PERCO, qui est utilisable seulement lors du départ en retraite.
La commission a souhaité conserver la souplesse actuelle aux entreprises et aux salariés.
En outre, à notre connaissance, le COPIESAS n’avait pas non plus formulé de proposition particulière en ce sens.
Nous demandons donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Cinq cas, entre autres situations, permettent le déblocage anticipé du PERCO : le décès, l’invalidité, le surendettement, l’expiration de droits à l’assurance chômage – surtout ! – et l’acquisition de la résidence principale.
Aujourd’hui, le PERCO représente 10,3 milliards d’euros d’encours. Il a connu une augmentation de 20 % en un an, mais uniquement dans les grandes entreprises.
Notre amendement vise seulement à en rendre obligatoire la mise en place. On ne sera pas obligé de l’alimenter. Il s’agit de développer le PERCO, de manière que chaque société puisse se familiariser avec ce dispositif. Il n’y a aucune obligation pour les entreprises ou pour les salariés d’effectuer des versements. Mais si on n’oblige pas les entreprises à mettre en place ce dispositif, il ne se développera que dans les très grandes entreprises, ce qui finalement crée une iniquité envers tous les salariés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Madame Debré, nous sommes défavorables à votre amendement.
Ce que vous proposez va au-delà de la mise en place d’un PERCO puisque vous prévoyez que, dès lors qu’il existe un PEE, la mise en place d’un PERCO, abondé ou pas, ou d’un système de capitalisation pour la retraite est obligatoire. Votre amendement inclut en effet les deux dispositifs.
Mais le problème, c’est que cette mise en place doit résulter d’un dialogue social, c’est la philosophie de ce type de dispositif. Par ailleurs, des dispositions qui devraient accélérer la mise en place du PERCO sont prévues dans le projet de loi.
Nous ne sommes pas dans la logique d’un système obligatoire, qui est contraire à la philosophie générale de ce dispositif, lequel résulte d’un accord entre l’entreprise et les salariés au travers du dialogue social. En outre, le rythme d’abondement des uns et des autres doit être fixé par les salariés et les chefs d’entreprise. Donc, nous désapprouvons tout à fait votre amendement.
Mme Isabelle Debré. C’est votre droit !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Selon nous, mais Mme Bricq vient d’évoquer ce point, en matière d’épargne salariale, comme d’ailleurs en matière d’épargne retraite, il ne faut rien mettre en place qui ne soit le fruit de la décision mûrement réfléchie par l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
Donc, le principal défaut de votre amendement, madame Debré, c’est en effet de rendre obligatoire un produit financier dont la particularité, soit dit en passant, est de n’être liquidable que sur le long terme.
C’est une des raisons pour lesquelles nous voterons contre cet amendement.
M. Jean Desessard. Et on n’est même pas sûr que le général de Gaulle soit d’accord... (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Pas de provocation, monsieur Desessard ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 35 nonies
I. – La section 9 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-17 ainsi rétabli :
« Art. L. 137-17. – Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code est fixé à 12 % pour les versements des sommes issues de l’intéressement et de la participation ainsi que pour les contributions des entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 3334-6 du code du travail et versées sur un plan d’épargne pour la retraite collectif dont le règlement respecte les conditions suivantes :
« 1° Les sommes recueillies sont affectées par défaut dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 3334-11 du même code ;
« 2° L’allocation de l’épargne est affectée à l’acquisition de parts de fonds, dans des conditions fixées par décret, qui comportent au moins 7 % de parts ou de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire dans les conditions prévues à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.
« Le produit de cette contribution est réparti dans les conditions prévues à l’article L. 137-16 du présent code. »
II. – (Non modifié) À la première phrase du dernier alinéa du V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, le taux : « 5 % » est remplacé, deux fois, par le taux : « 10 % ».
III (nouveau). – L’avant-dernier alinéa et le tableau constituant le dernier alinéa de l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le produit de cette contribution est affecté pour 80 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et pour 20 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1. »
IV (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Cet article 35 nonies traduit de manière législative la proposition n° 17 du rapport du COPIESAS. Il s’agissait d’inciter les entreprises à modifier les mandats de gestion des fonds PEE et PERCO afin de permettre une réaffectation de 5 % à 10 % de l’actif de ces fonds en titres PME.
Le COPIESAS suggérait de mettre en œuvre cette incitation par une modification du forfait social. En tant que membre du COPIESAS, je m’étais opposée à cette proposition n° 17.
En effet, ce qui est proposé dans l’article 35 nonies, c’est finalement un abaissement du taux du forfait social pour les PERCO composés d’au moins 7 % de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions, PEA, destiné au financement des petites et moyennes entreprises ou des entreprises intermédiaires.
Le COPIESAS estimait que l’épargne salariale pourrait entraîner 350 millions à 400 millions d’euros d’investissement dans les PME, au cours des trois prochaines années, sous réserve d’une démarche volontariste.
Cela signifie que le COPIESAS tablait sur une réorientation de l’encours de PERCO de l’ordre de 1,9 milliard d’euros, à comparer aux 9,7 milliards d’euros d’encours total.
Pour cette réorientation, le forfait social est abaissé de 8 points dans la version du texte de la commission spéciale, ou de 4 points dans la version du texte proposé par le Gouvernement.
Or, d’après le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, 0,5 point de forfait social équivaut à 0,15 milliard d’euros de recettes en moins pour la sécurité sociale. Le manque à gagner équivaudrait donc à 2,4 milliards d’euros pour 8 points de forfait social en moins, ou 1,2 milliard d’euros pour 4 points de forfait social en moins.
Certes, la baisse de forfait social prévue dans cet article ne s’applique qu’à certains versements sur le PERCO : les versements issus de l’intéressement, de la participation, et des contributions de l’entreprise. Or ces versements représentent quand même 83 % des PERCO.
En prenant en compte cet élément, la baisse du forfait social coûterait environ 2 milliards d’euros à notre protection sociale.
La baisse du forfait social étant selon nous suffisamment importante pour créer un effet d’aubaine et orienter l’essentiel des flux futurs vers des PERCO contenant 7 % de titres PME, le coup porté aux comptes de la sécurité sociale est sérieux, mes chers collègues.
La branche vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse, qui percevaient le forfait social, vont ainsi être privés de plusieurs centaines de milliers d’euros, pour, de nouveau, un gain sur l’économie estimé à 133 millions d’euros par an.
Or ce n’est pas comme si la branche vieillesse et le FSV n’avaient pas besoin de ressources : le FSV affiche en 2015 un déficit de 2,9 milliards d’euros, et la branche vieillesse, de 1,5 milliard d’euros.
Ce n’est pas non plus comme si ce besoin de ressources allait croître au fil du temps, étant donné l’évolution démographique de notre pays : selon l’INSEE, du fait de la croissance de la population âgée, il n’y aurait plus que 1,5 actif pour un inactif de plus de soixante ans en 2060, contre 2,1 en 2010. Ce n’est donc pas le moment de priver notre protection sociale de ressources.
Voilà les quelques mots d’introduction que je voulais formuler au début de l’examen de cet article.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. À travers cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 35 nonies.
En effet, la mesure prévue à cet article, en ce qu’elle contribue à développer la retraite par capitalisation, n’est pas acceptable pour celles et ceux qui défendent une vision de gauche.
Cela accroît la pression financière sur la branche vieillesse de l’assurance maladie et contribuera à ce que les retraites proposées par le régime général soient insuffisantes pour vivre.
Elle encourage a contrario la constitution d’une épargne retraite personnelle, ou du moins au niveau de l’entreprise.
Or ce système est forcément défavorable aux plus modestes : étant donné la faiblesse des salaires, il est impossible de se constituer une épargne. D’ailleurs, les salaires sont d’autant plus faibles que l’épargne salariale est privilégiée au détriment du salaire brut, nous y reviendrons.
De plus, les PERCO ne s’adressent pas à toutes et à tous. La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montre ainsi que la part des salariés ayant un PERCO est d’autant plus grande que la taille de leur entreprise est importante.
Cette part dépend également du secteur d’activité : 3,8 % des salariés de l’hôtellerie et de la restauration ont un PERCO, contre 50,1 % des salariés du secteur de la finance et des assurances, par exemple.
Selon l’Association française de la gestion financière, le bénéficiaire d’un PERCO est âgé de quarante-six ans en moyenne, et c’est un homme dans deux tiers des cas. Nous n’irons pas jusqu’à démontrer un éventuel lien de causalité entre la faiblesse des salaires des femmes et le fait qu’elles ont moins souvent un PERCO, mais ce constat donne à réfléchir...
Ainsi, pour forcer le trait, le salarié qui bénéficie d’un PERCO est un homme d’âge mûr, avec un emploi stable dans une grande entreprise, disposant d’un salaire confortable. Pour les autres, notamment les femmes, les personnes ayant subi des carrières discontinues, celles dont le salaire sert à peine à subvenir à leurs besoins et qui n’ont donc pas la capacité d’épargner pour leur retraite, il ne leur reste que le régime général.
Or, avec cet article, ce régime est amputé d’une partie de ces ressources. Reste donc, après des années de travail, une vie avec un revenu proche des minima sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 37 visant à supprimer l’article 35 nonies dans la mesure où elle a renforcé l’attractivité du « PERCO plus », orienté vers le financement des entreprises, en abaissant le taux du forfait social de 16 % à 12 %.
Cette nouvelle forme de PERCO est utile pour les salariés qui arrivent à l’âge de la retraite et pour le développement de nos entreprises.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi, à ce moment opportun, de dire quelques mots sur ces dispositifs et l’esprit de la réforme qui fait suite au rapport du COPIESAS.
Pour des raisons budgétaires, une décision a entraîné, en 2012, le relèvement du forfait social de 8 % à 20 %.
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. On en a discuté concernant d’autres dispositifs. Cette mesure, qui me semble, honnêtement, avoir été douloureuse,…
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. … a indéniablement pénalisé les entreprises ayant fait le choix de mettre en place ces plans d’épargne et qui ne sont pas, il faut bien le dire, les entreprises les moins-disantes sur le plan social.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai indiqué hier à propos d’autres sujets, nous sommes collectivement victimes d’un raisonnement statique, que nous tenons constamment, et qui constitue une ambiguïté.
En ces matières budgétaro-fiscales, on tient toujours un raisonnement qui fait penser à une scène de chasse : le lapin ne bouge pas du pré. Lorsque dix lapins sont dans un pré, on en tue peut-être huit la première année, mais, la deuxième année, force est de constater que dix lapins ne reviennent pas. (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Ils sont malins, les lapins ! (Nouveaux sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Le lapin est malin ! Et, manifestement, le Français aussi ! (Même mouvement.)
Pour le sujet qui nous occupe, il en résulte que la base est constamment réduite. On a constaté que le relèvement du forfait social de 8 % à 20 % avait certes entraîné un gain budgétaire – c’était l’objectif recherché ! –, mais avait désincité certaines entreprises à recourir à l’épargne salariale. Ce faisant, l’assiette de cet impôt a été réduite. On a eu beau relever le taux du forfait, les recettes s’en sont trouvées affectées. Nous n’avons pas encore la pleine évaluation de ces mesures, mais voilà le cadre.
J’ai entendu vos remarques, madame David, sur les pertes en matière de comptes sociaux.
Je ferai d’abord observer que, le taux ayant été relevé en 2012, la situation est plutôt mieux-disante en termes de recettes sociales.
Avec l’article 35 nonies, le Gouvernement propose une mesure très particulière, l’abaissement du taux de 20 % à 16 % – c’est là où se situe le débat avec la commission spéciale –, dans le cas de versements sur un PERCO qui permettraient de financer des PME et des ETI. Les évaluations que nous avons réalisées figurent dans l’étude d’impact, cette mesure coûte entre 50 millions et 60 millions d’euros, après l’augmentation précédente qui a engendré un gain de plusieurs milliards d’euros. Cet ensemble de mesures est donc très loin de mettre en danger les équilibres des comptes sociaux.
Mme Annie David. Mais non, c’est plus, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Bien sûr que si ! Je veux bien en parler de manière très précise, le coût de la mesure prévue à l’article 35 nonies est évalué entre 50 millions et 60 millions d’euros, avec l’hypothèse selon laquelle les comportements en matière de placement seront pérennes. En suivant ce raisonnement, j’estime que l’avantage accordé en faveur de l’épargne salariale placée dans un PERCO destiné au financement des PME et des ETI incitera certaines entreprises à placer plus. Ainsi, la première année, le coût budgétaire devrait être compensé par une dynamique plus favorable. Telle est la précision que je tenais à apporter.
C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement. Je tenais à corriger les estimations en milliards d’euros que vous avez présentées quant à l’impact de cette mesure pour justifier cet amendement de suppression. (Mme Annie David s’exclame.) On est très loin de cette réalité ! Les choix qui ont été faits par le Gouvernement en la matière en sont aussi très loin !
Enfin, concernant nos propres contraintes, on a pu voir que l’augmentation de la fiscalité peut aussi parfois conduire à des effets pervers.
Compte tenu des équilibres définis à la suite des travaux du COPIESAS – nous aurons de longs débats sur ce sujet ultérieurement –, le Gouvernement a souhaité mettre en place un système de baisse progressive. Concernant l’accord qui a été pris, je serai assez contraint dans mes positions, mais nous pourrons en discuter.
Le COPIESAS souhaitait un peu plus que ce que le Gouvernement a pu arrêter pour des contraintes budgétaires de court terme.
M. Jean Desessard. C’est très bien expliqué, mais l’histoire des lapins, je n’ai pas compris… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas très transparent ! Que deviennent les deux lapins ? (Exclamations amusées.)
M. Éric Doligé. Ils se reproduisent ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Bouvard. C’est la parabole du lapin ! (Même mouvement.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je n’ai pas la prétention de vous répondre, monsieur le ministre, mais j’aimerais alimenter le débat.
Vous dites que cette mesure est proposée en vue de financer les PME et les ETI. Mais enfin, vous proposez aux salariés de financer les entreprises ! Et que font les banques ? Que fait la Banque publique d’investissement ? Vous vous servez de l’épargne des salariés pour financer les entreprises. Depuis hier, j’essaie de vous parler de responsabilités sociales des entreprises. Mais là, pour le coup, c’est encore aux salariés, qui plus est à travers leur épargne, avec le PERCO, un plan d’épargne pour la retraite collectif, de financer eux-mêmes les entreprises ! C’est beaucoup demander aux salariés !
Quant aux comptes de la sécurité sociale, les sommes en jeu ici n’ont peut-être rien à voir avec les gains apportés par le passage du forfait social à 20 % il y a quelque temps, mais quand même…
Je ne voulais pas vous ennuyer, mais permettez-moi de vous lire des déclarations faites par certains de nos collègues sénateurs lors des débats concernant l’augmentation du forfait social.
« Tout travail mérite salaire et tout salarié mérite protection sociale. Comment cette protection est-elle payée ? Dans notre système, elle prend la forme de cotisations salariales et patronales. Dans ces conditions, pourquoi certaines rémunérations échapperaient-elles à la solidarité nationale, alors qu’elles sont issues du même rapport salarial ?
« Notre objectif est en effet d’éviter la substitution d’une épargne salariale […] aux hausses de salaires. »
« Ces éléments exemptés d’imposition, de contribution sociale constituent, quoi que l’on puisse dire, de véritables niches sociales particulièrement appréciées et optimisées et, que cela plaise ou non de l’entendre, plus répandues dans les grandes entreprises que dans les petites et moyennes entreprises. Elles profitent davantage aux salariés de niveau élevé qu’à ceux qui sont au bas de l’échelle des salaires. » C’est exactement ce que je vous ai dit.
« Surtout, nul ne peut ignorer l’effet substitutif en termes de salaire et de rémunération que peut provoquer une utilisation trop large de ces dispositifs quand, nous le savons, les salaires sont, eux, assujettis à une contribution globale qui approche les 45 % à titre social. »
Mes chers collègues, ce ne sont pas nos propos, même si nous les partageons, ce sont ceux du groupe socialiste du Sénat,…
M. François Pillet, corapporteur. Et voilà !
Mme Annie David. … qui a défendu, en 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, l’article 27 visant à relever le forfait social de 8 % à 20 % !
Monsieur le ministre, nous partageons toujours ces mêmes propositions et, en tout cas, nous défendons toujours ces valeurs. C'est la raison pour laquelle je ne puis accepter de vous entendre dire que cela ne portera pas un coup fatal à notre protection sociale.
Je vous ai donné les chiffres, le FSV, l’assurance maladie et l’ensemble de notre protection sociale sont en peine de trouver des recettes. Et alors même que vous aviez eu le courage, que nous avions eu collectivement le courage, en 2012, de porter ce forfait social à 20 %, vous voulez revenir en arrière, en l’abaissant à 16 %. Nous ne pouvons pas être favorables à cette mesure.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens simplement à apporter deux précisions.
Premièrement, je l’ai dit à votre collègue précédemment, votre argumentation pose constamment une question sous-jacente liée au caractère de substitution de l’épargne salariale au salaire. De multiples thèses ont été écrites sur ce sujet. On n’arrive pas à le documenter, mais regardons simplement ce qui s’est passé au cours de la décennie passée.
Dans les grands groupes, huit salariés sur dix ont une épargne salariale. Mais il n’y en a quasiment pas dans les PME. Aussi, l’un des objectifs de cette réforme est de remédier à cette lacune.
En France, c’est dans les grands groupes que la dynamique salariale a été la plus forte.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Emmanuel Macron, ministre. Durant la dernière décennie, les salaires ont augmenté dans les entreprises ayant distribué le plus d’épargne salariale.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Emmanuel Macron, ministre. Si l’on compare la France et l’Allemagne, sauf à ce que quelque chose m’ait échappé, j’observe que, en moyenne, le taux de croissance allemand a été plus élevé et le taux de chômage plus bas et que la dynamique salariale a été beaucoup plus modérée que la nôtre.
Les salariés qui, en moyenne, ont le plus touché d’épargne salariale n’ont pas été ceux qui ont le plus souffert en termes de salaire. Ce n’est pas vrai !
Mme Isabelle Debré. Bien sûr que non !
Mme Annie David. Je n’ai pas dit le contraire !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je conteste vivement cette première allégation.
Par ailleurs, il s’agit de l’épargne salariale. Nous mettons en place une mesure visant à inciter au fléchage vers le financement des PME et des ETI.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous êtes contre. J’entends votre tirade, mais cela n’a rien à voir. L’argent est là. Préférez-vous qu’on l’investisse dans l’immobilier ou dans la dette de l’État ?...
Mme Annie David. Non !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous êtes un peu paradoxale : il me semblait que vous étiez des productivistes ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Quelle caricature !
M. Emmanuel Macron, ministre. Si vous ne partez pas de ce postulat, cet argent sera investi dans la dette allemande ou grecque… (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. C’est la lutte des classes,…
Mme Annie David. C’est sûr !
M. Roger Karoutchi. … finissons-en !
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1107, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 5
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
I. – Le a) du V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« a) Pour une part supérieure à 50 %, de titres émis par des entreprises solidaires agréées en application de l’article L. 3332-17-1 du même code ou par des fonds communs de placements à risque mentionnés à l’article L. 214-28 du présent code, sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail ; »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Qu’est-ce, au fond, que l’économie sociale et solidaire, l’ESS ? Quelle est cette étrange réalité qui semble échapper à la seule logique de la rentabilité financière pour poursuivre des objectifs différents de ceux des entreprises commerciales ordinaires ?
C’est un peu la question qui nous vient à l’esprit au moment d’aborder cet amendement relatif à l’allocation des ressources de l’épargne salariale.
L’économie sociale et solidaire représente près de 10 % des emplois dans notre pays, ce qui n’est pas rien, avec plus de 2,3 millions de salariés, le versement de plus de 53 milliards d’euros au titre des rémunérations, plus de 215 000 établissements et rien de moins que 100 000 créations d’emplois chaque année, et tout cela en dehors de la seule logique marchande ! Ces chiffres sont éloquents.
Dans certains secteurs d’activité, dans certaines régions, le poids de l’économie sociale et solidaire est déterminant pour l’économie dans son ensemble et pour l’emploi en particulier. Ainsi, si l’on compte plus de 370 000 salariés de l’économie sociale et solidaire dans la seule région d’Île-de-France, on en compte aussi plus de 140 000 en Bretagne, plus de 155 000 dans les Pays de la Loire et autant dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans la région d’Île-de-France, le secteur de l’économie sociale et solidaire propose, selon les chiffres publiés à la fin de l’année 2014, plus de 325 000 emplois en équivalents temps plein, dont plus de 250 000 dans le secteur associatif, plus de 30 000 au sein des sociétés coopératives et entre 20 000 et 22 000 emplois dans le secteur mutualiste et au sein des fondations. Par comparaison, le secteur privé marchand offre, dans la même région, environ 4 millions de postes de travail.
Plus de 5 % du revenu salarial des ménages sont assurés par les rémunérations distribuées dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, celles-ci jouant un rôle déterminant notamment dans le domaine de l’action médico-sociale, de l’enseignement et de la formation. Sans parler des systèmes coopératifs en matière bancaire et assurantiel.
De fait, même si nous pourrions aller encore plus loin dans l’analyse de l’apport déterminant de l’économie sociale et solidaire dans la vie du pays et s’il convenait, par ailleurs, de s’interroger sur l’apport « qualitatif » de ce secteur en termes de richesses créées, il va sans dire que nous souhaiterions, ainsi que le précise notre amendement, qu’une bonne part de l’épargne salariale soit consacrée au financement du secteur de l’ESS.
M. le président. L'amendement n° 608, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le taux :
12 %
par le taux :
16 %
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
de parts ou
III. – Alinéas 7 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit de revenir au taux de forfait social de 16 % proposé initialement par le Gouvernement. Ce taux permet de cibler la mesure sur les PME et les ETI, tout en intégrant la contrainte budgétaire. Ce n’est pas le cas du taux de 12 % retenu par la commission spéciale.
Alors que vous souhaitez, vous aussi, mes chers collègues, faire des économies, vous n’êtes pas dans l’épure budgétaire compatible avec la diminution de nos déficits !
Cela étant, je retire notre amendement, au profit de celui du Gouvernement, qui est quasiment identique.
M. le président. L'amendement n° 608 est retiré.
L'amendement n° 1578, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le taux :
12 %
par le taux :
16 %
II. – Alinéas 7 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mme Bricq a parfaitement décrit l’esprit de cet amendement, qui se justifie par deux raisons très simples.
La première est d’ordre budgétaire : avec un taux fixé à 12 %, le coût de la mesure passerait du simple au double.
La seconde raison est juridique : après discussion avec le secrétariat général du Gouvernement, il nous est apparu que l’avantage fiscal résultant du passage du taux de 20 % à 16 % était proportionné, contrairement au passage à un taux de 12 %, qui semblait plus fragile.
M. le président. L'amendement n° 105 rectifié ter, présenté par Mme Debré, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Deseyne, M. Chasseing et Mme Gruny, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est également fixé à 12 % pour les cotisations ou primes versées par les entreprises aux régimes de retraite supplémentaire mentionnés au 2° de l’article 83 du code général des impôts dès lors que sont respectées les conditions des précédents 1° et 2°.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’article 35 nonies, dans sa rédaction actuelle, abaisse à 12 % le taux du forfait social pour le versement des sommes issues de l’intéressement ou de la participation ainsi que sur les abondements des entreprises dans un plan d’épargne pour la retraite collectif. Il prévoit en outre un fléchage de l’épargne vers le financement et l’investissement en fonds propres des PME et ETI.
Il conviendrait de prévoir que les entreprises pourront également bénéficier du taux à 12 % du forfait social pour les contributions qu’elles versent aux contrats d’assurance collective de retraite supplémentaire, sous réserve que ceux-ci présentent les mêmes caractéristiques d’affectation de l’épargne.
Si votre amendement était voté, monsieur le ministre, je demanderais que le taux de 16 % s’applique également à ces fonds.
M. le président. L'amendement n° 883 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
I.- Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, ce taux est fixé à 8 % pour les sommes issues de la participation, de l’intéressement investies par le salarié ainsi que les versements complémentaires de l’employeur dans un plan d’épargne entreprise ou un plan d’épargne interentreprises défini au livre III de la troisième partie du code du travail. » ;
b) Au deuxième alinéa, le mot : « Toutefois, » est supprimé.
II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à appliquer le taux de 8 % de forfait social aux sommes issues de la participation, de l’intéressement et de l’abondement de l’employeur placées sur un produit d’épargne. En effet, la succession de lois portant sur l’épargne salariale ainsi que les différentes campagnes de déblocage dites « exceptionnelles » ont conduit à effacer la logique d’épargne des dispositifs d’intéressement et de participation.
Le forfait social, dont le montant a été multiplié par dix en cinq ans, est appliqué de façon uniforme à l’ensemble des dispositifs sans tenir compte de leur horizon de placement et donc de leur capacité à financer l’économie sur le long terme.
Compte tenu de la conjoncture, il apparaît nécessaire de redonner de la cohérence au cadre juridique, fiscal et social de l’intéressement et de la participation. L’objectif est d’encourager l’épargne longue et de la dynamiser, afin que celle-ci puisse mieux financer l’investissement, la croissance et la création d’emplois.
M. le président. L'amendement n° 884 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Delahaye, Mme Loisier et M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
I.- Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Après le premier alinéa de l’article L. 137-16, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par ailleurs, ce taux est fixé à 8 % pour les sommes versées pour le financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d’une des procédures mentionnées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale dès lors que ce régime de retraite supplémentaire est mis en place pour la première fois dans l’entreprise. »
II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Face aux insuffisances du système de retraite par répartition, le développement de l’épargne retraite constitue un premier élément de réponse qu’il convient d’encourager, d’autant plus qu’il s’agit d’une préoccupation majeure des Français.
Mme Isabelle Debré. Exactement !
M. Olivier Cadic. Selon une enquête d’Harris Interactive réalisée en décembre 2013, 63 % des actifs considèrent que leur pension ne suffira pas à couvrir leurs besoins financiers et qu’il leur faudra compléter celle-ci par d’autres ressources.
Aussi, dans l’objectif d’encourager au développement de ces dispositifs, est-il proposé que le taux du forfait social portant sur les sommes versées par les employeurs au titre d’un dispositif collectif d’épargne retraite soit ramené à 8 %. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1106 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. À la lecture de certains amendements, on peut se demander si le projet de loi que nous examinons concerne la croissance ou le financement de la sécurité sociale. En effet, quelques-uns des amendements déposés sur l’article 35 nonies, qui, comme je l’ai rappelé précédemment, met déjà en difficulté notre protection sociale, remettent directement en question le fragile équilibre de la sécurité sociale.
Il faut bien se rappeler que baisser d’un seul cinquième le montant du forfait social, outre que c’est créer un appel d’air de nature à modifier les stratégies de rémunération des entreprises et à favoriser les formes atypiques, échappant largement aux prélèvements sociaux, c’est priver la sécurité sociale de 700 millions d’euros de ressources. Cette somme équivaut tout de même à une bonne partie du niveau de l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve la Mutualité sociale agricole – à laquelle nous sommes tous attachés –, malgré la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle. Je le rappelle à ceux qui auraient pu l’oublier !
Chers collègues de l’UMP et de l’UDI-UC, je ne voudrais pas que, demain, faute de financement disponible, on ne puisse poursuivre la mise en œuvre de l’égalité en matière de prestation vieillesse entre agriculteurs, artisans, commerçants et salariés, au seul motif que l’on ne disposerait plus de moyens pour le faire, à force de réduire le forfait social. En effet, il ne faut jamais oublier, dès que l’on parle de forfait social et de finances sociales, qu’il existe une équivalence assez exacte entre le montant des cotisations et des recettes dédiées à la sécurité sociale et leur affectation sous forme de prestations. Quand vous réduisez le forfait social, ce n’est pas seulement les « charges » des entreprises que vous réduisez, c’est aussi le pouvoir d’achat des ménages salariés !
En matière sociale, il n'y a pas d’argent perdu. Sept cents millions d’euros en moins sur le forfait social, cela a de multiples traductions : c’est plus sur le forfait hospitalier ; c’est moins pour la dotation des établissements ; c’est moins pour le minimum vieillesse ; c’est moins pour les allocations familiales ; c’est moins pour la retraite, par exemple des conjoints collaborateurs ; c’est moins pour la couverture maladie, des exploitants agricoles comme des salariés. Dans les villes de banlieue, c’est la queue aux urgences et les médecins dépourvus de clientèle solvable. À la campagne, ce sont les médecins qui ne trouvent pas de successeur.
Pour le choix hasardeux et incertain de l’épargne, nous prendrions le risque de creuser encore plus les déficits de notre sécurité sociale ? Nous ne sommes pas d’accord ! Aussi, plutôt que de prévoir une affectation quasi arbitraire du produit du forfait social, il serait plus prudent de supprimer cet élément du texte et d’attendre que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe la répartition du produit de ce forfait, au demeurant largement insuffisant, surtout si nous n’adoptons pas l’amendement du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 882 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéas 7 et 8
Remplacer ces alinéas par deux paragraphes ainsi rédigés :
III. – L’article 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 137-16. – Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 est fixé à 8 %.
« Le produit de cette contribution est versé :
« 1° À la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, pour la part correspondant à un taux de 5 % ;
« 2° Au fonds mentionné à l’article L. 135-1, pour la part correspondant à un taux de 3 %, dont une part correspondant à un taux de 0,5 % à la section du fonds de solidarité vieillesse mentionnée à l’article L. 135-3-1. »
III bis. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement tend à rétablir le taux du forfait social à 8 % et la clé de répartition tels qu’ils existaient avant le projet de loi de finances rectificative de juillet 2012. Ainsi, le taux de 8 % serait le principe. Nous prévoyons, dans un amendement complémentaire, une exonération de forfait social pour les entreprises de moins de cinquante salariés qui concluent un premier accord d’intéressement ou de participation.
Cette mesure est l’occasion de redonner du pouvoir d’achat aux Français, ce qui devrait vous plaire, madame David.
Mme Annie David. Les Français ne pourront plus se soigner avec cette mesure !
M. Olivier Cadic. Avant la réforme, les salariés bénéficiaient d’un montant moyen de 2 100 euros, selon une étude de la DARES réalisée en 2009.
Par ailleurs, cette mesure invitera de nouveau les entreprises à associer plus étroitement les salariés à leurs résultats en signant des accords. Pour rappel, la hausse avait conduit certaines entreprises à dénoncer l'accord de participation qu’elles avaient conclu avec leurs salariés…
Ainsi qu’a déclaré le souhaiter le Président de la République, que certains d’entre vous ont contribué à élire, dans son discours d’inauguration de la conférence sociale de juillet 2014, il convient d’orienter l’épargne vers l'investissement : « Un de nos atouts, c’est d’avoir une épargne élevée et un de nos problèmes, c’est d’avoir peu de financements pour les entreprises. »
Cet amendement vise à agir dans ce sens, en réduisant le taux du forfait social à 8 %.
Mme Annie David. Cela ne va pas dans le même sens ! Vous travestissez la réalité, monsieur Cadic !
M. le président. L'amendement n° 1435 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Cadic, Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéas 7 et 8
Remplacer ces alinéas par trois paragraphes ainsi rédigés :
III - L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Ce taux est fixé à 16 % pour :
« 1° Les sommes versées par l’entreprise au titre de l’intéressement ou de la participation mentionnées respectivement aux articles L. 3312-4 et L. 3325-1 du code du travail ;
« 2° Les abondements de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise, aux plans d’épargne interentreprises ou aux plans d’épargne pour la retraite collectif, mentionnés respectivement aux articles L. 3332-11, L. 3333-4 et L. 3334-6 du code du travail ;
« 3° Les contributions des employeurs destinées au financement des prestations de retraite supplémentaire mentionnées au 4° du II de l’article L. 136-2 du présent code pour leur part non soumise aux cotisations sociales en application du 1° de l’article L. 242-1 du même code. » ;
2° Après la deuxième colonne du tableau constituant le dernier alinéa, est insérée une colonne ainsi rédigée :
Pour les rémunérations ou gains soumis à la contribution au taux de 16 % |
12,8 points |
3,2 points |
III bis - Le paragraphe précédent s’applique à toutes les sommes versées à compter de la promulgation de la présente loi.
III ter - La perte de recettes pour l’État résultant du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement est largement moins ambitieux que celui de mes collègues. Il vise à uniformiser les taux et à couvrir assez largement les différentes interventions en matière d’intéressement, de participation et d’épargne salariale.
Je veux simplement réagir aux chiffres cités par certains de nos collègues, en rappelant que, si l’on baisse les taux, de manière raisonnable, on augmente aussi la base taxable, ce qui peut donner un meilleur résultat en termes de recettes, y compris pour la sécurité sociale.
L’entreprise doit-elle, par principe, organiser l’épargne longue et l’épargne retraite des salariés ? On peut se poser la question.
Si l’on reportait l’ensemble des dispositifs sur l’intéressement, cette orientation aurait sans doute un avantage pour l’économie, mais elle n’aurait pas que des avantages pour les entreprises, puisque la gestion d’un certain nombre de fonds en serait complexifiée.
Si j’ai bien compris les propos que vous avez tenus sur les différents articles et amendements, vous souhaiteriez plutôt creuser cette piste, mes chers collègues du groupe CRC.
Mme Annie David. Oui !
M. Jean-Marc Gabouty. Cela mériterait sans doute un débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le droit en vigueur prévoit que l’actif des fonds solidaires qui peut être souscrit dans le cadre d’un plan d’épargne salariale est composé d’une part comprise entre 5 % et 10 % de titres émis par des entreprises solidaires agréées. L’amendement n° 1107 vise à modifier radicalement ces règles, en relevant à 50 % la part de titres émis par des entreprises solidaires agréées qui peuvent être détenus par des plans d’épargne d’entreprise. Il a également pour objet de supprimer la possibilité que les actifs des fonds solidaires comprennent des titres de sociétés de capital-risque.
La commission est défavorable à cet amendement, car il faut de la sécurité juridique pour les fonds solidaires, quelques mois après la promulgation de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. D’ailleurs, ni le COPIESAS ni les partenaires sociaux n’ont souhaité changer les règles des fonds solidaires. En outre, les sociétés de gestion de ces fonds considèrent que la part de 5 % à 10 % est justifiée par la nécessité de protéger les épargnants contre les risques et d’assurer un taux de rendement suffisamment attractif.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 1578. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, à 20 %, les lapins, qui ne sont pas crétins, ne reviennent plus l’année suivante. (Sourires.) Nous pensons que, pour essayer d’attraper les derniers lapins, le passage de 16 % à 12 % est une bonne solution, au coût budgétaire modéré. J’émettrai donc également un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à aller plus loin en termes de taux. L’amendement du Gouvernement vise en outre à supprimer une coordination juridique à l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, qui est pourtant indispensable, quel que soit le taux retenu pour le forfait social applicable au « PERCO plus ».
L’amendement n° 105 rectifié ter tend à appliquer le taux réduit de forfait social de 12 % aux dispositifs de retraite supplémentaire relevant de l’article 83 du code général des impôts qui sont orientés vers le financement de l’économie.
À côté du PERCO, qui fait l’objet de l’article 35 nonies, il existe d’autres catégories de dispositifs de retraite supplémentaire, la plus répandue regroupant les contrats d’assurance retraite à cotisations définies. Selon une étude de la DARES réalisée en juillet 2014, 10 % des entreprises employant plus de dix salariés proposent ce dispositif, contre 5 % pour le PERCO.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces contrats sont plus fréquents dans les grandes entreprises et dans les secteurs des activités financières, de l’industrie et de la fabrication informatique.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le total des montants versés à la fois par les entreprises et les salariés sur ces contrats d’assurance retraite s’élève à 2,1 milliards d’euros.
Nous ne disposons pas d’évaluation chiffrée précise sur le dispositif que vous proposez, madame Debré. C’est pourquoi nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement. La piste évoquée semble très intéressante, mais est-il techniquement envisageable d’orienter l’allocation d’épargne drainée actuellement sur ces contrats vers l’acquisition des 7 % de parts ou de titres d’un PEA-PME, comme le « PERCO plus » ?
Les amendements nos 883 rectifié ter et 884 rectifié ter tendent à abaisser le taux du forfait social à 8 %. J’ai déjà indiqué la raison pour laquelle la commission est défavorable à cette mesure ; je n’y reviens pas.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1106 rectifié. Je suis surprise par le commentaire des auteurs de l’amendement, qui semblent indiquer que les alinéas 7 à 9 sont contraires à l’« éthique financière »... En réalité, ces deux alinéas n’apportent qu’une coordination juridique sur l’affectation du produit du forfait social.
L’amendement n° 882 rectifié ter vise à abaisser le taux du forfait social. Pour les raisons déjà explicitées, la commission a émis un avis défavorable.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° 1435 rectifié ter, que nous avions déjà rejeté en commission, aurait un coût pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1107.
L’amendement n° 105 rectifié ter vise à appliquer le taux réduit de forfait social de 12 % aux régimes de retraite supplémentaire relevant de l’article 83 du code général des impôts. Comme je l’ai déjà indiqué, un tel taux ferait varier le coût de la mesure du simple au double. En revanche, passer de 20 % à 16 % nous semble soutenable.
Autant on arrive à flécher les fonds en « PERCO plus » vers les PME et les ETI, autant le dispositif mentionné au 2° de l’article 83 du code général des impôts pour les régimes de retraite supplémentaire est moins précis. C’est l’autre petit défaut de votre amendement, madame Debré.
Même si je comprends l’objectif que vous poursuivez – étendre le dispositif prévu par le texte de la commission spéciale à l’ensemble des mécanismes qui permettent d’améliorer le financement des PME et des ETI –, je pense qu’il est nécessaire de continuer à travailler sur ce sujet avec le COPIESAS. Essayer d’améliorer le fléchage vers le PEA-PME ou tout autre véhicule me semble de bon aloi.
Mme Isabelle Debré. Vous émettez donc un avis défavorable ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous demande plutôt de bien vouloir retirer votre amendement, qui me semble être un amendement d’appel.
Concernant les amendements nos 883 rectifié ter et 884 rectifié ter, tout comme la commission, pour des raisons budgétaires et de cohérence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L’amendement n° 1106 rectifié vise à supprimer les alinéas 7 à 9 relatifs à l’affectation du produit du forfait social assis sur le « PERCO plus ». Cette affectation est conforme au droit commun et mérite d’être précisée pour des raisons de sécurité juridique. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Toujours pour des raisons de cohérence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 882 rectifié ter.
Quant à l’amendement n° 1435 rectifié ter, qui tend à généraliser le forfait social à un taux de 16 % aux dispositifs d’épargne salariale et de retraite collective, je ferai plusieurs remarques.
Le dispositif prévu par le projet de loi est limité en termes de coût budgétaire et il est fléché pour inciter au financement des PME et des ETI. Or une généralisation de la baisse du forfait social aboutirait non seulement à faire disparaître le fléchage, mais aussi à un coût de l’ordre de 800 millions d’euros. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 1578.
M. Pierre-Yves Collombat. J’avoue que je suis un peu surpris. Nous examinons le titre relatif à l’investissement, soit ! Mais est-ce que vous croyez vraiment qu’on va relancer l’investissement avec ce type de disposition ? Ceux qui se sont risqués ces dernières années à faire des plans de relance, c’est par dizaines, voire par centaines de milliards de dollars qu’ils ont investi. Tout ce dispositif me paraît donc étonnamment léger, quoique compliqué.
Il me paraît tout aussi léger de mettre en péril l’équilibre des comptes sociaux, pour un résultat incertain.
Les lapins, il y en a beaucoup qui partiront à 20 %, beaucoup moins à 16 %... Et à 8 %, ils reviendront tous ? Ce ne sont là que des estimations. Est-ce qu’il faut croire ceux qui ont proposé un taux de 20 % ou est-ce qu’il faut croire ceux qui maintenant, les mêmes probablement, proposent un taux de 16 % ? Tant qu’on reste dans la technique, la discussion peut durer des heures, mais dès qu’on en sort on se demande de quoi on parle !
Compte tenu de la fragilité de nos comptes sociaux et du caractère très aléatoire de l’efficacité des mesures que vous proposez, il me semble qu’il vaudrait mieux être prudent et en rester là.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Aussi bizarre que cela puisse paraître, nous voterons l’amendement du Gouvernement. Quitte à choisir – je ne vais pas reparler des lapins –, nous préférons 16 % à 12 %. Néanmoins, sur le fond, chacun l’aura compris, nous ne sommes pas favorables à la baisse du forfait social.
Comme l’a rappelé M. Collombat, nous examinons le titre du projet de loi relatif à l’investissement. Hier, monsieur le ministre, vous nous avez présenté un amendement visant à ajouter 2,5 milliards d’euros à la relance de l’investissement. Cela signifie qu’au sortir du conseil des ministres la relance de l’investissement dans votre projet de loi ne reposait que sur l’épargne salariale prévue dans les articles dont nous débattons en ce moment. Relancer la croissance à partir de la seule épargne salariale, c’est quand même un peu insuffisant !
Si, hier, M. Desessard pouvait se féliciter que les sénateurs soient les premiers informés de cet amendement, nous trouvons pour notre part bien dommage qu’un dispositif avec un tel contenu financier ne puisse pas être débattu en séance publique par nos collègues députés, car je pense que les débats auraient été eux aussi très intéressants. La procédure accélérée, sauf si l’on considère par avance que la commission mixte paritaire n’aboutira pas, ne permet pas une deuxième lecture du texte. Un amendement de 2,5 milliards d’euros d’investissements nouveaux n’aura donc été débattu que dans une seule chambre.
Mme Nicole Bricq. C’est la bonne !
Mme Annie David. Quel dommage pour notre démocratie !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Une disposition qui vous est soumise huit jours après qu’elle ait été annoncée par le Premier ministre, en termes de débat démocratique, on a rarement vu aussi bien, madame la sénatrice. Vous me permettrez donc de ne pas partager vos propos.
De quoi parlons-nous depuis tout à l’heure ? Pour certains, cela peut sembler ne pas être assez ; pour d’autres, trop. Mais si le fait que ce ne soit pas assez justifiait l’inaction, cela ferait longtemps que nous resterions assis sur nos chaises ! Le coût est évalué, monsieur Collombat. Je vous renvoie à un rapport assez long qui a été fait par le Gouvernement.
L’épargne salariale, c’est aujourd’hui 100 milliards d’euros. Avec ces mesures d’incitation, si l’on en réoriente 2 % à 4 %, cela représente 2 milliards à 4 milliards d’euros pour notre économie productive. Ce n’est pas rien !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous ne relancez rien du tout !
M. Emmanuel Macron, ministre. Lorsque vous regardez le besoin de financement des PME et des ETI, vous voyez qu’il est de 5 milliards à 10 milliards d’euros. Alors, oui, on est à la hauteur des enjeux !
Ce n’est pas en brassant des grandes idées que l’on règle les vrais problèmes, c’est en s’attachant aux chiffres réels et en étant un peu rigoureux dans les débats. C’est ce que nous faisons !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Il est vrai que l’épargne salariale est un sujet complexe. Il y a aussi le problème des comptes sociaux et le budget de la sécurité sociale. Nous devons donc être prudents.
Même si nous sommes conscients que le but de l’amendement du Gouvernement est de permettre la relance de l’investissement et de l’économie, je suis un peu réservé sur son contenu. C’est pourquoi je me rallie à l’avis de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes partis d’un taux de 20 %. Les effets, on les a vus : ils ont été paralysants pour l’épargne salariale, comme M. le ministre l’a souligné.
La commission spéciale fixe le taux à 12 %, le Gouvernement et le groupe socialiste proposent de le fixer à 16 % – je remercie d’ailleurs le groupe communiste de se rallier à cette proposition – et certains de nos collègues de l’abaisser à 8 %. À un tel taux, on vide la caisse et on donne raison au groupe communiste en faisant de l’épargne salariale un substitutif au salaire !
La proposition du Gouvernement est la plus raisonnable, et tout le monde devrait s’y rallier : elle permet de tenir compte non seulement de la contrainte budgétaire, mais aussi de l’orientation que nous souhaitons tous donner à l’épargne, à savoir l’alimentation des fonds propres des PME et des ETI.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J’ai écouté votre démonstration, madame Bricq, mais je vous rappelle que nous étions à 8 % il y a seulement trois ans. On dirait qu’il s’agit d’une demande incroyable, mais trois ans, ce n’est pas une éternité !
Mon raisonnement est simple : si mon produit, qui vaut aujourd’hui 8 euros, coûte 16 euros demain, certains ne l’achèteront plus et des contrats seront annulés.
Par cet amendement, je ne propose rien d’incroyable, sinon de revenir au taux de 8 % que nous connaissions voilà trois ans. Mon objectif, comme le vôtre, est de relancer l’épargne salariale. Or on voit combien il est facile d’augmenter les taux et difficile de revenir en arrière.
Mme Nicole Bricq. Vous vous moquez des déficits !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1578.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 155 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Madame Debré, l'amendement n° 105 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Isabelle Debré. J’ai entendu vos propos, monsieur le ministre.
Je crois que ce dont les sociétés ont besoin, c’est de stabilité juridique et fiscale, ce dont elles sont privées depuis des années – vous n’êtes pas le seul responsable, loin s’en faut… On change tout le temps les règles du jeu, en matière de participation et d’épargne salariale comme ailleurs : déblocages anticipés, forfaits sociaux… Nous avons vu pour quels résultats !
Je suis prête à retirer mon amendement et à répondre à votre appel. Je le ferai d’autant plus volontiers que Gérard Larcher m’a nommée membre du COPIESAS…
Mme Nicole Bricq. Ça tombe bien…
Mme Isabelle Debré. … où je siégerai, en remplacement de Mme Demontès, avec Mme David.
Mme Éliane Assassi. Quel beau duo ! (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Il est bienvenu que deux sensibilités différentes y soient représentées, ce qui n’était pas le cas du temps de M. Bel, qui avait nommé une socialiste et une communiste. Je n’ai rien contre les socialistes et les communistes,…
M. Jean Desessard. Ils sont très différents !
Mme Isabelle Debré. … toutefois, même si nous n’étions pas majoritaires, c’eût été élégant, de me laisser continuer le travail que j‘avais entamé depuis de nombreuses années au Conseil supérieur de la participation, le CSP, devenu depuis – grâce au Sénat – le COPIESAS.
Monsieur le ministre, remettons l’ouvrage complètement sur le métier, sans bricoler et sans prendre de décisions à l’emporte-pièce. Je retire donc mon amendement, et j’attends votre appel pour travailler avec vous. (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 883 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 884 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 882 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1435 rectifié ter.
M. Jean-Marc Gabouty. Je le retire !
M. le président. L’amendement n° 1435 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 35 nonies.
(L'article 35 nonies est adopté.)
M. le président. Nous en venons à la discussion de l’article 40 ter, appelé par priorité.
Article 40 ter (priorité)
I. – La section 9 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 137-17-1. – La contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code ne s’applique pas aux sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail et au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du même livre III pour les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux résultats de l’entreprise prévue à l’article L. 3322-2 du même code et qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement ou qui n’ont pas conclu d’accord au cours d’une période de trois ans avant la date d’effet de l’accord.
« L’exonération du taux s’applique pendant une durée de trois ans à compter de la date d’effet de l’accord.
« Le taux est de 8 % entre la quatrième et la sixième année à compter de cette même date.
« Les trois premiers alinéas s’appliquent également à une entreprise qui atteint ou dépasse l’effectif de cinquante salariés mentionné au même article L. 3322-2 au cours des six premières années à compter de la date d’effet de l’accord, sauf si l’accroissement des effectifs résulte de la fusion ou de l’absorption d’une entreprise ou d’un groupe.
« Dans les cas de cession ou scission à une entreprise d’au moins cinquante salariés ou de fusion ou absorption donnant lieu à la création d’une entreprise ou d’un groupe d’au moins cinquante salariés au cours de cette même période, la nouvelle entité juridique est redevable, à compter de sa création, de la contribution au taux de 20 %. »
II. – (Non modifié) Le I est applicable aux sommes versées à compter du 1er janvier 2016.
III (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Par cet amendement, nous proposons de supprimer cette demande de baisse du forfait social à 8 % pendant six ans pour les TPE qui concluent un accord d’intéressement ou de participation. Ceux qui étaient pour un taux de 12 % ou de 16 % voilà quelques instants vont nous expliquer maintenant qu’ils sont favorables à 8 %...
Les évolutions vont toujours dans le même sens : exonérer davantage les entreprises pour des effets promis qui restent à démontrer. Certains de nos collègues vont certainement nous expliquer qu’il faudrait aller jusqu’à exonérer sur trois ans et fixer le taux à 8 % les trois années suivantes. La logique générale est donc bien toujours la même : continuer à encourager l’exonération de ces dispositifs.
Monsieur le ministre, la démonstration que vous nous avez faite voilà quelques instants ne tient pas la route une seconde : l’effet de substitution de l’épargne salariale au salaire fonctionne aujourd’hui à plein, y compris dans les grandes entreprises. Selon vous, si l’on trouve davantage d’épargne salariale dans les grandes entreprises et si elles offrent de meilleurs salaires que les petites, c’est parce qu’il n’y a aucune contradiction entre le salaire et l’épargne salariale. Pourtant, les chiffres montrent que cet effet de substitution marche à fond dans les grandes entreprises elles-mêmes : les augmentations de salaire nominal y sont moindres, au profit d’un effet de substitution vers ce type de dispositif. Il s’agit d’une réalité ! Et je ne parle même pas de toutes les entreprises – 50 % d’entre elles, selon les syndicats – où l’obligation annuelle de négociations salariales n’est même plus respectée !
L’abaissement du forfait social à 8 % va encore encourager ce phénomène massif de substitution auquel nous assistons. La part de la valeur ajoutée des entreprises qui va aux salaires ne cesse de diminuer, ce qui est l’une des causes de la crise actuelle.
Voilà quelques instants, M. Joyandet nous expliquait qu’une sorte de consensus général se dégageait selon lequel ce serait en s’occupant de l’offre et de la compétitivité que l’on sortirait de la crise. Cessons d’opposer l’offre à la demande. En vérité, c’est aux deux problèmes qu’il faudrait s’attaquer : toutes les zones qui font du développement dans le monde, sans aucune exception, développent la demande. Penser qu’on sortira l’Europe de la crise sans relancer la demande me paraît totalement illusoire.
Quant à l’offre, il faut savoir de quoi l’on parle : oui, l’offre productive doit être développée dans notre pays, et singulièrement l’offre productive industrielle. Mais si l’on confond systématiquement l’offre avec la compétitivité telle que la définissent ceux qui ne parlent que de critères et de ratios de rentabilité, nous risquons bien de ne pas y arriver ! Je considère qu’il faut s’occuper et de l’offre et de la demande.
D’autre part, l’effet général de substitution qui s’opère en France et en Europe au détriment des salaires est l’une des causes des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. En commission, nous avons adopté un amendement visant à exonérer de forfait social, pendant les trois premières années, les entreprises de moins de cinquante salariés qui mettent en place, pour la première fois, un régime de participation ou d’intéressement. Cette mesure reprend fidèlement la première proposition du rapport du 26 novembre 2014 du COPIESAS et correspond parfaitement au souhait des partenaires sociaux tel qu’exprimé dans leur projet de position commune du 22 décembre 2014.
En outre, nous avons prévu un taux de forfait social réduit de 8 % pendant les trois années suivantes pour éviter les effets de seuil et préparer le passage au taux de 20 %.
Prévoir un forfait social de 0 % pendant trois ans pour aider les entreprises de moins de cinquante salariés à mettre en place un régime de participation ou d’intéressement n’entraînera aucune perte financière, puisque, sans ces mesures d’incitation, aucun régime de participation ou d’intéressement ne serait instauré. Passer à 8 % les trois années suivantes permettra de revenir au système adopté par l’Assemblée nationale.
La commission est bien évidemment défavorable à cet amendement de suppression de l’article 40 ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Robert del Picchia. Eux non plus !
M. Emmanuel Macron, ministre. Les articles précédents ont été votés et, après discussion – nous n’étions pas forcément d’accord –, le dispositif d’épargne salariale a été fléché et amélioré.
L’objet de cet article est de favoriser le développement de l’épargne salariale dans les PME et les ETI. En effet, dans les PME-ETI, un salarié sur dix a accès à l’épargne salariale, alors que cette proportion est de huit sur dix dans les grands groupes.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Par cet amendement, le groupe CRC affirme que favoriser le développement de l’épargne salariale dans les PME-ETI ne l’intéresse pas. Je l’entends, mais je ne le comprends pas. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. L’objet de cet amendement, comme des autres amendements que nous proposons, est très clair. Si vous ne comprenez pas, monsieur le ministre, nous allons donc apporter des explications supplémentaires.
Nous considérons, quoi que vous en disiez, que l’ensemble des dispositions prévues visent à encourager, au détriment des salaires, l’épargne salariale, dans une situation générale de dégradation salariale, au sein d’un dispositif global visant de fait – je me réfère ici également aux dispositions relatives aux retraites, dont nous parlerons tout à l’heure – à diriger une part croissante de la valeur ajoutée vers des mécanismes de placement et non pas d’investissement.
Par conséquent, la philosophie générale de nos amendements, je le répète, est extrêmement claire. Vous pouvez ne pas la partager, mais ne nous dites pas que vous n’en comprenez pas le sens.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 613 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 137-17-1.- Le taux de la contribution mentionnée à l'article L. 137-15 est également fixé à 8 % pour les sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail et au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du même livre III pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux résultats de l’entreprise prévue à l’article L. 3322-2 du même code et qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement ou qui n’ont pas conclu d’accord au cours d’une période de cinq ans avant la date d’effet de l’accord.
« Le taux de 8 % s’applique pendant une durée de six ans à compter de la date d’effet de l’accord. Les entreprises qui, en raison de l’accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l’effectif de cinquante salariés mentionné au troisième alinéa au cours de cette période, sauf si cet accroissement résulte de la fusion ou de l’absorption d’une entreprise ou d’un groupe, continuent de bénéficier du taux mentionné au même troisième alinéa jusqu’au terme de cette période. Dans les cas de cession ou scission à une entreprise d’au moins cinquante salariés ou de fusion ou absorption donnant lieu à la création d’une entreprise ou d’un groupe d’au moins cinquante salariés au cours de cette même période, la nouvelle entité juridique est redevable, à compter de sa création, de la contribution au taux de 20 %. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Comme vous l’avez expliqué fort justement, madame la rapporteur, la commission spéciale a choisi d’exonérer totalement du forfait social, pendant trois ans, les entreprises qui mettent en place pour la première fois un dispositif de participation ou d’intéressement, alors qu’elles n’y sont pas obligées.
Nous proposons de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, qui prévoit un taux de 8 % pendant six ans pour ces mêmes entreprises. Pour expliquer la cohérence de la position du groupe socialiste, je souhaite rappeler l’échelle des taux.
Le taux est de 20 % pour le forfait social de droit commun, c’est celui qui est applicable aux jetons de présence des membres des conseils d’administration et de surveillance. Le taux est de 16 %, nous l’avons évoqué précédemment, pour le PERCO dédié au financement des PME et de 8 % pendant six ans pour les entreprises de moins de cinquante salariés qui atteignent durablement ce seuil et concluent un premier accord.
Il est important de rappeler cette échelle pour bien comprendre notre logique. Par ce dispositif, il s’agit aussi de différencier le taux du forfait social proche du taux de droit commun de celui des cotisations sociales, afin d’éviter un effet de substitution aux salaires.
Notre proposition est donc cohérente, pensée et raisonnable. En effet, il est tout à fait injuste que seuls les salariés des grandes entreprises profitent de l’épargne salariale. Nous sommes là dans une logique d’égalité.
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié ter, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux, Deseyne et Gruny, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 137-17-1. – Dans les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux résultats de l’entreprise prévue à l’article L. 3322-2 du code du travail et qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement ou qui n’ont pas conclu d’accord au cours d’une période de trois ans avant la date d’effet de l’accord, la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code ne s’applique pas aux sommes versées au titre :
1° De la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail et de l’intéressement mentionné au titre Ier du même livre III ;
2° Des contributions des entreprises mentionnées aux articles L. 3332-11 et L. 3334-6 du code du travail.
II. – Alinéa 5
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Le présent amendement vise à favoriser le développement de l’épargne salariale dans les TPE et PME de petite taille qui ont conclu pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement, en exonérant du forfait social pendant les trois premières années les versements des entreprises sur le PEE ou le PERCO.
À la suite des observations formulées par la commission, l’amendement a été rectifié, afin de prévoir un taux réduit de forfait social de 8 % sur ces versements entre la quatrième et la sixième année après la date d’entrée en vigueur de l’accord de participation ou d’intéressement et d’apporter quelques améliorations rédactionnelles.
Par ailleurs, je voudrais vous répondre, chers collègues communistes. Comme M. le ministre, j’ai un peu de mal à comprendre votre positionnement. On sait que vous n’êtes pas favorables à l’intéressement, la participation ou l’épargne salariale. Cependant, les amendements que vous défendez visent à accroître la différence de traitement entre les salariés des PME et TPE et ceux des grandes entreprises. Soit vous dites une fois pour toutes que vous voulez supprimer la participation, l’intéressement et l’épargne salariale, et vous êtes cohérents, soit vous les favorisez dans les petites entreprises, qui ne réussissent pas à mettre en place facilement ces mécanismes. Il y a donc là une incohérence que je ne m’explique pas. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 1485 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Guerriau, Cadic et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À partir de la quatrième année, le taux demeure à 8 % pour les entreprises employant moins de 50 salariés.
II. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux est fixé à 16 % pour les entreprises employant entre 51 et 249 salariés. »
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Je suis dans la même logique que la commission, même si je pense qu’on doit opérer une différenciation en fonction de la taille des entreprises. On doit réellement inciter les entreprises de moins de cinquante salariés à mettre en place ces dispositifs d’intéressement ou de participation.
Selon moi, pour ces entreprises, il convient de fixer de manière durable le taux du forfait social à 8 %. Sinon, on aura des effets d’aubaine. Je rappelle en effet que les contrats d’intéressement sont renouvelés tous les trois ans. Ainsi, si le système est ensuite soumis à un taux de 20 %, les entreprises renouvelleront une fois leur contrat d’intéressement, puis l’abandonneront.
Pour faire en sorte que ces dispositifs soient durables, il faut laisser le taux à 8 %, en introduisant une différenciation entre les entreprises de 51 à 249 salariés, qui bénéficieraient d’un taux de 16 %, et les entreprises de plus de 250 salariés, qui resteraient à un taux de 20 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles la commission a décidé d’appliquer un taux de 0 % les trois premières années, puis de 8 % les trois années suivantes. Il s’agit d’avoir un dispositif réellement incitatif. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 613 rectifié.
La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement n° 107 rectifié bis, sous réserve qu’il soit modifié. Par souci de simplicité, nous souhaitons, d’une part, conserver une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 et, d’autre part, faire en sorte que les règles applicables à l’intéressement et à la participation s’appliquent aussi aux abondements des employeurs sur un PEE ou un PERCO. Devenu l’amendement n° 107 rectifié ter, le dispositif répond désormais à nos observations. La commission y est donc favorable.
Quant à l’amendement n° 1485 rectifié ter, il dessine une piste intéressante, mais soulève une difficulté : il crée une inégalité permanente de traitement entre les entreprises, d’une part, selon leur taille, et, d’autre part, selon qu’elles ont été ou non vertueuses et volontaristes. Ainsi, les entreprises vertueuses qui emploient moins de cinquante salariés et qui ont déjà mis en place volontairement un accord de participation ou d’intéressement sont assujetties à un taux de 20 %. Or, si cet amendement était adopté, les TPE qui adoptent pour la première fois un régime de participation ou d’intéressement seraient soumises à un taux de 8 % seulement à partir de la quatrième année, pour ainsi dire ad vitam aeternam. On peut créer des incitations et des régimes transitoires, mais il est difficile d’instituer des dispositions aboutissant à une rupture d’égalité permanente entre les entreprises.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 613 rectifié.
Pour les raisons évoquées précédemment, qui tiennent à la fois à l’équilibre budgétaire et à la proportionnalité des avantages donnés, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 107 rectifié ter et 1485 rectifié ter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 613 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 156 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 132 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 107 rectifié ter.
Mme Annie David. Je tiens à répondre à Mme Debré, qui nous a interpellés avec l’assentiment de M. Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. En effet, j’ai applaudi !
Mme Annie David. Vous voyez que je ne dis pas de mensonges.
M. Marc Daunis. Jamais !
M. Jean-Claude Lenoir. Jamais ici !
Mme Annie David. Jamais ici, vous avez raison ! (Sourires.)
Madame Debré, notre position est cohérente. Simplement, comme M. Laurent l’a expliqué il y a quelques instants, nous ne sommes pas d’accord avec votre conception de l’épargne salariale. Nous ne sommes pas d’accord avec vous, mais nous sommes cohérents avec nous-mêmes !
Mon mari, dans l’entreprise où il travaille depuis trente ans, perçoit environ 200 euros par an au titre de la prime d’intéressement et de participation. Je vous rappelle que la participation est bloquée pendant cinq ans ; quant à l’intéressement, mon mari le débloque évidemment dès qu’il le peut, c’est-à-dire chaque année. Cet exemple vous montre, mes chers collègues, que les montants de l’intéressement et de la participation sont très variables selon les entreprises.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
Mme Annie David. Or celle dont je vous parle n’est-elle pas petite, puisqu’elle emploie environ mille salariés sur son site isérois et son site alsacien. Deux cents euros, ma foi, cela nous paie un petit restaurant en famille.
M. Roger Karoutchi. Pas si petit, à ce prix !
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, c’est un bon resto !
Mme Annie David. Sachez que nous sommes quatre, mes chers collègues, car nous avons deux enfants, qui sont grands et qui ont bon appétit ! (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Nous allons tout savoir ! (Nouveaux sourires.)
Mme Annie David. Telle est, mes chers collègues, la réalité de l’intéressement et de la participation dans de nombreuses entreprises. C’est ça, la vraie vie !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1485 rectifié ter.
(L'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen de l’article 40 ter, appelé par priorité.
Nous reprenons donc le cours normal de la discussion des articles.
Articles additionnels après l’article 35 nonies
M. le président. L'amendement n° 106 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux, Deseyne et Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 35 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 2 de l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier, les mots : « , d'une part, occupe moins de 5 000 personnes et qui, d'autre part, » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à élargir le périmètre des sociétés susceptibles de bénéficier de fonds issus du plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.
L’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier dispose que les sommes versées sur ce plan d’épargne en actions peuvent bénéficier à toute entreprise « qui, d’une part, occupe moins de 5 000 personnes et qui, d’autre part, a un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros ».
Le périmètre ainsi défini présente deux inconvénients majeurs. En premier lieu, il fait naître un risque de bulle spéculative préjudiciable aux épargnants individuels et salariés, du fait d’un afflux de capitaux potentiels trop important sur un nombre limité de valeurs liquides éligibles. En second lieu, il entraîne une perte d’opportunités en termes de développement des entreprises de main-d’œuvre respectant le seuil de chiffre d’affaires ou le seuil de total de bilan, mais qui emploient plus de 5 000 salariés. Or notre pays a besoin de ce type d’entreprises, capables de créer de nombreux emplois, même peu qualifiés ; elles doivent donc pouvoir accéder à des sources de financement complémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a déjà rejeté un amendement similaire présenté par M. Gabouty, qui tendait à supprimer le plafond de 5 000 salariés pour l’accès aux sommes collectées sur un PEA-PME, mais en modifiant uniquement les règles du « PERCO plus » institué à l’article 35 nonies. L’amendement n° 106 rectifié bis va plus loin, car il vise à modifier en amont les règles d’affectation du PEA-PME.
L’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier prévoit que le PEA-PME concerne uniquement les titres des entreprises qui occupent moins de 5 000 personnes et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros. La suppression du plafond d’effectifs pourrait être contre-productive pour les PME, dans la mesure où le PEA-PME pourrait servir à acheter des titres de grandes entreprises. Les critères actuels du PEA-PME nous semblent au contraire trop larges et pas assez orientés vers les petites entreprises.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 797, présenté par Mme Canayer, MM. Allizard, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Buffet et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Laménie, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, M. Pellevat, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Savary, Sido, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 35 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3313-2 du code du travail est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« L’accord d’intéressement peut prévoir l’affectation des sommes :
« 1° À des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale remplissant les conditions fixées au titre III ;
« 2° À un compte que l’entreprise doit consacrer à des investissements. Les salariés ont sur l’entreprise un droit de créance égal au montant des sommes versées.
« Les sommes bloquées sur un compte ouvert dans les livres de l’entreprise sont indisponibles pendant cinq ans à compter de leur affectation au compte et rémunérées dans les conditions fixées par décret. Les cas dans lesquels un salarié peut percevoir les sommes affectées à un plan d’épargne salariale ou à un compte courant bloqué sont ceux définis par l’article D. 3324-2.
« Tout accord d’intéressement conclu à partir de la date de promulgation de la loi n° du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques doit être mis en conformité avec le présent article au plus tard le 1er janvier 2017. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à préciser le contenu de l’accord d’intéressement en permettant l'affectation des sommes versées sur un plan d’épargne d’entreprise ou sur un compte bloqué d’entreprise.
Les lois successives portant sur l’épargne salariale et les différentes campagnes de déblocage dites « exceptionnelles » ayant conduit à effacer la logique d’épargne des dispositifs d’intéressement et de participation, comme je l’ai déjà signalé à M. le ministre, il convient de redonner aux dispositifs de la cohérence en même temps que de la stabilité et d’en harmoniser les règles de versement. Dans cet esprit, nous proposons que, à défaut de réponse du salarié, une partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de l’intéressement puissent être fléchées vers un dispositif d’épargne salariale, le plan d’épargne d’entreprise, dès lors qu’il en existe un au sein de l’entreprise considérée.
Par ailleurs, dans la même intention de simplifier l’intéressement et la participation et d’harmoniser leurs règles, les auteurs de cet amendement proposent d’autoriser les salariés qui le souhaitent à placer leur épargne sur un investissement productif, source de croissance et de création d’emplois.
M. le président. L'amendement n° 103 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux, Deseyne et Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 35 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L’article L. 3313-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° Les modalités d’affectation des sommes placées aux plans d’épargne salariale mis en place dans l’entreprise, qui doivent comprendre au moins un plan prévu aux articles L. 3332-1 et L. 3333-1 du présent code. »
II – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’article additionnel que nous vous proposons d’introduire dans le projet de loi prévoit la création obligatoire d’un plan d’épargne d’entreprise ou d’un plan d’épargne interentreprises dans les entreprises où un accord d’intéressement a été conclu. Cette mesure, déjà en vigueur en ce qui concerne la participation, est de nature à accélérer le développement de l’épargne salariale dans les TPE et les PME et à favoriser l’épargne longue nécessaire au financement de l’économie. Vous constatez, mes chers collègues, que j’ai de la suite dans les idées !
Par ailleurs, l’intéressement étant exonéré d’impôt sur le revenu lorsqu’il est versé sur un plan d’épargne d’entreprise, l’absence d’un tel plan empêche les salariés de bénéficier de cette exonération.
Enfin, dans la mesure où l’amendement ne prévoit pas l’obligation pour les entreprises d’abonder le placement de leurs salariés, son adoption n’entraînerait pas pour elles de nouvelles contraintes financières significatives ; il y a bien les frais de tenue de compte, mais ils se limitent à quelques euros par an et par salarié utilisant son plan d’épargne d’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 797 proposent qu’un accord d’intéressement puisse prévoir l’affectation des sommes versées sur un compte courant d’entreprise.
Certes, le COPIESAS a suggéré, dans sa proposition 14, de « rendre possible le versement de l’intéressement sur un compte courant bloqué », en soulignant que les primes de participation peuvent déjà être versées sur un tel compte. Il a toutefois ajouté que les salariés devaient être « informés des risques que peut comporter un tel placement, qui constitue un prêt à cinq ans consenti à l’entreprise ». Il a ainsi conditionné la mise en œuvre de cette proposition à l’instauration d’une garantie des sommes prêtées par les salariés pour le cas où l’entreprise rencontrerait des difficultés de trésorerie ; cette garantie devrait être assurée par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, ou par Bpifrance.
Le COPIESAS a clairement affirmé que, « faute d’un tel mécanisme de garantie, cette solution ne saurait être envisagée ». Or la mise en place d’une garantie de ce type semble aujourd’hui d’autant moins acquise que l’AGS fait face à des difficultés.
Dans ces conditions, la commission est plus que circonspecte à l’égard de l’amendement n° 797, dont, par ailleurs, la rédaction soulève des difficultés, notamment parce qu’elle fait référence à l’article D. 3324-2 du code de travail, qui est une disposition de nature réglementaire. Elle en sollicite donc le retrait.
Quant à l’amendement n° 103 rectifié bis, la commission a déjà rejeté un amendement similaire présenté par M. Gabouty, qui visait à rendre obligatoire la mise en place d’un plan d’épargne d’entreprise ou d’un plan d’épargne interentreprises dans les entreprises ayant conclu un accord d’intéressement.
L’idée est séduisante, mais il faut considérer que l’accord d’intéressement relève d’une initiative volontaire de l’entreprise, alors que la participation est obligatoire dans les entreprises employant au moins cinquante salariés. Suivant les avis qui lui ont été présentés lors des nombreuses auditions qu’elle a organisées sur le thème de l’épargne salariale, la commission n’a pas souhaité imposer de nouvelles contraintes aux entreprises qui s’engagent dans la voie de l’intéressement.
Même si les auteurs de l’amendement n° 103 rectifié bis ont raison de vouloir favoriser la mise en place de plans d’épargne d’entreprise et de plans d’épargne interentreprises, nous avons souhaité maintenir une logique d’incitation et ne pas créer de lourdeurs administratives. En effet, une entreprise peut très bien conclure un accord d’intéressement et verser les sommes directement aux salariés.
De surcroît, 90 % des accords d’intéressement s’accompagnent de la mise en place d’un plan d’épargne d’entreprise, de sorte que cet amendement est largement satisfait dans la pratique.
Pour toutes ces raisons, la commission sollicite son retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Debré, les amendements nos 797 et 103 rectifié bis sont-ils maintenus ?
Mme Isabelle Debré. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 35 decies
I. – L’article L. 3315-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire mentionné au 1° de l’article L. 3312-3 ne demandent pas le versement, en tout ou partie, des sommes qui leur sont attribuées au titre de l’intéressement, ni leur affectation au plan prévu au premier alinéa du présent article, leur quote-part d’intéressement est affectée, pour moitié, dans un plan d’épargne pour la retraite collectif lorsqu’il a été mis en place dans l’entreprise et, pour le solde, dans le plan prévu au même premier alinéa du présent article dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3312-5. Les modalités d’information du salarié sur cette affectation sont déterminées par décret. »
II. – (Non modifié) Le I du présent article est applicable aux droits à intéressement attribués à compter du 1er janvier 2016.
III. – (Non modifié) Pour les droits à intéressement attribués entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017, le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire mentionné au 1° de l’article L. 3312-3 du code du travail peuvent demander le déblocage de leur intéressement dans un délai de trois mois à compter de la notification de leur affectation sur un plan d’épargne salariale dans les conditions prévues au I du présent article. Le cas échéant, les droits correspondants sont calculés sur la base de la valeur liquidative applicable à la date de la démarche de rétractation prévue au même I.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Dans le système de l’intéressement et de la participation, l’intérêt des actifs qui veulent épargner est de disposer de revenus élevés, dont ils peuvent soustraire une partie qu’ils ne consacrent pas à leur consommation ; encore faut-il rappeler cette réalité sur laquelle nous avons déjà plusieurs fois insisté – preuve que nous sommes cohérents : plus de 80 % des salariés français touchent moins de 2 000 euros par mois. Dans le même temps, l’intérêt des rentiers retraités est d’obtenir la meilleure rémunération immédiate de leur capital investi. Ainsi, le système par capitalisation oppose clairement les actifs aux retraités.
Voilà donc que, non content d’avoir opposé sans fondement les salariés aux fonctionnaires en introduisant la capitalisation, on oppose les actifs aux retraités ; opposer les uns aux autres, la technique est bien connue. Comme si cela ne suffisait pas, on persévère de plus belle contre les intérêts de la nation et des assurés sociaux.
La logique globale de la capitalisation tient dans un accroissement continu du capital et dans une progression du rendement de celui-ci. À ce titre, c’est un système qui joue contre la consommation et contre l’emploi. Le prélèvement opéré à un moment donné sur les richesses produites est retiré de la consommation et n’y revient qu’après un circuit long et fortement hasardeux.
Le système par capitalisation est, en effet, plein d’aléas. Les placements opérés en 2000 peuvent ne pas se révéler judicieux quelques années plus tard. Il s’agit bien de confier sa retraite à la Bourse, et cela n’est pas très rassurant si l’on en juge par ses fluctuations permanentes.
Ainsi, la capitalisation peut paraître rentable quand le système monte en puissance, par exemple lorsque la demande d’actifs financiers est importante et que les actifs sont nombreux en période d’épargne capitalisation. À l’inverse, quand les personnes arrivent à l’âge de la retraite, elles ont tendance – c’est bien naturel – à vouloir liquider leur pension et retirer leur épargne. Très logiquement, elles veulent vivre sur leur capital et vont vendre une partie de leurs avoirs, qui sera offerte sur les marchés. Si, alors, il y a moins de jeunes et de revenus pour acheter ces titres, la tendance du marché sera à la baisse. En conclusion, ces titres vont s’effondrer et ni les retraités ni les actifs ne pourront bénéficier des bienfaits supposés de la capitalisation.
Il ressort donc de ce qui précède que le recours à la capitalisation n’empêche pas les effets du fameux « choc démographique » auquel vous vous référez pour l’imposer. La capitalisation n’est efficace, ni pour créer de la solidarité, ni pour répondre aux variations démographiques, ni pour engendrer des revenus. Seule l’augmentation des salaires permettrait réellement de créer de la croissance.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1108, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. Pour les droits à intéressement attribués entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017, le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire mentionné au 1° de l’article L. 3312-3 du code du travail peuvent demander le déblocage de leur intéressement dans un délai de trois mois à compter de la notification de leur position.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement prévoit de redéfinir les conditions qui, selon nous, devraient favoriser la liquidation des plans d’intéressement.
Ainsi, nous proposons de donner la possibilité aux salariés de demander le déblocage de leur intéressement dans un délai de trois mois à compter de leur demande.
M. le président. L'amendement n° 798, présenté par Mme Canayer, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Buffet, Cambon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux, de Legge, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - L'article L. 3315-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3315-2. – Lorsque les sommes attribuées à un bénéficiaire au titre de l’intéressement sont affectées à un plan d’épargne salarial mentionné au titre III ou à un compte courant bloqué, ces sommes sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite d’un montant égal aux trois quarts du plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement précise que toutes les sommes affectées à un PEE ou à un compte bloqué d’entreprise sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite des trois quarts du plafond annuel moyen pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. En effet, la succession de lois portant sur l’épargne salariale ainsi que les différentes campagnes de déblocage dites « exceptionnelles » ont conduit à effacer la logique d’épargne des dispositifs d’intéressement et de participation.
Dans l’objectif de redonner de la cohérence aux dispositifs et d’en aligner les règles de versement, il est proposé, par un autre amendement, que, à défaut de réponse du salarié, une partie des sommes attribuées au salarié au titre de l’intéressement aient la possibilité d’être fléchées vers un dispositif d’épargne salariale, le plan d’épargne entreprise, dès lors que celui-ci a été mis en place au sein de l’entreprise.
Par ailleurs, toujours dans une logique de simplification et en vue d’harmoniser les dispositions de l’intéressement et de la participation, il est proposé de permettre aux salariés qui le souhaitent de placer leur épargne sur un investissement productif, source de croissance et de création d’emplois.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 609 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 879 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Gabouty, Mme Loisier et M. Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Après les mots :
d’intéressement
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
y est affectée dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3312-5. Cet accord précise les modalités d’information du salarié sur cette affectation. À défaut de précision dans l’accord, ces conditions et modalités sont déterminées par décret. »
La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° 609.
M. Claude Raynal. L’amendement du groupe socialiste revient sur deux points du texte adopté par la majorité de la commission spéciale.
Tout d’abord, le fléchage de l’intéressement vers le PERCO nous semble inapproprié, puisque les salariés verront les sommes bloquées jusqu’à leur retraite, c’est-à-dire à une échéance lointaine. Tel n’est pas l’objet de l’intéressement. Il faut rappeler que son objet initial était d’être perçu immédiatement et de participer ainsi au soutien à la consommation. Le blocage ne doit intervenir que pour un temps limité et à partir d’un accord collectif.
Ensuite, l’information du salarié est un élément primordial. Ses modalités doivent être précisées dans l’accord collectif d’entreprise. On ne peut vouloir à la fois développer le dialogue social et le déborder sur l’aspect de la rémunération, qui demeure le fondement de la relation de travail pour l’ensemble des salariés.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 879 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. Dans le cadre du placement par défaut des sommes versées au titre de l’intéressement, la commission spéciale a souhaité flécher une partie de l’intéressement vers le PERCO.
Cette répartition par défaut avait déjà été évoquée lors de la délibération sociale sur l’épargne salariale, ainsi qu’au sein du COPIESAS. Il en est ressorti que non seulement les entreprises, mais également l’ensemble des partenaires sociaux étaient opposés au fléchage par défaut de l’intéressement vers le PERCO, dans la mesure où il s’agit d’un produit de très long terme qui devrait nécessairement relever d’une décision du salarié. En effet, le salarié verrait la moitié des sommes qui lui sont versées au titre de l’intéressement bloquées jusqu’à sa retraite. C’est pourquoi il convient de prévoir que le placement par défaut ne vise que le PEE, ce qui apparaît raisonnable au regard des délais de blocage de cinq ans pour le salarié.
M. le président. L'amendement n° 880 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Aux termes de l’article 35 decies, « pour les droits à intéressement attribués entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017, le salarié et, […], le bénéficiaire […] peuvent demander le déblocage de leur intéressement dans un délai de trois mois à compter de la notification de leur affectation sur un plan d'épargne salariale ». Cette disposition est conçue comme un mécanisme transitoire permettant aux nouveaux bénéficiaires de l’intéressement de se rétracter en cas de placement par défaut sur un PEE des sommes normalement dues au titre de leur intéressement.
En réalité, une telle disposition pose d’innombrables difficultés de gestion aux fonds d’épargne salariale, qui placeront les sommes versées par les salariés par défaut sur les PES. Maintenir pendant deux longues années le principe d’un droit de rétractation des salariés concernés – 8,8 millions de salariés le sont au titre des différents mécanismes existants – est de nature à créer une incertitude de gestion majeure pour les associations de gestion des fonds d’épargne salariale, étant donné les montants en jeu. En 2013, le montant d’épargne salariale déblocable se montait aux alentours de 27 milliards d’euros, sur un encours global de près de 100 milliards d’euros.
Afin de sécuriser au mieux la gestion des fonds d’épargne salariale, il convient de supprimer ce facteur d’incertitude que constitue un tel droit de rétractation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1108 vise à proposer une rédaction entièrement nouvelle de l’article 35 decies. Il supprime donc la mesure essentielle : le versement par défaut de l’intéressement sur un PEE ou un PERCO. Il maintient cependant, sous une forme altérée, le dispositif transitoire offrant un droit au remords pour le salarié.
L’avis est donc défavorable, car l’article 35 decies, qui a été amélioré par la commission spéciale, porte une mesure d’harmonisation utile, favorable à la fois au salarié et à la constitution d’une épargne longue. Quant au dispositif proposé par cet amendement, son objectif est peu compréhensible.
L’amendement n° 798 tend à réécrire l’article 35 decies pour exonérer d’impôt sur le revenu les sommes issues de l’intéressement versées sur un compte bloqué.
La commission sollicite le retrait de cet amendement, qui vise à tirer les conséquences fiscales de l’amendement n° 797, qui vient d’être rejeté par le Sénat, d’autant que son adoption « écraserait » totalement l’article 35 decies.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 609 et 879 rectifié bis, qui visent à revenir sur notre choix d’assurer une parfaite harmonisation entre la participation et l’intéressement.
Dans le silence du salarié, la participation est affectée par moitié au PEE et au PERCO, si ce dernier existe. Dans le droit actuel, l’intéressement est quant à lui versé par défaut au salarié, qui en subit les conséquences fiscales. Le dispositif issu de l’Assemblée nationale prévoyait un versement par défaut au PEE, tout en prétendant réaliser ainsi une harmonisation entre intéressement et participation. Ce n’était en réalité pas le cas. La commission spéciale a réparé cette erreur, et je ne vois pas comment justifier la différence de traitement entre intéressement et participation.
On connaît les réticences que certains peuvent avoir envers le PERCO. Nous croyons quant à nous qu’il s’agit d’un outil utile pour les salariés afin de compléter leur retraite, dans un contexte de baisse tendancielle du taux de remplacement. De plus, ce type d’épargne longue est particulièrement favorable au financement de l’économie.
La rédaction issue de la commission spéciale nous paraît plus vertueuse et plus cohérente avec les autres mesures du présent projet de loi visant au développement du PERCO.
L’amendement n° 880 rectifié bis vise à supprimer la possibilité pour les salariés de demander, pour les droits à intéressement attribués entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017, le déblocage de leur intéressement dans un délai de trois mois à compter de la notification de leur affectation sur un plan d’épargne salariale.
La commission sollicite le retrait de cet amendement. Contrairement à ce qu’indique l’objet de l’amendement, l’incertitude pour les gestionnaires de fonds est limitée : la possibilité de déblocage ne porte que sur l’intéressement de l’année ; de surcroît, elle est limitée à trois mois suivant la notification de l’affectation. Je souligne en outre que cette souplesse transitoire est simplement destinée à accompagner la mise en place du fléchage par défaut de l’intéressement vers le PEE et le PERCO.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement, pour les mêmes raisons que la commission, est défavorable aux amendements nos 1108 et 798.
Il est en revanche favorable aux amendements identiques nos 609 et 879 rectifié bis, qui visent à reprendre les conclusions des travaux du COPIESAS, lequel a décidé de flécher par défaut l’intéressement sur le PEE dans un souci d’harmonisation avec la participation, ce qui me semble aller dans le bon sens.
Ces amendements prévoient que les accords d’intéressement devront préciser les modalités d’information des salariés sur l’investissement, par défaut, de leur intéressement sur le PEE. Ils ne flèchent pas l’intéressement vers le PERCO. À défaut de précision dans l’accord, ces modalités d’information, comme les conditions d’investissement dans le PEE, seront précisées par décret, ce qui permet de garantir l’affectation de l’intéressement.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 880 rectifié bis, même si je pense qu’il est possible de réfléchir à une meilleure fluidité entre les dispositifs. Vous proposez, monsieur Cadic, de supprimer à travers cet amendement l’alinéa de l’article 35 decies prévoyant pour le salarié un droit au déblocage en 2016 ou en 2017, lorsque l’intéressement a été investi par défaut sur un PEE ou un plan d’épargne interentreprises. L’avis défavorable du Gouvernement se justifie par l’équilibre qui a été trouvé, mais nous pourrons de nouveau réfléchir sur cette question lors des travaux à venir évoqués par Mme Debré.
M. le président. Monsieur Bizet, l'amendement n° 798 est-il maintenu ?
M. Jean Bizet. Compte tenu de l’explication fournie par Mme le rapporteur et de l’articulation de cet amendement avec l’amendement n° 797, je le retire, à regret.
M. le président. L'amendement n° 798 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 609 et 879 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 880 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. Je le retire !
M. le président. L'amendement n° 880 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 35 decies.
(L'article 35 decies est adopté.)
Article additionnel après l’article 35 decies
M. le président. L'amendement n° 799, présenté par Mme Canayer, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Buffet, Cambon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon, Commeinhes, Cornu et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa et Genest, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pellevat, Mmes Primas et Procaccia et MM. Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin, Vogel et de Raincourt, est ainsi libellé :
Après l’article 35 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3315-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3315–3. – Lorsque les sommes attribuées par l’entreprise au titre de l’intéressement à un bénéficiaire mentionné au troisième alinéa de l’article L. 3315-1 sont affectées à un plan d’épargne salariale prévu au titre III ou à un compte courant bloqué, ces sommes sont exclues de l’assiette des bénéfices non commerciaux et de l’assiette des bénéfices industriels et commerciaux, dans la limite d’un plafond égal aux trois quarts du plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Cet amendement s'articulant avec les amendements nos 797 et 798, je devine le sort qui lui sera réservé... Il tend à exclure les sommes attribuées au titre de l’intéressement et affectées sur un compte bloqué d’entreprise de l’assiette des bénéfices non commerciaux et de l’assiette des bénéfices industriels et commerciaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s'agit en effet d’un amendement de conséquence de l’amendement n° 797, qui a été rejeté par le Sénat. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 799.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 35 undecies
(Non modifié)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 3324-12 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La fraction de la quote-part affectée dans le plan d’épargne pour la retraite collectif est investie conformément au second alinéa de l’article L. 3334-11. » ;
2° Le second alinéa de l’article L. 3334-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À défaut de choix explicite du participant, ses versements dans le plan d’épargne pour la retraite collectif sont affectés selon cette allocation. »
II. – Le présent article est applicable aux versements effectués sur un plan d’épargne pour la retraite collectif à compter du 1er janvier 2016.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Dans le cadre de l’offensive contre les retraites qui est menée depuis un certain nombre d'années, notamment avec la généralisation des PERCO, vous prenez la responsabilité de créer une nouvelle bulle spéculative. Pourtant, on le sait, les fonds de pension, qu’ils soient individuels ou qualifiés de plans de retraite PERCO, sont une catastrophe pour les retraites. Ils le sont aussi pour l’emploi ; je vous invite à regarder l’émission de France 2, Cash investigation, qui retrace l’histoire de Delsey avec un fonds de pension canadien.
Les sommes que recueillent ces fonds sont jouées en bourse et instaurent une « retraite casino », qui, au cours des vingt dernières années, a réduit à la portion congrue les pensions de millions de salariés japonais, britanniques ou américains au gré de l’éclatement de la bulle immobilière de Tokyo, de faillites de gigantesques entreprises telles que Maxwell, Enron, Worldcom ou Tyco, de l’éclatement de la bulle spéculative sur les nouvelles technologies de l’information et, surtout, du désastre de la dernière crise financière. Certains ont tout perdu !
Le Gouvernement comme le MEDEF ne se soucient manifestement pas du sort des retraités. Ce qui compte, ce sont les profits que les banques et les assurances privées réaliseront grâce au placement de leurs fonds de pension ou autre épargne retraite. Vous ne pouvez plus supporter qu’un champ annuel de plusieurs centaines de milliards d’euros soit laissé à la solidarité, au salaire indirect ! Les groupes privés, comme le fameux groupe Malakoff-Médéric, qui a pour délégué général Guillaume Sarkozy, jouent maintenant des coudes pour s’emparer du magot et déconstruire notre système de retraite par répartition.
Demain, viendra le tour des retraites complémentaires, l’ARRCO et l’ARGIC, que vous voulez faire reculer en laissant, là aussi, une place toujours plus importante aux fonds de pension.
Soyez convaincus que nous continuerons dans cet hémicycle à porter la voix de la gauche et des syndicats, que vous avez délaissés pour suivre le chant des sirènes du MEDEF !
M. le président. L'amendement n° 1109, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 35 undecies, qui introduit un principe d’acceptation tacite du fléchage automatique de l'épargne des salariés vers les PERCO. Ce système de financement va entrer en concurrence avec le régime par répartition et, progressivement, le déséquilibrer, mettant en difficulté de plus en plus de retraités, dont la situation est déjà extrêmement précaire. En effet, le niveau des pensions a baissé, en moyenne, de 10 % en dix ans, et ce processus va s'accélérer.
Loin de constituer un système sûr, le développement obligatoire des PERCO conduira à amplifier ce déséquilibre, avec des conséquences fatales pour le régime de retraite par répartition. L’article 35 undecies n’est qu’une des dispositions du projet de loi destinées à encourager le financement obligatoire des PERCO.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 35 undecies, qui prévoit que les sommes investies dans un plan d’épargne pour la retraite collectif font par défaut l’objet d’une gestion pilotée en fonction de l’âge du salarié.
Or la gestion pilotée en fonction de l’âge est le mode de gestion le plus conforme à l’objet des PERCO et celui qui offre le meilleur rapport rendement-risque. Il est utile d’en faire le choix par défaut. Si le salarié souhaite gérer lui-même son PERCO, il pourra toujours le faire.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’aimerais savoir ce qu’est la « gestion pilotée ».
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est la gestion en fonction de l’âge. Au départ, la personne donne la préférence aux actions, puis elle s'oriente vers des placements moins risqués.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Aujourd’hui, si vous ne faites pas un choix, toutes les sociétés de gestion vous orientent vers des produits monétaires pour acheter des obligations souveraines, autrement dit des obligations d’État.
Cet article propose, à défaut d’un choix explicite, de renvoyer vers la gestion pilotée, c'est-à-dire les actions plutôt que les obligations d’État. Cette prise de risque doit être proportionnée à la capacité de détenir le titre dans la durée. Ainsi, lorsque l’épargne salariale a vocation à être liquidée à court terme, il ne faut pas se surexposer en actions. En revanche, sur le long terme, la détention d’actions a du sens et favorise le financement de l’économie, ce qui est la philosophie du projet de loi.
La gestion pilotée se fait donc de manière automatique : plus vous êtes jeune, plus la pondération de la part en actions est forte, ce qui aide au financement de l’économie, et plus vous prenez de l’âge, plus la part en obligations s'accroît.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je voudrais rassurer mon collègue Bosino : Maxwell, c'était il y a vingt ans. Depuis cette histoire, les choses ont changé au Royaume-Uni. Pour ma part, cela fait vingt ans que j’investis dans une épargne retraite via des fonds de pension au Royaume-Uni.
Comme l’a dit M. le ministre, il appartient à chacun de déterminer son niveau de risque : placement en actions ou en obligations, en Europe, au Royaume-Uni, en Asie du Sud-Est... Chaque personne qui épargne pour sa retraite a la liberté de choisir. Bien souvent, d’ailleurs, avec l’âge, les gens diminuent le risque, mais au moins ils gèrent eux-mêmes leur capital retraite.
Il faut une responsabilisation individuelle. Chacun doit comprendre qu’il décide pour sa retraite. Ce système n'est pas très risqué, contrairement à ce que vous semblez dire. Tout le système repose sur ce principe au Royaume-Uni.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je crains que nous ne venions d’entendre la version pour enfant de cette affaire… Dans la version pour adulte, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les politiques de quantitative easing encouragent un reflux des capitaux des obligations d’État vers les actions. L’investissement n’augmente pas pour autant, c’est la valeur des actions qui augmente ! En langage un peu vulgaire, cela s'appelle de la spéculation.
Bâtir un système de retraite à partir de stratégies spéculatives me paraît un peu risqué. Il n’y a pas si longtemps – c'était vers 2007… –, il y a eu quelques problèmes avec ces stratégies de valorisation des portefeuilles…
M. Roland Courteau. En effet !
M. Pierre-Yves Collombat. Ces problèmes, que nous avons connus en Europe, ont été plus graves aux États-Unis, car les retraités américains ont parfois tout perdu.
Malgré ce qu’on nous explique – la promesse systématique, reconduite d’année en année, d’un mieux qui se fait par ailleurs attendre –, je ne pense pas qu’il faille s'engager dans cette voie.
M. le président. L'amendement n° 1729, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
dans le
par les mots :
au
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est retiré.
M. le président. L’amendement n° 1729 est retiré.
Je mets aux voix l'article 35 undecies.
(L'article 35 undecies est adopté.)
Article additionnel après l’article 35 undecies
M. le président. L'amendement n° 271 rectifié quater, présenté par MM. Dassault, Calvet, Delattre, B. Fournier, Chasseing et Vasselle, Mme Cayeux, M. Saugey, Mme Deromedi, MM. Doligé, Mayet, P. Dominati et J. Gautier et Mme Primas, est ainsi libellé :
Après l’article 35 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3325-1 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si le montant des sommes affectées à la réserve spéciale de participation, augmenté des sommes versées au titre de l’intéressement, est égal ou supérieur au montant des bénéfices distribués aux associés ou aux actionnaires, l’entreprise peut déduire deux fois le montant des sommes portées à la réserve spéciale de participation, augmenté des sommes versées au titre de l’intéressement, au cours de ce même exercice des bases retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu exigible au titre de l'exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés.
« Le montant annuel perçu par chaque salarié, au titre de l’intéressement et de la participation, ne peut pas excéder trois mois de salaire net. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Serge Dassault rappelle, au travers de cet amendement qui lui tient particulièrement à cœur, que la participation des travailleurs aux fruits du travail de leur entreprise était la grande ambition du général de Gaulle. Malgré sa mise en place en 1967, trop peu de chefs d’entreprise en ont compris l’intérêt.
Le présent amendement tend à instaurer une nouvelle formule de calcul de la réserve spéciale de participation permettant de transformer l’esprit de lutte des classes en consensus social dans les entreprises. (Mme Éliane Assassi s'esclaffe.) Cette formule serait optionnelle, avec un avantage fiscal incitatif.
Aujourd’hui, à chaque conflit social, dommageable pour tous, les syndicats critiquent les dividendes distribués aux actionnaires et l’absence d’augmentation des salaires – cela a été fait tout à l'heure. L’amendement tend donc à procurer un avantage fiscal à l’entreprise si le montant des sommes affectées à la réserve spéciale de participation, augmenté des sommes distribuées au titre de l’intéressement, est égal ou supérieur au montant des dividendes distribués aux actionnaires.
Actuellement, la loi permet à l’entreprise de déduire les sommes distribuées aux salariés au titre de la participation ou de l’intéressement des bases retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu pour les entreprises individuelles. Notre collègue Serge Dassault propose de doubler cette réduction si l’entreprise applique la formule de partage des bénéfices proposée. Ainsi, les chefs d’entreprise seront incités à faire profiter chaque salarié des bénéfices de l’entreprise, tout comme les actionnaires, avec un plafond de trois mois de salaire net pour les salariés.
Cette formule est déjà mise en œuvre au sein du groupe Dassault depuis plus de vingt ans. Notre collègue espère ainsi mettre un terme aux affrontements entre capital et travail : le salarié ne travaillerait plus uniquement pour l’entreprise, mais aussi pour lui-même.
L’amendement est bien entendu gagé par une taxe additionnelle aux droits sur le tabac.
Mme Nicole Bricq. Bien entendu…
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Amendement très bien présenté, nous le dirons à Serge Dassault ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans la première version de cet amendement, cher au sénateur Dassault, comme l’a précisé notre collègue Gautier, la formule proposée était rendue obligatoire pour les entreprises. Nous avions objecté qu’une telle mesure n’était pas forcément adaptable à toutes les entreprises et qu’elle était difficile à mettre en place.
M. Dassault a alors déposé un nouvel amendement, que la commission a examiné la semaine dernière et qui a également recueilli un avis défavorable. En effet, même si l’intention de l’auteur est louable, puisqu’il s’agit d’encourager la participation des salariés aux fruits du travail de leur entreprise, l’amendement tendait à renvoyer à un décret le soin de déterminer le montant de la réduction d’impôt et donc de l’impôt incitatif. Le législateur ne pouvant se dessaisir ainsi totalement de sa compétence, une telle disposition encourrait la censure du Conseil constitutionnel.
M. Dassault a corrigé ce défaut en proposant d’inscrire dans le projet de loi l’avantage fiscal auquel peuvent prétendre les entreprises. Je ne peux pas donner l’avis de la commission, puisqu’elle ne s’est pas prononcée sur l’amendement rectifié. Toutefois, à titre personnel, je suis favorable à l’amendement dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est défavorable, pour deux raisons.
Premièrement, il est proposé d’instaurer un seuil qui n’existe pas aujourd’hui, ce qui ne me semble pas une bonne idée.
Deuxièmement, il faut favoriser, comme on est en train de le faire depuis tout à l’heure, les mécanismes d’épargne salariale, qu’il s’agisse de l’intéressement ou de la participation. Or, me semble-t-il, l’adoption de cet amendement, tel qu’il est rédigé, risquerait de les avantager au détriment de l’investissement. En effet, si l’on considère, dans les agrégats comptables, la capacité d’autofinancement et qu’on accorde un avantage fiscal à la partie distribuée, que ce soit aux salariés ou aux actionnaires, le problème est que l’agrégat qu’on pénalise ainsi correspond aux fonds consacrés à l’investissement.
Par conséquent, une telle mesure est quelque peu contradictoire avec le vote d’hier soir sur l’avantage fiscal dont bénéficiera l’investissement productif. Encourager l’investissement est une priorité, qui, j’en suis convaincu, est partagée par tous, mais le mécanisme ici proposé me semble aller à l’encontre de cet objectif.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271 rectifié quater.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 35 duodecies
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 3334-6 du code du travail est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« En outre, si le règlement du plan le prévoit, les entreprises peuvent, même en l’absence de contribution du salarié :
« 1° Effectuer un versement initial dans ce plan ;
« 2° Effectuer des versements périodiques dans ce plan, sous réserve d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés. La périodicité de ces versements est précisée dans le règlement du plan.
« Les plafonds de versement annuel sont fixés par décret.
« Ces versements sont soumis au même régime social et fiscal que les contributions des entreprises mentionnées au premier alinéa du présent article. Ils respectent les dispositions de l’article L. 3332-13. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 35 duodecies procède d’un double mouvement.
D’une part, et sans surprise, quand on examine la question de la « diffusion » du produit PERCO, dont l’encours est encore, depuis sa création en 2003, relativement limité, faute d’accord-cadre dans nombre d’entreprises et de branches pour en favoriser l’essor, on se rend compte qu’elle concerne assez peu les plus petites entreprises, notamment celles comptant moins de cinquante salariés, qui, pourtant, sont les plus nombreuses dans notre pays et qui structurent notre appareil industriel et commercial.
D’autre part, je rappelle que, bien entendu, la mesure a été présentée dans le cadre des travaux du COPIESAS et qu’elle a été défendue notamment par les professionnels de la finance, ainsi que, sans surprise, par le Mouvement des entreprises de France, autrement dit le MEDEF.
Le problème, c’est qu’aucune organisation syndicale représentative de salariés, même la plus ouverte à la négociation collective et la plus modérée, ne veut entendre parler de versements sur l’épargne retraite sans accord des salariés et sans manifestation de la volonté du collectif de travail qu’ils constituent.
Cet article 35 duodecies s’inscrit donc dans cette logique, invisible au premier abord, mais de plus en plus nette au fil de la discussion et que nous refusons.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Comme nous l’avons déjà indiqué, nous voyons dans l’instauration systématique de ces systèmes de retraite une mise en cause profonde et durable du régime de retraite solidaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis est défavorable, puisqu’il est proposé de supprimer l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1734, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
dans
par le mot :
sur
II. – Alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
dans
par le mot :
sur
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 duodecies, modifié.
(L'article 35 duodecies est adopté.)
Article additionnel après l'article 35 duodecies
M. le président. L'amendement n° 1438 rectifié, présenté par M. Delattre, Mme Imbert, MM. Carle, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Vasselle, Mouiller, J. Gautier, D. Laurent, Mayet, Bouchet, Bignon, Milon et Calvet, Mme Mélot, MM. Pierre, Doligé et Laménie, Mmes Gruny et Duchêne, MM. Houel, Trillard et Perrin, Mme Primas et MM. Leleux, Cardoux et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l'article 35 duodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du 1 de l’article 283 du code général des impôts, après le mot « imposables », sont insérés les mots : « auprès du consommateur final ».
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Cet amendement déposé par notre collègue Delattre vise à rappeler que, au quotidien, l’entreprise mobilise des ressources considérables pour avancer à l’État le montant dû par le consommateur final.
Le dispositif engendre un manque à gagner pour l’État, le système de collecte permettant en effet à des opérateurs peu scrupuleux d'effectuer des opérations d’enrichissement sans cause en jouant sur la TVA.
Le présent amendement vise par conséquent à supprimer la TVA interentreprises afin que la collecte ne se fasse plus en amont, c’est-à-dire au fil de la chaîne verticale, mais a posteriori, uniquement sur la vente du produit final.
Supprimer la TVA interentreprises serait positif pour plusieurs raisons : les circuits complexes seraient supprimés et le nombre d’intermédiaires réduit.
Cet amendement est par ailleurs conforme au droit communautaire, qui autorise cette suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, car son adoption remettrait en cause les fondements mêmes de la TVA.
Le dispositif de la TVA repose sur le mécanisme dit du « paiement fractionné ». La collecte est ainsi effectuée par les entreprises tout au long de la chaîne de production. En contrepartie, celles-ci ont la faculté de déduire la TVA qui a grevé les biens et services nécessaires à leur activité.
La modification proposée par nos collègues tendant à mettre en place un mécanisme d’autoliquidation généralisée nécessiterait une réforme d’ampleur de l’ensemble du dispositif de la TVA.
Par ailleurs, le dispositif proposé me semble, en l’état actuel, contraire au droit communautaire, dans la mesure où il entre en contradiction avec le principe d’acquittement de la taxe par le fournisseur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gautier, l’amendement n° 1438 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Gautier. J’ai bien entendu le message de Mme la rapporteur et de M. le ministre. Par conséquent, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 1438 rectifié est retiré.
Article 36
(Non modifié)
I. – À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3314-9 du code du travail, les mots : « dernier jour du septième mois suivant la clôture de l’exercice produit des intérêts calculés au taux légal » sont remplacés par les mots : « premier jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice produit un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux fixé à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ».
II. – Aux première et dernière phrases du premier alinéa de l’article L. 3324-10 du même code, les mots : « de l’ouverture de ces droits » sont remplacés par les mots : « du premier jour du sixième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont nés ».
III. – Les I et II sont applicables aux droits à intéressement et à participation des salariés aux résultats de l’entreprise attribués au titre des exercices clos après la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 1110, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Le présent article a pour objet de fixer une date limite unique pour le versement des primes d’intéressement ou de participation, à savoir le dernier jour du cinquième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont attribués.
Pour ce qui concerne l’intéressement, le I du présent article tend ainsi à modifier l’article L. 3314-9 du code du travail de manière à ce que celui-ci dispose que « toute somme versée aux bénéficiaires en application de l’accord d’intéressement au-delà du premier jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice produit un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux fixé à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ».
Tout cela paraît technique, mais les conséquences sont bien concrètes. Ce taux est le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées publié par le ministère de l’économie.
Pour ce qui concerne la participation, le II du présent article fixe au premier jour du sixième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont nés la date de départ du délai de cinq ans durant lequel les sommes dont le versement n’a pas été demandé par le salarié sont indisponibles. Le déclenchement d’intérêts de retard resterait défini au niveau réglementaire.
Dans la pratique, les cas de retard de paiement sont extrêmement rares. En revanche, il arrive que la prime d’intéressement ne soit pas toujours aussi généreuse qu’attendu et, souvent, que la formule de calcul employée conduise à la remettre en cause.
Le fait de ne pas retenir le taux d’intérêt légal semble bienvenu dans l’absolu compte tenu du niveau actuel de ce taux, qui se situe, si je ne m’abuse, aux alentours de 0,04 % ou de 0,06 %, signe patent de la déflation qui affecte les économies européennes.
Cela étant, comme nous l’avons indiqué, la précaution prise par l’article 36 est pratiquement inutile. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 36, qui vise à harmoniser les délais de versement de la participation et de l’intéressement, ainsi que le taux d’intérêt éventuellement dû par l’employeur en cas de retard.
L’avis de la commission est défavorable. L’article 36 comporte une mesure d’harmonisation et de simplification. En outre, le taux d’intérêt de retard retenu est plus favorable pour les salariés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1730, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Supprimer les mots :
la fin de
2° Remplacer les mots :
premier jour du sixième
par les mots :
dernier jour du cinquième
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Article 36 bis
(Non modifié)
L’article L. 3322-9 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2017 » ;
1° bis Au deuxième alinéa, après le mot : « branche », sont insérés les mots : « mentionnées à l’article L. 3323-6 » et les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 3322-6 » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, l’année : « 2007 » est remplacée par l’année : « 2016 ».
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. À en croire les auteurs de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, la négociation de branche sur la participation serait un long et difficile exercice.
Il y a plusieurs années qu’un cycle de négociation a été ouvert aux fins d’avancer sur la voie des accords de branche en matière de participation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise.
Le rapport nous rappelle à juste titre que, au sein des très nombreux accords collectifs issus de la négociation sociale, seuls dix-sept avenants relatifs à la participation ont été signés depuis la date initialement retenue à cet effet, c’est-à-dire depuis 2006. Ce sont donc dix-sept avenants qui ont été signés dans les branches, la plupart des 33 000 accords signés l’ayant été au niveau d’une entreprise, voire d’un établissement d’entreprise.
Les accords de participation n’ont donc pas retenu l’attention des négociateurs au niveau des branches, lesquels devaient sans doute, entre sécurité au travail, conditions de salaire, lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes salariées, etc. avoir d’autres sujets bien plus urgents à traiter.
Il faut aussi se souvenir que de tels accords ne sont a priori obligatoires que pour les entreprises de plus de cinquante salariés – cela a été rappelé – et que dans certaines branches d’activité, ils ne sont pas légion.
Rien d’étonnant par conséquent à ce que les règles de branche n’aient connu d’avenant que dans les branches d’activité où les entreprises, comme les salariés, sont déjà familiarisées avec la question. Et encore la plupart du temps les avenants se contentent-ils de conseiller aux entreprises de respecter les attentes de leurs salariés et de n’exercer aucune pression pour les contraindre à choisir tel placement plutôt que tel autre, sans doute en raison de l’existence du lien de subordination…
Le fait d’offrir un délai supplémentaire aux branches qui n’ont pas encore passé d’avenant ne changera fondamentalement pas grand-chose. De notre point de vue, il convient donc de supprimer le présent article, qui ne prévoit que la mise en place d’un nouveau laps de temps sans garantie de la moindre efficacité pour la passation d’accords qui n’intéressent pas forcément beaucoup de salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 36 bis oblige les branches professionnelles à négocier un accord de participation avant le 30 décembre 2017, cet accord pouvant ensuite être directement appliqué par les entreprises.
Les auteurs du présent amendement considèrent qu’il s’agit d’accords « au rabais ». Je ne partage pas du tout cette analyse : un accord de branche est aussi légitime et pertinent qu’un accord d’entreprise. En outre, le droit actuel autorise la conclusion d’accords de participation au niveau de la branche.
Sur mon initiative, la commission spéciale a inséré dans le projet de loi l’article 36 ter, qui décline la même logique que l’article 36 bis pour les accords d’intéressement.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 36 bis.
(L'article 36 bis est adopté.)
Article 36 ter (nouveau)
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre III de la troisième partie code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 3312-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute entreprise employant moins de cinquante salariés peut bénéficier d’un dispositif d’intéressement conclu par la branche. » ;
2° La seconde phrase de l’article L. 3312-8 est supprimée ;
3° Il est ajouté un article L. 3312-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 3312-9. – Un régime d’intéressement, établi selon les modalités prévues aux articles L. 3312-1 à L. 3312-4, est négocié par branche, au plus tard le 30 décembre 2017. Il est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche.
« Les entreprises de la branche mentionnées à l’article L. 3312-8 peuvent opter pour l’application de l’accord ainsi négocié.
« À défaut d’initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2016, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 881 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 1111 est présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 881 rectifié bis.
M. Olivier Cadic. La commission spéciale a prévu que les branches doivent négocier un accord d’intéressement avant le 31 décembre 2017. À défaut d’une initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2016, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative.
L’article 36 ter inséré dans le présent projet de loi par voie d’amendement par la commission spéciale se veut le pendant du régime de la participation, qui, lui, est obligatoire, notamment de l’article 36 bis, qui prévoit de relancer la négociation de branche en matière de participation.
Mais dans la mesure où l’intéressement est un dispositif dont la mise en œuvre n’est soumise à aucune obligation, il ne semble pas pertinent de mettre en place une telle obligation de négociation, qui s’apparente fort à une obligation de résultat. Une telle mesure semble d’autant plus contestable qu’elle porte sur un dispositif dont l’utilité est de s’adapter aux spécificités de l’entreprise, lesquelles ne peuvent donc pas être généralisables à l’ensemble d’une branche professionnelle.
C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer cet article. Et pour une fois, c’est moi qui demande à la commission spéciale de faire preuve de sagesse en acceptant cette suppression. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 1111.
Mme Éliane Assassi. L’article 36 ter a été inséré dans le présent projet de loi par le biais d’un amendement de la commission spéciale et participe des tentatives récurrentes de développement des formes atypiques de rémunération, conditionnées par les résultats et la profitabilité de l’entreprise. Il vise à permettre l’établissement d’un régime d’intéressement au niveau de la branche.
L’objectif affiché est prétendument d’encourager le développement de l’intéressement dans les plus petites entreprises. Cependant, nous voyons deux inconvénients à ce dispositif.
Premièrement, dans la mesure où, il faut le rappeler, les accords de branche relatifs aux salaires aboutissent rarement, un tel accord en matière d’intéressement a également peu de chances d’être conclu. Dans ces conditions, il est difficile d’envisager l’extension des négociations de branche aux accords d’intéressement.
Deuxièmement, la branche est le niveau de négociation des salaires ; en en faisant le niveau de négociation de l’intéressement, la majorité et le Gouvernement entretiennent la confusion entre salaire et intéressement, autrement dit entre salaire et éléments accessoires de la rémunération.
Une telle démarche ne nous semble pas innocente : elle contribue à la dévalorisation du travail et à la déresponsabilisation des employeurs, particulièrement des grandes entreprises, face à la question salariale.
Faire croire aux salariés qu’ils trouveraient avantage dans la possibilité de négocier des accords d’intéressement au niveau de la branche est un leurre : d’une part, parce qu’il ne s’agit que d’une faculté et que cette disposition n’a rien de contraignant ; d’autre part, parce que, nous le savons, le rapport de force au sein de la branche est moins favorable aux salariés que dans l’entreprise.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 36 ter, qui, permettez-moi de le rappeler, faisait partie des propositions formulées par le COPIESAS. Toutefois, particularité essentielle, cette proposition ne faisait absolument pas l’unanimité parmi les partenaires sociaux et ne semblait intéresser véritablement que les personnalités qualifiées issues du monde de l’épargne et de la finance, motif supplémentaire de notre demande de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il convient de lever plusieurs malentendus et incompréhensions, afin de répondre aux inquiétudes des auteurs de ces amendements.
Premier point, l’article 36 ter, qui prévoit que les branches négocieront des accords d’intéressement, n’est pas une innovation radicale, car il reprend à l’identique le dispositif figurant à l’article 36 bis pour les accords de participation, dispositif introduit dans notre législation par la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.
L’article 36 bis actualise ce dispositif qui date de 2007 pour les accords de participation. On ne peut donc pas d’un côté soutenir ce dernier article, qui concerne les accords de participation, et, de l’autre, s’opposer à l’article 36 ter, qui vise les accords d’intéressement : ce sont exactement les mêmes règles qui s’appliquent !
Deuxième point, les branches qui refuseront de négocier un accord d’intéressement ne seront pas sanctionnées ; par conséquent l’article 36 ter ne constitue pas une entrave à la liberté des partenaires sociaux.
Il ne faut pas confondre une obligation de négocier dans les branches avec le champ de la négociation préalable obligatoire prévue par l’article L. 1 du code du travail. Ni l’article 36 bis ni l’article 36 ter ne rentrent dans le champ de l’article L. 1, qui, je le rappelle, oblige le Gouvernement à demander aux partenaires sociaux s’ils souhaitent engager une négociation nationale interprofessionnelle avant de présenter un projet de loi portant sur les principes du droit du travail, de la politique de l’emploi ou de la formation professionnelle.
Troisième point, les entreprises resteront libres d’appliquer ou non l’accord d’intéressement. L’alinéa 7 de l’article 36 ter est très clair sur ce point : les entreprises « peuvent opter » pour l’application de l’accord négocié par la branche.
Quatrième point, l’article 36 ter reprend fidèlement la proposition 8 du COPIESAS ainsi formulée : « En deçà d’un effectif de 50 salariés, un chef d’entreprise pourrait mettre en place un intéressement par décision unilatérale. La branche professionnelle lui fournirait alors un dispositif "clé en main", négocié avec les partenaires sociaux de la branche. »
Au cours des auditions, nous avons rencontré des représentants de fédérations professionnelles dont les petites entreprises adhérentes seraient intéressées par ce dispositif clé en main qui leur facilitera les choses, tant il est vrai qu’il ne leur est pas toujours loisible de disposer d’un personnel à même de mettre en place un tel type d’accord. Quant aux entreprises qui souhaiteraient mettre en place un dispositif qui leur soit propre, elles pourront toujours le faire.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 881 rectifié bis et 1111.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1582, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable. Je remercie le Gouvernement de son soutien à cet article introduit dans le projet de loi par la commission spéciale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 36 ter, modifié.
(L'article 36 ter est adopté.)
Article 36 quater (nouveau)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 3322-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Lorsqu’une entreprise ayant conclu un accord d’intéressement vient à employer au moins cinquante salariés, les obligations de la présente section ne s’appliquent qu’au troisième exercice clos après le franchissement du seuil d’assujettissement à la participation, si l’accord est appliqué sans discontinuité pendant cette période. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 1659, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Sous couvert de souplesse, l’article 36 quater, inséré dans le présent projet de loi par la commission spéciale, suspend pendant trois ans l’obligation de conclure un accord d’intéressement pour une entreprise disposant déjà d’un accord, lorsqu’elle franchit le seuil de cinquante salariés.
Il prend à l’évidence sa place dans un cocktail de mesures qui visent tout à la fois à réduire le dialogue social et à faire dépendre davantage les revenus des salariés des résultats financiers de l’entreprise, en les associant à la recherche de la rentabilité.
En supprimant la négociation sur l’intéressement, la commission spéciale s’emploie à empêcher les salariés de poser une question simple : pourquoi serait-il possible de distribuer du revenu sous forme d’actions alors que ce serait exclu sous forme de salaire ?
Monsieur le ministre, hormis la compensation financière, vous soutenez la disposition proposée par la commission spéciale. Le Gouvernement devrait faire le choix de promouvoir les droits des salariés : les mêmes droits quelle que soit la taille de l’entreprise. Chaque salarié doit avoir la possibilité d’être entendu, le droit à des représentants élus, le droit de se syndiquer, le droit aux informations et aux consultations sur l’activité économique.
Pour ce qui nous concerne, nous refusons cette logique. C’est tout le sens de notre amendement de suppression de l’article 36 quater.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a inséré cet article 36 quater dans le projet de loi afin de dispenser pendant trois ans de l’obligation de mettre en place un régime de participation les entreprises vertueuses qui ont déjà conclu un accord d’intéressement et qui franchissent le seuil de cinquante salariés. Pourquoi trois ans ? Parce que c’est en règle générale la durée de validité d’un accord d’intéressement.
Je rappelle que cet article transcrit la proposition 3 du rapport du 26 novembre 2014 du COPIESAS qui allait même plus loin, car la période de souplesse était de cinq ans au maximum.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1584, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 36 quater, modifié.
(L'article 36 quater est adopté.)
Article 37
(Non modifié)
À l’article L. 3332-3 du code du travail, après le mot : « personnel », sont insérés les mots : « , dans les conditions prévues à l’article L. 3322-6 ».
M. le président. L'amendement n° 1731, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant les mots :
dans les conditions
insérer le mot :
conclu
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 37, modifié.
(L'article 37 est adopté.)
Article additionnel après l'article 37
M. le président. L'amendement n° 1498, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 3322-2 du code du travail est ainsi rédigée :
« Les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices, garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise au titre du troisième exercice. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit, par cet amendement, de permettre aux entreprises d’anticiper l’assujettissement à la participation en leur permettant d’apprécier la condition d’effectif de cinquante salariés sur trois exercices au lieu d’un seul.
Cette mesure de lissage est cohérente avec l’accord national interprofessionnel de 2013, transcrit dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à prévoir des règles d’assujettissement identiques pour le comité d’entreprise et la participation. Son adoption facilitera la vie des entreprises.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 37.
Article 37 bis A
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 3332-17 du code du travail est complété par les mots : « ou par un organisme de placement collectif immobilier relevant du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du même code ».
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à supprimer l’article 37 bis A qui prévoit, dans un projet de loi consacré à la croissance et à l’activité, de favoriser en quelque sorte la spéculation.
Dans leur grande générosité, les entreprises proposent désormais aux salariés d’affecter une part de leur salaire, fruit de leur travail, dans des plans d’épargne entreprise. Une partie de ces sommes recueillies est ensuite affectée à l’acquisition de parts de fonds monétaires et financiers.
Ces plans d’épargne entreprise ouvrent enfin aux salariés la possibilité d’acquérir des titres émis par des sociétés. Cette spéculation des entreprises réalisée avec l’argent des salariés est d’un cynisme absolu. Nous combattons le capitalisme – cela ne vous a pas échappé, mes chers collègues –, et nous mesurons à quel point cette spéculation est impossible dans un tel système qui cherche en permanence des solutions à ses propres contradictions.
Il nous est proposé d’adopter un article qui étend la possibilité d’acquérir les fonds de placement des organismes de placement collectif immobilier. Mais comment pouvez-vous croire, mes chers collègues, que les Français demandent aujourd’hui de pouvoir placer leur argent dans des fonds de placement immobilier ? En l’espèce, nous sommes aux antipodes de leurs attentes, aux antipodes des conceptions de gauche, aux antipodes, enfin, de l’investissement et de la relance. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 37 bis A, qui permet d’améliorer les conditions d’allocation d’actifs des fonds communs de placement d’entreprise. La commission y est défavorable. Je relève, par ailleurs, que l’objet du présent amendement ne porte pas sur les dispositions de l’article 37 bis A…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Si j’ai bien compris, les salariés détenant de l’épargne peuvent investir dans des sociétés immobilières, qui sont destinées au logement social. (Sourires.)
M. Jean Desessard. C’était une plaisanterie ! En réalité, ces sociétés vont rechercher le plus large profit, et l’épargne salariale ainsi investie favorisera la rentabilité maximale plutôt que l’achat ou la vente d’immobilier. Il faut vraiment que l’on m’explique : on se plaint des prix trop élevés des logements, on dit qu’il faut favoriser l’accession au logement, grâce notamment au livret A qui finance le logement social, et développer le logement intermédiaire, et, parallèlement, on autorise les salariés à se livrer à la spéculation immobilière, qui devrait être encouragée… On en arrive tout de même à de drôles de contradictions. Quel est le fil conducteur ? Peut-être y verrons-nous plus clair un peu plus tard, mais pour l’instant, c’est assez bizarre.
Évidemment, du point de vue de la justice, rien ne justifie que le salarié ne puisse pas gagner un peu d’argent. Néanmoins, c’est le même salarié qui rencontrera des difficultés pour se loger.
Pourquoi n’a-t-on pas favorisé davantage l’accès au livret A ou décidé de créer un « livret A’ » – soyons créateurs ! – dédié au logement intermédiaire ? Nous aurions pu retenir un dispositif différent tout en gardant l’esprit de l’aide au logement social et au logement intermédiaire, pour que cesse enfin la spirale infinie de l’augmentation des loyers et des prix des logements.
On ne peut pas déplorer la diminution du pouvoir d’achat de nos concitoyens et ne rien faire en la matière, car, dans les zones urbaines, on le sait pertinemment, le loyer est le poste le plus important des dépenses des ménages.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. On a vraiment perdu la mémoire ! On sait ce que la spéculation immobilière et la possibilité de financer l’investissement, les retraites, etc. avec des titres immobiliers ont donné avant 2007 aux États-Unis !
Je me souviens, mais peut-être que ce n’est pas le cas du côté droit de cet hémicycle, de ce candidat à l’élection présidentielle de 2007 expliquant que, si la France était en retard, c’était parce que, à la différence des États-Unis, elle ne disposait pas des prêts hypothécaires rechargeables. Pourtant, cette pratique a bien été à l’origine de la crise.
J’ai vraiment l’impression qu’on a complètement oublié ce qui s’est passé depuis quelques années : on propose de nouveau les mêmes types de recettes pour relancer l’économie. C’est assez ahurissant !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Pour éviter d’alimenter les craintes, revenons-en aux faits.
De quoi s’agit-il ? L’épargne salariale relève d’un mécanisme d’abondement qui est défini dans le cadre d’un accord conclu au sein de l’entreprise et dont les modalités ont été précisées. Elle est allouée à un fonds et nous avons évoqué précédemment ses règles de gestion.
M. Jean Desessard. Actions, obligations, pilotage ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. Emmanuel Macron, ministre. Gestion pilotée ; je vois que nous nous retrouvons, monsieur Desessard.
Parallèlement, il faut que les classes d’actifs concernées permettant d’obtenir un rendement soient les plus larges possible. En effet, pour placer cet argent en vue du meilleur rendement, l’action… (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Je vais reprendre votre argumentation, car vous avez pris le problème à l’envers, monsieur le sénateur.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit de la sécurité des placements !
M. Emmanuel Macron, ministre. Tout à fait, mais si on veut la sécurité absolue, il faut tout placer en obligations. Dans ce cas, ne me demandez pas demain comment on finance notre économie française, ce sera impossible, sauf avec des fonds propres provenant de l’étranger, c’est-à-dire de personnes qui ont pris des risques. C’est bien cela qui différencie d’ailleurs le capitaliste du salarié.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour vous, investir et spéculer, c’est pareil !
M. Emmanuel Macron, ministre. Mais non, vous faites une grave confusion ! (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
M. le président. Mon cher collègue, veuillez laisser M. le ministre s’exprimer !
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, vous faites une grave confusion dans votre approche de l’immobilier ; j’y reviendrai.
Revenons aux bases. Si je veux financer la production de cette montre (M. le ministre brandit sa montre), il va falloir acheter des matériaux et payer des salariés pour la fabriquer. Je vais donc injecter de l’argent en vue de la réalisation de ce projet.
M. Jean Desessard. C’est l’action !
M. Emmanuel Macron, ministre. Toutefois, je prends un risque, celui que personne n’achète cette montre, que les matériaux soient déficients, que la production soit médiocre, etc. Par conséquent, tout financement d’un actif crée un risque. Mais ce n’est pas spéculer !
M. Pierre-Yves Collombat. Ça dépend du temps de l’investissement !
M. Emmanuel Macron, ministre. Spéculer, c’est prendre des risques répétés et rapides !
Par conséquent, financer l’immobilier, des entreprises, ce n’est pas spéculer. Sinon, vous ne financerez jamais le risque.
Je le répète, quand vous financez de manière artificielle, rapide, en cherchant un profit de court terme, là, vous spéculez. C’est très différent !
Mme Nicole Bricq. L’immobilier, ce n’est pas du court terme !
M. Emmanuel Macron, ministre. Si vous confondez tout, on ne s’en sortira jamais ! Ou plutôt, la conclusion est simple : on ne peut plus financer l’économie.
Monsieur Desessard, pour avoir une gestion la plus diversifiée possible, il est nécessaire d’avoir toutes les classes d’actifs, à savoir les actions, les obligations et l’immobilier. En effet, l’immobilier a aussi besoin de financements, pour relancer le logement intermédiaire, dont on a largement parlé, ou le logement libre comme le logement social. Or les investisseurs institutionnels s’emparent insuffisamment de cette classe d’actifs, qui est pourtant utile ; toute la discussion que Mme Lienemann et moi-même avons eue avant-hier a porté sur cette question. Par conséquent, il est normal que l’argent de l’épargne salariale comme celui de l’assurance vie soit investi sur ces catégories d’actifs, d’autant que leurs critères en termes de durée et de rendement sont très différents de ceux des actions ou des obligations.
En résumé, pour avoir une gestion qui prenne en compte les intérêts à la fois du bénéficiaire de cette épargne et du financement de l’économie, elle doit pouvoir être ouverte au financement de l’immobilier, ce qui est une bonne chose.
Le financement de l’immobilier en France s’effectue de plusieurs façons.
Le logement social est effectivement financé grâce à l’épargne des Français, au livret A. Cette épargne est gérée et bénéficie d’un avantage fiscal. Elle est donc bonifiée. L’argent est centralisé par la Caisse des dépôts et consignations puis mis à disposition des différents acteurs du logement social.
Si vous regardez les masses disponibles, vous constatez que l’argent ne manque pas, contrairement aux projets. Au demeurant, il existe un dispositif fiscal bien plus généreux que celui dont nous discutons. C’est tout à fait normal et cela répond à une priorité du Gouvernement : le logement social.
Le logement intermédiaire comme les programmes de logement libre ont besoin d’investisseurs. Si l’on veut que notre économie continue à fonctionner et reparte de plus belle, il faut développer les investissements dans ce secteur, en dégageant de la rente foncière, ce qui entraînera une diminution des coûts, en faisant revenir les investisseurs institutionnels et en exposant à ce risque de manière raisonnée les investisseurs. Il s’agit d’une véritable classe d’actifs. Son élargissement à l’épargne salariale est positif.
Monsieur Collombat, vous avez fait une confusion. Pour vous, investissement signifie spéculation, et immobilier signifie crédit crunch, surfinancement et crédit hypothécaire à risque, comme ce fut le cas en 2007. Mais il ne s’agit pas du tout d’un financement en dette : il s’agit d’un investissement en fonds propre dans le secteur du logement ! Des banques ne vont pas octroyer des crédits à gogo ou procéder à la titrisation de mauvais actifs liés à l’immobilier. Il faut faire preuve d’un peu de rigueur quand on veut agiter les peurs !
En revanche, j’affirme que vous aurez besoin, pour faire fonctionner l’économie, vos territoires, de financer de l’immobilier en injectant des fonds propres.
Néanmoins, dans certaines économies, en particulier anglo-saxonnes, le risque immobilier a parfois été excessif : les prix se sont envolés, devenant totalement déconnectés des valeurs réelles, et l’immobilier a été financé à l’excès par de la dette. Du fait du rapport entre les fonds propres et la dette mise sur ces actifs, ceux-là sont devenus à risque. Ensuite, quand la bulle a explosé et que les taux sont repartis, évidemment, le risque qui avait été diffusé a explosé dans la main de celles et ceux qui le détenaient. Le problème n’était pas lié au financement en fonds propres de ce secteur. C’est très différent !
Cela étant, je partage le souci constant de réguler correctement le secteur de l’immobilier. Quand on regarde aujourd’hui les ratios, on s’aperçoit qu’on est très loin d’un risque s’apparentant à une bulle en France ou en Europe.
La sous-évaluation concerne plutôt les risques souverains en termes de dette que les actifs immobiliers.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1113, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3334-5-1 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. L’article 37 bis A, dans la droite ligne de celui qui le précède, permet d’employer les actifs des fonds d’épargne d’entreprise à l’acquisition de parts d’organismes de placement collectif immobilier, les OPCI, ce, bien entendu, sans tenir compte de l’avis des salariés.
Gardons à l’esprit que les OCPI ont la particularité de vendre ce que l’on appelle de la « pierre papier ». Il s’agit, en d’autres termes, d’instruments de titrisation de biens immobiliers à raison du capital investi.
Avec des parts d’OPCI comme avec des parts de société d’investissement à capital variable, les SICAV, ou de fonds communs de placement, l’on n’acquiert pas un bien en tant que tel : on ne fait qu’acheter une part de la valeur en capital dont ce bien est porteur. Ce n’est pas tout à fait la même chose !
Certes, le but visé peut sembler louable. Toutefois, nous sommes en droit de nous interroger quant à cette extension de la mobilisation de l’épargne salariale aux biens immobiliers.
À nos yeux, la participation des fonds d’épargne salariale à l’activité des OPCI conduirait, dans un premier temps, à éponger des déficits de promoteurs et entrepreneurs aux prises avec leurs stocks de logements invendus ou en déshérence : ce serait, somme toute, un moindre mal…
Puis, dans un second temps, le bien serait valorisé en devenant un logement mis à la disposition d’un organisme locatif quelconque, comme une filiale d’entreprise sociale pour l’habitat ou un office d’HLM – nous avons évoqué cette question en début de semaine. En quelque sorte, cette méthode reviendrait à développer le logement intermédiaire en vampirisant les aides publiques à la construction, dans la mesure où celles-ci seraient totalement fongibilisées. De tels logements pourraient être construits n’importe où. Cette offre pourrait notamment être développée là où l’on pourrait avoir temporairement besoin de quelques logements disponibles.
Dans le rapport du COPIESAS, l’acquisition de parts d’OPCI figure, elle aussi, parmi les propositions du MEDEF : ce n’est sans doute pas anodin.
Il s’agit une nouvelle fois de détourner l’argent des salariés pour accompagner les stratégies de certaines entreprises et toutes leurs conséquences – je songe en particulier aux mutations géographiques plus ou moins forcées.
Je rappelle que, dans certains groupes de la métallurgie, de telles logiques d’organisation ont bien souvent conduit à des déplacements divers et variés de salariés entre les différentes unités. À nos yeux, les salariés doivent avoir leur mot à dire !
M. le président. L'amendement n° 516 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1732, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
relevant du
par les mots :
mentionné au
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1113.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1732 est rédactionnel, monsieur le président.
Quant à l’amendement n° 1113, nous n’allons pas rouvrir le débat qui vient de s’achever : la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1113 et un avis favorable sur l’amendement n° 1732.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je vous en prie, ne nous prenez pas pour des demeurés !
M. Robert del Picchia. Oh, monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. On le sait très bien : actuellement, du fait des baisses de taux que connaissent les emprunts d’État, un certain nombre d’investisseurs institutionnels font face à une situation délicate. Leurs placements ne bénéficient plus des mêmes rendements qu’autrefois.
M. Jean-Pierre Bosino. Exactement !
M. Pierre-Yves Collombat. Pour l’État, cette situation est appréciable. Mais, pour ces investisseurs, les problèmes commencent à devenir sérieux…
Peut-être s’agit-il d’un hasard ? On suggère désormais d’autoriser ces institutionnels, ou du moins ceux qui mènent une gestion de bon père de famille,…
M. François Pillet, corapporteur. Les bons pères de famille ? Mais ils n’existent plus !
M. Pierre-Yves Collombat. … à investir ailleurs. On ne peut s’empêcher de penser que ces propositions ont une dimension conjoncturelle.
Par ailleurs, vous me reprochez de confondre la spéculation et l’investissement. Mais quelle est la durée moyenne de détention d’une action ? Je n’ai plus en tête l’évaluation exacte, mais elle est inférieure à l’année voire au mois !
Quand on parle de capital et d’investissement, on a toujours à l’esprit le modèle en vigueur pour les petites entreprises : celui du particulier qui dépose de l’argent pour longtemps dans une société, afin de l’y laisser prospérer.
Si, grâce aux dispositifs que vous souhaitez mettre en œuvre, cette épargne peut être employée pour alimenter l’investissement dans des entreprises de cette nature, l’on ne peut qu’être d’accord avec vous. A contrario, s’il s’agit simplement de permettre un rendement maximal, ce qui suppose le perpétuel mouvement des investissements, souffrez qu’on ne le soit plus !
Peut-être le système que vous défendez présente-t-il toutes les garanties nécessaires – dans ce cas, cet aspect m’a échappé… Peut-être investira-t-on l’intégralité de ces sommes pour financer des productions concrètes, que sais-je, des montres par exemple. Soit ! Mais, je le répète, si le but est uniquement de permettre la rentabilité maximale en « surfant » sur les cours, ne le faites pas avec ce type de fonds.
Voilà ma position ! Je ne vois pas ce qu’elle peut avoir d’irréaliste, en quoi elle méconnaîtrait les réalités telles qu’elles sont. Là est la confusion, peut-être même l’escroquerie : aujourd’hui, le fait d’investir est, pour une large part, devenu synonyme de la capacité à jongler avec les cours de la bourse… Admettez que cette pratique ressemble étrangement à de la spéculation.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, nous sommes ici au cœur d’un important débat, et nous serions heureux que la réalité soit telle que vous la voyez : qu’à travers le monde, les entreprises veillent au bonheur de leurs salariés ; qu’elles aient pour seul but de fabriquer de bons produits ; qu’un contrôle qualité, exercé à tous les niveaux, assure le respect de l’environnement ; enfin, que l’économie se développe et que l’argent circule. Je souscris bien entendu à cette vision. Mais correspond-elle à la réalité ? Aujourd'hui, la réalité n’est-elle pas la recherche du profit maximal ? Ne souffrons-nous pas précisément de l’attitude de certains actionnaires,…
Mme Nicole Bricq. Mais il ne s’agit pas des actionnaires !
M. Jean Desessard. … qui, pour bénéficier d’un taux de rémunération très élevé, organisent une nouvelle précarité sociale, méprisent l’environnement et négligent parfois franchement la qualité des productions vendues ?
Bien entendu, certaines entreprises sont respectueuses des salariés, du produit fini et de l’environnement. Mais d’autres ne recherchent que la rentabilité maximale. Les deux réalités existent !
Le système que vous souhaitez instaurer découle d’une bonne idée. Vous vous fixez un bel objectif : insuffler un esprit financier participatif bénéfique à tous. Néanmoins, en l’état actuel du monde, ce dispositif est très dangereux. Il ne présente pas les garanties nécessaires pour prévenir des placements financiers fondés sur la seule recherche du profit maximal.
Certes, on ne peut dire, a priori, comment va évoluer une firme qui débute, par exemple une start-up. Il faut encourager le développement de telles entreprises. Mais certains investissements immobiliers peuvent présenter des dangers : je le répète, ceux qui s’y livrent peuvent se borner à la recherche du profit, quitte à imposer des loyers très élevés dans les zones tendues. Le risque, c’est que, par leurs investissements, les salariés eux-mêmes entretiennent une précarité sociale dont ils seront victimes. Telle est la faille du système que vous proposez.
L’idée de base est bonne. Mais pourquoi n’avoir pas soumis la mise à disposition de ces fonds à une série de conditions ? Pourquoi n’avoir pas fléché l’économie sociale et solidaire ? Cette question de la conditionnalité est tout à fait essentielle.
Au fond, je crains que, dans cette histoire, le rêveur, ce ne soit un peu vous : vous semblez croire que tout se fera de manière harmonieuse et vertueuse. À moins que vous n’ayez une vision plus cynique, moins « petits lapins »... (Sourires.)
Peut-être partez-vous du principe suivant : certains fonds de pension américains et britanniques disposent d’une force considérable. Mobilisons l’épargne française, mobilisons les fonds des particuliers français qui représentent une grande masse financière, mobilisons les fonds des entreprises et, ainsi, créons des sociétés d’investissement à même de rivaliser, par leur puissance de feu, avec les énormes fonds de pension anglo-saxons. Peut-être est-ce là votre projet. Vous ne nous l’avez pas présenté en ces termes. Je me contente donc, pour l’heure, de poser la question…
M. le président. Je mets aux voix l'article 37 bis A, modifié.
(L'article 37 bis A est adopté.)
Article additionnel après l’article 37 bis A
M. le président. L'amendement n° 1433 rectifié n’est pas soutenu.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission spéciale, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1794, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission et ainsi libellé :
Après l’article 37 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au a du V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « , par des sociétés ayant pour objet exclusif la construction et la gestion de logements respectant les conditions mentionnées à l’article 279-0 bis A du code général des impôts ou financés dans les conditions fixées par voie réglementaire, ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Initialement présenté par M. Delahaye, cet amendement tend à permettre aux fonds d’épargne solidaire d’investir dans des sociétés ayant pour objet exclusif la construction et la gestion de logements sociaux.
Cette mesure, que la commission spéciale défend, assouplit les règles d’investissement des fonds d’épargne solidaire sans les dénaturer. De plus, elle permet d’encourager la construction de logements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens à répondre, en quelques mots, à M. Desessard.
Monsieur le sénateur, vous proposez un dispositif directement inspiré de celui dont a fait l’objet le livret A.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est bien cela !
M. Emmanuel Macron, ministre. Toutefois – faut-il le rappeler ? –, notre économie fonctionne selon un marché libre.
M. Michel Bouvard. Ah !
M. Emmanuel Macron, ministre. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Une part de l’épargne est réglementée, certains secteurs sont régulés. Mais il existe également le marché libre, au sein duquel il faut tâcher d’orienter les flux de la bonne manière. C’est tout l’enjeu du débat qui vient d’avoir lieu dans cet hémicycle, et sur lequel je ne reviendrai pas.
En termes philosophiques, votre démarche procède en somme d’un profond scepticisme vis-à-vis du fonctionnement de l’économie de marché.
M. Pierre-Yves Collombat. De l’économie financiarisée !
M. Emmanuel Macron, ministre. Pas seulement, monsieur Collombat ! Il y a à la fois le facteur capital et le facteur travail.
Je respecte tout à fait cette position. Cela étant, la loi ne saurait transcrire un tel scepticisme : en s’engageant dans cette voie, elle plongerait à mon sens dans des eaux troubles, ce qui pourrait entraîner de graves conséquences… À l’occasion, nous pourrons discuter de cette question, même si elle dépasse largement le cadre du travail législatif. Si l’on considère que la loi a vocation à traduire le scepticisme que nous inspire le monde – et le capitalisme de marché fait partie du monde qui nous entoure –, l’on va au-devant de bien des problèmes.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter, outre les erreurs factuelles sur lesquelles je suis déjà revenu.
Enfin, monsieur Desessard, vous avez conclu votre propos en appelant de vos vœux un financement de l’économie sociale et solidaire. (M. Jean Desessard confirme.) Ce financement est prévu ! Une part des fonds considérés est d’ores et déjà fléchée à cette fin.
À ce titre, les dispositions de l’amendement n° 1794 me posent problème. En créant un sous-contingent pour le logement, on risque d’aboutir à un arbitrage entre, d’une part, le financement des acteurs de l’économie sociale et solidaire, notamment des associations, et, d’autre part, le financement du secteur du logement.
Premièrement, cette mesure créerait de nombreuses complexités. Deuxièmement, elle ne faciliterait pas la fongibilité entre les différentes catégories de crédits. Troisièmement, si elle est favorable au logement, elle risque de nécessiter un arbitrage entre ce secteur et l’économie sociale et solidaire.
Telles sont les réserves que m’inspire l’amendement n° 1794, et qui me conduisent à émettre, sur celui-ci, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ayant entendu les arguments de M. le ministre, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1794 est retiré.
Article 37 bis
(Non modifié)
L’article L. 3333-7 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « prévoir qu’un avenant relatif aux 2°, 3° et 5° du règlement de ce plan peut être valablement conclu s’il est ratifié par une majorité » sont remplacés par les mots : « valablement être modifié pour intégrer des dispositions législatives ou réglementaires postérieures à l’institution du plan ou de nouvelles dispositions relatives aux 2°, 3° et 5° du règlement de ce plan conformément à l’article L. 3333-3, s’il fait l’objet d’une information » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« La modification prévue au deuxième alinéa du présent article s’applique à la condition que la majorité des entreprises parties prenantes ne s’y oppose pas dans un délai d’un mois à compter de la date d’envoi de l’information et, pour chaque entreprise, à compter du premier exercice suivant la date d’envoi de l’information. » ;
b) La dernière phrase est supprimée.
M. le président. L'amendement n° 1114, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Mes chers collègues, vous l’avez constaté, nous veillons à défendre des positions cohérentes tout au long de ce débat, en particulier au titre de ces articles que l’on peut qualifier de fiscaux ou de financiers.
Les plans d’épargne entreprise, les PEE, ou les plans d’épargne interentreprises, les PEI, ne sont pas aussi attractifs pour tous les salariés. Ceux d’entre eux qui sont à même de placer de l’argent se cantonnent désormais dans les classes moyennes supérieures et les classes supérieures. Or ce type d’épargne devient indispensable, en particulier parce que les pensions de retraite sont attaquées depuis plusieurs années. En outre, les baisses de pension qu’anticipent les salariés ne souhaitant pas rester à leur poste jusqu’à soixante-dix ans exigent des solutions de compensation.
Pourtant, le développement de ces outils financiers puise sa source principale dans la réduction d’un droit fondamental : celui de vieillir dans la dignité.
Pour inciter les salariés à placer leur argent dans ces fonds, l’attractivité de ceux-ci a été accrue par la promesse de réduction d’impôt.
Par curiosité, j’ai consulté un site spécialisé dans les placements entraînant réduction d’impôts.
Mme Éliane Assassi. Eh oui ! Nous n’intervenons pas sans avoir mené de petits travaux de recherche, mon cher collègue !
Qu’ai-je donc lu sur ce site ? « D’autres produits d’épargne longue permettent de toucher des revenus exonérés. En contrepartie d’un blocage de votre épargne pendant au moins cinq ans, les revenus des titres détenus sur un PEA sont exonérés d’impôt sur le revenu. […] Les PEE, plan d’épargne entreprises et leurs déclinaisons – plan d’épargne interentreprises, ou PEI – présentent également l’avantage d’entrer dans la catégorie des revenus différés : les sommes versées par votre employeur au titre de la participation aux résultats, de l’intéressement et les abondements n’entrent pas dans votre revenu imposable ».
Le placement dans un plan d’épargne entreprise est également avantageux pour les entreprises. Les sommes versées au titre de l’abondement sont, en effet, exonérées de cotisations sociales, déductibles du bénéfice imposable de l’entreprise et exonérées de la taxe sur les salaires.
Le PEI constitue donc une niche fiscale considérable. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous en détailliez le coût pour le budget de la nation et pour la protection sociale.
Ces mécanismes participent de la régulation de la société et de la recherche de solutions individuelles au détriment des droits collectifs. Pour exprimer notre volonté de voir d’autres choix mis en œuvre, nous proposons de supprimer l’article 37 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 37 bis, qui simplifie la gouvernance des plans d’épargne interentreprises. La commission spéciale y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est également défavorable. Madame Assassi, s’agissant d’un article de gouvernance, il n’emporte aucun coût !
M. le président. L'amendement n° 1733, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
s'il fait l'objet
par les mots
si cette modification fait l'objet
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 37 bis, modifié.
(L'article 37 bis est adopté.)
Article 38
(Non modifié)
L’article L. 3334-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « par accord collectif de travail dans les conditions prévues au livre II de la deuxième partie » sont remplacés par les mots : « selon l’une des modalités prévues à l’article L. 3322-6. Le plan peut être mis en place » ;
2° À la seconde phrase du second alinéa, après le mot : « entend », sont insérés les mots : « soumettre à la ratification du personnel dans les conditions prévues au 4° du même article L. 3322-6 ou ».
M. le président. L'amendement n° 1115, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous souhaitons, par cet amendement, supprimer l’article 38. Nous le savons, la mise en place des PERCO n’a pas recueilli le succès qu’attendaient les promoteurs du dispositif en 2003. Nous considérons que celui-ci déroge pour une large part aux règles en vigueur en matière d’accords collectifs de travail. Il ne nous semble absolument pas souhaitable, notamment dans un contexte de modération salariale dans le secteur marchand – c’est le moins que l’on puisse dire –, de favoriser son développement en privant les salariés du droit le plus élémentaire à décider de la mise en place de tels fonds de pension.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable, car l’article 38 assouplit les modalités d’élaboration du PERCO.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne peux pas laisser dire, comme vous l’avez prétendu en présentant cet amendement, monsieur Bosino, que les salariés ne sont pas consultés ! Ce n’est pas vrai !
Que prévoit l’article 38 ? Lorsque l’entreprise compte au moins un délégué syndical ou est dotée d’un comité d’entreprise, le PERCO est négocié par accord collectif ou mis en place à la suite de la ratification par la majorité des deux tiers du personnel d’un projet proposé par l’employeur. Les salariés sont donc consultés, d’une manière ou d’une autre.
Mme Éliane Assassi. Que se passe-t-il si la consultation échoue ?
Mme Nicole Bricq. En l’absence de délégué syndical ou de comité d’entreprise – nous parlons bien des entreprises de moins de cinquante salariés qui peuvent ne pas en être dotées –, le PERCO est mis en place par ratification à la majorité des deux tiers du personnel. Il s’agit simplement d’harmoniser la mise en œuvre des PEE et des PERCO, afin d’en faciliter l’utilisation par les PME. La logique qui sous-tend ce texte en matière d’épargne salariale conduit à permettre aux salariés des petites entreprises d’en bénéficier !
Ne dites pas qu’ils ne sont pas consultés, c’est faux ; d’une manière ou d’une autre, ils le sont.
Mme Éliane Assassi. Que se passe-t-il si la consultation échoue ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1112 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article
L’article L. 3334-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3334-2. - Un plan d’épargne pour la retraite collectif peut être mis en place par accord collectif de travail dans les conditions prévues au livre II de la deuxième partie sans recourir aux services de l’institution mentionnée au I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2006–344 du 23 mars 2006, lorsque ce plan n’est pas proposé sur le territoire d’un autre État membre ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Dans ce cas, l’accord mettant en place le plan précise les modalités d’exécution des obligations mentionnées au dernier alinéa du I et aux premier et deuxième alinéas du II de cet article.
« Lorsque l’entreprise compte au moins un délégué syndical ou est dotée d’un comité d’entreprise, le plan d’épargne pour la retraite collectif est négocié dans les conditions prévues par les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 3322–6. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. La présentation de cet amendement vaudra réponse aux propos de Mme Bricq.
Cet amendement vise à revenir sur l’économie générale des PERCO, forts de leur fantastique succès. Nous proposons de soumettre exclusivement la mise en place de ces plans d’épargne à la négociation et à un accord majoritaire.
Aujourd’hui, le PERCO est un dispositif d’épargne facultatif que l’employeur instaure, soit par voie négociée avec des partenaires sociaux, syndicaux ou non, soit de façon unilatérale, en cas d’échec de la négociation. Dans ce cas-là, la décision est bien unilatérale !
L’employeur qui souhaite mettre en place un PERCO est confronté à l’alternative suivante : si son entreprise comporte au moins un délégué syndical et/ou un comité d’entreprise, il doit impérativement tenter une négociation préalable avec ces instances représentatives ; si sa société est dépourvue de toute représentation du personnel, il peut décider lui-même une telle mise en œuvre, sans négociation avec quiconque.
Si la négociation engagée avec la représentation du personnel échoue, l’employeur peut, de même, mettre en place le PERCO unilatéralement.
Cette faculté de décision unilatérale en cas d’échec des négociations est un déni de démocratie sociale au sein de l’entreprise. Nous savons le sort ménagé à l’idée de citoyenneté au sein de l’entreprise ! Il n’est pas acceptable pour nous de laisser au seul patron le soin de promulguer le règlement d’organisation et de fonctionnement du PERCO.
Nous souhaitons, par cet amendement, revenir sur ce dispositif, qui est un véritable contournement de la représentation syndicale et de la volonté des salariés.
M. le président. L'amendement n° 1737, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la seconde occurrence du mot :
prévues
par le mot :
mentionnées
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1112 rectifié.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1737 est rédactionnel.
Quant à l’amendement n° 1112 rectifié, la commission spéciale y est défavorable. Elle partage les arguments avancés par Mme Bricq que je ne reprendrai pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1112 rectifié et favorable sur l’amendement n° 1737.
M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.
(L'article 38 est adopté.)
Article 39
(Non modifié)
I. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 3334-8 du code du travail, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
II. – La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 3332-10 du même code est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « épargne-temps », sont insérés les mots : « ainsi que le montant des sommes correspondant à des jours de repos non pris » ;
2° Les mots : « n’est » sont remplacés par les mots : « ne sont ».
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer cet article. Même si tous les moyens peuvent être bons pour tenter de donner un sens aux fonds de pension à la française que constituent les PERCO, il n’est pas certain que la monétisation de jours de repos non pris par un salarié, dans la limite de dix par an, soit la bonne manière d’y parvenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale est défavorable à la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Article 39 bis
L’article L. 3341-6 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin, les mots : « l’ensemble de ces dispositifs » sont remplacés par les mots : « les dispositifs mis en place au sein de l’entreprise » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le livret d’épargne salariale est également porté à la connaissance des représentants du personnel. »
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À propos de l’article 39 bis, le rapport est significatif de l’idée que certains se font des obligations des entreprises. Je vais être concise ; le Gouvernement et la commission spéciale me répondront de toute façon qu’ils sont défavorables à la suppression de cet article.
S’il est vrai que la définition de la base de données économiques et sociales sera largement fixée par voie réglementaire, il est en revanche inexact de laisser penser que sa confection représenterait une mission impossible pour nombre d’entreprises.
Par principe, la base de données ne concerne que les entreprises pourvues d’instance représentative du personnel, c’est-à-dire celles qui comptent au moins onze salariés.
D’ailleurs, comment se fait-il que cette base de données soit si difficile à mettre en place dans les entreprises comprenant entre onze à quarante-neuf salariés, alors même que ce pays dispose de chefs d’entreprise compétents et d’experts comptables de qualité ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet un avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 39 bis restreint la portée du livret d’épargne salariale, qui doit traiter non plus de l’ensemble des dispositifs légaux, mais seulement de ceux qui sont mis en place dans l’entreprise, et contraint l’employeur à porter ce document à la connaissance des représentants du personnel.
Cette mesure pragmatique et de souplesse pour les entreprises faisait d’ailleurs l’objet de la proposition 19 du rapport du COPIESAS.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Même avis.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 612 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 1587 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le livret d’épargne salariale est également porté à la connaissance des représentants du personnel, le cas échéant en tant qu’élément de la base de données économiques et sociales établie en application de l’article L. 2323-7-2. »
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 612.
Mme Nicole Bricq. Madame Assassi, je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à la mise à disposition des salariés d’informations utiles concernant le livret d’épargne. Tel est bien l’objectif de la base de données économiques et sociales, dite « base de données unique ». Vous avez sans doute défendu un amendement de suppression par principe.
Je rappelle que la mise en place de cette base de données sera obligatoire pour toutes les entreprises à partir de cinquante salariés à compter du 14 juin prochain. À défaut, l’employeur se rendra coupable du délit d’entrave.
Cette base est très utile et très complète : elle sert de support de préparation à la consultation annuelle du comité d’entreprise sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à des contrats précaires et à des stages.
Elle constitue ainsi un élément de facilitation du dialogue, dont on mesurera mieux l’intérêt dans le cadre de la prochaine réforme du dialogue social, qui doit être présentée par le ministre du travail.
Des inquiétudes se sont manifestées, particulièrement dans les PME, eu égard à la difficulté pratique que présente sa mise en place.
D’autres réticences, qui ont trait à la transparence de certaines informations accessibles aux représentants du personnel astreints à une obligation de discrétion, sont moins recevables.
Pour autant, rien ne s’oppose à ce que le livret d’épargne salariale, dont l’objet informatif est de présenter les dispositifs d’épargne salariale existants dans l’entreprise, y figure.
La commission spéciale, me semble-t-il, est défavorable à cet amendement, qui tend à permettre une information complète des représentants du personnel.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 1587.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche. La commission spéciale émet un avis défavorable. Elle avait supprimé cette obligation, qui est de nature réglementaire, et le texte s’en est trouvé simplifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 612 et 1587.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 39 bis, modifié.
(L'article 39 bis est adopté.)
Article 39 ter
(Non modifié)
L’article L. 3341-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lors du départ de l’entreprise, cet état récapitulatif informe tout bénéficiaire que les frais de tenue de compte-conservation sont pris en charge soit par l’entreprise, soit par prélèvements sur les avoirs. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1116, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3334-15 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3334-15. – Sans préjudice des cas de déblocage anticipé prévus à l’article L. 3334-14, la délivrance des sommes ou valeurs inscrites aux comptes des participants s’effectue, selon le choix de l’épargnant, en capital, en conversion de ces sommes et valeurs ou sous forme de rente viagère acquise à titre onéreux. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement, qui porte sur une question importante, vise à donner la faculté aux participants d’un plan d’épargne retraite de disposer de modalités diverses de liquidation de leur épargne.
Actuellement, les bénéficiaires d’un tel plan ne peuvent pas disposer de leur épargne en cas de difficultés financières. Alors que les gouvernements de droite puis de gauche ont successivement reculé l’âge légal de départ à la retraite, les salariés qui avaient prévu de faire des investissements se retrouvent obligés d’attendre jusqu’à l’âge légal de la retraite pour disposer de leur épargne.
Les seules possibilités pour récupérer cette épargne de façon anticipée sont strictement limitées à l’invalidité, au décès de l’époux ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité, à l’expiration des droits aux allocations chômage, au surendettement, ou encore à la cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire.
Sans même envisager de telles extrémités, nous entendons régulièrement parler du cas de salariés en âge de bénéficier de ce que jadis nous appelions une « préretraite » qui sont dans l’obligation d’attendre pour récupérer la somme d’argent qui leur revient.
Pendant que l’argent des travailleurs fructifie tranquillement, des familles sont dans la galère pour financer les études de leurs enfants.
Nous demandons donc d’introduire de la souplesse dans ce dispositif, afin de faciliter les modalités de liquidation de l’épargne des salariés.
M. le président. L'amendement n° 1735, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
tout
par le mot :
le
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1116.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1735 est rédactionnel.
Par ailleurs, la commission spéciale est défavorable à l'amendement n° 1116.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1735 et défavorable à l'amendement n° 1116.
M. le président. Je mets aux voix l'article 39 ter, modifié.
(L'article 39 ter est adopté.)
Article 39 quater
(Non modifié)
Au début de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3346-1 du code du travail, est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Il est saisi par le Gouvernement de tout projet de loi ou d’ordonnance de déblocage de l’épargne salariale. »
M. le président. L'amendement n° 1736, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
Il
par les mots :
Le conseil d'orientation
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1736 est retiré.
Je mets aux voix l'article 39 quater.
(L'article 39 quater est adopté.)
Article 40
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 3312-5 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les références : « aux 1°, 2° et 3° » sont remplacées par la référence : « au présent article » ;
2° Après le mot : « reconduction », sont insérés les mots : « pour une durée de trois ans ».
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer l’article 40, qui instaure une durée de trois ans entre chaque renégociation.
Nous sommes opposés au principe de tacite reconduction des accords d’intéressement des salariés dans l’entreprise. Ceux-ci doivent relever de la négociation contractuelle dans l’entreprise. Nous recommandons donc de laisser toute sa place et son importance au dialogue social.
Avec cette durée de trois ans, vous offrez une nouvelle fois un bonus aux patrons qui ne souhaitent pas renégocier les accords d’intéressement signés avec les organisations syndicales de l’entreprise. Vous instaurez, en réalité, un système de fermeture à double tour : le premier consiste à opposer la tacite reconduction et le second impose un délai de trois ans pour renégocier un accord jugé défavorable aux salariés.
Selon votre conception du dialogue social, si une organisation syndicale ne formule pas de demande de renégociation dans les trois mois précédant la date d’échéance des accords, elle sera dans l’impossibilité de renégocier les accords d’intéressement avant trois ans. Nous n’avons pas la même vision de la démocratie et des droits des salariés dans l’entreprise !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avions déjà rejeté cet amendement en commission. Comme je l’avais expliqué alors, il y a un malentendu sur l’objet de l’article 40.
En réalité, il existe un vide juridique dans le code du travail, une incohérence, car les salariés peuvent actuellement demander la renégociation de tout accord d’intéressement issu d’une convention ou d’un accord avec les délégués syndicaux ou le comité d’entreprise, sauf s’il résulte d’un projet unilatéral de l’employeur approuvé lors d’un référendum interne de l’entreprise par deux tiers du personnel.
C’est ce vide juridique que vient combler l’article 40, afin d’harmoniser les règles de dénonciation et de reconduction des accords d’intéressement.
Quand la loi sera votée, si aucune des parties ne demande la reconduction de l’accord d’intéressement dans les trois mois précédant son expiration, quelle que soit sa modalité de conclusion, il sera tacitement reconduit pendant trois ans.
L’adoption du présent article renforcera les droits des salariés, car, comme le rappelle l’étude d’impact, « dans les entreprises de moins de 50 salariés, 90 % des accords d’intéressement sont conclus à la majorité des deux tiers des salariés ».
Au vu de ces explications, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1117, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 511-47 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, les mots : « , dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, » sont supprimés ;
2° Le II est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le financement de l’économie par le secteur bancaire est tout à fait essentiel dans un pays comme le nôtre. Il passe par une stricte séparation des activités bancaires. La suppression de la distinction entre banques de dépôt et de crédit a entraîné une multiplication frénétique de produits financiers, dont l’utilité pour le financement de l’économie réelle est aujourd’hui largement remise en cause.
Au-delà du danger de la pression ainsi créée sur le financement maîtrisé de l’économie, les excès et les dérives des affaires, dont certaines sont emblématiques, touchent au cœur même du pacte démocratique et social de notre pays et de l’Europe. Aujourd’hui, nos concitoyens jugent sévèrement les activités spéculatives ou les pratiques inadmissibles d’optimisation fiscale des banques. C’est pourquoi le pouvoir politique se doit d’être à la hauteur et de remettre de l’ordre dans tout cela.
Nous avions eu de grandes espérances : la loi de 2013 se devait d’être un texte précurseur en Europe pour mieux réguler la finance et empêcher ceux qui prennent des risques indus d’en faire peser la responsabilité sur les contribuables. Ces espérances ont été largement déçues, puisque seule une petite partie des activités spéculatives se retrouve isolée au sein des banques.
Aujourd’hui, nous souhaitons mettre fin aux conflits d’intérêts qui peuvent naître au sein des banques entre activités spéculatives et financement de l’économie, afin, entre autres, de lutter contre l’opacité des groupes bancaires. Il faut briser ce lien entre dette des banques et dettes souveraines qui retarde la sortie de crise des pays européens.
Nous proposons de refuser de céder à la menace d’une hausse des taux si l’État cessait de garantir implicitement les activités de marché des banques universelles, de renoncer donc à ce libéralisme effréné qui, malgré ce que l’on ce que l’on peut dire, a noyauté la réforme de 2013, de sortir enfin de la servitude volontaire dans laquelle le pouvoir élu se tient face aux puissances financières, une servitude – je suis désolée de le dire – fondée sur la peur, l’ignorance et la prédominance de la logique financière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à rouvrir le débat sur la séparation des activités bancaires qui a été traitée dans la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
La commission spéciale souhaite conserver les dispositions de l’article 40 qui permettent d’harmoniser les règles de dénonciation et de reconduction des accords d’intéressement. Elle émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. L’avis est également défavorable. L’adoption de cet amendement conduirait à loger dans la filiale ségréguée l’ensemble des activités de marché, y compris la tenue de marché, ce qui condamnerait ces activités du fait des contraintes imposées à la filiale.
La mesure proposée porterait gravement atteinte à la capacité des banques françaises à financer l’économie, compte tenu de l’importance cruciale de l’activité de tenue de marché pour le fonctionnement des marchés.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Madame Assassi, la loi de 2013 est effectivement un texte précurseur. Aucun autre pays ne dispose d’une loi du même genre.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Richard Yung. Aux États-Unis, la discussion de la loi s’éternise au Congrès. En Allemagne, l’application de la loi vient d’être reportée. En Grande-Bretagne, la loi qui a été adoptée permet à la City de faire tout ce qu’elle veut. Alors, ne dites pas que cette loi a raté son objectif, elle est la première du genre.
Mme Éliane Assassi. Elle ne marche pas !
M. Richard Yung. Mais si ! La preuve en est que les deux grandes banques françaises qui exercent encore des activités de marché sur fonds propres ont créé des filiales dédiées. Les autres établissements ont renoncé à de telles activités.
M. Jean-Pierre Bosino. Ce n’est pas le niveau du discours du Bourget !
M. Richard Yung. Je vous parle de la réalité ! Or il faut une activité de marché pour financer l’économie. Dans la loi de 2013, nous avons interdit la spéculation sur les matières premières agricoles, le trading à haute fréquence. (M. Pierre-Yves Collombat proteste.) Nous avons obligé les banques à publier l’ensemble de leurs bénéfices et leurs implantations dans le monde. Nous avons donc une meilleure appréciation des activités bancaires.
Les banques jouent leur rôle. Il faut qu’il y ait une activité de marché, de la liquidité. Ce qui n’est pas bon, ce sont les activités spéculatives menées par les banques avec l’argent des déposants : c’est désormais interdit. Il faut tout de même dire les choses !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous sommes un peu hors sujet. Cette question était l’objet de la loi de 2013 ! Mais je ne l’ai pas votée, car c’était une foutaise ! (Exclamations sur différentes travées.) Les principaux intéressés l’ont dit : la loi ne les obligeait à se restructurer que pour 2 % à 5 % de leurs activités !
Mme Nicole Bricq. Les plus risquées !
M. Pierre-Yves Collombat. La loi avait comme objectif de séparer les activités utiles à l’économie et celles qui ne le sont pas.
M. Richard Yung. Ça n’était pas une bonne idée ?
M. Pierre-Yves Collombat. Mais, lors de la discussion du texte, lorsqu’on a demandé d’encadrer le trading à haute fréquence et d’agir contre les paradis fiscaux et certains fonds de placement, comme les hedge funds, on nous a expliqué que tout cela était utile à l’économie et qu’on allait pénaliser nos pauvres banques françaises, à l’origine de tant d’emplois !
Au final, on n’a strictement rien changé ! Que fait-on maintenant ? On attend la suite. Et comme on n’a rien fait – les autres pays ont beaucoup parlé, mais n’ont pas fait mieux –, on attend la catastrophe finale !
M. Richard Yung. Ben voyons !
M. le président. Je mets aux voix l'article 40.
(L'article 40 est adopté.)
Article additionnel après l’article 40
M. le président. L'amendement n° 459, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 40
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements de crédit publient annuellement un rapport comportant notamment les données, établies par bassin de vie, entendu comme un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires, relatives à leur activité de collecte de l’épargne et à leur activité de crédit aux personnes physiques, aux très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, aux entreprises de taille intermédiaire et aux structures de l’économie sociale et solidaire.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à demander aux banques de rendre annuellement un rapport sur les financements accordés aux TPE, PME, entreprises intermédiaires, ainsi qu’aux structures de l’économie sociale et solidaire. Ce rapport serait établi sur la base de bassins de vie, afin d’être au plus près de la réalité des territoires.
De très nombreuses entreprises, notamment des TPE et PME, font part de leurs difficultés croissantes à obtenir des crédits auprès des banques, notamment des prêts de trésorerie à court terme.
De leur côté, les banques estiment que leur offre est suffisante et pointent du doigt une demande faible de la part des entreprises en raison d’une activité économique ralentie.
Comment démêler le vrai du faux dans ces allégations ? Vous allez certainement nous y aider, monsieur le secrétaire d'État. C’est aussi la finalité de notre amendement. En regardant annuellement sur chaque bassin de vie les financements accordés par les banques aux entreprises et structures de l’économie sociale et solidaire, on pourra alors déterminer les besoins et l’offre réelle de crédit. On sera également en mesure d’étudier finement les zones dans lesquelles l’activité économique est atone, afin de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation. Le cas échéant, on identifiera aussi quelles banques sont les mauvais élèves.
En commission, le corapporteur avait émis des réserves sur cet amendement, car la publication annuelle de ce rapport peut poser des problèmes de confidentialité en fonction de la taille du bassin de vie retenue. À l’évidence, cette donnée doit être prise en compte. Voilà pourquoi nous avons défini le bassin de vie comme étant un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires.
En somme, ce que nous proposons par le biais de cet amendement, c’est un GPS pour le financement des entreprises qui pourra éclairer l’action publique dans ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale n’a pas changé d’avis. Elle vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Desessard, faute de quoi elle émettra un avis défavorable, pour les raisons, d’ailleurs, que vous avez rappelées.
À quoi cela servirait-il de rendre publiques des données que la Banque de France a déjà en sa possession ? Et puis, des difficultés tenant au droit de la concurrence, à la confidentialité des données dans les plus petits bassins de vie, demeurent tout de même, même si vous prévoyez que la mesure sera applicable sur un territoire sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je vous demande, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement. Benoît Hamon n’avait pas retenu un amendement semblable déposé sur le projet de loi qu’il avait présenté. Je me range naturellement à son avis.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Une telle publication permettrait peut-être de savoir quelle est la part de l’activité bancaire consacrée au financement de l’économie. J’ai un chiffre en tête, mais peut-être est-il faux, aussi je ne le citerai pas. En tout cas, j’espère que l’un d’entre vous, mes chers collègues, ou M. le secrétaire d’État me dira quelle part de son activité consacre véritablement BNP Paribas, le Crédit Agricole ou toute autre banque au financement de l’économie. Quoi qu’il en soit, cette part est certainement bien inférieure à ce que l’on pense ! Ma question demeure.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 459 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Est-ce que les banques soutiennent effectivement l’investissement, viennent en aide aux petites entreprises ? Nous entendons souvent dire – nous le lisons également dans les journaux – qu’elles ne jouent pas toujours le jeu vis-à-vis des petites entreprises, des artisans, du monde économique, que l’on veut aider, encourager, dynamiser. Nous voulons clarifier la situation, savoir qui dit la vérité et, à cette fin, nous demandons un rapport. Les banques sont-elles timides, timorées ? Ou bien assiste-t-on plutôt à un ralentissement de l’activité économique dans lequel les banques, au contraire, s’efforcent véritablement de jouer le jeu ?
Pour ma part, je considère qu’il est normal que les politiques, l’ensemble des élus, puissent disposer d’un tableau de bord, ce que j’appelle un GPS. En effet, nous avons à présent des moyens technologiques permettant d’aller au-delà d’un format papier.
Le refus qui m’est opposé signifie que plus personne n’a le sens de l’intérêt public, que nous ne nous situons pas dans cette grande mobilisation que tout le monde, pourtant, évoque, et qui vise à lutter contre le chômage et à favoriser l’emploi.
Nous demandons des comptes à certaines banques ? Mais c’est impossible ! Pourtant, que de discours incitant à faire quelque chose ! Lorsqu’on veut mobiliser les grandes entreprises ou les banques et leur demander de participer à l’effort national, qui est par ailleurs sollicité des salariés et de toute la population, on ne s’en donne pas les moyens !
Cela étant dit, je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 459.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 40 bis A
Après le 3 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier, il est inséré un 3 bis ainsi rédigé :
« 3 bis. Aux entreprises, quelle que soit leur nature, qui consentent des crédits à moins de deux ans à des entreprises partenaires, autres que des grandes entreprises, avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant. Ces crédits sont formalisés dans une convention de prêt. Un décret en Conseil d’État détermine les clauses obligatoires et interdites de la convention de prêt. Les conventions de prêt sont soumises, dans la société qui consent le crédit, aux dispositions applicables aux conventions conclues avec un dirigeant.
« La totalité des crédits consentis par une entreprise ne peut dépasser un plafond fixé par décret.
« La totalité des crédits souscrits par une entreprise ne peut dépasser un plafond fixé par décret.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent 3 bis ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 44 est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 460 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 44.
Mme Annie David. L’article 40 bis A pose, à nos yeux, un véritable problème. En effet, il tend à favoriser la pratique du shadow banking, c’est-à-dire à rendre dépendantes les PME vis-à-vis des plus grandes entreprises. Or une entreprise commerciale n’a pas vocation à être la banque d’une autre entreprise commerciale. Les rapports de domination existants sont déjà suffisamment prégnants, notamment lorsqu’une entreprise est le fournisseur de structures telles que Carrefour ou Auchan.
De plus, tenter de réglementer de telles initiatives pose évidemment une multitude de problèmes, dont le moindre n’est pas que l’affaire se conclut de gré à gré, dans le strict cadre d’une relation entre deux entreprises, et les critères retenus pour fixer les conditions du prêt financier dépendent pratiquement de chaque opération.
En réalité, le présent article apporte une mauvaise réponse à une véritable question, notamment parce qu’il y a toujours un coût du capital derrière les taux d’intérêt, fût-il moins élevé que la rémunération des créances constituées sous forme d’actions. Une PME peut avoir un moyen simple de se refinancer à partir d’une moindre consommation de son résultat d’exploitation pour rémunérer le capital sous forme de dividendes. Quant aux banques, il faudra bien, un jour, leur imposer quelques obligations au regard de leur clientèle.
Décidément, ça n’est pas bon, la privatisation. Pour cette raison, nous vous proposons la suppression de l’article 40 bis A.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 460.
M. Jean Desessard. L’article 40 bis A, résultant de l’adoption d’un amendement par les députés, vise à mettre en place un mécanisme permettant à une entreprise disposant d’une trésorerie excédentaire d’octroyer des financements à moins de deux ans « à des entreprises partenaires […] avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant ». L’objectif principal de ces mesures est d’offrir aux entreprises de nouvelles sources de financement, en complément du crédit bancaire.
Nous proposons la suppression de cet article, car le développement des prêts entre entreprises, sans dispositif minimal de sécurité, est de nature à créer des risques importants.
L’activité d’intermédiation du crédit nécessite en effet des compétences en matière d’évaluation des risques – risques de contrepartie, de taux et de liquidité –, d’évaluation du coût du risque et de suivi des dossiers de crédit jusqu’à échéance. Il est peu probable que des entreprises du secteur non financier disposent des équipes, des informations et des compétences nécessaires pour mener de façon sécurisée cette activité de crédit.
De plus, l’octroi de prêts entre entreprises implique une analyse préalable de la solvabilité de l’entreprise emprunteuse, ce que cet article ne prévoit pas. Enfin, la réglementation financière impose aux établissements de crédit et aux sociétés financières un montant minimal de fonds propres afin de pouvoir accorder des crédits, ce qui, là non plus, n’est pas prévu.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 40 bis A comporte trop de risques et trop peu de garanties, notamment pour la stabilité financière des entreprises concernées. Voilà pourquoi nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article 40 bis A a fait l’objet, sur ma proposition,d’une nouvelle rédaction. Celle-ci a été conçue en accord avec le Gouvernement et la Banque de France. Elle a pris en compte les réflexions formulées par Jean-Marc Gabouty. Les prêts de trésorerie interentreprises que cet article autorise constituent un outil de financement particulièrement innovant, qu’il convient de conserver.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Chacun voit l’intérêt du dispositif proposé par le Gouvernement : l’économie réelle prête à l’économie réelle sans passer nécessairement par les banques, qui suscitent un certain nombre de réticences.
Toutefois, au cours du débat, un certain nombre de risques sont apparus. En effet, l’instrument peut s’enclencher certes de manière positive, mais aussi de façon négative. Je prends deux exemples : la petite entreprise amenée à payer pour la grande ; le contournement des délais de paiement.
Les inquiétudes formulées étaient fondées. Mais elles ont été prises en compte par le Gouvernement et par la commission spéciale.
Aussi, madame David, monsieur Desessard, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements, vos craintes, légitimes, étant levées par la nouvelle rédaction du présent article.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème dont nous traitons est tout à fait éclairant.
En première analyse, on peut se dire que le raisonnement suivi par le Gouvernement et par la commission spéciale est sensé. D’un côté, des entreprises disposent de cash flow, d’argent, de trésorerie ; de l’autre, d’autres entreprises n’en ont pas. Pourquoi donc ne pas faciliter les prêts ? Mais – et je laisse de côté le problème des risques – qu’est-ce que cela nous dit sur le mode de fonctionnement de notre économie ? Des entreprises, plutôt que d’investir ou encore d’augmenter les salaires, gardent leur argent et choisissent, pour le faire prospérer, de se le prêter. Si une telle démarche rend service à une autre entreprise, fort bien ! Mais pourquoi ce ne sont pas les banques qui prêtent ?
L’idée du Gouvernement est compréhensible : face à un problème concret, on essaie de trouver les moyens de le résoudre. En réalité, cela signifie que le système ne fonctionne plus !
M. Pierre-Yves Collombat. Les banques sont censées prêter. Or elles ne le font pas ! Et la technique que vous souhaitez utiliser consiste à pallier ce genre comportement.
Donc les banques ne remplissent pas leur rôle. Les entreprises, qui disposent d’excédents, ne font pas, elles non plus, leur travail, lequel consiste à investir, parce qu’elles n’ont pas de débouchés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je souscris aux propos de M. Collombat. Les très grandes entreprises doivent se recentrer sur leur cœur de métier, est-il dit. Or le cœur de métier des entreprises n’est pas de prêter de l’argent aux autres entreprises ! De surcroît, si vous saviez, monsieur le secrétaire d'État, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi successifs qui ont concerné des entreprises qui justement se recentraient sur leur cœur de métier… Et vous demandez, dans ce contexte, aux entreprises de se diversifier et de devenir des banques ! Attention qu’elles ne finissent pas par exercer cette seule activité et par licencier tous les salariés qui les constituaient à l’origine !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur Collombat, dans un certain nombre de cas, le prêt octroyé par une société à une autre peut être un investissement. Tel est le cas lorsque ces entreprises travaillent ensemble, sont complémentaires.
Je prendrai l’exemple de l’exportation et de l’implantation à l’étranger. Mme Bricq, quand elle était ministre du commerce extérieur, avait expérimenté, à juste raison, une idée : que les grandes entreprises entraînent les petites entreprises. On comprend très bien que la grande société aide la PME ou l’entreprise de taille moyenne à s’installer au Japon, en Inde, ou je ne sais où. Il s’agit d’un bon investissement qu’il ne faut pas condamner !
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. J’irai dans le même sens que les propos de Richard Yung. Ce débat m’étonne un peu, mes chers collègues. Les montants en jeu sont limités, et il faut bien voir que cette mesure ne créera pas l’essentiel de l’activité.
On sait néanmoins que certains grands groupes souhaitent que leurs fournisseurs, ceux que l’on appelle « de rang 1 », constituent pour eux des sous-ensembles. Pour ce faire, ils leur passent des commandes importantes, et les aident à trouver des financements pour répondre très rapidement à leurs besoins.
Il s’agit donc de relations entre grandes entreprises et sous-traitants de rang 1, lesquels ont besoin de réagir vite et d’investir rapidement, pour répondre aux commandes que leur passe ce que l’on pourrait considérer comme leur entreprise mère. On retrouve ce système chez Peugeot ou Airbus ; dans toutes les grandes sociétés, en somme. Si cette mesure permet aux entreprises d’aller plus vite dans ce type de fonctionnement, elle constituera un ajout intéressant, certes, mais certainement pas majeur.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 460 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 460 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 44.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1589 rectifié est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 1741 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Après le 3 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier, il est inséré un 3 bis ainsi rédigé :
« 3 bis. Aux sociétés par actions ou aux sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de deux ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant. L’octroi d’un prêt ne peut avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions et les limites dans lesquelles ces sociétés peuvent octroyer ces prêts.
« Les prêts ainsi accordés sont formalisés dans un contrat de prêt, soumis, selon le cas, aux dispositions des articles L. 225-38 à L. 225-40 ou des articles L. 223-19 et L. 223-20 du code de commerce. Le montant des prêts consentis est communiqué dans le rapport de gestion et fait l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État.
« Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les créances détenues par le prêteur ne peuvent, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation mentionné à l’article L. 214-168 du présent code ou un fonds professionnel spécialisé mentionné à l’article L. 214-154 du même code ou faire l’objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d’assurance à ces mêmes organismes ou fonds. »
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 1589 rectifié.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Nous avons largement entamé la présentation de ces deux amendements identiques au cours de la discussion qui vient de se dérouler.
Je veux saluer le travail très positif qui a eu lieu entre la commission spéciale et le Gouvernement sur ce sujet.
Puisque la commission spéciale présente un amendement identique, le Gouvernement retire le sien au profit de ce dernier.
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 1589 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter l’amendement n° 1741.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je voudrais avant toutes choses vous rendre compte, mes chers collègues, de ce qui s’est passé avant d’arriver à la nouvelle rédaction de l’article 40 bis A, relatif aux prêts interentreprises, qui vous est proposée par la commission spéciale.
Cet amendement, en effet, est le fruit d’un travail engagé lors de l’examen du présent texte en commission, laquelle avait déjà apporté des améliorations substantielles à la version de l’article adopté par l’Assemblée nationale.
Je le rappelle, lorsque le projet de loi est arrivé sur le bureau de l’Assemblée nationale, le Gouvernement, par la voix d’Emmanuel Macron, n’était pas favorable à ces prêts. Le député Jean-Christophe Fromantin, membre du groupe UDI, a alors mis en exergue les difficultés, notamment de trésorerie, que pouvaient rencontrer certaines entreprises, au point, parfois, de conduire celles-ci au dépôt de bilan. La discussion de l’amendement qu’il a déposé alors a donc permis de faire avancer les choses.
Mme Nicole Bricq. Cela prouve que le ministre n’est pas sectaire !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La rédaction de l’article issu de la chambre basse a encore été améliorée au Sénat. Des réflexions intéressantes ont ensuite été échangées sur ce point lors des travaux de la commission spéciale ; je souhaite notamment rendre hommage à Jean-Marc Gabouty, dont les remarques nous ont également permis de progresser.
Puis, la concertation menée entre la commission spéciale, le Gouvernement et la Banque de France a débouché sur la réécriture du présent article que propose d’introduire l’amendement dont nous discutons.
Cette mesure, je le répète, n’allait tellement pas de soi que certains d’entre vous, mes chers collègues, s’en sont inquiétés. L’on pouvait craindre, en effet, la survenance d’un risque de dépendance économique accrue entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants. L’on pouvait aussi craindre que les prêteurs ne soient pas suffisamment outillés pour analyser le risque de crédit.
C’est pourquoi le présent amendement tend à sécuriser au mieux le dispositif proposé, et à assurer un vrai financement de l’économie réelle, au service de nos entreprises.
Sans trop entrer dans les détails, j’indique seulement que le texte suggéré par la commission spéciale du Sénat apporte quelques améliorations supplémentaires par rapport à celui qui avait été présenté initialement à ladite commission puis adopté.
Il prévoit d’abord explicitement que les prêts interentreprises ne doivent pas avoir pour effet de contourner la législation sur les délais de paiement. Cette inquiétude avait en effet été soulevée.
Il limite ensuite la capacité de prêts aux seules sociétés dont les comptes sont certifiés.
Il soumet enfin au formalisme des conventions réglementées les contrats de prêt, qui seront donc signés. Ce régime nous a paru une protection supplémentaire, tant pour le prêteur que pour l’emprunteur.
Pour répondre aux inquiétudes exprimées par Éliane Assassi et Annie David, le prêteur est bien limité dans sa capacité de prêt. Il a toujours été convenu que l’activité de crédit serait accessoire au regard de l’activité principale. De la même façon, l’emprunteur est limité dans sa capacité d’emprunt, pour ne pas être dépendant d’un financeur et, surtout, pour pouvoir le rembourser.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Cette mesure sera intéressante pour les entreprises. Elle ne doit pas être pensée comme encourageant la dépendance entre les sociétés. D’ailleurs, les moyens de dépendance plus ou moins rigoureux existent déjà. Une entreprise peut ainsi payer une partie d’un investissement – l’acquisition d’un matériel, par exemple – par des remises sur les consommables qu’elle sera tenue d’acheter pendant trois ou quatre ans. La technique des différés de facturation existe aussi.
L’avantage du dispositif ici proposé est qu’il sera contractuel, donc écrit. Il sera contrôlé par les organes de décision des sociétés et fera l’objet d’un examen a posteriori par les commissaires aux comptes. J’ajoute qu’un décret en Conseil d’État fixera ses modalités d’application, notamment pour ce qui concerne les montants autorisés.
Il faut donc le percevoir comme un outil de souplesse pour des entreprises qui travaillent ensemble : non seulement une grande entreprise et des PME, mais aussi, et peut-être surtout, des PME entre elles. Ce peut être le cas de cocontractants, par exemple, sur certains marchés, comme celui du bâtiment.
Cette relation peut s’apparenter à ce qui existe entre les sociétés d’un même groupe, qui signent entre elles des conventions de trésorerie. Pour un petit groupe constitué de PME, par exemple, dont l’une dispose d’une trésorerie excédentaire de 50 et les deux autres d’une trésorerie déficitaire de 50 et de 10, il peut être plus intelligent de mutualiser les besoins et les excédents de trésorerie que d’augmenter les plafonds d’engagements, avec les garanties que cela suppose alors de donner aux établissements bancaires.
Je suppose que les amendements nos 1416 rectifié bis et 813 rectifié ter que j’avais déposés deviendront sans objet avec l’adoption de l’amendement n° 1741. Je remercie donc la commission spéciale, plus particulièrement Dominique Estrosi Sassone, d’avoir été attentive à mes observations. Je remercie également le Gouvernement, qui a pris en compte le point de vue de la commission spéciale. En effet, le texte qui nous est proposé me paraît à la fois opérationnel et sécurisé : il ne permet pas tout. Le but n’est pas du tout, en effet, que les sociétés ayant des activités industrielles ou commerciales deviennent des simili-banques. Si c’était le cas, je vous l’accorde, mes chers collègues, cette initiative serait totalement ratée !
Pour les PME, ce dispositif – croyez-m’en – va apporter un peu de sécurité et de souplesse. Les entreprises en profiteront pour apprendre à travailler plus encore les unes avec les autres, ce qui peut être utile, voire vertueux, si elles veulent s’attaquer à certains marchés nationaux ou internationaux.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que je sois très heureux de cette disposition introduite par l’Assemblée nationale, et améliorée au Sénat.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je me réjouis, moi aussi, de cette disposition, dont Jean-Christophe Fromantin est à l’origine, car elle constitue un vrai progrès.
Mes propos, néanmoins, seront peut-être un peu plus mesurés que ceux que je viens d’entendre.
C’est grâce à la possibilité d’accorder des prêts par convention de trésorerie que j’ai pu financer ma dernière entreprise. En effet, l’une de mes entreprises avait suffisamment de cash pour ce faire. Pourquoi, dans ce cas, aller chercher le financement de cette nouvelle aventure auprès d’une banque ? Tout cela s’est donc fait assez librement, mais dans un autre environnement, au Royaume-Uni, où toutes les contraintes que nous connaissons n’existent pas, et où ces prêts sont possibles.
Pourquoi, d’ailleurs, ne les autoriser que pour un ou deux ans, comme le prévoit le présent amendement ? Est-il également nécessaire de voir ses comptes certifiés pour être autorisé à s’y livrer ? Il suffit de déclarer dans le bilan de l’entreprise que cet engagement existe.
Pourquoi toutes ces contraintes ? C’est tout de même extraordinaire, la proposition de Jean-Christophe Fromantin, proposition qui ouvre une porte, qui crée une nouvelle liberté, est à peine adoptée que des verrous lui sont mis, que des dispositifs de sécurité sont mis en place ! Il faut faire confiance aux entrepreneurs et aux entreprises. Si les entreprises ont besoin de crédits pour survivre, mieux vaut pour elles disposer de ce prêt de trésorerie que de déposer le bilan, faute d’argent. Elles sont, de toute façon, dépendantes de leurs clients.
Cette mesure, bien sûr, constitue un progrès, dont nous nous réjouissons tous. Mais j’ai un peu de mal, je l’avoue, à comprendre cette frilosité. Tout cela donne l’impression que l’on ne peut pas faire confiance aux entreprises ou aux actionnaires qui prennent la décision de prêter.
Les propos que j’ai entendus dans cet hémicycle sont très loin, mes chers collègues, du monde de l’entreprise que je connais et dans lequel je vis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé de cette disposition, à laquelle j’ai essayé d’apporter, bien modestement, ma contribution, lors de nos discussions en commission. Nous allons dans le bon sens : le crédit interentreprises semble un très bon outil, cela vient d’être démontré.
Je regrette seulement, comme Olivier Cadic, qu’un encadrement ait été immédiatement mis en place, au nom de la sécurité, et que tout ce qui était prévu au départ ne se retrouve pas dans le texte proposé.
Le texte initialement adopté par la commission spéciale était bon, beaucoup plus souple. Je ne suis pas sûr, en revanche, que le dispositif proposé permette d’atteindre les résultats espérés. Nous n’allons pas hésiter, bien sûr, à franchir le pas et à voter le présent amendement, car il constitue une avancée. Mais il faudra probablement, mes chers collègues, que nous revenions assez rapidement sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je voterai en faveur de l’amendement présenté par Mme la corapporteur. Je salue le travail de fond accompli par l’ensemble des membres de la commission spéciale, en lien étroit avec M. le ministre.
M. Cadic vient de parler de confiance. Oui, tout repose sur la confiance envers les chefs d’entreprise. Naturellement, la rigueur et la transparence doivent être de mise, d’où l’importance de la certification des comptes par un commissaire aux comptes – il en est fait mention dans l’amendement.
Par ailleurs, c’est un fait, les banques prêtent difficilement aux entreprises. La situation est donc de plus en plus délicate et difficile pour les éventuels emprunteurs, et ce quelle que soit la taille de leur entreprise.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 1416 rectifié bis et 813 rectifié ter n'ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 1416 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Tandonnet, Guerriau, Cadic et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, était ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
1° Après les mots :
dans la société qui consent le crédit
insérer les mots :
et dans celle qui bénéficie du crédit
2° Remplacer les mots :
conclues avec un dirigeant
par le mot :
réglementées
L'amendement n° 813 rectifié ter, présenté par M. Gabouty, Mme Gatel, MM. Médevielle et Guerriau, Mme Loisier, M. D. Dubois et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, était ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Marc Gabouty. Il n’y a rien d’étonnant à ce que ce texte vise à encadrer les prêts interentreprises. Un tel dispositif s’impose, car il est primordial de respecter la législation, en particulier en ce qui concerne les délais de paiement. Par ailleurs, il est essentiel d’empêcher la titrisation en l’espèce.
Néanmoins, nous devons faire très attention à ne pas limiter les montants plafonds par rapport à la taille de l’entreprise. En effet, le chiffre d’affaires et les excédents de trésorerie ne sont pas toujours proportionnels à la taille.
J’ai félicité Mme la corapporteur de l’amendement n° 1741. Toutefois, elle a oublié de faire référence aux sociétés par actions simplifiées. C’est pourtant un statut qui se développe de plus en plus.
M. le président. Je mets aux voix l'article 40 bis A, modifié.
(L'article 40 bis A est adopté.)
Demandes de priorité et de réserve
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Après concertation avec les différents groupes, la commission spéciale demande l’examen par priorité des articles 71 à 82 bis relatifs aux exceptions au repos dominical et en soirée, afin qu’ils soient examinés le lundi 4 mai à dix heures, l’après-midi, le soir et la nuit. Nous aurons 163 amendements à examiner.
Par ailleurs, la commission spéciale souhaite que l’examen de l’article 50 A relatif aux sociétés de projet puisse se dérouler en présence du ministre de la défense et soit réservé jusqu’au mercredi 6 mai, à quatorze heures trente.
M. le président. Je suis donc saisi d’une demande de priorité de la commission spéciale portant sur les articles 71 à 82 bis, afin qu’ils soient examinés le lundi 4 mai.
Je suis également saisi d’une demande de réserve, toujours de la commission spéciale, portant sur l’article 50 A, afin qu’il soit examiné le mercredi 6 mai.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité et la réserve sont de droit quand elles sont demandées par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces demandes de priorité et de réserve ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement y est tout à fait favorable. Il avait d’ailleurs proposé au Sénat de prendre de telles dispositions.
4
Demande d’avis sur un projet de nomination
M. le président. M. le Premier ministre, par lettre en date du 17 avril 2015, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de Mme Élisabeth Borne aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
5
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique de l’immigration et de l’intégration, établi en application de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des lois.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Croissance, activité et égalité des chances économiques
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 40 bis B.
Article 40 bis B
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi visant à :
1° Modifier le chapitre III du titre II du livre II du code monétaire et financier, afin notamment de renforcer la protection des souscripteurs et de préciser les obligations des émetteurs de bons de caisse, et à prendre toute mesure de coordination rendue nécessaire ;
2° Adapter les dispositions relatives au financement participatif et celles des chapitres Ier et III du titre Ier du livre II, de l’article L. 312-2 et de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier, notamment pour permettre l’intermédiation des bons de caisse définis au chapitre III du titre II du livre II ou faciliter l’intermédiation des titres de créances dans le cadre du financement participatif.
M. le président. Les amendements nos 461, 510 et 810 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l'article 40 bis B.
(L'article 40 bis B est adopté.)
Article 40 bis C
(Supprimé)
Article 40 bis
(Non modifié)
I. – L’article L. 144-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après la première occurrence du mot : « financement, », sont insérés les mots : « aux entreprises d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance qui investissent dans des prêts et titres assimilés dans les conditions prévues, respectivement, par le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale, à certaines sociétés de gestion » ;
2° À la fin de l’avant-dernier alinéa, les mots : « de ces entreprises » sont remplacés par les mots : « des entités mentionnées aux deuxième et troisième alinéas lorsqu’elles consentent des prêts, investissent dans des prêts et titres assimilés ou effectuent des opérations d’assurance-crédit ou de caution » ;
3° Au dernier alinéa, les mots : « de ces entreprises » sont remplacés par les mots : « des entreprises d’assurance mentionnées au troisième alinéa » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret définit les sociétés de gestion mentionnées au deuxième alinéa et fixe les modalités d’application des deuxième et quatrième alinéas aux entreprises d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance et à ces sociétés de gestion. »
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi afin d’aménager les dispositifs de suivi du financement des entreprises mis en place par la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers.
M. le président. L'amendement n° 1713, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
après la première occurrence du mot : « financement, »
par les mots :
après les mots : « sociétés de financement, »
2° Remplacer les mots :
à certaines sociétés de gestion
par les mots :
à des sociétés de gestion définies par décret
II. – Alinéa 6
1° Supprimer les mots :
définit les sociétés de gestion mentionnées au deuxième alinéa et
2° Remplacer les mots :
à ces sociétés de gestion
par les mots :
aux sociétés de gestion
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. C’est un amendement rédactionnel et de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 40 bis, modifié.
(L'article 40 bis est adopté.)
Article 40 ter A
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier, après le mot : « réassurance, », sont insérés les mots : « ni les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, » et les mots : « pour les opérations visées au e du 1° de l’article L. 111-1 dudit code » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 40 ter (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 40 ter, appelé par priorité, a déjà été examiné.
Article additionnel après l'article 40 ter
M. le président. L'amendement n° 1340 rectifié bis, présenté par M. Delattre, Mme Imbert, MM. Carle, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Vasselle, Mouiller, J. Gautier, D. Laurent et Mayet, Mme Micouleau, M. Bouchet, Mme Lamure, MM. Bignon, Pintat, Milon et Calvet, Mme Mélot, MM. G. Bailly, Pierre, Doligé et Laménie, Mme Gruny, MM. Houel et Perrin, Mme Primas et MM. Leleux, Trillard, P. Dominati et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 40 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à supprimer l’assujettissement aux charges sociales des dividendes versés aux dirigeants des sociétés à responsabilité limitée, ou SARL.
La loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a élargi l’assiette des cotisations et contributions sociales aux gérants majoritaires de SARL soumis au régime de travailleur non salarié.
La fraction des revenus distribués et des intérêts payés qui excède 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales sur les revenus d’activité des gérants majoritaires dirigeant une société assujettie à l’impôt sur les sociétés.
Les dividendes ne sont pas un salaire ; ils rémunèrent la prise de risque. Ils sont donc liés aux résultats de l’entreprise, qui sont déjà eux-mêmes soumis à l’impôt.
Un tel assujettissement est injuste, car il y a double imposition, et contraire à l’esprit d’entreprendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Un amendement identique a déjà été adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou PLFSS, pour 2015, mais contre l’avis de la commission des affaires sociales. Le coût de la mesure est évalué entre 75 millions d’euros et 100 millions d’euros par an, alors que le régime social des indépendants, le RSI, est structurellement déficitaire. Un tel amendement aurait plus sa place en loi de financement de la sécurité sociale.
Néanmoins, nous sommes dans un contexte de grogne des travailleurs indépendants. Le Gouvernement doit nous indiquer les mesures qu’il compte prendre pour les rassurer. L’article 12 bis, qui a été introduit à l’Assemblée nationale lors de l’examen du PLFSS pour 2015, prévoyait d’étendre l’assiette des cotisations sociales aux dividendes versés aux dirigeants majoritaires des sociétés anonymes, les SA, et des sociétés par actions simplifiées, les SAS.
Le Gouvernement avait annoncé vouloir mener une réflexion sur le seuil des 10 %. Nous souhaiterions savoir où cela en est aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
La réflexion est actuellement menée au niveau interministériel. Le député Fabrice Verdier a été chargé d’une mission parlementaire sur ces sujets. Des propositions devraient être formulées d’ici à l’été prochain.
M. le président. Madame Primas, l'amendement n° 1340 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Non, je le retire ; il a effectivement peut-être plus sa place en loi de financement de la sécurité sociale.
Cela étant, madame la corapporteur, avec toute l’affection que j’ai pour vous, je ne peux pas entendre votre argument selon lequel il faudrait imposer deux fois les mêmes personnes sous prétexte que le RSI est déficitaire !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 818 rectifié quinquies, présenté par M. Gabouty, Mme Loisier, MM. Guerriau, Médevielle, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité pour chaque région française de créer et d’animer une place de marché de valeurs mobilières avec une cotation régulière des titres émis par les sociétés ou collectivités inscrites, présentes ou représentées sur la place.
Ce rapport évalue la possibilité que :
- Le conseil régional gère cette place de marché ;
- Ces places de marché assurent la cotation des valeurs mobilières, en actions ou en obligations, émis par les sociétés ou collectivités inscrites sur la place sur la base d’un règlement validé par l’Autorité des marchés financiers ;
- La gouvernance de la place de marché soit coordonnée par le conseil régional. Sa gestion est assurée par un opérateur, après une mise en concurrence auprès des professionnels spécialisés ;
- L’animation de la place de marché soit organisée de façon collégiale avec la direction régionale de la Banque publique d’investissement, la Caisse des dépôts et consignations, les banques privées régionales, les organismes consulaires et tout autre opérateur agréé en mesure de participer à l’animation du marché.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement a pour objet d'améliorer le financement des entreprises, notamment des PME régionales. Nous proposons la mise en place des bourses régionales, créant ainsi un outil de circuits courts de financement régional en actions ou en obligations. Cela permettra de mutualiser des emprunts, en partenariat notamment avec l'Agence France Locale.
Le mécanisme envisagé viendrait consolider les nouvelles compétences des régions en matière de développement économique, que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou NOTRE, tend à définir.
Les régions et les métropoles pourraient en assurer l'animation, avec l'aide de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque publique d'investissement, en partenariat avec un acteur professionnel, tandis que la régulation serait assurée par l'Autorité des marchés financiers.
M. le président. L'amendement n° 304 rectifié quater, présenté par MM. Gabouty et Médevielle, Mme Loisier, MM. Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création de plates-formes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en hexagone et dans les outre-mer, afin de fournir un outil de circuits courts de financement régional.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. le président. L'amendement n° 562 rectifié quater, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Lalande, Patient, Chiron, Yung, Botrel, Raynal, Vincent, Raoul, Boulard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création de plates-formes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en hexagone et dans les outre-mer, afin de fournir un outil de circuits courts de financement régional.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. La commission spéciale a érigé en principe le fait de ne pas encombrer la loi de rapports inutiles. Nous y souscrivons pour partie.
Toutefois, comme je l’ai indiqué, certains rapports sont utiles. C’est le cas de celui que nous demandons maintenant.
Il n’existe actuellement qu’une seule bourse régionale, celle de Lyon. Il faut tout de même vérifier ce que l’on appelle les « effets de place ».
Les nouvelles mesures de décentralisation, notamment la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, et la loi NOTRE, qui est en cours d’examen, donnent à la région un rôle de chef de file économique.
Or l’économie, c’est aussi le financement des entreprises. Avec la création des grandes régions et des métropoles, nous devons pouvoir disposer d’éléments sur les bourses régionales. Je pense d'ailleurs que nous sommes d’accord sur ce point, en tout cas avec M. Gabouty.
Les bourses régionales peuvent être un outil formidable pour relocaliser des places financières en agrégeant les acteurs des territoires, le Sénat étant, je le rappelle, la chambre des territoires.
À mon sens, un tel rapport se justifie vraiment. Je ne défendrai pas tous les rapports, mais il y en a deux auxquels je tiens, dont celui-là !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission a pris le parti de supprimer toutes les demandes de rapport au Gouvernement. Nous sollicitons donc le retrait de ces trois amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.
Certes, il s’agit d’un vrai sujet. L’intérêt pour ces bourses est tout à fait légitime. Nous savons que les PME et les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, ont besoin de fonds propres. La mobilisation de l’épargne régionale au service des PME et des ETI locales, ainsi que la création de circuits courts de financement sont des idées à creuser, voire à mettre en œuvre, comme c’est le cas à Lyon. Le Sénat peut d’ailleurs y travailler. Dès lors, pourquoi demander un rapport au Gouvernement alors que la Haute Assemblée est tout à fait légitime pour se saisir de la question ?
Au demeurant, monsieur Gabouty, vos deux amendements sont exclusifs l’un de l’autre ; en tout état de cause, nous ne pourrions en adopter qu’un seul.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Rendons à César ce qui appartient à César : ces propositions sont issues d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale. L’auteur de cette initiative, le député Jean-Christophe Fromentin, tenait à mettre le sujet en lumière, et nous partageons cette volonté.
Une première bourse régionale connaît ses premiers succès à Lyon ; elle a été largement promue. Nous pourrions avancer en ce sens, soit par la remise d’un rapport, soit par l’introduction de quelques dispositions dans le texte, si nous voulons aller plus loin d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Cela étant, l’amendement n° 818 quinquies m’inspire une réserve rédactionnelle. Le fait de proposer que les conseils régionaux assurent le pilotage revient, d’une certaine manière, à préempter l’organisation du dispositif. Le rôle d’animation peut être assuré par les chambres de commerce, comme le montre l’exemple lyonnais. La rédaction choisie me paraît donc quelque peu restrictive.
C’est pourquoi je vous suggère de retirer cet amendement au bénéfice de l'amendement n° 562 rectifié quater ou de l’amendement n° 304 rectifié quater, auxquels le Gouvernement est favorable.
M. le président. Monsieur Gabouty, l'amendement n° 818 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Gabouty. Non, je le retire, monsieur le président.
En revanche, je maintiens l'amendement n° 304 rectifié quater, qui est presque identique à l’amendement n° 562 rectifié quater, présenté par Mme Bricq.
M. le président. L’amendement n° 818 rectifié quinquies est retiré.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le texte initial de notre amendement prévoyait un délai de trois mois. On nous a fait remarquer en commission spéciale que c’était peut-être un peu court. Nous avons donc décidé de le porter à neuf mois. Mais si le Sénat opte pour un délai de trois mois, nous n’y verrons aucun inconvénient.
Madame la corapporteur, la remise de rapports du Gouvernement n’est en rien contradictoire avec le travail sénatorial. Une commission qui décide de constituer un groupe de travail s’adresse en premier lieu au Gouvernement, qui dispose d’informations de nature à étayer la recherche des parlementaires.
Le dépôt d’un rapport du Gouvernement ne représente donc pas une entrave pour les travaux du Sénat. Au contraire, il me paraît tout à fait appréciable de pouvoir s’appuyer sur un rapport pour mener des investigations, notamment sur bourse régionale créée à Lyon.
À cet égard, le Sénat peut bénéficier de l’expérience d’Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, de celle de Gérard Collomb, président de la métropole, ou de celle de Michel Mercier, qui connaît très bien le département, du moins ce qu’il en reste. Nous pouvons avancer à partir d’un travail de récolement des informations du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Trois mois, cela fait court ; neuf mois, c’est un peu long. Je suggère donc un accouchement sous six mois ! (Sourires.) Je rectifie mon amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 304 rectifié quinquies, présenté par MM. Gabouty et Médevielle, Mme Loisier, MM. Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, et ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création de plates-formes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en hexagone et dans les outre-mer, afin de fournir un outil de circuits courts de financement régional.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Dans nos territoires, nous avons besoin de boucles locales de financement pour soutenir les entreprises et les collectivités locales.
Certes, je suis par principe réservé sur les demandes de rapport au Gouvernement ; beaucoup de demandes ont d’ailleurs été rejetées.
Toutefois, dans le cas présent, l’initiative de nos collègues me semble particulièrement opportune. Nous avons besoin de l’outil de financement que sont les bourses régionales, d’autant que le périmètre des régions est amené à s’étendre de manière importante.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 304 rectifié quinquies.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 40 quater est rétabli dans cette rédaction, et l’amendement n° 562 rectifié quater n’a plus d’objet.
Section 3
Innover
Article 41 A
(Non modifié)
La quatrième phrase du premier alinéa de l’article L. 111-6 du code de la recherche est complétée par les mots : « , et à ce qu’une information soit apportée aux membres de la communauté scientifique dans les domaines qui touchent aux mondes de l’entreprise et de l’administration ».
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par Mmes Assassi, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’ajout de la mention visée au code de la recherche résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment du président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPESCT, le député Jean-Yves Le Déaut.
Nous pourrions reprendre ici le débat qui nous a opposés au moment de l’examen de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, et de l’article relatif à la définition d’une stratégie nationale de recherche.
L’article 41 A reprend l’idée ressassée de la « méconnaissance » par la communauté scientifique et les « chercheurs » des codes et usages du monde économique. Il s’agit d’une vision pour le moins caricaturale des chercheurs français, qui seraient « enfermés dans leurs labos » !
En tant que rapporteur de la commission d’enquête sur le crédit d’impôt recherche, je peux témoigner que cette vision ne correspond nullement à la réalité. Au contraire ! Nombre d’exemples en France montrent l’existence de solides collaborations et d’un partage quotidien des cultures entre acteurs de terrain, chacun dans son domaine de compétence. Ce travail s’effectue dans le respect des pratiques de chacun, et non en essayant d’inféoder l’activité des chercheurs au monde de l’entreprise. Quelques jours de formation ne sauraient s’y substituer pour les professionnels concernés par des applications de la recherche fondamentale, comme certaines innovations à débouchés de marché.
De plus, une telle proposition ignore l’état exsangue de nos universités et de nos centres de recherche publics, qui peinent déjà à assurer correctement leurs missions faute de crédits suffisants et qui ont vu les budgets dévolus à la formation continue fondre comme neige au soleil. Pourtant, c’est sur ces budgets que les auteurs du dispositif envisagé souhaitent s’appuyer !
L’amendement traduit une vision très réductrice de la recherche. Bien d’autres domaines scientifiques existent ; ils sont tout aussi importants, mais portent sur des questions qui ne sont pas liées aux entreprises. Cela peut d’ailleurs être le cas dans certains laboratoires qui travaillent sur des sujets à potentiel commercial. Or, dans toute l’Europe, des départements de lettres, de langues, de philosophie et d’autres disciplines fondamentales pour la transmission des connaissances disparaissent, du fait de leur moindre engagement dans des domaines liés aux marchés
Cet accent mis sur les « priorités des entreprises », dont était fortement empreinte la loi Fioraso – elle a été suivie de près par l’initiative de notre collègue Jean-Yves Le Déaut – ressemble de plus en plus à une injonction adressée à la recherche publique pour qu’elle se recentre sur des activités potentiellement marchandes. Nous ne nions pas la nécessité des relations entre le monde scientifique et les entreprises ; mais cela ne peut pas devenir l’unique visée de la recherche publique. Je le rappelle tout de même, la mission fondamentale des personnels des organismes de recherche est de faire non pas du commerce, mais de la recherche, en vue de l’élévation du niveau des connaissances !
De la subordination à l’impératif économique découle nécessairement une hiérarchisation des savoirs et des recherches. Une telle vision privilégie la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale et marginalise les sciences humaines et sociales.
En conséquence, nous proposons la suppression de cet article 41 A, qui a été adopté malgré un avis défavorable de la commission,…
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Mais non !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … pour, selon les termes alors utilisés, le « message politique qu’il permettrait de faire passer ». Voilà qui avait le mérite de la clarté ! Mais cela justifie bien notre demande de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Ma chère collègue, la commission spéciale n’a pas émis d’avis défavorable sur l’article. Je me souviens très bien de la position que j’avais suggéré d’adopter.
Dans un premier temps, sans forcément partager les craintes que vous exprimez, la commission avait hésité à supprimer l’article. Elle s’interrogeait sur la pertinence de l’information que pourrait recevoir la communauté scientifique sur les mondes de l’administration et de l’entreprise.
Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis de sagesse sur cet amendement, cette sagesse pouvant même se traduire par un vote positif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 41 A est supprimé.
Article 41 B
(Supprimé)
Article 41
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 423-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 423-1. – Les conseils en propriété industrielle sont autorisés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée. » ;
2° Aux premier et second alinéas de l’article L. 811-1, la référence : « L. 422-13 et » est supprimée ;
I bis (nouveau). – Après les mots : « n’est », la fin du second alinéa de l’article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi rédigée : « applicable ni aux avocats ni aux conseils en propriété industrielle qui, en toutes matières, restent soumis respectivement à l’article 3 bis de la présente loi et à l’article L. 423-1 du code de la propriété intellectuelle. »
II. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 41 du projet de loi vise à autoriser les conseils en propriété industrielle à recourir à la publicité et à la sollicitation personnalisée.
En nous fondant sur le principe de la prohibition du démarchage en matière de prestations juridiques, nous souhaitons la suppression de cet article. L’autorisation du recours à la publicité est justifiée par un arrêt du 5 avril 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interdiction du démarchage aux experts-comptables, qui a conclu à la contrariété de cette interdiction générale avec la directive « Services ».
Le Gouvernement a déjà ouvert une brèche dans ce principe, en introduisant dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation une exception pour les avocats, ce que nous regrettons. Le principe de publicité demeure néanmoins prohibé en droit et punissable de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros, sauf pour les avocats, qui peuvent recourir à une sollicitation personnalisée.
Au motif que d’autres professions relevant de la directive « Services » sont, elles aussi, autorisées à pratiquer le droit à titre d’activité principale, comme les conseils en propriété industrielle, l’article vise donc à étendre cette exception, afin de favoriser l’activité des conseils en propriété industrielle auprès des entreprises.
Cet article, qui est sans doute le fruit d’un lobbying efficace et sans enjeux fondamentaux, se fonde sur une directive que nous contestons et remet en cause un principe du droit que nous ne souhaitons pas abandonner. Nous en demandons donc la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Ma chère collègue, je salue l’honnêteté de votre analyse juridique.
Comme vous l’avez indiqué, la Cour de justice de l’Union européenne pourrait sanctionner la France si nous adoptions à votre amendement. Elle a déjà condamné notre pays pour avoir interdit la possibilité du démarchage aux experts-comptables.
Lorsque nous avions étendu la directive aux avocats, notre collègue Thani Mohamed Soilihi avait d’ailleurs souligné que notre travail risquait d’être imparfait si nous n’étendions pas la directive à d’autres professions.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Au demeurant, je me permets de noter que tout irait mieux si nous avions un code de l’accès au droit. Je vous invite donc à donner suite aux dispositions que le Sénat a votées à cet égard, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je ne voterai pas cet amendement.
Le travail des conseils en propriété industrielle est de nature bien moins juridique que scientifique. Les professionnels proposent aux entreprises de les aider à protéger leurs recherches, qu’il s’agisse de dessins, de modèles ou du design d’objets fabriqués. Une telle démarche n’est pas spontanée ; elle nécessite un certain nombre de connaissances, notamment scientifiques, par exemple en physique, en chimie…
L’article 41 me semble donc plutôt positif pour nos PME, qui sont relativement démunies en la matière. Les conseils en propriété industrielle les aideront à déposer davantage de brevets et à se protéger, en France comme à l’étranger.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 41.
(L’article 41 est adopté.)
Article 41 bis A
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 563 rectifié bis, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Lalande, Patient, Chiron, Yung, Botrel, Raynal, Vincent, Raoul, Boulard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le e du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre de chaque année, un rapport d’évaluation sur l’application du présent e ; ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La jurisprudence de la commission spéciale sur les rapports semble avoir été, encore une fois, appliquée avec un peu trop de rigidité.
Le problème que nous soulevons est d’une ampleur suffisamment importante pour que le Parlement s’en saisisse.
Comme vous le savez, un dispositif de soutien aux exportations des entreprises a été créé en loi de finances rectificative pour 2013. Une garantie est accordée par l’État à la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, pour les opérations de réassurance crédit de court terme. À ce titre, la COFACE est dans son bon droit en renégociant unilatéralement certains de ces contrats ; il s’agit même de sa partie publique.
Toutefois, plusieurs responsables de PME de nos territoires ont signalé un nombre extrêmement important de renégociations. Il serait donc étrange que le Parlement ne se sente pas concerné et refuse de contrôler le phénomène.
Nous demandons au Gouvernement un rapport d’évaluation. Je ne crois pas qu’une question orale suffise à traiter un sujet aussi préoccupant pour un grand nombre d’acteurs économiques de nos territoires. Une telle requête avait d’ailleurs déjà été formulée par le précédent rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’article 41 bis A, qui a été supprimé, visait à obtenir du Gouvernement un rapport annuel sur une garantie publique octroyée à la COFACE sur la réassurance crédit de court terme.
Nous avons déjà rappelé la position de principe de la commission spéciale sur les demandes de rapports. Je n’y reviens donc pas. (Mme Nicole Bricq proteste.) Il y a un problème, madame Bricq. La garantie publique visée n’a toujours pas été mise en place faute de décret d’application. Quel rapport voulez-vous que le Gouvernement remette sachant que le dispositif ne fonctionne même pas ?
En outre, le Gouvernement a annoncé que les garanties publiques à l’export pourraient désormais être gérées par la BPI, et non plus par la COFACE. Le dispositif juridique visé par l’amendement pourrait très bien avoir été modifié d’ici à l’entrée en vigueur de la présente loi : le rapport se résumerait alors à une page blanche !
Vous l’aurez compris, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Courteau. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 563 rectifié bis est retiré.
En conséquence, l’article 41 bis A demeure supprimé.
Article 41 bis B
(Supprimé)
Article 41 bis C
(Supprimé)
Article 41 bis D
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 258, présenté par MM. Guillaume et Yung, Mme Bricq, MM. Bigot, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2016, un rapport relatif à l’opportunité et aux conditions de la spécialisation en droit de la propriété industrielle d’un petit nombre de magistrats.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement concerne la spécialisation des juges en propriété industrielle ou intellectuelle. Le sujet n’est pas nouveau ; nous en avions déjà discuté à de nombreuses reprises en commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous avions même pris des décisions !
M. Richard Yung. En effet, mon cher collègue. Nous les avions intégrées dans la première version du texte sur la contrefaçon.
Mais nous nous heurtons au ministère de la justice et au Conseil supérieur de la magistrature.
Nous sommes sur une matière compliquée. Seulement dix tribunaux de grande instance traitent des dossiers de propriété industrielle en France. D’ailleurs, c’est trop ; il suffirait d’un seul.
Nous avions aussi envisagé une certaine spécialisation des juges. La discipline exige de la pratique. Il faut avoir été juge pendant de nombreuses années et avoir traité de cas autres que les divorces à Romorantin-Lanthenay ! (Exclamations.)
M. François Pillet, corapporteur. Ce n’est pas parce qu’un juge est à Romorantin-Lanthenay qu’il est mauvais !
M. Richard Yung. Je retire mes propos sur Romorantin-Lanthenay !
M. François Pillet, corapporteur. Cette méfiance à l’égard des juges est inadmissible !
M. Richard Yung. Mais je maintiens qu’il faut avoir de la pratique.
Dans de nombreux autres pays, les juges en propriété industrielle sont spécialisés ; il existe même des juges techniciens en Allemagne. Et tous ces juges, techniciens ou non, restent en place pendant dix ou quinze ans. Du coup, nos entreprises saisissent plutôt les tribunaux allemands, qui rendent une jurisprudence stable et de haute qualité.
Certes, nous connaissons l’hostilité de la Chancellerie et du Conseil supérieur de la magistrature. Mais, à nos yeux, il serait bon d’avoir en France des juges formés et restant longtemps en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les auteurs de cet amendement demandent un rapport sur « l’opportunité » et les « conditions de la spécialisation » de certains magistrats. Dans ce cas, pourquoi se cantonner au droit de la propriété industrielle ? Et d’ailleurs, pourquoi se limiter aux seuls magistrats ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
La commission spéciale s’en tient à sa jurisprudence et reste favorable à la suppression de l’ensemble des demandes de rapports.
Au demeurant, il n’est même pas certain que le sujet mériterait un rapport de la commission des lois. Une simple question d’actualité du jeudi, voire une question orale du mardi matin, avec une réponse pointue du Gouvernement, ferait sans doute très bien l’affaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je connais la rigueur de la commission spéciale sur la question des rapports.
Si le Gouvernement a eu le même avis que la commission sur l’amendement précédent, c’est en raison des mutations qui sont à l’œuvre, et non de l’action passée.
M. Yung soulève un sujet très compliqué. Un rapport pourrait être un bon stimulus. L’avis du Gouvernement est donc favorable.
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. En conséquence, l’article 41 bis D demeure supprimé.
Article 41 bis
Le premier alinéa du 1 de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« L’employeur informe le salarié, auteur d’une telle invention, lorsque cette dernière fait l’objet du dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « telle invention » sont remplacés par les mots : « invention appartenant à l’employeur ». – (Adopté.)
Article 41 ter
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 41 ter
M. le président. L'amendement n° 257, présenté par MM. Guillaume et Yung, Mme Bricq, MM. Bigot, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 41 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 311-1 est complété par les mots : « , ou de leur reproduction par une technologie d’impression en trois dimensions » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 311-5, après le mot : « support », sont insérés les mots : « ou de technologie ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement concerne l’impression en trois dimensions, ou 3D. C’est un domaine nouveau.
Désormais, on peut maintenant installer chez soi des imprimantes qui coûtent entre 500 euros et 1 500 euros et permettent, grâce à l’achat, voire au piratage d’un logiciel, de fabriquer pratiquement tout objet matériel dans sa cuisine ou son salon !
Cela pose le problème des droits de propriété industrielle : il y a reproduction d’un objet, invention, marque, dessin ou modèle, sans contrepartie pour le titulaire du droit.
Les imprimantes ont longtemps été réservées à l’industrie. Aujourd’hui, c’est dans le domaine public. La combinaison de la technologie 3D et du scanner permet de fabriquer tout objet.
J’ai le sentiment que nous sommes au début d’une grande évolution, avec la généralisation des imprimantes 3D. Ces machines, qui ne sont ni très rapides ni très commodes pour l’instant, seront efficaces dans cinq ou dix ans. Dès lors, elles se généraliseront.
Nous avons cherché une solution pour régler le problème des droits de propriété industrielle. L’une de nos propositions, celle qui fait l’objet de l’amendement n° 257, consiste à s’inspirer du principe de la protection du droit d’auteur.
Prenons le cas de la musique. Quand vous achetez un support audio, vous payez la redevance pour copie privée, qui est assez modeste, mais qui alimente un fonds destiné à dédommager les auteurs dont les œuvres sont copiées.
Par parallélisme, nous avons imaginé la création d’une redevance pour copie privée qui s’appliquerait à l’imprimante 3D. Lors de l’achat d’une machine, on paierait une redevance qui permettrait aux inventeurs ou titulaires de brevets, marques, dessins et modèles, de percevoir une rémunération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les auteurs de cet amendement soulèvent un sujet important. Mais le dispositif envisagé n’est pas abouti.
Par nature, les œuvres d’art matérielles sont exclues de l’autorisation légale de copie privée. Certes, on peut graver chez soi, à titre privé, un CD ; c’est pour cette raison qu’une taxe sur les CD existe. Mais il ne saurait y avoir de rémunération pour copie privée pour les dessins ou les sculptures.
L’extension qui nous est proposée reviendrait à taxer la technologie de reproduction, et non le support d’enregistrement. Une telle innovation du dispositif n’est pas prévue par l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle. Il manque donc une coordination.
Du point de vue de la protection, un objet fabriqué par une imprimante 3D, au mépris des règles, est, en soi, une contrefaçon.
De plus, des questions fondamentales sur la nature des œuvres matérielles se posent. Imaginez que vous vouliez faire une copie d’un bronze ou d’une sculpture en marbre de Carrare d’un grand artiste, comme Pompon : l’imprimante 3D va vous faire une copie en résine, et non en bronze. S’agit-il là du même objet ? Cela pose un problème.
Il serait malavisé de clore une réflexion qui en est à ses débuts par une loi imparfaite.
D’ailleurs, nos collègues de l'Assemblée nationale travaillent actuellement sur un sujet connexe, celui de la répartition de la rémunération pour copie privée. Attendons donc le résultat de leurs travaux, qui interviendra assez rapidement.
Eu égard à ces observations juridiques et pratiques, je sollicite le retrait de cet amendement, qui porte, certes, sur un vrai sujet. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La question est en effet complexe du point de vue de la propriété intellectuelle et de l’organisation de notre chaîne de valeur productive. C’est à juste titre que M. Yung la soulève.
Nous sommes progressivement en train d’investir et de réorganiser la production des imprimantes 3D. Mais ces équipements et les éléments qui en découlent sortent du champ des œuvres culturelles protégées par la rémunération pour copie privée. Ce sont des composantes industrielles ; il faut donc trouver le bon critère de protection.
Aujourd'hui, le secteur se développe. D’ailleurs, certains acteurs français se débrouillent très bien. Ils sont de véritables concurrents des acteurs internationaux. Je pense, entre autres, au groupe Gorgé.
L’enjeu est de connaître le bon critère de protection, surtout au regard de la compétition internationale, sans pour autant contraindre de manière excessive les acteurs concernés et les gêner dans leur développement industriel. La protection des œuvres culturelles est supérieure à celle qui s’applique pour les composants industriels classiques.
L'Assemblée nationale a engagé une réflexion sur le sujet. Je suggère que la Haute Assemblée mette en place un groupe de travail, en collaboration avec mon ministère, qui est également saisi. Nous devons avancer de manière patiente, mais résolue, afin de trouver le cadre adéquat dans les prochains mois ; le bon agenda serait d’ici à la fin de l’année. Les Allemands sont aussi très actifs dans ce domaine. À mon avis, la solution ne saurait être une application classique de la copie privée.
À la lumière de cet engagement, je vous invite à bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° 257 est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Je souhaite toutefois répondre à M. le corapporteur. La redevance pour copie privée a été créée pour les droits d’auteur. Mais rien n’interdit d’en élargir le champ. Il faut avoir une certaine souplesse dans l’approche des choses. Je signale d’ailleurs qu’un excellent rapport du Conseil économique, social et environnemental traite de la question des imprimantes 3D. Une autre possibilité serait de taxer les programmes utilisés pour activer l’impression. On pourrait imaginer une redevance sur les programmes informatiques.
Quoi qu’il en soit, je prends la balle au bond, monsieur le ministre. J’accepte votre offre de travailler ensemble pour affiner les propositions, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 257 est retiré.
Article 42
(Non modifié)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article L. 6143-1, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les prises de participation et les créations de filiales mentionnées à l’article L. 6145-7. » ;
2° Au 1° de l’article L. 6143-4, la référence : « et 7° » est remplacée par les références : « , 7° et 8° » ;
3° Après le 16° de l’article L. 6143-7, il est inséré un 17° ainsi rédigé :
« 17° Soumet au conseil de surveillance les prises de participation et les créations de filiale mentionnées à l’article L. 6145-7. » ;
4° Le deuxième alinéa de l’article L. 6145-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les centres hospitaliers universitaires peuvent prendre des participations et créer des filiales pour assurer des prestations de services et d’expertise au niveau international, valoriser les activités de recherche et leurs résultats et exploiter des brevets et des licences, dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’État.
« Le déficit éventuel des activités mentionnées aux deux premiers alinéas n’est pas opposable aux collectivités publiques et aux organismes qui assurent le financement des établissements. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. À l’instar de l’ensemble de mes collègues du groupe CRC, je suis très inquiète : cet article s’attaque aux trente-sept centres hospitaliers universitaires, les CHU.
Au regard de l’intitulé du projet de loi, nous aurions pu croire – d’ailleurs, nous l’espérions – que l’objectif de croissance et d’activité conduirait à donner des moyens nouveaux aux établissements. Malheureusement, ce n’est pas le choix qui a été effectué.
Monsieur le ministre, vous préférez que les CHU puissent investir à l’étranger, rompant ainsi avec la législation actuelle, selon laquelle l’objet principal des établissements publics de santé « n’est ni industriel ni commercial ».
En autorisant les CHU à créer des filiales à l’étranger, à prendre des participations dans des sociétés commerciales ou à créer leurs propres antennes à l’étranger, vous entendez mettre fin à des prétendues « rigidités françaises », qui constituent au contraire, à nos yeux, une garantie contre la privatisation de la santé et du système hospitalier.
Nous nous félicitons de la reconnaissance du savoir-faire français en matière de soins, d’accueil et de prise en charge des patients. Mais nous estimons que les échanges peuvent continuer à s’effectuer dans le cadre de coopérations internationales, notamment en matière de recherche. De nombreux partenariats existent déjà, que ce soit au Vietnam ou en Algérie, pour ne prendre que ces exemples. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ou AP-HP, y joue un rôle important.
Mais, monsieur le ministre, ce n’est pas ce que vous souhaitez développer ! Vous voulez passer à une logique d’« hôpital-entreprise » à l’étranger. Au lieu de créer les conditions économiques pour renforcer notre système hospitalier public, vous allez permettre à ces établissements de se « refaire une santé » à l’étranger avec des opérations financières et commerciales !
Alors que notre système public se meurt, notamment depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, et depuis les économies drastiques qui sont imposées année après année – je le rappelle, 21 milliards d’euros d’économies sont prévus d’ici à 2017, pour la sécurité sociale et la santé, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité –, vous cherchez à investir l’international.
Il ne faut pas être devin pour savoir que la situation actuelle risque fort de s’aggraver. En clair, les activités jugées non rentables seront abandonnées.
Ce qui fait la renommée de notre système de santé, c’est précisément son caractère de service public, qui allie excellence et proximité. Depuis plusieurs années, ce modèle est remis en cause. Vous entendez bien franchir une nouvelle étape, ce que nous ne pouvons pas trouver juste.
Nous proposerons donc la suppression de l’article 42.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Cohen, David et Gonthier-Maurin, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement tend à la suppression de l’article 42, qui a été adopté sans modification par la commission spéciale.
Il nous paraît inopportun, voire pour le moins dangereux de permettre aux CHU de créer des filiales dans d’autres pays. Il y a là comme une incompatibilité d’activités, un mélange des genres entre le public et le privé.
Selon nous, la vocation des CHU n’est pas de vendre leur savoir-faire. L’esprit mercantile qui sous-tend l’article 42 nous dérange et nous inquiète, d’autant que la mesure prend place dans ce projet de loi d’inspiration très libérale.
De notre côté, nous sommes favorables à ce que des coopérations avec d’autres pays continuent à se développer, pour que l’excellence de nos CHU puisse être utile à l’international. Le cadre actuel a peut-être besoin d’être renforcé, mais il ne faut pas aller jusqu’à une libéralisation de certaines des activités.
Monsieur le ministre, vous concevez la santé comme une activité marchande, et tous les moyens sont bons pour faire du profit. Cela se retrouve pleinement dans cet article.
En réalité, ce dont ont besoin les CHU, c’est d’une politique d’investissements dans le cadre de leurs missions de service public. Voilà des années que les hôpitaux français sont délaissés, que les conditions de travail des salariés hospitaliers, donc la prise en charge des patients, se dégradent.
Compte tenu des économies drastiques que l’on exige des établissements, nous ne pensons pas qu’il leur semble opportun de créer des filiales à l’étranger.
Dans le contexte actuel, où la santé est plus que malmenée par les politiques successives, une telle mesure nous semble une aberration, voire une provocation !
C'est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 42.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 42 vise à autoriser les hôpitaux à créer des filiales, afin de développer leurs prestations à l’international et de valoriser leur recherche.
Pourquoi refuser aux hôpitaux ce qui a été reconnu à d’autres structures publiques de recherche, comme les universités ou le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS ?
Dans un contexte de concurrence internationale et de diminution de leurs ressources, il est tout à fait souhaitable que nos CHU puissent promouvoir leur savoir-faire et les compétences de nos médecins, de nos chercheurs et de nos équipes de gestion à l’étranger.
La commission donc est tout à fait défavorable à l’amendement n° 48.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je souhaite m’adresser à mes chers camarades du groupe communiste. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Les plateaux techniques de nos CHU sont extraordinaires et reconnus dans le monde entier. D’ailleurs, les établissements emploient un nombre non négligeable de praticiens étrangers. (MM. Michel Bouvard et Roland Courteau acquiescent.)
Nos hôpitaux, notamment ceux de l’AP-HP, ont noué des partenariats avec des instituts privés ; je pense par exemple à l’Institut Pasteur. (Oui ! sur les travées du groupe CRC.) Ils l’ont également fait avec des sociétés, aussi bien des jeunes entreprises, qui font de la recherche et de l’innovation, que des grands groupes.
Chers collègues, si vous voulez donner une projection au service public, votez l’article 42 ! En effet, le développement de l’excellence française est entravé, alors que nous savons très bien construire des hôpitaux, notamment grâce aux grands groupes français du BTP, mais aussi les gérer et les exploiter.
Lorsque j’étais ministre, j’ai exporté toute cette excellence française en Algérie. M. Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui présidait alors l’AP-HP, nous avait accompagnés dans ce pays.
Mme Éliane Assassi. On s’en souvient !
Mme Nicole Bricq. Nous avons obtenu un contrat. Nous voulions Alger ; nous avons eu Constantine. Nous nous en sommes contentés.
Au Vietnam, nous avons obtenu un contrat pour équiper l’hôpital de Can Tho, dans le cadre non pas de la coopération, mais de la promotion à l’extérieur de l’offre française, à la fois évidemment de nos entreprises, mais aussi de notre savoir-faire.
Nous ne sommes pas les meilleurs au monde dans le domaine des dispositifs médicaux, mais nous sommes loin d’être nuls ! Il y a une excellence française en la matière.
Aujourd'hui, à l’étranger, on nous demande l’ensemble de notre chaîne de valeur.
L’article 42 permettra à nos CHU de disposer de filiales qui feront la promotion de l’offre française en matière de santé publique.
Je ne comprends donc pas que vous en demandiez la suppression. Vous préférez avoir des cliniques américaines partout ? (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.) La clinique Mayo, c’est du privé dur !
L’adoption de cet article ne nuira pas à la défense de l’hôpital dans notre pays. Nous le verrons au moment de l’examen du texte sur la santé.
Franchement, vous avez tort de vouloir supprimer cet article !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Il est intéressant de voir surgir dans le projet de loi Macron des suggestions qui n’apparaissent pas dans les débats sur l’hôpital, où nous restons alors dans les schémas traditionnels, avec des discussions sur les moyens de développer le secteur de la santé.
Le dispositif en cause soulève une autre question : peut-on toujours concevoir la santé au travers de son mode de financement actuel, qui est assis sur des cotisations sociales ? D’un côté, on nous dit que le secteur doit se développer, pour la santé de la population et la création d’emplois. De l’autre, on insiste sur la nécessité d’en réduire le financement au nom des économies à réaliser. Il y a là une contradiction fondamentale. Cela fait une dizaine d’années que nous ne parvenons pas à la résoudre.
Monsieur le ministre, qu’apporte véritablement à l’économie française la création de filiales dans d’autres pays ? Mme Bricq a dit que c’était merveilleux.
Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean Desessard. Elle a souligné combien nous étions excellents, combien notre savoir-faire était intéressant… Elle a rappelé que nous étions engagés dans des projets, au Vietnam ou ailleurs. Elle a vanté la qualité française. C’est bien ! Sur tous ces points, nous sommes d’accord avec elle.
À l’écouter, nos médecins, qui sont brillants, vont aller au Vietnam, au Brésil… Sauf que nous manquons déjà de médecins dans notre pays !
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Jean Desessard. Certes, pour la promotion de la France, il est très intéressant d’envoyer nos médecins brillants à l’étranger. Mais, dans le même temps, la France est en train de supprimer beaucoup d’instituts français à l’étranger.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jean Desessard. Il faudrait donc savoir ce que l’on veut pour l’image de la France !
Monsieur le ministre, puisque vous dites vouloir développer l’excellence française, êtes-vous prêt à mettre un terme au numerus clausus qui caractérise la formation des médecins et des infirmières ?
Mme Éliane Assassi. C’est la vraie question !
M. Jean Desessard. Je ne nie pas l’intérêt de créer des filiales à l’étranger pour développer un savoir-faire et transmettre notre expérience.
Mais allez-vous former suffisamment de médecins et d’infirmiers dans les prochaines années pour faire face à la fois aux besoins existant en France et aux besoins que fait naître la création de ces filiales dotées de la qualité française ? Êtes-vous prêt à débloquer leur formation ? Convenez-en, devoir importer des médecins de Roumanie ou d’autres pays de l’Est pour exporter l’excellence française, cela ne servirait pas à grand-chose !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Après le service public des transports, après celui de la justice, c’est le tour du service public de la santé !
Personne ne peut se plaindre que l’excellence française, dans tout le champ de la filière médicale, soit reconnue à l’étranger et sollicitée partout dans le monde. Mais, selon nous, elle ne doit pas être vue seulement comme une marchandise ou un bien propre à la vente.
Mme Éliane Assassi. Pour Mme Bricq, si !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame Bricq, ne voyez pas dans la position de notre groupe politique une volonté de garder pour nous, de manière presque chauvine, le savoir-faire national en matière de soins, d’accueil et d’accompagnement des patients.
Oui, le cadre juridique est contraignant. Personne ne le nie ! Mais il s’agit justement d’éviter les dérives qu’entraînerait la transformation de nos CHU en entreprises.
Oui, madame Bricq, nous voulons croire en la possibilité de faire profiter l’étranger de nos savoir-faire dans le cadre de protocoles de coopération et de solidarité internationaux ! Mais, comme cela a été souligné en commission spéciale, l’enjeu de l’article 42 est non pas de favoriser la coopération entre les États, mais de « vendre notre expertise » et « notre force de frappe ». (M. Jean Desessard s’exclame.)
On peut comprendre l’intérêt qu’a le Gouvernement à encourager la course aux capitaux étrangers. La situation financière des centres hospitaliers universitaires, malgré leur excellence avérée, est calamiteuse. Ainsi, à la fin de l’année 2012, les emprunts toxiques des CHU représentaient 2,5 milliards d’euros, d’après la Cour des comptes.
La dette à moyen et long termes des établissements publics de santé a triplé en dix ans, notamment sous l’impulsion des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, qui ont encouragé le recours à l’emprunt. Il apparaît aujourd’hui de plus en plus difficile aux professionnels hospitaliers de pallier les manques financiers des établissements.
Les rentrées d’argent qui résulteraient de l’adoption de l’article 42 permettraient, à court terme, de résorber à la marge ce trou béant. Mais à quel prix ? Celui de la marchandisation des actes de soin !
La santé ne peut pas être appréciée sous le prisme du commerce. Certains le font déjà. Leur vision des choses est détestable, et l’on ne saurait tolérer que la France se joigne à eux. Ce processus de marchandisation de la santé conduira à terme à la disparition des opérations de solidarité internationale. Cela constitue un facteur important d’incitation à la vente par les CHU de leur savoir-faire aux États qui peuvent se permettre de les acquérir.
Faut-il le rappeler, l’accès à la santé est prescrit par la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Certes, ce texte n’est pas contraignant juridiquement ; on peut d’ailleurs le regretter. Mais il doit tout de même rester une référence pour nous.
Parce que la vision de la santé du Gouvernement nous semble aller dans la mauvaise direction et engager un recul des principes du service public, parce que, pour nous, la santé ne peut pas être vue comme une marchandise et parce que nous estimons que la coopération internationale est le meilleur moyen de valoriser notre savoir-faire, nous proposons de supprimer l’article 42 du projet de loi !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Les débats sur l’avenir du système de santé sont très intéressants, mais ce n’est pas le sujet !
L’article 42 porte sur des cas très concrets. La ville de Constantine veut créer un CHU. Elle pose des conditions, avec des garanties financières. Elle veut passer des contrats avec un prestataire pour trouver les meilleurs partenaires.
L’AP-HP est emblématique de l’excellence médicale et scientifique à la française ; nous nous en félicitons. (Mme Éliane Assassi acquiesce.) Mais, en l’état actuel du code de la santé publique, l’AP-HP ne peut pas candidater à l’appel d’offres de la ville de Constantine ! Ce sont d’autres établissements qui le font à sa place.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, si vous considérez que la défense du service public consiste à lui interdire de se développer et à favoriser à la place les Allemands, les Américains ou les Anglais, vous en avez une vision particulièrement obtuse !
Mme Éliane Assassi. Nous ne parlons pas de la même chose !
M. Emmanuel Macron, ministre. Pour vous, le meilleur moyen de protéger le service public français, c’est de l’empêcher de rayonner à l’étranger ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Aujourd’hui, le code de la santé publique ne permet pas de procéder à de telles opérations. Lisez attentivement l’article 42. Nous ne proposons pas de retirer de l’argent aux hôpitaux français ! Au contraire ! Les décisions sont sous le contrôle du conseil de surveillance de l’AP-HP et de l’agence régionale de santé.
M. Jean-Pierre Bosino. Moins 2 000 emplois dans la santé !
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, nous n’allons pas refaire le débat sur la situation de la santé publique en France. Ne mélangeons pas tout !
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui l’avez ouvert, avec votre article !
M. Emmanuel Macron, ministre. Pas du tout ! Lisez l’article !
Le cadre législatif actuel limite la capacité d’exportation de l’expertise française. L’article L. 6141-1 du code de la santé publique dispose que l’objet principal des établissements publics de santé n’est « ni industriel ni commercial ». Cela ne leur permet pas de développer leur expertise et de créer des filiales à l’international.
Nous voulons que l’AP-HP ou les hospices civils de Lyon puissent se développer et répondre à des clauses de garantie. Je reprends l’exemple de Constantine : aujourd’hui, les établissements publics de santé ne sont pas en mesure de donner une garantie bancaire, car ils n’en ont pas la possibilité juridique.
Je donnerai ensuite un avis plus laconique sur les autres amendements. Je crois que je n’arriverai pas à vous convaincre et que, quelque part, vous n’avez pas envie d’être convaincus ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Votre vision du service public consiste à lui interdire de se développer et de rayonner ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Pierre Bosino. Nous n’avons vraiment pas la même logique !
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez une conception étriquée : le service public doit rester dans les limites de l’Hexagone ! (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Brouhaha.)
Les Pères fondateurs ont toujours défendu l’idée d’un modèle universel à la française ! Persévérez dans votre voie si c’est ce que vous voulez ! Mais ce n’est pas notre idée du service public, et ce n’est pas celle que nous continuerons à défendre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Il m’arrive parfois de soutenir des amendements de nos collègues du groupe CRC.
Le sujet est très sensible, entre la complexité du code de la santé publique et le respect dû aux personnels des hôpitaux, notamment des CHU. Prenons un peu de recul et ayons confiance.
En l’occurrence, même si l’intervention de M. le ministre ne m’a pas entièrement convaincu, je suivrai l’avis de la commission. La suppression de l’article 42 rendrait plus difficile la création de filiales. Nous sommes entravés par le code de la santé publique. Il y a besoin d’une démarche positive. En matière de recherche, de savoir-faire, la tâche reste immense. Il faut surmonter les blocages.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. J’ai trouvé les propos de mon collègue Jean Desessard un peu caricaturaux. Et quand le groupe CRC évoque les emprunts toxiques, je ne suis pas sûr que cela ait un lien avec le sujet. Nous n’allons pas traiter les difficultés de financement des hôpitaux, qui sont réelles, dans cet article.
Je sais d’expérience que l’excellence française en matière hospitalière est reconnue dans le monde.
M. Jean Desessard. Je n’ai pas dit le contraire !
M. Claude Raynal. Chaque fois que nous nous rendons dans un pays étranger, par exemple en Inde ou au Vietnam, on nous demande un projet « clés en main » ! Ce qui est attendu, c’est la fourniture d’équipes et de matériel. C’est une chance pour nous. (M. Jean Desessard s’exclame.) Veuillez ne pas m’interrompre, monsieur Desessard !
Dans le même ordre d’idées, Aéroports de Paris, ou ADP, a été un formidable catalyseur d’entreprises. Des bureaux d’études ont monté des projets géniaux. Ne freinons surtout pas !
On nous dit que de telles mesures vont faire perdre des personnels. C’est exactement l’inverse ! L’idée est évidemment de former du personnel sur place, en s’appuyant sur notre excellence. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Il ne s’agit évidemment pas que les chirurgiens français restent ensuite en Inde ou au Vietnam.
Faisons preuve de réalisme. Nous avons des filières d’excellence qui assurent un service public. Donnons-leur une plus grande liberté pour leur permettre de diffuser leur expérience à l’étranger !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je partage l’analyse de mon collègue Claude Raynal. Il s’agit non pas de distribuer des soins, mais de transmettre notre expertise et notre expérience.
Nous avons une expertise médicale d’excellente qualité, en particulier en matière de soins, même si nous sommes un peu moins performants sur la prévention. Nous en discuterons lors de l’examen du texte sur la santé.
Soyons fiers d’être sollicités et d’incarner l’excellence ! L’article 42 nous permet d’apporter notre compétence et notre expertise à l’international ; nous ne pouvons y être que favorables.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous affirmez, nous ne mélangeons pas les genres ! C’est votre texte qui aborde la santé.
Mes chers collègues, nous marchons sur la tête ! Certains n’ont de cesse d’évoquer « l’excellence » de nos hôpitaux et de nos médecins ; d’ailleurs, je partage ce sentiment. Mais je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de voix dans cet hémicycle pour s’élever contre les économies drastiques dans la santé !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
Mme Laurence Cohen. Bien sûr que si ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Monsieur le ministre, vous considérez les hôpitaux comme des filiales commerciales allant apporter leur expertise à l’étranger ! Mais c’est déjà possible de transmettre nos compétences, par exemple dans le cadre de la coopération internationale ! (Mme Bricq s’exclame.) Madame Bricq, qu’allez-vous dire aux médecins, par exemple de Bichat ? Vous pensez qu’ils seront contents ? Bien sûr que non ! Aujourd’hui, des hôpitaux sont complètement cassés ! L’excellence française, on est en train de la piétiner !
Monsieur le ministre, vous nous faites un laïus sur le thème : « Il faut exporter l’excellence ». Mais cette « excellence », pour le rester, elle a besoin de moyens humains et financiers. Assez de faux-semblants !
Vous nous demandez de ne pas nous inquiéter, vous prétendez qu’il n’y a aucun souci… Vous avez fait exactement pareil à propos du service public des transports ! Vous êtes en train de casser tout le service public !
Nous n’avons effectivement pas la même conception que vous ; ça, c’est certain ! Nous sommes en profond désaccord. Mais admettez au moins que l’on ne peut développer l’excellence avec un budget restreint et des économies ! Aujourd’hui, les hôpitaux, et pas seulement Bichat, sont littéralement asphyxiés. Après un certain temps, le choix devient extrêmement marginal. Les conditions sont tellement dramatiques que certains médecins préfèrent aller travailler à l’étranger ! Ne nous faites pas croire qu’il n’y a pas de lien de cause à effet ! Dans une politique de santé, tout se tient !
Vous êtes en train de libéraliser encore plus, au détriment du service public et des soins accordés à la population !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je ne voterai pas cet amendement de suppression. Je trouve normal que les entreprises françaises aillent à l’étranger et y investissent. Je préfère avoir des Français sur place plutôt que des Américains, des Chinois ou des Coréens ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le ministre, vous êtes confronté à ce que j’appelle « l’effet Baudelaire » !
En 1940, lorsque la France a déclaré la guerre à l’Allemagne, il y a eu la « drôle de guerre » : on se tenait derrière la ligne Maginot sans bouger. Pendant que les Allemands envahissaient la Pologne, le général en chef de l’armée française, qui s’appelait Maurice Gamelin – vous ne le connaissez pas, car il n’a ni rue, ni avenue, ni statue à son nom, étant donné qu’il n’a rien gagné –, ne faisait rien. Les soldats étaient là, mais ils attendaient que ça passe. (Sourires.) Ce général Gamelin, on l’avait surnommé Baudelaire, en raison d’un poème qui figure dans Les Fleurs du mal et où il est écrit ceci : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes ».
Cela correspond tout à fait au débat que nous avons sur ce texte. Dès que l’on veut changer quelque chose dans ce pays, il y a des résistances ! Monsieur le ministre, vous devez lutter contre « l’effet Baudelaire » ou « l’effet Gamelin » ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je peux attester de l’intérêt qui est porté à notre système de santé à l’étranger. Nombreux sont ceux qui louent son excellence.
D’ailleurs, un certain nombre de personnes viennent se faire soigner en France. Ils sont souvent très surpris de ne pas avoir à payer la note en quittant l’hôpital. Il arrive même qu’ils s’en plaignent. On leur explique qu’ils ne doivent pas payer tout de suite et que les choses fonctionnent ainsi ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) D’ailleurs, ils sont souvent très embêtés. Une fois de retour chez eux, par exemple en Algérie, ils ne sont pas forcément en mesure de régler la note en euros.
Le dispositif prévu à l’article 42 est donc une très bonne idée. Monsieur le ministre, vous allez peut-être entrer dans l’Histoire ! Grâce à vous, l’on pourra dire : « Si tu ne viens pas au CHU, le CHU ira à toi ! » Cette disposition est une grande innovation. Je soutiens cette approche.
Si nous ne faisons pas des hôpitaux à l’étranger, d’autres pays le feront. Certains n’ont manifestement pas compris que la santé était aujourd’hui une offre privée. Des hôpitaux américains s’installent partout.
De même, dans le secteur de l’éducation, les écoles américaines et anglaises se développent beaucoup plus vite que les nôtres, car elles sont bien plus dynamiques.
Si l’on veut que la santé à la française puisse continuer à exister, elle doit pouvoir se développer à l’étranger. Je ne peux donc qu’apporter mon plein soutien à cette initiative. Encore une fois, bravo, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1121, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le premier alinéa de l’article L. 6145-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Sans porter préjudice à l’exercice de leurs missions, les établissements publics de santé peuvent développer des actions de collaborations et des échanges internationaux relatifs à leurs pratiques et leurs activités de recherche. Ce partage ne peut donner lieu à des échanges commerciaux et permet d’améliorer la recherche et les pratiques des centres hôpitaux universitaires. »
II. - La perte de recettes résultant pour les établissements publics de santé du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement et les amendements nos 1119 et 1120, que nous présenterons dans quelques instants, s’inscrivent dans le droit-fil du débat que nous venons d’avoir. Nous espérons que l’un d’entre eux au moins sera adopté.
L’amendement n° 1121 vise à réécrire le premier alinéa de l’article L. 6145-7 du code de la santé publique, afin de maintenir la valorisation de l’échange et de la coopération internationale non commerciale en matière de santé son caractère d’orientation première.
Pensez-vous réellement que le développement de l’excellence dans des pays comme le Vietnam ou l’Algérie ne peut s’effectuer que sur le mode commercial, celui que l’on essaye de nous imposer ? Bien sûr que non ! Les besoins de santé de ces pays impliquent une coopération internationale de haut niveau qui ne soit pas commerciale, sous peine de ne jamais accéder à l’excellence et au meilleur de la santé publique.
Avec le modèle qui nous est proposé, nous aurons une compétition commerciale contre les Américains et d’autres, mais ce ne sera sûrement pas au profit des Algériens ou des Vietnamiens ! Nous contestons ce choix.
Au demeurant, nous parlons de santé. On peut toujours faire comme si les enjeux de marchandisation de la santé n’allaient pas se poser à une échelle grandissante. Mais le problème est pourtant extrêmement sérieux.
Nous voulons promouvoir un mode de développement et de coopération internationale différent de la compétition commerciale. La bataille à mener n’est pas sur les marchés ; elle est à mener sur les modèles de diffusion de la santé, des connaissances et du meilleur de la science ! C’est, me semble-t-il, sur ce terrain que la France devrait se battre, au lieu de se précipiter dans une bataille uniquement commerciale, guidée par des enjeux seulement financiers.
M. le président. L'amendement n° 1119, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 1120, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements tendent tous les trois, sous des déclinaisons différentes, à restreindre la portée de l’article 42. Ne refaisons pas le débat. La commission spéciale est totalement défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 42.
(L'article 42 est adopté.)
Chapitre II
Entreprises à participation publique
Section 1
Ratification et modification de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique
Article 43 A
(Non modifié)
I. – Au premier alinéa du V des articles L. 225-27-1 et L. 225-79-2 du code de commerce, la référence : « , du I » est remplacée par la référence : « ou du I » ;
II. – Au premier alinéa de l’article 1136 du code général des impôts, les mots : « régies par le titre II de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations » sont remplacés par les mots : « réalisées par l’État régies par le titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ».
III. – La loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 4, les mots : « au sens de l’article 1er » sont remplacés par les mots : « comprenant des représentants des salariés relevant du I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique » ;
2° Au premier alinéa de l’article 6-2, les mots : « et sociétés » sont supprimés ;
3° L’article 14 est ainsi rédigé :
« Art. 14. – Les représentants des salariés sont élus, dans chacune des entreprises relevant de la présente loi, par les salariés qui remplissent les conditions requises pour être électeur au comité d’entreprise ou à l’organe en tenant lieu soit dans l’entreprise elle-même, soit dans l’une de ses filiales comprenant des représentants des salariés relevant du I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée, dont le siège social est fixé sur le territoire français. » ;
4° Au premier alinéa de l’article 15 et à la première phrase du dernier alinéa du 3 de l’article 17, les mots : « au sens du 4 de l’article 1er » sont remplacés par les mots : « comprenant des représentants des salariés relevant du I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée ».
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l'article.
M. Pierre Laurent. Ce débat a commencé au mois de décembre 2013 lors de la discussion du texte portant prétendument sur la « simplification de la vie des entreprises », qui a en fait servi de support à quelques ordonnances de plus.
Le Gouvernement avait alors proposé un article 10 ainsi rédigé : « Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de :
« 1° Simplifier et rapprocher du droit commun des sociétés les textes régissant les entreprises dans lesquelles l’État ou ses établissements publics détiennent seuls ou conjointement, directement ou indirectement, une participation, majoritaire ou minoritaire ;
« 2° Assouplir et adapter les règles relatives à la composition des conseils, à la désignation, au mandat et au statut des personnes appelées à y siéger, sans remettre en cause la représentation des salariés, ainsi qu’à la désignation des dirigeants ;
« 3° Clarifier les règles concernant les opérations en capital relatives à ces entreprises, sans modifier les dispositions particulières imposant un seuil minimum de détention du capital de certaines de ces entreprises par l’État ou ses établissements publics ;
« 4° Adapter les compétences de la Commission des participations et des transferts. »
Cet article d’habilitation a servi de support à la confection de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
C’était Mme Fleur Pellerin, alors ministre déléguée aux PME, qui était chargée de défendre ce texte. Elle avait déclaré : « Le projet de loi d’habilitation présenté par le Gouvernement vise à modifier la législation portant sur la gouvernance et les opérations en capital des entreprises publiques […] »
Elle ajoutait ceci : « […] ces législations sont sources de difficultés tant juridiques que pratiques, compte tenu notamment de l’existence de textes désuets qui complexifient inutilement la gouvernance des entreprises et participent ainsi à son manque d’efficacité.
« Nous comprenons bien vos interrogations, mais la technicité de la matière requiert la réalisation d’un vaste chantier rédactionnel ; cela explique le recours aux ordonnances dès lors qu’il s’agit d’éviter au Parlement l’examen de nombreuses dispositions techniques qui entraînerait un encombrement excessif de l’agenda parlementaire.
« Pour autant, le Parlement n’est bien sûr pas dépossédé de son droit de regard, puisque, en votant le projet de loi d’habilitation, il détermine le domaine et les finalités des ordonnances. »
Cela appelle des objections.
Ce qui a compliqué la vie des entreprises du secteur public, ce sont plutôt des lois de privatisation, notamment celles de 1986 et de 1993 ; ce sont les textes consternants sur l’ouverture à la concurrence des télécommunications, source des zones blanches de la couverture de téléphonie mobile et internet ; c’est encore la privatisation de GDF et son futur rapprochement avec le groupe Suez…
Nous allons maintenant prendre le temps d’examiner les mesures contenues dans les articles de validation de l’ordonnance. Force est de le constater, les dispositions relatives à la démocratie sociale vont quelque peu souffrir : nombre d’entreprises sont étrangement appelées à tomber dans la banalité du code de commerce.
Nous regrettons la modicité des éléments d’information disponibles au regard des privatisations envisagées. Le vote sur le contenu de cette partie du texte apparaît à nos yeux comme un jeu de « cache-tampon » : nous sentons confusément que quelque chose a été dissimulé aux élus de la Nation quant à la portée réelle du texte proposé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Avec ce chapitre consacré aux entreprises à participation publique, nous abordons, comme hier avec l’article 34 sur les actions gratuites, un débat politique important, fondamental, du même type que celui que nous venons d’avoir sur notre système de santé.
Monsieur le ministre, ce chapitre aurait dû s’intituler : « Organisation concrète de la privatisation des entreprises publiques ». Nous aurions été plus près de la réalité, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Ce chapitre a trait à la mise en œuvre concrète, au prix de certaines adaptations, de l’ordonnance du 20 août 2014, qui procède, et ce n’est pas rien, à la refonte de l’ensemble du cadre juridique applicable à l’État en tant qu’actionnaire de sociétés commerciales.
Il est inconcevable d’un point de vue démocratique qu’un tel dispositif juridique ait pu s’organiser et prendre force de loi sans le moindre débat au Parlement. La logique autoritaire des ordonnances se trouve ici poussée jusqu’à la caricature : ce sont 1 300 sociétés, filiales incluses, qui sont concernées.
Si l’article 43 A peut apparaître comme un dispositif de simple coordination, il est en fait le préalable à tout ce qui va suivre. Nous entrons donc dans un débat de fond, que le Gouvernement a souhaité confisquer au Parlement.
Vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe CRC le mèneront point par point, quelle que soit l’heure ou le jour. Il y va de la dignité de notre Haute Assemblée et de la démocratie parlementaire ! Monsieur le ministre, le secteur privé, dont vous vous faites le héraut depuis des mois, est-il paré de tant de vertus qu’il faille lui céder petit à petit le bien commun ? Le fait de livrer progressivement l’ensemble de notre économie à l’actionnariat national ou étranger – il s’agit toujours du marché – vous apparaît-il comme une perspective de progrès répondant à l’attente de ceux qui vous ont porté, vous et vos amis, au pouvoir le 6 mai 2012 ?
En 2013, ont été vendus 3,7 % du capital d’EADS, 7,8 % de celui de SAFRAN, 9,5 % de celui d’Aéroports de Paris et, en 2014, 3,1 % de celui de GDF et 1,9 % de celui d’Orange. La vente d’Alstom à General Electric et celle de la moitié du capital de l’Aéroport de Toulouse-Blagnac ont couronné le tout !
Les privatisations sont, pour vous, non seulement une méthode de gouvernement, mais aussi un dogme, un objectif de changement de société !
Le souci de l’intérêt général, les valeurs de solidarité, en un mot la République, puisent en partie leur force dans leur capacité et dans celle de l’État à s’appuyer sur des leviers économiques forts. Briser ce socle, c’est exposer notre pays à la déferlante libérale !
Monsieur le ministre, vous tentez de caricaturer nos propos – on l’a encore vu à l’instant –, en faisant notamment référence à l’époque soviétique. Pourtant, notre combat est de la plus grande modernité qui soit : nous voulons faire obstacle à la revanche libérale démarrée sous l’ère Thatcher et Reagan dans les années quatre-vingt !
Le 26 avril 2014, vous avez déclaré à l’AFP : « La gauche est censée changer le réel, mais, compte tenu des contraintes, changer le réel sera compliqué. » Votre aveu de soumission à la réalité libérale est accablant. En connaissez-vous les conséquences ? Les revendiquez-vous ? C’est la précarité pour des milliers de nos concitoyens, une société de concurrence et d’individualisme, et la pauvreté pour une part croissance de la population !
On a parlé de « l’esprit du 11 janvier », des valeurs républicaines, du « vivre ensemble ». Ces valeurs, nous les portons en résistant à votre projet de société aux services des puissants !
M. Jean-Claude Lenoir. Voilà un raccourci quelque peu scandaleux ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mme Assassi, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous proposons la suppression de l’article 43 A.
Mes deux collègues ont parfaitement exposé les raisons pour lesquelles nous nous opposons au dispositif envisagé. On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons qui conduisent le Gouvernement à modifier une ordonnance qu’il a prise voilà moins d’un an, au mois d’en août 2014.
Même si cette ordonnance concerne la gouvernance et les opérations sur le capital des sociétés à participation publique, même si elle définit la composition des conseils de surveillance, et notamment la participation des salariés dans ces conseils, il nous semble tout de même un peu tôt pour la modifier.
Nous nous étions opposés à l’ordonnance au mois d’août 2014. Nous nous opposons également à cet article.
L’État s’attribue un certain nombre de sièges aux conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises dont il n’est pas l’actionnaire majoritaire, voire où il est très minoritaire. Certains ont crié au scandale, arguant que des actionnaires privés ne représentant que 10 % du capital d’une société n’ont pas forcément accès au conseil d’administration.
Pour notre part, nous ne saurions considérer d’un mauvais œil le fait que la puissance publique ait un pouvoir de décision dans les sociétés dont elle est actionnaire. Nous sommes pour que l’État siège dans les conseils d’administration et de surveillance des sociétés dont il détient des parts. Ces dernières sont tout de même financées par de l’argent public, par le bien commun !
Au-delà de notre volonté de supprimer l’article 43 A, nous souhaitons vous poser quelques questions, monsieur le ministre. Pourquoi réduire la durée du mandat des représentants des salariés ? Pourquoi limiter à trois le nombre des représentants du personnel dans les sociétés anonymes « dans lesquelles l’État ou ses établissements publics industriels et commerciaux ou ses autres établissements publics détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal à deux cents » ? Devons-nous comprendre que ces entreprises possèdent un conseil d’administration à neuf têtes ? Et quelles sont-elles ? Combien de salariés sont concernés ?
Vous le voyez, nos questions, qui concernaient l’ordonnance, portent de fait sur cet article, qui vise à la modifier alors qu’elle a moins d’un an !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avec votre permission, monsieur le président, je donnerai l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements qui suivent.
Je serai ensuite beaucoup plus laconique, puisque le groupe CRC adopte une position de principe tendant à rejeter les dispositions de la nouvelle ordonnance du 20 août 2014.
La commission spéciale estime que l’ordonnance est utile, car elle a permis de rassembler en un seul document le droit applicable à l’État actionnaire, alors que de nombreuses dispositions avaient été votées depuis 1986. Il s’agit donc d’abord d’un travail de clarification.
Cette ordonnance permet aussi de moderniser le droit applicable à l’État actionnaire, en le rapprochant du droit commun des sociétés. Là encore, de nombreuses dispositions ad hoc s’étaient empilées sans qu’elles soient encore justifiées. À titre d’exemple, le nombre d’administrateurs représentant l’État était limité à un tiers, même s’il possédait l’intégralité du capital.
Le rôle du législateur est renforcé s’agissant des opérations de cession ; nous aurons l’occasion d’y revenir. C’est d’ailleurs sur ce fondement que nous examinerons l’article 47, relatif à Nexter, et l’article 49, qui concerne la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission spéciale est défavorable à l’ensemble des amendements du groupe CRC, de l’article 43 A à l’article 46.
M. Jean Desessard. Carrément ! Vous prenez de l’avance !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1124, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 43 A, qui tend à limiter encore la participation des salariés aux conseils de surveillance. Cela nous renvoie à ce que nous disions à propos du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi et de l’Accord national interprofessionnel, l’ANI.
Le Gouvernement nous avait alors présenté cette mesure comme étant de nature à accroître la participation des salariés à la gouvernance des sociétés. Il y avait de petites avancées. Néanmoins, nous avions alors émis des doutes. Nous avions raison, puisque le texte revient aujourd'hui sur ce qui avait été proposé alors.
L’article 43 A du projet de loi aura très certainement pour conséquence de revenir sur une situation que l’on croyait dépassée. En effet, la participation des salariés au conseil de surveillance était facultative. L’ANI l’avait rendue obligatoire sans que les salariés aient pour autant réellement droit de prendre part aux votes et encore moins d’exercer un droit de veto.
Une telle option avait été choisie pour ne pas briser l’équilibre établi entre les « sachants », ceux qui ont fait l’ENA ou n’importe quelle autre grande école. Cet « entre soi » est bien entendu néfaste, dans le privé comme dans le public.
La préconisation de faire entrer les salariés dans les conseils d’administration était tirée du rapport Gallois, de novembre 2012.
Comprenez notre inquiétude. Au mois de novembre 2014, M. le ministre de l’économie avait annoncé dans les colonnes du journal Le Monde que le Gouvernement souhaitait privatiser entre cinq milliards et dix milliards d’euros d’actifs. C’est la vente du patrimoine de l’État, patrimoine qu’il a, bien entendu, valorisé avant de le céder.
Dans ce contexte, il est totalement inacceptable de restreindre la participation des salariés !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Dans l’objet de cet amendement, il est écrit : « Cet alinéa valide, là encore, l’ordonnance de privatisation d’août 2014, qui permet la vente à l’encan du patrimoine public. »
À mes yeux, l’expression « vente à l’encan », est particulièrement malheureuse, pour ne pas dire insupportable ! Être en désaccord avec la gestion des actifs, c’est une chose ; employer une telle formule, c’en est une autre !
Monsieur Bosino, vous avez mentionné un certain nombre d’entreprises où il y a eu des ventes de participations publiques. Mais vous n’expliquez pas que cet argent a servi à des prises de participation dans les sociétés Alstom et Peugeot, nous permettant ainsi de conserver ces entreprises majeures, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Quoi qu’il soit, vous pourriez trouver un autre terme que « vente à l’encan » !
M. le président. L'amendement n° 1706, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
par l'État
insérer le mot :
et
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1125, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas 3 à 5 de l’article, dont nous ne partageons pas l’esprit, ainsi que nous l’avons déjà expliqué.
Il ne nous semble pas opportun que l’État puisse proposer des administrateurs n’ayant pas le statut d’agents publics ; il faut des garde-fous. Et quid des cas où l’État est majoritaire ?
Si nous avons bien compris les modifications apportées, nous serions dans la situation suivante. Dans les sociétés dont l’État détient directement plus de la moitié du capital et dont le nombre de salariés employés est au moins égal à cinquante, le conseil d’administration et le conseil de surveillance ou l’organe délibérant en tenant lieu comprend un tiers de représentants des salariés.
La situation sera identique dans les sociétés anonymes dans lesquelles l’État ou les établissements publics détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et dont le nombre de salariés employés est au moins égal à deux cents. Cependant, le nombre maximal de représentants des salariés y est limité à trois.
Enfin, dans les autres sociétés relevant de la présente ordonnance, c'est-à-dire les sociétés où l’État ne détient pas 50 % du capital, les représentants des salariés sont désignés selon les modalités prévues par le code de commerce, auquel ils sont soumis.
Ainsi, excepté dans le premier cas de figure, le nombre de représentants des salariés est sensiblement en baisse, puisqu’il est limité à trois contre cinq ou six, selon les cas de figure prévus dans la loi de 1983.
Nous souhaiterions donc avoir des précisions sur ces points. Certes, j’ai bien compris que M. le ministre ne souhaitait plus répondre. Quoi qu’il en soit, une telle baisse de participation ne nous paraît pas une bonne chose.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1126, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons supprimer les alinéas 6 à 8 de l’article 43 A.
L’ordonnance du 20 août 2014 prévoit une représentation des salariés pour les seules sociétés dont l’État dispose d’au moins 50 % du capital. Cela se limite donc aux entreprises publiques, notamment la SNCF, GDF ou Aéroports de Paris.
En dehors de ces entreprises publiques, les règles de représentation relèveraient du code de commerce. Or l’article L. 225-27-1 de ce code prévoit que « le nombre d’administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs […] est supérieur à douze et au moins à un s’il est égal ou inférieur à douze. »
Nous voyons donc bien quel sera le recul pour les salariés représentés actuellement dans les sociétés à participation publique, dans lesquelles s’appliquait la loi de 1983 relative à la démocratisation du secteur public. L’application du code de commerce aura pour conséquence de réduire considérablement la représentation des salariés dans les anciennes entreprises publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 A, modifié.
(L'article 43 A est adopté.)
Article 43 B
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa du I de l’article 7, après le mot : « comprend », sont insérés les mots : « au moins » ;
2° L’article 8 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Les représentants des salariés sont élus :
« 1° Dans chacune des filiales détenues, à lui seul, par l’un des établissements publics mentionnés au second alinéa du I de l’article 7 ou par l’une des sociétés mentionnées au premier alinéa du même I, par les salariés qui remplissent les conditions requises pour être électeur au comité d’entreprise ;
« 2° Dans les autres filiales mentionnées au second alinéa dudit I ou dans les sociétés mentionnées au premier alinéa du même I, par les salariés qui remplissent les conditions requises pour être électeur au comité d’entreprise ou à l’organe en tenant lieu soit dans la société elle-même, soit dans l’une de ses filiales comprenant des représentants des salariés en application dudit I, dont le siège social est situé sur le territoire français. » ;
c) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
– au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;
– la référence : « précédent alinéa » est remplacée par la référence : « présent article » ;
3° La première phrase du second alinéa de l’article 16 est complétée par les mots : « ou des autres dispositions équivalentes du même code » ;
4° L’article 22 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du II, après le mot : « participations », sont insérés les mots : « au secteur privé » ;
b) Au IV, après le mot : « personnes », sont insérés les mots : «, appréciés sur une base consolidée, » ;
c) Le V est ainsi modifié :
– à la fin du premier alinéa, le mot : « article » est remplacé par le mot : « titre » ;
– il est ajouté un d ainsi rédigé :
« d) Les participations détenues par un établissement public de l’État ayant pour objet principal la détention de titres sont assimilées à des participations détenues directement par l’État. » ;
5° L’article 23 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « à l’article 22 » est remplacée par la référence : « au présent titre » ;
b) Le 1° est complété par les mots : « ainsi que les opérations assimilées réalisées simultanément à de telles prises de participation en faveur des salariés situés à l’étranger » ;
6° L’article 24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est assimilée à une opération d’acquisition toute opération de constitution d’une société. » ;
7° L’article 34 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– à la dernière phrase du premier alinéa, la référence : « au VI » est remplacée par les références : « aux a à c du VI » ;
– après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’assemblée générale, saisie dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent I, peut statuer également sur la composition de l’ensemble du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou de l’organe délibérant en tenant lieu, notamment sur la nomination ou le maintien en fonction des membres qu’il lui appartient de désigner. » ;
b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Après la date limite fixée pour la mise en conformité, toute clause des statuts contraire à la présente ordonnance est réputée non écrite. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, afin d’accélérer nos débats, je renonce à ma prise de parole. Vous voyez que nous faisons des efforts, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mme Assassi, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous proposons de supprimer l’article 43 B.
La commission spéciale de l’Assemblée nationale a introduit dans le texte initial du projet de loi un grand nombre de dispositions qui n’étaient pas contenues dans l’ordonnance du 20 août 2014. Le nombre d’articles entre l’article 43 et l’article 53, qui était logiquement de onze au début, a plus que doublé, avec des dispositions importantes. L’article 43 B fait partie de cet ensemble. Il tend à accélérer le rythme de mise en œuvre des dispositions de l’ordonnance du 20 août 2014.
On pourrait nous rétorquer que les articles initiaux de ce volet consacré au secteur public et à sa gouvernance sont de simples mesures de « coordination » avec l’esprit de l’ordonnance, purement rédactionnelles.
Mais l’article 43 B modifie assez profondément les conditions de formation des conseils d’administration des entreprises à participation publique, majoritaire ou non.
Les conditions de formation ont été fixées à l’origine par la loi de nationalisation du 11 février 1982, signée par François Mitterrand, Pierre Mauroy, Claude Cheysson, Jacques Delors, Laurent Fabius, Robert Badinter, Pierre Dreyfus, Jean Auroux et Jean Le Garrec. Elles ont été confirmées par la loi relative à la démocratisation du secteur public de juillet 1983, signée par une bonne partie des mêmes personnalités, ainsi que par le regretté Pierre Bérégovoy, alors ministre des affaires sociales, Charles Fiterman, alors ministre des transports, ou encore Charles Hernu, alors ministre de la défense.
La combinaison des articles 7,8 et 34 de l’ordonnance devrait conduire à la réduction du nombre de représentants de l’État au sein des conseils d’administration et organes de direction et, plus encore, à celle des salariés, dont la nomination dépendra pour l’essentiel de l’application non plus du texte de 1983 – de notre point de vue, c’est tout à fait regrettable –, mais, plus banalement, des dispositions du code de commerce.
Il est donc à craindre que la parole ouvrière ne soit guère entendue dans les organes dirigeants des entreprises demeurées dans le périmètre des participations gérées par l’Agence des participations de l’APE, dont l’action se résume en général à un arbitrage en faveur du choix de l’État actionnaire.
L’article 43 B fragilise la présence de l’État et des salariés au sein des organes dirigeants des entreprises à participation publique. Nous ne pouvons donc qu’en réclamer la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1127, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud, Mme David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés
« 3° L’article 16 est ainsi rédigé :
« Art. 16 - Les contrats de plan élaborés en application de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 susvisée et les contrats d’entreprise prévus par l’article 140 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sont examinés par le conseil d’administration ou le directoire, après avis du conseil de surveillance. Les représentants des salariés disposent dans ce cadre d’un droit de veto.
« Ce veto emporte nécessité de présenter un nouveau projet de contrat de plan ou de contrat d’entreprise, dans un délai de deux mois maximum. » ;
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je constate que nos collègues étaient beaucoup plus nombreux à prendre la parole lorsqu’il s’agissait d’accorder des exonérations fiscales aux entreprises ou, il y a quelques jours, de privatiser les services de transports…
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
Mme Annie David. Il y a un instant encore, lorsque nous débattions de la participation salariale, nos collègues prenaient volontiers la parole, en particulier sur les travées de la droite.
Maintenant qu’il s’agit de maintenir la présence des salariés dans les conseils d’administration et d’asseoir le rôle de l’État dans les entreprises publiques, étrangement, il n’y a plus grand-monde au rendez-vous – excepté le groupe communiste, qui s’efforce de préserver, en dépit de tout, la présence de l’État dans les entreprises de service public, où il nous semble très important que la puissance publique joue tout son rôle.
M. Jean Bizet. On est sans voix !
Mme Annie David. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le rôle des travailleurs dans les entreprises, notamment dans les entreprises publiques, est garanti au plan constitutionnel, puisque le préambule de la Constitution de 1946 dispose que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
Les instances de participation n’accordent généralement aux représentants des salariés qu’un droit d’information et une voix consultative. Or il serait véritablement illusoire de croire que la seule présence de leurs représentants au sien de ces organes suffirait à renforcer automatiquement le pouvoir des salariés.
Parmi les diverses formes de participation des salariés aux instances de décision de l’entreprise figurent les administrateurs et administratrices salariés, qui, en France, sont les seuls représentants du collectif de travail à avoir voix délibérative en tant que tels. Leur participation aux décisions n’en reste pas moins partielle, faute d’une réelle capacité d’influence. Certes, les représentants des salariés assistent aux débats, mais le conseil d’administration n’est pas un lieu de négociation, surtout pas en ce qui concerne la stratégie de l’entreprise.
Les élus du personnel rendent donc des avis qui ne contraignent aucunement les employeurs. Ils peuvent émettre des avis négatifs dans les négociations rendues obligatoires, obtenir l’appui d’experts-comptables et de cabinets économiques pour prouver la viabilité des activités menacées, mettre en évidence les conséquences dramatiques des choix opérés, non seulement pour les salariés, mais aussi pour les populations et les territoires, et, surtout, suggérer des stratégies alternatives. En règle générale, cependant, leurs contre-propositions sont balayées d’un revers de la main !
Dans les faits, les institutions représentatives du personnel sont des chambres d’enregistrement qui ne peuvent que retarder les échéances.
Ce caractère facultatif de leurs avis empêche toute prise en compte du point de vue du personnel sur les choix stratégiques des entreprises, dont les salariés sont pourtant les principaux artisans.
C’est pourquoi nous proposons d’accorder aux représentants des salariés un véritable pouvoir, sous la forme d’un droit de veto qui leur permette de peser sur les décisions stratégiques de leur entreprise. Ce droit de veto emporterait l’obligation de présenter un nouveau projet de contrat de plan ou de contrat d’entreprise dans un délai maximal de deux mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1128, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 13 à 19
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 22 est ainsi rédigé :
« Art. 22. - I. - Les opérations par lesquelles l’État transfère tout ou partie du capital qu’il détient ne peuvent être décidées par décret qu’après avoir été autorisées par la loi.
« II. - Les opérations par lesquelles un établissement public de l’État ou une société dont l’État ou ses établissements publics détiennent directement ou indirectement, seuls ou conjointement, tout ou partie du capital sont soumises aux mêmes règles. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Comme ma collègue Annie David, je trouve ce débat passablement curieux.
Alors que nous traitons d’un problème grave, la privatisation d’un certain nombre de sociétés, quelle image du Parlement, quelle image du Sénat donnons-nous à nos concitoyens, qui en ont déjà une idée bien mauvaise ?
M. Olivier Cadic. Vous n’y êtes pas pour rien !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas vous qui allez l’améliorer !
Mme Sophie Primas. Il nous faut de la patience !
M. Michel Bouvard. Et nous faisons beaucoup d’efforts !
M. Jean-Pierre Bosino. J’observe simplement que tout le monde se tait sur les questions que nous soulevons, en particulier M. le ministre, qui ne veut même plus répondre aux sénateurs communistes, ce qui est pour le moins étrange !
Fidèles à leur opposition à l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, les auteurs du présent amendement proposent d’en réécrire l’article 22.
On a parlé de l’utilisation des privatisations et des cessions d’actifs détenus dans les entreprises publiques. Peut-être ont-elles eu une petite utilité dans le cas d’Alstom ; mais elles servent surtout à respecter les règles fixées par Bruxelles en matière de limitation du déficit public !
C’est pourquoi nous proposons que les opérations de transfert ou de cession ne puissent être décidées par décret qu’après avoir été autorisées par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1129, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 20 à 22
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article 23 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne soyez pas inquiets : nous ne nous fatiguerons pas ! (Exclamations sur différentes travées).
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous ne sommes pas inquiets !
Mme Sophie Primas. Et nous ne nous lasserons pas non plus !
M. Jean-Pierre Bosino. Dans sa rédaction actuelle, l’article 23 de l’ordonnance du 20 août 2014 vise à permettre le dépeçage, au profit du privé, d’un certain nombre d’entreprises dans lesquelles la participation de l’État est minoritaire, par le recours à des ordonnances, et non à la loi.
Ce dispositif est à nos yeux désastreux, car il ouvre la voie à des cessions d’actifs de l’État décidées sans que le Parlement ait son mot à dire. Il risque aussi de faire s’éloigner encore un peu plus la perspective d’un État stratège, artisan d’une véritable politique industrielle ; cette perspective s’effrite depuis au moins trente ans, en raison d’un mouvement général de désengagement massif de l’État de notre économie.
Les cessions d’actifs de l’État par ordonnance pourraient concerner notamment Thales, dont l’État possède 27 % du capital, Renault, dont l’État détient 15 %, Orange ou Airbus.
Après les privatisations de ces grands fleurons de l’industrie française, qui ont souvent rimé avec licenciements, la vente d’actifs de l’État risque de nuire de nouveau à l’emploi et aux conditions de travail.
De plus, sous la pression des actionnaires privés, la perte d’influence de l’État dans ces grands groupes industriels va favoriser une vision à court terme, alors que c’est une vision à long terme dont ces entreprises ont besoin.
L’exemple le plus flagrant est celui des groupes aéronautiques comme Thales ou Airbus, dont nous aurons certainement l’occasion de reparler. Ces groupes sont actuellement dans une forme éblouissante ; les commandes se multiplient et les cadences de production augmentent. Ainsi, Airbus a annoncé, le 7 avril dernier, 101 commandes nettes et 134 livraisons d’avions commerciaux pour le premier trimestre de 2015.
Or les défis que notre industrie aéronautique doit relever sont encore nombreux : la filière doit continuer d’investir pour conserver son avance sur la concurrence plutôt que de satisfaire les intérêts immédiats d’actionnaires toujours plus gourmands.
Pour favoriser une vision stratégique de long terme visant à consolider la compétitivité française – objectif dont on parle beaucoup – et à créer des richesses et des emplois, il faut une influence forte de l’État dans ces entreprises !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1130, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 24
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés
6° L’article 24 est ainsi rédigé :
« Art. 24. - Les opérations par lesquelles l’État se porte acquéreur d’une participation sont décidées par décret.
« Il en est de même pour les créations de sociétés dans lesquelles l’État est détenteur de tout ou partie du capital. » ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à assurer la transparence dans la gestion des actifs publics.
La Cour des comptes a consacré un chapitre de son rapport public annuel pour 2014 aux prises de participations publiques, dénonçant « une opération mal conduite dans le secteur de l’armement » ; plus précisément, elle a employé les mots d’« incohérences », « faiblesses », « confusion » et « ambiguïté » au sujet de l’entrée de deux entreprises publiques, GIAT Industries et SOFIRED, au capital de Manurhin. La Cour a également souligné « les difficultés rencontrées par l’État pour exercer pleinement ses pouvoirs d’actionnaire et pour arbitrer entre ses intérêts patrimoniaux et stratégiques ».
Dans une partie de son rapport public annuel pour 2008 intitulée « L’État actionnaire : apports et limites de l’Agence des participations de l’État », la Cour des comptes a critiqué notamment une « ligne stratégique peu lisible » et une « information budgétaire insuffisante ». Elle a également constaté que les cessions de titres ont assez souvent servi à financer des politiques qui relevaient normalement, pour leur financement, du budget général de l’État.
La Cour des comptes conclut sans appel : « L’impératif de transparence devrait pourtant obliger le ministère à énoncer clairement, à l’appui de la loi de finances, les objectifs assignés à la gestion des participations financières de l’État, et à rendre compte ensuite dans le détail de toutes les opérations significatives, notamment pour l’utilisation des produits de cession. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1131, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 25 à 31
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
7° Les articles 34, 37, 38 et 39 sont abrogés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le rapport de la commission spéciale du Sénat est peu disert sur l’article 43 B du projet de loi. Il se borne à expliquer que cet article, comme les articles 43 A et 43 C, corrige ou complète l’ordonnance du 20 août 2014 afin de clarifier le droit applicable, notamment en ce qui concerne les règles de représentation des salariés au sein des organes de gouvernance des sociétés à participation publique.
Cette série d’articles est censée permettre « l’élaboration d’une doctrine de l’État actionnaire et le renforcement du pilotage stratégique de l’Agence des participations de l’État ». Tout un programme ! Reste que ces dispositions, disons-le tout net, vont permettre à l’État de faciliter la mise sur le marché de 5 à 10 milliards d’euros d’actifs de sociétés dans lesquelles il détient des parts.
Si nous proposons l’abrogation des articles 34, 37, 38 et 39 de cette ordonnance, c’est parce qu’ils alignent les règles relatives à la composition de l’ensemble des conseils d’administration sur celles qui sont fixées par le code de commerce ; ces modifications toucheraient notamment le nombre des administrateurs publics et des représentants des salariés.
Nous appelons le Sénat à faire échec à ces nouvelles règles qui s’appliqueraient dans un terrible jeu de Monopoly !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1132, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les six premiers alinéas de l’article 7 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement sont ainsi rédigés :
« Le conseil d’administration de la société anonyme Bpifrance comprend vingt et un administrateurs :
« 1° Huit représentants des actionnaires, dont quatre représentants de l’État nommés par décret et quatre représentants de la Caisse des dépôts et consignations ;
« 2° Quatre représentants des régions, nommés par décret sur proposition d’une association représentative de l’ensemble des régions ;
« 3° Quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière économique et financière ainsi que de développement durable, nommées par décret ;
« 4° Une personnalité qualifiée choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière, nommée par décret pour exercer les fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance ;
« 5° Deux hommes et deux femmes comme représentants des salariés de la société et de ses filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital, élus dans les mêmes conditions que celles prévues au chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, les modalités du scrutin permettant de respecter l’élection de deux femmes et de deux hommes étant précisées par les statuts. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à modifier la composition du conseil d’administration de Bpifrance.
Comme je sais que nos collègues, en particulier ceux du groupe socialiste, accordent une grande importance à cette institution, peut-être aurons-nous la chance d’obtenir une réponse – à moins que la consigne de silence qui a visiblement été négociée à la suspension entre la commission spéciale, le Gouvernement et le groupe socialiste au sujet des articles portant sur les privatisations, ne nous en prive, ce qui serait dommage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous proposons de porter de quinze à vingt et un le nombre des administrateurs de Bpifrance afin de faire respecter la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Cette loi, comme le précise son article 1er, s’applique de droit aux « établissements publics industriels et commerciaux de l’État autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public » et aux « autres établissements publics de l’État qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles du droit privé ».
Bpifrance, société anonyme publique sous contrôle de l’État et exerçant une mission de service public en faveur du financement et du développement des entreprises, entre manifestement dans le champ d’application de cette loi. Elle est donc tenue d’appliquer les règles que celle-ci prévoit en ce qui concerne la composition de son conseil d’administration. Or la composition actuelle du conseil d’administration de Bpifrance est très en deçà des exigences démocratiques fixées par la loi du 26 juillet 1983, puisque, sur quinze administrateurs, seuls deux représentent les salariés.
Nous proposons que le conseil d’administration de Bpifrance soit composé de la façon suivante : huit représentants des actionnaires, quatre pour l’État et quatre pour la Caisse des dépôts et consignations, quatre représentants des régions, quatre personnalités qualifiées, une personnalité qualifiée choisie en raison de sa compétence en matière économique et financière et quatre représentants des salariés, deux hommes et deux femmes.
Il serait étonnant que cette proposition ne recueille pas l’assentiment de ceux qui, comme nous, attachent de l’importance au développement de l’action publique de Bpifrance dans un cadre démocratique donnant une voix importante aux salariés dans la gestion de l’institution !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je veux d’abord préciser à M. Laurent qu’aucune consigne n’a circulé entre la commission spéciale, le Gouvernement ou le groupe socialiste.
M. Pierre Laurent. Je fais un constat !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je l’ai rappelé à l’occasion de la discussion de votre premier amendement sur l’article 43 B : vous avez adopté une position de principe ; pour notre part, nous avons fait de même, au nom de la commission spéciale.
Vous considérez qu’il ne fallait pas aller plus loin que l’ordonnance du 20 août 2014. Or nous avons estimé que l’ordonnance était utile, et nous en avons donné les raisons. Dès lors, nous ne pouvons qu’être défavorables à ces amendements et je ne vois pas ce que je pourrais ajouter.
Concernant l’amendement n° 1132, sa justification ne me paraît pas évidente, puisqu’il ne tend qu’à augmenter le nombre de membres de chacune des catégories composant les conseils d’administration.
Pour cette raison, l’avis est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je suis très étonné par cet amendement.
Soyons clairs : d’une certaine manière, la BPI est issue du regroupement du Fonds stratégique d’investissement, d’OSEO et de CDC Entreprises. Or la représentation demandée par nos collègues communistes ne se retrouvait dans aucune de ces structures.
J’attire votre attention sur le fait que, si nous devions nous orienter vers ce type de répartition des membres du conseil d’administration, sur vingt et un administrateurs, nous n’en retrouverions que quatre de la Caisse des dépôts et consignations, alors que cette dernière apporte la moitié des financements en capital de la BPI. Cela pose un vrai problème !
Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations étant sous le contrôle et la tutelle du Parlement, comment des parlementaires pourraient-ils demander un affaiblissement de la représentation de la Caisse dans l’une de ses principales filiales, qui participe aux résultats et à son modèle économique ?
J’appelle donc mes collègues à ne pas adopter, en tant que parlementaires, une position qui affaiblisse la représentation d’une institution placée sous notre propre contrôle.
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 B.
(L'article 43 B est adopté.)
Article 43 CA
(Supprimé)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article dont nous débattons ici a été supprimé par la commission spéciale du Sénat au motif de son imprécision et d’un caractère normatif pour le moins limité.
Selon les attendus du rapport au fond, la notion d’« intérêts essentiels de la Nation », invoquée dans l’article et l’amendement de notre collègue Clotilde Valter, rapporteure de cette partie du projet de loi, souffrirait d’imprécision et pourrait être combattue au plan juridique.
Cependant, s’il fallait trouver une illustration de ce principe, peut-être le pourrions-nous dans le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, élément du bloc de constitutionnalité : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Je rappellerai ici que c’est au motif de ce texte que l’État ne peut, dans la gestion de moyen et long terme de ses participations, décider de se délester de plus de la moitié du capital d’Aéroports de Paris, ou de plus de 70 % de celui d’EDF.
Toujours est-il que la commission spéciale a voulu faire disparaître cette disposition. Pour notre part, si nous n’avons pas souhaité la réinscrire dans le texte, nous en comprenons parfaitement les attentes.
Quoi qu’il en soit, la véritable question au cœur de la controverse est bel et bien d’une autre nature. Sur le fond, la proclamation de l’article 43 CA constituait une sorte d’aveu de reconnaissance sur la nature et les effets d’une cession d’entreprise publique au privé.
Nous l’avons dit, le cadre apparemment protecteur fixé par l’ordonnance d’août 2014 ne concerne in fine qu’un nombre réduit d’entreprises cotées à participation publique, alors même que ces entreprises constituent une part importante du patrimoine industriel et commercial de la Nation.
Pour le reste, nous nous situons presque dans le droit commun, qui viendra à s’appliquer partout ou presque, en fonction du bon vouloir du ministre de l’économie ou des estimations d’une commission indépendante dont les membres seront peut-être d’anciens spécialistes de la gestion d’actifs…
Le recours à la loi, le passage des projets de cession et leur contrôle par le Parlement, tout cela sera secondaire. Et le dispositif d’action privilégiée – ce que les Anglais appellent « golden share » – ne fera pas le compte.
À la vérité, mes chers collègues, nous sommes dans une période où il convient de faire un choix clair.
Les sociétés cotées dans lesquelles l’État dispose de parts ont rapporté l’an dernier 4 milliards d’euros de dividendes, soit un rendement proche de 4 % pour un portefeuille valant environ 100 milliards d’euros et, pour l’essentiel, largement incessible.
Dans le même temps, depuis le 25 août 2014, France Trésor émet des bons du Trésor sur formule dont le taux d’intérêt est négatif, et le TEC 10, le taux à échéance constante à dix ans, se positionne désormais aux alentours de 0,45 %.
Cela n’est pas sans inspirer – nous l’avons vu – quelques intrépides parlementaires pour faire en sorte que nous assistions à la diversification des placements de l’épargne salariale. Comme les titres d’origine publique ne rapportent plus suffisamment, il faut trouver autre chose !
Mais la vérité est que la France, dans un tel contexte, renforcé par la mise en œuvre du quantitative easing de la BCE – c'est-à-dire la création monétaire –, n’a strictement aucun intérêt à céder son patrimoine pour payer une dette dont le service s’amenuise et la progression se ralentit.
C’est aussi cela qu’il convenait de rappeler ici : la situation actuelle a beaucoup à voir avec les tendances déflationnistes qui affectent l’économie de la zone euro, tendances que les politiques de rigueur budgétaire imposées aux peuples européens conduisent d’ailleurs peu à peu à renforcer, et l’on en voit les effets.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je souhaite simplement préciser que, sur cet article, le Gouvernement avait déposé un amendement visant à rétablir l’article 43 CA, que la commission avait rejeté. À la suite d’échanges informels avec votre cabinet, monsieur le ministre, vous avez retiré cet amendement, ce dont nous vous remercions.
M. le président. L’article 43 CA demeure supprimé.
Article 43 C
I. – (Non modifié) Le II de l’article 41 de la même ordonnance est abrogé.
II. – Les opérations par lesquelles une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales transfère au secteur privé la majorité du capital d’une société réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 75 millions d’euros ou employant plus de 500 personnes, appréciés sur une base consolidée, sont décidées par l’organe délibérant de cette collectivité territoriale ou de ce groupement sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Le présent article porte sur l’encadrement des cessions des participations détenues par des collectivités territoriales.
Les différentes structures créées pour mettre en œuvre des actions économiques sous statut privé font partie du paysage. Sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, sociétés d’économie mixte à opération unique servent à les mettre en œuvre. Elles peuvent avoir leur intérêt, à condition de ne pas glisser vers une conception totalement privée où les élus ne seraient que des faire-valoir.
Il faut dire que le terrain juridique a été bien préparé pour permettre la disparition de services publics, pour en faciliter aujourd’hui la vente. Les collectivités locales seraient-elles dans l’incapacité de gérer de tels secteurs ? Ou est-ce un outil facilitateur pour des privatisations futures ?
De notre point de vue, monsieur le ministre, la société publique locale devient ainsi, à partir de 2010, le cheval de Troie de la privatisation des services publics. Ces sociétés anonymes dirigées par des élus auraient été créées pour être plus efficaces, plus réactives et plus sûres afin de démontrer, comme vous le répétez à l’envi, l’incapacité a priori des établissements publics à accomplir leurs missions.
C’est là toute votre analyse, qui transpire par tous les articles de ce texte de loi : le privé serait économiquement plus efficace que le public ! Et vous vous acharnez contre tout ce qu’il peut y avoir de public dans nos territoires.
Vous n’avez pas compris, ni vous ni votre gouvernement, que les différentes défaites électorales de votre majorité sont essentiellement dues à vos politiques destructrices du lien social et destructrices de nos services publics.
Mme Sophie Primas. N’avez-vous pas appelé à voter Hollande ?...
M. Jean-Pierre Bosino. Nous avons bien compris que l’objectif est en réalité de servir la finance et l’industrie, qui ne supportent pas que des activités publiques puissent être gérées financièrement de façon positive tout en remplissant leur objectif d’égalité de traitement.
Vous estimez donc qu’il est temps, avec ce texte, de faire fonctionner ces services non pas au nom de l’intérêt général, mais au seul bénéfice de quelques intérêts particuliers, tout cela sous couvert d’harmonisation européenne.
Faciliter ces transferts d’actifs, afin qu’ils puissent se faire sans aucune contrainte : telles sont vos ambitions.
Depuis 1986, différents textes ont permis de construire par paliers cette privatisation qui est la finalité même de toutes les politiques libérales développées.
Vous semblez ignorer que les services publics jouent un rôle indéniable dans le développement économique de notre pays. Le dogme est de les détruire au nom de la primauté du marché par rapport à l’intérêt de nos territoires.
Puisqu’il est aussi question d’emploi, dans ce projet de loi, précisons que le maintien des services publics, c’est le maintien de 800 000 emplois, y compris dans le privé, comme l’a démontré une étude qu’il faudrait réactualiser.
Notre pays a surmonté la crise de 2008 grâce à l’existence de ses différents services publics, chacun s'accorde à le reconnaître. Investir dans les services publics, c’est répondre aux besoins des habitants, c’est répondre au besoin d’aménagement du territoire. Pour vous, ce ne serait qu’une dépense qu’il faudrait réduire.
Votre souci est de mettre en concurrence nos communes, nos départements et nos régions, pour susciter plus d’activité et plus de croissance. La disparition des services publics dans nos campagnes et nos territoires périurbains est la conséquence directe des politiques libérales.
Avec votre texte, vous finalisez ainsi la destruction de nos services publics et faites la preuve que les services rentables financièrement ne peuvent rester dans le giron public, qu’ils doivent être obligatoirement cédés au privé – aucun opérateur privé ne décidera d’acquérir une société qui ne serait pas rentable, vous le savez aussi bien que moi. Pour cela, il suffit pour vous de leur faciliter la tâche. C’est tout l’objet de cet article 43 C.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.
M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, vous allez entendre un discours totalement différent : il y a en effet deux lectures de cet article 43 C.
Un certain nombre de services publics ont pu être transformés en sociétés, et il se rencontre aussi des collectivités qui ont développé un domaine privé, des actifs patrimoniaux et des sociétés, au capital desquelles elles peuvent souhaiter un jour réduire leur participation.
Ce qui me préoccupe, c'est que cet article va limiter l’autonomie et la libre gestion des collectivités territoriales. En effet, il résulte du II de l’article 43 C qu’un avis conforme de la Commission des participations et des transferts est nécessaire pour effectuer une opération faisant passer sous le seuil de détention de 50 % du capital.
Pour le coup, je m'interroge : que devient la libre administration des collectivités territoriales si nous devons, lorsqu’une assemblée délibérante élue au suffrage universel a statué sur la gestion d’actifs qu’elle détient – actifs financés et constitués au fil des années –, recueillir un avis conforme de la Commission des participations et des transferts pour pouvoir réaffecter telle ou telle ressource dans des investissements patrimoniaux différents – en fonction, par exemple, des besoins du développement économique de son territoire ?
Cela signifie qu’un droit de veto est exercé par un service de l’État sur la libre administration des collectivités territoriales. Dans ces conditions, cet article me semble clairement poser un problème de fond, celui de la libre administration des collectivités. Il peut constituer une entrave à la gestion des actifs patrimoniaux d’un certain nombre de collectivités, compte tenu du montant retenu pour le chiffre d'affaires.
Et j’ai en tête des exemples très précis d’opérations qu’un certain nombre de collectivités ont pu réaliser par le passé à la suite de délibérations concordantes et prises de manière consensuelle, et qui, aujourd’hui, nécessiteraient de passer sous les fourches caudines de la Commission des participations et des transferts. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 1134, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L’alinéa 1 de cet article 43 C prévoit d’abroger le II de l’article 41 de l’ordonnance du 20 août 2014 que nous devons par la même occasion ratifier. Nous ne reviendrons pas sur ce point, vous savez ce que nous en pensons.
Dans le détail, de quoi s’agit-il exactement ? Le III de cette ordonnance procède à une réécriture des règles régissant les opérations en capital des sociétés à participation publique. Si cette partie n’emporte pas par elle-même privatisation, elle n’en a pas moins une portée significative.
En effet, le I de cet article 41 abroge la loi du 2 juillet 1986 et certaines dispositions de la loi du 6 août 1986, plus particulièrement son article 21. Celui-ci prévoyait, pour les opérations concernant des entreprises dont l’effectif ne dépasse pas mille salariés et le chiffre d’affaires 150 millions d’euros, un régime de déclarations et d’approbations qui compliquait inutilement les opérations de cession de faible envergure. L’article 21, quant à lui, n’est pas remplacé dans le dispositif de l’ordonnance.
Ainsi, l’ordonnance conduit à abroger formellement les lois de 1986 tout en maintenant en vigueur leurs dispositions pour les opérations non régies par le III. C’est-à-dire que le régime des cessions non significatives est enterré, mais, paradoxalement, ressuscité au paragraphe suivant avec, qui plus est, un champ d’application redéfini.
Cette incohérence serait assez comique si cette ordonnance du 20 août 2014 n’avait pas été prise au titre de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à « simplifier et sécuriser la vie des entreprises ».
Par notre amendement, nous tenons à souligner ces incohérences, mais, surtout, nous souhaitons maintenir la protection offerte par le II de l’article 41 initialement prévu, qui concerne le régime des cessions dites « non significatives ».
Outre les autres éléments que nous avons déjà développés sur cette ordonnance, le champ d’intervention de l’autorité réglementaire est élargi aux opérations non constitutives d’opérations de privatisation et portant sur des participations minoritaires de l’État qui seront décidées par le ministre de l’économie. On pourra dès lors vendre par petits bouts, sans l’aval du Parlement.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est également défavorable.
Je voudrais en profiter pour apporter quelques précisions, notamment à M. Bouvard.
L’article 43 C prévoit d’abord de baisser le seuil d’autorisation à 75 millions d’euros, contre 150 millions d’euros aujourd’hui, ce qui est un point important, puisque cela accroîtra la transparence et facilitera le contrôle du Parlement.
En outre, la libre administration des collectivités territoriales ne sera pas entravée. La Commission des participations et des transferts rendra un avis…
M. Michel Bouvard. … conforme !
M. Emmanuel Macron, ministre. … conforme, en effet, monsieur Bouvard, parce que les collectivités territoriales doivent bien trouver le moyen technique de se conformer à un principe constitutionnel auquel elles sont aussi soumises, à savoir la préservation de la valeur de l’actif qui est à vendre.
Or, aujourd’hui, il n’y a pas d’équivalent de la Commission des participations et des transferts au niveau des collectivités territoriales, d’où ce seuil de 75 millions d’euros ou de plus de 500 personnes. C’est le même seuil auquel nous avons abaissé l’autorisation législative pour procéder à une privatisation.
Je le répète, en abaissant ce seuil, nous introduirons davantage de transparence au bénéfice du Parlement, puisque, jusqu’à la transposition de ces ordonnances, on pouvait tout à fait, pour une opération d’un montant de 80 millions d’euros, par exemple, procéder à une privatisation par décret.
M. le président. L'amendement n° 1133, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les opérations par lesquelles une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales transfère au secteur privé tout ou partie du capital d’une société détenu par cette collectivité ou ce groupement, appréciés sur une base consolidée, font l’objet d’une autorisation préalable de l’État, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s’agit d’un amendement de repli, car nous sommes contre la privatisation et l’ouverture du capital des sociétés publiques, qu’elles soient nationales ou locales.
Le présent amendement tend à modifier trois éléments essentiels de l’article 43 C. Celui-ci, issu d’un amendement de l’Assemblée nationale, autorise la privatisation de sociétés détenues par une collectivité territoriale et en prévoit les modalités, tout en limitant la portée de son application aux sociétés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 75 millions d’euros ou employant au moins 500 personnes, comme il vient d’être rappelé.
Nous vous proposons donc de supprimer cette clause. Ainsi, les modalités d’ouverture du capital seront les mêmes, quels que soient la taille et le chiffre d’affaires de l’entreprise.
Par ailleurs, nous souhaitons revenir à la formulation du texte gouvernemental, qui prévoyait une autorisation préalable de l’État sous la forme d’un décret pris en Conseil d’État, en lieu et place de l’amendement de la commission spéciale, qui a remplacé cette autorisation par un avis conforme de la Commission des participations et des transferts, autorité administrative indépendante chargée uniquement de donner un avis et de vérifier la valeur des actifs cédés et les conditions de cette cession.
À aucun moment la CPT ne peut donc juger de l’opportunité de cette cession ni des conflits d’intérêts qui pourraient survenir, du fait de la proximité éventuelle des acteurs en présence.
Enfin, notre amendement tend à supprimer la précision selon laquelle c’est l’organe délibérant de la collectivité territoriale qui décide de la cession, cette précision étant superfétatoire.
Aussi, par cet amendement, nous souhaitons rendre plus transparentes toutes les opérations de cession qui pourraient avoir lieu au niveau local, quels que soient la taille et le chiffre d’affaires de la société publique locale visée, et redonner ainsi tout son rôle à l’État, qui, tout en respectant la libre administration des collectivités territoriales, ne doit pas cesser d’être le garant du respect de la légalité des actes pris par elles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 C.
(L'article 43 C est adopté.)
Articles additionnels après l'article 43 C
M. le président. L'amendement n° 1122, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 43 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les conséquences pour la société française de la privatisation de Gaz de France.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous demandons un rapport sur les conséquences de la privatisation de GDF.
M. Jean-Claude Lenoir. Il y a dix ans que c’est fait !
Mme Annie David. En 2006, la Commission européenne nous avait promis que la concurrence ferait baisser les prix et améliorerait la qualité des services.
Résultat ? En dix ans, monsieur Lenoir, le prix du gaz…
M. Jean-Claude Lenoir. A baissé !
Mme Annie David. … a augmenté de 66 % !
Quant aux missions de service public assurées pour la plupart gratuitement avant 2004, elles sont devenues payantes, sans parler des salariés dont les conditions de travail et salariales se sont dégradées au fil des années dans une recherche constante d’économies.
Je voudrais pourtant rappeler le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
À l’heure où privatisations et cessions d’actifs sont prévues et facilitées par votre projet de loi, monsieur le ministre, il nous semble opportun de dresser le bilan, et de confronter les incantations libérales et autres recettes miracles à la réalité.
C’est cela aussi, faire preuve de responsabilité et de réalisme ! C’est cela aussi, vivre dans la réalité du quotidien de nos concitoyennes et de nos concitoyens !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1123, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 43 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport contenant des propositions pour la mise en place d’un pôle public bancaire.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Comme nous l’avons dit dès le début de la discussion de ce texte, une nouvelle politique de croissance ayant pour objectif le plein emploi et l’épanouissement humain doit, selon nous, se fonder sur une réforme en profondeur du secteur bancaire.
Les banques et les établissements de crédit jouent un rôle essentiel, c’est une évidence, dans l’utilisation de l’argent dans notre pays. Ce sont les banques qui déterminent les choix fondamentaux. C’est un débat fondamental : est-ce l’économie ou le politique qui doit l’emporter ? Vous le savez, pour nous, ce sont les choix politiques qui doivent en quelque sorte donner le la et fixer les lignes directrices de toute économie.
Or, aujourd’hui, c’est tout le système bancaire, en France et en Europe, qui est dominé par les exigences de rentabilité des détenteurs privés de capitaux et par les marchés financiers.
Mais quel rôle voulons-nous assigner collectivement aux banques ? Répondre à cette question, c’est définir les critères qui doivent motiver le financement d’un projet à travers le crédit. Aujourd’hui, seuls les projets les plus rentables pour les actionnaires sont financés. Cela conduit à privilégier les placements financiers et à rechercher des mécanismes spéculatifs sans cesse plus sophistiqués.
Or, monsieur le ministre, l’argent manque pour engager la politique de croissance que vous semblez appeler de vos vœux. Avec de nombreux économistes, nous proposons aux politiques de reprendre la main sur l’économie. Le pouvoir politique, aujourd’hui, manque indéniablement de leviers pour imposer une nouvelle orientation qui irait à l’encontre des intérêts du marché et de la finance.
Ce pôle public bancaire dont nous souhaitons la création serait fondé sur une nouvelle articulation des établissements publics financiers actuels et la nationalisation de nouveaux établissements qui donnerait les moyens de changer l’orientation du crédit en pénalisant, notamment, les investissements spéculatifs au moyen de taux élevés, et en encourageant les investissements réels et de recherche et développement des entreprises par des taux bas, voire nuls ou négatifs, s’ils étaient tournés vers la création d’emplois.
Le souci du progrès et de l’égalité exige de rechercher d’autres voies – vous le voyez, nous sommes donc aussi dans la construction de propositions – afin de sortir de cette impasse dans laquelle nous enferme la logique folle du profit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1123.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 43
(Non modifié)
I. – L’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est ratifiée.
I bis. – L’article 2 de la même ordonnance est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Pour les besoins de l’application de la présente ordonnance, les dispositions visant les établissements publics de l’État sont également applicables à la Caisse des dépôts et consignations, à l’exception du titre II. »
II. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1135, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il ne semble pas souhaitable de prévoir des dispositions menant à la privatisation des filiales de la Caisse des dépôts et consignations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1657, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. – Les articles 1, 2, le IV de l’article 22 et les articles 23 à 31 de la présente ordonnance sont seuls applicables aux opérations par lesquelles la Caisse des dépôts et consignations transfère au secteur privé la majorité du capital des sociétés dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, une participation. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au deuxième alinéa du II de l’article 7 de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Telecom, les mots : « de la participation directe et indirecte de l’État » sont remplacés par les mots : « des participations de l’État et de la société anonyme Bpifrance et ses filiales directes et indirectes ».
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 1657 et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1135.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends votre objectif, madame Assassi, qui est d’améliorer le contrôle sur les participations de la CDC, mais il me semble que l’adoption de votre amendement, tel qu’il est rédigé, conduirait à l’effet inverse.
Il ne vous semble pas souhaitable, dites-vous, de prévoir des dispositions menant à la privatisation des filiales de la CDC. Or, précisément, les alinéas 2 et 3 de l’article 43 rendent applicable aux filiales de la CDC le contrôle des opérations de cession tel que prévu au II de l’ordonnance du 20 août 2014.
La suppression de ces deux alinéas aurait pour conséquence de priver la Caisse des dépôts et consignations de toute faculté de contrôle sur les privatisations et la dépossèderait de l’exercice de son droit à autorisation.
Ce qui est exact, en revanche, c’est que les dispositions relatives à la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations étaient inadaptées, compte tenu de son statut particulier. L’Assemblée nationale a voté un amendement présenté par M. Emmanuelli et Mme Valter afin de lever toute ambiguïté quant à l’applicabilité à la Caisse des dépôts et consignations de l’ordonnance du 20 août 2014.
Comme cela a été est indiqué lors des débats, il est nécessaire d’améliorer ce texte sur deux points, ce qui est précisément l’objet de l’amendement n° 1657.
Il s’agit, d’une part, de préciser que sont applicables aux participations détenues par la Caisse des dépôts et consignations les dispositions des articles 1 et 2, du IV de l’article 22 et des articles 23 à 31 de la présente ordonnance, autrement dit toutes les dispositions relatives aux opérations sur le calcul des sociétés à participation publique parmi lesquelles la consultation de la Commission des participations et des transferts, pour être sûr que soit préservée la valeur patrimoniale – les autres dispositions de l’ordonnance, en particulier celles qui sont relatives à la gouvernance, resteront applicables à ces participations au titre des participations de l’État ou de ses établissements publics, lorsqu’il en existe .
Il s’agit, d’autre part, de modifier la disposition spéciale de la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Telecom applicable à Orange afin de maintenir l’appréciation consolidée des participations détenues par l’État et le groupe Bpifrance pour l’application de l’ensemble des règles relatives à la gouvernance et aux opérations sur le capital chez Orange.
Comme vous le savez, le groupe Bpifrance, filiale qui est détenue par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, possède aujourd’hui ces participations.
À la lumière de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement n° 1135.
M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1135 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Je suis ravie de constater que, dès lors que M. le ministre accepte d’échanger et de débattre avec nous, nous pouvons nous mettre d’accord.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1135 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1657 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable, en précisant bien que cet amendement est le fruit d’un travail commun entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
M. le président. Je mets aux voix l'article 43, modifié.
(L'article 43 est adopté.)
Article 43 bis
(Non modifié)
Le 1° du I de l’article 22 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Au a, le mot : « mille » est remplacé par les mots : « cinq cents » ;
2° Au b, le montant : « 150 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 75 millions d’euros ».
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1141, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° du I de l’article 22 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« 1° Lorsque l’État détient directement, depuis plus de cinq ans, au moins 15 % du capital social de la société ; ».
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, avec votre permission, je défendrai également l’amendement n° 1142.
Ces amendements visent à préciser le champ d’application de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
En effet, son article 22 prévoit que l’État peut transférer au secteur privé la majorité du capital de sociétés sans autorisation législative s’il ne détient pas, depuis plus de cinq ans, plus de la moitié du capital et si l’une des deux conditions suivantes n’est pas remplie : les effectifs de la société sont supérieurs à 1 000 personnes au 31 décembre de l’année précédant le transfert ou son chiffre d’affaires consolidé avec celui de ses filiales telles qu’elles viennent d’être définies est supérieur à 150 millions d’euros à la date de clôture de l’exercice précédant le transfert.
Si l’on y regarde d’un peu plus près, quelles sont les entreprises qui seraient donc soumises à autorisation législative ? Elles se comptent sur les doigts d’une main : EDF, Aéroports de Paris, La Poste, France Télévisions ou encore La Française des jeux, les autres étant souvent des établissements publics industriels et commerciaux.
Il est donc erroné de prétendre renforcer, par cette ordonnance, le droit des privatisations ou le clarifier. Ce n’est pas un dispositif de protection ; ce qui est organisé, c’est la vente par lots du patrimoine public, c’est une modification de la répartition antérieure des compétences entre l’exécutif et le législatif.
C’est pourquoi nous vous proposons une véritable protection du secteur public et de la compétence du législateur en étendant le champ d’application de l’article 22 de l’ordonnance.
M. le président. L'amendement n° 1142, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° du I de l’article 22 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« 1° Lorsque l’État détient directement, depuis plus de cinq ans, au moins 20 % du capital social de la société ; ».
Cet amendement a été précédemment défendu.
L'amendement n° 1143, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° du I de l’article 22 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« 1° Lorsque l’État détient directement, depuis plus de cinq ans, au moins le quart du capital social de la société ; ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Une fois n’est pas coutume, je tiens à signaler que nous portons un regard bienveillant sur cet article 43 bis, qui, selon nous, va dans le bon sens. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
En effet, bien que nous condamnions le transfert au privé de capitaux publics d’une société, nous apprécions de voir que le recours au décret sans passage législatif préalable va être encadré plus strictement.
En abaissant le seuil d’effectif de 1 000 à 500 salariés et le seuil de chiffre d’affaires annuel de 150 millions à 75 millions d’euros, le Gouvernement fait le choix de restreindre les possibilités de privatisation par décret sans que la représentation nationale soit consultée.
Cette décision, au milieu d’autres qui promeuvent le recours à l’ordonnance, est la bienvenue, même si nous craignons toujours quelque peu l’extension du principe de privatisation.
Cet amendement, dans la lignée de l’article 43 bis de ce projet de loi, vise à préciser le texte de l’ordonnance du 20 août 2014 et à encadrer plus strictement le recours au décret sans intervention parlementaire dans le cas de privatisations.
Ainsi, nous vous proposons d’étendre les dispositions de l’article 22 de l’ordonnance à toutes les sociétés dont l’État est propriétaire à hauteur de 25 %, au lieu des 50 % prévus actuellement.
Nous espérons, par cette mesure, ralentir le rythme des privatisations en vous convainquant au cours des débats – même si je sens qu’il reste encore beaucoup de travail – du caractère infondé de ces cessions de capitaux au privé. Quand on parle des services publics, des produits et services que d’aucuns jugeraient régaliens, on parle aussi des fleurons historiques et symboliques de notre patrimoine industriel, commercial et économique, bref des activités qui ne devraient en aucun cas revenir dans le giron de la loi du marché.
L’État, garant de l’accès des citoyens à des biens et des services fondamentaux et d’un maillage territorial efficace, doit rester pour nous le régulateur de cette activité.
Estimant que ces entreprises dont l’État est un actionnaire important font donc partie du patrimoine économique et industriel français, nous considérons qu’il est essentiel que ces ouvertures de capital soient débattues et adoptées par la représentation nationale. Il y va à la fois du respect de nos concitoyens que nous représentons et du travail parlementaire, que nous effectuons du mieux que nous pouvons.
C’est pour cette raison qu’il nous semble essentiel d’appuyer la démarche du Gouvernement en encadrant encore plus strictement l’usage du décret tel qu’il est prévu dans l’article 22 de l’ordonnance de 2014.
M. le président. L'amendement n° 1140, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° du I de l’article 22 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« 1° Lorsque l’État détient directement, depuis plus de cinq ans, plus du tiers du capital social de la société ; ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je ferai référence à la société SEMMARIS, la société chargée de la gestion du marché d’intérêt national de Rungis.
La SEMMARIS est une société d’économie mixte. Son capital est réparti actuellement de la manière suivante : un tiers des parts appartient à l’État, la Ville de Paris en détient 13,19 %, le département du Val-de-Marne, lieu d’implantation, 5,6 %, la Caisse des dépôts et consignations, 4,6 %, les professionnels du marché, 9,93 %, le dernier tiers étant aujourd’hui entre les mains de la société foncière Altarea Cogedim.
La SEMMARIS compte aujourd’hui un peu plus de 200 salariés et son chiffre d’affaires s’est élevé, en 2013, à 97 millions d’euros, pour un résultat comptable de 13 millions d’euros.
L’entreprise est donc détenue par l’État pour un tiers – c’est la minorité de blocage –, mais ne remplit aucune des deux conditions visées au I de l’article 22 de l’ordonnance, pour ce qui est tant des effectifs salariés que du chiffre d’affaires.
Cela fragilise la SEMMARIS, et donc, pour une part, le marché de Rungis.
Avec cet exemple, on comprend d’autant mieux notre position de fond que nous exprimons à travers cet amendement, à savoir la référence à la part du capital détenu.
J’espère, mes chers collègues, que cet exemple vous aura convaincu de voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1137, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
1° du
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au premier alinéa, les mots : « la majorité » sont remplacés par les mots : « le cinquième au moins » ;
III. – Alinéa 2
Après la référence :
a
insérer la référence :
du 1°
IV. – Alinéa 3
Après la référence :
b
insérer la référence :
du 1°
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à poser les conditions de la cession partielle du capital des entreprises publiques.
M. le président. L'amendement n° 1136, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
1° du
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au premier alinéa, les mots : « la majorité » sont remplacés par les mots : « le dixième au moins » ;
III. – Alinéa 2
Après la référence :
a
insérer la référence :
du 1°
IV. – Alinéa 3
Après la référence :
b
insérer la référence :
du 1°
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Par cet amendement, nous voulons signifier que, dans un contexte marqué par l’existence d’un service de la dette moins coûteux que par le passé, il ne nous semble pas utile de « faciliter » et d’« assouplir » les conditions de cession des titres détenus par l’État dans des entreprises, des sociétés et des établissements publics ainsi que dans leurs filiales.
M. le président. L'amendement n° 1138, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
1° du
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au premier alinéa, les mots : « la majorité » sont remplacés par les mots : « le quart au moins » ;
III. – Alinéa 2
Après la référence :
a
insérer la référence :
du 1°
IV. – Alinéa 3
Après la référence :
b
insérer la référence :
du 1°
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement tend à poser les conditions de la réalisation des opérations de cession d’actifs publics.
M. le président. L'amendement n° 1139, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
1° du
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au premier alinéa, les mots : « la majorité » sont remplacés par les mots : « le tiers au moins » ;
III. – Alinéa 2
Après la référence :
a
insérer la référence :
du 1°
IV. – Alinéa 3
Après la référence :
b
insérer la référence :
du 1°
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Par l’amendement n° 1139, nous voulons signifier que la détention du tiers du capital d’une entreprise est souvent suffisante pour disposer de facultés décisionnelles essentielles dans ladite entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le caractère public d’une entité s’apprécie au regard de la manière dont est réparti son capital. Pour reprendre votre exemple, le capital de la SEMMARIS est détenu pour un tiers par l’État, pour un tiers par les collectivités publiques et pour un dernier tiers par le groupe Altarea Cogedim. C’est donc une société publique, puisque plus de la moitié de son capital est détenu par une entité juridique publique. Et, en effet, sa privatisation nécessiterait le vote d’une disposition législative en ce sens.
Vous l’avez rappelé, l’article 22 de l’ordonnance d’août 2014 prévoit, dans sa rédaction modifiée, que la cession de la majorité d’une société au secteur privé est autorisée par le législateur si, entre autres conditions, son chiffre d’affaires est supérieur à 75 millions d’euros, et non plus 150 millions d’euros, qui était le seuil historique. Par conséquent, si vous ratifiez cette ordonnance, la SEMMARIS ne pourra plus être privatisée par voie de décret, ce que je pourrais faire aujourd’hui en cédant les 30 % du capital que l’État détient. Demain, ce ne sera plus possible, le nouveau seuil étant dépassé, il faudra que j’en passe par la loi.
L’autorisation législative ne doit être nécessaire que lorsque l’État détient plus de la moitié du capital social de la société, car c’est ce qui définit le caractère public ou privé de celle-ci. C’est pourquoi je suis hostile à ce qu’on modifie ce seuil, comme vous le proposez à travers ces différents amendements.
Le Gouvernement a eu à cœur de rendre plus transparents vis-à-vis du Parlement les processus de privatisation. À cet égard, l’exemple de l’aéroport de Toulouse tend à démontrer qu’un débat préalable est toujours préférable à un débat a posteriori mal mené et que le Parlement doit pouvoir se prononcer sur une privatisation autant que faire se peut. En revanche, imposer une autorisation législative préalable à toute modification du capital – même quand celle-ci porte sur 15 % à 20 % du capital – par définition postérieure à la privatisation, elle-même ayant été autorisée par le Parlement dès lors que la part du capital détenue par l’entité publique est passée sous le seuil de 50 %, me paraît excessivement contraignant. Ou alors l’exécutif n’a plus de place, pour ainsi dire.
S’il faut donc abaisser les seuils d’effectifs et de chiffres d’affaires, je ne suis cependant pas favorable à ce que l’autorisation du Parlement soit requise dès lors que l’État entend transférer au secteur privé 15 %, 20 % ou 25 % du capital d’une société.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, vous aurez remarqué que nous avons voté cet article ! (Sourires.)
M. le président. Cela figurera au procès-verbal, ma chère collègue.
Article 43 ter
(Non modifié)
Le 2° du I de l’article 26 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le mot : « mille » est remplacé par les mots : « cinq cents » ;
2° Le montant : « 150 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 75 millions d’euros ».
M. le président. L'amendement n° 1144, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 25 et 26 de la même ordonnance sont abrogés.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L’article 43 ter est peu intelligible si l’on ne plonge pas dans les accords de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
L’article précité permet de rappeler que cette ordonnance a acté, sans aucun débat démocratique, la compétence d’une nouvelle autorité indépendante – encore une ! - en matière de cession d’actifs de l’État.
Il fait référence à l’article 26 de l’ordonnance qui établit le seuil de chiffre d’affaires et d’emplois à partir duquel le législateur n’est plus compétent, donc celui qui entraîne la compétence de cette autorité pour décider de la conformité de la procédure de privatisation.
La modification du seuil que vous proposez peut paraître favorable au débat démocratique, mais on découvre que, dans de très nombreux cas, c’est l’avis de la Commission des participations et des transferts qui sera décisif.
En effet, selon l’article 22 de l’ordonnance, les opérations de cession de l’État qui ne relèvent pas du domaine législatif, ces dernières étant extrêmement limitées, je l’ai dit, même avec la modification adoptée précédemment, sont décidées par décret, premièrement, lorsqu’elles entraînent le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société ; deuxièmement, lorsqu’elles entravent le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société, et, troisièmement, lorsque la participation de l’État est supérieure aux deux tiers du capital si la cession a pour conséquence de la ramener en dessous de ce seuil.
L’ordonnance du 20 août 2014 généralise le pouvoir de privatisation. Toutes les cessions au secteur privé dont l’importance est inférieure à ce seuil n’auront besoin que de votre signature, monsieur le ministre.
L’article 27 de l’ordonnance précise bien, dans son avant-dernier alinéa, la compétence de l’Autorité : « Le décret, l’arrêté ou la décision autorisant ou décidant l’opération concernée est conforme à cet avis » – il s’agit de l’avis de la Commission des participations et des transferts.
L’article 25 définit la composition de cette autorité qui, comme l’Autorité de la concurrence ou l’Agence des participations de l’État, recueillant en son sein – c’est un symbole – une ancienne dirigeante de la banque HSBC, cédera sans doute aux exigences du marché et de sa grande coordinatrice, la Commission européenne.
Par cet amendement de suppression, nous nous opposons au rôle de cette nouvelle autorité et dénonçons la pseudo-avancée que vous nous présentez, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La Commission des participations et des transferts existe depuis près de trente ans. Ce n’est pas une autorité administrative indépendante ; c’est une commission qui a vocation à définir le juste prix, afin de s’assurer que nous ne bradons pas les actifs de l’État et que la valeur patrimoniale retenue pour la vente est adéquate.
Il s’agit évidemment pour nous d’une obligation constitutionnelle, mais la décision est prise par l’exécutif et soumise à une autorisation législative préalable, celle dont nous avons parlé, avec un seuil qui a été abaissé.
La Commission des participations et des transferts est saisie par le ministre et n’intervient pas elle-même librement. Elle ne prend aucune décision, je le répète, et rend simplement un avis auquel le ministre doit se conformer pour ce qui est des valeurs, dans le cadre d’un processus.
Cette commission est simplement indépendante en tant que telle. Je veux dire par là que ni le ministre de l’économie ni le ministre des finances ne peuvent lui donner d’instruction sur le prix ou la cession. Néanmoins, cette indépendance ne confère pas pour autant à cette CPT un statut d’autorité administrative indépendante, pas plus qu’il n’en fait – je réponds là à votre préoccupation –, une commission qui déciderait de la privatisation du bien.
La CPT éclaire simplement l’exécutif et empêche le ministre, si telle était sa tentation, de vendre le bien à un prix inférieur à celui qu’elle a défini.
Pour être tout à fait concret, quand le ministre décide, conformément au pouvoir qu’il détient, de céder des participations comme celles que vous avez citées, on demande un avis à la CPT. Celle-ci, avertie des cours de la bourse et des analyses intrinsèques, fournit une référence qui lie le ministre. Si le cours de la bourse vient à baisser fortement, par exemple, de 15 % trois jours après et que je souhaite vendre, il ne me sera pas permis de procéder à cette vente. Voilà à quoi sert la Commission des participations et des transferts.
Je vous suggère en conséquence de retirer votre amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, car la CPT n’est pas, contrairement à ce que vous soutenez, cette commission qui gère, en quelque sorte, le portefeuille de l’État.
M. le président. Monsieur Billout, l'amendement n° 1144 est-il maintenu ?
M. Michel Billout. Vous avez bien fait d’intervenir, monsieur le ministre, car, au vu de ces précisions, qui éclairent le débat, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 1144 est retiré.
Je mets aux voix l'article 43 ter.
(L'article 43 ter est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, afin d’organiser au mieux les travaux du groupe CRC sur les articles suivants, je sollicite une courte suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons accéder à la demande de Mme la présidente du groupe CRC et interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le samedi 18 avril 2015, à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 43 quater
(Non modifié)
Au 2° de l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, après le mot : « entreprise, », sont insérés les mots : « soit en raison de leur connaissance des problématiques liées à l’innovation et au développement d’entreprises innovantes, ».
M. le président. L'amendement n° 1145, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le 1° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement a pour objet la gestion du patrimoine mobilier de l’État. Il tend à supprimer les dispositions découlant de l’ordonnance de privatisation du 20 août 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Gonthier-Maurin, pour vous avoir écoutée et pour avoir lu l’objet de cet amendement, ainsi que celui des amendements qui suivent, il me semble que nous répondons déjà, par le présent texte, à votre préoccupation.
Que fait-on en rapprochant la gestion des sociétés publiques de la gestion des sociétés commerciales, mouvement sur lequel tendent à revenir les amendements déposés sur le présent article au nom de votre groupe ? Il s’agit simplement de donner de plus larges pouvoirs à l’État pour défendre ses droits. L’État doit disposer de capacités au moins équivalentes à celles dont bénéficie le secteur privé.
Vous proposez de modifier la loi relative à la démocratisation du secteur public, dite « loi DSP », dans la mesure où vous souhaitez supprimer les dispositions de l’ordonnance du 20 août 2014, sortant les sociétés publiques du champ considéré.
Les spécificités de la loi DSP, en particulier quant à la représentation des salariés au sein des conseils d’administration, sont conservées par cette ordonnance du 20 août 2014. Le travail qui vous est ici soumis prend cette loi pour point de départ.
Vous souhaitez maintenir les dispositions de cette loi DSP, par souci de conserver les facteurs de protection des salariés qu’elle garantit. Or l’ordonnance du 20 août 2014 le permet déjà ! Ce texte ne revient que sur un point, que vous avez mentionné il y a quelques instants, à savoir les règles de gestion.
Le mode de gouvernance applicable jusqu’à présent aux sociétés publiques était moins protecteur des intérêts de l’État. Nous y renonçons au bénéfice d’une gestion « de droit commun ». Cela signifie que nous souhaitons voir l’État disposer des mêmes pouvoirs qu’un actionnaire privé.
Par exemple, les conseils d’administration des sociétés publiques ne pouvaient compter plus d’un tiers de représentants de l’État. Désormais, cette proportion sera portée à deux tiers, dont un tiers de salariés. Vous constatez que cette mesure assure une meilleure protection des intérêts de l’État que la loi relative à la démocratisation du secteur public.
Pour autant, nous ne touchons pas aux éléments de protection des salariés, contrairement à ce que vous avancez. Je suis prêt à vous le prouver en détaillant les diverses dispositions dont il s’agit.
Par l’articulation de l’ordonnance du 20 août 2014 et de la loi relative à la démocratisation du secteur public, nous répondons à vos préoccupations : nous protégeons mieux l’État en lui permettant de disposer d’un plus grand nombre de représentants. Parallèlement, nous n’ôtons rien à la protection des droits des salariés : en la matière – je le répète –, nous conservons les dispositions de la loi dite « DSP ».
À la faveur de ces explications, je sollicite le retrait de cet amendement. Je précise que je demande également, par anticipation, le retrait de ceux qui suivent. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n° 1145 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1146, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 2° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les dispositions de cet amendement sont en cohérence avec notre position de fond sur la stratégie de gestion des entreprises publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1147, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 3° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans la même logique que précédemment, cet amendement a pour objet la gestion des actifs publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1148, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 4° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement tend à revenir sur ce que nous considérons comme un authentique recul démocratique, remettant notamment en cause la parité au sein des conseils d’administration des entreprises publiques ou à participation publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1149, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 5° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s’agit d’un amendement de cohérence, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1150, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 6° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s’agit également d’un amendement de cohérence, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1151, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 7° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les conseils d’administration des entreprises à participation publique sont appelés à tomber dans le droit commun des sociétés. Nous nous étonnons que la révocation ne soit plus possible, dans la pratique, que pour les seuls administrateurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1152, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 8° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous nous opposons à des dispositions qui, à nos yeux, marquent un nouveau recul démocratique dans la gestion des entreprises. Toutes nos précédentes interventions s’inscrivent dans cette logique : garantir, au maximum, une participation plus démocratique à la gestion des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1153, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 9° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement tend à supprimer une disposition qui, selon nous, est source de profondes disparités dans la représentation des salariés au sein des organes dirigeants des entreprises à participation publique.
Mes chers collègues, vous le constatez, c’est toujours le même esprit qui nous anime : garantir plus de démocratie et ne pas léser les salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1154, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le b du 11° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. C’est un amendement de cohérence.
Monsieur le ministre, parce que nous ne partageons pas votre lecture, nous préférons poursuivre la présentation de nos amendements, qui concernent tous la même ordonnance du 20 août 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1155, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 12° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, nous nous opposons à une mesure qui nous semble réduire le périmètre des entreprises susceptibles de disposer d’administrateurs salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1156, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 13° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet article nous semble programmer la réduction du nombre des entreprises et établissements disposant d’une représentation des salariés. Nous nous y opposons en ce qu’il s’agit, à nos yeux, d’un signe évident de la future privatisation, partielle ou totale, d’entités qui sont aujourd’hui encore dans le giron public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1157, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 14° de l’article 38 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de cohérence, par lequel nous entendons nous opposer à un dispositif prévoyant la privatisation de la quasi-totalité des grands aéroports de province, après la vente à l’encan des parts de sociétés autoroutières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans chacun de ces amendements, vous traitez un alinéa différent d’un article de coordination qui n’a rien à voir avec les propos que vous tenez par ailleurs, sauf à me le démontrer !
Cet article opère une coordination de l’ordonnance avec les textes précédents, afin de les mettre en conformité. Je me suis expliqué sur les points de fond, nous pourrions également ouvrir les codes et faire un travail de commission !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Bien sûr, monsieur le ministre, vous nous avez déjà donné cette explication. Nous étions déjà défavorables à l’ordonnance d’août 2014, et nous ne souscrivons pas plus à cet article, qui met le droit en cohérence avec elle.
Nous n’avons cependant pas la même lecture de cet article que vous. Sans doute aurions-nous besoin d’en discuter sur le fond, mais ce n’est pas le moment. Un travail de commission ou d’étude plus approfondi aurait été approprié.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il a été fait !
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 quater.
(L'article 43 quater est adopté.)
Article 44
I. – Le chapitre III du titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est complété par un article 31-1 ainsi rédigé :
« Art. 31-1. – I. – Après la publication du décret mentionné aux I et II de l’article 22 ou de l’arrêté mentionné au IV du même article 22 et préalablement à la réalisation de l’opération, si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale exige qu’une action ordinaire de l’État soit transformée en une action spécifique assortie de tout ou partie des droits définis aux 1° à 3° du présent I, un décret prononce cette transformation et en précise les effets.
« Les droits pouvant être attachés à une action spécifique, définis dans chaque cas de façon à être nécessaires, adéquats et proportionnés aux objectifs poursuivis, sont les suivants :
« 1° La soumission à un agrément préalable du ministre chargé de l’économie du franchissement, par une personne agissant seule ou de concert, d’un ou de plusieurs des seuils prévus au I de l’article L. 233-7 du code de commerce, précisés dans le décret qui institue l’action spécifique. Un seuil particulier peut être fixé pour les participations prises par des personnes étrangères ou sous contrôle étranger, au sens de l’article L. 233-3 du même code, agissant seules ou de concert. Cet agrément ne peut être refusé que si l’opération en cause est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays qui ont justifié la création de l’action spécifique ;
« 2° La nomination au conseil d’administration, au conseil de surveillance ou au sein de l’organe délibérant en tenant lieu, selon le cas, d’un représentant de l’État sans voix délibérative, désigné dans les conditions fixées par le décret qui institue l’action spécifique ;
« 3° Le pouvoir de s’opposer, dans des conditions fixées par voie réglementaire, aux décisions de cession d’actifs ou de certains types d’actifs de la société ou de ses filiales ou d’affectation de ceux-ci à titre de garantie qui seraient de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays.
« L’institution d’une action spécifique produit ses effets de plein droit. Hormis les cas où l’indépendance nationale est en cause, l’action spécifique peut à tout moment être définitivement transformée en action ordinaire par décret.
« II. – Lorsque des prises de participation ont été effectuées en méconnaissance du 1° du I, les détenteurs des participations acquises irrégulièrement ne peuvent exercer les droits de vote correspondants tant que la prise de participation n’a pas fait l’objet d’un agrément par le ministre chargé de l’économie.
« Le ministre chargé de l’économie informe de l’irrégularité de ces prises de participation le président du conseil d’administration ou le président du directoire de l’entreprise ou l’organe délibérant en tenant lieu, selon le cas, qui en informe la prochaine assemblée générale des actionnaires.
« En outre, s’agissant des entreprises dont l’activité relève des intérêts essentiels de la défense nationale ou de ceux mentionnés à l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les détenteurs de participations acquises irrégulièrement doivent céder ces titres dans un délai de trois mois à compter de la privation de leurs droits de vote.
« À l’expiration de ce délai, s’il est constaté que les titres acquis irrégulièrement n’ont pas été cédés, le ministre chargé de l’économie fait procéder à la vente forcée de ces titres, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. Il en informe le président du conseil d’administration, le président du conseil de surveillance ou le président de l’organe délibérant en tenant lieu.
« Le produit net de la vente des titres est tenu à la disposition de leurs anciens détenteurs.
« III. – Les I et II s’appliquent également aux entreprises du secteur public mentionnées au IV de l’article 22 lors du transfert de la majorité de leur capital au secteur privé, si les conditions prévues au I du présent article sont remplies.
« IV. – Lorsqu’une société dans laquelle a été instituée une action spécifique fait l’objet d’une scission ou d’une fusion, un décret procède à la transformation de cette action spécifique en une action ordinaire et, le cas échéant, institue, dans les dix jours suivant la réalisation de la scission ou de la fusion, une nouvelle action spécifique dans la société issue de l’opération qui exerce l’activité ou détient les actifs au titre desquels la protection a été prévue. Les droits attachés à cette action spécifique ne peuvent excéder ceux attachés à celle qu’elle remplace. »
II. – (Non modifié) Les actions spécifiques instituées en application des dispositions législatives applicables à la date de publication de la présente loi restent en vigueur.
III. – (Non modifié) À la fin de l’article L. 111-69 du code de l’énergie, la référence : « les dispositions de l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations » est remplacée par la référence : « l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ».
IV. – Au début de la seconde phrase du cinquième alinéa de l’article 78 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001, les mots : « Les I à III de l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations sont applicables » sont remplacés par les mots : « L’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est applicable ».
V. – (Non modifié) L’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations est abrogé. Toutefois, le II du même article reste applicable aux sociétés dans lesquelles ont été instituées des actions spécifiques en application du I dudit article.
VI. – (Non modifié) L’article 3 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « mentionnée au premier alinéa » sont remplacés par le mot : « SNPE » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’article 31-1 de la même ordonnance est applicable aux filiales transférées au secteur privé en application du premier alinéa du présent article. » – (Adopté.)
Section 2
Simplification du cadre juridique de l’intervention de l’État actionnaire
Article 45
(Non modifié)
I. – L’article 25 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « cinq ans » sont remplacés par les mots : « six ans non renouvelables » ;
b) Après la première phrase du second alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Un mandat exercé depuis moins de deux ans n’est pas pris en compte pour la règle de non-renouvellement fixée au premier alinéa. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La commission comporte autant de femmes que d’hommes parmi les membres autres que le président. » ;
2° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Le régime indemnitaire des membres de la commission est fixé par décret. »
II. – Les mandats des membres de la Commission des participations et des transferts nommés en application de l’article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, prennent fin à la date de la nomination des membres de cette même commission en application de l’article 25 de la même ordonnance, et au plus tard six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – À l’occasion de la première constitution de la Commission des participations et des transferts en application du présent article, sont désignés par tirage au sort, à l’exception du président, trois membres dont les mandats prendront fin à l’issue d’un délai de trois ans. Les membres de la commission en fonction à la date de cette première constitution peuvent être désignés à nouveau.
M. le président. L'amendement n° 1716, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
de la même ordonnance
insérer les mots :
, dans sa rédaction résultant de la présente loi
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
Article 46
(Non modifié)
Après l’article 32 de la même ordonnance, il est inséré un article 32-1 ainsi rédigé :
« Art. 32-1. – Les participations détenues par toute société ayant pour objet principal la détention de titres et dont la totalité du capital appartient à l’État sont assimilées, pour l’application des dispositions législatives prévoyant que la participation de l’État au capital d’une société doit rester supérieure à un seuil, à des participations détenues directement par l’État. »
M. le président. L'amendement n° 1717, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
doit rester
par le mot :
est
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1158, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. . Nous avons bien entendu les propos de M. le ministre, mais nous sommes également cohérents !
Cet amendement et ceux qui suivent sont donc également des amendements de cohérence.
Cet amendement en particulier vise à s’opposer à la privatisation en toute discrétion de sociétés intervenant dans le domaine de la défense nationale. Nous aurons l’occasion d’y revenir très bientôt !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Oh oui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est défavorable sur cet amendement et sur ceux qui le suivent.
Vous donnez à l’article 39 de l’ordonnance du 20 août 2014 une portée qui n’est pas la sienne. Il modifie divers textes afin de supprimer les références aux lois de privatisation de 1986 et les remplacer par des références à l’ordonnance du 20 août 2014. Tel est son seul objet.
Il s’agit donc exclusivement de coordination à droit constant.
M. le président. L'amendement n° 1160, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le III de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1162, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le V de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1163, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le VI de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à s’opposer à un dispositif conduisant, dans le cas des organes dirigeants de La Poste, à la réduction progressive de la représentation des salariés au sein du conseil d’administration. Nous en avons déjà parlé au sujet d’autres entreprises publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1164, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le VII de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous nous opposons au principe général de réduction de la présence des salariés au sein des organes dirigeants des entreprises à participation publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1165, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le VIII de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous nous opposons, par principe, à un dispositif qui prive certaines sociétés d’économie mixte d’une représentation des intérêts publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1166, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Le IX de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1168, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le XII de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1169, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le XIII de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1171, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, MM. Foucaud et Watrin, Mmes David, Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le XV de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1172, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le XVI de l’article 39 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1159, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 12 de la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit encore d’un amendement de cohérence avec la position que nous défendons depuis le début de ce débat.
Comme vous le voyez, nous battons des records de vitesse dans la défense de nos amendements ! (Sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. C’est une bonne moyenne !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1161, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 35-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1167, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la seconde phrase de l’article 1er de la loi n° 2003-478 du 5 juin 2003 portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries, les mots : « , l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique » sont supprimés.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de cohérence, concernant les salariés de la DCN et de GIAT Industries.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1170, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le VII de l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de cohérence concernant la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 46, modifié.
(L'article 46 est adopté.)
Section 3
Autorisation d’opérations sur le capital de sociétés à participation publique
Article 47
(Non modifié)
I. – Est autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales.
II. – La loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) est ainsi modifiée :
1° L’article 4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société mentionnée à l’article 1er ou de ses filiales, les fonctionnaires et les militaires en fonction sont maintenus, sur leur demande, dans la position statutaire qui était la leur à cette date. » ;
2° L’avant-dernier alinéa de l’article 6 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « filiale de la société nationale mentionnée à l’article 1er dont celle-ci détient, directement ou indirectement, la majorité du capital » sont remplacés par les mots : « société dans laquelle la société mentionnée à l’article 1er détient, directement ou indirectement, une participation » ;
– les mots : « cette filiale » sont remplacés par les mots : « cette société » ;
– la référence : « du deuxième alinéa de l’article L. 122-12 » est remplacée par la référence : « de l’article L. 1224-1 » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « la filiale concernée se substitue à la société mère » sont remplacés par les mots : « la société d’accueil se substitue à la société d’origine » ;
3° Au dernier alinéa du même article 6, la référence : « L. 351-4 » est remplacée par la référence : « L. 5422-13 » ;
4° À l’article 7, les mots : « et aux » sont remplacés par les mots : « , dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre Ier du titre II de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, ainsi qu’aux » ;
5° L’article 8 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, cet article a pour objet d’autoriser la cession par l’État au secteur privé de la majorité du capital du Groupement industriel des armements terrestres, le GIAT, afin de permettre le rapprochement et, à terme, la fusion entre deux industriels de taille moyenne de l’armement terrestre en Europe : Nexter Systems, filiale du GIAT, et l’entreprise familiale allemande KMW.
Cette opération aboutirait à la création d’une structure commune, à égalité avec KMW, dans laquelle l’État français perdrait cependant la majorité de contrôle, puisqu’il n’en détiendrait plus que 50 % des parts.
Il s’agit donc, en premier lieu, d’une opération capitalistique, dont les intentions d’optimisation fiscale au détriment des deux États ne sont pas absentes. En effet, la société holding, NEWCO, chargée, dans un premier temps, de la coordination entre les deux entreprises, sera basée aux Pays-Bas…
Ce rapprochement nous est présenté comme l’unique solution pour constituer un groupe européen d’armement de taille suffisante pour être capable de faire face à la fois au rétrécissement du marché dans ce secteur et à la concurrence accrue entre une dizaine d’acteurs en Europe.
Cette argumentation présente l’apparence du bon sens.
Faut-il pour autant procéder ainsi et opérer une telle fusion, menant à une intégration progressive entre ces deux entreprises ? En considérant les risques importants et les nombreuses incertitudes de cette opération, je n’en suis pas persuadée et je m’interroge sur certains effets négatifs que pourrait avoir cette fusion.
Tout d’abord, avec cette perte du contrôle de l’État sur son industrie d’armement terrestre, il est à craindre que les choix stratégiques, industriels et financiers des dirigeants de NEWCO ne se fassent d’abord en fonction d’une rentabilité rapide des capitaux investis.
Ensuite, je ne suis pas convaincue par l’argument de la réduction des budgets de défense en Europe ni par celui du rétrécissement du marché, qui nécessiterait, pour assurer le développement de cette nouvelle société, de se déployer exclusivement vers l’exportation.
En effet, les industries de défense vivent en très grande partie des investissements effectués par chaque pays pour disposer d’une industrie de souveraineté.
En France, notre conception de ce qu’on appelle les « bases industrielles de défense » repose sur la fourniture au pays des armes nécessaires à la défense de la Nation et à ses intérêts fondamentaux, tout en préservant notre indépendance et notre autonomie stratégique. Il y a là un enjeu de souveraineté.
Or cette nouvelle société viserait moins les commandes nationales que les exportations. De la sorte, les armements produits seraient conçus pour répondre non plus aux besoins spécifiques de nos armées et de notre défense, mais à ceux du marché mondial de l’armement.
L’exportation peut, certes, être un moteur essentiel du développement des entreprises et assurer des emplois, en fonction de la conjoncture.
Cependant, toute médaille a son revers et, en l’occurrence, il peut y avoir des clauses de transfert de technologie mal maîtrisées, qui conduiraient à l’émergence de nouveaux concurrents et feraient disparaître des savoir-faire et des compétences nationales.
Un autre aspect de cette fusion pourrait également affecter nos intérêts nationaux : les milliers de brevets développés et financés par le contribuable français, qui pourraient être mutualisés et cédés au capital privé, avec pour seule justification de trouver de l’argent pour honorer la dette publique.
Par ailleurs, le regroupement des départements recherche et développement au sein de la nouvelle entité permettra le dépôt de brevets franco-allemands. Or, nous le savons, l’Allemagne mène une politique différente de la nôtre en matière d’exportation d’armements.
Dès lors, le risque existe que l’Allemagne ne s’oppose à des exportations de matériels comprenant des composants issus de brevets protégés par le droit allemand. Cela emporterait inévitablement des effets négatifs sur nos choix stratégiques, sur notre politique d’exportation d’armements, voire sur notre politique étrangère.
Enfin, plusieurs activités de Nexter et de KMW entrant en concurrence, cette fusion ne peut que se traduire, à terme, par de nombreuses suppressions d’emplois.
À mon sens, il existe d’autres solutions, comme la constitution d’un pôle public d’armement terrestre autour de Nexter, de Renault Trucks, de Thales et Sagem-Safran. L’État y aurait une part déterminante et ferait jouer pleinement ses moyens d’intervention que ce soit en matière de commandes publiques, d’autorisations d’exportation ou d’autorisation préalable d’opérations sur le capital des sociétés.
Plutôt qu’une fusion d’entreprises, un pôle public de ce type, sous la forme d’un groupement d’intérêt économique, permettrait de coopérer avec d’autres industriels européens, tout en préservant notre indépendance.
Mes chers collègues, souvenons-nous que cela avait remarquablement fonctionné avec Airbus, avant la création d’EADS !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. L’article 47 m’inquiète également beaucoup. Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres et de ses filiales est une opération qui n’est pas sans risque pour la souveraineté de l’État. Comment peut-on être aussi certain que l’opération consolidera, au niveau national, nos propres entreprises d’armement, et qu’elle ne contribuera pas, au contraire, à nous affaiblir ?
Nous savons tous que le marché de l’armement est extrêmement concurrentiel et que la France y joue un rôle non négligeable. Notre pays possède en effet une industrie importante en ce domaine. Il aurait été classé troisième pays exportateur d’armes en 2014, du moins si nous avions livré le navire Mistral à la Russie.
D’après le rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, publié le 16 mars dernier, le volume du commerce des armes a augmenté de 16 % ces cinq dernières années. Le secteur est largement dominé par les États-Unis, qui détiennent 31 % du marché, et la Russie, 27 %.
Toutefois, il est indispensable d’intégrer une nouvelle puissance dans ce classement. Entre 2010 et 2014, en effet, les exportations d’armes chinoises ont bondi de 143 % par rapport aux cinq années précédentes ! À elle seule, la Chine assure désormais 5 % des exportations mondiales. Dans la même période, le volume des importations d’armes de Pékin a diminué de 42 %. Ces résultats illustrent le dynamisme et la compétitivité de la Chine sur ce marché.
Cela nous montre que l’exportation s’accompagne, de fait, de transferts de technologie et contribue à l’émergence de nouveaux concurrents. Nous ne pouvons donc fonder la création de cette nouvelle société sur les seules exportations. Celles-ci ne peuvent être envisagées comme une réponse à tous les problèmes, notamment celui de la réduction des marchés européen et français.
De plus, les choses doivent être claires concernant les conditions d’exportation, qui doivent être les mêmes pour la France et l’Allemagne. Il ne faudrait pas que cette union aille à l’encontre de nos objectifs en matière de politique étrangère et qu’elle compromette nos marchés d’armement à l’exportation.
De surcroît, sur ce rapprochement, nous manquons vraiment beaucoup de visibilité. Les intérêts des nations allemande et française ne sont pas forcément identiques. Il en va de même pour les besoins de nos armées respectives.
La maîtrise de notre industrie de défense constitue un outil à part entière de notre arsenal de défense. Dans ce schéma, la Direction générale de l’armement est l’un des architectes majeurs de notre politique. L’industrie de la défense a donc pour vocation de contribuer à garantir notre souveraineté nationale.
Cette industrie n’a d’existence qu’en raison des investissements réalisés par la Nation pour sa défense. Elle s’organise autour des programmes lancés au profit de nos armées et dépend des autorisations politiques pour ses exportations.
Autre point important, nos armées, en particulier l’armée de terre, vont avoir besoin de renouveler leurs équipements très prochainement, car leur matériel est vieillissant. À terme, les véhicules de l’avant blindé, les VAB, doivent être remplacés, au titre du programme SCORPION, par les véhicules blindés multi-rôles, les VBMR. Avec les engins blindés de reconnaissance et de combat, les EBRC, ils échappent au rapprochement. Ce sont deux outils indispensables pour notre armée de terre et nous ne pouvons en faire l’économie.
Certes, il est prévu d’attribuer à l’État français une action spécifique qui lui donnera un droit de veto en cas de divergence de stratégie, mais, sur le long terme, ce type de divergences n’est absolument pas viable pour la nouvelle entité.
Pour le moment, nous ne disposons pas de l’ensemble des éléments pour apprécier réellement le bien-fondé de ce rapprochement. Certains points demeurent trop flous, alors que les conditions doivent être extrêmement rigoureuses dans ce type d’opération. De fait, je ne suis pas sûr que la volonté affichée de bâtir des industries capables d’exister encore dans dix ou vingt ans coïncide avec la nature du rapprochement proposé.
Dans ce domaine, il est indispensable d’avoir une industrie puissante, capable d’encourager la recherche, le développement et l’innovation. Nous savons tous que les dépenses militaires irriguent l’ensemble de la recherche civile. C’est comme cela que les Américains financent, par le Pentagone et la NASA, l’essentiel de leur recherche de pointe. Mais les stratégies et les intérêts de la France et de l’Allemagne dans ce domaine ne convergent pas forcément. Comment, alors, sauvegarder notre indépendance stratégique ?
Il me semble que la coopération entre les États est l’un des principaux moyens de consacrer davantage de moyens à ce secteur. Nous ne pouvons fonder l’avenir de l’industrie française d’armement uniquement sur une hausse hypothétique des exportations grâce à cette privatisation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Dans la suite des interventions de Brigitte Gonthier-Maurin et Michel Billout, je tiens à intervenir sur cet article 47, qui vise à fusionner l’entreprise nationale d’armement Nexter avec l’entreprise allemande KMW.
L’État et cette entreprise familiale allemande, qui connaît d’ailleurs quelques soucis, seraient ainsi associés et détiendraient à parts égales 50 % d’une nouvelle entreprise appelé NEWCO.
Notre crainte est de voir Nexter abandonner son rôle initial, qui était de répondre aux besoins spécifiques de défense de notre pays, pour s’aligner sur le marché international des exportations d’armes.
Alors que l’État ne sera plus majoritaire, à l’issue de la fusion, comment pourra-t-il exercer pleinement un contrôle sur les exportations d’armes ? Cette privatisation et cette fusion ne précèdent-elles pas l’entrée de nouvelles entreprises dans cette alliance industrielle ? Dans ce cas, si l’État est affaibli, comment pourra-t-il s’assurer que nos armes ne tombent pas dans de mauvaises mains, sous la pression de considérations financières ? Les armes sont tout de même loin d’être des marchandises comme les autres !
Un autre sujet d’inquiétude tient à la similitude entre les gammes de produits de KMW et de Nexter. Les deux gammes peuvent quasiment être calquées l’une sur l’autre. Dans le segment des chars lourds, Nexter a le Leclerc, KMW, le Leopard ; dans le domaine des véhicules d’accompagnement pour l’infanterie, le VBCI de Nexter est en concurrence avec le Boxer de KMW ; dans le domaine des véhicules plus légers et fortement protégés, l’Aravis de Nexter fait face au Dingo de KMW.
Cette opposition frontale entre les matériels phare des deux entreprises met en péril les emplois et les sites.
Il paraît clair qu’il faudra choisir entre ces produits pour éviter de dupliquer les frais liés aux développements complémentaires et aux traitements de l’obsolescence des matériels. Quelles seront alors les conséquences pour les activités des bureaux d’études et de fabrication ? Comment seront partagés les futurs programmes ?
Cette fusion aura également des impacts significatifs pour les fournisseurs et les sous-traitants.
Les fournisseurs français risquent, en effet, plus gros que leurs homologues allemands, car ces derniers sont avantagés en termes de volume : on sait combien les entreprises allemandes soignent leurs entreprises industrielles. Ainsi, KraussMaffei a écoulé plus de 4 000 chars lourds Leopard, à comparer aux 600 Leclerc.
De plus, les fournisseurs pourraient être mis plus systématiquement en concurrence. Typiquement, Renault Trucks Defense et Mercedes sont les deux sources pour les véhicules porteurs du canon Caesar de Nexter Systems. Demain, il n’y en aura peut-être plus qu’un…
C’est donc en raison des menaces claires et dangereuses sur l’emploi et parce que nous sommes opposés à la privatisation de notre industrie de défense, qui fait partie de notre souveraineté, que nous nous opposons à la fusion entre Nexter et KMW.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mmes Assassi, Demessine et Cukierman, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 776 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 940 est présenté par M. Forissier.
L'amendement n° 966 est présenté par M. Pointereau.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Annie David. Cet article vise à permettre la création d’un champion européen de l’armement terrestre capable de résister à la concurrence de pays d’autres continents. Pour cela, il serait donc nécessaire de céder au secteur privé la majorité du capital public du GIAT.
Nous estimons pourtant que cette privatisation comporte un certain nombre de risques et qu’elle pourrait avoir des effets négatifs dans plusieurs domaines.
Avec ce premier amendement, j’évoquerai d’abord l’abandon probable d’un élément constitutif de notre politique de défense nationale.
En effet, réduire l’influence de l’État sur la fabrication de nos armements terrestres, c’est courir le risque de ne plus pouvoir exercer notre pleine souveraineté sur ce secteur de pointe, hautement stratégique.
C’est d’autant plus risqué que l’objectif affiché de constituer ce champion européen de l’industrie de défense s’inscrit dans un cadre extrêmement flou.
Il faut se rendre à l’évidence : ce que certains appellent de leurs vœux et nomment « défense européenne », voire « Europe de la défense », n’existe pas. Du fait de la diversité des intérêts nationaux et de l’absence de vision partagée, il n’existe pas encore en Europe de politique commune de sécurité et de défense.
En outre, les conceptions française et allemande en matière de politique de défense et d’exportation d’armement sont profondément différentes.
Dès lors, quels peuvent être les fondements, autres que financiers, d’une telle alliance industrielle ?
Avec cette privatisation, les choses sont donc dangereusement prises à l’envers. Avant même que n’existe cette Europe, on dérégule, c’est-à-dire qu’on livre aux intérêts privés un secteur ultra-sensible, qui dépend heureusement encore étroitement des politiques de défense nationale menées dans chaque pays.
Ici, il ne s’agit pas simplement de libérer l’activité économique, de favoriser la croissance et de trouver de l’argent pour financer la dette publique. Il s’agit de notre politique de défense, c’est-à-dire de la défense des intérêts fondamentaux du pays.
Le sujet est donc trop important, il soulève trop de questions non résolues pour faire l’objet d’un article noyé parmi autant de mesures très diverses. Ces questions mériteraient à elles seules un débat.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons la suppression de l’article 47.
M. le président. Les amendements nos 776, 940 et 966 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 51 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission a un avis défavorable sur l'amendement n° 51 et sur tous les autres amendements portant sur l’article 47.
Le rapprochement entre les deux sociétés Nexter et KMW paraît plus que bénéfique pour Nexter, dans un contexte de réduction des budgets militaires et de concurrence accrue dans le secteur des armements terrestres.
En outre, ce rapprochement se fera très progressivement et portera d’abord sur la recherche et développement et l’action commerciale. Les deux entreprises apparaissent très complémentaires et l’opération ne devrait pas se faire au détriment de l’une ou de l’autre.
J’ajoute que nous avons entendu les inquiétudes légitimes de certains de nos collègues, notamment Rémy Pointereau, quant à la sauvegarde des emplois, particulièrement d’ingénieur et d’ouvrier qualifié, mais aussi de maintien des sites, notamment dans le département du Cher.
Au nom de la commission spéciale, j’ai auditionné le PDG de Nexter : il voit dans le rapprochement une véritable chance pour l’entreprise et estime qu’il comporte d’importants avantages. Tout sera mis en œuvre pour maintenir les emplois sur nos territoires et, bien évidemment, préserver les sites.
L’avis est donc défavorable, car nous souhaitons que cette opération de rapprochement puisse être réalisée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’aimerais expliquer l’objectif de cette opération et répondre aux différents orateurs, ce qui me conduira à donner un avis défavorable sur tous les amendements portant sur cet article.
Le groupe GIAT a deux entités : la Société nationale des poudres et des explosifs, ou SNPE, qui a déjà été privatisée depuis plusieurs années, et Nexter. Nexter a aujourd’hui un sujet de taille critique : plus de 50 % de son chiffre d’affaires est aujourd’hui réalisé à l’export. Les perspectives des commandes publiques françaises ne lui permettent pas d’avoir un plan d’expansion satisfaisant. L’avenir de Nexter, comme d’ailleurs de nombre de ces entreprises, est à l’export. Il faut s’en féliciter.
Le groupe allemand KMW, dont la détention capitalistique est familiale, a une problématique comparable.
Depuis plusieurs années, les deux entreprises souhaitent se rapprocher et ont engagé des discussions, interrompues plusieurs fois, puis reprises. Ce rapprochement a une pertinence industrielle.
Avec cet article, nous souhaitons pouvoir ouvrir le capital de Nexter, non pas pour céder des actions – je veux être très précis, l’État ne gagnera pas de liquidités –, mais pour permettre le rapprochement de ces deux entités à parité. Ces deux groupes sont en effet comparables, avec environ 6 000 salariés et 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires.
J’entends les propositions de procéder à un rapprochement avec Renault Trucks ou avec Thalès. Des diligences en ce sens ont été faites par l’entreprise, mais, dans le domaine industriel, autant il est possible de bloquer un mariage, autant on ne peut pas le forcer. Ajoutons qu’il y a très peu de complémentarité entre ces acteurs, qui appartiennent certes au même secteur d’activité, mais qui ne seraient pas plus forts si on les mariait, surtout contre leur volonté. De tels mariages ne seraient pas pertinents. Je vous invite d’ailleurs à interroger les connaisseurs du secteur et les dirigeants de ces entreprises : ils vous diront eux-mêmes qu’il n’y a pas d’attentes à cet égard. Le rapprochement pertinent, c’est celui entre Nexter et KMW.
Nous entendons, par cette opération, assurer la pérennité de l’industrie de l’armement terrestre, de ses emplois, de sa recherche et développement, et en favoriser l’expansion, aujourd’hui difficile.
Quels seront nos droits ? L’État co-contrôlera la société commune et détiendra une action spécifique dans Nexter-Industries, conformément au vote exprimé par la Haute Assemblée il y a quelques instants, et non pas dans la holding de tête.
Comment sera structurée cette entité commune ? Comme l’a dit Mme la rapporteur, Nexter et KMW conserveront leur autonomie industrielle les premières années, les synergies concernant surtout le développement à l’international et celui de nouveaux projets. Ils seront rapprochés au sein d’une entité de tête dans laquelle l’État français détiendra 50 % du capital et la famille Wegmann 50 % également. Telle est l’organisation d’ensemble. Cette entité de tête serait en effet installée aux Pays-Bas, comme l’est, à titre de comparaison, l’entité faîtière de Renault-Nissan. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Et celle d’EADS !
M. Emmanuel Macron, ministre. En effet.
Pour autant, les deux entités conserveront leurs activités industrielles et leurs bases fiscales dans chacun des deux pays. Par conséquent, ce montage n’aboutira en aucun cas à un détournement de base fiscale. Je vous invite au demeurant à considérer, à cet égard, l’exemple de l’alliance entre Renault et Nissan, qui n’a pas permis à ces deux entreprises de détourner de la base fiscale.
Il ne s’agit donc ni d’un schéma d’optimisation fiscale ni d’un schéma de fusion accélérée. Il s’agit d’un schéma de rapprochement, que je vous expose en toute transparence et en détail, afin que l’on ne puisse nous soupçonner de mettre en œuvre un plan caché.
Sur le plan industriel, plus de 50 % du chiffre d’affaires de Nexter est réalisé à l’export. KMW est également un acteur important à l’export, mais on se trompe en annonçant une cannibalisation.
Pour reprendre l’exemple du VBCI de Nexter et du Boxer de KMW, les appels d’offres montrent qu’il existe une complémentarité parfaite. Tel est d’ailleurs le constat dressé par les industriels : il est rare que deux entreprises se rapprochent dans le but de se concurrencer l’une l’autre.
Ainsi, KMW n’a pas répondu aux appels d’offres, lancés par les Émirats arabes unis, le Danemark, le Qatar et, précédemment, le Canada, au titre desquels le VBCI a été sélectionné. Il y a une complémentarité entre le Boxer et le VBCI parce que l’usage n’est pas le même. Ces deux matériels militaires, en effet, ne recourent pas aux mêmes modes de traction, ne sont pas utilisés par les mêmes armées ni sur les mêmes terrains d’intervention. L’Allemagne privilégie l’artillerie chenillée, la France l’artillerie à roues. Deux modèles classiques d’intervention ont conduit au développement de ces deux formes d’industrie, qui présentent des synergies à l’échelon des sous-traitants et une véritable complémentarité en termes d’offre industrielle. Cela renforce à nos yeux la pertinence de ce rapprochement.
Les actionnaires ne pourront céder leurs parts qu’après un délai de cinq ans. L’État n’a de toute façon aucunement l’intention de céder les siennes au-delà de cette échéance, comme en témoigne la politique qu’il suit dans ce secteur.
Je conclurai en évoquant l’incidence de ce rapprochement sur l’emploi. L’intégration des deux entreprises sera progressive, deux entités étant maintenues. À moyen terme, des projets communs seront développés, pour déboucher sur de nouveaux produits. Par conséquent, les bases installées ne seront pas réduites, pour la raison très simple qu’il n’y a pas de superposition entre celles qui sont implantées dans chacun des deux pays. Cela étant, pour obtenir des volumes d’activité et préserver ces bases installées, il faudra continuer de gagner des marchés à l’international. Tel est le sens de ce rapprochement.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 51.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je voterai cet amendement de suppression, pour une raison simple : à mon sens, la politique d’armement procède de la souveraineté nationale. Je ne suis pas la seule à défendre ce point de vue, qui est partagé par des députés de tous bords, comme l’ont bien montré les débats à l’Assemblée nationale. On ne peut pas commencer à bâtir ainsi l’Europe de la défense alors que les événements récents témoignent que, en la matière, l’unité européenne ne relève pas de l’évidence, hélas : les intérêts, les visions de l’avenir et les priorités ne convergent pas nécessairement.
Par ailleurs, nous le savons bien, non seulement l’industrie de l’armement constitue un élément majeur de notre capacité de défense et d’intervention dans le monde, mais la force d’innovation de ses centres de recherche et développement représente un levier pour toute une série d’autres secteurs industriels. De ce point de vue, le modèle américain est d’ailleurs beaucoup plus avancé que le nôtre. Je le dis tout net : se priver de cet investissement de l’industrie de l’armement en faveur de la recherche qui irrigue d’autres secteurs, le noyer dans une grande entité, fût-elle paritaire dans un premier temps et, prétendument, ouverte à l’intervention de l’État se révélera néfaste dans la durée, car l’argent finira par primer sur la stratégie et le politique ne pourra plus peser sur les choix industriels.
Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez dit hier qu’il fallait tout faire pour que les centres de décision des grandes entreprises restent en France. Bravo, mais alors pourquoi implanter aux Pays-Bas l’entité de tête de la nouvelle société ? (M. Jean Desessard rit.) Je connais le calcul des bases fiscales théoriques, mais regardez quelle part de ses impôts EADS acquitte aux Pays-Bas, alors que cette entreprise n’y produit quasiment rien ! En réalité, nous le savons bien, il s’agit de s’octroyer des libertés, parce que les lois néerlandaises imposent précisément moins de contrôle par la décision publique que les lois françaises et accordent en outre, au passage, quelques petits avantages fiscaux divers et variés.
Pour ma part, j’étais déjà hostile à l’installation de l’entité de tête d’EADS aux Pays-Bas ; je suis hostile à ce que l’on incorpore une grande entreprise française dans un grand magma dont les stratégies ne prendront pas réellement en compte les intérêts de notre pays, qui devraient pourtant être prioritaires !
À terme, où seront décidées les nouvelles implantations ? Cette question a beaucoup d’importance au regard de l’emploi et de la définition des nouveaux produits.
Je persiste à considérer que ces industries stratégiques doivent rester majoritairement, massivement françaises. Ma position n’a pas varié d’un iota. Je n’accepte pas la fusion de Nexter, qui doit rester publique, avec une entreprise étrangère.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’ai un point de divergence avec Mme Lienemann : il me semble que c’est avant-hier, et non hier, que M. le ministre a affirmé que les centres de décision devaient être maintenus en France… (Sourires.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ah, peut-être !
M. Jean Desessard. Quoi qu’il en soit, je confirme que le ministre nous a dit que tout devait être fait pour conserver les instances dirigeantes sur le territoire national.
Alors que nous tenons là une occasion de mettre ce principe en application, sans que cela coûte quoi que ce soit, il est décidé d’installer l’entité de tête de la nouvelle entreprise aux Pays-Bas, comme si la chose allait de soi… Peut-être nous fournira-t-on une explication ? Il serait tout de même intéressant de savoir pourquoi le centre de décision d’une entité résultant d’une fusion entre une entreprise française et une entreprise allemande est installé aux Pays-Bas.
S’agit-il de préparer l’émergence d’une armée européenne, à laquelle je suis favorable ? Ce choix traduirait alors une vision particulièrement optimiste, car la mise en œuvre de ce projet réclamera un peu de temps !
Personnellement, je ne voterai pas en faveur de cet article. Monsieur le ministre, il me semble avoir compris que l’État ne tirerait aucune recette de cette opération : pouvez-vous le confirmer ? (M. le ministre acquiesce.) Il s’agit donc seulement d’un regroupement d’entreprises en vue d’obtenir des synergies et d’atteindre une taille plus importante.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y a d’autres méthodes !
M. Jean Desessard. Mais le capital reste, pour l’heure, sous contrôle public.
Mme Annie David. À 50% !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour cinq ans !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Ces combats d’arrière-garde m’étonnent (Protestations sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.), à l’heure où nous bâtissons l’Europe. La construction d’une industrie de défense européenne est une cause qui doit tous nous réunir. Nous n’atteignons pas la taille critique pour concevoir les systèmes d’armes de demain. Par conséquent, ce rapprochement entre deux entreprises très complémentaires est une excellente chose. L’Europe se construit, l’Europe de la défense doit se faire. Il convient de mutualiser les coûts de recherche et développement.
Nous devrions nous féliciter de cette opération. Je ne comprends pas ce réflexe de se cramponner à l’idée que cette société doit rester nationale, franco-française. Ce n’est pas réaliste ! Nous sommes au XXIe siècle, on a changé de millénaire ! Regardez-vous !
M. Jean-Pierre Bosino. L’arrière-garde n’est pas là où vous le croyez !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cette opération ne conduira pas à une fuite des cadres aux Pays-Bas. Je vous invite à considérer l’exemple d’EADS : le rapprochement franco-allemand a conduit à la relocalisation à Toulouse du siège productif du groupe ! La France y a gagné. En effet, trois des quatre centres productifs du groupe se situent aujourd’hui en France. La production de valeur d’EADS aux Pays-Bas est quasiment nulle !
La vie en commun, c’est parfois difficile. En l’occurrence, il s’agit d’une fusion entre égaux, d’un mariage à parité entre deux entreprises réalisant le même chiffre d’affaires et comptant autant de salariés. L’État, qui détient 100 % du capital de Nexter, recevra donc 50 % du capital de la nouvelle entité. Pour opérer un tel rapprochement, l’intervention de la loi est nécessaire. L’État ne tirera aucune recette de cette opération, monsieur Desessard, parce qu’il ne cède pas les actions de Nexter qu’il possède aujourd’hui.
Qui va diriger la nouvelle entité ? Comment s’organisera-t-on ? Où seront situés les actifs ? Pour l’heure, chacun conservera ses entités productives dans chaque pays. On verra comment cela fonctionne, mais il faut une entité de tête. Celle-ci sera située aux Pays-Bas pour quatre raisons : ce pays ne compte aucun concurrent de la nouvelle entreprise ; il est situé en Europe ; il appartient à l’OTAN ; les règles d’enregistrement et les conditions de gouvernance y sont les plus simples, ce qui explique que les centres de décision de nombreuses entreprises ou joint ventures y soient localisés.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Eh bien, mettons toutes les entreprises là-bas, alors !
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, les cadres et les dirigeants de Nexter n’iront pas davantage s’installer aux Pays-Bas demain que les dirigeants d’Airbus ne l’ont fait il y a vingt ans ! Considérons au moins cette expérience in vivo ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Vous avez la conviction chevillée au corps, madame la sénatrice, que les choses vont forcément mal se passer, que nous sommes condamnés à nous faire avoir, que le mal est partout ! Je veux seulement appeler votre attention sur le précédent positif d’EADS, devenu Airbus. L’opération projetée, qui est soutenue par les industriels, a du sens. La France en sortira renforcée, car celles et ceux qui dirigent, produisent et recherchent chez Nexter resteront dans notre pays, où ils pourront embaucher d’autres personnes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour combien de temps ?
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je crois pouvoir apporter quelques éléments de réflexion supplémentaires.
Le seul avion de transport dont disposent les forces armées françaises, pour les quarante années qui viennent, est un produit d’EADS, donc européen. Je rappelle d’ailleurs à certains de nos collègues qu’ils étaient membres du Gouvernement lorsque la décision de le construire a été prise. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
M. Michel Bouvard. Cela n’a pas été simple !
M. Alain Richard. Dans un domaine qui a tout de même plus d’importance stratégique que celui dont nous débattons aujourd’hui – il s’agit de projeter des forces n’importe où dans le monde, y compris dans les zones les plus tendues –, nous avons choisi un outil qui est le résultat d’une activité de recherche et développement et d’une activité industrielle réparties en Europe. J’indique, pour ceux qui ne sont pas familiers de ces questions, que le pôle principal de réalisation de l’avion de transport européen est situé à Séville, en Espagne.
Par ailleurs, depuis vingt ans, notre seul missile de croisière – l’arme stratégique par excellence, celle qui a la capacité de destruction, projetée à longue distance, la plus forte – est le produit d’une co-entreprise franco-britannique.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Alain Richard. Il s’agissait d’un choix des autorités britanniques de l’époque, conservatrices, et françaises, les deux pays étant les seuls, en dehors des États-Unis, à pouvoir construire un missile de croisière. On voit que la volonté d’autonomie à l’égard des Américains peut parfois émaner de puissances dont on ne l’attend pas forcément !
Enfin, s’il est indéniable qu’il y a de la technologie dans les équipements blindés terrestres, la densité d’électronique des systèmes de combat que l’on trouve dans un VBCI n’est tout de même pas tout à fait celle d’un avion de combat. Il faut garder le sens des proportions ; ce n’est pas là que se développera la compétition avec le Pentagone. (M. Jean Bizet applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 128 rectifié est présenté par M. Pointereau.
L’amendement n° 1174 rectifié est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
N’est pas autorisé un transfert du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres qui s’inscrirait dans le cadre d’une opération de consolidation industrielle incluant une société sous le coup d’une procédure judiciaire pour des faits de corruption.
L’amendement n° 128 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l’amendement n° 1174 rectifié.
M. Michel Billout. Les différents motifs qui nous font douter du bien-fondé du rapprochement, tel qu’il est envisagé, entre Nexter et KMW ont donné lieu à un débat intéressant.
Je voudrais évoquer un point qui n’a pas encore été abordé, celui des risques éthiques et d’insécurité juridique inhérents à ce projet.
En effet, il est de notoriété publique que KMW fait l’objet d’une procédure judiciaire pour corruption, dans le cadre de la vente à la Grèce de blindés lourds de type Léopard. Cette procédure en cours risque de nuire à la réputation de la future société et, par voie de conséquence, d’avoir un impact négatif sur ses résultats commerciaux.
Dans ce cas de figure, d’un strict point de vue financier, il est à craindre que notre apport de capitaux publics n’en pâtisse et que nos intérêts ne soient affectés.
En outre, cette procédure ne pourrait que ternir l’image internationale de notre pays, dont les efforts diplomatiques pour introduire des règles d’éthique dans les négociations sur la régulation des marchés de l’armement sont largement reconnus.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui tend à interdire tout transfert de capitaux dans le cadre d’une opération dont l’une des parties prenantes est une société sous le coup d’une procédure judiciaire pour faits de corruption.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Comme vous, monsieur le sénateur, j’ai lu la presse. Nous nous sommes préoccupés de cette affaire, qui fera d’ailleurs l’objet des vérifications effectuées au titre de la due diligence dans le cadre du rapprochement.
Cette procédure judiciaire qui serait en cours n’implique pas culpabilité. Je vous invite à considérer les conséquences de l’inscription dans la loi de dispositions visant à interdire toute opération de rapprochement impliquant une entreprise faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Si l’on veut complètement stériliser le tissu productif français, il faut adopter cet amendement !
Des vérifications exhaustives seront menées, je le répète. Ce rapprochement fait l’objet, en outre, de protections analogues à celles qui ont déjà pu être mises en œuvre en matière d’investissements étrangers en France. Nous aurons la possibilité de bloquer l’opération, pour cette raison ou pour d’autres, en vertu de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier.
En tout état de cause, je vous incite vraiment, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne pas introduire une telle disposition dans la loi, car elle est excessive à tous égards.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, je ne pourrai y être que défavorable.
M. le président. Monsieur Billout, l’amendement n° 1174 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Billout. Le dispositif de cet amendement est peut-être un peu excessif, en effet. En tout cas, je prends note de votre engagement, monsieur le ministre, à faire preuve de la plus grande vigilance. Si la procédure débouchait sur une condamnation, la situation deviendrait extrêmement problématique.
Cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1174 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1173, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
N’est pas autorisé le transfert de capital du Groupement industriel des armements terrestres et de ses filiales au profit d’une société tributaire de contraintes nationales pouvant compromettre l’exercice par la France de sa pleine souveraineté en matière de politique étrangère, de mise en œuvre de ses accords de défense ou de coopération en matière de défense, comme de sa politique d’exportation d’équipements de défense.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’argumentation que vient de développer M. le ministre est tout de même affligeante… Cela signifie que bon nombre de sociétés sont poursuivies pour des raisons diverses et variées.
Mme Laurence Cohen. Cette situation est assez terrible, et devrait nous faire réfléchir sur les pratiques des grandes entreprises.
J’en viens à l’amendement n° 1173.
Nous estimons que les modalités de constitution de la nouvelle société NEWCO ne donnent pas suffisamment de garanties pour préserver au mieux nos intérêts nationaux. Trop d’incertitudes pèsent sur ce transfert de capitaux publics français au sein d’une nouvelle entité, de droit hollandais, et constituée à proportion égale de capitaux privés.
Ces incertitudes sont d’ordre financier, juridique ou encore social, s’agissant de la pérennité des emplois. Sur ce point, Mme la rapporteur affirme que toutes les garanties sont réunies, mais nous connaissons par expérience la fin de ce genre de scénario…
En effet, quels critères prévaudront dans les choix stratégiques, industriels et financiers des futurs dirigeants de la nouvelle société ? Quel type de gouvernance choisiront-ils ? Quelle sera la répartition des fabrications au sein de cette nouvelle entreprise intégrée ?
En outre, nous savons d’expérience qu’une fusion de ce type a souvent des répercussions négatives en matière d’emploi et de savoir-faire des entreprises.
Mais c’est aussi la future stratégie du groupe qui est en question. Elle ne manquera pas d’emporter des conséquences sur notre liberté de choix en matière de politique d’exportation de matériels militaires, d’accords de coopération de défense et, plus généralement, de politique étrangère.
En l’absence de réponses précises à ces questions, nous refusons de signer un chèque en blanc en acceptant la cession de la majorité d’une entreprise à capital public au secteur privé.
Nous doutons que les modalités de rapprochement entre Nexter et KMW, telles qu’actuellement négociées entre les deux entreprises, puissent permettre de préserver intégralement les intérêts de notre pays.
M. le président. L’amendement n° 1414 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1173 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 47.
(L’article 47 est adopté.)
Article 48
(Non modifié)
I. – Après le mot : « État », la fin de la seconde phrase du premier alinéa et la fin du troisième alinéa de l’article L. 5124-14 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « , par ses établissements publics ou par d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public. » ;
II. – Dans les cas mentionnés aux I et II de l’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, un décret pris en application de l’article 31-1 de la même ordonnance peut prononcer la transformation d’une action ordinaire en une action spécifique, assortie de tout ou partie des droits définis au même article.
III. – Tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies » doit être autorisé par la loi, selon les modalités prévues au titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. L’article 48 ouvre le capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, à Bpifrance. Jusqu’à maintenant, le LFB figure dans le portefeuille de l’Agence des participations de l’État, l’APE.
Je rappelle que la France a décidé d’organiser la collecte et le fractionnement du sang à la suite de l’affaire du sang contaminé. Créés dans ce contexte, l’Établissement français du sang, l’EFS, et le LFB, qui sont bien deux établissements distincts, ont ainsi mis en œuvre des normes et des pratiques sanitaires bien supérieures à celles en vigueur au sein de l’Union européenne. L’idée était de conjuguer éthique du don et sécurité sanitaire, avec comme garantie l’implication de l’État.
Or l’article 48 pourrait ouvrir la porte à une remise en cause du rôle de l’État, et alimente des craintes quant à une éventuelle privatisation du LFB. En effet, si la rédaction actuelle de l’article ne permet pas celle-ci dans l’immédiat, nous considérons que le risque est suffisamment élevé pour que l’on s’oppose à l’adoption d’un tel dispositif.
Par expérience, nous savons que les ouvertures de capital de ce type sont un premier pas vers un désengagement progressif de l’État, puis du secteur public, au bénéfice du secteur privé.
À ce titre, je rappelle que le statut du LFB avait déjà été modifié en 2004 : d’établissement public industriel et commercial, il était devenu société anonyme à capitaux publics majoritaires. Le gouvernement de l’époque avait justifié cette modification par la nécessité, pour le LFB, d’attirer des capitaux extérieurs afin de pouvoir augmenter ses dépenses de recherche et développement.
L’ouverture de capital proposée, quant à elle, a pour objet de permettre au LFB de mener une croissance externe et d’innover. Elle serait destinée à financer l’ouverture d’une usine, assortie de la création de 2 000 postes, dont 500 à l’étranger. Nous ne pouvons évidemment qu’encourager ce type de démarche et saluer la création d’emplois qu’elle engendre. Néanmoins, nous nous posons de nombreuses questions sur le mode de financement choisi pour ce site. Pourquoi ne pas demander à l’APE, aujourd’hui seul financeur du LFB, d’assurer l’investissement de 300 millions d’euros nécessaire à ce projet ? Pourquoi ouvrir le capital à Bpifrance, au lieu de lui demander de consentir un prêt ? Cette ouverture se fera-t-elle d’ailleurs uniquement au bénéfice de Bpifrance ? Quelle sera l’étape suivante ? Pourquoi prendre le risque de voir l’État, à terme, se désengager d’une activité rentable, créatrice d’emplois et innovante ?
Le LFB, en effet, est un laboratoire innovant, dynamique, un fleuron de notre industrie biotechnologique. Il serait dommage de laisser les intérêts privés s’emparer de cette ressource.
Nous nous posons également des questions sur la logique capitaliste affirmée qui sous-tend la stratégie du LFB, alors que celle-ci devrait être principalement guidée par l’éthique.
En effet, la stratégie offensive du LFB consistant à rechercher une expansion à l’international et à conquérir de nouvelles parts de marchés peut être intéressante, mais elle ne doit pas être mise en œuvre en s’affranchissant de certaines normes éthiques et de sécurité sanitaire.
Or, par exemple, lorsqu’il opère à l’étranger, ou pour l’étranger, le LFB utilise du sang collecté en échange d’une rémunération. Au lieu d’exporter notre modèle éthique, nous le remettons en cause pour exporter !
Ces évolutions, qui nous semblent regrettables, justifient d’autant plus le maintien de la maîtrise des activités du LFB par la puissance publique. C’est pourquoi nous défendrons dans quelques instants un amendement visant à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article relève du titre II, intitulé « Investir », et de la section 3 « Autorisation d’opérations sur le capital de sociétés à participation publique » du chapitre II… Au travers de son dispositif, vous entendez, monsieur le ministre, appliquer ce programme au domaine transfusionnel. Nous ne pouvons vous suivre.
S’il est composé de trois alinéas seulement, cet article n’en est pas moins primordial et risque de bouleverser le paysage actuel.
En effet, pour l’heure, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies est détenu à 100 % par l’État. Il a été créé en vue de séparer les activités de collecte, de préparation et de distribution des produits sanguins de la fabrication des médicaments dérivés du sang. C’est une garantie au regard des enjeux de sécurité sanitaire.
La rédaction initiale de l’article et les débats qui ont eu lieu, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au sein de la commission spéciale du Sénat, ont porté sur la question suivante : cet article permet-il une privatisation du LFB ? Nous n’avons pas la même interprétation juridique que vous, manifestement, et nous ne sommes pas rassurés par les arguments selon lesquels il s’agit uniquement de permettre à Bpifrance d’investir pour la construction d’une nouvelle usine.
Pour nous, l’alinéa 3 est parfaitement clair : « tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société "Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies" doit être autorisé par la loi, selon les modalités prévues au titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée ».
Au regard des majorités actuelles au sein du Parlement et, surtout, de la politique qui est menée, l’autorisation par la loi ne nous semble guère être un obstacle difficile à franchir pour les tenants de la privatisation à tout crin. Par ailleurs, comment ne pas craindre l’utilisation du 49-3, auquel, hélas ! il est souvent recouru, aujourd'hui comme hier ?
Cet article est tout sauf anodin : un commerce du sang est bel et bien en train de s’organiser, et le dispositif prend encore plus de sens quand on fait le lien avec les débats que nous avons eus lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour rappel, l’article 51 de ce dernier, contre lequel une majorité du Sénat s’était prononcée, légalise et légitime la commercialisation d’un produit sanguin, le plasma SD, devenu « médicament » le 13 juillet dernier par arrêt du Conseil d’État consécutif à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
En cohérence avec le vote émis ici même lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur un amendement de notre groupe, j’appelle la Haute Assemblée à rejeter l’article 48 du présent texte, qui ouvre la voie à la marchandisation du sang, rompant avec les principes éthiques qui permettent de garantir la sécurité des patients et des donneurs de sang.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 158 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux, M. Raoul et Mmes Monier et Jourda.
L'amendement n° 462 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 52.
Mme Éliane Assassi. L’article 48 a été l’objet de nombreux débats et critiques, notamment à l’Assemblée nationale.
Nous avons lu, pour notre part, avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, les arguments que vous avez développés devant nos collègues députés. Je dois dire qu’ils ne nous ont pas convaincus, d’où le dépôt de cet amendement de suppression.
Avant d’entrer dans le détail, je me permettrai de souligner, comme cela a déjà été fait, que cet article offre une parfaite illustration du caractère tous azimuts de votre loi, puisqu’il se situe entre un article concernant le GIAT, le Groupement industriel des armements terrestres, et un autre relatif aux aéroports !
M. Emmanuel Macron, ministre. On me l’a déjà faite ! Vous suivez bien les débats de l’Assemblée nationale !
Mme Éliane Assassi. Je rappellerai tout d’abord que le LFB a été créé en même temps que l’Agence française du sang et l’Établissement français du sang, par la loi du 4 janvier 1993. L’objectif est de garantir une éthique et une sécurité sanitaire des dons et de la fabrication des produits issus du sang.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ça n’a rien à voir !
Mme Éliane Assassi. Le LFB est aujourd’hui détenu à 100 % par l’État. Vous souhaitez, au travers de cet article, permettre à Bpifrance d’entrer au capital du LFB pour, dites-vous, permettre à celui-ci de construire une nouvelle usine plus moderne, nécessitant un investissement d’environ 300 millions d’euros.
Pour cela, vous souhaitez modifier un article du code de la santé publique. Ce qui nous inquiète très fortement, c’est que, en réalité, le droit actuel permet déjà cette participation. En effet, l’article L. 5124 du code de la santé publique dispose que l’État ou des établissements publics doivent être détenteurs majoritaires du capital du LFB, ce qui n’exclut en rien la participation au capital d’autres acteurs publics tels que Bpifrance.
Si le dispositif de l’article n’est pas donc pas à proprement parler utile pour permettre l’intervention de Bpifrance, quel est l’objectif visé ? Nous craignons une privatisation programmée et rampante. Nos inquiétudes sont d’autant plus fondées que nous avons déjà été particulièrement échaudés, Laurence Cohen l’a souligné, par l’article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale et l’abandon du service public assuré par l’Établissement français du sang. Nous avons parfaitement compris que le système transfusionnel devait être, selon vous, également soumis aux lois du marché. L’article 42 du projet de loi relatif à la santé, actuellement en débat, est de la même veine : tout cela est cohérent et organisé.
Tout comme lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous dénonçons cette évolution, qui remet profondément en cause le système actuel, dont l’objet est de préserver le sang des logiques mercantiles et des risques qu’elles comportent.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a été déposé par mes collègues Karine Claireaux, Daniel Raoul, Marie-Pierre Monier, Gisèle Jourda et moi-même. Nous ne comprenons pas pourquoi il serait nécessaire de modifier le statut du LFB, détenu aujourd'hui à 100 % par l’État.
Je rappelle que l’État ne perçoit actuellement aucun dividende en raison du caractère bénévole du don de plasma, ce qui signifie que le laboratoire réinvestit la totalité de ses bénéfices. Cela maintient la cohérence éthique du système français.
Il est à craindre que l’entrée au capital de Bpifrance n’amène une remise en cause de l’absence de versement de dividendes. La construction d’une nouvelle usine est nécessaire, mais pourquoi ne pas recourir à un financement au travers de l’Agence des participations de l’État ? Ne dites-vous pas vous-même que celle-ci doit avoir une gestion active et fluide de ses crédits ?
Nous ne voyons pas l’intérêt de modifier la composition du capital et le statut du LFB, pour l’heure comme pour l’avenir. Une telle opération nous semble au contraire risquée.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 462.
M. Jean Desessard. Si j’osais, je dirais que cet amendement est dans la même veine que les précédents… (Sourires.)
L’article 48 vise à permettre l’ouverture du capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies aux établissements ou entreprises publics. La justification de cet article est simple : le LFB a un besoin de financement d’environ 250 millions d’euros, que l’État n’a pas les moyens de satisfaire.
L’activité du LFB est essentiellement tournée vers le fractionnement des protéines plasmatiques issues du plasma sanguin humain. Il dispose de l’exclusivité du fractionnement du plasma issu des dons de sang bénévoles, collectés sur le territoire français par l’Établissement français du sang. Il est également l’un des leaders mondiaux du fractionnement ; c’est à ce titre qu’il a besoin de financement.
Si l’on peut penser que cette volonté de gagner de nouveaux marchés est légitime, nous estimons que la filière du sang doit rester publique. Nous ne voyons pas pourquoi impliquer d’autres acteurs publics alors même que l’État a soutenu la recherche au sein de ce laboratoire et que celui-ci s’apprête à développer une activité très rentable, à partir de sang donné gratuitement par les Français.
Il est incompréhensible de se retirer du capital d’une entreprise publique aussi sensible alors qu’un apport de 250 millions d’euros suffirait. Le Gouvernement pourrait certainement débloquer cette somme par d’autres moyens.
De plus, le III de l’article 48 laisse planer un doute, même si certains estiment qu’il constitue un verrou. Il y est en effet précisé que « tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société "Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies" doit être autorisé par la loi ». Pourquoi inscrire une telle mention dans le texte si ce capital doit rester public ? Ce passage n’est pas de nature à nous rassurer. Voilà pourquoi nous souhaitons conserver un statut public au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies.
Les privatisations d’entreprises publiques commencent toujours de la même manière. On dit d’abord qu’il n’y a pas d’inconvénient à réduire la part du capital détenue par l’État, du moment qu’elle reste supérieure à 50 %. Puis on dit que l’on peut sans dommage l’abaisser à 30 %, dans la mesure où l’État conserve alors une minorité de blocage. Enfin, puisqu’on ne contrôle plus rien, on décide de tout vendre pour être tranquille… (Sourires.) Nous sentons bien que nous ne sommes pas loin ici de cette logique. C’est comme pour les autoroutes : on estime que la puissance publique ne sera pas capable de rentabiliser l’investissement projeté…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Cet article est absolument indispensable pour assurer le financement de la future usine du LFB et contribuer ainsi à son développement, ainsi qu’à son rayonnement au niveau international.
Il ne s’agit en aucun cas d’une privatisation, puisque la majorité du capital doit bien appartenir à des personnes publiques. Il n’y aura aucune possibilité de privatiser sans en passer de nouveau par la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements de suppression.
Il s’agit de corriger une anomalie juridique : la rédaction actuelle de l’article du code de la santé publique relatif au LFB ne couvre pas la personnalité juridique de Bpifrance.
Le rôle de l’APE, qui a une gestion patrimoniale, n’est pas de réinvestir dans les entreprises dont elle détient une partie du capital pour accompagner leur développement : c’est là une autre activité, celle précisément que nous avons confiée à Bpifrance.
Que l’on me permette de lever une ambiguïté : il ne s’agit pas ici, pour Bpifrance, d’accorder un prêt au LFB, mais d’entrer à son capital pour lui permettre de réaliser des investissements, dont le financement passera donc par une augmentation du capital. Celle-ci n’est pas permise, à l’heure actuelle, par le code de la santé publique. L’objet de l’article 48 est de remédier à cette difficulté, afin que le LFB puisse disposer de 250 millions ou 300 millions d’euros pour construire la nouvelle usine dont il a besoin.
Très franchement, quand je vois le nombre d’heures passées sur ce sujet, la violence des débats et des accusations lancées, y compris à mon encontre, je me dis parfois que j’aurais mieux fait de ne pas m’attaquer à ce sujet, que le jeu n’en valait pas la chandelle…
Mme Laurence Cohen. Supprimez donc l’article !
M. Emmanuel Macron, ministre. Non, je ne le ferai pas, par principe ! Sinon, cela signifierait que nous ne sommes pas capables d’avoir un débat instruit, informé, démocratique et responsable sur un tel sujet. Je continue à me battre, car je n’admets pas que l’on veuille interdire à une entreprise publique de se développer pour des raisons totalement irrationnelles et non documentées ! Ce combat vaut la peine d’être mené ! Rien dans vos propos n’est fondé.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est ce que vous pensez !
M. Emmanuel Macron, ministre. Non, c’est un fait !
Il s’agit de permettre à Bpifrance, dont les deux coactionnaires sont l’État et la Caisse des dépôts et consignations, qui ne sont en rien des acteurs privés, d’entrer au capital du LFB, afin d’aider celui-ci à se développer.
L’État n’a jamais perçu du LFB le moindre dividende, il a toujours réinvesti. Je le redis, l’État, à l’avenir, ne demandera pas le versement de dividendes. Bpifrance n’aura pas non plus les moyens d’en demander, puisque nous détenons 50 % des droits de vote en son sein.
La seule justification de l’entrée de Bpifrance au capital du LFB est de contribuer au développement de ce laboratoire. Que l’on ne vienne donc pas me dire qu’il y aurait un changement de jurisprudence ou que l’on aurait soudainement décidé de commercialiser ou de privatiser la collecte de sang, comme j’ai pu l’entendre, puisqu’il ne s’agit pas du sang, mais de l’utilisation du plasma sanguin pour la fabrication de médicaments.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est ce que nous avons dit !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’État a toujours décidé, en tant qu’actionnaire public, de ne jamais percevoir de dividendes, préférant réinvestir ; c’est ce que nous continuerons à faire pour permettre le développement du LFB. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une privatisation. J’ai même pris l’engagement, que je réitère ici, que nous n’ouvririons pas le capital, fût-ce de façon minoritaire, à des acteurs privés.
Imaginons que je décide de retirer l’article 48.
M. Jean-Pierre Bosino. Faites-le !
M. Emmanuel Macron, ministre. Demain, je peux décider, par décret, d’ouvrir jusqu’à concurrence de 49 % le capital du LFB à des fonds privés. Tel est l’état actuel du droit français : si vous en êtes contents, alors vous êtes en totale contradiction avec ce que vous me dites depuis tout à l’heure !
Non seulement nous sécurisons le dispositif en prévoyant, à l’alinéa 3 de l’article 48, que toute privatisation devra être autorisée par la loi, mais j’ai également pris l’engagement qu’il n’y aura même pas d’ouverture minoritaire du capital au secteur privé.
Si l’on veut que l’État conduise une véritable politique actionnariale, une véritable politique de santé publique, il faut que nous puissions collectivement avoir un débat responsable. Or, à entendre les propos qui sont tenus depuis tout à l’heure, ce n’est pas le cas.
La sécurisation du LFB est pleine et entière, d’abord parce qu’il reste dans le giron public, ensuite parce que nous avons réitéré, à l’alinéa 3, ce que l’ordonnance elle-même prévoit, à savoir que toute privatisation devra être autorisée par la loi.
Tels sont les arguments qui me conduisent à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Je trouve que le débat sur cet article, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, est parfois emblématique du drôle d’état dans lequel se trouve notre pays… (MM. Jean Bizet, Gérard Longuet et Marc Laménie applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Les débats sont toujours passionnés dès lors qu’il s’agit du sang. Je crois que nous avons tous été extrêmement marqués par la crise du sang contaminé, qui a notamment abouti à la création de l’Établissement français du sang. Celui-ci s’occupe de la collecte du sang, de la préparation des globules rouges, des plaquettes et de deux types de plasma aujourd’hui, contre trois auparavant, le plasma SD ayant été reconnu comme un médicament à la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne et d’un arrêt du Conseil d’État.
L’Établissement français du sang fournit le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, qui est chargé de fabriquer des médicaments dérivés du plasma, les MDP.
Une troisième structure, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, est le gendarme de la sécurité sanitaire et de l’application des règles éthiques.
Pour ma part, je soutiens totalement l’article 48. Sans l’apport de capitaux prévu par celui-ci, le LFB, qui est un laboratoire de très haute technologie, occupant le sixième rang dans le monde, serait obligé de vendre ses brevets. On peut tout de même faire preuve d’un peu de patriotisme scientifique quand on a la chance de disposer d’un laboratoire aussi remarquable, qui ne demande qu’à pouvoir se développer. Comme vient de l’expliquer M. le ministre, les capitaux apportés par Bpifrance sont publics, les actionnaires de celle-ci étant la Caisse des dépôts et consignations et l’État.
Par ailleurs, le fait qu’une privatisation éventuelle du LFB devrait être autorisée par la loi est une sécurité supplémentaire : il ne tiendrait qu’au Parlement d’en décider autrement. Pour parler familièrement, c’est ceinture et bretelles pour protéger le caractère public du capital du LFB !
Nous devons être fiers de pouvoir compter sur un laboratoire de cette qualité et sur des donneurs de sang qui incarnent le don éthique, c’est-à-dire gratuit, bénévole et anonyme.
Mme Nicole Bricq et Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Bosino. Ceci est mon sang, prenez-en tous…
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’ai à aucun moment mis en cause le ministre. Maintenir le statut public du LFB est pour moi la question essentielle. Le dispositif qui nous est présenté le permettra-t-il de manière durable ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’avais des doutes à cet égard et j’estimais préférable que l’APE accroisse son apport au capital du laboratoire. Le ministre nous dit que cela n’est pas possible : dont acte.
Il nous dit également que, en l’état actuel du droit, il serait possible d’ouvrir à des acteurs privés le capital du LFB par décret, alors que l’article 48 impose que toute privatisation soit autorisée par la loi, ce qui représente une certaine garantie. Il s’engage en outre à ne même pas ouvrir de façon minoritaire le capital au secteur privé.
Monsieur le ministre, ce n’est pas vous que je redoute, ce sont les changements de majorité ! (Exclamations.)
M. Jean Bizet. N’ayez pas peur ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est l’expérience qui me fait dire cela !
En tout état de cause, si une nouvelle majorité voulait privatiser le LFB, elle devrait, aux termes de l’article 48, passer par la loi. Je fais le pari de la confiance et je retire mon amendement. Mais ne comptez pas que je fasse de même pour celui qui est relatif aux aéroports, monsieur le ministre !
M. le président. L’amendement n° 158 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos explications.
Il est plus facile aujourd’hui, dites-vous, d’ouvrir le capital du LFB au secteur privé qu’à des établissements publics, d’où la nécessité d’adopter l’article 48, qui imposera en outre l’intervention de la loi pour toute privatisation. Il ne sera plus possible de procéder par décret.
Sur ce point, je partage l’analyse de Mme Lienemann : le dispositif est intéressant.
En revanche, je ne comprends pas pourquoi Bpifrance entre au capital au lieu de consentir un prêt. Le prêt peut être remboursé, mais apporter 250 millions d’euros au capital sans pouvoir prétendre à aucun versement de dividendes, c’est idiot ! Un investissement doit bien, à un moment, être rentable.
M. Jean Bizet. Eh oui, il faut du profit !
M. Jean Desessard. Ces 250 millions d’euros seront acquis au LFB, qui normalement est rentable, mais seront perdus par Bpifrance, qui ne touchera jamais de dividendes, au dire de M. le ministre. C’est donc un investissement de 250 millions d’euros à fonds perdus !
M. Alain Richard. Il y aura une plus-value en capital !
M. Gérard Longuet. C’est de l’économie pour débutants…
M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre est certainement le plus à même de répondre aux questions de M. Desessard.
M. Jean Desessard. En dépit des explications que M. le ministre nous a déjà données, je n’ai toujours pas compris, pour ma part, pourquoi il ne s’agissait pas d’un prêt.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Des investissements en recherche et développement ne se financent jamais à 100 % par prêt ou endettement bancaire,…
M. Gérard Longuet. Non, ce n’est pas possible !
M. Emmanuel Macron, ministre. … car, par définition, on n’en connaît pas l’issue. C’est pourquoi il faut des fonds propres.
M. Jean Bizet. Du capital !
M. Emmanuel Macron, ministre. En effet. Dès lors, nous avons choisi de recourir à du capital public plutôt qu’à du capital privé. Peut-être ce capital sera-t-il perdu : c’est le risque pris, qui s’attache à la nature du capital et qui justifie sa rémunération.
L’objectif est que ce capital se valorise à très long terme, par l’augmentation de la valeur du LFB. Il ne sera pas rémunéré par le truchement du versement de dividendes, car cet investissement en recherche et développement mettra du temps à prospérer.
La fonction de Bpifrance, qui gère même un fonds dédié à ce secteur, est de participer à de telles opérations. Sur le long terme, cet investissement permettra le développement du LFB.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Le sujet est extrêmement sensible. Les explications de Mme la rapporteur et de M. le ministre peuvent être de nature à nous rassurer, même s’il convient de rester prudents.
Pour ma part, je suivrai la position de la commission spéciale. Ceux d’entre nous qui assistent régulièrement à des assemblées générales d’amicales ou d’associations locales de donneurs de sang connaissent bien les inquiétudes de ces bénévoles. La notion de gratuité du don est très importante.
Tout en restant extrêmement prudent, il faut aussi faire confiance, tant à la commission qu’au Gouvernement, qui nous a livré des explications intéressantes.
M. Marc Laménie. Je voterai donc contre la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. En dépit des explications qui nous ont été apportées, je persiste à penser que d’autres solutions pouvaient être envisagées. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas mobiliser l’APE. M. le ministre vient de dire qu’il ne s’agissait pas de faire de l’argent. Pour ma part, j’y vois une contradiction.
En outre, il n’y a pas ceux qui défendent ce fleuron qu’est effectivement le LFB et les autres. Tous ici, nous le défendons ! Simplement, nous ne faisons pas la même lecture du dispositif. Dans ce débat passionné et passionnant, je n’ai pas entendu d’attaques contre M. le ministre ou de mises en cause de quiconque.
Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, les gouvernements et les ministres passent, et certains peuvent être tentés de recourir à l’article 49-3 de la Constitution : quand on élabore la loi et que l’on défend un point de vue, il faut l’avoir en tête ! Avec un texte comme celui-ci, qui touche finalement à tout, chaque fois qu’il s’agit du bien public, de l’utilité publique, des services publics, j’ai le sentiment qu’on fait du bricolage ! C’est dangereux, parce que l’on s’attaque au service public, à une certaine conception de la politique envisagée comme une réponse aux besoins humains. Ce projet de loi relève d’une autre logique, celle de la recherche de compétitivité et de rentabilité.
Nous restons fondamentalement attachés aux principes que nous avons énoncés et nous maintenons donc notre amendement avec force et conviction !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Parlez-nous de la Grande-Bretagne !
M. Olivier Cadic. Ce matin, vous n’étiez pas d’accord pour prendre des mesures visant à favoriser l’investissement de l’épargne salariale dans les entreprises ; vous réclamiez à cor et à cri que l’investissement soit consenti via l’État. Maintenant, vous vous opposez à ce que de l’argent public soit investi dans le LFB. J’ai du mal à vous suivre !
Mme Laurence Cohen. C’est réciproque !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voulons précisément que ce soit l’argent public qui finance le LFB, via l’APE. Si vous ne parvenez pas à comprendre notre logique, monsieur Cadic, il faut que vous soyez plus attentif à nos explications !
M. Olivier Cadic. Mais Bpifrance, c’est de l’argent public !
Mme Annie David. Depuis ce matin, nous défendons le service public. Si, comme l’affirme M. le ministre, cette opération n’a pas pour finalité de faire du profit, pourquoi passer par Bpifrance ? Pourquoi ne pas continuer à financer le LFB par le biais de l’APE ?
Monsieur Cadic, si vous ne nous avez pas compris, c’est que vous ne nous avez pas suffisamment écoutés !
M. Jean-Pierre Bosino. Il fait semblant !
Mme Annie David. Peut-être faut-il que nous reprenions nos explications ?…
M. le président. Je pense que l’assemblée est suffisamment éclairée, ma chère collègue.
Mme Annie David. Apparemment non !
M. Jean Desessard. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 462 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 52.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 463, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public
par les mots :
la Banque publique d’investissement créée par la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d’investissement
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement de repli visant à limiter l’ouverture du capital du LFB à Bpifrance.
M. le président. L'amendement n° 463 est retiré.
Je mets aux voix l'article 48.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 157 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 308 |
Contre | 19 |
Le Sénat a adopté.
Article 49
(Non modifié)
I A. – Par dérogation à l’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée, les opérations par lesquelles l’État transfère au secteur privé la majorité du capital d’une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d’une concession accordée par l’État doivent être systématiquement autorisées par la loi.
I B. – Lorsque les opérations de cession de capital prévues au I et au 1° du II du même article 22 concernent une société exploitant un aérodrome, sont appliquées les dispositions suivantes :
1° Le décret mentionné aux mêmes I et 1° du II est pris sur le rapport des ministres chargés respectivement de l’économie et de l’aviation civile ;
2° Le cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la cession de capital précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien et est approuvé par le ministre chargé de l’aviation civile ;
3° Les candidats détaillent dans leurs offres les modalités par lesquelles ils s’engagent à satisfaire aux obligations mentionnées au 2° du présent I B ;
4° Les candidats au rachat des parts de l’État disposent d’une expérience de la gestion aéroportuaire et donnent, dès le stade de l’examen de la recevabilité des offres, des garanties sur leur capacité à exercer les missions prévues au cahier des charges de la concession des aérodromes concernés. Cette capacité est appréciée par l’autorité signataire du contrat de concession aéroportuaire.
I. – Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de la Côte d’Azur est autorisé.
II. – Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Lyon est autorisé.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet article vise à autoriser l’État à céder au secteur privé la majorité du capital des aéroports de Lyon et de Nice. Le Gouvernement fait donc le choix de céder ses participations dans des infrastructures qui fonctionnent bien, comme en témoignent les résultats de ces deux aéroports.
À Nice, en 2014, le chiffre d’affaires s’est élevé à 228,3 millions d’euros, pour un trafic de 11,7 millions de passagers. À Lyon, le chiffre d’affaires a atteint 158 millions d’euros, pour un trafic de 8,46 millions de passagers. Les excédents bruts sont bons, et les projections de croissance très encourageantes : 3,2 % pour l’aéroport de Nice et 5 % pour celui de Lyon.
À Nice, en moins de six ans, le nombre de passagers par an a crû de 8,5 millions à 11,7 millions et le nombre de destinations desservies dans le monde est passé de 80 à 110.
Vous l’aurez compris, tous les voyants sont au vert sur le plan comptable, contrairement à ce que l’on constate pour d’autres aéroports français, déficitaires, qui sont régulièrement épinglés par la Cour des comptes depuis 2008 pour « déficit chronique », mais qui demeurent ouverts grâce à des subventions publiques.
Les collectivités territoriales ainsi que les chambres consulaires sont actionnaires minoritaires, à hauteur de 40 %, dans les sociétés de gestion des aéroports de Nice et de Lyon, selon le même schéma : les chambres de commerce et d’industrie détiennent 25 % des parts, la région, le département et la métropole 5 % chacun. Elles sont donc concernées au premier chef par la nouvelle configuration d’actionnariat qui nous est imposée.
Compte tenu des montants en jeu, aucun montage public ne saurait permettre de réunir plusieurs centaines de millions d’euros – au moins 600 millions d’euros pour Nice.
Les collectivités territoriales s’inquiètent donc de l’identité du futur actionnaire majoritaire, dont le projet d’investissement, compte tenu de la maigreur des éléments figurant dans l’étude d’impact, constituera un saut dans l’inconnu sur les plans tant économique que social.
Attachées à leurs aéroports, les collectivités ont fait part de leur désapprobation. À Nice, par exemple, les quarante-neuf communes constituant la métropole Nice Côte d’Azur ont toutes voté une motion pour s’y opposer. Les villes voisines, comme celle de Cannes, qui accueille des événements internationaux, s’y sont opposées, ainsi, bien entendu, que le conseil municipal de Nice, à l’unanimité de ses élus, toutes convictions politiques confondues. Les Niçois ont également manifesté leur refus lors de la consultation référendaire du 19 février dernier : ils se sont prononcés à 97,47 % en faveur du « non ».
Pour éviter que ces privatisations ne fassent l’objet de débats au Parlement pendant dix ou quinze ans après leur vote en raison de leur impréparation, je présenterai dans quelques instants, au nom de la commission spéciale, deux amendements.
Si les objectifs commerciaux et la logique économique doivent être pris en compte, nous ne pouvons nous permettre de laisser une faille dans la législation, au risque de perdre de précieux leviers en matière de développement international.
Eu égard à la rentabilité de ces deux aéroports, la loi doit être très précise.
Enfin, l’étude d’impact de cet article prévoit que la mesure permettra à « l’État de céder ses participations dans ces sociétés aéroportuaires dans des conditions avantageuses ».
Il faudra choisir non pas la meilleure offre financière, mais celle qui garantisse à la fois la meilleure valorisation des parts de l’État et la préservation des intérêts locaux tels qu’ils ont été défendus au cours de ces dernières semaines par nos concitoyens et les élus locaux concernés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. J’irai dans le même sens que Mme la rapporteur, ce qui est plutôt rare…
Il y a dix ans, les autoroutes françaises ont été vendues pour 15 milliards d’euros, ce qui entraîné une perte de 1 milliard d’euros par an au titre des dividendes rémunérant les participations de l’État. Sept années après la privatisation, les dividendes versés par les seules sociétés concessionnaires d’autoroutes privatisées se sont élevés, dividendes exceptionnels inclus, à 14,9 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, cet article représente une faute politique grave, et je pèse mes mots. Au travers de l’article 49, vous proposez de servir sur un plateau au secteur privé ces biens publics fondamentaux que les sociétés gestionnaires des aéroports de Nice et de Lyon. Vous envisagez la mise en vente de deux des trois plus grands aéroports que compte notre pays, dans le but de rendre une copie propre à Bruxelles, qui exige de vous des réformes libérales.
Les deux aéroports dont vous proposez la vente sont rentables. Les chiffres sont clairs à cet égard ; Mme la rapporteur vient d’en citer quelques-uns. La lecture des comptes annuels de ces deux sociétés nous apprend qu’elles ont réalisé des résultats nets positifs de l’ordre de 10 millions à 13 millions d’euros annuels.
Ces résultats permettent des investissements supplémentaires, qui créent de l’emploi. Ils permettent le versement de dividendes à la collectivité, qui a pu, ainsi, investir dans l’aéroport. Ils permettent également à la structure de renforcer sa solidité financière, au bénéfice de la collectivité. Enfin, ils permettent un développement concerté de l’aéroport.
Aujourd’hui, vous nous proposez de tirer un trait sur ces bénéfices qui reviennent à la collectivité, à seule fin de réaliser une opération financière de court terme. En effet, ce qui tient lieu d’étude d’impact ne justifie nullement cette privatisation. Quel est l’intérêt pour l’État de privatiser un élément du patrimoine qui génère des recettes ? Rien, dans les éléments qu’apporte le Gouvernement, ne vient à l’appui de votre volonté de privatiser ces deux aéroports. Certes, de l’argent sera récolté, qui permettra d’éponger une dette aussi abyssale qu’illégitime. Mais votre démarche n’est pas inspirée par le souci de l’intérêt général. (M. Claude Raynal proteste.) Rien dans ce texte, et tout particulièrement dans cet article, ne répond aux préoccupations des citoyens et à leurs besoins.
Un aéroport n’est pas une infrastructure de transport comme une autre. Il s’agit d’un outil central de l’aménagement et de l’attractivité économique, industrielle et touristique d’un territoire. Il est indispensable de lui conserver une maîtrise publique.
Il s’agit d’ailleurs de deux aéroports dans lesquels de lourds investissements publics ont déjà été réalisés ou vont l’être, par le biais de prêts importants, accordés par la Banque européenne d’investissement.
Pourquoi priver aujourd’hui les collectivités et, plus globalement, les acteurs publics, de la gestion de ces aéroports, et donc de retombées économiques positives ? Ce sont encore des sociétés privées qui vont empocher des bénéfices faramineux, au détriment de l’État et des citoyens. D’ailleurs, on peut craindre pour les riverains et l’environnement en cas de développement tous azimuts de ces deux aéroports, déjà très importants.
Mais le pire est peut-être qu’il ne s’agit pas là d’un coup d’essai. Sans revenir sur l’exemple des sociétés concessionnaires d’autoroutes – tout le monde est d’accord pour dire que la privatisation a été une erreur –, on peut citer l’aéroport de Toulouse-Blagnac, qui sera dorénavant géré par un consortium sino-canadien. Tandis que le groupe chinois est massivement implanté dans les paradis fiscaux, le groupe canadien auquel il s’est adossé gère une quinzaine d’aéroports en France, alors qu’il a été radié pour dix ans par la Banque mondiale, pour des faits graves de corruption d’acteurs publics. Mais peut-être la présomption d’innocence doit-elle là aussi jouer…
Pour conclure, je veux, au nom du groupe CRC, en appeler à la raison. Il ne s’agit pas simplement d’une mesure de libéralisation supplémentaire. Ce que prévoit ce texte, c’est la vente organisée de biens communs, qui rapportent, chaque année, des sommes importantes, mais qui permettent aussi et surtout à la puissance publique de conduire sa politique sur tout le territoire, en conservant la maîtrise d’un secteur clé de l’économie.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Comme mon collègue Jean-Pierre Bosino, j’estime que vendre au secteur privé les participations majoritaires de l’État dans les aéroports de Lyon et de Nice serait une erreur. Cela ne favoriserait ni la croissance ni même le développement de ces aéroports, au profit de l’économie régionale.
Notre refus de la privatisation de la gestion de ces deux aéroports pourra paraître relever d’une attitude frileuse et rétrograde à quelques-uns de nos collègues de l’UDI-UC, par exemple… J’estime, au contraire, que nous nous faisons ici les défenseurs scrupuleux des intérêts du pays et des populations des régions concernées.
En effet, les aéroports de Nice et de Lyon sont, tout de suite après ceux de Paris, les infrastructures qui ont la plus grande importance stratégique pour notre pays. En concéder la gestion à des acteurs privés, qui détiendraient la majorité du capital, soulève la question du degré d’influence que doit avoir la puissance publique, laquelle défend l’intérêt général, mais aussi les intérêts vitaux de la nation, dans ce type d’infrastructures, au profit de la collectivité.
En effet, le transport aérien, qui devient accessible à des populations de plus en plus nombreuses, n’est pas un moyen de transport anodin. Il est devenu important pour des millions de personnes dans notre pays. Or les compagnies aériennes commerciales sont largement dépendantes d’investisseurs dont la priorité est la rentabilité de leurs capitaux. Ne mettons pas en plus à la disposition de ceux-ci des infrastructures nécessaires à leur activité, qu’ils géreront selon les mêmes principes !
La privatisation de ces deux aéroports aurait également de fortes incidences en matière d’aménagement du territoire. Compte tenu de leur dimension et de leur importance, il nous paraît essentiel que la puissance publique en garde le contrôle, afin de pouvoir mettre en œuvre un type de développement économique, industriel et touristique cohérent et durable pour les territoires concernés.
Ces aéroports sont aujourd’hui rentables. Ils fonctionnent selon un modèle économique qui permet à la puissance publique de recevoir des dividendes importants, qu’elle utilise ensuite au seul bénéfice de la collectivité. Pourquoi, alors que ce système fonctionne bien, voulez-vous renoncer à restituer aux habitants de ces régions les investissements auxquels ils ont consenti, par l’impôt, pour rendre ces infrastructures attractives ? Au total, à qui la privatisation va-t-elle réellement profiter ? Avons-nous déjà oublié l’épisode de la privatisation des autoroutes ?
Lors de la cession de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, il a beaucoup été question d’un géant canadien du génie civil, gestionnaire d’une quinzaine d’aéroports régionaux dans notre pays, aux méthodes commerciales tout à fait contestables. C’est ce même esprit qui a guidé une société chinoise, par ailleurs massivement implantée dans des paradis fiscaux, dans sa volonté de conquérir l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
Le Gouvernement voudrait, en définitive, transférer aux géants du privé des gains qui devraient naturellement revenir à la population. Est-ce vraiment souhaitable ?
Enfin, je ferai remarquer que ces deux aéroports font aussi l’objet d’investissements importants, au travers des prêts consentis par la Banque européenne d’investissement pour des travaux d’agrandissement et d’amélioration des conditions d’accueil des passagers.
En fait, dans cette démarche de privatisation de ce type d’infrastructures, je ne vois qu’une volonté de réaliser une opération financière de court terme, en vue de résorber en partie la dette publique, au détriment de l’intérêt général et de l’intérêt à long terme des populations.
C’est, sur le fond, la raison principale de notre opposition à la privatisation de ces deux infrastructures aéroportuaires.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l'article.
Mme Élisabeth Lamure. En juin 2013, le gouvernement Ayrault a cédé près de 9,5 % du capital d’Aéroports de Paris, pour près de 738 millions d’euros. Le Gouvernement avait retenu le groupe Vinci et l’assureur Predica, filiale du groupe Crédit agricole, pour reprendre les parts du capital d’Aéroports de Paris que l’État et le Fonds stratégique d’investissement avaient décidé de mettre en vente.
En décembre 2014, l’État a cédé 49,9 % du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, pour près de 308 millions d’euros, à un consortium sino-canadien. Cette décision montre que la préférence nationale, jusque-là privilégiée par la France, n’a plus cours.
Dans un entretien accordé au quotidien La Dépêche du Midi, vous aviez d’ailleurs reconnu, monsieur le ministre, que le prix avait été « le critère essentiel » dans le choix du consortium chinois. Cette décision continue de susciter de nombreuses inquiétudes, tant au niveau national qu'au niveau local.
La rédaction initiale de l’article 49 du présent projet de loi prévoyait simplement l’autorisation du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de la Côte d’Azur et du capital de la société Aéroports de Lyon.
Plusieurs amendements ont été adoptés à l’Assemblée nationale pour modifier cet article et, ainsi, mieux encadrer ces cessions.
Tout d’abord, nous nous réjouissons du renforcement du rôle du Parlement : les opérations par lesquelles l’État transfère au secteur privé la majorité d’une société exploitant une infrastructure aéroportuaire, dans le cadre de la cession d’une concession accordée par l’État, seront dorénavant soumises à l’approbation du Parlement.
Par ailleurs, l’article 43 du projet de loi modifie l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Il abaisse les seuils au-delà desquels un transfert en capital doit être approuvé par le Parlement, ce qui élargit le champ des entreprises concernées.
La cession de la société exploitante de l’aéroport de Toulouse-Blagnac n’aurait pu être réalisée sans l’autorisation du Parlement avec ces nouvelles conditions.
De plus, des conditions plus strictes pour le cahier des charges de l’appel d’offres ont été introduites à l’article 49.
Tout d’abord, la notion de « préservation des intérêts essentiels de la Nation » doit dorénavant figurer dans le cahier des charges, transmis à la Commission des participations et des transferts.
Un autre amendement a introduit la condition que les candidats au rachat des parts de l’État disposent d’une expérience dans la gestion aéroportuaire. Ainsi, seules les entreprises ayant la capacité de gérer des aéroports pourront le faire. Des fonds d’investissement, par exemple, ne pourront pas se porter acquéreurs.
Enfin, le ministre chargé de l’aviation civile devra approuver le cahier des charges, afin de vérifier qu’il remplit ces nouvelles conditions.
Malgré toutes ces avancées, que nous saluons, la rédaction de cet article, telle qu’issue de l’Assemblée nationale, nous paraissait encore perfectible.
Nous avons voulu, à travers deux amendements, associer plus étroitement les territoires sur lesquels sont implantés les aéroports.
Notre premier amendement tend à renforcer le rôle des collectivités dans la stratégie de développement de l’aéroport, le développement économique du territoire de celui-ci ainsi que dans sa gestion en tant qu’outil de développement du territoire.
La cession d’un aéroport régional par l’État ne pourra pas se faire au détriment des territoires qui accueillent cette infrastructure. Il est ainsi proposé que le cahier des charges oblige le candidat retenu à engager un dialogue approfondi avec les collectivités territoriales. Il devra tenir compte des intérêts économiques et touristiques des territoires concernés. En particulier, il devra veiller à ce que la stratégie de développement de l’aéroport soit conçue en cohérence avec les politiques décidées par les collectivités territoriales.
Le second amendement vise à élargir le domaine de compétences dont doivent disposer les candidats au rachat d’une participation majoritaire dans une société gestionnaire d’aéroports cédée par l’État. Cette mesure permettrait ainsi d’ouvrir l’appel d’offres à l’ensemble des acteurs, notamment locaux, disposant d’une expérience d’actionnaire d’une société gestionnaire d’aéroports. Par exemple, il pourra s’agir des collectivités locales ou des chambres de commerce et d'industrie, bien que ni les unes ni les autres ne puissent probablement entrer dans le capital d’une telle société, en raison des coupes claires que le Gouvernement leur a imposées.
Enfin, la décentralisation nous a conduits à penser de nouvelles stratégies pour l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, mais également à renforcer l’implication des acteurs locaux dans cette activité.
Quatrième aéroport de France métropolitaine, avec près de 8,5 millions de passagers par an, l’aéroport de Lyon doit affirmer sa vocation internationale : n’oublions pas, en effet, qu’il doit faire face à la concurrence de l’aéroport de Genève, situé à guère plus d’une heure. Pour atteindre cet objectif à l’horizon 2020, il doit accroître sa capacité d’accueil et maintenir un programme d’investissements pour dimensionner les infrastructures nécessaires à cette évolution. C’est, d’ailleurs, une demande forte des milieux économiques, cohérente avec le dynamisme économique de notre grande région Rhône-Alpes.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, sur l'article.
M. Marc Daunis. Cet article mérite d’être examiné de près : l’aéroport de Nice est le deuxième aéroport national pour le trafic de voyageurs, celui de Lyon le quatrième.
Il a été rappelé que les plateformes aéroportuaires touchent aux intérêts essentiels de la nation et présentent une grande importance pour les territoires.
Le développement, par exemple, dans les Alpes-Maritimes de l’aéroport de Nice est intimement lié à l’activité touristique, ainsi qu’au technopôle de Sofia Antipolis pour lequel la présence de cet aéroport a été un outil majeur.
Je ne m’appesantirai pas sur le contexte de l’aéroport de Toulouse. Monsieur le ministre, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’opération n’a pas été menée de main de maître. Néanmoins, elle a servi à une chose : montrer combien il est important de bien encadrer ce genre d’opérations.
En ce qui concerne la société Aéroports de la Côte d’Azur, j’ai pu observer un certain nombre de postures et de déclarations enflammées. J’ai d’ailleurs trouvé assez piquant que certains qui avaient œuvré activement à la grande braderie des autoroutes s’insurgent aujourd’hui avec véhémence de l’éventuelle incidence de cette cession de parts, gesticulation référendaire en prime. Pourtant, la privatisation des autoroutes a eu et continue à avoir une tout autre incidence pour les Azuréens usagers de l’autoroute.
Sur le fond, j’ai une appétence très modérée pour le transfert d’une maîtrise publique vers un opérateur privé. Cependant, dès lors que l’État doit intervenir et mener des politiques industrielles – et je ne fais même pas référence à l’ampleur du déficit qui a été rappelé –, nous devons nous poser clairement la question des moyens dont il dispose : n’est-il pas judicieux de pouvoir en réorienter certains ?
Si on fait cette analyse, nous devons trouver les moyens d’encadrer une telle cession. C’est la démarche que j’ai personnellement suivie et que je vous propose, mes chers collègues, à travers trois amendements qui visent à garantir une concertation approfondie avec les élus et les organismes socio-professionnels du territoire, à garantir et à consolider les liens avec les acteurs locaux, et enfin, dans une perspective plus éthique, à empêcher qu’une entité domiciliée dans un paradis fiscal puisse présenter sa candidature.
Avant de passer à l’examen des amendements, je tiens à dire à Mme la rapporteur que son intervention sur l’article 49 m’a paru assez inhabituelle et ambiguë : parlait-elle en tant que rapporteur ou en tant qu’élue des territoires azuréens ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En tant que rapporteur, bien sûr !
M. Marc Daunis. Je retiens surtout votre proposition de ne pas faire durer ce débat sur dix ou quinze ans. Vous dites que vous avez déposé deux amendements en ce sens. J’en suis particulièrement ravi, puisque la rédaction de l’amendement n° 1738, déposé tardivement, reprend de façon quasi identique les termes de mon amendement n° 356 rectifié. Avec cette volonté de rassemblement qui est la vôtre, au-delà de toute querelle politicienne, vous émettrez très certainement un avis favorable sur ce dernier amendement. J’aurai d’ailleurs l’occasion de soulever deux problèmes relatifs à la rédaction et à la portée de votre amendement n° 1738.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par Mme Assassi, MM. Foucaud et Bocquet, Mmes Beaufils, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 159 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux, MM. Aubey et Raynal et Mme Jourda.
L'amendement n° 765 est présenté par MM. Ravier et Rachline.
L'amendement n° 943 rectifié est présenté par MM. Collombat et Bertrand et Mme Malherbe.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 53.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À travers l’article 49, le Gouvernement prévoit de privatiser les sociétés de gestion des aéroports de Lyon et de Nice, sans autre justification que la recherche de nouvelles recettes.
Vous l’aurez compris, cela nous préoccupe particulièrement, car cette perspective de privatisation ne prend nullement en compte les enjeux d’aménagement du territoire liés à ces infrastructures aéroportuaires. Elle se fait de surcroît à l’écart des collectivités territoriales et autres organismes publics, eux-mêmes actionnaires, qui ont pourtant en charge le développement économique de leur territoire. Ainsi, un levier très important de leur capacité de maîtrise de leur développement économique leur échappe. Par là même, l’État perdra toute possibilité d’intervention et de maîtrise en termes de développement économique et d’aménagement du territoire de tout le Grand Sud-Est de notre pays.
En réalité, cette privatisation cache mal son orientation libérale pour répondre aux exigences bruxelloises, comme cela a également été souligné.
Ce faisant, après l’ouverture du capital d’Aéroports de Paris, avec la vente de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, ce sont les trois premiers aéroports régionaux qui seront ainsi cédés au secteur privé.
En réalité, la proposition qui nous est faite est assez démonstrative de ce qui se cache systématiquement derrière le changement de statut de certains organismes, passant d’établissement public en société par actions : à chaque fois, ces modifications sont présentées comme de simples mesures pour en améliorer la gestion, mais à chaque fois cela se termine par l’entrée de capitaux privés pouvant aller, comme c’est le cas aujourd’hui, jusqu’à une prise de contrôle majoritaire.
Tout cela continue de se faire contre l’intérêt général. Vous ne serez donc pas étonnés que notre amendement n° 53 vise à la suppression de l’article 49.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 159 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement, signé par un certain nombre de mes collègues du groupe socialiste, vise aussi à supprimer l’article 49. Nous pensons que ces aéroports, plus particulièrement ceux de grande dimension, constituent des éléments majeurs d’aménagement du territoire, ainsi que des outils et des atouts de développement économique. Il est important que la puissance publique dans sa diversité, y compris les collectivités locales et autres acteurs, reste maître du jeu pour penser l’avenir et gérer le présent.
Ces aéroports sont-ils mal gérés ? Coûtent-ils cher à l’État et à la puissance publique ? Non ! Ils sont bien gérés, ils se développent et ils réalisent plutôt des bénéfices. D’ailleurs, s’ils étaient déficitaires, personne ne voudrait les acheter !
En l’état actuel, la puissance publique y est majoritaire et elle en retire des bénéfices. Pourquoi déciderait-elle de se priver d’un outil qui marche, qui ne coûte pas cher et qui rapporte ? Quelle est la logique de cette affaire ? Est-ce que cela empêche pour autant de nouer des partenariats avec des compagnies aériennes, avec d’autres acteurs pour développer des activités ? Absolument pas ! Des partenariats existent déjà et se développent.
La seule raison est de nature budgétaire et financière. J’ose espérer qu’elle n’est pas idéologique. Si elle est financière et budgétaire, réfléchissons. Je prendrai l’exemple de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse-Blagnac qui a été vendue, me semble-t-il, pour 400 millions d’euros.
Mme Nicole Bricq. Non, 308 millions d’euros !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Encore mieux ! Une telle somme est inférieure à la somme que l’État verse tous les ans au titre du CICE à deux ou trois grands groupes de la distribution. Chacun sait que cet argent reversé à ces groupes n’a ni amélioré les exportations, ni créé des emplois, ni même favorisé l’investissement.
Oui, il y a des choix publics à faire ! Il était à mon avis plus important de garder la maîtrise publique des grands aéroports plutôt que de verser des sommes au titre du CICE sans contrepartie ni ciblage dans certains secteurs qui n’en ont pas besoin !
Si l’on veut réfléchir au déficit public, réfléchissons-y, mais ne nous privons pas d’un patrimoine, d’un outil de développement, d’un actif qui rapporte, parce que cela reviendrait à vendre les bijoux de famille.
Or, c’est ce que notre Nation fait depuis des années : elle cède son patrimoine public, sans pour autant le développer, ce qui n’améliore pas la situation des finances publiques, tout au contraire : dans bien des cas, nous avons vendu des actifs qui rapportaient et des secteurs industriels.
Contrairement à vous qui êtes beaucoup plus jeune, monsieur le ministre, j’ai vécu la privatisation de Renault. On disait, à l’époque, que l’État n’avait rien à faire dans l’automobile ! Or, aujourd’hui, vous rachetez des actions qu’on aurait bien fait de ne pas vendre, même si je ne dis pas que le capital devait rester à 100 % public.
En conclusion, à mon sens, rien ne légitime qu’on ouvre le capital de ces grands aéroports ; voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Les amendements nos 765 et 943 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 53 et 159 rectifié ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 53 et 159 rectifié. Les amendements que je présenterai dans quelques instants visent à apporter des garanties au territoire dans le cadre d’une éventuelle opération de cession.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. Je répondrai aux différentes interventions tout en explicitant la position du Gouvernement.
Pour la première fois depuis le début de notre discussion sur les participations publiques, nous parlons de privatisations à proprement parler. En effet, juridiquement, dans le cas de Nexter Group, il s’agissait d’autoriser l’ouverture du capital en vue d’un rapprochement, et non pour toucher de l’argent.
Permettez-moi quelques truismes, qui, dans le contexte, me semblent nécessaires : lorsque l’on privatise, c’est pour toucher de l’argent ; et c’est mieux de le faire avec une société qui marche qu’avec une société qui ne marche pas ; à l’inverse, quand on essaie de privatiser une société qui ne marche pas, étonnamment, elle ne rapporte pas d’argent ! (Exclamations.)
M. Jean-Pierre Bosino. On ne peut pas la privatiser, d’ailleurs !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais rappeler certains points.
Premier point, nombre d’entre vous ont dit que certaines sociétés avaient de bons résultats. Oui, et c’est précisément pour cette raison qu’on se permet de les privatiser, car c’est plutôt une opération qui, sur le plan financier et même patrimonial, est intelligente pour l’État.
L’exemple de Toulouse est là pour le montrer. Nous reviendrons sur les modalités de cette cession. En tout cas, comme vous l’avez dit, cette opération représente 308 millions d’euros et les dividendes versés 1,5 million d’euros par an. Quand on compare ces deux montants, on voit que la rentabilité est très bonne.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est donc un choix patrimonialement pertinent.
À quoi sert cet argent ? C’est le second point que je souhaitais clarifier pour répondre en particulier aux remarques de Mme la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann.
Le produit des cessions d’actifs ne sert pas à réduire le déficit public et n’est donc pas comparable au CICE. Ne s’agissant pas de revenus récurrents, ce n’est pas maastrichien au sens du déficit. Cela ne peut pas servir à financer des dépenses budgétaires. À quoi peut-il servir ? Soit à se désendetter, soit à réinvestir. D’ailleurs, sur ce point, nos priorités ont été claires.
Les privatisations qui seront conduites par ce gouvernement serviront donc au désendettement – la loi de finances pour 2015 porte 4 milliards d’euros de désendettement par voie de privatisations – et au réinvestissement : c’est ce qui a été fait avec PSA l’année dernière, c’est ce que nous faisons pour l’AFD, avec la réinjection de 800 millions d’euros, c’est ce qui sera fait pour le logement intermédiaire, puisque nous avons budgété près de 1 milliard d’euros, et c’est ce que nous serons sans doute conduits à faire dans le cas de Alstom : ce sont des recapitalisations qui passent par un réinvestissement de l’État et qui supposent par là même que l’État se désengage d’autres participations moins utiles.
Troisième point, pourquoi choisir ces sociétés de gestion aéroportuaires ? Ce n’est en effet pas ainsi que l’État exerce le bon contrôle sur ces infrastructures, et ce à deux égards : d’une part, ce n’est pas le bon moyen de les contrôler, et d’autre part, l’État, historiquement, a plutôt été un mauvais actionnaire.
C’est la grande différence avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes et, à cet égard, je souhaiterais dissiper une confusion récurrente : lorsque l’opération sur les autoroutes a été réalisée, il y avait des sociétés privées concessionnaires qui géraient le domaine public ; on a donc décidé d’un transfert pour une durée donnée, en contrepartie d’une valeur, à des sociétés privées concessionnaires du domaine public. Dans ce cas, il y a un transfert de valeur, c’est encadré dans le temps, mais on maîtrise mal – et cela a été toute la difficulté des dix dernières années – la régulation financière de l’opération – péages, travaux, équilibre économique du contrat… Le dispositif dont nous avons discuté voilà quelques jours et qui a été adopté devrait nous permettre de mieux encadrer cet équilibre.
Mais le principe est clair : on transfère pour un temps donné – long – à un opérateur privé non seulement l’infrastructure, mais aussi sa gestion et l’ensemble de son équation économique.
La situation est très différente pour les sociétés de gestion aéroportuaires. On ne transfère en rien l’infrastructure et la propriété solide : les infrastructures et les abords restent dans le domaine public, la régulation économique est assurée par un contrat de régulation économique – généralement pour une durée quinquennale – conclu avec l’État prévoyant l’évolution annuelle des tarifs. Par ailleurs, les éléments les plus structurants de l’activité d’un aéroport et de sa société de gestion, à savoir les ouvertures de ligne, sont décidés par la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC.
Les sociétés de gestion aéroportuaires s’occupent des négociations avec les compagnies aériennes et de l’optimisation de l’espace qu’elles ont à gérer – commerces, gestion du trafic… Mais l’infrastructure critique reste publique, et sa régulation se fait par le contrat de régulation économique et la DGAC.
Les préoccupations des élus concernés par les transactions en cours – qu’il s’agisse de Nice ou de Lyon – portent d’ailleurs non pas sur la société de gestion, mais sur la capacité à ouvrir de nouvelles lignes, sur la capacité à créer du nouveau trafic avec d’autres compagnies aériennes – souvent originaires du Golfe – afin de développer ces aéroports.
Le vrai débat du développement de ces aéroports réside dans le paradoxe constant entre la préservation nécessaire de notre compagnie aérienne nationale – Air France – et l’intérêt de ces aéroports régionaux qui ont besoin, pour se développer, de s’affranchir du hub unique Roissy-Charles de Gaulle-Orly. (M. Marc Daunis acquiesce.)
Pourquoi la DGAC refuse-t-elle la plupart du temps les ouvertures de lignes à des compagnies tierces, ce qui permettrait pourtant d’assurer un meilleur développement régional ? Parce que cela reviendrait à pénaliser Air France ! (Mme Nicole Bricq acquiesce.)
Cela ne changera pas, en tout cas par ce biais-là. C’est en effet un autre débat qu’il faudrait avoir. Or, on a souvent confondu ces deux débats. Et c’est pourquoi l’État est un mauvais actionnaire de ces sociétés de gestion : il est en conflit d’intérêts permanent. Contrairement aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, l’État est à la fois le régulateur – à travers le contrat de régulation économique et les autorisations d’ouverture de lignes – et l’un des actionnaires de la principale compagnie aérienne nationale.
M. Gérard Longuet. Et accessoirement de la SNCF !
M. Emmanuel Macron, ministre. Et accessoirement de la SNCF… Il a donc en permanence deux intérêts contradictoires à ménager.
L’État n’est pas un bon actionnaire de ces sociétés de gestion, dans lesquelles il n’a jamais réinvesti, pour deux raisons : d’une part, ce n’est pas là qu’est le contrôle critique et stratégique de ces infrastructures ; d’autre part, il se trouve en conflit d’intérêts permanent, et son rôle est avant tout de réguler, et, davantage, d’être présent à travers la DGAC et le contrat de régulation économique.
C’est pourquoi je suis convaincu que libérer du capital en sortant de ces sociétés de gestion, compte tenu de leur valorisation – l’exemple de Toulouse l‘a démontré –, est une opération rationnelle, dans le contexte actuel. Cet argent pourra être utilisé au désendettement, d’une part, et au réinvestissement, d’autre part.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué la question des coactionnaires aux côtés de l’État, en particulier des collectivités territoriales et des CCI. Et il a été dit, à juste raison, qu’il faut assurer les coactionnaires du fait que leurs intérêts sont pris en compte. Je salue le pragmatisme dont vous avez fait preuve, madame la rapporteur, dans votre façon de gérer les travaux sur le sujet. Nous y reviendrons, mais je partage vos propos.
Monsieur le sénateur Daunis, l’amendement que vous avez déposé va en ce sens et permet de bien circonscrire la prise en compte de ces intérêts locaux. Ma remarque vaut également pour M. le sénateur Collomb, qui a déposé l’amendement n° 994, et j’imagine que M. le sénateur Raynal voudra également intervenir sur le sujet.
Il est important de prendre en compte la sensibilité des collectivités territoriales coactionnaires. Je pense que le texte mérite d’être amélioré sur ce point. Il me semble que ce serait tout à fait faisable, à la condition d’établir un distinguo : dès lors que les coactionnaires participent à la définition du cahier des charges, ils ne peuvent s’engager dans une opération de reprise. Je dirai qu’il faut en quelque sorte choisir sa place.
Tels sont les principaux points dont je tenais à vous faire part à ce stade du débat afin de préciser le pourquoi et le comment de cette opération.
Pour conclure, je précise que si Aéroports de Paris est traité différemment de Nice, de Lyon ou de Toulouse, c’est que, contrairement à ces derniers, le foncier est dans la main de la société. C'est la raison pour laquelle nous avons toujours tenu à garder une majorité (M. Jean Desessard marque son approbation.). Tant qu’il n’y aura pas de restructuration de l’organisation d’ADP, cette situation, profondément différente de celles que j’ai pu évoquer, n’évoluera pas.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Monsieur le ministre, je vais être au regret de vous dire ce soir que, sur ce point, je ne partage pas votre position.
Je vous ai bien entendu, mais je n’ai trouvé aucun élément de réponse de nature à me rassurer. Comme vous le savez, j’ai bien suivi le dossier de Toulouse et j’ai beaucoup travaillé à cette question. Je vous le dis très clairement : je maintiendrai mon opposition et ma demande de suppression de cet article.
La question de l’Agence de participation de l’État, l’APE, ne me pose aucune difficulté. La gestion de ces participations doit se faire au mieux des intérêts de l’État. Ce dernier, c’est une évidence, a besoin d’argent pour investir dans le capital d’autres entreprises ; pourquoi, dès lors, ne pas trouver cet argent auprès de ces sociétés concessionnaires ? Moi, je n’ai pas d’états d’âme avec l’idée que vous autorisiez par décret la vente de ce dont vous n’avez pas besoin, à savoir 49,9 % des actions.
De quoi parle-t-on en fait ? D’un gain d’environ 1,5 milliard d’euros. Si l’on compte 300 millions d’euros pour Toulouse, je veux bien croire que c’est davantage pour les autres aéroports, qui sont plus importants. Partons de ce chiffre : entre le décret autorisant la vente de 49,9 % des actions que vous pouvez prendre aujourd’hui et votre projet de céder 60 % du capital de ces sociétés, la différence est de 16 %, soit 200 millions d’euros.
Sur ce dossier – je parle bien des trois aéroports –, nos discussions portent sur 200 millions d’euros seulement. Que vous vendiez pour 1,3 milliard d’euros de participations ne pose aucun problème. Vous pouvez d’ailleurs encore le faire en cet instant.
Si vous en passez par la loi, c’est que vous voulez céder plus de 50 % du capital de ces sociétés. Pourquoi faut-il que l’État vende 60 % de ces actions alors qu’avec ces 10 % en sus des CCI et des participations des départements, régions et métropoles nous pourrions conserver le contrôle public de la structure ? C’est d’ailleurs tout ce que je demande : que l’État garde ce contrôle à travers 50,01 % des actions.
Un autre de vos arguments me convient encore moins. Vous avez salué la vente de l’aéroport de Toulouse pour 308 millions d’euros en soulignant qu’il rapportait 1,5 million d’euros par an, soit 45 millions sur les trente ans de la concession.
Mais dans ces conditions, comment l’acheteur va-t-il rentabiliser son investissement ? Il va devoir modifier sensiblement l’exploitation de l’aéroport, notamment à travers l’ouverture de lignes supplémentaires. Pour un simple retour sur investissement, le concessionnaire va devoir faire passer la rentabilité de l’aéroport de 1,5 million d’euros par an à quelque 10 millions d’euros par an – une paille ! –, et donc la multiplier par six ou sept, sans parler même des gains à réaliser.
Les aéroports vont donc ouvrir de nouvelles lignes. Nous savons que Etihad Airways et Emirates sont demandeuses depuis longtemps, et que des compagnies chinoises désireuses de se développer sur nos plateformes régionales sont également intéressées. Pourquoi pas ?
Toutefois, cela signifie qu’il va falloir arbitrer entre, d’une part, la défense du pavillon Air France que vous évoquiez à l’instant – c’est-à-dire continuer de privilégier le hub de Roissy – et, d’autre part, le développement de hubs régionaux pour ces compagnies-là.
Vous dites que l’arbitrage sera fait par la DGAC. Mais cette dernière sera-t-elle vraiment en mesure de trancher ? L’État, après avoir vendu si cher – 308 millions d’euros pour l’aéroport de Toulouse –, pourra difficilement s’opposer à l’ouverture de nouvelles lignes.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous redis que j’aurais préféré que l’État garde le contrôle global de l’opération, car il doit mener de front trois objectifs : la défense du pavillon français à travers Air France, la défense des industriels – et notamment d’Airbus – liée à l’exploitation de nouvelles routes en raison de la pression des compagnies aériennes, et le développement des aéroports.
En accueillant des partenaires nouveaux dans chacun de ces aéroports, vous risquez de gripper un mécanisme qui doit rester sous la maîtrise de l’État, seul à même de concilier ces trois intérêts différents.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je suis quelque peu troublé par cette discussion : vous avez de bons arguments, monsieur le ministre, et je crois que vous avez globalement raison sur le fond.
En revanche, je vous donne tort sur la forme et le choix de la méthode, c’est-à-dire la brutalité de l’action du Gouvernement dans les deux aéroports concernés. J’ai été très sensible à la synthèse des actions locales qu’a exposée Mme la rapporteur, ainsi qu’aux propos de ma collègue Élisabeth Lamure concernant Lyon.
En région d’Île-de-France, nous avons l’habitude de la brutalité de l’État en matière de projets d’infrastructures de transport.
Mme Sophie Primas. C’est vrai !
M. Philippe Dominati. Cette brutalité, nous dit-on, est souvent justifiée par l’intérêt général, l’intérêt de la nation. Peut-être la représentation nationale ne regarde-t-elle pas suffisamment ce qui se passe en Île-de-France.
Voilà quelques jours, nous étions une dizaine de parlementaires à discuter de la liaison vers Roissy-Charles de Gaulle. Le chèque en blanc que nous avons signé au profit du Gouvernement représentera plusieurs dizaines de fois la privatisation de tel ou tel aéroport.
Or vous avez raison : l’État est en général un très mauvais actionnaire. Il faudrait appliquer ce principe à beaucoup d’infrastructures de transport, et notamment aux quatre sociétés d’État. Vous me direz qu’elles ne coûtent pas grand-chose, parce qu’elles rapportent très peu, surtout s’agissant du transport collectif en Île-de-France. Vous pourriez cependant évoquer le même principe qu’à l’article 3.
En réalité, il faudrait une doctrine nationale cohérente. Il faudrait appliquer aux aéroports internationaux de Nice, de Lyon et de Toulouse la même procédure que pour l’opération en cours sur un aéroport international d’Île-de-France, vital pour l’intérêt général.
J’aimerais savoir jusqu’où vous comptez aller dans votre logique. Car vous avez raison, c’est bien ainsi qu’il faut procéder. D’ailleurs, cela n’offusque personne lorsque Aéroports de Paris achète, pour se renforcer, des aéroports en Turquie, au Portugal ou ailleurs dans le monde. Cela correspond en effet à une nécessité, notamment pour nos compagnies aériennes et notre fabricant national, EADS.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, l’autorité de l’État n’est pas en cause, puisqu’une délégation de service public est prévue. Par ailleurs, partout dans le monde, on privatise les aéroports. Malheureusement, dans ce domaine, le Gouvernement manque un peu de pédagogie et, surtout, de contacts et de liens avec les élus locaux, comme en témoignent les deux cas particuliers que nous évoquons. Si les régions, les départements ou les collectivités locales avaient des fonds propres plus importants, elles pourraient investir directement.
Cela me conduit à vous rappeler ce que nous vous proposions pour la région d’Île-de-France. Premièrement, nous souhaitions, monsieur le ministre, que vous preniez en compte les collectivités régionales et départementales, notamment pour mettre en place une structure commune qui regrouperait les quatre sociétés d’État. Deuxièmement, pour ce qui concerne la liaison Roissy–Charles-de-Gaulle, vous feriez bien de mettre en œuvre le principe qui vous anime, puisque cela fait à peu près vingt ans que l’État essaie d’initier cette liaison. Comme il n’y est pas arrivé par la privatisation, il reprend aujourd'hui le manche. On le sait très bien, cet équipement sera financé par une taxe spéciale, ce qui se révélera nettement plus onéreux que la privatisation évoquée aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux vous répondre sur un point important, monsieur le ministre. Finalement, sommes-nous dans une gestion un peu dynamique de l’État ou dans une autre logique ?
Premièrement, il s’agit d’une logique d’aménagement du territoire et d’investissement public en faveur d’infrastructures publiques, ce qui n’est pas la même chose qu’une participation dans une entreprise industrielle ou de service.
Deuxièmement, vous avez annoncé que l’État allait vendre de 5 à 12 milliards d’euros d’actions publiques. Il s’agit donc non pas de redistribuer les moyens publics, mais bien de réduire la voilure des actions publiques et des interventions publiques de l’État.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous me dites que ce n’est pas la même chose que le CICE ! Je sais bien qu’en comptabilité tel n’est pas le cas. Je sais bien également que vous affecterez ces sommes, d’une manière ou d’une autre, au désendettement. Mais si le déficit public avait été moindre, vous auriez alors pu contribuer aussi au désendettement…
Enfin, chacun évoque ici les collectivités locales. Or, dans tous les sondages, les Français se révèlent hostiles aux privatisations des infrastructures telles que les aéroports. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Mais les Français ne sont pas idiots quand ils votent pour nous et intelligents quand ils votent pour vous et que leurs réponses vont dans votre sens ! Quand on fait des référendums locaux, ils répondent systématiquement, tout comme les élus, qu’ils sont hostiles aux privatisations. Après, on vient nous dire depuis l’étranger – je pense notamment à M. Schäuble – que la démocratie, le Parlement, c’est un exercice difficile. Pourtant, notre pays n’a pas l’intention de renoncer à considérer que l’intérêt général est parfois bien porté par de l’action publique, de l’intervention, des capitaux publics.
Monsieur le ministre, vous affirmez à mon avis un peu trop souvent que l’État est mauvais actionnaire. Si tel est le cas, c’est souvent à cause de la haute administration que vous avez sous votre autorité. Puisque vous dites en être responsable, vous êtes donc en partie responsable du fait que l’État n’est pas un bon actionnaire et ne sait pas bien gérer !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 et 159 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1738, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I A. - L’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Les opérations par lesquelles l’État transfère au secteur privé la majorité du capital d’une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d’une concession accordée par l’État sont autorisées par la loi. »
II. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
au I et au 1° du II
par les mots :
au VI
III. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le présent amendement vise à procéder à différentes corrections de nature juridique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1739 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
L'amendement n° 763 rectifié est présenté par Mmes Lamure et Estrosi Sassone et MM. Nègre et Savin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la cession de capital est approuvé par le ministre chargé de l’aviation civile. Il précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, ainsi que ceux du territoire concerné en matière d’attractivité et de développement économique et touristique. Il précise également les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l’aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ;
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter l’amendement n° 1739.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le présent amendement vise à garantir que la cession d'un aéroport régional par l’État ne se fera pas au détriment des territoires qui accueillent cette infrastructure.
Il est ainsi proposé que le cahier des charges oblige le candidat retenu à engager un dialogue approfondi avec les collectivités territoriales. Celui-ci devra tenir compte des intérêts économiques et touristiques des territoires concernés. En particulier, il devra veiller à ce que la stratégie du développement de l'aéroport soit conçue en cohérence avec les politiques décidées par les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 763 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 994 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 356 rectifié, présenté par MM. Daunis et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Richard, Sueur et Vaugrenard, Mme M. André, MM. Antiste, Anziani, Assouline, Aubey et D. Bailly, Mme Bataille, MM. Bérit-Débat et Berson, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boulard, M. Bourquin, Boutant, Caffet et Camani, Mme Campion, MM. Carcenac et Carrère, Mme Cartron, MM. Carvounas, Cazeau et Chiron, Mmes Claireaux et Conway-Mouret, MM. Cornano, Daudigny, Delebarre, Desplan, Durain et Duran, Mme Durrieu, M. Eblé, Mme Espagnac, M. Frécon, Mmes Ghali et D. Gillot, M. J. Gillot, Mme E. Giraud, MM. Godefroy et Gorce, Mme Guillemot, M. Haut, Mme Herviaux, M. Jeansannetas, Mme Jourda, MM. Kaltenbach et Karam, Mme Khiari, MM. Labazée, Lalande, S. Larcher et Leconte, Mme Lepage, M. J.C. Leroy, Mme Lienemann, MM. Lorgeoux, Lozach, Madec, Madrelle, Magner, Manable, F. Marc et Mazuir, Mmes Meunier et D. Michel, MM. Miquel et Mohamed Soilihi, Mme Monier, MM. Montaugé, Néri, Patient, Patriat et Percheron, Mme Perol-Dumont, MM. Poher, Raoul, Raynal et Reiner, Mmes Riocreux et S. Robert, MM. Roger, Rome et Roux, Mme Schillinger, M. Sutour, Mmes Tasca et Tocqueville, MM. Tourenne, Vandierendonck, Vergoz et Vincent, Mme Yonnet et M. Yung, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
en matière de transport aérien et
insérer les mots et le membre de phrase :
de ceux du territoire concerné. Il
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Je ne comprends pas très bien la situation. Cet amendement tend à ajouter, après les mots « en matière de transport aérien et » les mots « de ceux du territoire concerné. Il ». Par cette rédaction simple, il s’agit de préserver les intérêts essentiels de la nation.
Or j’observe que l’amendement n° 1739 présenté par Mme la rapporteur reprend exactement les mêmes termes, positionnés de façon un peu différente. La distinction principale tient à l’ajout de la précision suivante : « en matière d’attractivité et de développement économique et touristique ».
Par ailleurs, cet amendement de la commission évoque une « concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il [l’aéroport] est installé ».
Je le précise pour la bonne compréhension de mes collègues, il s’agit des deux seules différences entre mon amendement et les deux amendements identiques nos 1739 et 763 rectifié, qui viennent d’être présentés.
La différence la plus notable entre ces amendements tient à la présence dans les deux amendements identiques des mots : « en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ». Ainsi, si je prends l’exemple de l’aéroport de Lyon, la métropole de Lyon n’aura plus son mot à dire, l’aéroport étant implanté en dehors du périmètre de la métropole. Le département comptera donc parmi les collectivités territoriales concernées, mais tel ne sera pas le cas de la métropole de Lyon.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je pense que vous prendriez juridiquement un risque extrêmement important en adoptant les amendements identiques nos 1739 et 763 rectifié. Mon amendement, en revanche, permet justement de prévoir que l’encadrement des cessions de parts de l’aéroport de Lyon ne peut exclure la métropole de Lyon. De la même façon, d’ailleurs, dans les Alpes-Maritimes, la rédaction retenue par ces amendements identiques aurait pour conséquence d’exclure les intercommunalités autres que la métropole de Nice : je pense notamment à la technopôle de Sophia Antipolis et à l’aéroport de Cannes, qui est implanté sur le territoire de Mandelieu.
C’est la raison pour laquelle mon amendement n° 356 rectifié me paraît préférable.
M. le président. Le sous-amendement n° 1795, présenté par MM. Collomb et Courteau, est ainsi libellé :
Amendement n°356 rectifié, alinéa 5
Après les mots :
de ceux du territoire concerné
insérer les mots :
ainsi que ceux des collectivités territoriales actionnaires
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Ce sous-amendement déposé par Gérard Collomb et moi-même à l’amendement n° 356 rectifié ô combien pertinent de notre collègue Marc Daunis prévoit que les collectivités territoriales actionnaires des aérodromes peuvent être associées à la concertation relative à la stratégie de développement de l’aéroport, dans le cadre des obligations du candidat retenu, telles qu’elles sont prévues au cahier des charges.
En effet, certains aérodromes ne se trouvent pas nécessairement sur le territoire des collectivités qui en sont actionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 356 rectifié et le sous-amendement n° 1795 ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement et de ce sous-amendement, qui sont satisfaits par l’amendement n° 1739, lequel a été rédigé en lien avec le cabinet de M. le ministre – le cabinet m’a d’ailleurs indiqué par écrit qu’un avis favorable serait émis. Volontairement, lorsque la commission spéciale s’est réunie, je n’avais pas voulu intervenir, car je savais que des négociations étaient en cours entre le cabinet du ministre et celui du président de la métropole. J’attendais que ces négociations se soient déroulées convenablement.
Pour autant, j’entends tout à fait la préoccupation exprimée dans le sous-amendement n° 1795 et je suis prête à rectifier l’amendement n° 1739 pour l’intégrer. Je peux en effet concevoir que l’on soit particulièrement sensible à cette question, ne serait-ce que pour ce qui concerne l’aéroport de Lyon, lequel n’est pas situé sur le territoire de la métropole. On peut donc prévoir une concertation avec « les collectivités territoriales actionnaires », plutôt qu’avec « les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il [l’aéroport] est installé ».
En conséquence, je demande le retrait de l’amendement n° 356 rectifié et du sous-amendement n° 1795, qui sont satisfaits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sujet a fait l’objet d’un travail collectif, puisque, à la suite du débat parlementaire, j’ai reçu M. le député Christian Estrosi, comme je m’y étais engagé lors du débat à l’Assemblée nationale. Un travail a ensuite été mené avec Mme la rapporteur. Tout cela s’est fait en architecture ouverte, pour le bien collectif.
M. Jean-Pierre Bosino. On l’apprend aujourd'hui !
M. Emmanuel Macron, ministre. Tout cela est transparent.
La finalité de tous ces amendements, auxquels je suis favorable sur le fond, est la même : il s’agit de prendre en compte les intérêts locaux.
Néanmoins, il convient de compléter les matières visées aux amendements identiques nos 1739 et 763 rectifié. Sinon, d’un point de vue rédactionnel, on risque de laisser de côté des éléments ne relevant ni de l’économique ni du touristique. Ainsi, l’objet plus large de l’amendement n° 356 rectifié, qui permet de couvrir tous les aspects des territoires et donc de sécuriser davantage la situation, me conduit à suggérer le retrait des deux amendements identiques. Mais peut-être pourrait-on imaginer une sorte de « motion jointe » qui permettrait de sortir de cette affaire par le haut ?
En définitive, je suggère à Mme la corapporteur et à Mme Lamure de retirer leurs amendements identiques au profit de l’amendement n° 356 rectifié, que j’invite le Sénat à adopter après avoir voté le sous-amendement n° 1795.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je remercie M. le ministre pour sa position, qui me paraît particulièrement pertinente du point de vue de la qualité de nos travaux, puisque, si nous préférions l’amendement de Mme la corapporteur, nous serions obligés d’y apporter deux modifications.
À vrai dire, nous devrions même apporter aux deux amendements identiques de Mme la corapporteur et de Mme Lamure une correction supplémentaire, puisque, dans leur rédaction actuelle, ils disposent : « Il [le cahier des charges de l’appel d’offres] précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, ainsi que ceux du territoire concerné en matière d’attractivité et de développement économique et touristique ». Or, dans mon propre amendement, je me suis bien gardé de préciser la nature des intérêts essentiels du territoire concerné, qui ne sauraient être réduits à l’attractivité et au développement économique et touristique.
Ainsi, si nous préférions à mon amendement ces deux amendements identiques, dont la formulation ne comporte même pas l’adverbe « notamment », le cahier des charges pourrait ne pas intégrer, par exemple, la dimension environnementale ou celle du développement social.
M. Roland Courteau. Bonne remarque !
M. Marc Daunis. Adopter mon amendement permettrait donc de prévenir une insécurité juridique lors de l’établissement du cahier des charges associé à une cession de capital.
De plus, le sous-amendement n° 1795, dont l’adoption présenterait l’avantage de prendre en compte à la fois les intérêts du territoire concerné et ceux des collectivités territoriales actionnaires, porte sur l’amendement n° 356 rectifié et non sur ceux de Mme la corapporteur et de Mme Lamure.
Il y a donc au moins deux raisons de préférer mon amendement n° 356 rectifié, ce qui nous éviterait d’avoir à imaginer un « montage Shadok ». Madame la corapporteur, vous nous avez appelés à nous réunir sur l’intérêt général du territoire. Réunissons-nous donc sur mon amendement, qui satisfait tout le monde !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il est particulièrement désagréable de devoir répéter sans cesse les mêmes choses. Monsieur Daunis, j’ai déjà expliqué qu’il n’y a pas lieu de sous-amender votre amendement dans la mesure où j’ai accepté que celui que j’ai présenté en ma qualité de corapporteur soit rectifié pour prendre en compte la situation spécifique de l’aéroport de Lyon.
Monsieur le président, cette rectification consiste à remplacer, à la troisième phrase de mon amendement, les mots : « les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé » pas les mots : « les collectivités territoriales actionnaires ».
Je dois dire aussi que je suis un peu surprise par votre position, monsieur le ministre, étant donné que la commission spéciale a travaillé en collaboration étroite avec votre cabinet et que, jusqu’à présent, le Gouvernement n’avait pas soulevé d’objections à une rédaction qui est le fruit d’allers-retours entre votre propre cabinet, celui du président de la métropole de Lyon et mon collaborateur à Paris. Les choses me paraissent claires et je ne vois pas pourquoi tout serait remis en question cette nuit !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1739 rectifié, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la cession de capital est approuvé par le ministre chargé de l’aviation civile. Il précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, ainsi que ceux du territoire concerné en matière d’attractivité et de développement économique et touristique. Il précise également les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l’aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales actionnaires ;
La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Les différents amendements qui sont en concurrence visent tous à protéger les intérêts économiques et touristiques des territoires concernés. Je me permets de faire observer que le maintien d’une participation publique d’au moins 50, 01 % aurait été beaucoup plus simple et nous aurait dispensés de ces débats !
À cet égard, je remercie M. le ministre, qui, répondant à une demande de l’ensemble des élus du territoire toulousain, a pris l’engagement que la cession de capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac se limiterait à 49,9 %. Ainsi, nous n’aurons pas à traiter ces problèmes ubuesques !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je voudrais simplement être certain que l’adoption de l’amendement n° 1739 rectifié n’empêchera pas les collectivités territoriales concernées de participer à l’appel d’offres. Si la référence à une concertation devait les priver de la possibilité de participer à un tour de table en vue de répondre à l’appel d’offres, il faudrait apporter à l’amendement de Mme la corapporteur une légère modification supplémentaire.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Permettez-moi de revenir sur la modification que Mme la corapporteur a apportée à son amendement, qui était identique au mien. De mon point de vue, il n’est pas acceptable que des collectivités territoriales sur le territoire desquelles un aéroport est installé, mais qui n’en sont pas actionnaires – une situation qui peut se présenter à Lyon, où l’aéroport est à cheval sur deux communes et deux départements –, ne soient pas incluses dans la concertation.
Je veux bien que l’on fasse mention des collectivités territoriales actionnaires, et je conçois tout à fait que la métropole de Lyon doive être actionnaire de l’aéroport de Lyon ; mais il faut que toutes les collectivités territoriales sur le territoire desquelles l’aéroport est installé soient associées à la concertation.
Il me semble que nous pourrions tous nous accorder sur la rédaction suivante, pour la fin de la troisième phrase de mon amendement et de celui de Mme la corapporteur : « en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles l’aéroport est installé ainsi qu’avec les collectivités territoriales actionnaires ».
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je suis favorable à la rédaction proposée par Mme Lamure et rectifie l’amendement de la commission spéciale en ce sens.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Je suis donc saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1739 rectifié bis est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
L'amendement n° 763 rectifié bis est présenté par Mmes Lamure et Estrosi Sassone et MM. Nègre et Savin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la cession de capital est approuvé par le ministre chargé de l’aviation civile. Il précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, ainsi que ceux du territoire concerné en matière d’attractivité et de développement économique et touristique. Il précise également les obligations du cessionnaire afin de garantir le développement de l’aérodrome en concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles il est installé ainsi qu'avec les collectivités territoriales actionnaires ;
Je les mets aux voix.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 158 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 298 |
Contre | 24 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’amendement n° 356 rectifié et le sous-amendement n° 1795 n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 355 rectifié, présenté par MM. Daunis et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le cahier des charges inclut parmi les critères de sélection de l’acquéreur sa capacité à mobiliser un élan territorial en s’appuyant sur les acteurs locaux et associatifs ;
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Je voudrais d'abord remercier Mme la corapporteur de l’esprit d’ouverture qu’elle a manifesté et de son souci de la qualité du travail législatif. En effet, l’architecture était plus qu’ouverte : elle était presque à ciel ouvert, à défaut d'être à cœur ouvert ! (Sourires.)
L’amendement n° 355 rectifié tend à introduire certaines précisions dans le cahier des charges : ce dernier inclurait, parmi les critères de sélection de l’acquéreur, sa capacité à mobiliser un élan territorial en s’appuyant sur les acteurs locaux et associatifs.
Si j’avais su ce qu’il allait advenir, j’aurais ajouté le développement social et environnemental : ce critère aurait alors pu être inclus dans l'amendement de Mme la corapporteur.
M. Jean Bizet. Avec ça, les avions ne pourront pas décoller !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je crois que la volonté que traduit cet amendement est partagée par tous.
Cependant, il m'apparaît que l’association des acteurs locaux à l’élaboration du cahier des charges permettra déjà de prendre en compte les attentes locales et de susciter la dynamique souhaitée.
Par ailleurs, je crains que la rédaction de cet amendement ne nous fasse courir trop de risques – j’ai émis tout à l'heure une réserve du même ordre concernant un autre amendement. Sur le plan juridique, la référence à un « élan territorial » me paraît trop floue et trop subjective pour en faire un critère de choix dans une procédure d’appel d’offres.
Monsieur Daunis, nous pouvons travailler à une rédaction qui, tout en étant plus sûre, permettrait de prendre en compte votre préoccupation, mais, à ce stade, je suis enclin à vous inviter au retrait de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis L’épisode précédent, l’heure avancée et un certain nombre d’autres facteurs ne peuvent que me rendre attentif à votre demande de retrait, monsieur le ministre. Néanmoins, pour y accéder avec encore plus d’allégresse, il faudrait que vous puissiez nous rassurer sur quelques points.
Premièrement, la loi ne saurait garantir que les fonds issus de cette cession seront réinvestis, au moins en partie, au profit du territoire concerné – cette question a été évoquée plusieurs fois –, mais pouvez-vous au moins vous engager à y veiller ?
Deuxièmement, en cas de cession par une chambre de commerce et d’industrie, le Gouvernement peut-il s'engager à ce qu’elle puisse investir le produit de cette cession sur le territoire, sans que l’État le récupère sous une forme ou sous une autre, et l’on sait qu’il peut se montrer à cet égard extrêmement créatif ? (Sourires.)
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je sais que ces questions sont sensibles, mais je mentirais si je vous disais que l’État peut prendre de tels engagements. Bien que ces demandes aient été maintes fois réitérées, je crains que l’on ne puisse aller au-delà d’un encadrement.
Dans les débats sur les contrats de projet État-région, il est évident que cet élément peut être politiquement valorisé. En revanche, d’un point de vue budgétaire, je ne puis honnêtement vous promettre que le Gouvernement transférera la part affectée au budget général : elle sera vraisemblablement réinvestie dans l’aide publique au développement ou dans le logement intermédiaire.
De la même manière, je ne puis vous apporter les garanties que vous souhaitez concernant les chambres de commerce et d’industrie, sachant qu’elles agissent pour le compte de l’État et que la chronique budgétaire de l’année passée a montré qu’elles participaient à l’effort budgétaire global.
En bref, les collectivités pourront faire valoir votre approche dans les débats en cours avec le Gouvernement, mais je ne peux m'engager sur ces sujets.
M. le président. L’amendement n° 355 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1369, présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Vu que nous sommes opposés aux opérations de transfert par l’État au secteur privé de la majorité du capital d’une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire, nous ne pouvons que souhaiter la suppression de l’alinéa qui a trait aux candidats au rachat.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 1740 est présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission.
L'amendement n° 764 rectifié est présenté par Mmes Lamure et Estrosi Sassone et MM. Nègre et Savin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
de la gestion aéroportuaire
par les mots :
en tant que gestionnaire d’aéroport ou actionnaire d’une société gestionnaire d’aéroport
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter l’amendement n° 1740 et pour donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 1369.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le présent amendement vise à élargir l’éventail des candidats au rachat d’une participation majoritaire cédée par l’État dans une société gestionnaire d’aéroport.
Son adoption permettrait ainsi d’ouvrir l’appel d’offres à l’ensemble des acteurs, notamment locaux – collectivités locales, chambres de commerce et de l’industrie… – qui disposent d’une expérience d’actionnaire de société gestionnaire d’aéroport.
J’ajoute que, cet amendement étant incompatible avec l’amendement n° 1369, la commission émet un avis défavorable sur ce dernier.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 764 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis défavorable à l’amendement n° 1369 et favorable aux amendements identiques nos 1740 et 764 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1740 et 764 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 357, présenté par MM. Daunis et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Ne peuvent acquérir une participation majoritaire au capital d’une société concessionnaire d’aéroport les entités domiciliées dans l’un des États ou territoires figurant sur la liste des États non coopératifs mentionnée au second alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts ou qui sont contrôlées directement ou indirectement par une telle entité. Les candidats à l’acquisition d’une participation majoritaire au capital d’une société concessionnaire d’aéroport certifient sur l’honneur être à jour de leurs obligations en matière fiscale et sociale.
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Après la cession de parts de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, d’aucuns s'étaient émus de la constitution capitalistique des repreneurs ; il y a été fait allusion voilà quelques minutes.
C’est cette considération qui a conduit au dépôt de cet amendement, lequel a pour objet d’éviter de retrouver dans le tour de table des sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux, même s'il est compliqué d’en faire la caractérisation juridique.
J’ajoute que la dernière phrase, aux termes de laquelle les candidats à l’acquisition d’une participation majoritaire au capital d’une société concessionnaire d’aéroport doivent certifier sur l’honneur être à jour de leurs obligations en matière fiscale et sociale, coule sans doute de source d’un point de vue moral, mais que cette précision n’est probablement pas inutile d’un point de vue juridique.
M. le président. Le sous-amendement n° 1793, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 357
I. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le cahier des charges de l’appel d’offres précise les obligations mises à la charge des candidats relatives à la lutte contre l’évasion fiscale ;
II. – Alinéa 3, première phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je partage la préoccupation qui sous-tend l’amendement n° 357, mais celui-ci soulève des difficultés juridiques, auxquelles ce sous-amendement vient remédier.
L’éviction pure et simple d’une offre au motif qu’elle émanerait d’une entreprise domiciliée dans un territoire non coopératif pourrait être considérée comme disproportionnée et présenterait donc un risque d’inconstitutionnalité.
En revanche, il me semble possible de prendre en compte ce critère dans le cahier des charges de l’opération. L’objectif de lutte contre l’évasion fiscale se matérialiserait alors par la demande faite au candidat à l’appel d’offres de se conformer à certaines obligations y figurant.
Le sous-amendement vise ainsi à préciser le contenu du cahier des charges dans un sens qui, je le crois, satisfait la volonté que traduit votre amendement, monsieur Daunis, tout en apportant une sécurisation juridique.
Sous la réserve de l’adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement sera favorable à l’amendement n° 357.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Si l'amendement n° 357 semble avoir une portée trop réduite pour être opérant, le sous-amendement n° 1793, déposé pour remédier à ce défaut, présente à l’inverse, selon moi, une rédaction très large et pour le moins imprécise.
Par ailleurs, l'amendement n° 357 prévoit une certification sur l’honneur d’être à jour de ses obligations fiscales et sociales ; compte tenu des intérêts et des sommes en jeu, je ne suis pas certaine qu’une déclaration sur l’honneur constitue un gage suffisant…
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 357 et du sous-amendement n° 1793.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1793.
M. Marc Daunis. Le sous-amendement du Gouvernement me paraît bienvenu. À l’évidence, l’essentiel est de traiter le problème que j’ai soulevé, et le sous-amendement confère à cette démarche la sécurité juridique nécessaire.
En revanche l’avis émis par Mme la corapporteur m’étonne, car il revient à considérer que, plutôt que d’adopter une rédaction trop large, il faut ne rien écrire du tout et, ainsi, renoncer à toute exigence ! J’ai du mal à suivre…
Peut-être les mailles du filet qu’il est question de mettre en place sont-elles trop larges, mais au moins on pose un filet, ce qui signifie qu’on prend un minimum de précautions, même s’il s’agit d’un dossier où faudrait en prendre beaucoup. Alors, autant adopter cette démarche en votant et le sous-amendement et l’amendement. Ne pas le faire voudrait dire que nous refusons de poser la moindre borne concernant des repreneurs qui ne donneraient pas de garanties minimales. En d’autres termes, au motif que les mailles sont trop larges, on ne poserait aucun filet !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je ne comprends pas l’amendement de M. Daunis ni le sous-amendement du Gouvernement. Faut-il instaurer un régime particulier de lutte contre l’évasion fiscale ? Cette lutte étant générale, pourquoi construire un régime spécifique pour deux aéroports ?
Du reste, si nous décidons ici de fixer ici des obligations, gardons à l’esprit que les règles générales de la lutte contre l’évasion fiscale, qui forment un ensemble cohérent, continueront à s'appliquer.
Par ailleurs, alors que la législation sur l’évasion fiscale peut toujours évoluer, elle resterait figée sur ce sujet précis !
En réalité, vous portez préjudice à la cause que vous prétendez défendre, monsieur Daunis : vous faites le contraire de ce que vous voulez !
M. Marc Daunis. C'est pourquoi je soutiens le sous-amendement !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’estime que l'amendement, même sous-amendé, porte la marque de notre action contre l’évasion fiscale. Comme c'est une préoccupation forte du Sénat, je ne comprends pas la réticence de Mme la corapporteur et de M. le président de la commission spéciale.
Le groupe communiste soutiendra donc cet amendement et ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’est évidemment pas question de créer un nouveau régime fiscal. Il s’agit juste de donner une finalité au cahier des charges et de s’assurer par ce truchement que le repreneur est localisé en France et y paye des impôts.
S’agissant du site toulousain, le cahier des charges ne comportait pas une telle obligation ab initio. La condition que l’on a imposée in fine, avant de signer, c’est que la société gestionnaire de l’aéroport de Toulouse soit localisée en France et y paye des impôts. Il existe des critères de localisation de l’activité en France et donc de fiscalisation de cette activité.
Cela me donne l’occasion de répondre à M. Raynal sur le consortium Symbiose, ce que j’avais omis de faire tout à l’heure et je le prie de m’en excuser.
Je peux vous rassurer pleinement, monsieur le sénateur : dans la projection financière établie par le repreneur chinois, aucune évolution du trafic n’a été formalisée, et ce sont les hypothèses de trafic existantes et connues qui ont conduit à ce plan de développement. Simplement, le repreneur a considéré que, en réalisant des investissements et en administrant différemment ou, selon lui, mieux la société de gestion, il arriverait à rentrer dans ses frais et à dégager une rentabilité à plus long terme ou moins importante que celle d’autres acteurs, ce qui a justifié son prix d’achat.
Quoi qu’il en soit, je tenais à préciser qu’il n’y avait pas d’hypothèses de trafic différentes de celles que nous avions projetées.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le ministre, je suis désolé de vous contredire, mais il est écrit dans votre sous-amendement : « Le cahier des charges de l’appel d’offres précise les obligations mises à la charge des candidats relatives à la lutte contre l’évasion fiscale. » Or ce n’est pas ce que vous venez de nous dire à l’instant : vous avez parlé de localisation de la société en France, ce qui est beaucoup plus large.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Une observation me vient à l’esprit à la suite des propos de M. le ministre : si le texte du sous-amendement précisait que ne peuvent se porter candidats que des organismes, sociétés, intervenants qui paient leurs impôts en France, cela poserait un problème conventionnel, car on porterait ainsi atteinte à la libre concurrence garantie par les traités européens.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Si le cahier des charges indiquait que l’acquéreur doit payer ses impôts en France, je suis d’accord avec vous, monsieur Pillet, il y aurait un problème conventionnel. Mais le cahier des charges doit répondre à une finalité : lutter contre les pratiques d’évasion fiscale. Par conséquent, si l’acheteur est français, on doit pouvoir faire les diligences et, s’il est étranger, on peut lui demander de respecter cette exigence par un véhicule localisé en France, ce qui n’est nullement contraire aux conventions.
En tout cas, je tiens à lever cette ambiguïté : la rédaction du sous-amendement est suffisamment large pour ne pas pouvoir être interprétée comme imposant le paiement des impôts en France à titre de condition d’éligibilité à l’appel d’offres.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1793.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 159 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Marc Daunis. C’est dommage !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 464, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les sociétés Aéroports de la Côte d’Azur et Aéroports de Lyon sont deux sociétés dont le capital est uniquement détenu par des actionnaires publics : 60 % par l’État, 25 % par les chambres de commerce et d’industrie, 5 % par les régions, 5 % par les départements et 5 % par les communautés d’agglomération.
Elles exploitent ces infrastructures aéroportuaires respectivement jusqu’en 2044 et 2047. Ces deux sociétés dégagent des résultats nets positifs : 10 millions d’euros pour la première et 13 millions d’euros pour la seconde.
Dès lors, pourquoi privatiser ? Pourquoi abandonner des infrastructures de transport fondamentales au regard de l’aménagement du territoire ? Nous nous retrouvons face au même problème que pour les autoroutes. Sous prétexte de vouloir dégager des marges budgétaires de court terme, le Gouvernement est prêt à céder des infrastructures rentables et dans lesquelles l’État a beaucoup investi.
L’étude d’impact du projet de loi justifie ces privatisations en ces termes : « développer l’outil industriel et les perspectives d’emploi que ces sociétés représentent à l’échelle régionale ».
Cette phrase traduit un renoncement supplémentaire à l’État stratège, qui est pourtant un élément central de notre modèle de société depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est un abandon pur et simple de toute volonté de structurer le territoire grâce à l’investissement public, avec des transports de qualité placés sous contrôle public. C’est la reconnaissance de la victoire totale du privé face à l’État dans notre politique de transport.
Les écologistes ne soutiennent pas cette vision purement budgétaire de court terme et souhaitent que l’État retrouve son rôle structurant dans le domaine des transports.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de ces deux alinéas.
M. le président. L'amendement n° 1402, présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous avons fait part de notre opposition à la cession au privé des infrastructures aéroportuaires ; c’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet alinéa, qui concerne la société Aéroports de la Côte d'Azur.
M. le président. L'amendement n° 536 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1401, présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme cela a été dit par Jean-Pierre Bosino, nous sommes opposés à la privatisation des infrastructures aéroportuaires. Cet amendement-ci vise la société des Aéroports de Lyon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces trois amendements ont une portée identique à ceux qui visaient à supprimer l’article puisqu’ils tendent à supprimer les alinéas autorisant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de deux sociétés aéroportuaires.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 537 n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 49, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 160 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 296 |
Contre | 35 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 49
M. le président. L'amendement n° 962, présenté par M. Bizet, Mme Lamure, MM. Allizard et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Delattre, Calvet, Charon et Commeinhes, Mme Deromedi, MM. Doligé, Grand et Gournac, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel, Imbert et Keller, MM. Laménie, Laufoaulu, Lefèvre, Leleux et Mandelli, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Pierre et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le I de l’article 1609 quatervicies du code général des impôts, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Le produit de la taxe d’aéroport, qui est affecté aux personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes ou des groupements d’aérodromes mentionnées au I, est plafonné annuellement conformément à un montant inscrit en loi de finances pour chaque classe d’aérodromes ou groupements d’aérodromes. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, avec votre permission, je défendrai également les amendements nos 963 et 961.
M. le président. Je vais donc appeler ces amendements dès à présent en discussion.
L'amendement n° 963, présenté par M. Bizet, Mme Lamure, MM. Allizard et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Delattre, Calvet, Charon et Commeinhes, Mme Deromedi, MM. Doligé, Grand et Gournac, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel, Imbert et Keller, MM. Laménie, Laufoaulu, Lefèvre, Leleux et Mandelli, Mme Mélot et MM. Milon, Pierre et Morisset, est ainsi libellé :
Après l’article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1609 quatervicies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du IV, les mots : « et sa majoration prévue au IV bis, » sont supprimés ;
2° Le IV bis est abrogé ;
3° Au premier alinéa du V, les mots : « et la majoration de celle-ci prévue au IV bis sont recouvrées et contrôlées » sont remplacés par les mots : « est recouvrée et contrôlée » ;
4° Le VII est abrogé.
L'amendement n° 961, présenté par M. Bizet, Mme Lamure, MM. Allizard et Vaspart, Mme Des Esgaulx, MM. Calvet, Charon et Commeinhes, Mme Deromedi, MM. Doligé, Grand et Gournac, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel, Imbert et Keller, MM. Laménie, Laufoaulu, Lefèvre, Leleux et Mandelli, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset et Pierre, Mme Primas et MM. Mouiller, Saugey et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pour les aérodromes de l’État concédés, les activités commerciales et de services, y compris celles relatives au stationnement public d’automobiles, font partie du périmètre d’activité défini à l’article R. 224-3-1 du code de l’aviation civile.
II. – Pour l’exploitation des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly, Aéroports de Paris reçoit une juste rémunération des capitaux investis, qui doit prendre en compte au moins cinquante pour cent des profits relatifs aux activités commerciales et de services.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean Bizet. Par ces amendements, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’importance stratégique de nos infrastructures aéroportuaires, mais aussi et surtout sur la nécessité de ne pas les dissocier de la question des compagnies aériennes françaises.
En effet, une des caractéristiques fondamentales du transport aérien, c’est que son ouverture à la concurrence dans l’espace européen est sans commune mesure avec celle qu’on peut observer pour n’importe quel autre mode de transport.
La concurrence parmi les transporteurs aériens est absolument singulière. Qui plus est, les nouveaux venus dans les airs de l’Union européenne contournent à plaisir les contraintes fiscales et sociales que les opérateurs historiques persistent à respecter.
Pour obtenir des conditions loyales de concurrence, l’idéal serait bien sûr de parvenir à un accord au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale ; on en est encore loin aujourd’hui. Toute action dans ce domaine doit être engagée et conduite à l’échelle de l’Union européenne
C’est la raison pour laquelle nous avons créé, au sein de la commission des affaires européennes du Sénat, un groupe de travail ayant pour mission de nous éclairer le plus possible sur ce sujet. Nous commencerons les auditions très prochainement.
Malheureusement, c’est la concurrence déloyale qui prévaut dans les airs. Sur les grandes lignes internationales, cette concurrence est imputable à des opérateurs très généreusement subventionnés par leurs pays d’origine : les fameuses compagnies du Golfe. Sur les liaisons internes à l’Union européenne et sur certaines liaisons internationales de moyen-courrier, les désormais célèbres compagnies low cost peuvent être incriminées à juste titre.
Mon propos aujourd’hui a pour but d’engager avec vous tous une réflexion en vue de perfectionner la gouvernance du secteur aérien au sein de l’Union européenne et au départ de celle-ci.
À la suite du débat sur la transparence dans le transport aérien, organisé au Sénat le 5 février sur l’initiative de mon groupe, j’ai souhaité déposer, avec certains de mes collègues, une série d’amendements après l’article 49. Il reste en effet plusieurs sujets de préoccupation concernant la privatisation des aéroports et les dérives qu’elle pourrait engendrer au regard des redevances pour nos compagnies aériennes.
L’amendement n° 962 vise à geler la taxe d’aéroport acquittée par les compagnies aériennes et assise sur le nombre de passagers, ainsi que sur la masse de fret et de courrier embarqués.
L’amendement n° 963 tend à supprimer la majoration de 1,25 euro appliquée sur le tarif passager de la taxe d’aéroport, dont le produit est affecté aux exploitants des aérodromes ou des groupements d’aérodromes de classe 3 présentant des comptes en déséquilibre, et à la remplacer par un financement ad hoc, afin de redonner de la compétitivité aux compagnies aériennes françaises.
Enfin, l’amendement n° 961 a pour objet de pérenniser la « caisse unique » à l’occasion d’une privatisation. Le régime de gestion pratiqué aujourd’hui par les aéroports régionaux français est basé sur le principe de la caisse unique. Celui-ci permet, au bénéfice des compagnies et des passagers, de contenir le tarif des redevances par une prise en compte dans l’économie de l’aéroport des recettes apportées par toutes les activités commerciales.
Un État n’exerce pas d’influence mondiale sans une grande compagnie aérienne, et je veux croire tout le monde ici partage sans doute ce point de vue. Je tiens à saluer le fait que la France ait su, au fil du temps, faire de son aviation un champion mondial, qui représente au total plus de 1 million d’emplois et près de 3 % du PIB, s’appuyant à la fois sur des constructeurs, sur des aéroports et sur des compagnies aériennes.
Air France est le premier employeur privé d’Île-de-France, mais la concurrence est forte et fragilise le pavillon national. Je rappelle que le premier transporteur aérien en Europe est irlandais ; il transporte à lui seul plus de passagers qu’Air France, dont les lignes sont pourtant mondiales.
J’ai donc déposé ces amendements pour que le Sénat et le Gouvernement puissent débattre de cette question à l’occasion de l’examen des dispositions de ce projet de loi qui traitent des aéroports et donc, indirectement, du transport aérien. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Monsieur Bizet, il s’agit là d’un vrai sujet et l’on comprend fort bien quelle a été votre intention en présentant ces amendements.
L’amendement n° 962 vise à réduire les taxes pesant sur le secteur du transport aérien. Son adoption aurait pour conséquence de diminuer le produit disponible pour assurer la sécurité des aéroports puisque cette taxe est affectée au financement des missions de sécurité.
Sur le fond, le simple renvoi à une loi de finances ne permet pas de garantir l’effectivité de votre dispositif puisque vous ne définissez pas le plafond.
Par conséquent, je vous invite à retirer cet amendement
Il en va de même s’agissant de l’amendement n° 963. La majoration de la taxe d’aéroport est affectée aux aérodromes régionaux les plus fragiles. En supprimant celle-ci sans indiquer la ressource qui pourrait leur être affectée en contrepartie, vous risquez de perturber l’équilibre financier, déjà précaire, de ces aérodromes.
En outre, je souligne que la loi de finances rectificative pour 2014 a déjà sensiblement réduit la taxe de l’aviation civile afin de desserrer la contrainte fiscale pesant sur le secteur du transport aérien.
Enfin, je sollicite également de l’amendement n° 961, dont l’adoption aurait pour conséquence de perturber de manière importante le modèle économique d’ADP, Aéroports de Paris, mais aussi d’importants aéroports régionaux.
Quel est l’enjeu sous-jacent à cet amendement ? C’est le niveau des redevances aériennes payées à un exploitant d’aéroport par les compagnies aériennes. Chaque aéroport est soumis à un contrat de régulation économique défini et surveillé par l’État. Ce contrat fixe à la fois l’évolution des redevances, mais aussi le niveau des investissements devant être réalisés par l’exploitant de l’aéroport. Pour ADP, le contrat de régulation économique 3, qui doit couvrir la période 2016-2020, est en cours de négociation. Il ne paraît donc pas opportun de modifier les règles du jeu alors même que l’État et les parties prenantes sont en train de négocier le prochain contrat de régulation économique.
J’ajoute que le dispositif de la caisse unique que vous proposez dans votre amendement n’est plus appliqué par ADP depuis l’entrée en vigueur du contrat de régulation économique de 2006.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Mme la rapporteur a exposé les éléments essentiels.
S’agissant de l’amendement n° 962, je rappelle que la taxe d’aéroport permet de financer l’intégralité des mesures de sûreté aéroportuaire demandées par l’État. La Direction générale de l’aviation civile a pour mission d’en garantir l’exactitude. La plafonner dans le contexte actuel ne nous apparaît pas pleinement opportun.
L’évolution de la réglementation, notamment européenne, en matière de sûreté va sans doute conduire les aéroports à remplacer la plupart de leurs équipements de sûreté, notamment les appareils d’examen des bagages en soute, particulièrement coûteux. À ce jour, on ignore comment cette taxe devra évoluer, même si, et vous avez raison de le rappeler, monsieur Bizet, la santé financière des compagnies aériennes, en particulier la nôtre, doit être prise en compte.
Il faut trouver un juste équilibre entre l’évolution raisonnée de cette réglementation, d’une part, et la maîtrise des dépenses et la préservation de la santé financière de la compagnie, d’autre part.
S’il s’agit d’un amendement d’appel, il a rempli son office. Nous exerçons toute notre vigilance à l’égard du contrat de régulation économique entre ADP et l’État comme des relations économiques et commerciales entre ADP et Air France. À cet égard, je réitère l’engagement pris récemment par mon collègue Alain Vidalies.
S’agissant de l’amendement n° 961, la double caisse est une pratique largement répandue qui consiste donc avoir une caisse pour le « régulé » et une autre pour le « non régulé ». Elle n’est pas nouvelle. La caisse unique, dont l’idée a été plusieurs fois avancée, pourrait avoir un effet pervers, y compris pour ADP, puisque l’effort doit porter essentiellement sur la partie régulée. La double caisse n’est pas un moyen, pour ADP, de répondre à un surcroît d’efforts financiers et à une exigence de meilleure organisation ; elle permet de mieux surveiller l’activité régulée, afin de faire porter sur celle-ci les efforts éventuels.
J’ajoute enfin que la caisse unique peut avoir un impact patrimonial sur l’entreprise ; il n’est donc pas souhaitable de la mettre en place dans le contexte actuel.
Je vous invite, par conséquent, à retirer ces amendements. La santé financière d’Air France et ses intérêts doivent être pris en compte dans les décisions qui sont prises au sein de l’« écosystème », en particulier celles qui ont trait aux relations entre ADP et Air France.
M. le président. Monsieur Bizet, les amendements nos 962, 963 et 961 sont-ils maintenus ?
M. Jean Bizet. J’ai bien entendu la demande exprimée tans par Mme la corapporteur que par M. le ministre de retirer ces trois amendements, dont vous aurez deviné qu’il s’agissait d’amendements d’appel. Je veux bien accéder à cette demande.
Cela étant, j’aimerais que le Gouvernement prenne davantage conscience des distorsions de concurrence qui fragilisent aujourd’hui le pavillon national. J’ai plusieurs fois alerté les instances communautaires, notamment celles qui sont en charge de la concurrence. Sans vouloir préjuger des résultats du groupe de travail mis en place par la commission des affaires européennes, qui rendra ses conclusions dans deux ou trois mois, j’aimerais trouver un appui auprès de votre administration, monsieur le ministre, pour faire en sorte que soient corrigées ces distorsions concurrentielles, essentiellement fiscales et sociales, qui nuisent au pavillon national et qui sont le fait d’une compagnie dont nous avons tous le nom à l’esprit, celle qui est devenue la première compagnie européenne.
M. le président. Les amendements nos 962, 963 et 961 sont retirés.
L'amendement n° 409 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, G. Bailly et Charon, Mme Deromedi et MM. Duvernois et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’aviation civile est complété par un livre VIII ainsi rédigé :
« Livre VIII
« Société civile de Sécurité de la navigation aérienne française
« Art. L. ... - Au 1er janvier 2017, la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est abrogée.
« Art. L. ... - Il est créé une société civile de sécurité de la navigation aérienne française, société de droit privé.
« Art. L. ... - Les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne deviennent des salariés liés par un contrat à durée indéterminée de droit privé à la société civile de sécurité de la navigation aérienne française.
« Art. L. ... - Les conditions de travail du personnel sont déterminées par accord collectif.
« Art. L. ... - Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du livre VIII du code de l’aviation civile. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Nous manifestons tous le souci d’améliorer la compétitivité de nos aéroports et de nos compagnies aériennes, ainsi que la bonne marche du trafic aérien.
Toutefois, pour que ce trafic fonctionne, il faut des contrôleurs aériens. Or, en cette matière, la France connaît une situation d’exception : elle est, à ma connaissance, l’un des deux seuls pays en Europe où les contrôleurs aériens ont un statut de fonctionnaires d’État. Il s’agirait même, selon un rapport de la Cour des comptes, d’une catégorie de fonctionnaires particulièrement choyée.
L’harmonisation du ciel européen sera mise en place en 2016. Or, à cette date, la nouvelle législation deviendra plus contraignante, notamment en matière de compétences, de sécurité, de temps de travail, et cela suscite dans notre pays un certain nombre de perturbations.
Voilà une dizaine de jours, le trafic aérien national a une nouvelle fois été bloqué, aux deux tiers. Il en a été de même pour une partie des vols internationaux. De telles perturbations ne sont pas, si je puis dire, l’apanage de ce gouvernement puisque de tels mouvements sont observés régulièrement depuis des décennies. La prochaine grève est d’ores et déjà prévue pour le 29 avril, date de la rentrée des vacances de la zone centrale.
Par conséquent, monsieur le ministre, quels que soient les efforts que vous déploierez pour améliorer nos aéroports et notre compagnie aérienne, si vous ne vous attaquez pas à cette profession réglementée – je sais que vous vous intéressez à ce sujet –, vos efforts seront vains, comme l’ont été ceux des gouvernements précédents.
Nous avons déjà subi, dans le domaine du trafic portuaire, des décennies de retard. Il en résulte que nos grands ports se retrouvent à la traîne par rapport à leurs concurrents européens.
Au-delà des actions en faveur du secteur du transport aérien et du domaine aéroportuaire, il est essentiel que vous traitiez cette question.
Cet amendement, cosigné par une dizaine de collègues, vous invite à réfléchir à un statut de droit privé octroyé à une société civile française, afin d’entamer, dans les meilleures conditions possible, le dialogue avec les professions concernées. Ainsi, nous serons à l’heure concernant le respect de la nouvelle réglementation européenne qui entrera en vigueur l’an prochain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale a entendu le légitime appel des auteurs de cet amendement pour que le service de la navigation aérienne soit assuré dans de meilleures conditions en France.
Force est de constater que la récente grève des contrôleurs aériens, qui aurait pu se renouveler ce week-end puisqu’un préavis de grève avait été déposé avant d’être finalement levé, celles qui l’ont précédée et celles qui risquent d’être déclenchées à l’avenir perturbent fortement le secteur du transport aérien, sans que les motifs censés justifier ces mouvements nous paraissent toujours évidents.
Pour autant, monsieur Dominati, il nous semble difficile d’accepter la solution radicale que vous préconisez au travers de votre amendement. C’est la raison pour laquelle je vous suggère de le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai pu dire tout à l’heure, s’agissant de la gestion des sociétés aéroportuaires, que l’État n’était pas forcément un bon actionnaire et que nous disposions des voies et moyens pour assurer différemment sa régulation.
Pour autant, il est incontestable que le contrôle de la navigation aérienne et de sa sécurité ainsi que la responsabilité y afférente, constituent des prérogatives incombant à l’État. Par conséquent, s’engager sur la voie de la privatisation au motif que l’on n’arrive pas à garantir le fonctionnement du service ne me semble pas approprié. D’ailleurs, quand on compare notre situation avec celle des autres pays européens, il apparaît que, à l’exception du Royaume-Uni, l’ensemble des États ont décidé de faire ce choix de la responsabilité de l’État et de le maintenir.
J’entends votre préoccupation, monsieur le sénateur, car la situation devient effectivement problématique quand les grèves se multiplient.
M. Jean-Pierre Bosino. Les salariés ne se mettent pas en grève par plaisir !
M. Emmanuel Macron, ministre. L’exercice du droit de grève des contrôleurs aériens est régi par la loi du 31 décembre 1984, déclinée par un décret du 17 décembre 1985 modifié, qui prévoit toutefois – c’était l’apport de ces premiers textes – des astreintes nominatives de contrôleurs aériens pour assurer au minimum 50 % des survols de l’espace aérien, garantir l’ouverture de dix-sept aéroports métropolitains ainsi que la continuité territoriale avec la Corse et les départements et collectivités d’outre-mer.
Des conditions minimales existent donc concernant le fonctionnement du transport aérien. Tout en faisant preuve de rigueur quant au respect de celles-ci, sans doute peut-on encore y apporter des améliorations. C’est sur ce point que l’accent doit être mis. Nous pouvons agir avec efficacité en imposant, y compris lors des grèves, une continuité du service, comme nous l’avons fait dans d’autres secteurs.
Monsieur le sénateur, je ne saurais vous suivre dans la privatisation du statut de ces professionnels et de la nature de cette mission, qui relèvent véritablement de la responsabilité de l’État.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 409 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Je vais retirer cet amendement, mais vous me permettrez de penser que, selon moi, monsieur le ministre, vous commettez une erreur : à ma connaissance, dans tous les autres pays européens, à l’exception d’un seul, les contrôleurs aériens sont des salariés de droit privé et ne relèvent pas de la fonction publique d’État.
À partir du moment où vous reconnaissez vous-même que l’État est un mauvais gestionnaire, après avoir été un mauvais actionnaire, dans d’autres domaines, faites en sorte de négocier avec les catégories concernées en vue de modifier leur statut. Aucune raison particulière ne justifie que, en France, les contrôleurs aériens soient des fonctionnaires.
Je ne préconise pas de privatiser l’activité des contrôleurs aériens, je suggère seulement de modifier le statut de ces personnels.
M. le président. L'amendement n° 409 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 1426 n’est pas soutenu.
Section 4
Dispositions diverses
Article 50 A
(Supprimé)
M. le président. Je rappelle que l’article 50 A a été réservé jusqu’au mercredi 6 mai, à quatorze heures trente.
Article 50
Le chapitre III du titre III de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée est complété par un article 31-2 ainsi rédigé :
« Art. 31-2. – En cas de cession d’une participation de l’État, réalisée selon les procédures des marchés financiers, entraînant le transfert d’une partie du capital au secteur privé, une fraction des titres cédés par l’État, qui ne peut être supérieure à 10 %, est proposée aux salariés de l’entreprise, à ceux des filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital, ainsi qu’aux anciens salariés s’ils justifient d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée accomplie d’au moins cinq ans avec l’entreprise ou ses filiales, qui sont adhérents d’un plan d’épargne d’entreprise.
« Ces titres peuvent également être cédés à l’entreprise avec l’accord de celle-ci, à charge pour elle de les rétrocéder dans un délai d’un an aux mêmes personnes. Durant ce délai, ces titres ne sont pas pris en compte pour déterminer le plafond de 10 % prévu à l’article L. 225-210 du code de commerce et les droits de vote ainsi détenus par la société sont suspendus. À l’issue de ce délai, les titres non souscrits sont vendus sur le marché.
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise la fraction des titres proposée aux salariés ou aux anciens salariés, la durée de l’offre, l’identité du cessionnaire, le plafond individuel de souscription et les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre.
« L’entreprise peut prendre à sa charge une part du prix de cession, dans la limite de 20 %, ou des délais de paiement, qui ne peuvent excéder trois ans. Si un tel rabais a été consenti, les titres acquis ne peuvent être cédés avant deux ans, ni avant paiement intégral. Les avantages ainsi consentis sont fixés par le conseil d’administration, le directoire ou l’organe délibérant en tenant lieu. » – (Adopté.)
Demande de priorité
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je demande que l’amendement n° 115, tendant à insérer un article additionnel après l’article 54, soit examiné dès à présent, par priorité.
M. le président. Je suis donc saisi par la commission spéciale d’une demande d’examen par priorité de l’amendement n° 115.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Chapitre III
Industrie
Article additionnel après l'article 54 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par MM. Longuet et Adnot, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 2° de l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, la date : « 2015 » est remplacée par la date : « 2017 ».
II. – L’article L. 542-10-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, à revenir sur des décisions prises lors de la mise en œuvre progressive d’un système de stockage. La réversibilité permet de garantir la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés pendant une période donnée et d’adapter l’installation initialement conçue en fonction de choix futurs.
« Le caractère réversible d’un stockage en couche géologique profonde est assuré dans le respect de la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1. Des revues de la mise en œuvre du principe de réversibilité dans un stockage en couche géologique profonde sont organisées au moins tous les dix ans.
« L’exploitation du centre débute par une phase industrielle pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ. Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase. La phase industrielle pilote comprend des essais de récupération de colis de déchets. » ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« - l’article L. 593-17 ne s’applique pas à la demande d’autorisation de création du centre. La mise en service ne peut être autorisée que si l’exploitant est propriétaire des terrains servant d’assiette aux installations de surface, et des tréfonds contenant les ouvrages souterrains, ou s’il a obtenu l’engagement du propriétaire des terrains de respecter les obligations qui lui incombent en application de l’article L. 596-22 ;
« – pour l’application des dispositions du titre IX du présent livre, les tréfonds contenant les ouvrages souterrains peuvent tenir lieu de terrain servant d’assiette pour ces ouvrages. » ;
3° Le quatrième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le délai de cinq ans mentionné à l’article L. 121-12 est porté à dix ans. Le présent alinéa ne s’applique pas aux nouvelles autorisations mentionnées à l’article L. 593-14 relatives au centre ; »
4° Après le sixième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lors de l’examen de la demande d’autorisation de création, la sûreté du centre est appréciée au regard des différentes étapes de sa gestion, y compris sa fermeture définitive. Seule une loi peut autoriser celle-ci. L’autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans. L’autorisation de création du centre est délivrée par décret en Conseil d’État, pris selon les modalités définies à l’article L. 593-8, sous réserve que le projet respecte les conditions fixées au présent article ;
« – l’autorisation de mise en service mentionnée à l’article L. 593-11 est limitée à la phase industrielle pilote.
« Les résultats de la phase industrielle pilote font l’objet d’un rapport de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, d’un avis de la commission mentionnée à l’article L. 542-3, d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et du recueil de l’avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret.
« Le rapport de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, accompagné de l’avis de la commission nationale mentionnée à l’article L. 542-3 et de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l’évalue et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;
5° Le septième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « de réversibilité » sont remplacés par les mots : « d’exercice de la réversibilité du stockage pour la suite de son exploitation » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée :
« L’autorité de sûreté nucléaire se prononce sur l’autorisation de mise en service complète de l’installation. » ;
6° Au huitième alinéa, les mots : « de création » sont remplacés par les mots : « de mise en service complète » ;
7° Le neuvième alinéa est supprimé.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, ma satisfaction n’a d’égale que ma honte de passer devant d’autres collègues à cette heure avancée de la nuit ! (Sourires.)
Un amendement d’appel permet de connaître, sur la sollicitation d’un parlementaire, une intention du Gouvernement et d’en laisser une trace dans le compte rendu de nos débats, publié au Journal officiel de la République française.
Tel est précisément l’objet de cet amendement n° 115, qui a toute sa place pour satisfaire votre volonté de relancer l’économie française, monsieur le ministre, tant il est vrai que, sur le terrain difficile de la gestion des déchets nucléaires à haute activité et à vie longue, qui commande l’avenir de l’ensemble de la filière, le débat se trouve aujourd’hui paralysé par l’absence de dépôt de projet de loi traitant de la réversibilité du stockage souterrain desdits déchets.
La loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs avait fixé une date limite pour autoriser la création d’un centre de gestion durable des déchets nucléaires de haute activité et à vie longue, projet aujourd’hui connu sous l’acronyme Cigéo. L’échéance a été fixée à 2015 ; nous y sommes, et le Gouvernement n’est pas à même de prendre aujourd’hui le décret prévoyant le stockage des déchets nucléaires, car cette mesure doit être précédée, à juste titre et en vertu de la loi précitée, de l’adoption d’un texte législatif – ce qui suppose évidemment un débat parlementaire – définissant la réversibilité.
Nous avons eu en 2013, sur ce sujet difficile, un débat public dont la Commission nationale du débat public a estimé qu’il s’était révélé utile. Ce débat a d’ailleurs modifié en partie le programme initial. Aujourd’hui, nous devons inscrire dans la loi ce que le législateur considère comme étant une exigence absolue en matière de réversibilité.
Ce texte est déjà connu, dans la mesure où il a été rédigé et déposé à l’Assemblée nationale par MM. Le Déaut et Bataille. Il est maintenant prêt à être débattu et aurait pu trouver sa place dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ou dans votre texte, monsieur le ministre.
C’était d’ailleurs le sens de mon amendement, car, derrière ce projet, il y a un chantier immédiat occupant plus de 2 500 salariés, ainsi qu’un secteur économique qui emploie plusieurs dizaines de milliers de salariés et qui doit se trouver consolidé par ce maillon ultime de la chaîne de l’électronucléaire que constitue la gestion des déchets à haute activité et à vie longue.
Ce débat n’est pas ouvert et je n’ai pas l’intention à cet instant, à l’occasion de l’examen nocturne un amendement technique qui mériterait plus de temps pour que mes collègues se prononcent, de trahir la qualité de nos discussions.
Toutefois, monsieur le ministre, vous qui être chargé de l’industrie, pouvez-vous prendre l’engagement de présenter ce projet de loi au cours de l’année 2015 ? Grâce à ce délai raisonnable, nous pourrons éviter de maintenir dans l’attente et l’inquiétude l’ensemble des acteurs concernés, industriels certes, mais surtout populations locales ayant accepté ce projet d’enfouissement et manifestant le besoin de connaître la volonté effective du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement, afin d’obtenir des réponses sur l’état du projet et sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à ne pas inscrire, comme vous l’avez rappelé à l’instant, mon cher collègue, ces dispositions dans le cadre du présent texte.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez bien rappelé le cadre juridique dans lequel se situe ce projet. Il faut aussi tenir compte des territoires – ils nous sont familiers – qui ont pris leurs responsabilités au regard de ce projet.
Ayant eu le même débat à l’Assemblée nationale avec le député de la Meuse, j’ai conscience que certains élus sur le terrain, à côté des populations locales, ont eu le courage de prendre leurs responsabilités en soulevant cette question de l’enfouissement et de l’avenir industriel et minier de notre pays.
La volonté du Gouvernement consiste précisément à répondre à l’appel. Je l’ai dit très clairement, en tant que ministre, je m’engagerai sur ce sujet. Une loi a été adoptée en 2010, suivie d’un débat public en 2013. Il faut aller de l’avant, nous le devons à nos concitoyens qui sont pleinement concernés. On ne peut pas dire que l’on met en œuvre une politique responsable sur l’ensemble de la filière si l’on ne pose pas cette question, tout en considérant que cette solution n’est peut-être pas la seule en termes de retraitement : il faut poursuivre la recherche par ailleurs.
S’agissant de l’enfouissement, en raison de la multiplicité des sensibilités, le débat a été décalé et finalement reporté. Je peux d’ores et déjà vous assurer que nous voulons être au rendez-vous sur la question de Cigéo. Par conséquent, je n’avais même pas considéré votre proposition, monsieur Longuet, comme un amendement d’appel, et je m’apprêtais à émettre un avis de sagesse.
M. Gérard Longuet. Eh bien, pourquoi pas un scrutin public ?
M. le président. Monsieur Longuet, l’amendement n° 115 est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet. Oui, je le maintiens, monsieur le président, compte tenu des explications que M. le ministre vient d’apporter, et même si j’estime que ce sujet aurait mérité d’être débattu à une heure permettant de plus amples discussions.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Cette situation appelle deux remarques de ma part.
Premièrement – vous l’avez dit vous-même, monsieur Longuet –, il aurait été préférable que cet amendement soit examiné dans d’autres conditions…
Le Sénat est amené à se prononcer à cinq heures du matin sur la question de l’enfouissement des déchets radioactifs à vie longue. On peut franchement se demander si ce n’est pas fait exprès ! D’autant que cet amendement a même été appelé par priorité : certains auraient-ils jugé préférable que cet amendement soit abordé dans ces conditions ?
Peut-être l’issue du vote serait-elle la même dans d’autres conditions, mais il n’est pas normal qu’un sujet de cette nature, introduit par voie d’amendement, soit étudié de cette façon. Le procédé est donc un peu « limite ».
Deuxièmement, sans reprendre les divers arguments qu’il serait possible d’invoquer, je rappelle que l’enfouissement des déchets n’est pas encore au point et que, pour leur part, les écologistes proposent d’autres solutions.
Je le répète, cette question aurait mérité un véritable débat, préparé et argumenté. Il est cinq heures, et nous devons nous contenter d’une discussion totalement improvisée ! C’est très fâcheux – pour ne pas dire plus !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Longuet, vous demandez au Sénat de se prononcer par scrutin public sur cet amendement au motif que le Gouvernement n’a pas pris un décret, contrairement à ses engagements. Cela revient à prendre le Parlement en otage !
M. Gérard Longuet. Il ne s’agit pas d’un décret, mais d’un projet de loi !
Mme Nicole Bricq. Peut-être faut-il mettre ce malentendu sur le compte de l’heure avancée, et même matinale…
L’enjeu est bien connu : il s’agit de la réversibilité. Ce dossier est très sensible, très politique…
M. Gérard Longuet. Il est technique !
Mme Pascale Gruny. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Technique ? Cher collègue, il est à l’étude depuis 2006 !
Quoi qu’il en soit, je refuse d’être prise en otage sur un tel sujet,…
M. François Pillet, corapporteur. Madame Bricq, personne n’est pris en otage !
Mme Nicole Bricq. … alors même qu’il faudrait s’arrêter de travailler et renoncer à examiner, pour l’heure, d’autres amendements portant sur d’autres sujets !
M. le président. Madame Bricq, à cet instant, je n’ai été saisi d’aucune demande de scrutin public sur l’amendement n° 115.
M. Jean Desessard. Moi, j’en demande un ! (Murmures.)
M. le président. Allons bon !
M. Claude Raynal. Soyons raisonnables, reportons ce débat !
Mme Nicole Bricq. Mieux vaut repousser la discussion au mois de mai…
M. le président. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de demander la priorité…
Alors, que faisons-nous, monsieur le président de la commission spéciale ?
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je vois que M. Longuet souhaite avoir à nouveau la parole. Même si la lettre du règlement l’interdit, serait-il possible de la lui donner une nouvelle fois ? Peut-être son intervention serait-elle à même de nous éclairer…
M. le président. Je vais faire une exception, surtout si cela permet de nous tirer de ce mauvais pas ! (Sourires.)
La parole est à donc M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que M. le président de la commission spéciale.
Madame Bricq, je comprends les remarques que vous formulez, mais je tiens à vous rassurer : il ne s’agit pas de contraindre le Gouvernement à prendre un décret, mais simplement de rappeler que la loi de 2006 a prévu la rédaction d’un projet de loi. Or les projets de loi relèvent du Gouvernement. Un tel texte ne pouvait être examiné qu’après l’organisation d’un débat public, lequel s’est tenu en 2013. Hélas, le Gouvernement ne l’a toujours pas présenté.
De leur côté, nos collègues députés Christian Bataille et Jean-Yves Le Déaut ont présenté une proposition de loi, que je soumets à mon tour au Sénat par le biais de cet amendement.
Monsieur Desessard, je suis sensible à vos arguments. Vous savez, je suis cette affaire depuis vingt ans. (M. Jean-Pierre Bosino s’exclame.) Je peux donc bien attendre vingt minutes, vingt heures ou vingt jours de plus, cela ne me pose aucun problème !
Si, nonobstant l’ouverture qu’il suggère, M. le président de la commission spéciale accepte que nous reprenions ce débat après l’interruption des travaux parlementaires, je l’accepte volontiers.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. Gérard Longuet. Je suis heureux d’avoir pu participer, depuis le début, à l’examen du présent texte, et tout particulièrement d’avoir pu défendre l’amendement n° 115. Toutefois, j’admets volontiers que ce sujet, compte tenu de son importance, ne doit pas être traité à l’heure où, on l’imagine, la lassitude gagne notre hémicycle… (Mmes Pascale Gruny et Sophie Primas applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, à la demande de la commission spéciale, l’amendement portant article additionnel après l’article 54 a été appelé par priorité – cela signifie tout de même quelque chose, la priorité ! –, que le Gouvernement a donné son accord, que cet amendement a été présenté et débattu. Il ne me semble pas possible de reporter l’issue de cette discussion de quinze jours.
M. Gérard Longuet. Dans ce cas, votons !
M. François Pillet, corapporteur. C’est cela, au vote !
Mmes Catherine Deroche et Dominique Estrosi Sassone, corapporteurs. Oui !
M. le président. Monsieur Longuet, si vous confirmez le maintien de cet amendement, nous allons procéder au scrutin public.
M. Gérard Longuet. Très bien, votons !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. J’ai demandé la priorité au nom de la commission spéciale, et je ne me dédis pas.
M. le président. Je mets donc aux voix l'amendement n° 115.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que la commission spéciale a sollicité l’avis du Gouvernement et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 161 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 200 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
M. Gérard Longuet. Bravo !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 54.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le président, depuis la reprise de la séance à vingt et une heures trente, nous avons examiné environ 110 amendements. En tout, depuis ce matin, nous en avons étudié à peu près le double. Nous éprouvons tous, me semble-t-il, le besoin de prendre un peu de repos.
M. Roland Courteau. Bonne remarque !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Nous nous sommes entendus avec les différents groupes…
Mme Nicole Bricq. Non ! Pas avec le groupe socialiste !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Chère collègue, je vous en prie, ne me contredisez pas avant même d’avoir entendu la fin de ma phrase !
En conférence des présidents – madame Bricq, dois-je vous rappeler que vous n’étiez pas présente à cette réunion ? –, les représentants des différents groupes se sont entendus pour pousser cette séance le plus loin possible, en fixant la limite à six heures du matin. Tel est l’accord auquel nous avons abouti, je le dis et je le répète. (Mme Éliane Assassi acquiesce.)
Il est presque cinq heures quinze. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, d’avoir remarquablement conduit cette séance de nuit, et à saluer tous les sénateurs présents. À mon sens, compte tenu de l’état de fatigue général, il ne serait pas raisonnable de pousser nos discussions plus avant. (Marques d’approbation.)
Mme Éliane Assassi. Parfait !
M. Michel Bouvard. En effet, il faut lever la séance !
M. le président. Mes chers collègues, je vous le confirme, en conférence des présidents, nous avons pris l’engagement de poursuivre nos travaux le plus loin possible et au plus tard jusqu’à six heures.
Monsieur le ministre, voyez-vous un inconvénient à ce que je lève la séance, sachant que les quarante-cinq minutes qui nous séparent de cette heure limite nous permettraient peut-être d’examiner une dizaine d’amendements ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Fidèle à ses engagements, le Gouvernement est prêt à poursuivre les débats jusqu’à six heures. Cela étant, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme Annie David. Votons !
M. le président. Compte tenu de la demande exprimée par M. le président de la commission spéciale et de l’approbation qu’elle paraît susciter, il me semble plus sage de lever la séance. (Nouvelles marques d’approbation.)
Mme Nicole Bricq. Je ne suis pas d’accord !
M. le président. Mes chers collègues, je vous signale que nous avons examiné 221 amendements au cours de la journée et de la nuit.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
M. François Pillet, corapporteur. Extraordinaire !
M. le président. Il nous en reste 593 à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 4 mai 2015, à dix heures, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) : examen par priorité des articles 71 à 82 bis, relatifs aux exceptions au repos dominical et en soirée ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 18 avril 2015, à cinq heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART