M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je formulerai la même demande de retrait que Mme la rapporteur.
Tout d’abord, on voit bien, au travers de nos discussions récurrentes sur la fragilité du dispositif ISF-PME, à la suite de la position adoptée par Bruxelles, que nous serons de toute façon collectivement conduits à mener une réflexion sur le traitement des entrepreneurs dans le cadre de l’ISF.
À quoi sert le dispositif ISF-PME aujourd’hui ? Même si on l’a encadré et flexibilisé, il vise à permettre à des entrepreneurs, c’est-à-dire à celles et ceux qui font courir des risques à leur capital, qui créent de la valeur par leur propre travail et celui de leurs salariés, de bénéficier de la règle d’abattement des 75 % à l’ISF. Nous avons préservé un équilibre au terme duquel un investisseur qui ne s’implique pas dans l’entreprise – telle était la réserve que j’ai formulée précédemment – ne peut en bénéficier.
Néanmoins, compte tenu du rapport entre la rémunération du capital et le taux de fiscalité, une révision en profondeur du dispositif ISF-PME, pour cette fameuse raison « bruxelloise », aurait des conséquences désincitatives pour celles et ceux qui entreprennent. Pour être parfaitement clair, je ne parle pas des investisseurs financiers. Il faudra donc revoir tout cela pour éviter d’en arriver, dans le cadre de ce dispositif, à des aberrations.
Monsieur Cadic, l’objet de votre premier amendement est trop large, puisqu’il vise en quelque sorte toutes les détentions d’actions. Ne resteraient soumis à l’ISF que les détenteurs de patrimoine immobilier. Il faut savoir proportion garder !
Il n’en reste pas moins qu’il faudra chercher à améliorer, au-delà du dispositif existant, la situation au regard de l’ISF de ceux qui détiennent un certain niveau de capital dans une entreprise qu’ils ont créée ou dans laquelle ils ont contribué à créer de la valeur.
Nous devons prendre cet engagement commun pour avancer et moderniser cet impôt. Sinon, il aura un effet contreproductif sur le financement de notre économie, qui est, si j’ai bien entendu nos débats depuis hier, un objectif pleinement partagé.
Nous devrons engager une réflexion sur ce sujet pour tirer les conséquences de la notification de Bruxelles quant au dispositif ISF-PME. Je veux le dire, je serai très vigilant pour que les entrepreneurs de notre pays ne soient pas pénalisés lors de la révision des modalités des dispositifs concernés.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur Cadic, je suis d’accord avec vous sur le fond. Il faudra se poser non seulement la question de l’ISF pour les entrepreneurs – M. le ministre l’a dit implicitement –, mais aussi – j’irai plus loin –, celle de l’ISF tout court.
Cette question est déjà dans le débat public ; nous devrons la porter dans cet hémicycle, car, quand on fait des comparaisons internationales, on voit bien que l’ISF participe des problèmes rencontrés par notre pays en termes de compétitivité. Cette question devra être posée à l’évidence. Nous aurons l’occasion, dans les mois qui viennent et à l’occasion d’échéances majeures, de dire que ce sujet doit maintenant être pris à bras-le-corps, non seulement pour les entrepreneurs, mais de façon globale. En effet, l’ISF pousse un certain nombre de nos compatriotes à adopter des logiques d’évitement, voire de déménagement.
La difficulté que nous rencontrons est celle du coût des mesures envisagées, dans ce texte et en année budgétaire. Elles devraient être débattues dans le cadre d’une réforme fiscale globale, car il faut regarder comment équilibrer l’ensemble.
Le coût de la mesure figurant dans l'amendement n° 914 rectifié bis, qui est le plus lourd financièrement, est évalué à 1,5 milliard d’euros. C'est une somme considérable, et qui vaut pour ce seul amendement, même si, je le répète, je souscris totalement à cette proposition sur le fond.
Par ailleurs, Mme la corapporteur l’a très bien dit, nous avons adopté un certain nombre de mesures. On peut toujours en débattre, mais les dispositifs ISF-PME et Madelin vont dans le bon sens, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Cadic, ce dont je vous remercie. Il paraît difficile d’aller plus loin aujourd’hui.
Ensuite, comme Mme la corapporteur l’a souligné, si votre amendement n° 914 rectifié bis était adopté, un investisseur prendrait plus difficilement le risque d’accompagner une PME, surtout en phase d’amorçage. Or tel n’est pas votre souhait, me semble-t-il. L’investisseur irait plus facilement vers les grandes entreprises. Il ne faut pas opposer les petites et les grandes entreprises, mais le risque d’un tel effet pervers doit être pris en compte.
La majorité sénatoriale aura l’occasion de soulever la question de l’ISF. Nous ne le ferons pas à l’occasion de la discussion de ce texte, car cela n’entre pas dans l’équation. L’ISF sera débattu dans un texte strictement budgétaire et financier.
M. le président. Monsieur Cadic, les amendements nos 914 rectifié bis, 918 rectifié bis et 919 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Olivier Cadic. Monsieur le président de la commission, vous évoquez le coût de la mesure que je propose, en l’estimant à 1,5 milliard d’euros. Aujourd'hui, si vous achetez une œuvre d’art, comme un tableau ou une statue, vous pourrez la déduire de votre ISF. En revanche, si vous décidez d’investir dans une entreprise qui va créer de l’emploi, vous ne pourrez pas profiter de cette déduction.
Je vous le dis comme je le pense, cela me heurte ! Notre fiscalité incite plus à acheter des œuvres d’art qu’à investir dans une entreprise qui crée de l’emploi : c'est tout de même quelque peu étrange quand on connaît les problèmes d’emploi de notre pays.
À un moment, il faut faire des choix et déterminer des priorités : mon amendement avait comme objectif de le rappeler. J’aimerais que nous nous posions certaines questions : ne sommes-nous pas finalement en train de créer nous-mêmes les conditions du chômage que nous connaissons ?
Je ferai preuve de pragmatisme et retirerai mes amendements pour ne pas faire durer le débat. Mais, honnêtement, comme beaucoup d’entrepreneurs, je ne comprends pas que des choses qui paraissent évidentes nécessitent des années de discussion, que l’on se réfugie derrière des arguments ou derrière la nécessité de faire valider toute décision par X ou Y. Voilà ce que je tenais à dire.
Comme vous, j’espère que nous allons enfin nous y mettre, mais, sincèrement, les Français ne sont plus patients : ils veulent des résultats maintenant. C’est ce qu’ils attendent de nous. Les textes que nous votons doivent avoir un impact en termes de développement des entreprises et de diminution du chômage.
Avec l’amendement n° 914 rectifié bis, je m’inscrivais dans cette perspective. Je regrette d’avoir à le retirer. Je retire également les deux autres amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 914 rectifié bis, 918 rectifié bis et 919 rectifié bis sont retirés.
L'amendement n° 806, présenté par MM. Genest, Allizard, Baroin, Bignon, Bizet, Bouchet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, MM. Doligé et Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois, Forissier, Fouché et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel et Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le quatrième alinéa de l’article 885 I bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de cession ou donation partielle à un associé de l’engagement collectif, l’exonération n’est pas remise en cause, sous réserve que le cessionnaire ou le donataire s’engage à conserver les titres qu’il a conservés pendant toute la durée de l’engagement collectif. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à mettre fin à une incertitude juridique, née de la réponse apportée le 13 août 2013 à la question du député Alain Moyne-Bressand, concernant les conséquences d’une cession partielle de titres intervenant entre les signataires d’un engagement collectif de conservation Dutreil-ISF en cours de validité.
Le député de l’Isère avait souhaité savoir si, en cas de cession partielle de titres placés sous engagement collectif réalisée par l’un des signataires au profit d’un autre signataire de l’engagement, le cédant conservait bien pour l’avenir l’exonération partielle d’ISF sur les titres conservés.
Le ministre de l’économie et des finances avait répondu que « dès lors qu’un signataire cède un seul de ses titres en cours d’engagement collectif, il perd le bénéfice de l’exonération partielle d’ISF, au titre de l’année en cours ainsi qu’au titre des années précédentes pour lesquelles l’exonération s’est appliquée, et cela pour la totalité des titres détenus inclus dans le pacte, y compris donc pour les titres qu’il a conservés ».
Ainsi, selon cette interprétation, toute cession partielle de titres entre signataires d’un engagement collectif de conservation ISF entraînerait pour le cédant une remise en cause du bénéfice de l’exonération partielle, tant pour les titres cédés que pour ceux qu’il a conservés.
La précision apportée paraît très contestable et directement contraire à la lettre de l’article du code général des impôts, qui autorise expressément les cessions entre signataires : « Les associés de l’engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l’engagement ».
En effet, une cession expressément autorisée par les textes ne devrait pas être susceptible d’emporter la déchéance du bénéfice de l’exonération partielle d’ISF pour le cédant. Cette réponse apparaît également en totale contradiction avec la doctrine administrative actuelle, qui ne vise comme cause de déchéance que la cession à des tiers à l’engagement collectif.
La sécurité fiscale étant une condition sine qua non du développement économique et de la pérennité des entreprises familiales, le présent amendement vise à revenir sur cette interprétation en clarifiant les dispositions concernées du code général des impôts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mme Lamure a bien expliqué l’objet de cet amendement. La réponse ministérielle qu’elle a évoquée remet en cause un élément de souplesse qu’offre le dispositif Dutreil.
C’est pourquoi la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais clarifier cette position importante, qui est, cela a été dit, de nature doctrinale.
Aux termes de cet amendement, en cas de cession ou de donation partielle à un autre associé partie à l’engagement collectif, l’exonération d’ISF ne serait pas remise en cause pour l’associé qui cède ou donne une partie de ses titres, sous réserve que le cessionnaire ou le donataire s’engage à conserver les titres pendant toute la durée de l’engagement collectif.
On le voit bien, il est ici question de l’articulation entre l’engagement individuel et l’engagement collectif dans le cadre du dispositif Dutreil.
La réponse ministérielle dite « Moyne-Bressand » a précisé les conséquences d’une cession partielle de titres en cours d’engagement collectif. L’exonération d’ISF à hauteur de 75 % des titres placés dans le cadre du dispositif Dutreil est acquise au terme d’un délai de conservation de six ans. Cette mesure est logique, puisque le dispositif a pour objet de garantir la pérennité des entreprises et de permettre à des entrepreneurs, comme à leur succession, de conserver l’outil productif ; elle repose sur des critères de participation à la vie de l’entreprise et à sa direction.
C'est la loi qui a prévu ce long engagement de conservation, assorti d’un avantage d’assiette important, pour stabiliser le capital autour d’un noyau dur d’actionnaires.
Pendant cette période, on parle d’un avantage fiscal global, apprécié au regard du respect d’un engagement qui, lui aussi, est global. Au-delà de cette période, les critères du respect de l’engagement s’apprécient sur une base annuelle.
Il y a donc la période intangible des six ans, puis, chaque année, ce dispositif devenu continu. La période d’engagement de six ans se découpe, vous le savez, en une période d’engagement dit « collectif » d’au moins deux ans et une période d’engagement dit « individuel » de quatre ans a priori.
Ce n’est qu’à la lumière de ces éléments précis qu’il est possible de comprendre la réponse ministérielle que j'évoquais et qui est le sous-jacent de votre question.
En effet, cette réponse ministérielle prévoit que la cession des titres sous pacte par l’un des signataires à un autre signataire n’emporte pas de conséquence sur les autres signataires dudit pacte, ce qui me paraît tout à fait normal. En revanche, elle rappelle que, au niveau individuel, l’avantage tiré des 75 % d’assiette de l’ISF n’est quant à lui acquis qu’au bout de six ans, décomposés dans les deux périodes d’engagement que je viens d’évoquer : quatre ans pour l’engagement collectif et deux ans pour l’engagement individuel.
Dès lors, un contribuable qui céderait une partie de ses titres en cours d’engagement collectif, même à d’autres signataires du pacte, romprait pour lui-même l’engagement qu’il a pris initialement. Et c’est de cette manière, précisément, que sont articulées les deux périodes d’engagement du dispositif dit « Dutreil ».
Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à un amendement qui tend à remettre en cause l’équilibre garanti par le dispositif actuel, qui repose sur un engagement long en échange d’un avantage significatif.
Plus généralement, le débat sur l’ISF, qui s’est cristallisé dès l’année 2012, a conduit à une réforme profonde, avec des équilibres sur lesquels je ne reviendrai pas.
À mes yeux, le débat que nous avons tenu précédemment et que vos amendements ont permis d’éclairer ouvre une réflexion. Toutefois, la clarté du dispositif Dutreil, son caractère pérenne et la clarté apportée par la réponse ministérielle dont je viens, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler devant vous les termes, doivent être confortés. Le sujet est à mon sens plus large et s’inscrit dans la ligne de la discussion que nous venons d’avoir.
J’estime qu’il n’y a pas lieu, à ce stade, de rouvrir cette question, car nous serions alors susceptibles de déstabiliser l’articulation entre l’engagement collectif et l’engagement individuel, tel qu’il existe dans le cadre du dispositif Dutreil. Partant, nous risquerions de créer alors de l’instabilité normative, voire du contentieux.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 806 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Il est vrai que les éléments dont nous discutons sont très techniques.
Pour ma part, j’ai bien compris qu’il ne s’agissait pas de remettre en cause les éléments du pacte Dutreil. J’ai bien noté que l’exonération, dans ce cas, n’était pas discutée : tel était, précisément, le point qui m’importait.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 806 est retiré.
L'amendement n° 1725, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 35 ter B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts est complété par un 4 ainsi rédigé :
« 4. Les frais et commissions imputés par les sociétés mentionnées au premier alinéa du 3 ou par les sociétés et les personnes physiques exerçant une activité de conseil ou de gestion au titre des versements mentionnés aux 1, 2 ou 3 ne peuvent être pris en charge, directement ou indirectement, par les sociétés bénéficiaires de ces versements.
« Les sociétés et les personnes physiques mentionnées au premier alinéa du présent 4 ne peuvent faire appel, pour la réalisation de prestations de service au profit des sociétés bénéficiaires des versements mentionnés aux 1, 2 ou 3, à des personnes physiques ou morales qui leur sont liées au sens des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-10 du code de commerce.
« Sans préjudice des sanctions que l’Autorité des marchés financiers peut prononcer, tout manquement à ces interdictions est passible d’une amende dont le montant ne peut excéder cinq fois les frais indûment perçus. »
II. - Le I s'applique aux versements effectués après le 1er juillet 2015.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le présent amendement vise à mettre fin à un usage, pratiqué par certains intermédiaires, qui consiste à facturer des frais considérables aux PME éligibles à la réduction d’impôt prévue par le dispositif ISF-PME, afin de réduire artificiellement les frais directement imputés aux investisseurs.
Sous certaines conditions, les souscriptions peuvent être faites de manière indirecte via une société holding. Toutefois, même dans le cas des souscriptions directes, l’investissement mobilise souvent des intermédiaires par le biais d’un mandat de conseil ou de gestion. Or l’étude de l’offre commerciale de nombreux intermédiaires conduit à deux constats.
Premièrement, le niveau des frais de souscription, de gestion et de fonctionnement facturés par ces intermédiaires est particulièrement élevé. D’après le rapport de l’Inspection générale des finances, ces frais représentent en moyenne 38 % des montants investis !
Mme Nicole Bricq. C’est scandaleux !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Deuxièmement, une nouvelle pratique consistant à mettre une part substantielle des frais à la charge des PME se développe. Cette pratique concerne tant les sociétés de gestion et de conseil que les holdings, qui sont souvent liées par contrat à des sociétés de conseil. Une telle évolution conduit à un biais de sélection, qui est susceptible de réduire fortement l’efficacité de cette réduction d’impôt, puisque seules des PME en grande difficulté financière sont susceptibles de payer de tels frais : elles doivent tout simplement assurer leur survie.
Par ailleurs, ce mode de facturation vise à tromper les investisseurs, afin de masquer l’effet de captation de l’avantage fiscal. Les frais imputés au client sont artificiellement réduits. Néanmoins, à moyen terme, les frais imputés aux PME se traduiront de facto par une moindre rentabilité des investissements de leurs clients.
Par conséquent, le présent amendement vise à interdire aux sociétés exerçant une activité de conseil ou de gestion au titre des versements bénéficiant de l’avantage fiscal aménagé par le dispositif ISF-PME de mettre une partie de leurs frais à la charge des PME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. L’examen de cet amendement me permet d’apporter quelques remarques relatives au dispositif dit « ISF-PME ». J’ai voulu prendre la parole, précédemment, à deux reprises, mais, par manque de chance, les amendements concernés ont été retirés et je n’ai pas pu intervenir.
Je suis globalement d’accord avec l’exposé général que M. le ministre vient de consacrer à cette grave question : la difficulté d’orienter l’épargne populaire vers l’économie et les entreprises.
Monsieur le ministre, je suis également d’accord avec vous au sujet de la modification du pacte Dutreil. En effet, au fond, lorsqu’une personne se retire, aucune raison ne justifie qu’elle continue à bénéficier des avantages prévus par ledit pacte.
Vous semblez très ouvert s'agissant de l’ISF-PME et du financement du haut de bilan de nos PME. À cet égard, permettez-moi d’attirer votre attention sur ce point, dans la perspective d’un travail éventuel consacré à la situation des PME familiales.
En effet, certaines PME sont administrées par plusieurs associés appartenant à une même famille. Il arrive que ces derniers soient tout à fait prêts, notamment lors de la succession et de la transmission de ladite entreprise, à conserver leurs parts de capital, sans pour autant souhaiter entrer dans le périmètre et dans la logique de dispositifs très contraignants.
Pour revenir au parallèle tracé tout à l’heure avec les œuvres d’art, je ne dis pas qu’il faille assujettir à nouveau les œuvres d’art à l’ISF : en effet, on ne fera pas le bonheur des uns en faisant le malheur des autres. Il convient plutôt d’apporter des solutions adaptées aux différentes situations.
Si nous pouvions permettre, pour les PME familiales, sans contrainte particulière, aux associés familiaux n’exerçant pas de mission de gestion, de bénéficier du dispositif ISF-PME, la situation serait meilleure. En effet, il s’agit de l’ISF, mais pour bénéficier de ce dispositif, la question du mandat se pose tout de même.
Imaginons que, au sein d’une entreprise donnée, une personne, sans détenir de mandat de gestion, est associée au capital à hauteur de 60 %, tandis que le gérant détient le reste du capital. Contrairement à ce dernier, elle va voir ses parts de capital assujetties à l’ISF dès lors qu’elle ne travaille pas au sein de la société considérée et qu’elle ne répond pas aux critères d’application du dispositif dit « Dutreil », car il ne s’agit plus d’un bien professionnel, mais d’un bien privé. Il serait bon, par conséquent et a minima, que la personne placée dans la situation que je viens de décrire bénéficie du même avantage que si elle investissait son argent dans des œuvres d’art.
Voilà un objectif qui me paraît logique et atteignable. En tout cas, je tenais à attirer votre attention sur ce point, parce que le financement de nos PME présente des difficultés. Lorsqu’il y a trois ou quatre frères et sœurs qui administrent une entreprise et que seulement l’un d’entre eux en est le gérant, il ou elle bénéficie de l’exonération prévue par le dispositif ISF-PME, mais ses frères et sœurs, qui maintiennent pourtant leurs parts de capitaux au sein de l’entreprise familiale, parce qu’ils en ont hérité au bout de trois générations, doivent s’acquitter du paiement de l’ISF.
En outre, dans les entreprises qui présentent un taux de rentabilité nul ou proche de zéro et dont l’activité ne donne par conséquent lieu à aucune distribution de dividendes à la fin de l’année, ces associés devront payer sur des capitaux dormants, qui financent le maintien des emplois.
Monsieur le ministre, je tenais donc à attirer vivement votre attention sur ce point, car vous m’avez semblé tout à l’heure très ouvert pour engager une telle démarche. Pour le reste, je suis assez d’accord avec les propos que vous avez tenus.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35 ter B.
Article 35 ter C (nouveau)
I. – Aux premier et second alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 undecies C », est insérée la référence : « , 199 terdecies-0 A ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 561 rectifié quater est présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Lalande, Patient, Chiron, Yung, Botrel, Raynal, Vincent, Raoul, Boulard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Pierre Laurent. Au fond, nous poursuivons la même discussion, puisque, à l’instar du dispositif ISF-PME, le dispositif dit « Madelin » se révèle à nos yeux largement surdimensionné au regard de son efficacité.
Les fonds levés sous l’empire des dispositifs concernés s’élèvent à près de 700 millions d’euros au titre de l’année 2013, auxquels s’ajoutent des investissements, à hauteur de plus de 800 millions d’euros, dont l’imputation a été reportée, le tout étant réalisé par un nombre de souscripteurs très faible.
Au cours de l’année 2012, d’après les données fournies par l’administration fiscale – la situation a peut-être quelque peu évolué depuis lors –, quelque 47 000 foyers fiscaux, soit un peu plus d’un millième des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, ont versé un peu plus de 586 millions d’euros au capital de sociétés naissantes ou en expansion primaire, ce qui situe le montant moyen de versement à 12 475 euros par participant et l’avantage fiscal moyen à 2 245 euros. Autant dire que, de manière générale, le dispositif dit « Madelin » n’est pas d’une efficience optimale et qu’il est loin de répondre à l’attente des entreprises en matière d’apport de fonds propres.
Pour notre part – il s’agit d’un vieux débat –, nous sommes favorables à la disparition pure et simple du dispositif dit « Madelin ».
L’État, à plus forte raison dans un contexte de tension budgétaire affirmée, serait mieux inspiré s’il évitait de préserver un dispositif coûteux et dont l’évaluation est hasardeuse. Et ce n’est ni le changement de quotité de ce dispositif ni l’augmentation de son taux de remboursement qui changera fondamentalement la situation du financement des PME dans notre pays.
En revanche, ces mesures produiront un effet d’aubaine au bénéfice de quelques investisseurs fortunés. Ces derniers ne pourront que se féliciter de ce que des parlementaires pensent à eux et à leurs problèmes de fins de mois difficiles. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
J’ajouterai, en complément à ce qui vient d’être dit, deux éléments au sujet de l’ISF.
J’entends de nouveau toutes les plaintes suscitées par cet impôt, dans un contexte général d’injustice fiscale, dont tous les chiffres montrent qu’il évolue de manière extrêmement préoccupante. J’entends bien que certains nous proposent tout à la fois de multiplier les niches fiscales, de supprimer des recettes fiscales, comme celles tirées de l’ISF, et de supprimer des dépenses publiques plus fortement encore qu’aujourd’hui. Si l’on suivait l’ensemble de ces propositions, nous aboutirions à un véritable désastre pour l’économie nationale, contrairement à ce qui nous est dit.
Par ailleurs, s’agissant de la façon d’assurer durablement le financement de l’investissement productif, j’ai entendu ce qui a été dit tout à l’heure à propos de notre désaccord au sujet du secteur bancaire.
Certains considèrent que le secteur bancaire n’a absolument pas à s’occuper de cette question. Or je ne vois pas très bien, au regard du fonctionnement général de l’économie, où nous mènera une telle position ! Ou alors il faut m’expliquer pourquoi, par exemple, la BCE réinjecte 1 140 milliards d’euros dans le financement de l’économie européenne. S’il n’est pas utilisé au service des économies européennes, où va cet argent ? Il s’agit d’ailleurs d’une question pertinente, que nous devrions par conséquent nous poser : où va l’argent actuellement réinjecté dans le système bancaire et financier par la Banque centrale européenne ?