M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons débattu de cette question lors de l’examen des amendements identiques nos 753 et 878. De surcroît, et contrairement à ces deux derniers, la rédaction de cet amendement soulève quelques problèmes.
La commission spéciale sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 851 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Il est toujours quelque peu désagréable de s’entendre dire que la rédaction de l’amendement que l’on vient de défendre soulève de nombreux problèmes.
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Vous allez l’entendre pendant six ans !
M. Olivier Cadic. C’est une manière de dire que le travail qui a été fait n’est pas tout à fait abouti. À l’école, on dit : « Peut mieux faire »,…
M. François Pillet, corapporteur. Au Sénat, c’est pareil !
M. Olivier Cadic. … ce qui permet d’éviter tout commentaire sur le fond. Permettez-moi de dire les choses en toute franchise.
Le présent projet de loi, c’est ainsi que je l’ai compris, a pour objectif de libérer la croissance et d’ôter des carcans. Eh bien, voilà un exemple de blocage !
Comment comprendre qu’on puisse empêcher de réemployer ses fonds un investisseur qui a pris part à une aventure, qui a pris un risque financier et qui, quelle qu’en soit la raison, cède ses titres ?
Je retire donc cet amendement, monsieur le président, mais c’est à regret.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, je vais m’employer à vous expliquer pourquoi le Gouvernement s’associait à la demande de retrait de la commission spéciale.
Vous avez défendu votre amendement avec enthousiasme et je salue votre volonté d’aider les entreprises. Vous proposez de modifier la loi pour tendre vers une plus grande flexibilité du capital. Or j’attire votre attention sur le fait que ces règles sont souvent source de contentieux et que leur modification est génératrice d’instabilité. De fait, le remède peut être pire que le mal.
C’est ce qui explique la prudence entourant le recours aux dispositifs du type ISF-PME, qui sont instables au regard du droit communautaire ; nous sommes d’ailleurs actuellement en discussion avec la Commission – cela aurait dû être fait depuis des années – à ce sujet.
Il ne m’appartient pas de juger de votre travail, monsieur le sénateur, et je crois pouvoir dire que tel n’était pas non plus le propos de Mme la corapporteur. Toutefois, compte tenu des risques potentiels, il convient de faire preuve d’une grande prudence, afin d’éviter des contentieux qui nuiraient aux entreprises.
Sur le fond, pourquoi étais-je réservé à l’égard de cet amendement ?
Tout d’abord, il était en partie satisfait. En effet, la loi et la doctrine administrative prévoient d’ores et déjà plusieurs cas de non-remise en cause de la réduction d’impôt, parmi lesquels les fusions, les scissions, les liquidations judiciaires. À cet égard, je vous confirme que, dans ces situations, lorsqu’elles se présentent, ni l’avantage Madelin ni l’avantage ISF-PME ne sont remis en cause. Des ambiguïtés ont pu subsister, qui expliquent que des entreprises ou des investisseurs vous aient saisi, mais, je le répète, celles-ci ont été levées à la fois par la jurisprudence et par la doctrine fiscale.
Ensuite, l’amendement adopté par la commission spéciale tend à légaliser plusieurs exceptions doctrinales et à étendre au dispositif Madelin l’absence de remise en cause en cas de cession forcée par un détenteur parti à un pacte d’actionnaires. C’est là une avancée importante, qui répond à votre préoccupation.
Enfin, vous proposiez d’étendre les cas dans lesquels le contribuable peut céder, sous condition de réemploi, les titres reçus à la suite de son investissement en ouvrant cette possibilité, quel que soit le motif de la cession.
Sur ce point, je suis plus réservé : l’actionnaire qui est parti à un pacte d’actionnaires, en vertu duquel il était obligé de céder ses titres, conserve le bénéfice des avantages fiscaux s’il réemploie dans des sociétés éligibles le prix de cession diminué des impositions dues sur la plus-value de cession. Cette mesure permet d’éviter la remise en cause d’un avantage fiscal dans des situations subies par le contribuable. La cession forcée peut être prévue par le pacte, notamment dans le cas d’une solidarité avec un autre actionnaire qui a décidé de vendre au même moment. C’est le principe du tag along right et du drag along right, que vous devez connaître, puisque vous fréquentez les investisseurs britanniques.
La possibilité que vous vouliez offrir au contribuable de céder ses titres pour n’importe quel motif aurait privé d’effet la condition de conservation des titres, qui est consubstantielle à l’avantage fiscal et en est la contrepartie.
Le risque inhérent à cette logique, c’est de remettre en cause en cascade tout le dispositif. Votre proposition, si elle avait été adoptée, aurait encouragé des arbitrages de court terme en fonction des performances ponctuelles de la société au capital de laquelle le contribuable souscrit, ce qui n’est pas toujours dans l’intérêt de l’entreprise soutenue.
L’aide publique, dans le cas tant de l’ISF-PME que de la réduction d’impôt Madelin, ne se justifie que pour soutenir des investisseurs qui prennent des risques sur le long terme. C’est ce qui a toujours sous-tendu ces deux dispositifs, qui s’inscrivent donc bien dans une logique productive. Par conséquent, il n’y a pas lieu de mobiliser ces aides pour soutenir des investissements de portefeuille de court terme. Or lever la condition de détention des titres pendant cinq ans ferait courir ce risque.
Pour conclure, je comprends ce qui a motivé le dépôt de cet amendement, mais je veux vous dire que nous avons amélioré la situation. Plus largement, ce dispositif est plutôt favorable aux détentions de moyen et de long terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement était lui aussi favorable au retrait de cet amendement, auquel je vous remercie d’avoir procédé.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je souscris aux propos de M. le ministre.
Monsieur Cadic, quand j’ai dit que la rédaction de votre amendement soulevait des problèmes, je ne critiquais pas le fond de votre amendement ni votre travail ; je voulais simplement souligner que son adoption aurait pu faire naître des situations contentieuses.
Autant que faire se peut, et même si nous n’y parvenons pas toujours, faisons en sorte d’adopter des textes de loi exempts de difficultés rédactionnelles !
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 ter A.
(L'article 35 ter A est adopté.)
Article 35 ter B (nouveau)
I. – À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le montant : « 45 000 € » est remplacé par le montant : « 90 000 € ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par Mmes Assassi et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 560 rectifié quater est présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Lalande, Patient, Chiron, Yung, Botrel, Raynal, Vincent, Raoul, Boulard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 33.
M. Pierre Laurent. Au travers de cet amendement, nous entendons supprimer cet article, qui a pour objet de doubler le plafond de la réduction d’impôt ISF-PME, pour le porter à 90 000 euros. Cette mesure, selon nous, n’est absolument pas nécessaire et soulève de surcroît des problèmes d’équilibre et de justice fiscale. En outre, je rappelle que ce dispositif fiscal fait l’objet de discussions entre la France et les instances européennes.
Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune est déjà bridé par un certain nombre de niches fiscales, dont le coût se révèle important et l’efficacité extrêmement limitée.
Nous connaissons les chiffres : 47 098 contribuables ont effectué des apports en direction de PME, pour un coût fiscal de 468 millions d’euros, soit près de 10 % du produit de l’ISF.
Parmi les contribuables assujettis à l’ISF de la première tranche du tarif, on trouve quelque 30 305 contribuables financeurs, qui ont apporté 330,4 millions d’euros au capital des PME. Seulement 30 % d’entre eux, soit 9 155 personnes, ont réalisé un apport direct au capital d’une PME, d’un montant moyen de 14 225 euros. Pour ceux qui ont opté pour l’apport à une holding, le versement moyen est de 15 400 euros.
L’apport aux fonds d’investissement de proximité conduit à un versement moyen de 9 100 euros environ ; le versement moyen par le truchement des FCPI est de 8 850 euros.
Quel que soit le type de versement ou de véhicule utilisé, nous sommes fort loin du plafond de versement du dispositif ISF-PME. Il n’y a donc aucune raison de suivre la commission spéciale dans sa décision de doubler ce plafond.
En vérité, on se demande ce qui a pu motiver l’adoption de cet article additionnel. Peut-être offrir aux quelques centaines de contribuables concernés un rendement financier supplémentaire à travers une niche fiscale renforcée, même si cette mesure n’est d’aucune efficacité pour l’investissement réel dans les PME ?
En tout cas, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour présenter l'amendement n° 560 rectifié quater.
M. Marc Daunis. Cet article vise à doubler le plafond de la réduction d’impôt liée au dispositif dit « ISF-PME », en le passant à 90 000 euros, contre 45 000 euros actuellement, avec un coût pour les finances publiques de près de 100 millions d’euros.
Cette mesure ne nous paraît pas pertinente, a fortiori pour un dispositif qui donne aujourd’hui entière satisfaction. En doublant le plafond de l’avantage fiscal, nous risquerions de dévoyer son objet initial et de le transformer quasiment en un pur instrument d’optimisation fiscale.
L’encouragement au doublement de ce plafond par la commission spéciale m’étonne quelque peu, car celle-ci souhaitait, elle l’a encore rappelé tout à l’heure, que ce dispositif soit stabilisé.
En outre, s’agissant de l’enjeu principal, à savoir la restauration de l’attractivité économique du pays, les réductions d’impôts peuvent-elles constituer le seul moyen permettant de favoriser le financement en fonds propres des entreprises ?
Dans le présent texte, le choix d’une palette large, diversifiée, au service du développement et du renforcement de nos entreprises, notamment de nos PME et de nos entreprises de taille intermédiaire innovantes, s’accompagne des dispositifs appropriés.
En outre, nous avons décidé d’actionner toute une panoplie d’outils cohérents. À cet égard, M. le ministre a rappelé hier que Bpifrance fonctionne désormais à plein régime. Il a d’ailleurs annoncé le 8 avril dernier que le montant des prêts devrait passer, pour la période de 2015 à 2017, de 5,9 milliards à 8 milliards d’euros.
Ce texte comporte également des instruments tels que les business angels, le crowdfunding et le capital-risque via la « société de libre partenariat », autant d’outils qui nous apparaissent bien plus cohérents.
Pour conclure, je formulerai deux remarques.
Sur le fond, et je m’adresse à mes collègues de l’UMP, augmenter le poids des niches fiscales ne peut pas tenir lieu de politique, surtout quand on ne cesse d’annoncer 100, 120 ou 130 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique ! Cette incohérence, rappelée d’ailleurs par le Premier ministre lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, est difficilement compréhensible.
De plus, permettez-moi de signaler, à propos de cette niche de l’ISF-PME, que c’est vous-mêmes qui, en 2011, avez ramené le plafond de l’avantage fiscal de 50 000 euros à 45 000 euros.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Contrairement à ce que vous affirmez, chers collègues, le dispositif actuel n’est pas stabilisé, puisqu’il est en cours de refonte, je le redis, afin de le rendre compatible avec le nouveau règlement général d’exemption de la Commission européenne et les lignes directrices qui le complètent.
La principale difficulté aujourd’hui est que le nouveau régime prévoit un ciblage des sociétés beaucoup plus restrictif que le dispositif actuel. Notre volonté de doubler le plafond de l’avantage fiscal au travers de l’article 35 ter B vise à envoyer une sorte de signal. En effet, le ciblage plus restrictif que pourrait exiger la Commission européenne dans le cadre de la négociation en cours ne doit pas se traduire, dans la mesure où nous avons déjà pris du retard, par une baisse de l’investissement dans les PME.
Pour 2015, le coût de cette mesure est nul, puisque nous avons prévu son entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Pour les années suivantes, le dispositif sera, je l’espère, refondu à cette date et le ciblage restreint.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Ces objectifs sont aujourd’hui, je le répète, en voie de stabilisation, puisque nous avons trouvé un équilibre destiné à garantir leur efficacité en apportant des aménagements, ce qui a été fait dans les articles précédents.
Au demeurant, ces ajustements ne sauraient compenser la totalité de la politique de financement en fonds propres des entreprises. En tout cas, le doublement envisagé du plafond de l’avantage fiscal contreviendrait à l’engagement pris par le Gouvernement de ne pas revoir en profondeur ces dispositifs tant que la négociation avec la Commission européenne n’est pas stabilisée.
En outre, aujourd’hui, le financement en fonds propres de nos entreprises est un véritable enjeu, qui va bien au-delà de cette discussion.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je pense à tous les dispositifs portés dans ce texte, mais aussi à la mobilisation des intermédiaires financiers, banques ou assureurs, car la réouverture d’une partie du système soumis à la régulation financière a pénalisé le financement de l’économie au niveau européen.
À cet égard, je citerai, parmi d’autres, le véhicule Novi conçu par la Caisse des dépôts et consignations afin de remobiliser les investisseurs institutionnels dans le financement en fonds propres de nos entreprises. Ce dernier ne dépasse pas les 20 % – n’oublions jamais ce chiffre – et vient s’ajouter au niveau encore trop bas et insuffisant de leurs marges.
Tous ces dispositifs sont importants, mais la réponse ne saurait être apportée par un doublement du plafond, tel qu’il est envisagé par la commission. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne dois pas être assez intelligente – mes collègues de l’UMP et de l’UDI-UC seront satisfaits ! –, car je ne comprends pas votre raisonnement, madame la corapporteur. Vous avez utilisé deux arguments pour vous opposer aux amendements du groupe CRC : la stabilité interne de nos dispositifs fiscaux et l’existence d’une procédure contentieuse européenne à l’encontre du dispositif.
Le premier argument ne tient pas, car l’augmentation du plafond créera de l’instabilité. Quant à l’amendement porté tout à l’heure par M. Cadic, il vise non pas à doubler le plafond, mais à le multiplier par dix !
Second argument, vous préjugez de la décision de la Commission européenne, en prévoyant, en contrepartie de l’obligation d’être plus restrictif, de doubler le plafond de la réduction d’impôt. Or, dans la mesure où une négociation est en cours avec le gouvernement français, il ne faut pas anticiper un résultat aussi négatif, alors que la décision n’est pas prise.
Je soutiens donc ces deux amendements identiques tendant à la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Nous aboutissons tous, sur l’ensemble de ces travées, au même constat : nos structures industrielles, principalement dans le secteur des ETI, et pas uniquement des PME, rencontrent des difficultés. Certes, la compétitivité des grandes entreprises du CAC 40 s’améliore, mais c’est l’arbre qui cache la forêt, car notre faiblesse se manifeste dans les entreprises intermédiaires, les grosses PME : leurs besoins de croissance sont importants, qui requièrent des capitaux relativement élevés.
Aujourd’hui, lorsque vous élaborez un plan de développement, vous vous appuyez sur la BPI et le secteur bancaire, bien sûr, mais lorsque vous empruntez des capitaux, ces organismes financiers exigent un certain équilibre entre fonds propres et fonds d’emprunts. À ce propos, il faut bien reconnaître que la faiblesse des fonds propres dans les entreprises, PME et ETI, a probablement représenté un frein au développement de ces structures.
Flécher l’ISF de manière un peu plus importante pour financer durablement le capital des entreprises me paraît judicieux. Il serait curieux que la Commission européenne porte une appréciation négative sur un dispositif relatif à un impôt inexistant dans certains pays européens. Cette position serait à mes yeux paradoxale et injuste. Il serait plus opportun d’encourager ce dispositif dans des proportions raisonnables.
Je vous le rappelle, dans le secteur industriel requérant des investissements lourds, une grosse PME dont le chiffre d’affaires avoisine les 10 à 15 millions d’euros et qui compte une centaine de salariés devrait disposer d’au moins 1 million d’euros de fonds propres. Sinon, elle ne pourra pas suivre ses plans d’investissements et injecter les milliers d’euros nécessaires pour atteindre 1,2 million ou 1,5 million d’euros.
Or c’est par dizaine de milliers d’euros que les capitaux doivent être placés dans les fonds propres de ces structures industrielles. Les dérives que l’on a pu constater se sont produites dans des sociétés où les besoins d’investissement sont moindres.
Par conséquent, cette disposition introduite par la commission est bénéfique pour renforcer les structures financières des entreprises désirant investir.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je suis étonné de l’argumentation de Mme la corapporteur.
Pour anticiper le dispositif, on prend la voie prétendument la plus efficace. Nous contestons totalement cette assertion, car je ne vois pas en quoi le doublement du plafond de la réduction d’impôt représentera un réel encouragement pour la plupart des cas auxquels nous sommes confrontés. Nous ne disposons d’aucune preuve à ce sujet. Nous risquons uniquement, en contournant ainsi l’anticipation de la discussion avec la Commission européenne, de renforcer dans le dispositif la part de l’optimisation fiscale, au détriment du soutien réel à l’investissement.
Par conséquent, nous rejetons cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 560 rectifié quater.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 151 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 191 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1721, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I le montant : « 45 000 euros » est remplacé par le montant : « 90 000 euros » ;
2° Au 2 du III, le montant : « 18 000 euros» et le montant : « 45 000 euros » sont remplacés par le montant : « 90 000 euros » ;
3° Au quatrième alinéa du V, le montant : « 45 000 euros » est remplacé par le montant : « 90 000 euros ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Voilà encore un sujet qui fâche… (Sourires.)
Mes chers collègues, cet amendement vise à étendre le doublement du dispositif ISF-PME, adopté par la commission spéciale, aux fonds d’investissement éligibles.
Cette réduction d’impôt, prévue à l’article 885-0 V bis du code général des impôts, s’applique, sous certaines conditions, aux versements effectués au titre de la souscription de parts des fonds d’investissement de proximité, les FIP, et des fonds communs de placement dans l’innovation, les FCPI.
Comme pour un investissement direct, l’avantage fiscal équivaut à 50 % des montants versés au titre de la souscription, à proportion des sommes investies dans le fonds au sein de PME éligibles. Toutefois, la réduction d’impôt est actuellement plafonnée à 18 000 euros, contre 45 000 euros pour les investissements indirects – nous venons d’évoquer ce second seuil.
Cette différence entre les souscriptions directes et indirectes s’explique historiquement par la volonté d’encourager les investisseurs indirects, dont le rôle ne se limite pas au strict financement de l’entreprise. Or, aujourd’hui, cette distinction ne semble plus justifiée. En effet, les souscriptions directes sont souvent réalisées via un mandat de gestion ou de conseil. En pareil cas, l’intermédiaire procède aux investissements pour le compte de l’investisseur, ou lui permet de bénéficier d’une sélection de PME.
Par conséquent, le présent amendement vise à étendre le nouveau plafond du dispositif ISF-PME aux souscriptions de parts de FIP et de FCPI, afin de garantir une neutralité fiscale entre les différents véhicules, fonds, holding et gestion sous mandat, permettant d’investir au sein de sociétés éligibles à cette aide. Conformément au plafond voté par la Haute Assemblée, la somme des différents avantages sera ainsi limitée à 90 000 euros.
M. le président. L'amendement n° 920 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le montant :
90 000 euros
par le montant :
500 000 euros
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Ces dispositions vont dans le sens indiqué par la commission spéciale. À cet égard, je me félicite que l’on se montre enfin prêt à ouvrir un tant soit peu les vannes, en envisageant d’adopter une mesure fiscale !
Madame la corapporteur, vous l’avez compris, cet amendement tend à aller un peu plus loin que votre proposition de doublement du plafond.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Olivier Cadic. Il s’agirait de multiplier le montant des aides considérées par dix environ, en portant ce plafond de 45 000 euros à 500 000 euros. Pourquoi ? Pour nous aligner sur le dispositif britannique baptisé EIS, Enterprise investment scheme, qui a fait ses preuves. Cet outil, qui encourage l’investissement dans de petites entreprises, offre un allégement fiscal de 30 % dans une limite annuelle d’investissement, pour les personnes physiques, de 1 million de livres sterling, soit 450 000 euros.
Mes chers collègues, permettez-moi d’insister : dans ce domaine, nous devons devenir fiscalement compétitifs vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Cet ajustement le permet.
Bien entendu, je soutiens la commission spéciale dans sa démarche. Néanmoins, chacun doit prendre conscience des avantages dont disposent, en la matière, les investisseurs outre-Manche.
M. Marc Daunis. Ah !
M. Olivier Cadic. J’entends M. Daunis s’exclamer. Mais, je le répète, les enjeux sont de taille !
Voilà quelques mois, s’est achevé un concours destiné à récompenser les entreprises françaises qui se développent au Royaume-Uni. Une firme spécialisée du secteur de l’internet a remporté le premier prix. Que nous disaient ses représentants pas plus tard qu’hier au soir ? Voilà quatre mois que la maison-mère de cette société tente de lever des fonds en France, sans succès ! Outre-Manche, le principal concurrent britannique de cette firme a levé de l’argent en une semaine...
M. Pierre Laurent. Et la responsabilité des banques françaises ?
M. Olivier Cadic. Que va-t-il se passer ? À terme, cette société française sera rachetée par son concurrent, qui se sera développé beaucoup plus vite qu’elle. Voilà la réalité !
Notre seul but, c’est de dynamiser notre économie pour assurer la compétitivité de nos entreprises. Tel est l’esprit de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Cadic, j’entends tout à fait vos propos et je souscris à nombre des constats que vous dressez : les dispositions suggérées par la commission spéciale peuvent sembler un peu frileuses. Si la décision n’avait tenu qu’à moi, j’aurais poussé plus loin cette avancée.
Toutefois, la commission spéciale a privilégié un dispositif plus mesuré. Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La proposition de Mme la corapporteur est en cohérence avec les dispositions votées par la commission spéciale : il s’agit d’étendre le dispositif ISF-PME, élaboré par ses soins, à d’autres outils d’investissement. J’étais favorable à la suppression du dispositif initial rehaussant le plafond de réduction d’impôt.
Par cohérence, je ne puis qu’être défavorable à l’amendement n° 1721. Et en toute logique, j’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 920 rectifié bis.
Monsieur Cadic, nous ne manquerons pas d’examiner de près le système dont disposent, à ce titre, nos voisins britanniques. Toutefois, j’émets d’emblée une réserve à ce sujet. Les deux dispositifs sont difficilement comparables, et ce pour une raison qui n’aura échappé à personne : à proprement parler, l’ISF n’existe pas outre-Manche. Le dispositif britannique se fonde sur l’imposition des revenus les plus élevés. Aussi, comment cet avantage fiscal, qui porte, en France, sur cet impôt, pourrait-il faire l’objet de telles comparaisons ?
Nous n’en devons pas moins continuer à concentrer nos efforts vers ce but : la mobilisation de l’épargne financière vers le capital productif.
À cet égard, plusieurs pistes existent, dont la Haute Assemblée a commencé à débattre hier. À mon sens, notre pays doit relancer avec beaucoup plus d’énergie l’actionnariat salarié et l’épargne sociale – nous reviendrons sur cette question dans quelques instants. C’est la mère des batailles !
Il est essentiel que le Sénat se saisisse de cette question, qui, au demeurant, est de nature à dépasser les clivages partisans : la mobilisation de l’épargne financière des Français et, au premier chef, de l’assurance vie, en faveur du capital productif. En effet, force est de l’admettre, nous avons collectivement laissé naître un monstre qui, aujourd’hui, pénalise notre économie.
Lorsqu’on observe l’épargne de nos concitoyens, on constate qu’elle est massivement investie dans l’immobilier. Quant à l’épargne financière, elle est placée à près de 80 % dans des assurances vie. C’est un produit que les Françaises et les Français apprécient particulièrement, notamment parce qu’il les rassure.
Historiquement, la France a constitué, par l’assurance vie, un « môle » dans nos grandes entreprises françaises. Il y a de cela vingt ans, les grands assureurs jouaient un rôle très actif en la matière.
Par suite des dernières crises financières, ces intermédiaires financiers ont fait l’objet d’une régulation très stricte, alors même qu’ils n’étaient pas au cœur de cette tourmente. Ces crises ont été provoquées, pour une très large part, par les opérateurs hors marché, les « opérateurs de l’ombre », qui procédaient à la titrisation.
Toujours est-il que l’activité des banques et des assurances a été extrêmement régulée. Je songe notamment à la règle dite « de Solvabilité II », qui, aujourd’hui, pousse les assureurs, en particulier les assureurs français, à investir dans des obligations d’État et à abandonner toutes les participations dont ils disposaient au capital des entreprises, cotées ou non cotées. Voilà l’aberration face à laquelle nous nous trouvons !
Le financement de notre économie nous impose de réexaminer collectivement cette régulation opérée par des professionnels du secteur. Les politiques se sont dépossédés de cette question. Or les actifs financiers dont il s’agit doivent être investis dans nos entreprises. C’est là une bataille vitale, qui exige d’exercer une pression politique.
Nous avons débattu hier du secteur du numérique, dans lequel, j’en suis persuadé, une telle attitude serait bénéfique. En l’espèce, nous devons faire pression collectivement pour canaliser l’argent des assureurs au profit de la sphère productive.
Ces précisions étant apportées, je réitère mon avis défavorable sur les amendements nos 1721 et 920 rectifié bis.