M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 175 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et M. Leconte.
L'amendement n° 752 rectifié est présenté par MM. Delattre, Allizard, G. Bailly, Baroin, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Commeinhes, Cornu et Danesi, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier, Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Bas, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 39 A du code général des impôts, il est inséré un article 39 ... ainsi rédigé :
« Art. 39 .... – L’amortissement des matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, acquis ou fabriqués par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif, compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque nature d’industrie.
« Les taux d’amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d’amortissement linéaire par un coefficient fixé à :
« a) 2 lorsque la durée normale d’utilisation est de trois ou quatre ans ;
« b) 3 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;
« c) 4 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »
II. – Le I s’applique aux biens acquis ou fabriqués entre le 1er juin 2015 et le 30 juin 2017.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 175 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une fois n’est pas coutume, monsieur le ministre, je suis d’accord avec votre diagnostic et avec les propositions du Gouvernement pour relancer l’investissement industriel productif.
Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, nous avons déjà eu l’occasion de débattre d’amendements visant à créer un système d’amortissement accéléré pour les investissements productifs. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, un tel dispositif a d'abord un effet positif sur la trésorerie des entreprises. Il ne coûte rien à l’État et encourage les entreprises à investir.
Pour être franche, je pense que le dispositif que vous proposez est encore plus incitatif, dans la mesure où il apporte une aide supplémentaire au travers d’une baisse de l’impôt sur les sociétés. Le fait qu’il ne concerne que les décisions d’investissement prises au cours de l’année à venir aura un effet accélérateur, que vous avez parfaitement expliqué.
Je me propose donc de retirer notre amendement au bénéfice du vôtre, mais il n’en reste pas moins que son dispositif a l’avantage de s’inscrire dans la durée et de répondre aux deux besoins suivants.
Premièrement, il faut créer une culture favorable à une modernisation plus rapide. Ce n’est pas la tendance naturelle de l’industrie française depuis quinze ou vingt ans, puisque l’on investit très peu. Il importe donc d’encourager l’investissement, surtout au moment où l’euro est faible, ce qui facilite les exportations.
Deuxièmement, j’ai toujours soutenu, avec d’autres, que la compétitivité hors coût était un élément déterminant en France, car c’est sur ce plan que nous avons accumulé le plus gros retard. Plutôt que de mettre en place le CICE, dispositif non ciblé et non conditionné dont on découvre aujourd'hui qu’il favorise très peu l’investissement, j’aurais préféré que l’on investisse massivement dans la modernisation, la montée en gamme, la transition énergétique.
À cet égard, tendanciellement, la modernisation conduit à une réduction de la consommation énergétique. Nous avons beaucoup de retard en la matière : l’âge moyen du parc de machines de production est de dix-neuf ans en France, contre dix ans en Allemagne.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que votre dispositif, de par sa nature même, ne concernera pas les coopératives industrielles. Envisagez-vous de prendre, à titre de compensation, quelques mesures en faveur du secteur coopératif ? Je pense, par exemple, à des prêts bonifiés de BpiFrance financés sur l’enveloppe de l’économie sociale. Nous avons de belles coopératives industrielles, qu’il me paraîtrait judicieux de soutenir, notamment en accompagnant leur modernisation le cas échéant.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Enfin, les crédits du plan Robot Start PME, lancé par votre prédécesseur, sont presque entièrement consommés. Ils ont profité à la moitié des PME qui constituaient la cible du dispositif. Ne pensez-vous pas qu’il serait important, pour compléter votre démarche, d’affecter de nouveaux crédits à ce plan qui permet de soutenir la robotisation des PME ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l'amendement n° 752 rectifié.
M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit d’une variante du dispositif du Gouvernement, plus simple et beaucoup plus ciblée sur les PME et les TPE. Notre proposition s’inspire du système de l’amortissement dégressif, tel qu’il est pratiqué depuis des années, mais en l’assortissant de coefficients croissant avec la durée, afin de pouvoir aller encore plus loin en matière de soutien à l’investissement par les petites entreprises.
J’observe, monsieur le ministre, que le calcul que vous nous avez présenté à l’instant repose sur un taux d’impôt sur les sociétés de 33,33 %. Or il existe des TPE qui pourraient bénéficier de l’amortissement dégressif et qui sont encore soumises à l’impôt sur le revenu, au titre des bénéfices industriels et commerciaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission s’est réunie hier pour entendre M. le ministre sur le dispositif de l’amendement n° 1766. Ce dispositif choc correspond à ce que nous attendions depuis des mois en termes de mesures favorables à la croissance et à l’activité. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Concernant les deux amendements identiques, la commission sollicite leur retrait au bénéfice de celui du Gouvernement. Leurs dispositions relèvent plutôt de mesures de trésorerie. Nous aurions émis un avis favorable en l’absence de l’amendement n° 1766.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 175 rectifié bis et 752 rectifié ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement sollicite leur retrait, pour les raisons qui ont été évoquées.
Le dispositif que nous proposons concerne toutes les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, bien sûr, mais aussi celles qui sont assujetties à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices agricoles ou des bénéfices industriels et commerciaux. En revanche, il est vrai que son champ ne couvre pas le secteur non lucratif, sauf à ce que ses acteurs décident de se soumettre à l’impôt sur les sociétés, ce qui est toujours une option possible. Certains d’ailleurs s’organisent à cette fin.
Un abondement complémentaire de 2 milliards d’euros a été consenti au titre des prêts de développement de BpiFrance, qui servent à soutenir la montée en gamme et l’investissement productif des PME et des ETI, tous secteurs confondus. Il s’agit de prêts bonifiés sans garantie, assortis d’un délai de deux ans pour le premier remboursement. Ce dispositif est très important pour favoriser l’accélération de l’industrialisation. L’enveloppe a été portée au total à 8 milliards d’euros sur le triennal.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote sur l’amendement n° 1766.
Mme Élisabeth Lamure. On peut regretter que cet amendement du Gouvernement arrive un peu tardivement, mais dans la mesure où il constitue une bonne nouvelle, nous le soutenons bien volontiers !
Mme Nicole Bricq. On ne l’avait jamais fait !
Mme Élisabeth Lamure. Si la consommation des ménages est repartie à la hausse depuis quelques mois – cela tient davantage à des facteurs extérieurs qu’aux réformes du Gouvernement –, le moral des entreprises est au plus bas. Il était donc urgent de prendre des mesures afin de favoriser l’investissement.
On peut regretter que ce dispositif ne comporte pas de fléchage en direction des PME, mais vous avez expliqué devant la commission, monsieur le ministre, que cela n’était pas possible. Peut-être pourrez-vous nous indiquer si, comme on l’entend dire, vous préparez un projet de loi en faveur des PME ?
En tout état de cause, je souscris complètement au dispositif prévu par cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le ministre, le dispositif de suramortissement que vous présentez est effectivement séduisant : il paraît devoir être efficace pour relancer l’investissement et avoir un effet à court terme sur la compétitivité des entreprises. Par conséquent, je l’approuve complètement, même s’il s’agit d’un dispositif d’amorçage, qui a donc un caractère conjoncturel.
Néanmoins, je formulerai trois remarques d’ordre technique, en insistant particulièrement sur la première.
En premier lieu, les dates retenues – du 15 avril 2015 au 14 avril 2016 – me semblent inappropriées, pour plusieurs raisons.
Fonder l’éligibilité des investissements sur la commande passée ne me paraît pas pertinent. Il faudrait plutôt retenir comme référence la date de l’installation physique du matériel, celle du bon de livraison ou, éventuellement, la date du paiement. Sinon, on laisse la porte ouverte à des pratiques qui relèvent de l’effet d’aubaine.
La passation et l’exécution de la plupart des commandes d’équipement, à partir d’une certaine importance, prennent un certain temps, le délai de livraison pouvant parfois être de plusieurs mois. Par conséquent, il me paraîtrait plus raisonnable que la disposition s’applique du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016, voire jusqu’au 31 décembre 2017.
Ma deuxième remarque concerne les biens pris en location en application d’un contrat de crédit-bail. Il me semblerait préférable et plus en adéquation avec la réalité de l’entreprise que la déduction soit répartie sur la durée dudit contrat, sachant qu’elle peut varier selon les matériels considérés.
Troisième remarque, l’accélération de l’investissement en neuf que produira la mise en œuvre du dispositif aura un effet pervers, à savoir une augmentation du stock sur le marché de l’occasion, qui entraînera nécessairement une baisse des prix des matériels d’occasion. Ainsi, ce que l’entreprise gagnera sur l’acquisition de matériel neuf, elle pourra le perdre en partie sur la revente du matériel d’occasion. J’ajoute que les petites entreprises n’ont pas toujours les moyens d’investir dans du matériel neuf et préfèrent parfois se tourner vers le marché de l’occasion pour s’équiper. Par conséquent, il aurait été utile de compléter le dispositif par un suramortissement moindre pour les matériels d’occasion, avec un taux de majoration qui aurait pu être fixé à 20 %, au lieu de 40 % pour les matériels neufs.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je tiens d’abord à vous adresser des remerciements : c’est la première fois que, sur des sujets économiques, le Sénat et, en tout cas, les écologistes du Sénat auront la primeur de la décision sur une proposition du Gouvernement. D’habitude, en effet, de telles dispositions sont soumises en premier à l’Assemblée nationale.
Mme Annie David. Mais nous n’avons pas été les premiers à savoir !
M. Jean Desessard. C’est vrai ! La presse sait toujours tout avant nous, même lorsque nous n’avons pas encore voté !
Cet amendement vise à mettre en œuvre l’une des mesures annoncées il y a une semaine par le Premier ministre afin de soutenir l’investissement.
Il s’agit d’un crédit d’impôt permettant aux entreprises de « suramortir » de 40 % leurs investissements industriels, c’est-à-dire d’augmenter d’autant les sommes qu’elles déduisent de leurs résultats pour prendre en compte la perte de valeur de leurs investissements. Toutes les entreprises et tous les outils productifs sont concernés par le dispositif.
Cet amendement amorce un changement de vision bienvenu par rapport au CICE et au pacte de responsabilité. Si les précédents outils mis en place par le Gouvernement soutenaient les entreprises indistinctement, sans considération de l’utilisation qu’elles faisaient de cet argent, le dispositif prévu par cet amendement cible spécifiquement l’investissement productif.
Ce dispositif s’appliquera au bénéfice de l’industrie, des PME innovantes et les entreprises qui mobilisent les outils productifs faisant vivre notre pays. Contrairement au CICE, il ne pourra pas servir à rémunérer le capital par le biais des dividendes, et cela doit être souligné.
Aujourd’hui, les entreprises qui investissent et qui renouvellent leurs machines, ce sont notamment les industries de la transition énergétique, lesquelles font l’objet de l’un des cinq volets de votre amendement, monsieur le ministre.
Cet amendement vise donc à engager une modernisation de notre appareil productif, mais aussi à encourager les entreprises qui ont fait le choix de mettre l’écologie au cœur de leur modèle de développement.
Les écologistes saluent cette volonté de ciblage du Gouvernement quant à l’aide apportée aux entreprises. Soutenir l’investissement sans rémunérer davantage le capital et amorcer un renouvellement de l’appareil productif vers les technologies durables, telle que la robotisation des services à la personne, voilà une initiative que les écologistes soutiendront !
Pour revenir sur les débats que les écologistes ont eus avec vous, monsieur le ministre, principalement à l’Assemblée, mais également au Sénat, concernant la politique de l’offre et la politique de la demande, je tiens à préciser que nous ne sommes pas nécessairement opposés à une politique de l’offre ; simplement, celle-ci doit être ciblée et conditionnée de manière à soutenir avant tout les secteurs d’avenir et les entreprises qui ont effectivement besoin d’être soutenues.
Nous sommes opposés à une politique de l’offre qui permettrait d’augmenter les dividendes, car cela n’a aucune utilité.
Et les écologistes ne sont pas, non plus, systématiquement favorables à une politique de la demande, surtout si celle-ci revient à encourager l’achat de produits importés ou de produits qui n’ont pas d’intérêt social ou écologique.
Les écologistes ont toujours été pour des politiques ciblées, qu’il s’agisse de l’offre ou de la demande. Or le mécanisme que vous nous proposez, monsieur le ministre, permet justement de cibler ces politiques et de définir des objectifs précis.
Sans doute pourrait-on discuter du fait de savoir si ces 2,5 milliards d’euros ne pourraient pas être utilisés différemment, mais nous tenons à saluer un geste, une volonté qui vont dans le bon sens. Dans les mois qui viennent nous espérons voir se poursuivre cette politique ciblée.
Les écologistes voteront cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. À travers cet amendement, il est proposé de recourir à une arme déjà utilisée par le passé : la mise en place d’un dispositif d’amortissement dégressif des investissements nouveaux. Il s’agit, disons-le clairement, d’une niche fiscale supplémentaire ou, du moins, « réactivée ». Cela justifie, monsieur le ministre, que nous posions quelques questions.
Première question : a-t-on procédé, avant que cette idée – lumineuse – ne surgisse au détour d’un arbitrage interministériel, à la moindre évaluation des dispositifs d’amortissement dégressifs existants, lesquels doivent aujourd’hui coûter environ 20 millions d’euros au budget de l’État, sans que l’on sache quelle incidence ces mécanismes ont sur le niveau réel d’équipement de nos entreprises et sur celui de l’emploi.
Vérifier, c’est tout de même important ! Nous voyons bien, aujourd’hui, que le CICE est en pleine débandade ! Ce que nous affirmions à propos de ces 40 milliards d’euros d’aides est confirmé par les faits, et le Gouvernement commence à demander aux entreprises de justifier l’emploi des sommes attribuées. Cela étant, le problème reste entier : ce dispositif censé favoriser la compétitivité des entreprises a notamment profité à Carrefour et Auchan, qui achètent des fruits et légumes à l’étranger tandis que nos producteurs brûlent leurs fruits et légumes, parce que les Françaises et les Français, faute d’un pouvoir d’achat suffisant, ne peuvent les acheter.
Nous voyons là toutes les contradictions d’un système dans lequel nous ne devons plus tomber. C’est pourquoi nous devons être attentifs à l’utilisation des deniers publics et procéder à des évaluations.
Deuxième question : ce dispositif est-il plus avantageux pour le pays que tous ceux, innombrables, qui existent déjà ? Il s’avère, par exemple, que le « rendement » du crédit impôt recherche est très élevé pour les entreprises qui en bénéficient, mais beaucoup moins au regard de l’emploi scientifique et technique.
D’après un rapport fait au Sénat en juillet dernier, mais jamais publié – cherchez l’erreur ! –, 213 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales ont été accordés entre 1993 et 2012 sans que cela ne crée un seul emploi.
Aussi faut-il également chercher à évaluer ces dispositifs en termes d’emplois créés.
Soyons clairs : on ne peut accepter que soient prises ou reconduites, année après année, des mesures qui ne créent aucun emploi, qui sont seulement destinées à aider certains quand d’autres se serrent la ceinture.
Depuis l’arrivée de ce gouvernement aux affaires, en 2012, nous sommes passés de 3,5 millions à 5 millions de chômeurs. Dans le même temps, on a mis en place le CICE – 40 milliards d’euros ! – et d’autres dispositifs qui ne marchent pas.
C'est la raison pour laquelle nous demandons, dans le cadre de notre pouvoir de contrôle, une évaluation de la mesure qui est ici proposée. Il est logique que des parlementaires demandent au ministre combien d’emplois une telle mesure va créer à quoi elle va servir précisément !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Foucaud. Inciter les entreprises à investir en remplaçant les plus vieilles machines par des neuves est très positif. Ce que nous recherchons avant tout, c’est l’emploi productif. (Manifestations d’impatience sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Thierry Foucaud. Je ne citerai aucun nom, monsieur le président, mais certains collègues, voilà quelques instants, ont dépassé d’une minute et demie leur temps de parole. Je demande que le même traitement s’applique à tout le monde : c’est une question de justice et d’égalité !
M. le président. Il vous reste vingt secondes !
M. Roger Karoutchi. Non, il a dépassé de vingt secondes !
M. Thierry Foucaud. Faut-il privilégier les machines ou le pouvoir d’achat pour faciliter la création d’emplois et la croissance ? Si nos concitoyens n’ont pas les moyens d’acheter les produits, les entreprises ne pourront les produire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. M. le ministre nous a donné à l’instant et hier, en commission spéciale, des explications utiles et particulièrement claires sur ce dispositif.
Lors de la discussion générale, un certain nombre d’orateurs avaient déjà appelé à mettre en place des mesures pour la croissance. Or il s’agit ici d’une mesure significative, qu’il nous faut saluer.
Je pense que l’ensemble des groupes, notamment les groupes de la majorité, ont su se montrer à la hauteur du sujet.
Un diagnostic s’impose s’agissant de l’économie française : l’investissement est en panne. La volonté de le faire repartir a guidé nos travaux en commission spéciale et en séance.
Je veux remercier les uns et les autres d’avoir pris conscience de l’importance de l’enjeu et d’en avoir tiré les conséquences. Je me félicite que le consensus soit large : des groupes politiques opposés ont su se réunir autour de cette mesure ; c’est à l’image de la qualité des débats que le Sénat peut mener.
Peut-être notre assemblée a-t-elle joué un rôle précurseur : dès le projet de loi de finances, nous proposions, dans un arc assez large, réunissant notamment le groupe socialiste, le groupe UMP et le groupe centriste, un dispositif proche. Le vôtre, monsieur le ministre, diffère en ce qu’il est plus étendu et plus puissant, et nous vous en donnons acte.
À l’époque, nous avions plus étroitement ciblé le dispositif afin d’en limiter le coût. Votre collègue du budget nous disait qu’il était néanmoins coûteux. Je me réjouis de voir que, aujourd’hui, cette mesure, plus large, peut être financée. Vous avez donc résolu cette question, ainsi que celle des éventuelles requalifications européennes. Il s’agit, là encore, d’un point positif.
Nous avons cru comprendre qu’une certaine porosité s’était installée entre le financement de ce dispositif et celui du CICE. Nous pourrions d’ailleurs nous inquiéter de la marche réelle de ce dernier, mais je crois que mieux vaut nous en tenir au sujet qui nous occupe.
Le financement est maintenant disponible : tant mieux. Nous y veillerons tout de même, avec le rapporteur général de la commission des finances, qui a été associé, fût-ce indirectement, à notre réflexion.
Monsieur le ministre, il s’agit d’un moment important du débat : vous ajoutez une pièce majeure à la construction de cette loi dite « Macron » et le Sénat montre qu’il sait dépasser les clivages quand il s’agit d’emploi et de relance de notre économie.
Voilà ce que je souhaite retenir, en espérant que, demain, nous pourrons poursuivre dans la voie de la construction de consensus sur des sujets d’intérêt général, nonobstant nos différences.
J’espère que le vote sera à la hauteur de l’enjeu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jean Bizet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais apporter quelques précisions en réponse à certaines interventions.
Monsieur Gabouty, prendre la date de livraison comme référence, plutôt que l’accord sur le prix et la chose, produirait des effets pervers beaucoup plus importants que vous ne l’imaginez. D’abord parce qu’une décision d’investissement prise aujourd’hui n’entraînant pas nécessairement une livraison dans l’année, il faudrait étendre la période, ce qui induirait une perte d’efficacité. Ensuite et surtout parce que vous seriez confronté à un effet d’aubaine maximal : à partir du 15 avril vont intervenir de très nombreuses livraisons correspondant à des décisions d’achat prises antérieurement à l’entrée en vigueur de ce dispositif.
C'est la raison pour laquelle je pense que l’accord sur le prix et la chose est le bon critère : c’est bien cet accord qui entérine la décision d’investir.
Par ailleurs, il est juste et raisonnable de borner à un an la durée d’application du dispositif : s’il était pérenne, il s’agirait d’une réforme structurelle de l’impôt sur les sociétés ; s’il était plus court, il serait inefficace. Un an, c’est la bonne fenêtre de tir, à condition de retenir comme critère l’accord sur le prix et la chose, et non la livraison.
Vous avez également soulevé la question du crédit-bail. Le texte précise que l’avantage bénéficie au crédit preneur, c’est-à-dire à celui qui dispose de l’option d’achat, et en aucun cas à l’établissement qui porte le crédit-bail, sous peine d’entraîner un effet pervers massif. Il s’agit d’une restriction qu’il fallait apporter.
Enfin, il est important de viser les équipements neufs, puisqu’il s’agit de soutenir le renouvellement productif, l’activité et donc l’emploi.
Les types d’investissements concernés par ce dispositif sont extrêmement variés : cela va des investissements en recherche et développement au renouvellement d’un appareil de chauffage, en passant par une installation d’épuration, la bétonneuse d’un artisan, un four à pain ou une moissonneuse-batteuse…
Monsieur le président Foucaud, le choix macroéconomique des aides aux entreprises s’est opéré par sédimentation. On pourrait décider collectivement de baisser l’impôt sur les sociétés, de revenir sur des dispositifs structurels de compensation ou d’allégements de charges. Il reste que nous avons construit l’histoire économique des trente dernières années sur de telles mesures.
Quand on parle des 200 milliards d’euros d’aides aux entreprises, on additionne très souvent des choux et des carottes, et notamment tous les allégements de charges décidés par l’ensemble des gouvernements pour accompagner le passage aux 35 heures. Je veux bien qu’on se fasse plaisir en disant qu’il s’agit d’aides aux entreprises, mais ces mesures ont accompagné des choix macroéconomiques votés de toutes parts.
Je persiste à considérer que le crédit d’impôt recherche est un élément clé de notre efficacité collective. Si vous voulez évaluer l’impact du crédit impôt recherche, je vous suggère de vous demander pourquoi, dans les deux opérations de fusion récentes Lafarge-Holcim et Alcatel-Lucent-Nokia, dont on peut déplorer une partie des caractéristiques, les grands champions mondiaux qui se créent à travers ces rapprochements décident d’installer leurs quartiers généraux dans les autres pays, mais gardent leurs centres de recherche et développement en France ? C’est grâce au crédit impôt recherche, dont l’efficacité est ainsi prouvée !
Nous avons en effet besoin d’y aller plus fort et plus vite en matière d’investissement : notre retard est évalué à 17 milliards d’euros, soit environ un an d’investissement productif privé. Ce dispositif est un élément qui contribuera à le renforcer.
Enfin, je veux dire que le travail collectif commencé en commission spéciale hier et poursuivi au cours de la discussion d’aujourd'hui est à la hauteur de l’ensemble de nos débats.
Vous l’avez vu, je défends ce texte avec fougue : j’y crois. Certes, nous pouvons avoir des désaccords, mais le souci constant de l’intérêt général qui se manifeste ici et la qualité des travaux que nous menons ensemble me donnent raison : j’avais en effet plaidé au sein du Gouvernement pour que cet amendement arrive en discussion au Sénat, quelle que soit la sensibilité qui y prévaut.
Depuis le début, vous avez toutes et tous démontré votre volonté de faire repartir notre économie et de défendre l’intérêt général.