M. Jean Desessard. C’est un investissement que vous avez amorti, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35.
L’amendement n° 175 rectifié bis est-il maintenu, madame Lienemann ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n°175 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 752 rectifié est-il maintenu, monsieur Cardoux ?
M. Jean-Noël Cardoux. Je suis dans une situation délicate : voilà un amendement dont je ne suis pas le premier signataire et qui a été signé par quatre-vingt-dix membres du groupe UMP. C’est une lourde responsabilité qui m’échoit !
Mais je vois Mme la corapporteur me faire des signes d’encouragement et, quitte à subir des foudres, je le retire. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 752 rectifié est retiré.
L'amendement n° 715, présenté par MM. Karoutchi, B. Fournier et Pellevat, Mme Mélot, MM. Legendre, Lefèvre et de Legge, Mme Lopez, MM. Leleux et Poniatowski, Mme Cayeux, MM. Buffet, Trillard et J.P. Fournier, Mmes Troendlé et Deromedi, M. Laménie, Mmes Imbert et Canayer et MM. Pierre, Delattre, Mandelli, Laufoaulu, Kennel, Calvet et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le V de la Ire sous-section de la section II du chapitre Ier du titre Ier de la Ire partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 81 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 81 quinquies. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail, définies à l’article L. 3121-11 du code du travail, et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures, prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14 et aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I, dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2014, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 241-16, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quinquies du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions de cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent article.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle, mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;
2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quinquies du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I du présent article est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quinquies du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Ce montant est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quinquies du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I du présent article est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues au IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
III. – L’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est applicable aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er janvier 2015.
IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je n’aurai pas besoin de défendre longuement cet amendement, car je sens que M. le ministre va tout de suite l’accepter ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous venez de faire une très belle démonstration, en expliquant qu’il faut redonner confiance et recréer du dynamisme.
Pour ma part, je vous propose de revenir à la défiscalisation des heures supplémentaires, telle qu’elle avait été mise en place en 2007.
Mme Isabelle Debré. Bonne idée !
M. Roger Karoutchi. Voilà un amendement sympathique, dont l’adoption permettrait de faire enfin un geste en faveur du pouvoir d’achat !
Je me permets de signaler aux uns et aux autres qu’un rapport de 2011, cosigné par le député socialiste Jean Mallot et le député UMP Jean-Pierre Gorges, avait conclu que les résultats de cette mesure étaient plutôt satisfaisants et qu’elle permettait aux ménages concernés de jouir d’un supplément de pouvoir d’achat représentant environ 500 euros par an.
En 2012, sur des fondements idéologiques, vous avez supprimé cette disposition. Enfin, ce n’était pas vous, monsieur Macron, puisque, depuis lors, le Gouvernement a quelque peu évolué… J’ai d’ailleurs souvenir d’avoir débattu, en 2013 ou 2014, avec certains députés socialistes, dont M. Mandon ; celui-ci reconnaissait que la suppression très rapide de cette mesure avait sans doute été une erreur.
Puisqu’on fait des gestes en faveur des entreprises, de l’investissement et de l’amortissement, pourquoi ne pas en faire un en faveur de l’ensemble des citoyens ?
Entre 7 millions et 9 millions de personnes – les estimations varient – bénéficiaient de la défiscalisation des heures supplémentaires. Et les salariés concernés n’étaient pas des « riches » ! Il s’agissait en majorité d’employés, d’ouvriers et de cadres moyens, qui ont évidemment regretté la disparition de cette mesure. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que cela ait aidé à la popularité du gouvernement d’alors… Si j’en crois les sondages de l’époque, c’était l’une des mesures les plus regrettées par l’opinion publique.
Je suis sûr que, ce soir, dans un élan de sympathie et parce que je vous sens disponible pour réussir, vous émettrez un avis favorable sur cet amendement. Il s’agit de vous aider, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Je viens en effet de lire une dépêche absolument extraordinaire : le ministre allemand des finances, M. Wolfgang Schäuble, affirme que M. Sapin et vous-même n’arrêtez pas de dire au gouvernement allemand que, si vous arriviez à convaincre le Parlement français de faire des réformes, vous seriez ravis. (Rires sur les travées de l'UMP.) Je viens donc vous aider, car je ne voudrais pas que vous vous mettiez en contradiction vis-à-vis de nos amis allemands.
Allez, un beau geste : rétablissez du pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Notre collègue Roger Karoutchi a bien expliqué ce qu’était le dispositif contenu dans la loi TEPA, et il est vrai que c’était un bon dispositif.
Néanmoins, je l’ai dit lors de la discussion générale, nous avons souhaité proposer, dans le cadre de ce texte – nous ne sommes pas en loi de finances –, des mesures de relance de la croissance qui ne dégradent pas l’équilibre budgétaire. Il s’agit à la fois d’une demande du rapporteur général, mais aussi du président de notre groupe.
Ce serait sans doute une bonne mesure, mais elle donnerait lieu à 1 milliard d’euros de perte de recettes fiscales et à 1,5 milliard d’euros de perte de cotisations sociales.
N’oubliez pas, monsieur Karoutchi, que je me suis engagée à présenter au ministre, à la fin de l’examen de ce texte, une opération blanche au regard des finances publiques. Or votre proposition ferait exploser ma facture ! (Sourires.)
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi. Mais je suis cher ! (Sourires.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Nos amis allemands, dont vous avez parlé, et qui nous regardent, sont très vigilants sur ce sujet. Ils sont les premiers à nous reprocher les déficits budgétaires quand nous les laissons filer. C’est parce que cette mesure coûtait 4,4 milliards d’euros au total, parts salariale et patronale comprises, que nous avons été amenés à la supprimer.
L’heure tardive et la confiance qui règne entre nous nous permettent de nous parler franchement. À titre personnel, je pense que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas été comprise parce qu’elle a été perçue comme injuste par celles et ceux qui en bénéficiaient.
Je ne vous contredirai pas sur les deux points que vous avez évoqués en faisant référence aux sondages et au rapport parlementaire sur cette question. Il reste que la mesure elle-même n’était pas très juste socialement parce qu’elle profitait à celles et ceux qui avaient déjà un emploi et pouvaient donc accéder aux heures supplémentaires.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, elle avait un coût important.
Par conséquent, sur le plan rationnel comme sur le plan économique, il était juste de rapporter cette mesure et de procéder à de nouveaux arbitrages.
Puisque nous nous disons les choses franchement, j’ajouterai que, en termes de pouvoir d’achat, le choix du Gouvernement en faveur des tranches les plus basses de l’impôt sur le revenu était tout de même plus juste.
D’un point de vue macroéconomique, la décision qu’a prise le Gouvernement en 2012 était donc bonne.
Cela étant, comment expliquer à quelqu’un qui gagne le SMIC et touche 200 euros de plus par mois grâce à cette mesure qu’il est plus juste socialement de la supprimer ? C’est tout le problème de la décision politique, à laquelle nous sommes parfois collectivement confrontés !
Je comprends donc la démarche qui vous a conduit, monsieur Karoutchi, avec un certain nombre de vos collègues, à déposer cet amendement. Je comprends également ce qu’ont pu ressentir celles et ceux qui ont eu à subir la suppression de cette mesure. Toutefois, à mes yeux, la restaurer ne serait pas le meilleur choix macroéconomique. Mieux vaut cibler l’investissement, de manière à accompagner la dynamique de reprise, et prendre des mesures relatives à la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Il y a un énorme travail à faire sur le temps de travail et les mesures d’allégement. Je continue à défendre le CICE et le pacte de responsabilité, mais on peut aller plus loin pour favoriser la reprise de l’emploi.
S’il a été particulièrement douloureux de « débrancher » la mesure de défiscalisation des heures supplémentaires, ce serait une erreur de la réintroduire aujourd’hui.
Au demeurant, si j’ai bien suivi l’évolution conceptuelle de votre camp, vous êtes en train de vous orienter vers d’autres voies. Ainsi, votre défense de la défiscalisation des heures supplémentaires ne me paraît pas cohérente avec le positionnement de certains de vos amis qui plaident, eux, pour l’abandon des 35 heures : on ne peut pas vouloir revenir sur la limitation des heures de travail et, en même temps, défiscaliser les heures supplémentaires. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Vous m’avez fait l’amitié de vous mettre à ma place, monsieur Karoutchi ; permettez donc que je me mette un instant à la vôtre ! (Sourires.) J’ai peur que vous ne vous mettiez vous-même en porte à faux avec votre propre camp.
M. Roger Karoutchi. Oh non !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cela me gênerait, alors que certains veulent promouvoir des mesures plus révolutionnaires, que vous soyez pris de revers. (Nouveaux sourires.)
Mais je redeviens plus sérieux. La situation n’est ni toute blanche ni toute noire. Il reste que non seulement les contraintes pesant sur les finances publiques, mais aussi une vision complète du contexte m’incitent à vous demander le retrait de cet amendement, même si je comprends les prémisses du raisonnement qui vous ont conduit à le déposer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je reviens brièvement sur le problème des dates que j’ai soulevé tout à l'heure pour vous dire, monsieur le ministre, que ne suis pas convaincu par l’explication que vous avez fournie, car elle est à double tranchant.
S’agissant de la défiscalisation des heures supplémentaires, il est vrai que, dans les entreprises, cette mesure était extrêmement populaire auprès des salariés qui en ont bénéficié et qu’il est évidemment toujours très douloureux de se voir privé d’un avantage qu’on vous a accordé.
Cette mesure pouvait se justifier en 2007, avant la crise de 2008, alors que nous étions dans une conjoncture économique plutôt florissante. Elle pouvait faciliter les choses dans certains secteurs où le marché du travail était particulièrement tendu ; je pense en particulier au BTP et à l’hôtellerie-restauration.
Rétablir aujourd'hui une défiscalisation des heures supplémentaires serait la plus grande des absurdités économiques. Il faut le rappeler, les heures supplémentaires sont gouvernées par les conventions collectives, qui prévoient des règles de déclenchement. Tout cela est très encadré. Un salarié ne peut pas refuser une heure supplémentaire, étant entendu qu’il existe des délais de prévenance. Ce qui détermine le déclenchement les heures supplémentaires, c’est le plan de charge de l’entreprise, et celui qui en décide, c’est le chef d’entreprise, non le salarié.
L’introduction de cette mesure a permis une augmentation aléatoire du pouvoir d’achat. En outre, celle-ci a été relativement injuste vis-à-vis de tous les salariés qui ne pouvaient pas en bénéficier. Dans une même entreprise, certaines personnes font des horaires normaux de huit heures, tandis que d’autres sont en travail posté. Or le travail posté en trois-huit ne permet pas de bénéficier d’heures supplémentaires. Ainsi, le revenu net de salariés faiblement qualifiés s’est rapproché de celui de salariés qui avaient une qualification beaucoup plus élevée, mais qui travaillaient en équipe.
Un tel dispositif avait donc des effets pervers importants.
S’il a pu être un accompagnateur de croissance dans un certain contexte, celui de 2007, il s’est révélé beaucoup moins pertinent les années suivantes.
J’ajouterai, en tant que chef d’entreprise, que la défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas un encouragement à la productivité pendant le temps de travail normal. En effet, il n’y a aucune raison d’accélérer son rythme de travail si l’on bénéficie, à la fin, d’une « heure pactole ». Par conséquent, au regard de la productivité des entreprises, la défiscalisation des heures supplémentaires engendre également un effet pervers.
De plus, cette mesure a représenté une dépense non pas de 2,5 milliards d’euros, mais de 4 milliards d’euros. Il s’agissait essentiellement d’une relance par la consommation, d’une introduction aléatoire de pouvoir d’achat, certes très populaire. Malgré cet aspect positif, il convient de trouver d’autres moyens pour relancer l’économie.
L’erreur, à l’époque, a été de ne pas avoir un vrai débat permettant de prendre en considération le point de vue des entreprises. Pour celles-ci, ce qui compte, ce sont les charges qui pèsent sur la première heure de travail, et non pas les heures supplémentaires. Si des entreprises font faire des heures supplémentaires, c’est qu’elles sont déjà dans une situation privilégiée, et ce ne sont pas celles-là qu’il faut aider. Je regrette d’ailleurs que la TVA sociale, qui s’applique dès la première heure de travail, n’ait pas été mise en place plus tôt. Elle a été proposée à la fin du quinquennat précédent, puis rejetée par la nouvelle majorité et, enfin, reprise à travers le CICE.
Pratiquant les heures supplémentaires depuis une trentaine d’années, je sais comment elles fonctionnent et j’émets donc des réserves techniques sur le bien-fondé de cette proposition.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit et je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à zéro heure trente.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je veux tout d’abord saluer le talent avec lequel Roger Karoutchi a su présenter une mesure symbolique. Celle-ci a été défendue par la majorité sénatoriale, mais nous avions estimé que son coût, trop élevé au regard de l’état actuel des finances publiques, ne permettait pas de l’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2015.
M. Karoutchi a également su vous inviter, monsieur le ministre, à clarifier votre approche du sujet et vos intentions. Vous avez reconnu – je ne crois pas trahir votre pensée – que le retrait de ces heures supplémentaires avait en effet été vécu comme une injustice par nos concitoyens.
Pour ma part, je pense que cette mesure a aussi jeté un certain trouble lorsqu’elle a été instituée parce que tous les Français n’étaient pas susceptibles d’en bénéficier. Il reste que la supprimer a incontestablement été une maladresse.
Grâce à cet amendement, grâce à la présentation qu’en a faite Roger Karoutchi et grâce à la réponse que vous lui avez apportée, monsieur le ministre, nous allons plus loin dans l’« opération vérité » qui a commencé tout à l’heure.
Vous nous avez dit que vous étiez prêt à approfondir la réflexion sur d’autres sujets, notamment le temps de travail. Sur ce thème, nous ferons des propositions efficaces, justes et techniquement réalisables, à défaut d’être « décoiffantes ». Mme la corapporteur les présentera ultérieurement.
Mme Deroche l’a dit, nous avons aussi dû faire des choix et ceux-ci ont été principalement guidés par des considérations budgétaires. Avec M. le rapporteur général de la commission des finances, nous avons veillé à nous inscrire dans une perspective « iso-ressources » et « iso-dépenses ». C’est pourquoi la commission a sollicité le retrait de cet amendement.
Nous attendons maintenant d’aller plus loin ensemble, monsieur le ministre. La commission proposera d’autres mesures, qui vont marquer des différences avec le Gouvernement et devraient permettre d’avancer sur la pénibilité, sur l’accord de maintien de l’emploi, sur le temps de travail et sur les seuils.