Mme la présidente. L'amendement n° 639 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Kern, Bonnecarrère et D. Dubois, Mme Gatel et MM. Détraigne, Roche, Guerriau et L. Hervé, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. L’article 28 ter, introduit dans le projet de loi par l’Assemblée nationale, encadre de manière drastique la possibilité, pour l’autorité en charge de la délivrance des autorisations de construire, de refuser un permis de construire.
Plus précisément, si les dispositions de cet article entraient en vigueur, l’autorité compétente pour délivrer les autorisations de construire devrait, lorsqu’elle rejette une demande de permis, exposer l’intégralité des motifs justifiant sa décision, notamment l'ensemble des éléments de non-conformité des travaux envisagés aux dispositions législatives et réglementaires. En d’autres termes, si l’ensemble des moyens susceptibles d’être soulevés ne sont pas invoqués dans le délai prévu, la décision de refus sera illégale, même si l’omission n’est pas coupable ou dilatoire.
Ce dispositif est une manifestation de plus d’une certaine conception qui a cours actuellement : l’élu local ne refuserait des permis de construire qu’à des fins dilatoires, abusant du pouvoir dont il dispose plutôt qu’agissant en tant que responsable d’une charge qui lui est confiée.
La profonde réorganisation de l’instruction des autorisations de construire qui est en cours sur nos territoires suffit largement à justifier qu’on ne complique pas davantage les procédures.
Mes chers collègues, cessons de concevoir des règles qui asphyxient tout le monde pour combattre des pratiques certes condamnables, mais marginales !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les dispositions de l’article 28 ter, que la commission spéciale a adoptées sans modification, obligent l’autorité compétente rejetant une demande de permis de construire ou s’opposant à une déclaration préalable, non seulement à motiver sa décision, mais encore à préciser l’intégralité des motifs la justifiant. Dans la mesure où ce dispositif est de nature à prévenir les décisions administratives de rejet ou d’opposition présentant un caractère dilatoire, la commission spéciale maintient sa position et invite le Sénat à rejeter l’amendement n° 639 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 28 ter.
(L'article 28 ter est adopté.)
Article 28 quater
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 171 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase, les mots : « résultant de la présente loi » sont remplacés par les mots : « législatives en vigueur à la date de la publication de l’ordonnance ou entrant en vigueur après cette date, » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Cette ordonnance peut déplacer des dispositions entre le livre Ier du code de l’urbanisme et les autres livres du même code. » – (Adopté.)
Article 28 quinquies
(Supprimé)
Article 29
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
A. L’article L. 480-13 est ainsi modifié :
1° Le a devient un 1° et est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et si la construction est située dans l’une des zones suivantes : » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
c) Sont ajoutés seize alinéas ainsi rédigés :
« a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés au II de l’article L. 145-3, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ;
« b) Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l’article L. 146-6, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ;
« c) La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares mentionnée à l’article L. 145-5 ;
« d) La bande littorale de cent mètres mentionnée au III de l’article L. 146-4 ;
« e) Les cœurs des parcs nationaux délimités en application de l’article L. 331-2 du code de l’environnement ;
« f) Les réserves naturelles et les périmètres de protection autour de ces réserves institués en application, respectivement, de l’article L. 332-1 et des articles L. 332-16 à L. 332-18 du même code ;
« g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ;
« h) Les sites désignés Natura 2000 en application de l’article L. 414-1 du même code ;
« i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnés au I de l’article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l’article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d’étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;
« j) Les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement instituées en application de l’article L. 515-8 du code de l’environnement ;
« k) Les périmètres des servitudes sur des terrains pollués, sur l’emprise des sites de stockage de déchets, sur l’emprise d’anciennes carrières ou dans le voisinage d’un site de stockage géologique de dioxyde de carbone instituées en application de l’article L. 515-12 du même code, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages ;
« l) Les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine créées en application de l’article L. 642-1 du code du patrimoine ;
« m) Les périmètres de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques prévus aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 621-30 du même code ;
« n) Les secteurs délimités par le plan local d’urbanisme en application des 2° et 5° du III de l’article L. 123-1-5 du présent code ;
« o) Les secteurs sauvegardés créés en application de l’article L. 313-1 du présent code.
« L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative. » ;
2° Le b devient un 2°.
B (nouveau). – À l’article L. 600-6, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « le 1° ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par Mme Assassi, M. Bosino, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 143 rectifié est présenté par MM. de Nicolaÿ, Bignon, Bonnecarrère, Cadic, Calvet et Charon, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Gilles et Laménie, Mmes Lamure et Loisier et MM. Pierre et Vogel.
L'amendement n° 454 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Dominique Watrin. L’article 29 du projet de loi restreint à certaines zones limitativement énumérées la possibilité de démolir des constructions édifiées sur le fondement d’un permis de construire dont l’annulation a été prononcée. En outre, il réduit de deux ans à six mois après l’annulation définitive du permis de construire par le juge administratif le délai au cours duquel l’action en démolition peut être engagée.
Certes, le délai de deux ans sera maintenu pour les zones sensibles, dont la liste a été étoffée par la commission spéciale. L’article, dans son principe, n’en paraît pas moins difficilement acceptable, en ce qu’il favorise la stratégie du fait accompli et la violation délibérée des règles d’urbanisme.
En effet, la pression foncière ne s’exerce pas seulement sur les zones protégées et les centres-villes historiques ; elle se fait également sentir à la périphérie des grandes villes, notamment dans toute la banlieue parisienne. Or, si l’article 29 dans sa rédaction actuelle était adopté, plus aucune démolition ne pourrait être prononcée à la demande des voisins, en milieu urbain comme en zone rurale, dès lors qu’un permis de construire aurait été obtenu et respecté, quand bien même il serait attaqué dans les délais et finalement annulé.
De plus, ni l’exposé des motifs du projet de loi ni son étude d’impact ne font état de la moindre donnée statistique sur le contentieux, ce qui n’aide guère à apprécier l’impact de celui-ci sur le sort des constructions
Enfin, cet article s’inscrit dans un ensemble de mesures de réécriture, voire de régression du droit de l’environnement, comme le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale l’a lui-même fait observer.
Pour nous, le contrôle social sur le droit de l’urbanisme est une condition importante du respect de celui-ci, dans la mesure où le contrôle de légalité, on le sait bien, est très insuffisant.
Certes, des dommages et intérêts pourraient toujours être réclamés au constructeur dont le permis a été annulé, mais ce constructeur se trouverait en situation d’acheter, en quelque sorte, la violation d’une règle fondamentale de l’urbanisme en indemnisant ceux qui en subissent les conséquences. En d’autres termes, dès lors que le bénéfice tiré de la construction excéderait les dommages versés, le non-respect de la règle d’urbanisme serait pour ainsi dire profitable.
Pour nous, cet article fait peser une menace sur ce qui a pu être appelé l’« environnement ordinaire », qu’il soit urbain ou rural ; il n’est pas neutre pour le maintien du cadre de vie. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 143 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Lorsqu’une construction a été édifiée sur le fondement d’un permis de construire déclaré illégal, les voisins et les autres tiers concernés doivent pouvoir demander au juge civil sa démolition. Sinon, nous ne serions plus dans un État de droit !
Or l’article 29 leur ôte cette possibilité, sauf dans des cas particuliers dont la liste est loin de couvrir toutes les situations délicates. En particulier, il ne serait plus possible, malgré la déclaration d’illégalité du permis de construire, de demander la démolition des grandes éoliennes, y compris celles qui ont été implantées à moins de 500 mètres d’une habitation, des autres installations classées, parmi lesquelles les usines polluantes, des bâtiments parasitaires édifiés dans un parc naturel régional, des bâtiments implantés sur le rivage au-delà d’une bande de 100 mètres, pourtant étroite, et des bâtiments implantés dans le voisinage d’un monument historique au-delà d’un rayon de 500 mètres, mais suffisamment près de lui pour le défigurer.
L’adoption de cet article conduirait à la multiplication des permis de complaisance puisque les infractions aux règles d’urbanisme ne seraient plus sanctionnées par une démolition. Toute la législation relative à la construction et à l’urbanisme en serait ébranlée !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 454.
M. Jean Desessard. L’article 29 du projet de loi prévoit que les bâtiments dont le permis de construire aura été annulé par une décision de justice ne pourront plus être démolis.
C’est tout de même extraordinaire ! Tout à l'heure, on a dénoncé les recours abusifs. Mais il y a aussi des recours justifiés, puisque le tribunal a reconnu que la construction était illégale. Et pourtant, cet article nous explique qu’il ne faut rien faire !
Mme Annie David. Voilà !
M. Jean Desessard. Autant dire qu’il ne faudrait plus qu’il y ait de recours et qu’on peut construire comme on veut !
Certes, les démolitions resteraient possibles dans certaines zones protégées : les rives des plans d’eau, les espaces caractéristiques du patrimoine naturel et culturel, le cœur des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites désignés Natura 2000 et les zones figurant dans les plans de prévention des risques technologiques et dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Toutefois, la démolition deviendrait impossible sur une très grande partie du territoire, y compris dans les parcs naturels régionaux et nationaux.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 29 empêche une action visant à obtenir la démolition d’une construction dont le permis a été annulé en raison de sa localisation dans un espace agricole, naturel ou forestier ou du non-respect des distances d’éloignement par rapport à des bâtiments agricoles ou forestiers.
Le message qui est ainsi envoyé est catastrophique : il s’agit, ni plus ni moins, d’une incitation à passer en force pour construire où l’on veut et comme on veut !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
M. Jean Desessard. Le permis a été annulé ? La construction est illégale ? Qu’importe, regardez comme le bâtiment est beau ! Le détruire ? Vous n’y pensez pas !
Mes chers collègues, en supprimant la sanction qu’est la démolition, nous ouvririons la voie à la politique du fait accompli. Nous ne pouvons y souscrire !
Mme Annie David. Très bien !
M. Jean Desessard. La rédaction actuelle de cet article est d’autant plus regrettable que l’Assemblée nationale était parvenue à un compromis intéressant : elle avait maintenu la possibilité de démolition, tout en réduisant le délai de recours de deux ans à six mois – il y avait donc une amélioration, au moins d’un certain point de vue –, afin de prévenir les recours abusifs et d’apporter des garanties de sécurité aux acteurs de la construction.
Il est dommage que la commission spéciale ait choisi de remettre en cause ce compromis en rétablissant l’article 29 dans sa rédaction initiale. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces trois amendements identiques visent à supprimer l’article 29, qui sécurise les projets de construction en recentrant l’action en démolition sur les constructions situées dans des zones, espaces ou secteurs présentant des enjeux particuliers.
Il importe de préciser que seules sont concernées les actions en démolition visant des constructions édifiées sur le fondement d’un permis de construire ayant été annulé. Il restera possible de recourir à la procédure de référé suspension.
En outre, l’article 29 ne remet pas en cause les autres possibilités de démolition des travaux de construction, en particulier celles prévues par le droit civil sur le fondement du droit de la propriété ou des troubles anormaux du voisinage.
Dans ces conditions, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; s’ils les maintiennent, la commission spéciale y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je signale que notre collègue Marie-Pierre Monier a par ailleurs déposé un amendement n° 967 rectifié bis tendant à rétablir l’article 29 dans la rédaction de compromis dont M. Desessard vient de parler.
Quoi qu'il en soit, il est vrai que le dispositif tel qu’il nous est soumis est totalement inacceptable. C’est vraiment une illustration de la formule « selon que vous serez puissant ou misérable » : quand celui qui a volé une mobylette est condamné, on ne lui propose pas de la garder au cas où ça ne gênerait personne ! Dans le cas qui nous occupe, le bâtiment est construit, le permis est annulé, la démolition est prononcée, mais elle n’est pas exécutée. Non ! Les démolitions qui ont été décidées doivent être exécutées !
Je puis vous dire que, quand j’étais ministre du logement, j’ai même eu du mal à faire exécuter des démolitions au sein même d’espaces remarquables ; je me souviens notamment d’une injonction que j’ai dû adresser au préfet de Corse pour qu’un bâtiment dont le permis de construire avait été déclaré illégal soit détruit. (Exclamations amusées.) Oh ! ce n’est pas seulement en Corse que des difficultés se posent. Ainsi, sur la Côte d’Azur, un certain nombre de hauts dignitaires du Moyen-Orient possèdent des propriétés construites en bord de mer, au mépris de toutes les règles, mais qui n’ont jamais été détruites.
La loi doit être la même pour tous et partout !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si la justice estime qu’un bâtiment doit être démoli, il faut qu’il le soit ! Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures !
Mme Annie David. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Indépendamment des problèmes qu’une construction illégale peut poser du point de vue de l’environnement, il faut se représenter combien il est difficile de faire exécuter les décisions de démolition, en particulier dans les zones ensoleillées que je connais bien. Rendre ces démolitions encore plus difficiles ne me paraît pas vraiment opportun…
Du reste, je me demande vraiment pourquoi cette disposition a été inscrite dans le projet de loi….
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26, 143 rectifié et 454.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 29 est supprimé, et l'amendement n° 967 rectifié bis n'a plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement, présenté par Mme Monier, M. Guillaume, Mmes S. Robert, Jourda, Emery-Dumas, Ghali, Bataille et Lienemann, MM. Chiron, Aubey, Duran, D. Bailly, Vincent et Raoul, Mmes Claireaux et Blondin et M. Labazée :
I. – Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
a) À la seconde phrase, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « six mois » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ce délai est porté à deux ans si la construction est située dans l’une des zones suivantes : ».
II. – Alinéas 22 et 24
Supprimer ces alinéas.
Article 30
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme et à la première phrase du premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, les mots : « à responsabilité limitée à associé unique » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 30 du projet de loi, qui se rapporte aux architectes, m’offre l’occasion de soulever un problème important : la modification du seuil de surface de plancher déterminant le recours obligatoire à un architecte.
Une mission commune au ministère de la culture et de la communication et à celui de l’égalité des territoires et du logement a rendu, en septembre 2013, un rapport d’évaluation sur les conséquences de la réforme du calcul des surfaces. Elle a conclu à la nécessité d’abaisser à 150 mètres carrés de plancher le seuil du recours obligatoire à un architecte.
En effet, le décret du 7 mai 2012 relatif à une des dispenses de recours à un architecte a modifié les conditions de calcul de la surface des bâtiments en substituant à la mesure en surface hors œuvre nette – SHON – la mesure en surface de plancher. Il s’agissait de ne pas faire entrer dans le calcul de la surface l’épaisseur des parois de façade, afin de favoriser la meilleure isolation thermique et de réduire la consommation énergétique globale des constructions.
Le problème réside dans le fait que le seuil obligatoire de recours à l’architecte est resté fixé à 170 mètres carrés, mais en passant d’une mesure en SHON à une mesure en surface de plancher, ce qui a pour effet indirect de pénaliser les architectes : 170 mètres carrés de surface de plancher équivalent en effet à 190 mètres carrés de SHON.
Paradoxalement, les lois Grenelle 1 et Grenelle 2, qui fixent l’objectif d’une réduction de la consommation énergétique des logements et dont découle le décret mentionné, ont donc eu pour effet indirect, comme le précise le rapport interministériel, de septembre 2013, de pénaliser les acteurs les plus performants dans ce domaine, à savoir les architectes.
Si l’impact économique de cette mesure ne représente que 0,14 % du marché global de la maison individuelle, puisque la surface moyenne des maisons individuelles n’est en France que de 110 mètres carrés et que près de 90 % d’entre elles font moins de 170 mètres carrés, cette variation du seuil a une incidence considérable sur l’activité des cabinets d’architecture, déjà particulièrement touchés par la crise.
Au demeurant, cela n’a pas eu d’effet positif sur la construction de maisons individuelles, qui a vu son effondrement se poursuivre, passant de 170 000 unités en 2010 à 105 000 en 2013.
Loin d’être une contrainte, le recours à l’architecte constitue une véritable garantie de qualité pour le consommateur. C'est en effet un professionnel qualifié et diplômé par l’État ; il établit des actes professionnels conformes au code de déontologie de la profession, il est transparent sur ses honoraires, qui sont clairement identifiés, et il est indépendant vis-à-vis des entreprises de construction.
Il convient de souligner ici que le marché de la maison individuelle est largement tenu par des professionnels moins qualifiés et respectueux des dispositions réglementaires et législatives.
En 2013, les services du ministère de l’économie et des finances eux-mêmes ont ainsi relevé 40 % d’infractions dans les pratiques commerciales des constructeurs de maisons individuelles, avec des maisons ne correspondant pas aux modèles présentés, des indications de prix sans précisions techniques et une certaine opacité quant à la répartition entre les coûts commerciaux, les coûts de conception, les coûts de suivi de chantier, les coûts de construction et le coût du foncier.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons si vous pouvez nous donner des garanties quant à la modification consistant à ramener à 150 mètres carrés le seuil de recours obligatoire à un architecte.
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Comme vient de l’expliquer mon collègue Michel Le Scouarnec, cet article généralise l’exemption de recours à un architecte.
La loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture prévoit en effet le principe du recours obligatoire à l’architecte et l’assortit de dérogations strictement limitées par son article 4. Il convient, selon nous, de ne pas élargir le champ de ces dérogations.
Présenté comme une mesure de simplification, l’article 30 modifie substantiellement l’article 4 précité. Il tend à créer une nouvelle dispense de recours à l’architecte en permettant à tout type d’exploitation agricole, et non plus seulement aux personnes physiques ou aux exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique, de ne pas faire appel à un architecte lorsqu’elles déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance.
Or les effets d’une telle modification n’ont pas été évalués puisque aucune étude sur ses conséquences pratiques, économiques et architecturales n’a été réalisée.
Cette nouvelle dérogation est justifiée par la volonté de limiter les coûts qu’entraînerait le recours à l’architecte, mais on ne semble pas s’être soucié du manque à gagner qu’elle ne manquerait pas d’entraîner pour les architectes, alors que cette profession est déjà durement touchée par la crise économique.
Cette dérogation se trouve en outre en contradiction totale avec la loi de 1977, qui dispose dans son article 1er que « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s'assurent, au cours de l'instruction des demandes, du respect de cet intérêt ».
Cette mesure aurait ainsi de nombreuses conséquences négatives, qu’il s'agisse de l’impact sur le paysage et l’environnement des constructions à usage agricole, avec à la clé une dénaturation du paysage, ou de l’impact sur les activités mêmes des agriculteurs, la qualité architecturale d’un bâtiment, son adéquation aux besoins et sa fonctionnalité, qui sont pourtant autant d’atouts pour en augmenter la valeur patrimoniale et améliorer la productivité de l’exploitation. Or, dans de tels projets, l’architecte joue à tous égards un rôle majeur, son intervention permettant de faire en outre des économies à toutes les phases de l’opération, de sa conception à sa réalisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La dispense de recours à un architecte jusqu’à 800 mètres carrés paraît une mesure de bon sens, qui participe à la simplification et à la lisibilité du droit.
C’est pourquoi la commission spéciale a décidé d’adopter en l’état l’article 30. Elle est donc défavorable à cet amendement, qui tend à le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 111 rectifié ter, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Kern, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 431-3 du code de l’urbanisme, après le mot : « unique », sont insérés les mots : « ainsi que les sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus ».
La parole est à M. Claude Kern.