M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais essayer de convaincre nos collègues du groupe CRC que cet article est bon.
Le logement intermédiaire est maintenant défini dans la loi ALUR. C’est un concept d’urbanisme et un concept de production. Il offre aux plans locaux d'urbanisme des outils favorisant la mixité sociale et la régulation foncière.
Nous avions pris l’exemple de la ville de Saint-Ouen, qui négociait des niveaux de loyers inférieurs au marché, à condition que cela ait un impact sur le prix du foncier.
À partir de cet exemple est née l’idée de faire du logement intermédiaire un concept d’urbanisme, ce qui permet de faire figurer dans les documents le pourcentage de logements de ce type, à côté de la proportion de logements sociaux et d’offrir un outil pour agir sur la mixité sociale. Cette catégorie inclut, en outre, l’accession sociale à la propriété avec le PSLA, lequel constitue le seul véritable outil dédié à cet objectif, grâce au bénéfice de la TVA à 5,5 %.
M. Le Scouarnec, je suis sensible au risque de surendettement, mais je rappelle qu’il n’est pas dû, en France, à l’accession sociale à la propriété. J’en veux pour preuve que le Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété, le FGAS, n’a quasiment jamais été utilisé. Le surendettement est lié au crédit à la consommation et non à l’accession sociale, à condition que les organismes qui pratiquent le PSLA, comme les coopératives HLM, veillent à s’assurer du respect des critères de sécurisation.
Nous devons donc soutenir l’accession sociale à la propriété. Aujourd’hui, dans les coopératives HLM, 75 % des accédants PSLA sont des locataires en HLM qui accèdent à la propriété.
Le concept de logement intermédiaire est donc nécessaire.
La stratégie du Gouvernement vise à distinguer le logement intermédiaire comme opportunité – PSLA et inscription dans les documents d’urbanisme – du zonage strict conditionnant des aides fiscales pour les opérateurs afin de réaliser ce type de logements. Il convient en effet d’éviter que des « arrosages » d’aides fiscales inconsidérés ne conduisent à la production de logements intermédiaires n’importe où et n’importe comment, sans considération des réalités locales.
La délégation des aides à la pierre du logement intermédiaire est cohérente avec les autres aides à la pierre. Les endroits où le logement intermédiaire peut se substituer au logement social sont très peu nombreux, et les endroits où éventuellement le logement social pourrait être impacté par le logement intermédiaire sont souvent ceux qui sont protégés par la loi SRU et l’objectif de 25 %.
Je plaide en faveur de cette délégation des aides à la pierre sur les territoires, notamment pour l’accession sociale à la propriété, car, bien souvent, les élus y sont favorables, mais ne connaissent ni les outils ni les moyens dont ils pourraient disposer. Comme vous, je suis favorable à un renforcement des aides à la pierre pour le logement social.
Quant à la location-attribution, monsieur Delattre, c’est vieux comme le monde ! À ma naissance, le dispositif existait déjà. Le PLSA a été créé ultérieurement, d’ailleurs, pas à l’initiative d’un gouvernement de gauche, et je l’avais soutenu. Vous le voyez, je ne suis pas sectaire. Nous devons la création de ce prêt à M. de Robien, si j’ai bonne mémoire. Puis, au fil du temps, nous avons, les uns et les autres, amélioré le dispositif.
Par ailleurs, vous avez affirmé que l’aide à la pierre est égale à l’aide à la personne. C’est totalement inexact ! Ou alors vous mettez dans l’aide à la pierre les bonifications de la Caisse des dépôts et consignations pour le Livret A, vous y mettez tout. En réalité, nous manquons d’aide à la pierre pour le logement social ! Mais la présente disposition n’est pas de nature à nous permettre de renforcer ce que je plaide depuis des années, en espérant que le Président de la République tiendra son engagement du doublement de l’aide à la pierre à la fin de son mandat.
Un sénateur du groupe UMP. Vous rêvez !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous n’avons rien à enlever aux propos de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann sur l'accession sociale à la propriété et la nécessité de permettre à chacun de se loger.
Le problème, c’est qu’il n’est question ici que du logement intermédiaire, et non du logement social au sens propre. En conséquence, l’argent public qui sera affecté à ces logements intermédiaires ne sera pas consacré au logement social. C’est cela que nous contestons.
Afin de permettre à chacun de se loger, pourquoi ne pas relever le plafond de ressources permettant de se loger en logement social, plutôt que d’attribuer de l’argent public à la construction privée ? Nous plaidons pour que le logement social soit accessible à tous !
Nous ne sommes donc pas en contradiction avec vos propos, ma chère collègue. Nous refusons seulement que des constructions privées bénéficient d’argent public, ainsi que le permet cet article. Nous maintenons donc cet amendement et nous le soumettons au vote.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je pourrais tenir quasiment les propos de Mme Marie-Noëlle Lienemann. En matière de parcours résidentiel, les approches dogmatiques sont vaines…
Mme Annie David. Qui est dogmatique ?
M. Daniel Dubois. … au regard du vécu des gens.
Pour parvenir à accéder à la propriété, en particulier dans les zones tendues, certains peuvent partir du prêt locatif aidé d’intégration, ou PLAI, et bénéficier ensuite d’un logement PLUS, puis d’un logement prêt conventionné locatif – PCL – ou d’un logement prêt locatif social – PLS –, et passer dans l’accession locative et devenir propriétaire. Cette situation existe. (Mme Annie David opine.)
Votre explication relative au risque que l’élargissement de la délégation d’aide à la pierre au logement intermédiaire ne constitue une raison supplémentaire pour l’État d’abandonner le financement du logement social est intéressante. Cette question se pose effectivement.
Si les collectivités locales, qu’elles soient délégataires d’aide à la pierre ou pas, ne soutenaient pas la construction de logements locatifs, la situation serait catastrophique sur le territoire français. Aujourd’hui, pourtant, elles sont bien maltraitées dans le cadre de leurs recettes futures.
Ma communauté de communes, qui rassemble 8 000 habitants en territoire rural, qui, je le signale au passage, va perdre 77 000 euros de dotation globale de fonctionnement cette année, a apporté 9 000 euros par logement locatif social construit sur son territoire. Telle est aujourd’hui la réalité de nos territoires !
Si l’État continue à tirer vers le bas les recettes versées aux collectivités locales et à ne pas plus aider le logement locatif, parcours ou pas parcours, on construira de moins en moins de logements locatifs et de logements intermédiaires, parce qu’il n’y aura plus d’argent pour le faire.
Cela étant dit, je suis tout de même favorable à la cohérence de ce texte, et je voterai naturellement l’article dans la rédaction du Gouvernement. (M. Gérard Roche applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. En réponse à Mme Assassi, il est certain que le logement intermédiaire doit être financé, mais dans un cadre garantissant l’étanchéité des fonds publics d’État entre ceux qui sont consacrés au logement intermédiaire et ceux qui concernent le logement social.
Mme Annie David. Ce n’est pas écrit !
M. le président. L'amendement n° 1376, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :
IV. – Le I de l’article 244 quater J du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au treizième alinéa, la somme : « 64 875 € » est remplacée par la somme : « 54 098 € » ;
2° Au quatorzième alinéa, la somme : « 32 500 € » est remplacée par la somme : « 65 000 € ».
V. – La perte de recettes pour l’État résultant de l’application du 2° du IV ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI. – Les IV et V ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû
VII. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Pour appuyer ce qui vient d’être dit, à propos de l’accès social à la propriété, il s’agit, à travers cet amendement, de diminuer les conditions de ressources ouvrant droit à l’avance remboursable sans intérêt et, corrélativement, d’en augmenter le montant.
Il paraît indispensable de recentrer le prêt à taux zéro afin d’en faire une aide déterminante dans l’acte d’achat. Il doit redevenir le soutien public qui permet l’accès à la propriété, avec un montant suffisamment significatif pour rendre l’achat possible.
Aujourd’hui, le prêt à taux zéro, ou PTZ, est ouvert aux ménages aisés au détriment des plus fragiles. Rappelons en effet que l’accession à la propriété est fermée aux ménages les plus modestes. C’est pourtant sur l’accession sociale que doit être porté le principal effort de la collectivité. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Votre amendement est sans objet, puisqu’il tend à modifier un dispositif de prêt à taux zéro qui n’est plus appliqué et qui a été remplacé par le dispositif de prêt à taux zéro dit « PTZ+ », lequel vise à soutenir l’accession à la propriété des ménages modestes.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’avis est également défavorable. Cet amendement vise à modifier un dispositif qui s’est éteint le 31 décembre 2010 et il est donc sans effet.
M. le président. Monsieur Abate, l'amendement n° 1376 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1376 est retiré.
Je mets aux voix l'article 23 bis.
(L'article 23 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 23 bis
M. le président. L'amendement n° 984 rectifié, présenté par M. Delattre, Mme Imbert, MM. Carle, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Vasselle, J. Gautier et D. Laurent, Mme Micouleau, MM. Milon et Calvet, Mme Mélot, MM. G. Bailly, Doligé et Laménie, Mme Duchêne, M. Houel, Mme Primas et MM. Leleux, Trillard et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 23 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, le nombre : « 1 500 » est remplacé par le nombre : « 2 500 ».
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Après une quinzaine d’années d’application, nous pouvons tirer quelques enseignements de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Sur le fond, faire la ville dans la ville allait dans la bonne direction, en permettant de densifier les secteurs urbains, tout en épargnant notamment les terres agricoles et les espaces naturels.
Néanmoins, un certain nombre d’îlots posent problème, car, dans ces zones, la géographie, le sol, le respect des réglementations et des lois gênent véritablement l’extension du parc social. Ainsi, lorsque votre territoire relève de la loi Littoral, la construction peut être soit complètement interdite soit très réglementée. Il en va de même pour les zones situées dans un parc naturel. Si votre ville comprend de nombreux monuments historiques, l’intervention de l’administration chargée de ces monuments rendra difficile l’extension du parc social.
Au final, les situations où il n’y a pas de solution foncière se multiplient. Le dispositif est relativement injuste, car, en général, les élus essayent de trouver une solution, quitte à se mettre parfois dans l’illégalité.
Je le redis, après une quinzaine d’années d’application de la loi, il faut avoir le courage de dire ce qui fonctionne et ce qui pose problème. Or, là, nous sommes face à une véritable difficulté. C'est la raison pour laquelle je propose de modifier le fameux seuil de 1 500 habitants pour le porter à 2 500 : cela résoudra non pas tous les problèmes, mais les trois quarts d’entre eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’application de la loi SRU fait l’objet de débats ô combien récurrents au Sénat et nous aurons certainement l’occasion d’en discuter de nouveau à de nombreuses reprises dans cet hémicycle. C'est non pas au détour d’un amendement que l’on doit rouvrir ce débat, mais plutôt dans le cadre soit de la discussion du budget du logement lors de l’examen du projet de loi de finances, soit au travers d’une proposition de loi dédiée à ce sujet.
Aujourd’hui, l’article 55 de la loi SRU s’applique dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants des régions hors Île-de-France et à celles de plus de 1 500 habitants en Île-de-France. Monsieur Delattre, vous proposez de relever ce dernier seuil à 2 500 habitants. Dans un récent rapport, la Cour des comptes a même proposé d’aller plus loin que vous, en préconisant que le seuil de 3 500 habitants soit appliqué à l’ensemble du territoire, y compris en Île-de-France.
Or il faut tout de même reconnaître que la région la plus tendue, celle dans laquelle les demandes sont les plus nombreuses, est bien l’Île-de-France. Qu’il y ait un effort de solidarité porté par un certain nombre de communes paraît être une idée qui, loin d’être ubuesque, a véritablement une certaine légitimité.
Cependant, je le répète, ce n’est pas le moment d’ouvrir ce genre de débat. Aussi, je vous demande, mon cher collègue, de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui porte sur un sujet ayant été longuement, et parfois vivement, débattu dans cet hémicycle au moment de l’examen de la loi du 18 janvier 2013.
À l’époque, le texte adopté a permis de bâtir un dispositif équilibré, sur lequel il n’est pas question de revenir. En effet, la loi impose un quota de 30 % de logements sociaux. En Île-de-France, les communes de plus de 1 500 habitants sont soumises à cette obligation. Il s’agit d’un enjeu de mixité sociale, de lutte contre les inégalités sociales. Ce seuil de 1 500 habitants n’est d’ailleurs, en réalité, pas une nouveauté, puisqu’il est en vigueur depuis l’année 2000. Les communes ont donc eu beaucoup de temps pour s’adapter à leurs obligations législatives.
Le Gouvernement a décidé d’aller plus loin : les communes de plus de 1 500 habitants qui ne respecteront pas le quota de logements sociaux verront les préfets, qui sont les représentants de l’État dans les territoires, sévir. Dans les communes carencées en logements sociaux, les préfets devront utiliser pleinement l’outil que constitue l’arrêté de carence. Il permet une préemption par l’État des terrains ou des logements sous forme de reprise, y compris des permis de construire.
Vous l’aurez compris, nous ne reviendrons pas sur l’équilibre qui a été trouvé, car il répond à un impératif de mixité sociale. En revanche, le Gouvernement s’assurera que la loi SRU est désormais bien respectée partout, y compris en Île-de-France, par les communes qui n’avaient pas jusqu’à présent rempli leurs obligations légales.
M. le président. Monsieur Delattre, l'amendement n° 984 rectifié est-il maintenu ?
M. Francis Delattre. La réponse du Gouvernement n’est pas satisfaisante. Mon amendement vise non pas à protéger les communes qui ne respectent pas la loi, mais à permettre l’examen de situations extraordinaires, lorsque les communes sont dans l’impossibilité d’atteindre l’objectif.
M. Christophe Béchu. Exact !
M. Francis Delattre. Si on ne regarde pas la réalité en face, on peut tenir le discours qui a été le vôtre – entre nous soit dit, il est très répétitif –, mais il est complètement déconnecté des réalités du terrain. (M. Christophe Béchu opine.)
Néanmoins, pour faire plaisir à Mme la corapporteur, je retire mon amendement, en espérant que ce débat permettra aux uns et aux autres de réfléchir utilement à la question.
M. le président. L'amendement n° 984 rectifié est retiré.
Article 23 ter
(Non modifié)
Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa de l’article L. 302-16, les mots : « Dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants telle que définie à l’article 232 du code général des impôts ainsi que dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique définies par décret pris en application du septième alinéa de l’article L. 302-5 du présent code, » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 254-1, les mots : « , dans le périmètre mentionné à l’article L. 302-16, » sont supprimés ;
3° À la fin de la troisième phrase du sixième alinéa du IV de l’article L. 302-1, les mots : « , dans les secteurs mentionnés à l’article L. 302-16, l’offre de logements intermédiaires définie à cet article » sont remplacés par les mots « l’offre de logements intermédiaires définis à l’article L. 302-16 » ;
4° Au vingt-deuxième alinéa de l’article L. 421-1, les mots : « , dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants telle que définie à l’article 232 du code général des impôts ainsi que dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique définies par décret pris en application du septième alinéa de l’article L. 302-5 du présent code, » sont supprimés ;
5° Au trente-sixième alinéa de l’article L. 422-2 et au quarante et unième alinéa de l’article L. 422-3, les mots : « , dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants telle que définie à l’article 232 du code général des impôts ainsi que dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique définies par décret pris en application du septième alinéa de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, » sont supprimés.
(Mme Jacqueline Gourault remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 445 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 18.
Mme Laurence Cohen. Je vous donne ici lecture d’une dépêche parue le 10 avril dernier : « La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour le non-relogement d’une famille prioritaire au titre du DALO. Une décision importante qui fournit une nouvelle arme juridique pour les demandeurs prioritaires en attente de relogement. »
C’est une nouvelle pierre à l’édifice jurisprudentiel du droit au logement opposable, ou DALO, qui vient d’être posée : la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, dans un arrêt en date du 9 avril 2015, a pour la première fois condamné la France pour ne pas avoir relogé une famille reconnue prioritaire au titre du droit au logement opposable par un jugement du 28 décembre 2010 du tribunal administratif de Paris.
Le préfet de région était alors condamné à reloger la famille, sous astreinte de 700 euros par mois de retard. Au jour du jugement de la CEDH, la famille n’avait toujours pas été relogée.
La Cour européenne estime que l’État français a violé l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacre le droit à un procès équitable : le défaut d’exécution du jugement en question ne se fonde sur aucune justification valable au sens de la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a jugé que le manque de ressources de l’État pour assurer le relogement n’était pas un argument valable.
Il s’agit là d’un nouveau recours pour les personnes prioritaires, alors que la loi DALO donne déjà la possibilité au juge français de condamner l’État sous astreinte à assurer le relogement des familles prioritaires.
Deux jugements du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2010 avaient également reconnu la responsabilité de l’État pour méconnaissance de son obligation de relogement, et condamné ce dernier à verser, au-delà des astreintes, des dommages et intérêts aux familles non relogées.
L’État est donc désormais juridiquement responsable face aux bénéficiaires du DALO, alors que, en 2014, 8 519 jugements d’astreinte ont été prononcés pour non-relogement de personnes pourtant reconnues au titre du droit au logement opposable.
Selon le dernier bilan du DALO, publié en mars 2015, les chiffres sont toujours en hausse, notamment en Île-de-France.
René Dutrey, secrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, demande la mise en place d’un plan d’urgence, comportant des objectifs chiffrés par territoire, pour reloger les plus de 59 000 ménages reconnus au titre du droit au logement opposable, en attente depuis six mois à sept ans.
Mes chers collègues, au regard de ces informations, il est grand temps que nos débats échappent quelque peu à la logique mercantile qui parfois apparaît et structure notre débat sur le logement au sein du projet de loi sur la croissance et l’activité.
Au bénéfice de ces informations, je ne peux que vous inviter à adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 445.
M. Joël Labbé. L’article 23 ter supprime le ciblage du développement du logement intermédiaire sur les seules zones tendues. Il constitue ainsi une incitation au développement du logement intermédiaire comme investissement immobilier rentable pour les constructeurs.
L’expérience a montré que si le logement intermédiaire répond à un réel besoin dans les zones tendues, notamment pour les jeunes ménages, certaines opérations ont été des échecs, car les immeubles construits ont connu des taux de remplissages très faibles.
Construire là où il n’y a pas de demande contribue à « artificialiser » les sols et s’avère être un mauvais investissement pour les épargnants qui ont fait ce choix.
Voilà pourquoi nous proposons, à travers le présent amendement, de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Mme Cohen nous a fait un long exposé sur le droit au logement opposable. Pourtant, ni l’article examiné ni l’amendement proposé ne portent sur cette question. Nous parlons bien ici du zonage du logement intermédiaire, comme l’a rappelé M. Labbé en présentant son amendement.
S’agissant justement de l’amendement n° 445, il vise à supprimer l’article 23 ter, qui, lui-même, supprime la condition de zonage dans la définition du logement intermédiaire.
Je rappellerai que le zonage réglementaire du logement intermédiaire fixé par l’ordonnance du 20 février 2014 sur le logement intermédiaire est basé sur la taxe sur les logements vacants, alors que le zonage fiscal des dispositifs d’aide existant en faveur du logement intermédiaire repose, lui, sur le zonage ABC.
Cette différence de zonage est pour le moins discutable. L’article 23 ter apporte une simplification bienvenue en supprimant le zonage réglementaire dans la définition du logement intermédiaire.
Pour cette raison, la commission spéciale a donné un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour des raisons similaires.
L’article 23 ter a uniquement pour objet de supprimer le zonage relatif aux mesures de l’ordonnance du 20 février 2014. Ces mesures concernent la définition du logement intermédiaire, la possibilité qui est donnée aux collectivités territoriales de prévoir le développement du logement intermédiaire dans leurs documents de programmation.
Il est important de rappeler que les aides financières et fiscales favorisant la production de logements intermédiaires, comme la TVA réduite à 10 %, restent soumises à un zonage. Elles ne s’appliquent qu’aux zones tendues, là où la demande en logements intermédiaires est la plus nécessaire.
Je rappelle aussi que le dézonage de l’ordonnance ne supprime pas du tout le zonage des aides au logement intermédiaire, qui restent circonscrites aux zones tendues.
Il n’est donc nullement question en l’espèce d’étendre le logement intermédiaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je souhaiterais de nouveau expliquer à mes collègues pour quelle raison ils devraient soutenir la position du Gouvernement, à savoir l’article.
Je rappelle qu’il y a deux sujets distincts : la définition du logement intermédiaire et son introduction dans les documents d’urbanisme. Le prêt social location-accession, le PSLA, est massivement utilisé en dehors des zones tendues. Si l’on veut indiquer dans des documents d’urbanisme qu’il faut du logement intermédiaire parce qu’on souhaite favoriser le logement en location-accession, le logement intermédiaire doit être accessible en dehors des zones tendues.
En revanche – et là, je comprends très bien les arguments des uns et des autres –, il serait illégitime que l’aide fiscale de l’État concerne l’ensemble des territoires. Je sais que nos collègues du groupe CRC sont défavorables à une aide fiscale sur le logement intermédiaire. On peut en débattre. Mais, à partir du moment où un dispositif d’aide fiscale sur le logement intermédiaire existe, il est nécessaire, en effet, qu’il soit ciblé sur les zones tendues. Car vous avez raison, chers collègues : les aides fiscales qui ont été conçues auparavant ont souvent constitué des opportunités fiscales qui arrosaient le territoire de logements qui apparaissent vides car en décalage par rapport aux revenus de nos concitoyens.
Donc, ici, nous nous situons vraiment dans un cadre qui simplifie, qui offre un cadre opérationnel, dans l’esprit de ce qui était – je le rappelle – débattu lors de l’examen de la loi ALUR. Nous avions alors expliqué qu’il nous fallait un outil d’urbanisme qui contribue à lutter contre la spéculation et à permettre notamment l’accession sociale à la propriété dans les documents d’urbanisme, à travers le concept de logement intermédiaire.
Par ailleurs, je rappelle que les aides fiscales sont bien ciblées sur les zones tendues. (M. Marc Daunis opine.) Ensuite, il est possible de débattre sur les aides fiscales, mais, très honnêtement, cela ne revient pas à dénaturer l’esprit de la loi ALUR. Cela conduit plutôt à lui rendre une opérationnalité et une visibilité.