Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 723.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l’adoption | 109 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 12 A.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 199 |
Contre | 108 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Je veux évoquer l’organisation de nos travaux. Sans remettre en cause la légitimité des scrutins publics, j’observe que nous ne sommes pas nombreux ce matin. Peut-être le serons-nous encore moins cette après-midi.
Or, hier au soir, la présidence a annoncé que nous lèverions la séance de ce jour à dix-neuf heures. Je voudrais avoir la confirmation de cet horaire, car j’ai entendu dire que la séance pourrait n’être levée qu’à vingt et une heures.
M. le président. Madame Assassi, je vous confirme que la séance d’aujourd'hui ne se poursuivra pas au-delà de dix-neuf heures.
Article 12
I. – Sont régis par les I à I quinquies du présent article les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunaux de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires.
Sauf disposition contraire, lorsqu’un professionnel mentionné au premier alinéa est autorisé à exercer une activité dont la rémunération est fixée par un tarif propre à une autre catégorie d’auxiliaire de justice ou d’officier public ou ministériel, sa rémunération est arrêtée conformément aux règles dudit tarif.
I bis. – Les tarifs mentionnés au I prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs, qui prennent notamment en compte les sujétions auxquelles sont soumises les professions en cause.
Par dérogation au premier alinéa du I bis, peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou des droits d’une valeur supérieure à un seuil fixé par le ministre de la justice soient fixés proportionnellement à la valeur du bien ou du droit. Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, d’une partie des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéfice d’un fonds propre à chaque profession destiné à financer, d’une part, la compensation des prestations accomplies à perte par les professionnels concernés et, d’autre part, l’indemnisation éventuelle par le créateur d’un nouvel office des titulaires d’office auxquels cette installation a causé préjudice.
Des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent I bis et lorsque le montant de ce tarif est supérieur à un seuil minimal défini par l’arrêté conjoint prévu au I ter. Pour chaque profession concernée par le présent article, un décret en Conseil d’État détermine quels autres types de remises peuvent être consentis par les intéressés sur le tarif des prestations qu’ils accomplissent, lorsque celles-ci entrent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels.
I ter. – Le tarif de chaque prestation est arrêté par le ministre de la justice.
Ces tarifs sont révisés au moins tous les cinq ans.
I quater. – Les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les notaires affichent les tarifs qu’ils pratiquent, de manière visible et lisible, dans leur lieu d’exercice et sur leur site internet.
I quinquies. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise les modalités d’application du I à I quinquies du présent article, notamment :
1° Les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ;
2° et 3° (Supprimés)
4° Les caractéristiques de la péréquation prévue au deuxième alinéa du I bis.
I sexies. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 462-2, il est inséré un article L. 462-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 462-2-1 (nouveau). – À la demande du Gouvernement, l’Autorité de la concurrence donne son avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés, respectivement, au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 et au I de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Cet avis est rendu public.
« L’Autorité de la concurrence peut également prendre l’initiative d’émettre un avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa. Cet avis est rendu public.
« L’engagement d’une procédure d’avis en application du présent article est rendue publique dans les cinq jours ouvrables, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice ainsi qu’aux organisations professionnelles ou aux instances ordinales concernées d’adresser leurs observations à l’Autorité de la concurrence.
« Le Gouvernement informe l’Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa. » ;
2° La première phrase de l’article L. 663-2 est ainsi rédigée :
« Les modalités de rémunération des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires sont fixées conformément aux I à I quinquies de l’article 12 de la loi n° ... du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, celles des commissaires à l’exécution du plan et des liquidateurs, par décret en Conseil d’État. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 663-3, la référence : « de l’article L. 663-2 » est remplacée par la référence : « du I bis de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » ;
4° À la fin du premier alinéa de l’article L. 743-13, les mots : « par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « en application des I à I quinquies de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. »
II. – La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 113-3 du code de la consommation est complétée par les mots : « du présent code, ainsi qu’aux prestations mentionnées aux I à I quinquies de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».
III. – L’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels est abrogé. Toutefois, les dispositions tarifaires fixées en vertu de cet article demeurent en vigueur jusqu’à leur modification opérée conformément aux I à I quinquies du présent article.
IV. – Sont applicables à Wallis-et-Futuna :
1° Les I à I quinquies du présent article, ainsi que les articles L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1, L. 663-2, L. 663-3 et L. 743-13 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article ;
2° L’article L. 113-3 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent article.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. L’article 12 inaugure le début d’une longue discussion sur la réforme des professions réglementées, dont il a déjà été beaucoup question dans les médias ces dernières semaines. Je profite donc de ce premier article pour vous exposer notre vision générale sur ces professions, qui vaut évidemment pour les articles suivants.
L’État a délégué certaines prérogatives de puissance publique attachées à sa mission régalienne aux professions réglementées : huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers, administrateurs judiciaires, etc.
Actuellement, et en toute logique, c’est donc le ministère de la justice qui contrôle les conditions d’exercice de cette délégation et réglemente les tarifs et l’implantation desdites professions.
Ce faisant, il est le garant de la sécurité juridique de leurs actes et il peut veiller à l’indépendance de ces professionnels du droit, au respect des règles déontologiques et à l’absence de conflits d’intérêts.
Il veille également à l’accès de tous au droit en contrôlant le maillage territorial de ces professions et en évitant l’apparition de déserts juridiques dans des zones moins attractives, pour ne pas dire moins rentables.
Arguant de tarifications trop élevées des actes – selon une vision extrêmement caricaturale, qui ne correspond pas à l’ensemble de ces professions, mais à une minorité au sein de chacune d’elles –, le Gouvernement prétend y remédier en libéralisant les professions concernées, afin qu’elles contribuent à la vitalité de l’économie.
Ainsi, il veut introduire une concurrence tarifaire, une liberté d’installation et même une capitalisation des sociétés qui, elle, a été retirée du texte par la commission spéciale.
Notre vision est la suivante : si un problème existe concernant les tarifs ou l’implantation de ces professions, le meilleur moyen de les corriger réside encore dans le pouvoir de régulation dont dispose actuellement le ministère, qui lui donne toute latitude pour les corriger s’il le juge nécessaire et selon des besoins qu’il est le mieux à même d’analyser.
En outre, si l’on estime que certaines professions ont un revenu trop élevé, l’impôt sur le revenu ne constitue-t-il pas un instrument de régulation privilégié pour opérer une redistribution en fonction de ces revenus ? (M. Jean Desessard acquiesce.) Sans doute faudrait-il le réformer, et nous engageons le Gouvernement à le faire, mais, dans tous les cas, ce n’est pas la libéralisation à outrance des professions du droit qui apportera, selon nous, la solution.
Nous partageons donc les inquiétudes de ces professions réglementées du droit.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Éric Bocquet. Toutefois, de grâce, que l’on ne vienne pas nous dire que nous défendons la rente ! Non seulement ce projet de loi ne créera aucun emploi et aucune croissance, mais, en plus, il aboutira in fine à une remise en cause du maillage territorial, avec le risque de créer des zones de concentration d’offices et des déserts juridiques.
Ces mesures portent atteinte à l’égalité d’accès de tous les citoyens à la justice en instaurant des tarifs différenciés. Il est important ici de rappeler que la justice et le droit ne peuvent être abordés sous un angle uniquement économique et que l’accès de tous au droit et à la sécurité juridique prime sur la rentabilité et la compétitivité. Marier le droit et le marché nous paraît quelque peu scabreux – c'est un peu comme marier la carpe et le lapin !
Certes, le projet de loi initial a été modifié et encadré, en partie à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais il continue de s’appuyer sur les mêmes principes, qui restent tout autant critiquables.
Le premier principe est la déréglementation des tarifs et la création de seuils entre lesquels des négociations entre parties sont possibles, faisant primer la loi du fort au détriment de l’intérêt général.
Le deuxième principe est l’intrusion de l’Autorité de la concurrence dans la détermination de la politique tarifaire et des zones d’implantation, alors même que cette instance n’a pour but que d’étendre le dogme de l’autorégulation et du marché.
Le troisième principe est la liberté d’installation et la suppression du contrôle de l’État dans des zones où les professionnels sont jugés trop peu nombreux.
Enfin, le projet de loi s'appuie encore sur l’élargissement de la territorialité de la postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel, avec l’éloignement des avocats des citoyens.
Alors que rien ne permet d’affirmer qu’elles se traduiront par des créations d’emplois, les mesures concernant les professions réglementées poursuivent le travail d’ouverture débridée à la concurrence du marché du droit et ne règlent en rien le problème de l’accès à ce droit. Ce texte risque donc de faire disparaitre des milliers de ces professionnels délégataires d’une mission de service public au profit d’une grande profession du droit – d’inspiration anglo-saxonne, d’une certaine manière – dont le capital sera ouvert à tous et qui sera concentrée dans de grands cabinets aux abords des grandes villes.
Les usagers seront alors confrontés à une sorte de braderie de leur sécurité juridique, au profit de sociétés privatisées dont le moteur essentiel est la profitabilité. Voilà la philosophie portée par ces articles, et nous ne pouvons que nous y opposer fermement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l'article.
M. Jacques Bigot. Nous allons aborder la série d’articles du projet de loi portant sur les professions réglementées.
Sans reprendre ce que j’ai dit en discussion générale, j’ai souvent entendu parler du marché du doit, et il existe bel et bien. Des gens y gagnent leur vie en pratiquant diverses activités, tandis que le droit lui-même participe au marché et à l’économie. La situation est donc complexe.
J’ai souhaité intervenir sur l’article 12, qui concerne les tarifs de ces professions réglementées. Ces tarifs ont un sens : dès lors que des officiers ministériels, des administrateurs ou des huissiers de justice, par exemple, ont un rôle fixé par l’État, il est logique que ce dernier en fixe aussi les tarifs, sauf à ouvrir entièrement ces professions à la concurrence, comme cela se pratique d'ailleurs pour d’autres professionnels du droit, comme ces auxiliaires de justice que sont les avocats, pour lesquels on envisage d'ailleurs, en se recommandant précisément de la liberté de la concurrence et des prix, de supprimer le tarif de la postulation, et cela avec le parfait accord de la profession.
S'agissant des autres professions, les tarifs réglementés s'imposent, car il faut trouver un juste équilibre.
Prenons l’exemple des actes de vente dressés par les notaires, dont je rappelle que le prix de revient a été largement amplifié par les textes successivement adoptés par le Parlement – aujourd'hui, faire un acte de cession immobilière suppose de très nombreux contrôles et prises de renseignements. Eh bien, ce coût est le même, quel que soit le prix du bien cédé, qu’il s'agisse de la vente d’un garage de 10 000 ou 15 000 euros – l’acte a alors une très faible valeur – ou de la vente d’un superbe appartement sur l’île Saint-Louis, qui en vaut bien plus.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jacques Bigot. Certes, si la prestation n’est pas payée à son coût exact, elle doit l’être en fonction du montant de la valeur marchande du bien.
Quoi qu’il en soit, il est apparu – notamment avec le développement du marché immobilier et la progression de certains chiffres – que quelques professions gagnaient très bien leur vie, voire, pour d’aucuns, scandaleusement bien. Il faut donc trouver une manière de réviser le tarif – ce qui n’a pas été fait – ou de l’adapter, afin, peut-être, de parvenir à un équilibre.
M. le ministre avait initialement envisagé, dans son projet de loi, un corridor tarifaire dont il a reconnu depuis qu’il ne constituait pas la bonne solution. L’Assemblée nationale a proposé qu’il soit possible de consentir une remise dans une fourchette de prix comprise entre un plancher et un plafond. La commission, quant à elle, propose que l’on supprime le plafond et que le montant de la remise puisse en outre être librement fixé.
Pour ma part, je pense que les tarifs réglementés, par essence, ne sont pas du domaine de la concurrence et que le plus simple est de ne pas les dénaturer.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Jacques Bigot. En revanche, dans l’hypothèse où un tarif proportionnel crée des ressources atteignant un niveau jugé inadmissible, le Gouvernement pourrait logiquement décider que, au-delà d’un certain montant, un prélèvement est opéré pour nourrir un fonds de péréquation. (M. Jean Desessard applaudit.)
Ce fonds pourrait ensuite être mobilisé pour l’aide à l’accès au droit – peut-être dans ce code que la commission spéciale a voulu créer – et à l’installation de jeunes notaires, sans compensation auprès des notaires en place sur le secteur.
Par l’amendement que j’ai déposé sur cet article, je me suis contenté de reprendre le projet de la commission, en supprimant la remise et en instaurant un dispositif qui vise à alimenter le fonds de péréquation, lorsque le tarif fixé crée des ressources trop importantes.
Monsieur le ministre, monsieur le corapporteur, je livre ces propositions à votre réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, vous avez affaire à un hémicycle rempli de curiosité à votre égard. J’entends M. Bigot évoquer l’amendement qu’il a déposé pour modifier le texte de la commission. Le groupe CRC dit ce que j’aurais pu dire. Décidément, j’ai un problème ce matin, il faut que je me surveille ! Tout à l’heure, j’étais d’accord avec Mme Bricq, maintenant, c’est avec le groupe CRC… (Sourires.) C’est une vieille alliance classique depuis la Seconde Guerre mondiale ! (Nouveaux sourires.)
Vous avez déposé, monsieur le ministre, un amendement visant à récrire l’article 12, revenant finalement à quelque chose dont personne ne veut. Je ne sais pas comment vous faites !
Très sincèrement, quand j’ai vu arriver ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, j’ai cru que vous étiez le ministre qui allait libérer l’économie, créer des emplois et mieux répartir la richesse. J’ai cru que vous alliez rendre notre peuple productif, heureux et doté d’un meilleur pouvoir d’achat, grâce à une industrie requalifiée… (Sourires.)
J’irai même jusqu’à dire que nous attendions votre texte avec une sorte de gourmandise ! Il est enfin examiné par notre assemblée, et nous voilà confrontés à la question de ces pauvres notaires… Je dois l’admettre, monsieur le ministre, en me levant tous les matins, je ne pense pas immédiatement à cette profession pour œuvrer au redressement économique de la France ! Toutefois, je ne doute pas que tel soit votre cas.
Certes, des modifications peuvent être introduites. Certaines évolutions ont d’ailleurs eu lieu, M. Bigot l’a dit tout à l’heure. Ainsi le Parlement a-t-il accru les charges des notaires et revu les tarifications de certains actes, lors de l’adoption de textes relatifs au logement ou à l’immobilier. Dans la mesure où il s’agit d’une profession « réglementée », il est normal que le Parlement, en votant la loi, modifie les équilibres.
Rééquilibrer progressivement, ce n’est pas provoquer un tremblement de terre. Je n’évoquerai pas, monsieur le ministre, l’étude du cabinet Ernst & Young, à laquelle vous avez déjà fortement réagi, affirmant qu’elle était destinée à affoler le public. Celle-ci estime en effet que les mesures que vous proposez aboutiraient à une diminution de 10 % à 20 % du chiffre d’affaires de ces professions, ainsi qu’à la disparition d’environ 9 500 collaborateurs d’ici à 2020.
Je le rappelle, il s’agit d’une profession qui exerce une mission de service public, assure un maillage territorial et rend un service hautement sécurisé, préférable à l’insécurité juridique constatée dans certains pays européens ou nord-américains.
Si vous aviez simplement voulu modifier à la marge, comme le disait M. Bigot, certains éléments tarifaires, nous aurions compris. Or, en l’espèce, s’il ne s’agit pas d’une attaque frontale, les mesures proposées transforment les professions réglementées en quelque chose d’inacceptable.
Bien que je sois gaulliste, je pense être un libéral. Pour autant, je ne comprends pas votre volonté de déstabiliser des professions réglementées, qui fonctionnent, plutôt que d’apporter des modifications à la marge. Je le rappelle, la profession de notaire assure la sécurité juridique de tous les ménages français, qu’il s’agisse de leurs droits de succession ou des transactions relatives à leurs appartements.
Il existe tout de même d’autres privilèges dans le monde économique français, d’autres Bastilles à prendre ! Par pitié, monsieur le ministre, acceptez le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 101 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 772 est présenté par MM. Ravier et Rachline.
L'amendement n° 1490 est présenté par M. Gremillet.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Christian Favier. L’idée que les conditions dans lesquelles exercent les professions réglementées sont infraéconomiques n’est pas nouvelle. En 2011, déjà, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées la reprenait, et nous la contestions, comme nous le faisons aujourd'hui.
Pour nous, le droit, qui n’est pas une banale marchandise, ne peut être soumis à la loi du marché. Le considérer ainsi serait une faute politique et un coup porté à la notion même de service public. Le choix fait par le Gouvernement de réformer les professions judiciaires réglementées par le biais d’un texte émanant du ministre de l’économie est non de la garde des sceaux est révélateur de la place accordée aujourd'hui au service public national de la justice.
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 12. À notre sens, la fin des services réglementés par l’État pour les professions de commissaire-priseur judiciaire, de greffier des tribunaux de commerce, d’huissier de justice, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire et de notaire ne traduit qu’une libéralisation et une mise en concurrence de ces professionnels.
Cette mise en concurrence, opérée par les prix, n’est finalement qu’une atteinte grave portée au service public, les professions concernées étant dépositaires d’une mission de service public.
La notion même de concurrence ne saurait s’appliquer à cette profession, qui travaille bien souvent de concert en s’associant ponctuellement selon les dossiers. Outre une déréglementation, l’article 12 du projet de loi, en accord sur le fond avec les rapports Darrois et Attali, vise à établir que la tarification des professions réglementées doit se faire en fonction des coûts réels.
Or, comme le soulignent des organisations de professionnels, les tarifs des actes relevant de l’accès à la justice sont aujourd'hui inférieurs aux coûts de leur production. L’adoption d’une telle mesure impliquerait donc une hausse des tarifs sur une partie non négligeable des prestations. Par ailleurs, les professions réglementées ne pratiqueraient pas les mêmes tarifs selon leur localisation géographique, les taxes locales et les loyers étant compris dans les coûts.
Cette remise en cause du maillage territorial des services publics et de l’égalité d’accès au droit ne peut évidemment qu’être condamnée.
Enfin, proposer une tarification en fonction des coûts ne peut en aucun cas favoriser une baisse des prix des actes pour les usagers. En effet, la tarification que vous nous proposez aujourd'hui est constituée du recouvrement des coûts, mais implique nécessairement une marge, mentionnée à l’alinéa 3. Ainsi, le professionnel n’a aucune raison de « se serrer la ceinture ».
Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir cet amendement de suppression de l’article 12.
M. le président. Les amendements nos 101, 772 et 1490 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 13 ?
M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai indiqué hier, la position du groupe CRC sur l’ensemble du texte, en particulier sur ces articles, est cohérente et respectable. Dans la lignée des propos tenus tout à l’heure par notre collègue Roger Karoutchi, je dois même dire que je pourrais signer, sans en changer beaucoup de mots, certaines de vos interventions, monsieur Bocquet. (Exclamations amusées.)
Mme Nicole Bricq. Encore la vieille alliance !
M. François Pillet, corapporteur. Madame Bricq, vous êtes en train de me reprocher ma gentillesse, ma courtoisie et ma délicatesse. Vous avouerez que ce sont des qualités qui permettent, de temps en temps, d’avoir des jugements favorables sur des gens qui ne partagent pas les mêmes idées.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. François Pillet, corapporteur. En cet instant, je n’aborderai pas le fond de la discussion. Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression de l’article, la commission ayant choisi non pas de supprimer, mais de corriger le texte.
Quoi qu’il en soit, à l’occasion des débats qui vont suivre, nous aurons l’occasion d’échanger un certain nombre de points de vue. Face à une position cohérente, je le répète, il ne s’agit pas de fuir le débat.