Mme Nicole Bricq. Dans la grande couronne !
M. Roger Karoutchi. … ou dans la grande couronne, en effet, madame Bricq, et vous verrez que les pièces détachées foisonnent. Si notre collègue Jean Desessard retourne sur Viagogo (Sourires.), ou sur d’autres sites d'ailleurs, il trouvera des pièces détachées à ne plus savoir que faire. Outre le marché des sacs Vuitton, il existe même aujourd'hui un marché asiatique pour les pièces détachées estampillées Renault ou Peugeot, alors que ces contrefaçons sont fabriquées à Taïwan, à Hong Kong ou ailleurs.
Il est bon que le Sénat défende le droit de la propriété intellectuelle et ne vote pas des amendements tendant à ouvrir la libéralisation, mais je crains que la réalité du marché ne soit tout autre. Certes, tout le monde ne consulte pas ces sites internet et tout le monde n’y a pas accès. En réalité, nous faisons appliquer ces principes par les honnêtes gens !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 262 rectifié et 293 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 508 rectifié n’est pas défendu.
Mme Nathalie Goulet. Quel dommage !
M. le président. L'amendement n° 581 rectifié, présenté par MM. Vial, Grand, Calvet, Milon, Charon, Longuet et Trillard, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Commeinhes, Houel, Doligé, Vogel, Bouvard, Béchu, Revet, G. Bailly et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 11 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 3332-11 du code de la santé publique, les mots : « en application du présent article » sont remplacés par les mots : « qu’avec l’avis favorable du maire de la commune ».
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Une fois n’est pas coutume, je serai bref, monsieur le président : cet amendement est défendu avec conviction… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit là d’une proposition de bon sens.
L’article L. 3332-11 du code de la santé publique est assez restrictif en matière de transfert de débits de boisson entre communes d’un même département. Concrètement, une licence peut être transférée sur décision du préfet après avis des deux maires concernés, celui de l’établissement de départ et celui de l’établissement d’accueil.
La loi interdit le transfert de licence lorsqu’il s’agit du dernier débit de boisson existant sur la commune. L’auteur de cet amendement propose qu’un transfert soit possible dans ce cas, si le maire de la commune qui perd son débit de boisson en est bien sûr d’accord.
La commission est par conséquent favorable à l’adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 nonies.
L'amendement n° 821 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient et Karam, est ainsi libellé :
Après l’article 11 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 10 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section…
« Appellation de pâtissier et enseigne de pâtisserie
« Art. L. 121-82-… – Ne peuvent utiliser l’appellation de “pâtissier” et l’enseigne commerciale de “pâtisserie”, sur le lieu de vente au consommateur final ou dans des publicités à l’exclusion des documents commerciaux à usage strictement professionnel, les professionnels qui n’assurent pas eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, brutes ou ayant subi une première transformation, la fabrication non industrielle, la mise en forme ainsi que la cuisson de pâtisseries, sur le lieu de vente au consommateur final.
« Art. L. 121-82-… – Cette dénomination peut également être utilisée lorsque la pâtisserie est vendue de façon itinérante par le professionnel, ou sous sa responsabilité, qui remplit les conditions précisées à l’article L. 121-80.
« Art. L. 121-82-… – La recherche et la constatation des infractions aux dispositions des articles L. 121-80 et L. 121-81 sont exercées dans les conditions prévues à l’article L. 121-2 et punies des peines prévues à l’article L. 121-6. »
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à opérer une distinction entre la pâtisserie artisanale faite maison, avec les ingrédients et le savoir-faire d’un artisan pâtissier, et celle qui est fabriquée de façon industrielle, livrée et surgelée. En effet, il existe un vide juridique dans ce domaine.
L’appellation « fait maison » est liée au critère suivant : une fabrication à partir des ingrédients de base, soit de produits bruts, soit de produits ayant subi une première transformation ayant pour objet sa conservation, une fabrication non industrielle ou une fabrication sur le lieu de vente au consommateur final.
La vente en véhicules de tournée ou sur le marché n’interdit pas le bénéfice de cette appellation, sous réserve du respect des conditions précitées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. À l’instar de ce qui a été fait pour l’appellation « boulangerie », réservant cette appellation aux magasins où le pain est pétri et cuit, l’amendement vise à réserver l’appellation de pâtisserie aux pâtisseries artisanales avec fabrication sur place des produits. Cette disposition aménage donc une forme de souplesse : pourront s’appeler pâtisseries des magasins approvisionnés par une pâtisserie artisanale centrale.
Il est vrai que le développement de produits de pâtisseries surgelés menace la survie des pâtisseries artisanales. L’amendement vise donc à répondre à un vrai problème. Toutefois, ne nous précipitons pas : il importe de définir avec précision ce que l’on entend par pâtisserie artisanale.
Or la définition proposée ne prévoit pas d’exigence de qualification professionnelle du pâtissier. Par ailleurs, l’autorisation de la vente itinérante de pâtisserie est subordonnée au critère de reconnaissance de la qualification de boulangerie. Or on ne peut pas caler les critères de reconnaissance de la pâtisserie sur ceux de la boulangerie.
En bref, cher collègue, l’amendement que vous proposez part d’une bonne idée, mais ses dispositions présentent des insuffisances. Elles pourraient être retravaillées en vue d’une autre initiative parlementaire.
Par conséquent, dans cette attente, j’émets au nom de la commission spéciale un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a encadré l'utilisation de plusieurs termes, le « fait maison », entre autres, et quelques autres. Cette réglementation pose encore un certain nombre de difficultés aux professionnels. En effet, il est toujours difficile de plaquer un concept théorique sur la diversité de la gastronomie ou des pratiques artisanales françaises.
La secrétaire d’État Carole Delga a rencontré les professionnels mardi dernier, le 7 avril, justement pour réaliser un bilan de cette réglementation et pour identifier des pistes d’amélioration.
En outre, les termes « pâtissier » ou « pâtisserie » sont aujourd’hui employés non seulement par les quelque 3 800 pâtisseries en activité, mais aussi par une grande majorité des 32 000 boulangeries du pays. Nous risquons donc, sur ce point, d’ouvrir un nouveau front avec ces dernières, ce qui, je dois l’avouer, n’est pas une perspective qui m’enchante. (Sourires.)
En l'absence d’une évaluation des pratiques de ces établissements, il me paraît plus raisonnable de penser que l’adoption du présent amendement reviendrait à limiter considérablement les établissements pouvant se dire pâtissiers ou pâtisseries. Nous aurions donc à gérer un nombre important de problèmes, sans que le sort de celles et ceux qui auront le droit de conserver cette dénomination soit forcément amélioré.
Monsieur le sénateur, je vous inviterai donc plutôt, compte tenu de la complexité de ces sujets et, surtout, du fait que la pratique de loi du 17 mars 2014 n’est pas encore stabilisée, à retirer le présent amendement.
M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 821 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Il s'agit ici d’un problème réel. Par conséquent, je retravaillerai cette proposition.
En attendant, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 821 rectifié bis est retiré.
Chapitre III
Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées
Article 12 A (nouveau)
Il est créé un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit, destiné à rassembler les dispositions législatives et réglementaires relatives, d’une part, à l’aide juridique et à l’accès au droit, et, d’autre part, à l’exercice du droit, à titre principal, par les professions juridiques ou judiciaires réglementées, et, à titre accessoire, par les autres professions.
M. le président. L'amendement n° 723, présenté par MM. Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Notre amendement vise à supprimer la proposition, formulée par la commission, de créer un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit.
M. le corapporteur, je peux le dire, critique le fait qu’il y ait des références, dans les textes que nous allons examiner tout à l’heure, au code de commerce. Il souligne que les professions réglementées ne peuvent pas faire l’objet d’un traitement par le code de commerce et qu’il convient donc d’inscrire les dispositions les concernant dans un autre code. Nous inventerions donc un code nouveau, le code de l’accès au droit, qui concernerait essentiellement la réglementation de ces professions.
Aujourd’hui, les textes existent. Il est possible d’y avoir accès, notamment avec les systèmes informatiques. Je ne suis pas sûr qu’une codification supplémentaire soit utile dans ce cas, d’autant plus qu’elle ne concernerait que les professions réglementées du droit, alors que, par ailleurs, on réfléchit à la façon de promouvoir l’interdisciplinarité, y compris dans des professions non pas du droit, mais du chiffre.
Cette mesure me paraît par conséquent prématurée et pas nécessairement utile. Telle est la raison d’être de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Nous avons effectivement proposé la création de ce code. L’accès au droit, c’est aussi la lisibilité du droit. Or nous avons dans ce domaine un exemple de l’absence quasi totale de lisibilité du droit.
Les auteurs de l’amendement rejettent l’idée de créer un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit en développant deux arguments.
D’une part, les textes applicables aux professions du droit seraient déjà connus et facilement accessibles. Je n’en suis pas tout à fait certain !
D’autre part, la rédaction d’un code à droit constant serait un travail long et exigeant. Il s’agit du second argument, et il est certainement recevable. La codification constitue une entreprise exigeante et rigoureuse. Toutefois, vous conviendrez avec moi que cet argument s’appliquerait aussi à tout autre travail de codification. Or ce que la commission propose, c’est une codification à droit constant.
Surtout, je me situe, et c’est toute la volonté de la commission spéciale, dans l’axe fixé par le Premier ministre, qui a déclaré, au travers d’une circulaire du 23 mars 2013 : « En permettant une présentation rationalisée, à la fois ordonnée et cohérente, de l’ensemble des dispositions juridiques concernant un secteur, la codification constitue un moyen essentiel d’améliorer l’accessibilité et l’intelligibilité du droit. Elle représente un enjeu de simplification administrative important pour nos concitoyens, qui peuvent appréhender une réglementation dans un code plus commodément qu’en présence de textes épars ».
« Elle est également un facteur significatif d’attractivité pour notre pays, dans la mesure où elle favorise la lisibilité du droit français pour les entreprises comme pour les autres investisseurs ». Autant dire que le jeu en vaut la chandelle, me semble-t-il.
J’avoue que je partage entièrement l’opinion du Premier ministre sur ce point ! À titre personnel, je souhaiterais qu’il existe un texte supérieur posant que toute loi ou toute norme ne peut recevoir application que lorsqu’elle est codifiée, car cela réglerait le problème.
L’autre argument opposé par les auteurs de cet amendement de suppression est que les règles applicables aux professions juridiques et judiciaires réglementées sont suffisamment claires, disponibles et lisibles.
Mes chers collègues, je veux tout de même vous rappeler que nous trouvons encore des textes applicables datant de 1816 ou de 1817, ainsi que l’ordonnance de 1945 et, tenez-vous bien, la loi du 25 ventôse an XI. Ce corpus juridique est certainement facilement accessible, mais à la condition de pratiquer l’archéologie du droit !
De plus, le vocabulaire de certains textes date et renvoie à des concepts qui n’existent plus depuis plusieurs dizaines d’années. Il est encore fait mention, dans les textes actuels, des avoués des tribunaux de grande instance, dont il est vraisemblable qu’il n’en reste même plus un vivant aujourd’hui... Il est également fait mention de l’aide judiciaire, alors qu’on ne parle plus d’aide judiciaire, mais d’aide juridictionnelle ou d’aide juridique.
Enfin, et surtout, on voit bien que les différentes professions partagent des régimes communs. Je trouve qu’il est dommage de ne pas mettre en relief ce qui les rapproche et ce qui les distingue. Nous aurions l’occasion, avec ce code, d’œuvrer en ce sens.
J’ajouterai pour terminer trois observations.
La première concerne le présent texte. Le Gouvernement propose de soumettre les différentes professions à des règles identiques, s’agissant des tarifs, de l’installation, de la limite d’âge ou du salariat. Il a estimé que la proximité des déontologies des différentes professions pouvait tout à fait justifier que la prise de participation majoritaire de l’une d’entre elles au capital de sociétés relevant d’une autre profession juridique soit possible. Le code pourrait être le support de ces régimes communs défendus par le Gouvernement.
Ma deuxième observation vise certaines malfaçons législatives. À l’article 41 du texte que nous examinons, nous corrigeons un oubli du législateur, qui n’a pas étendu aux conseillers en propriété industrielle les possibilités de sollicitation personnalisée ouverte aux avocats par la loi de consommation. Comment cet oubli peut-il s’expliquer, alors que ces deux professions sont très proches, si ce n’est par le manque de clarté et d’unité des textes qui les régissent ?
J’en viens à ma troisième observation. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué que l’insertion des dispositions tarifaires dans le code de commerce lui semblait justifiée par le fait que celles des administrateurs et des mandataires judiciaires s’y trouvaient déjà.
L’argument est très discutable. En effet, la seule raison pour laquelle ces tarifs se trouvent dans le code de commerce, c’est que ce dernier définit les régimes des procédures collectives. Les tarifs des administrateurs et des mandataires judiciaires ne s’y trouvent que par raccord.
Enfin, ce code présenterait l’avantage de mettre fin aux débats du type de ceux qui vont nous occuper tout à l’heure, pour savoir si tel point doit figurer dans le code de commerce, dans le code de procédure civile ou dans le code civil.
Voilà donc une œuvre qui, certes, demande du travail – je veux bien l'admettre –, mais qui relève de notre domaine et de notre responsabilité.
Je note d’ailleurs que M. le ministre avait proposé un amendement similaire. Toutefois, comme il fréquente le Sénat depuis quelques jours, la sagesse de notre assemblée l’a complètement imprégné et il y a renoncé ! (Sourires.)
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Avec l’examen de cet amendement, nous entamons une nouvelle période de notre travail collectif.
M. Pillet est un corapporteur extrêmement habile et sa profession de foi est convaincante pour ceux qui l’écoutent. Toutefois, la rédaction d’un nouveau code nécessitera beaucoup de travail.
M. Jean Desessard. Cela crée de l’emploi ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Certes, mon cher collègue, mais je crois que nos fonctionnaires ont mieux à faire, surtout dans la période actuelle.
Ce qui m’intéresse ici, parce que nous serons de nouveau confrontés au problème, c’est le début de l’intervention de mon collègue Bigot et la fin de l’intervention de M. le corapporteur. En effet, nous allons retrouver ce problème dans nombre d’amendements adoptés par la commission spéciale.
Monsieur le corapporteur, je crains que votre souci principal ne soit de retrancher du code de commerce un certain nombre de dispositions pour les rapatrier dans ce que vous appelez « le vrai droit », c’est-à-dire le droit civil.
M. François Pillet, corapporteur. Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. Nous le verrons à l’occasion de la discussion sur les professions réglementées. Pour ma part, je pense que si ces dispositions figurent dans le code de commerce, c’est parce qu’il s’agit d’actes qui concernent la vie économique. Or c’est bien d’un texte sur l’économie que nous parlons.
Peut-être vous fais-je un procès d’intention. Néanmoins, vous avez souvent déposé des amendements qui visaient à retirer une prérogative au ministre de l’industrie pour la transférer à la chancellerie ou à transférer des dispositions qui sont à l’heure actuelle dans le code du commerce vers le code civil, parce que vous considérez qu’elles sont mal placées et que vous niez profondément que l’ensemble de ces professions et de ce qu’on appelle les intrants de l’économie affecte cette dernière. Tel est le principe de base qui a guidé votre réflexion.
C’est pourquoi il faut voter l’amendement n° 723 du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Puisqu’il faut que quelqu'un vole au secours du Premier ministre, je vais m’y employer… (Sourires.)
Sincèrement, quel citoyen de notre pays peut affirmer qu’il comprend tout à notre législation et à notre droit ? Qui peut nier que l’antienne selon laquelle « la loi est la loi et nul n’est censé l’ignorer » est devenue aujourd’hui une plaisanterie ?
M. Charles Revet. C’est certain !
M. Roger Karoutchi. Je songe à un film excellent qui a une cinquantaine d’années, La loi, c'est la loi, dans lequel le regretté Fernandel, qui joue le rôle d’un gendarme à la frontière italienne, prétend expliquer à tous les quidams qui passent par là ce qu’est la loi, alors qu’il ne la connaît pas lui-même ! (Sourires.)
Quand le Premier ministre insiste sur la nécessité de codifier le droit pour le rendre plus clair et plus accessible, pour que les citoyens ne soient plus obligés de naviguer entre des textes vieux de deux cents ans et des textes contemporains, quand M. le corapporteur souligne que le droit doit être rendu plus facile d’accès et plus compréhensible, je suis entièrement d’accord avec eux. Franchement, mes chers collègues, de qui est-ce la tâche, sinon des parlementaires ?
M. Charles Revet. Exactement !
M. Roger Karoutchi. Si nous ne nous soucions pas d’assurer la lisibilité de la loi par les citoyens, qui le fera ? Les administrations ? Les cabinets ministériels ? Certes non ! Au contraire, leur pouvoir vient essentiellement de ce qu’ils compliquent tout, tant et si bien qu’il n’y en a plus que quelques-uns à savoir de quoi l’on parle – je ne parle pas de votre cabinet, monsieur le ministre, qui est naturellement tout à fait transparent…
Oui, le droit doit être rendu plus lisible et plus accessible ! Évidemment, il y faut du travail, mais il vaut mieux travailler en ce sens qu’accumuler des lois qui bien souvent ne sont pas appliquées – ainsi de la loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, dite loi « Eckert », qui aurait dû rendre inutiles les amendements de M. Desessard, mais dont nous nous sommes rendu compte que les décrets d’application n’avaient pas été publiés.
Le rôle du Parlement n’est pas de voter le plus de lois possible au cours d’une législature. Nous devons, mes chers collègues, veiller à la clarté et à l’accessibilité du droit, au service de la protection de nos concitoyens.
Pour ma part, j’affirme que la codification à laquelle la commission spéciale est attachée serait un progrès pour tous les citoyens, et pas seulement pour ceux qui savent. Il y a le pouvoir des sachants et le pouvoir du peuple ; je suis, pour ma part, pour que tout le monde ait accès au droit !
M. Charles Revet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas que s’instaure un faux débat : il n’y a pas, d’un côté, les partisans de la codification et, de l’autre, ceux qui y seraient opposés.
M. Jean Desessard. Il semble pourtant que si !
M. Emmanuel Macron, ministre. Pas tout à fait, monsieur le sénateur, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, si la codification est une œuvre de simplification particulièrement utile à nos concitoyens, nous traitons présentement de la régulation de quelques professions, en particulier de professions juridiques qui ne sont pas les plus démunies sur le plan de l’accès au droit.
Mme Nicole Bricq. En effet !
M. Emmanuel Macron, ministre. À cet égard, monsieur Karoutchi, votre argumentation ne me paraît pas des plus robustes. Objectivement, les professionnels dont nous parlons ne seront guère en peine d’accéder aux règles qui régissent leur fonctionnement : moi qui les ai beaucoup côtoyés ces derniers mois, je puis vous assurer qu’ils les connaissent très bien, et même beaucoup mieux que les cabinets ministériels !
Mme Nicole Bricq. C’est évident !
M. Emmanuel Macron, ministre. Ensuite, nombre de ces règles sont déjà codifiées, en particulier dans le code de commerce.
Ainsi, les règles relatives aux administrateurs et aux mandataires judiciaires figurent dans le code de commerce, parce que ces professionnels ont affaire à la matière économique ; de même pour celles qui concernent les greffiers de tribunaux de commerce, dont l’activité porte sur la matière commerciale et économique. Ces dispositions doivent-elles vraiment être retirées du code de commerce ? En quoi le fait de déplacer dans un autre code les règles relatives à ces professions, en particulier à leurs tarifs, serait-il un progrès fondamental du point de vue de la simplification ?
Enfin, simplifier consiste-t-il à créer des codes pour tout ? Ce qui m’effraie, moi, c’est le mécanisme de scissiparité : après avoir créé un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit, pourquoi, dans cinq ou six ans, ne le couperait-on pas lui-même en deux pour en faire un autre ? En définitive, on obtiendra des codes qui ne seront pas plus longs que le code du travail suisse, dont on parle souvent : ils feront une quinzaine de pages.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous répète que les règles relatives aux administrateurs et aux mandataires judiciaires, ainsi qu’aux greffiers des tribunaux de commerce, notamment aux tarifs de ces professions, figurent dans le code du commerce. Nous proposons d’inscrire aussi dans ce code les règles qui s’appliquent aux commissaires-priseurs judiciaires, aux huissiers de justice et aux notaires. Si le problème tient à la loi du 25 ventôse an XI, codifions-la ailleurs ; mais, de grâce, ne créons pas un nouveau code pour cela !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le corapporteur, il est vrai que, à l’époque où nous avons, vous et moi, fréquenté les facultés de droit, on attendait davantage de codification. Depuis lors, des codes ont été établis, dont certains se recoupent : ainsi, on a dû inscrire dans le code de la consommation des dispositions du code civil, sans quoi le consommateur, dont on voulait faciliter l’information, aurait été obligé de naviguer entre les deux codes.
J’ai l’impression que, aujourd’hui, on oublie le rôle fondamental du numérique. De fait, il est sans doute plus facile, quand on est avocat, d’accéder aux règles de droit en consultant des sites internet comme Légifrance qu’en se rendant dans une bibliothèque pour se plonger dans un code relativement incompréhensible.
Par ailleurs, certaines dispositions figurent dans le code de l’organisation judiciaire. Va-t-on les en retirer ?
La vraie question n’est pas la création d’un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit : c’est le symbole qu’il y aurait à ne plus traiter des professions réglementées dans le code de commerce. Celui-ci, du reste, devrait peut-être s’appeler code de commerce et de l’économie, parce qu’il ne concerne pas seulement les actes de commerce.
Pour ma part, je voterai l’amendement tendant à supprimer l’article 12 A.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’appuie, quant à moi, la position de la commission spéciale.
En effet, nous assistons à une judiciarisation tout à fait spectaculaire de la société : aujourd’hui, tout le monde fait des procès à tout le monde. Dans ce contexte, l’accès au droit est une vraie difficulté.
Mme Nicole Bricq. Nous parlons de professions juridiques… Le droit, ça les connaît !
Mme Nathalie Goulet. Sans doute, ma chère collègue, mais le code dont la commission spéciale propose la création n’a pas vocation à servir seulement aux professions réglementées : il doit servir aussi à ceux qui veulent s’informer à leur sujet.
De surcroît, la codification sera l’occasion d’un toilettage, qui rendra d’autant plus intéressante l’entreprise de clarification.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Les positions des uns et des autres sont arrêtées et j’ai bien conscience que je ne les ferai pas changer, même si j’étais en bonne compagnie avec la circulaire du Premier ministre…
Monsieur le ministre, je vous signale que les règles régissant les activités des notaires, des avocats et des commissaires-priseurs judiciaires, mais aussi d’autres professions, n’ont fait l’objet à ce jour d’aucune codification.
La codification que la commission spéciale défend vise à assurer une meilleure lisibilité du droit par l’ensemble de nos concitoyens ; elle n’a pas pour objet de retirer certaines dispositions du code de commerce. Par ailleurs, elle n’est pas, dans mon esprit, limitée aux tarifs des professions concernées : le nouveau code pourrait traiter aussi du régime juridique des activités, de leurs règles d’exercice, de leur discipline et de leur déontologie.
Mes chers collègues, l’œuvre de synthèse que la commission spéciale a prévue est nécessaire pour rendre les activités des professions dont nous parlons plus transparentes pour nos concitoyens.
Je maintiens donc avec force la position de la commission spéciale.