Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Primas, l'amendement n° 849 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Je comprends vos explications, madame la corapporteur. Le compte rendu de nos débats au Journal officiel, fût-il électronique, permettra, je l’espère, d’établir une jurisprudence et de régler une partie des conflits entre distributeurs et fournisseurs. Par conséquent, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 849 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 189 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Lefèvre, Pointereau, G. Bailly, Béchu, Chaize, Reichardt, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Perrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie et Gremillet.
L'amendement n° 438 rectifié est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa du I de l’article L. 441-7 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention. Il reprend les engagements réciproques, les leviers de développement, ainsi que les objectifs que les parties se sont fixés tels qu’ils sont définis par la commission d’examen des pratiques commerciales. »
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié ter.
M. Marc Laménie. Cet amendement se justifie par son texte même.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 438 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est le premier d’une série visant à rééquilibrer les relations entre les industriels et la grande distribution.
Depuis plusieurs années, un processus de regroupement des centrales d’achat de la grande distribution est à l’œuvre en France, de sorte que, aujourd’hui, quatre centrales d’achat se partagent le marché au nom des grandes enseignes de la distribution.
Cet oligopole déséquilibre fortement le rapport de force entre industriels et distributeurs. Depuis la loi Dutreil de 2005, les négociations commerciales doivent se dérouler entre le début du mois de novembre et la fin du mois de février de chaque année. Or, de plus en plus fréquemment, les distributeurs abusent du mécanisme dit de « compensation de marges » qui permet d’exiger des industriels qu’ils mettent la main au porte-monnaie en dehors de la période annuelle de négociation dès lors que l’enseigne de la grande distribution connaît une baisse de ses marges.
Cet abus de position dominante est tel qu’il a des effets non seulement sur les petits producteurs, mais également sur les plus grands. Ainsi, dans une interview parue dans Le Figaro, le P-DG de Nestlé, Richard Girardot, évoque des « marges écrasées » par les exigences des distributeurs, mais aussi des négociations annuelles au cours desquelles ses commerciaux sont « soumis à une pression digne d’une garde à vue ».
Cette pression pourrait être justifiée si elle aboutissait à une diminution des prix sensible pour le consommateur. Or cette baisse ne représente que 2,50 euros par ménage et par mois. Il est donc temps de remédier à cette situation injustifiée.
Le présent amendement vise à prévoir que le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention signée entre industriels et distributeurs. Ce document permet de retracer toute la négociation, depuis les conditions générales de vente jusqu’à la signature du contrat, y compris les engagements mutuels des deux parties et les contreparties. Il assure une plus grande transparence des négociations, non seulement pour les deux parties signataires, mais aussi pour les autorités de contrôle comme la DGCCRF. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de rendre ce document obligatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les auteurs de ces deux amendements identiques souhaitent que le plan d’affaires soit totalement intégré dans la convention signée à l’issue de la négociation commerciale, afin de fixer les engagements des parties.
Cela serait, me semble-t-il, faire jouer au plan d’affaires un rôle qui n’est pas le sien. D’ailleurs, le contenu juridique de cette notion, qui vient du monde de la gestion et de l’économie, n’est pas précisément défini. Faire de ce plan un élément de la convention définissant les engagements entre fournisseurs et distributeurs, c’est introduire une grande insécurité juridique dans les relations commerciales, qui ont besoin d’un cadre clair.
Au demeurant, ces amendements identiques me semblent déjà en grande partie satisfaits par le droit en vigueur. Aux termes de l’article L. 441-7 du code de commerce, la convention doit mentionner les obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations. Vous le voyez, la loi oblige déjà à formaliser sous forme d’engagement dans la convention certains des éléments constitutifs de tout plan d’affaires.
La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 189 rectifié ter est-il maintenu, monsieur Laménie ?
M. Marc Laménie. Non, madame la présidente. Compte tenu des éléments qui viennent d’être apportés par Mme la corapporteur, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 189 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 438 rectifié, madame Benbassa ?
Mme Esther Benbassa. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 603 rectifié n’est pas soutenu.
Article 10 C
(Non modifié)
I. – L’article L. 441-8 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il n’est pas applicable lorsque le contrat ne comporte pas d’engagement sur le prix d’une durée d’au moins trois mois. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable aux contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la conception et la production, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, de produits mentionnés au premier alinéa. »
II. – À l’article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au quatrième ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1054, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-4-2. – Un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits agricoles et alimentaires est instauré. Ce coefficient multiplicateur est supérieur lorsqu’il y a vente assistée.
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article et les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’objet de cet amendement est implicite. Nous proposons d’instituer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits alimentaires.
L’agriculture s’inscrit aujourd’hui dans de puissantes filières agrofinancières dominées en aval par l’agrobusiness et en amont par la grande distribution. Les récents scandales alimentaires témoignent des dérives de l’agro-industrie, fondée sur la recherche du moins-disant social et environnemental, où seuls les intérêts financiers priment.
Le développement des firmes en amont et en aval s’accompagne d’une captation croissante de la valeur ajoutée agricole, au détriment des agriculteurs et des consommateurs, ainsi que d’une détérioration de la qualité des aliments.
Depuis 1992, les réformes successives de la politique agricole commune menées dans le cadre de l’offensive libérale ont progressivement conduit à la suppression des outils de régulation et à l’ouverture des marchés agricoles à la spéculation financière, ce qui entraîne mécaniquement une forte volatilité des prix agricoles.
Les stratégies de marge de la grande distribution continuent d’être appliquées sans vergogne. Les différentes dispositions adoptées depuis plusieurs années dans des lois de modernisation et de régulation économique n’ont pas arrangé la situation ; elles ont même permis aux distributeurs d’avoir les coudées franches. Faute de régulation, les producteurs subissent des prix d’achat très souvent inférieurs aux coûts de production.
Pour la distribution, l’accroissement des importations vise à compresser toujours plus les prix d’achat aux producteurs. À l’autre bout de la chaîne, le ticket de caisse des consommateurs flambe.
Face aux actionnaires de ces groupes dominateurs, il ne peut pas suffire d’en appeler à leur simple « responsabilité » pour « ne pas spéculer sur une baisse des cours », comme l’a récemment indiqué M. le ministre de l’agriculture.
En la matière, la mise en place d’un coefficient régulateur constituera une première étape. Rémunérer justement les producteurs et mieux répartir la valeur ajoutée dans les filières agricoles est essentiel à toute ambition d’un nouveau type de développement agricole.
Notre amendement s’inscrit dans cette perspective. Nous proposons l’application immédiate du coefficient multiplicateur, afin d’assurer le meilleur prix aux consommateurs et de permettre aux agriculteurs de percevoir un revenu décent.
Mme la présidente. L'amendement n° 277 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. César, Kennel, Lefèvre, D. Laurent, Calvet, Sido, Laménie et Houel, Mme Primas et MM. P. Leroy, G. Bailly et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
article est
insérer le mot :
également
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Il s’agit d’un amendement de clarification. Nous souhaitons préciser que les dispositions de l’article 10 C s’appliquent également aux contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois et portant sur la conception et la production.
Cet amendement rédactionnel permet ainsi de lever toute incertitude quant au champ d’application de la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 du code du commerce.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1054 vise à instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente de tous les produits agricoles et alimentaires.
Aujourd’hui, la possibilité d’instaurer un tel coefficient est prévue par l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, uniquement en situation de crise conjoncturelle, et pour une seule catégorie de produits : les fruits et légumes frais.
Jusqu’à présent, aucun arrêté interministériel conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie n’est intervenu. Pourtant, nous avons connu quelques crises dans le secteur concerné.
Il apparaît que le coefficient multiplicateur n’est pas le meilleur outil de protection des producteurs. Il garantit bien plus la marge du distributeur que le revenu du producteur. Rien n’interdit d’acheter à l’étranger : pour maintenir des prix bas aux consommateurs, les distributeurs pourront se fournir de manière privilégiée auprès d’acteurs économiques de l’agriculture ou du secteur agroalimentaire hors de France.
Au final, l’adoption de cet amendement aurait pour effet d’instaurer un dispositif rigide de garantie de la marge des distributeurs, sans possibilité de concurrence par les prix. Par ailleurs, une formulation aussi générale soulève certainement un problème de constitutionnalité, dans la mesure où l’on ne précise pas clairement qu’il s’agit d’un régime d’exception.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 277 rectifié, qui tend à expliciter l’objet de l’article 10 C.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10 C, modifié.
(L'article 10 C est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10 C
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 220 rectifié ter est présenté par Mme Malherbe, MM. Bertrand, Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Requier.
L'amendement n° 730 rectifié est présenté par MM. Camani et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-2-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou prévoir la rémunération de services rendus à l'occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « à la commande », sont insérés les mots : « ou prévoir la rémunération de services rendus à l’occasion de sa revente, propres à favoriser sa commercialisation et ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct ».
L’amendement n° 220 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour présenter l’amendement n° 730 rectifié.
M. Yannick Vaugrenard. Cet amendement, cher à mon collègue Pierre Camani, coprésident du groupe d’études fruits et légumes, vise à défendre les producteurs de fruits et légumes, trop souvent malmenés par la grande distribution dans les négociations de contrats-cadres annuels, où on leur impose souvent des services dont l’objet est distinct de la vente proprement dite.
La cour d’appel de Paris a d’ailleurs récemment condamné un grossiste en fruits et légumes pour des pratiques de fausse coopération commerciale destinées à passer outre la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche prohibant l’obtention de remises, rabais et ristournes lors de l’achat de fruits et légumes frais. Elle a retenu que « de telles pratiques créent un trouble à l’ordre public économique en ce qu’elles faussent le marché de la libre concurrence en créant des prix artificiels ».
Certains grossistes proposent des services annexes, comme la mise en avant des produits sur les lieux de vente, le référencement numérique ou encore la centralisation des commandes, qui ne relèvent pas de la vente et sont irréalisables en pratique, d’autant que peu de fournisseurs disposent de marques commerciales valorisables, en rayon comme sur internet.
Ce contournement est aujourd’hui rendu possible par la possibilité offerte par la loi de rémunérer des services de coopération commerciale ou des services ayant un objet distinct, sous réserve que ceux-ci soient prévus dans un contrat écrit portant sur la vente des produits par le fournisseur.
Il apparaît ainsi que certains distributeurs ont pu imposer par ce biais la rémunération de services fictifs ou disproportionnés, imposés sans négociation lors de la signature des contrats-cadres annuels. À l’heure où ces contrats se négocient, ces contournements à la règle des « 3R nets », c’est-à-dire remises, rabais, ristournes, déstabilisent le secteur des fruits et légumes au profit de la grande distribution.
Notre amendement vise donc à éviter ces contournements, en précisant la rédaction de l’article L. 441-2-2 du code de commerce, afin d’en conforter l’esprit initial, à savoir la nécessité de lutter contre les déséquilibres dans les relations commerciales entre producteurs et acheteurs.
Toutefois, il paraît essentiel d’adapter le dispositif aux réalités et nécessités de la pratique : en certaines occasions, quand ils sont négociés correctement, ces services peuvent être utiles aux deux partenaires commerciaux. Il convient donc de permettre à l’interprofession de définir les conditions dans lesquelles leur rémunération serait autorisée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à interdire les conventions de coopération commerciale entre distributeurs et fournisseurs, sauf s’il existe un accord interprofessionnel les encadrant.
Or il y a déjà un dispositif permettant de sanctionner la fausse coopération commerciale, notamment dans les cas où la rémunération du distributeur est disproportionnée par rapport au service réellement rendu. Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce interdit une telle pratique.
La victime peut saisir les tribunaux pour obtenir réparation. Mais cette saisine est aussi possible par le ministre, ou, en pratique, par la DGCCRF. Le distributeur qui propose une fausse convention de coopération commerciale s’expose à une amende de 2 millions d’euros pouvant être portée au triple des sommes indûment versées.
Le secteur des fruits et légumes n’est pas celui dans lequel les conventions de coopération commerciale sont les plus fréquentes. L’intérêt d’un dispositif spécifique d’encadrement de la coopération commerciale par un accord interprofessionnel ne paraît donc pas flagrant, d’autant qu’un tel accord ne permettra pas de mettre en place un régime de sanctions : les interprofessions ne disposent pas d’un pouvoir de discipline sur leurs membres.
En outre, rien n’interdit à l’interprofession de fournir aux acteurs de la filière fruits et légumes frais un guide de bonnes pratiques concernant les conventions de coopération commerciale, guide qui aura les mêmes effets qu’un accord interprofessionnel et pourra servir de référentiel aux parties, mais aussi à la DGCCRF ; cette dernière sera ainsi en mesure d’apprécier les cas d’abus.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui n’est pas redondant par rapport aux dispositifs existants.
Avec un tel mécanisme, la coopération commerciale serait fortement limitée dans le secteur. Pour préserver une possibilité de négocier, il est proposé de définir par accord interprofessionnel les conditions dans lesquelles les services de coopération commerciale ou des services distincts de ces derniers pourraient être négociés entre les producteurs et leurs clients.
Le déséquilibre du rapport de forces entre les producteurs et les distributeurs au sein de la filière fruits et légumes frais avait déjà conduit en 2010 le législateur à interdire, de manière spécifique, les rabais, remises ou ristournes pour l’achat des produits en question.
La cour d’appel de Paris a récemment condamné le fait de se faire rémunérer des services fictifs de coopération commerciale en vue de contourner l’interdiction des rabais, remises ou ristournes ; je fais référence à l’arrêt rendu le 15 janvier 2015 dans le cadre de l’affaire Blampin.
Le dispositif proposé apporte un complément utile, afin de mettre un terme aux stratégies de contournement que l’on observe encore. Il semble que la pratique dans le secteur légitime une telle démarche.
Une interdiction dans un secteur particulier où la coopération commerciale est, en général, fictive sera plus efficace que le contrôle juridictionnel ex post, sans entraîner d’inconvénient économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. En tant que coprésident du groupe d’études fruits et légumes du Sénat, je ne partage pas l’avis qui vient d’être exprimé par M. le ministre.
D’une part, la récente loi de modernisation agricole assainit les pratiques commerciales en matière de vente de fruits et de légumes.
D’autre part, et même si la jurisprudence de la cour d’appel de Paris montre qu’il existe encore des brebis galeuses, l’outil complémentaire de lutte contre les abus qu’il est proposé introduire me semble disproportionné. Il existe, pour les cas particuliers de la vente des fruits et légumes, des services réels, qui doivent faire l’objet d’un contrat écrit. Il n’est pas opportun de les supprimer.
J’ai été étonné que mon homologue coprésident du groupe d’études ne m’ait pas informé du dépôt de cet amendement. J’ai pris directement contact avec l’interprofession, dont le président m’a indiqué ne pas être favorable à cet amendement ; il m’a également soutenu que les accords interprofessionnels seraient élaborés en vue d’éviter les pratiques non respectueuses des producteurs.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 382 rectifié bis est présenté par Mme Lamure, MM. Laménie, Pierre et Lefèvre, Mme Primas et MM. G. Bailly, César, Houel et Calvet.
L’amendement n° 839 rectifié bis est présenté par M. Bizet, Mmes Bouchart et Cayeux, MM. Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Gruny, MM. P. Leroy, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié bis.
Mme Élisabeth Lamure. Le seuil de revente à perte devait empêcher un commerçant de revendre un produit en dessous d’un prix raisonnable, c’est-à-dire en perdant de l’argent.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a permis aux distributeurs de réintégrer dans le calcul de ce seuil l’ensemble des avantages consentis aux fournisseurs en matière de vente. Cette dérégulation du seuil de revente à perte a marqué le début d’une communication agressive sur les prix, et uniquement sur les prix.
Dans cette démarche, il faut faire baisser le seuil de revente à perte toujours plus bas, en y intégrant d’abord le maximum d’avantages financiers, puis – c’est ce à quoi nous avons assisté ces dernières années – en essayant de faire baisser le tarif du fournisseur lui-même.
Cette asphyxie généralisée de la filière, qui découle d’un déséquilibre des acteurs et d’une dépendance économique des fournisseurs toujours plus forte, est très éloignée d’une situation de concurrence idéale.
Dans cette guerre des prix, tout le monde est perdant. Les producteurs et les fournisseurs, qui prennent tous les risques, voient leurs marges réduites, leurs capacités d’investissement et d’innovation rognées, donc, à terme, leur compétitivité dégradée. Mais les distributeurs ne sont pas moins touchés par ce cercle vicieux ; ils sont les premières victimes de la guerre qu’ils se livrent, au lieu de créer de la valeur.
Une déflation des produits alimentaires telle que nous la connaissons pour la première fois depuis des dizaines d’années, avec une baisse de 0,8 % aujourd’hui, n’est une bonne nouvelle pour personne, et surtout pas pour l’économie de notre pays, tant les pertes à moyen et long termes sont plus grandes que les gains éventuels à très court terme.
Pour sortir par le haut de cette situation, nous proposons de redonner au seuil de revente à perte son vrai rôle d’outil économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 839 rectifié bis.
M. Michel Vaspart. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 808, présenté par MM. Bizet, Allizard, Baroin, Bignon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Chasseing et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Duranton, MM. Falco, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Magras, Malhuret et Mandelli, Mme Mélot, MM. Milon et Pellevat, Mme Procaccia et MM. Reichardt, Savary, Sido, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce, les mots : « et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport » sont remplacés par les mots : « et majoré des taxes spécifiques afférentes à cette revente, du prix du transport, affecté d’un coefficient de 1,15 et augmenté des taxes sur le chiffre d’affaires ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Les PME étant, nous le constatons, les victimes de la guerre à laquelle se livrent les distributeurs sur le prix des produits d’appel, nous proposons de majorer de 15 % le seuil de revente à perte de l’ensemble des produits, afin qu’aucun ne soit vendu au seuil de revente à perte tel que calculé aujourd’hui. Ainsi, le rattrapage de marges cessera.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article L. 442-2 du code de commerce interdit la revente à perte et définit la manière de calculer son seuil.
L’article 1er de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs avait assoupli le mode de calcul.
Un commerçant ne peut pas vendre un produit moins cher que le prix auquel il l’a acheté, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, taxe à la revente et coût du transport. Depuis 2008, le commerçant peut minorer son prix de l’ensemble des avantages que lui avait consentis son fournisseur, rapportés au prix de vente des produits. Avant 2008, il devait garder pour lui 15 % de ces avantages.
Les amendements nos 382 rectifié bis et 839 rectifié bis visent à ne plus permettre au commerçant de faire profiter à ses clients des avantages que lui consent son fournisseur. L’effet d’une telle mesure consisterait à remonter drastiquement le seuil de revente à perte, afin de lutter contre le mouvement continu de baisse des prix.
Une telle rédaction paraît donc excessive, en garantissant aux commerçants la possibilité de conserver 100 % des avantages consentis par leur fournisseur.
La commission sollicite le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 808 s’inscrit dans la droite ligne des amendements précédents ; il porte sur le mode de calcul du seuil de revente à perte. Il vise à répercuter sur le client les remises et avantages tarifaires dont jouit le commerçant. Son dispositif prévoit aussi une majoration de 15 % du prix du produit, afin de prendre en compte les coûts fixes supportés par le commerçant. En cela, le dispositif de cet amendement vise à garantir la marge commerciale. Il appelle donc les mêmes critiques que celles que j’ai émises sur les deux amendements précédents.
Par conséquent, je demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.