Mme Michelle Meunier, rapporteur. L’instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite sera composée d’un nombre égal de magistrats, de représentants de l’État, de représentants des collectivités territoriales et de représentants d’associations.
L’amendement tend à y ajouter des « professionnels de santé ». Cette notion permet de couvrir un ensemble de professions allant des médecins aux infirmières, en passant, par exemple, par les psychothérapeutes.
Nous avons eu un débat en commission spéciale sur les termes qui seraient les plus appropriés, et ceux de « professionnels de santé », couramment utilisés dans le code de la santé publique, nous ont paru les plus adaptés à ce stade de la loi.
Ils laissent suffisamment de marge de manœuvre aux préfets pour organiser ensuite les instances dans chaque département, en faisant appel aux professionnels les plus compétents pour accompagner les victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 7 rectifié est présenté par M. Requier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
L'amendement n° 11 est présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Cohen.
L'amendement n° 23 est présenté par Mme Benbassa.
L'amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Yung, Leconte et Madec, Mmes Bataille et Khiari, M. Chiron, Mme Claireaux, MM. Raoul et Sutour et Mme Campion.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
peut prétendre au bénéfice
par le mot :
bénéficie
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Il s'agit de lever une ambiguïté rédactionnelle s'agissant des droits des victimes du système prostitutionnel à bénéficier de l'autorisation provisoire de séjour.
Cette précision rédactionnelle permettra de sécuriser l’accès des personnes prostituées au bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 11.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement vise à mettre en cohérence les articles 3 et 6 de cette proposition de loi, après l’adoption, en juillet dernier, par la commission spéciale de la rédaction de ce nouvel article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
En effet, la commission spéciale avait introduit l’automaticité de la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour pour les étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme, et porté la durée de cette autorisation de séjour à un an, contre six mois, modifications que notre groupe avait soutenues.
En cohérence, nous proposons que cette automaticité soit introduite à l’alinéa 7 de l’article 3.
Il serait en effet tout à fait incompréhensible que subsistent dans la proposition de loi deux rédactions différentes, et donc deux interprétations différentes, pour la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour aux personnes étrangères victimes de traite ou de proxénétisme.
Ce point est tout à fait primordial, car nous connaissons très bien les difficultés extrêmes, pour ne pas dire plus, que rencontrent déjà ces victimes pour faire valoir leurs droits à bénéficier des dispositions prévues à l’article L. 361-1 du CESEDA.
Ces dispositions sont très strictement encadrées. Les titres ne sont en effet que très rarement délivrés par les préfectures aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui portent plainte et dénoncent les auteurs de ces infractions.
Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, pointés par la CIMADE, trente-huit titres de séjour temporaire « vie privée et familiale » ont été délivrés à des victimes de la traite en 2013. Ce chiffre passe à cinquante-cinq pour l’année dernière. Quant à la délivrance d’une carte de résident, seule une victime de la traite en 2011 et quatre en 2012 ont pu en bénéficier, selon les chiffres présentés lors du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, en 2012.
Cette délivrance au compte-gouttes traduit la méfiance, pour ne pas dire la suspicion des autorités administratives vis-à-vis des personnes qui déposent une demande de carte de séjour parce qu’elles ont été victimes de traite.
Cette réalité administrative est pourtant en contradiction flagrante avec les engagements déclinés dans le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, présenté par le Gouvernement pour la période 2014-2016, dont l’une des trois grandes priorités consiste à « organiser l’action publique autour d’un principe d’action simple : aucune violence déclarée ne doit rester sans réponse. »
Elle est en contradiction aussi avec les engagements internationaux pris par la France, qui a ratifié la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
De la parole aux actes, le chemin est souvent long ; c’est pourquoi je vous propose d’adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 23.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour présenter l'amendement n° 27 rectifié.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement tend à mettre en cohérence l’article 3, alinéa 7, avec l’article 6, alinéa 7, de la proposition de loi, afin de renforcer l’automaticité de la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour aux personnes étrangères victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui se sont engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle.
La commission spéciale avait voulu rendre cette délivrance automatique. L’objectif était d’accorder de plein droit le bénéfice de l’autorisation de séjour aux personnes qui se sont engagées dans ce projet d’insertion sociale et professionnelle.
En effet, les personnes prostituées étrangères ne s’engageront dans un tel projet qu’à la condition d’être certaines d’être aidées et de voir leur situation administrative régularisée pendant la durée du projet.
Par ailleurs, la proposition de loi accorde déjà au préfet la possibilité de s’opposer, au nom de l’impératif d’ordre public, à la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour.
C’est donc à raison que la commission spéciale a modifié l’article 6 de la proposition de loi pour rendre automatique la délivrance de cette autorisation.
Seulement, elle n’a pas modifié l’alinéa 7 de l’article 3, qui va à l’encontre du principe d’automaticité en disposant que la personne engagée dans un projet d’insertion sociale et professionnelle « peut prétendre au bénéfice » de l’autorisation provisoire de séjour.
Prévoir que cette personne « en bénéficie » permettrait de lever toute ambiguïté et serait parfaitement en accord avec les objectifs de la commission spéciale comme des auteurs de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Ces amendements visent à préciser qu’une autorisation provisoire de séjour doit être délivrée à toute personne engagée dans un projet d’insertion sociale et professionnelle qui en fait la demande, sans que le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation en la matière.
Ce principe serait cohérent avec l’article 6 dans la rédaction adoptée par la commission spéciale, en vertu duquel le préfet aura compétence liée pour délivrer une autorisation provisoire de séjour aux personnes engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle.
Toutefois, cette compétence liée entraîne un risque d’instrumentalisation par les réseaux des dispositifs d’accompagnement proposés aux personnes prostituées ; je parlerai même d’un risque d’appel d’air.
Dans ces conditions, la commission spéciale sera favorable aux amendements à l’article 6 visant à rétablir le pouvoir d’appréciation du préfet. Elle est donc défavorable à ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Pourquoi, s’il vous plaît ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié, 11, 23 et 27 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Yung, Leconte et Madec, Mmes Bataille et Khiari, M. Chiron, Mme Claireaux, MM. Courteau, Raoul et Sutour et Mmes Conway-Mouret et Campion, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
association
insérer les mots :
choisie par la personne concernée
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Les auteurs de cet amendement entendent s’assurer que l’association agréée qui participera à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet d’insertion sociale et professionnelle sera choisie par la personne victime de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui en bénéficiera.
L’article 3 de la proposition de loi prévoit que « toute association qui a pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes en difficulté peut participer à l'élaboration et à la mise en œuvre du projet d'insertion sociale et professionnelle, dès lors qu'elle remplit les conditions d'agrément fixées par décret en Conseil d'État ». Cette disposition permet à des associations d’accompagner la personne prostituée dans la définition et la réalisation de son projet d’insertion sociale et professionnelle.
Il peut être justifié de réserver cet accompagnement aux seules associations agréées par l’État, afin de s’assurer que le projet s’inscrira dans un cadre précis et que les associations qui le prendront en charge respecteront les exigences fixées par l’État.
En revanche, la personne prostituée devrait pouvoir choisir librement, parmi les associations agréées par l’État, celle qui l’accompagnera dans son projet. En effet, de nombreuses personnes prostituées sont déjà suivies par des associations, avec lesquelles elles ont construit une relation de confiance ; il semble inopportun de briser ce lien en imposant à la personne prostituée d’être accompagnée par une autre association, dès lors que celle par laquelle elle est suivie est agréée.
Quant aux personnes prostituées qui ne sont pas déjà suivies par une association ou qui le sont par une association non agréée, il semble tout aussi essentiel qu’elles puissent choisir l’association agréée avec laquelle elles veulent coopérer. En effet, les relations personnelles et le lien de confiance entre la personne prostituée et les membres de l’association jouent un rôle déterminant dans la réussite du projet d’insertion sociale et professionnelle.
C’est ce libre choix que les auteurs du présent amendement vous proposent de garantir.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Requier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
dès lors
insérer les mots :
qu'elle a été choisie par la personne concernée et
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission souscrit pleinement à l’intention des auteurs de ces deux amendements : s’assurer qu’un lien de confiance puisse s’établir entre la personne engagée dans un projet d’insertion sociale et professionnelle et l’association qui l’accompagnera. C’est si vrai que l’alinéa 5 de l’article 3 du texte de la commission prévoit explicitement que le projet devra être proposé et mis en œuvre « en accord avec la personne accompagnée ».
En outre, l’agrément prévu par la proposition de loi sera ouvert à toutes les associations œuvrant pour l’accompagnement des personnes en difficulté. Les personnes qui s’engagent dans un projet d’insertion sociale et professionnelle seront donc orientées vers les associations reconnues pour leur action dans ce domaine.
Ces deux précautions me semblent suffisantes.
Par ailleurs, prévoir un choix revient à supposer que les personnes destinées à être accompagnées disposeront d’une information complète sur l’offre associative existant là où elles se trouvent. Or nous savons bien que tel n’est pas le cas, les personnes prostituées étant souvent très éloignées des associations susceptibles de les aider.
Dans la mesure où ces deux amendements risquent de rester des vœux pieux, la commission sollicite leur retrait ; s’ils sont maintenus, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 6 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Après le huitième alinéa de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« f) De personnes engagées dans le projet d’insertion sociale et professionnelle prévu à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;
« g) De personnes victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal. » – (Adopté.)
Article 4 (réservé)
M. le président. Je vous rappelle que l’article 4 a été réservé jusqu’après l’article 17.
Article 5
(Suppression maintenue)
Article 6
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 316-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) À la première phrase, les mots : « peut être délivrée » sont remplacés par les mots : « est délivrée » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;
2° Après l’article L. 316-1, il est inséré un article L. 316-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 316-1-1. – Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une autorisation provisoire de séjour d’une durée d’un an est délivrée à l’étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal qui est engagé dans le projet d’insertion sociale et professionnelle mentionné à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles. La condition prévue à l’article L. 311-7 du présent code n’est pas exigée. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée du projet d’insertion sociale et professionnelle, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;
3° L’article L. 316-2 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, la référence : « de l’article L. 316-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 316-1 et L. 316-1-1 » ;
b) Après la référence : « L. 316-1 », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « et de l’autorisation provisoire de séjour mentionnée à l’article L. 316-1-1 et les modalités de protection, d’accueil et d’hébergement de l’étranger auquel cette carte ou cette autorisation provisoire de séjour est accordée. »
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 6 de la proposition de loi introduit des modifications significatives en matière de droit au séjour des personnes étrangères victimes de la traite ou de la prostitution ayant déposé plainte contre les auteurs de ces infractions.
Les modifications entérinées par la commission spéciale en juillet dernier sont très importantes, tant il est vrai que, sur le terrain, l’accès effectif à ce droit est particulièrement compliqué et contraint pour les victimes.
Pour vous faire mesurer ces difficultés, mes chers collègues, je vous exposerai un cas très concret et, malheureusement, toujours d’actualité : celui de quatorze femmes et hommes victimes de traite dans un salon de coiffure du 57, boulevard de Strasbourg, dans le Xe arrondissement de Paris. Mes collègues Laurence Cohen et Pierre Laurent et moi-même vous avons déjà saisie de leur situation, madame la secrétaire d’État, après en avoir avisé le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, la garde des sceaux et le ministre du travail.
Ces personnes, majoritairement des femmes sans papiers, mènent depuis le mois de juin dernier une lutte exemplaire et difficile contre un système mafieux d’exploitation. Recrutées dans la rue par ceux qui les ont exploitées, soumises à des conditions de travail contraires à la dignité humaine, exposées à des produits cancérigènes et en situation de vulnérabilité, car démunies de titre de séjour, ces quatorze personnes ont eu, malgré tout, le courage de dire « stop ! ».
Elles ont commencé par se mettre en grève pendant quinze jours, occupant leur salon, et ce malgré les intimidations verbales et physiques, sans parler des menaces d’être « mises sur le trottoir » ; elles ont ainsi obtenu des contrats de travail, ainsi que le paiement de leurs salaires.
Elles ont ensuite eu le courage de déposer plainte auprès du procureur de la République de Paris pour des faits de traite d’êtres humains. Au terme de contrôles dont les conclusions ont été transmises au parquet de Paris, l’inspection du travail a estimé que « les éléments de constats relevés dans le procès-verbal pourraient permettre de caractériser le délit de traite des êtres humains ».
Or la préfecture de police de Paris a, pour toute réponse, envisagé un examen au cas par cas des demandes de régularisation, au regard de la seule circulaire du 28 novembre 2012, et non pas de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont elle subordonne l’application à l’engagement de poursuites sur ce fondement par le procureur de la République. Or l’article lui-même ne prévoit pas cette condition et mentionne seulement le dépôt de plainte ; deux arrêts, rendus respectivement par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 22 mars 2011 et par la cour administrative d’appel de Paris le 11 octobre de la même année, ont confirmé que l’engagement de poursuites n’était pas nécessaire.
Actuellement, seules cinq personnes sur les quatorze dont je parle ont pu bénéficier d’un titre de séjour ; encore est-ce seulement à raison de leur temps de présence en France, et non parce qu’elles ont déposé plainte pour traite d’êtres humains.
Toutes doivent désormais bénéficier de la protection déjà prévue dans la loi et renforcée par le présent article. Si cette protection ne leur bénéficiait pas, mes chers collègues, songez au signal envoyé aux victimes et aux réseaux de traite !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Les alinéas 4 et 5 de l’article 6 sont inutiles, l’article 48 de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ayant déjà apporté les compléments nécessaires au premier alinéa de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. C’est pourquoi la commission spéciale vous propose de supprimer ces deux alinéas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage et Blondin, M. Courteau, Mmes E. Giraud, Monier, Tocqueville, Jourda et Guillemot, MM. Kaltenbach, Carvounas, Berson, Tourenne, Desplan et Roger, Mme D. Michel, MM. Filleul, Madrelle et Lalande, Mme Ghali, MM. Manable et Miquel, Mmes Cartron, Génisson, Conway-Mouret et Bataille et M. Durain, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
d’un an est délivrée
par les mots :
de six mois peut être délivrée
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. L’article 6 de la proposition de loi modifie le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile aux fins de faciliter l’obtention d’un titre de séjour par les victimes de la traite et du proxénétisme.
Notre commission spéciale a adopté un amendement visant à inscrire à l’article L. 316-1 de ce code que le préfet aura compétence liée pour la délivrance de titres de séjour aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui dénoncent les auteurs de ces infractions, dès lors que les conditions fixées par la loi seront remplies. Elle a également modifié le nouvel article L. 316-1-1 inséré dans le même code pour prévoir la compétence liée du préfet pour la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour aux victimes de la traite ou du proxénétisme engagées dans un projet d’insertion sociale et professionnelle.
Privé de compétence discrétionnaire, le préfet sera donc tenu, dans ce cas-là aussi, de délivrer l’autorisation de séjour, même si la personne prostituée n’a pas porté plainte contre le réseau de traite et est encore sous le joug de son proxénète.
On voit bien le risque de manipulation qui en résulte : les réseaux auront tôt fait de détourner la loi à leur bénéfice, en faisant en sorte qu’un plus grand nombre de prostituées puissent séjourner légalement en France.
Il me semble que nous n’avons pas intérêt à présenter la France comme un pays d’accueil de la prostitution ! Il importe donc de ne pas dessaisir le préfet de son pouvoir d’appréciation et de lui laisser la possibilité de vérifier, avant de délivrer un permis de séjour, que la personne prostituée n’est pas contrainte par un proxénète qui la manipule.
La réduction de la durée de ce permis de un an à six mois répond à la même logique.
Bien entendu, il doit en être autrement si la personne prostituée dépose plainte, puisque, dans ce cas, sa liberté d’action ne fait aucun doute ; cette personne doit impérativement être protégée du proxénète qu’elle a dénoncé durant toute la durée de la procédure judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Cet amendement tend à revenir au texte initial de l’Assemblée nationale et correspond à la position que j’avais défendue en juillet dernier devant la commission spéciale.
Je souligne, d'ailleurs, que, au cours des auditions complémentaires que nous avons organisées ces dernières semaines, nous avons été alertés sur le risque de détournement par les réseaux de traite d’un titre de séjour qui serait octroyé automatiquement.
Par conséquent, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On se souvient que la commission spéciale du Sénat, en juillet dernier, à la suite d’un amendement déposé par Jean-Pierre Godefroy, avait décidé d’allonger la durée de l’autorisation à un an et en avait décidé l’automaticité.
Le présent amendement tend à revenir sur cette automaticité et à réduire la durée de l’autorisation à six mois, ce que je déplore.
Au reste, je dois dire que je ne comprends pas l’argument de l’appel d’air pour les réseaux mafieux et de proxénètes : qu’est-ce qui peut mieux contrarier un proxénète ou un réseau que la possibilité, pour une femme contrainte à la prostitution, d’engager une démarche pour obtenir des papiers ? Bien au contraire, cette possibilité est l’une des conditions de son émancipation !
Je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne voterai pas non plus cet amendement.
Je veux bien entendre que l’on supprime la compétence liée. À la limite, sa suppression ne me dérange pas trop, parce que je vois bien les difficultés qu’elle peut soulever.
Cela dit, je souhaite aborder deux points.
Premièrement, j’ai cru comprendre que l’on voulait revenir à la condition du dépôt de plainte. C’est pourtant le meilleur moyen pour que personne ne s’engage dans un parcours d’insertion !
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, on sait parfaitement qu’aujourd'hui les personnes ne déposent pas plainte parce que les risques de représailles, sur elles-mêmes ou sur leur famille, sont trop grands.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. D'ailleurs, et nous l’avions signalé, dans notre pays, la personne ayant déposé plainte n’est pas protégée, si ce n’est à la fin de la procédure judiciaire, quand il y aura eu, le cas échéant, condamnation des proxénètes, ce qui est problématique, et même complètement stupide !
Deuxièmement, la durée est essentielle ! Comment voulez-vous qu’une personne qui se décide à arrêter son activité de prostituée et porte plainte ait, en six mois, le temps de se remettre, de trouver le courage d’engager des procédures, d’essayer de s’insérer, de chercher un travail, une activité… ? Elle doit aussi, bien souvent, être protégée.
Nos amis italiens nous avaient expliqué, à Chantal Jouanno et à moi-même, que, dans leur pays, ces personnes sont protégées tout au long de cette période et ne sont alors pas accessibles.
Je pense donc véritablement que, si l’on veut engager les personnes dans un parcours de réinsertion, il faut absolument maintenir les deux mesures prévues à l’article 6. Sinon, ce texte n’aura aucune efficacité !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.