M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, corapporteur.
M. Gérard Roche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Je souhaiterais apporter une précision à M. Vasselle. Nous travaillons depuis longtemps sur ce projet de loi et nous avons justement envisagé le financement par la CASA de toutes les actions prévues, dont le droit au répit, auquel seront dédiés 78 millions d’euros. Par conséquent, le financement ne sera pas à la charge des départements. Cela participe à l’esprit de la future loi, dans la mesure où l’aide aux aidants est un des points centraux du texte.
M. Alain Vasselle. J’entends bien, mais cela risque d’être insuffisant !
M. le président. Je mets aux voix l'article 36.
(L'article 36 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 36
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Dans l’intitulé de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie, les mots : « soutien familial » sont remplacés par les mots : « proche aidant » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 3142-22, à l’article L. 3142-23, au premier alinéa de l’article L. 3142-24, au premier alinéa et au 5° de l’article L. 3142-25, au premier alinéa de l’article L. 3142-28, à l’article L. 3142-29, au dernier alinéa de l’article L. 3142-31, les mots : « soutien familial » sont remplacés par les mots : « proche aidant » ;
3° L’article L. 3142-22, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente à titre non professionnel pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne. » ;
4° À l’article L. 3142-23, les mots : « et ne doit pas faire l’objet d’un placement en établissement ou chez un tiers autre que le salarié » sont supprimés ;
5° L’article L. 3142-24 est complété deux alinéas ainsi rédigés :
« Le congé de proche aidant peut, avec l’accord de l’employeur, être transformé en période d’activité à temps partiel.
« Avec l’accord de l’employeur, le congé peut être fractionné, sans pouvoir dépasser la durée maximale prévue au premier alinéa. Dans cette hypothèse, le salarié qui souhaite bénéficier du congé doit avertir son employeur au moins quarante-huit heures avant la date à laquelle il entend prendre chaque période de congé. Les modalités de ce fractionnement, notamment la durée minimale de chaque période de congé, sont fixées par décret. » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 3142-26, les mots : « soutien familial » sont remplacés par les mots : « proche aidant ou qui travaille à temps partiel conformément aux dispositions de l’article L. 3142-24 » ;
7° À l’article L. 3142-27, les mots : « soutien familial » sont remplacés par les mots : « proche aidant ou de sa période d’activité à temps partiel ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le congé de soutien familial s’adresse aux salariés en mesure de justifier une certaine ancienneté dans l’entreprise et souhaitant suspendre leur contrat de travail pour s’occuper d’un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Il s’agit d’un congé de droit non rémunéré pour le salarié qui en fait la demande. Tout en maintenant l’insertion professionnelle du salarié aidant, il lui permet de consacrer du temps à l’aide d’un proche dépendant ou en situation de handicap.
Nous proposons, par le biais de cet amendement, de le transformer en congé de proche aidant. Alors qu’il est aujourd’hui réservé aux membres de la famille, il serait étendu aux aidants, qu’ils soient ou non familiaux, des personnes âgées ou handicapées placées en établissement ou chez un tiers autre que le salarié.
Le présent amendement vise également à instaurer la possibilité, pour le salarié, de transformer le congé en période d’activité à temps partiel. De plus, il tend à assouplir les modalités d’utilisation du congé en permettant son fractionnement.
L’objectif est simple : favoriser une conciliation des temps d’aide et des temps de travail pour permettre à la fois aux aidants de se consacrer à leurs proches sans être trop pénalisés professionnellement et aux personnes en perte d’autonomie d’être mieux entourées. Il s’agit là d’une réelle avancée en matière de justice sociale. Ainsi, la perte d’autonomie d’un proche ne nuirait pas à la carrière professionnelle de celui ayant fait le choix de l’aider.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Cet amendement vise à transformer le congé de soutien familial en congé de proche aidant. La définition du proche aidant adoptée à l’article 35 s’applique seulement aux personnes qui accompagnent une personne âgée en perte d’autonomie et non à celles qui soutiennent une personne en situation de handicap. Or le congé de soutien familial concerne uniquement les personnes accompagnant une personne handicapée. Par conséquent, parler de congé de proche aidant risque de créer de la confusion.
En outre, l’amendement tend à apporter des modifications substantielles au contour du congé de soutien familial : pourront en bénéficier des personnes dont le proche est placé en établissement ou chez un tiers, ce qui n’est pas possible actuellement.
Le congé pourrait aussi être fractionné et transformé en période d’activité à temps partiel.
De telles mesures semblent mériter une analyse plus approfondie ; c’est pourquoi la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Auparavant, les aidants n’étaient pas reconnus dans le code de l’action sociale et des familles. Avec le présent texte, nous construisons, en quelque sorte, leurs droits.
Le présent amendement tend à élargir le droit à congé dont bénéficient déjà les salariés qui sont obligés de suspendre leur activité professionnelle dans certains cas aux proches aidants. Son adoption constituerait une avancée positive et compléterait à mon avis fort utilement le travail que nous menons autour des aidants des personnes âgées dépendantes. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Par prudence, j’aurai plutôt tendance à suivre la position de la commission, même si je comprends l’objectif visé par M. Desessard.
En tout état de cause, il faudrait mesurer l’incidence financière de la mesure proposée, sans toutefois en abandonner l’idée, avant de se lancer tête baissée. En effet, l’élargissement concerne les aidants des personnes dépendantes non seulement à domicile, mais aussi placées en établissement. De plus, l’amendement prévoit d’étendre le dispositif aux personnes relevant du GIR 3. De ce fait, il faudra mobiliser des concours financiers beaucoup plus importants que ceux qui ont été prévus initialement dans le cadre de la CASA.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Monsieur Vasselle, je peux vous rassurer. Le Gouvernement, à la demande de M. Desessard, s’est livré à une expertise des conséquences et des coûts de la disposition qu’il propose.
Eu égard à la rédaction actuelle de l’amendement n° 196, le nombre de personnes concernées est évalué à 18 000.
Par ailleurs, il n’y a pas d’incidence financière puisque ce congé n’est pas rémunéré par l’entreprise : le coût – direct – est donc nul, sauf à aller chercher les coûts indirects qui pourraient résulter, pour l’entreprise, de l’absence d’un salarié pendant quelque temps.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mme la secrétaire d’État a parfaitement répondu à M. Vasselle.
J’ajouterai que cet amendement répond à une très forte demande de personnes souhaitant mener de front leur activité professionnelle et leur rôle d’aidant.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 36.
L'amendement n° 264, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complétée par une sous-section 13 ainsi rédigée :
« Sous-section 13
« Congé exceptionnel pour proche aidant d’une personne âgée en perte d’autonomie
« Art. L. 3142-117. – Tout salarié, proche aidant d’une personne âgée en perte d’autonomie ou souffrant d’une pathologie chronique, bénéficie d’un congé exceptionnel en cas de dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée ou d’une situation de crise nécessitant une action immédiate du proche aidant auprès de la personne aidée.
« Art. L. 3142-118. – La durée de ce congé est au maximum de cinq jours par an. Elle peut être fractionnée en demi-journées.
« Elle est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour l’ensemble des autres droits résultant pour l’intéressé de son contrat.
« Elle ne peut être imputée sur la durée du congé payé annuel. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à créer un congé ouvert à tout salarié proche aidant d’une personne âgée en perte d’autonomie en cas de dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée ou d’une situation de crise nécessitant une action immédiate du proche aidant.
En effet, dans les situations de crise, c’est non pas d’un congé planifié dont l’aidant a besoin, mais d’une souplesse organisationnelle, souvent immédiate, ce que le congé que nous proposons rendrait possible. En outre, ce dispositif permettrait de limiter les appels aux pompiers et d’éviter les passages aux urgences ou les hospitalisations inutiles.
La durée de ce congé exceptionnel, fractionnable, pourrait être fixée à cinq jours au maximum, afin d’offrir au salarié proche aidant une souplesse supplémentaire en termes de disponibilité.
Il s’agirait, là encore, d’un congé non rémunéré qui serait toutefois assimilé à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que de l’ensemble des autres droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de créer un nouveau type de congé, d’une durée maximale de cinq jours par an, en cas de dégradation soudaine de l’état de santé d’une personne âgée en perte d’autonomie et dont pourrait bénéficier le proche aidant.
Or une telle proposition n’est pas sans conséquence sur les entreprises : ce congé, même non rémunéré, sera en effet assimilé à une période de travail effectif. Raison pour laquelle la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je comprends la préoccupation des auteurs de cet amendement. Je réfléchis moi-même à des sujets connexes. Toutefois, je vous répondrai ce que je réponds toujours en pareil cas : il existe des partenaires sociaux.
En l’espèce, il s’agit vraiment d’un sujet qui ressortit à la négociation. Je serais ravie que les organisations de salariés mettent sur la table ces sujets et que l’on arrête de nous demander de nous substituer – nous, Gouvernement, et vous, législateur – aux partenaires sociaux sur des questions relevant du pur domaine de la négociation sociale.
Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cet amendement : tout le monde doit prendre ses responsabilités !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je remercie M. le corapporteur d’avoir souligné les conséquences financières éventuelles que devront supporter les entreprises en cas d’adoption d’un tel dispositif.
Je lui ferai tout de même remarquer, ainsi qu’au Gouvernement et à M. Desessard, que l’amendement précédent – nous l’avons adopté – aura exactement les mêmes effets : si ces nouvelles dispositions, qui bénéficieront à des salariés non rémunérés, n’auront aucune incidence sur les finances publiques, elles en auront une sur les entreprises.
On ne peut avoir deux poids, deux mesures et être favorable à l’amendement précédent et défavorable à celui-là, alors qu’ils emportent tous deux des conséquences sur les entreprises. C’est pourquoi j’estime nécessaire de mesurer l’impact de cette mesure, dont le succès risque d’affecter la compétitivité des entreprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Certes, la disposition en cause n’aura pas d’incidence directe sur les entreprises, le salarié n’étant pas rémunéré durant ce congé. Toutefois, seules les grandes sociétés, à fort effectif, où l’on arrive à « boucher les trous », seront à même d’y faire face.
Imaginez un instant que ce dispositif soit généralisé et qu’il s’applique aux TPE : dans une entreprise de quatre ou cinq personnes, l’activité risque d’exploser si le salarié pivot demande à en bénéficier.
Sur le fond, je ne peux que partager les bons sentiments et la valeur en termes de solidarité que représentent de telles propositions. En revanche, comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État, les partenaires sociaux doivent être associés à cette réflexion.
Si nous devions persévérer dans un tel objectif, il faudrait prévoir, même si cela peut sembler inéquitable, des modalités d’application différenciées selon la taille des entreprises afin de pallier le risque de désorganisation des TPE.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Plutôt que de quitter l’entreprise, mieux vaut que le salarié pivot que vous évoquez prenne un congé partiel et qu’il continue de faire bénéficier la TPE de son expérience.
L’amendement précédent rendait justement possible cette continuité, raison pour laquelle je ne reçois pas votre argument.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par Mmes Campion, Meunier, Bricq, Claireaux, Emery-Dumas, Génisson et Schillinger, MM. Bérit-Débat, Caffet, Daudigny, Durain, Godefroy, Haut, Jeansannetas, Tourenne, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 263 est présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 9° ter de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 9° ter a. La prestation de compensation servie en vertu des dispositions de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« b. les sommes perçues à titre de dédommagement par les aidants familiaux, dans les conditions prévues à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour présenter l’amendement n° 16.
Mme Claire-Lise Campion. Par cet amendement, nous souhaitons instaurer une aide en faveur des proches assurant une présence ou un soutien indispensables à une personne en perte d’autonomie bénéficiaire de l’APA. Au-delà d’un simple soutien financier, il s’agit de reconnaître le rôle essentiel des aidants et la difficulté de leur tâche.
Le montant maximal de cette nouvelle aide pourrait atteindre 500 euros par an, sans incidence sur le plafond des allocations perçues par le bénéficiaire au titre de l’APA. Il s’agit donc d’un apport substantiel.
Cependant, un rescrit de l’administration fiscale précise que les sommes perçues en tant que dédommagement par les aidants familiaux au titre de la PCH sont imposables en tant que bénéfices non commerciaux, ce qui abaisse de fait le niveau de dédommagement des aidants.
Cette doctrine de l’administration fiscale est contraire à l’esprit de la loi du 11 février 2005, dite « loi handicap », qui vise à reconnaître le rôle important des aidants familiaux en permettant à leurs proches handicapés de les dédommager à hauteur soit de 3,65 euros, soit de 5,48 euros par heure, selon les circonstances.
Afin de donner toute son efficacité à cette aide, nous proposons, à l’instar de la prestation de compensation, que les sommes versées à titre de dédommagement aux aidants familiaux des personnes handicapées soient explicitement exonérées de l’impôt sur le revenu.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 263.
M. Dominique Watrin. Il est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Roche, corapporteur. Ces amendements, que nous avions rejetés en commission, visent à exonérer d’impôt sur le revenu les rémunérations versées à un aidant familial au titre de la PCH.
Cette proposition, qui peut sembler légitime, devrait être davantage étudiée, afin d’évaluer ses répercussions non seulement sur les recettes de l’État, mais aussi sur les choix d’accompagnement arrêtés par les bénéficiaires de la PCH.
En effet, une telle proposition ne risque-t-elle pas de créer un biais en faveur des aidants familiaux, alors que l’état de la personne handicapée nécessiterait justement de faire appel à un professionnel ?
C’est en raison de ce risque d’effet pervers, lequel s’opérerait au détriment de la personne handicapée, que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je ne me prononcerai pas sur le fond de cet amendement, dont l’objet – l’instauration d’une exonération d’impôt – relève exclusivement d’une loi de finances au regard des règles de bonne gestion que le Gouvernement s’est fixé et non d’un projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.
Je vous suggère, madame Campion, monsieur Watrin, d’aborder cette question lors de l’examen d’un prochain projet de loi de finances.
Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. Alain Vasselle. Vous auriez pu invoquer l’article 40 !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, je rejoins vos propos : cet amendement relève d’une loi de finances.
Madame Campion, on ne peut que souscrire à votre objectif de solidarité envers les personnes handicapées. Je pense toutefois que votre proposition pose un grave problème de fond.
Comment peut-on subordonner l’assujettissement d’une prestation à l’impôt sur le revenu en fonction de son objectif ? Le principe même de l’impôt sur le revenu est d’assujettir aux prélèvements fiscaux tout revenu, quelle qu’en soit la destination.
Si j’exagère à dessein votre propos, les revenus perçus à raison d’une prestation relevant d’un bon sentiment, d’une action de solidarité doivent être exonérés d’impôt sur le revenu, et ceux qui sont, sinon mauvais, du moins beaucoup plus prosaïques doivent être imposés.
Une telle mesure ouvrirait une brèche extrêmement grave dans l’application de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu qui figure dans le code général des impôts. Par ailleurs, si une telle disposition devait lui être déférée, je me demande quelle serait la réaction du Conseil constitutionnel au regard du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
M. Alain Vasselle. C’est une nouvelle niche fiscale !
M. le président. Madame Campion, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
Mme Claire-Lise Campion. J’ai bien noté, monsieur Cardoux, que vous forciez le trait : nous n’avons jamais raisonné en fonction de bonnes ou de mauvaises prestations.
Cependant, j’ai également entendu les propos de Mme la secrétaire d’État et je retire cet amendement. Nous reprendrons cette discussion lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
Monsieur Watrin, l'amendement n° 263 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Allez-vous aider le Gouvernement, monsieur Watrin ? (Sourires.)
M. Dominique Watrin. J’aurais pu retirer cet amendement, mais l’argument avancé par M. Cardoux ne me paraît pas juste et m’incite donc à le maintenir.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Dominique Watrin. Les aidants familiaux dont nous parlons ne touchent pas de revenus. Il s’agit non pas d’un salaire, mais d’un dédommagement au tarif de 3,65 euros de l’heure, voire, au maximum, de 5,48 euros dans certaines circonstances. S’il s’agissait d’un revenu, il devrait être au moins égal au SMIC. C’est là toute la différence !
L’assiette de l’impôt sur le revenu doit justement être le revenu, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Pour cette raison, je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 113 rectifié bis est présenté par MM. Adnot et Navarro.
L'amendement n° 288 est présenté par MM. Labazée et Roche, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles peuvent expérimenter, pour une durée ne pouvant excéder six ans à compter de la promulgation de la présente loi, des solutions d’accueil associant à l'hébergement temporaire pour personnes âgées, personnes handicapées ou personnes atteintes de maladies chroniques invalidantes, un séjour de vacances pour les proches aidants et permettant un recrutement extraterritorial.
Le ministre chargé des affaires sociales fixe par arrêté le cahier des charges applicable à ces expérimentations et la liste des établissements autorisés à fonctionner à titre expérimental.
Les articles L. 312-5, L. 313-3, L. 313-4, L. 313-5 et L. 313-6 du code de l’action sociale et des familles ne s’appliquent pas aux projets mentionnés au premier alinéa.
Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation portant notamment sur son impact sur le répit des aidants et sur le bien-être des personnes hébergées.
L’amendement n° 113 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à M. Georges Labazée, corapporteur, pour présenter l'amendement n° 288.
M. Georges Labazée, corapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, combien de familles connaissons-nous qui, ayant la charge d’une personne âgée ou handicapée, cherchent à tout prix, pendant les vacances, un établissement ? À l’approche de l’été, elles partent à la recherche d’une place en établissement, afin de pouvoir partir en congé.
Nous assistons souvent à ces situations douloureuses, qui se répètent. Nous nous sommes donc penchés en commission sur la notion d’accueil temporaire, définie dans le code de l’action sociale et des familles. Les articles en question organisent la mise en œuvre de formules d’hébergement temporaire et d’accueil de jour, avec pour objectif premier l’accompagnement, le maintien à domicile et le soutien des proches aidants. Il s’agit en particulier de prévenir leur épuisement, mais un grand nombre d’entre eux se refuse cependant à toute séparation de la personne aidée et à l’idée même de son placement dans une institution, même de façon très provisoire. D’autres formules doivent pouvoir leur être proposées.
Avec M. Gérard Roche et les membres de la commission, nous avons mené de longues auditions, recevant un grand nombre d’organismes, d’associations et d’institutions. Certains sont parfaitement connus. D’autres sont très impliqués dans l’accueil temporaire et ont mis en route des actions tout à fait spécifiques.
À ce jour, cependant, le régime réglementaire relatif à l’accueil temporaire reste dépendant du principe de valeur législative de territorialisation des autorisations et des budgets.
En clair, si l’on sollicite l’agence régionale de santé, elle intervient dans le périmètre géographique de sa couverture. Par exemple, l’ARS d’Aquitaine a compétence sur les cinq départements de la région.
Nous avons rencontré les représentants de ces structures, à propos du label Vacances Répit Famille, dit VRF. Un premier pas a été franchi par trois d’entre elles, qui ont pu trouver un financement national, au titre de la réserve nationale, dotée par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour la première, et au titre du plan national maladies rares, pour les deux autres.
Elles proposent une offre de répit visant à accueillir conjointement les aidants et les aidés dans une structure imbriquant un hébergement temporaire pour les personnes fragilisées par le handicap, la maladie ou l’avancée en âge, et une structure de tourisme social et familial pour les aidants.
Ce type récent de démarches se développe actuellement à titre expérimental, avec de premières réalisations en Touraine pour des personnes âgées. Mes collègues de la commission des affaires sociales, qui ont une forte implantation dans le vaste ensemble qu’est la Touraine, ont pu en témoigner. Deux structures similaires, dans le Jura et le Maine-et-Loire, œuvrent pour des personnes handicapées.
Si l’usage de la réserve nationale, que j’ai évoqué tout à l’heure, a connu un terme, il se trouve que la législation actuelle ne permet pas de mobiliser les acteurs locaux. Ces derniers disposent en effet de budgets contraints et ne peuvent investir dans des structures dont les bénéficiaires sont principalement des personnes habitant hors du territoire d’implantation, tel que décrit au début de mon propos.
Parce que ce projet de loi s’attache à favoriser le répit des aidants, le présent amendement propose d’expérimenter, à l’échelle nationale, une dérogation au principe du territoire pour un besoin qui ne peut s’exprimer et être satisfait qu’à une échelle suprarégionale.
Des études d’empreinte économique, sociale et environnementale, notamment sur un projet emblématique à Aix-les-Bains, autour du lac du Bourget, ont été réalisées à propos de ces solutions. Elles démontrent un important retour sur investissement, tant en phase de construction que d’exploitation, pour le territoire d’implantation, et objectivent les conséquences positives des projets en termes d’emplois et d’activités.
Le développement d’une plateforme d’évaluation et d’aide à la réservation, mutualisée entre les différentes structures à créer ou déjà opérationnelles, est d’ores et déjà accompagné financièrement par la CNSA dans le cadre de sa section V, consacrée aux études et actions innovantes.
Une dizaine d’expérimentations, complémentaires aux trois déjà existantes, pourrait ainsi être financée, comme action innovante au titre du IV de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles.
Madame la secrétaire d’État, le projet que vous avez défendu devant l’Assemblée nationale, et que vous défendez aujourd’hui devant le Sénat, est un projet innovant. La qualité des débats intervenus en commission et en séance, à la suite de votre audition voici quelques semaines, en atteste.
Vous avez souhaité qu’une partie du projet de loi soit réservée à l’innovation. Sur ce point, l’exigence de maîtrise est grande. Notre amendement n’a de sens que dans la mesure où le Gouvernement souhaiterait accompagner cette expérimentation pendant une période de six ans. Nous pourrons ainsi répondre à cette dimension nouvelle, qui prend en compte la personne âgée en situation de dépendance et aussi l’aidant qui l’accompagne. Dans la mesure où une conjonction de ces deux éléments majeurs peut s’opérer pendant dans la période des vacances, nous ferons œuvre utile.