M. Rémy Pointereau. Encore un !
M. Jean-Pierre Bosino. ERDF, c’est l’État !
Mme Ségolène Royal, ministre. Je veux dire à ses représentants que, puisqu’ils n’ont pas bougé, nous allons donner aux citoyens la liberté de se prendre en charge et les moyens de mettre en place leur projet local, et qu’ils seront accompagnés par le ministère, dans le cadre de l’appel à projets sur les territoires à énergie positive. Désormais, la balle est dans leur camp. À eux de savoir s’en saisir.
Si ERDF bouge, tant mieux. Sinon, il faudra bien évidemment veiller à ce que l’éventuel nouvel opérateur mette en place un dispositif suffisamment structuré pour être durable. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Mme la ministre a dit quelque chose de très important : elle a déclaré qu’il ne fallait absolument pas voir la possibilité ouverte par l’amendement comme une atteinte au service public.
Mme Éliane Assassi. C’en est pourtant une !
M. Ronan Dantec. D'ailleurs, je pense que personne ne l’a perçue de cette manière.
M. Ronan Dantec. Si nous votons cet amendement, dont l’adoption permettra une expérimentation sur des territoires extrêmement spécifiques, je crois que l’opérateur historique, chargé d’une mission de service public, sera incité à relever le défi, alors qu’il a jusqu’à présent fait preuve, on le sait, d’un peu de passivité, notamment sur l’île de Sein, dont le dossier est suivi certains depuis très longtemps par d’entre nous. Je suis même convaincu qu’il soumettra assez vite une proposition de nature à être favorablement accueillie par les Sénans…
Pour terminer, comme c’est le dernier amendement que les écologistes défendent…
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas une raison pour être long ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. … et comme celui-ci nous amène dans le Finistère, je veux vous dire, en breton, pour l’ampleur du travail accompli, en dépit de désaccords politiques parfois importants, et pour le temps consacré aux amendements déposés par notre groupe : trugarez deoc’h, madame la ministre ! (Sourires. – M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Je ne voudrais pas jouer les trouble-fête, mais je dois porter à votre connaissance un courrier que j’ai reçu de la mairie de l’île de Sein. Ce courrier rappelle que ce sujet a déjà été évoqué dans le cadre de l’examen du texte à l’Assemblée nationale – il semble qu’y ait été déposé un amendement de M. de Rugy allant dans le même sens que celui que nous examinons.
L’ouverture dont il est question semble susciter une forte opposition sur l’île. Entendons-nous bien : je ne souhaite pas prendre parti. Je tiens néanmoins à vous faire part des termes de ce courrier, où je relève notamment : « Un amendement donnant la possibilité à des sociétés locales qui ne présenteraient pas les gages de sécurité nécessaires à moyen et court terme serait lourd de conséquences pour nos petits territoires insulaires. Par la présente, nous souhaitons vous informer d’une façon solennelle sur les risques que nous encourons en acceptant un système largement concurrentiel et aléatoire. »
M. Michel Le Scouarnec. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Il ne m’est évidemment pas possible d’en apprécier, moi, les conséquences.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le président, je vous remercie de faire part de cette objection et, par là même, de me permettre d’y répondre.
D'abord, l’amendement vise à créer une possibilité, et non une obligation.
Ensuite, il prévoit bien que, au terme de la procédure, c’est le ministre chargé de l’énergie qui rendra une décision, après consultation de la Commission de régulation de l’énergie. Il y aura donc bien un système de contrôle. Le maire de Sein n’était peut-être pas informé de ce filet de sécurité.
En tout état de cause, ce ne sera pas l’anarchie électrique. Je pense donc que toutes les garanties sont apportées.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Je n’avais pas connaissance du courrier que M. le président de la commission vient d’évoquer, mais je comptais justement évoquer les risques qui pourraient découler de l’adoption de l’amendement, y compris pour la population.
Surtout, quelque chose me dérange beaucoup dans votre argumentation, madame la ministre. En effet, quand, hier ou avant-hier, nous avons réclamé un pôle public de l’énergie, vous avez déclaré ne pas comprendre cette demande dans la mesure où le capital de la plupart des grandes entreprises de l’énergie, comme EDF ou ERDF, est majoritairement détenu par l’État. Or, aujourd'hui, vous nous expliquez qu’ERDF fait preuve d’inertie… Mais ERDF, c’est bien l’État !
En outre, nous risquons aujourd'hui de mettre le pied dans la porte : attendons-nous à des démarches du même type pour d’autres territoires !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Madame la présidente, j’ai simplement un message à faire passer de la part de mes collègues Maryvonne Blondin et François Marc. Ceux-ci m’indiquent que le maire et le conseil municipal de l’île de Sein ne sont pas favorables à une solution qui mettrait EDF à l’écart.
Mme Éliane Assassi. Peut-être parce qu’ils ne sont pas membres d’EELV…
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Pour notre part, au groupe UDI-UC, nous sommes extrêmement favorables à la possibilité ouverte par l’amendement puisque nous avions nous-mêmes déposé un amendement visant à permettre une libre expérimentation par les collectivités territoriales.
Je le répète, il ne s’agit ici que d’ouvrir une possibilité, assortie de garanties, lesquelles ont été rappelées par Mme la ministre. Tout cela va dans le bon sens !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 63 quinquies.
Article 63 quinquies
(Non modifié)
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2015, un rapport indiquant quelles mesures spécifiques d’accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d’appliquer les principaux dispositifs de la présente loi. Ce rapport étudie tout particulièrement les modalités selon lesquelles ces trois collectivités pourraient bénéficier de la contribution au service public de l’électricité pour leurs productions locales d’électricité. – (Adopté.)
Article 64
Le 2° de l’article L. 121-7 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le d, il est inséré un e ainsi rédigé :
« e) Les coûts d’études supportés par un producteur ou un fournisseur en vue de la réalisation de projets d’approvisionnement électrique identifiés dans le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 141-5 et conduisant à un surcoût de production au titre du a du présent 2°, même si le projet n’est pas mené à son terme. Les modalités de la prise en compte de ces coûts sont soumises à l’évaluation préalable de la Commission de régulation de l’énergie. » ;
2° Au dernier alinéa, la référence : « d » est remplacée par la référence : « e ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 64
Mme la présidente. L'amendement n° 617 rectifié, présenté par MM. Karam et Antiste, Mme Archimbaud et MM. S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un décret en Conseil d’État apporte les adaptations à l’application de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme dans les départements d’outre-mer nécessaires au maillage de ces territoires en petites unités de production électrique, y compris en zones agricoles et naturelles lorsque les communes disposent de plans locaux d’urbanisme.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos 618 et 619.
Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion ces amendements.
L’amendement n° 618, présenté par MM. Karam et Antiste, Mme Archimbaud et MM. S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le c du 6° du II de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d) Des unités de production d’électricité dont la capacité maximale est fixée par décret, dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain de distribution publique d’électricité. »
L'amendement n° 619, présenté par MM. Karam et Antiste, Mme Archimbaud et MM. S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 150-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 150-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 150-2. – Sont autorisées, sur les zones agricoles définies dans un plan local d’urbanisme, situées dans les zones non interconnectées au réseau de distribution publique d’électricité, des constructions d’unités de production d’électricité dont la capacité maximale est fixée par décret en Conseil d’État. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Antoine Karam. Comme je le disais tout à l'heure, la situation en matière d’accès à l’électricité est difficile pour bon nombre de nos compatriotes guyanais. Ainsi, seulement 40 % des habitants de la Guyane sont raccordés au réseau collectif, quand 15 % de la population résidant sur le littoral et 35 % de celle des communes de l’intérieur n’ont pas du tout accès à l’électricité. Je vous laisse apprécier la différence avec la situation de la France hexagonale…
Plusieurs projets de construction de petites unités de production électrique peuvent être rapidement lancés pour répondre à ce problème. D’ailleurs, les élus locaux et les parlementaires de la Guyane rencontrent de plus en plus de porteurs de projets et d’investisseurs qui nous semblent assez crédibles.
Ces projets portent sur des microcentrales de biomasse et sont donc fondés sur une énergie renouvelable. Ces petites unités de production modulables et mobiles permettent un maillage graduel du territoire en fonction des besoins apparaissant dans chaque zone et contribuent, en outre, à la structuration des filières agricoles locales par la valorisation du bois de défriche, et ce n’est pas là une ressource dont nous manquons !
Elles se heurtent, toutefois, aux dispositions des articles L. 123-1-5 et R. 123-7 du code de l’urbanisme, qui limitent les autorisations de construction dans les zones agricoles, dite « zones A », dans les communes disposant d’un plan local d’urbanisme.
Par conséquent, ces amendements visent à permettre aux communes dotées d’un plan local d’urbanisme – PLU – et situées dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain de distribution d’électricité de délimiter, dans les zones naturelles, agricoles ou forestières, des secteurs où peut être autorisée la construction de ces petites unités de production électrique.
Je peux vous dire que l’attente est très grande !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, ces trois amendements sont satisfaits par le droit en vigueur.
En effet, les PLU peuvent d’ores et déjà délimiter, en dehors des zones U et AU, des secteurs de taille limitée où peuvent être autorisées les constructions, sous réserve d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. C’est ce qu’on appelle le pastillage, qui est clairement défini à l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme.
Par ailleurs, en l’absence de PLU, l’article L. 111-1-2 dispose que les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs peuvent être autorisées dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain où elles sont implantées.
Autrement dit, le droit en vigueur permet de faire ce que vous souhaitez. Je pense en outre qu’il faut être très prudent quand on touche au code de l’urbanisme. Si vous modifiez les articles L. 123-1-5 et L. 111-1-2, cela s’appliquera à toutes les communes de France.
En conclusion, je vous invite à retirer ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je pense, monsieur Karam, que vous avez eu raison de déposer ces trois amendements, car ils vous ont permis de défendre les principes qui vous tiennent à cœur. Pour autant, comme M. le rapporteur, je pense qu’ils sont satisfaits par le droit en vigueur et je vous invite donc à les retirer.
Mme la présidente. Monsieur Karam, les amendements nos 617 rectifié, 618, 619 sont-ils maintenus ?
M. Antoine Karam. Je vais les retirer, madame la présidente. Il nous restera à expliquer aux maires les possibilités qu’offrent les articles du code de l’urbanisme cités par M. le rapporteur.
Mme la présidente. Les amendements nos 617 rectifié, 618, 619 sont retirés.
Article 65
I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le titre V du livre Ier est ainsi modifié :
a) Le chapitre unique devient un chapitre Ier intitulé : « Dispositions particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon » ;
b) Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Dispositions applicables aux îles Wallis et Futuna
« Art. L. 152-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre, les articles L. 121-1 à L. 121-28 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
« Art. L. 152-2. – À Wallis-et-Futuna, le service public de l’électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l’État et la collectivité.
« Le territoire des îles Wallis et Futuna, autorité concédante de la distribution publique d’électricité, négocie et conclut un contrat de concession et exerce le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées par le cahier des charges.
« Art. L. 152-3. – Pour l’application de l’article L. 121-4 dans les îles Wallis et Futuna, la collectivité est l’autorité organisatrice de la distribution publique de l’électricité.
« Pour l’application des articles L. 121-4, L. 121-5 et L. 121-7 dans les îles Wallis et Futuna, les droits et obligations impartis dans les zones non interconnectées du territoire métropolitain à Électricité de France sont conférés à la société concessionnaire de la distribution publique d’électricité. » ;
2° Le titre VI du livre III est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Dispositions applicables aux îles Wallis et Futuna
« Art. L. 363-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre, les articles L. 311-5 et L. 337-8 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
« Art. L. 363-2. – À Wallis-et-Futuna, les installations de production d’électricité régulièrement établies à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la transition énergétique pour la croissance verte sont réputées autorisées au titre de l’article L. 311-5.
« Art. L. 363-3. – Le taux de rémunération du capital immobilisé dans des moyens de production d’électricité, mentionné à l’article L. 121-7, est déterminé de façon à favoriser le développement du système électrique. »
I bis (nouveau). – Les tarifs réglementés de vente d’électricité sont, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la transition énergétique pour la croissance verte, progressivement alignés sur ceux de la métropole. Une fois l’alignement réalisé, et au plus tard à l’expiration du délai de cinq ans mentionné à la première phrase du présent alinéa, les tarifs en vigueur en métropole s’appliquent à Wallis-et-Futuna.
II. – (Non modifié) Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnance toutes mesures de nature législative propres à étendre et à adapter les dispositions du code de l’énergie, notamment celles relatives à la contribution au service public de l’électricité, afin de rapprocher, d’ici le 1er janvier 2020, la législation applicable à Wallis-et-Futuna dans cette matière de celle mise en œuvre dans le cadre de la politique énergétique de l’État en métropole.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l'article.
M. Robert Laufoaulu. Je tenais absolument à prendre la parole sur cet article, qui a été introduit à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, afin de vous exprimer ma gratitude, madame la ministre, ainsi qu’à Mme la ministre des outre-mer.
Votre initiative va permettre à Wallis-et-Futuna d’accéder à la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, c'est-à-dire à la péréquation tarifaire de l’électricité. Au nom du territoire et de ses habitants, soyez chaleureusement remerciée pour ce beau geste de solidarité nationale.
Je souhaite aussi remercier les commissions des affaires économiques et du développement durable, leurs présidents et leurs rapporteurs, pour leur écoute attentive et bienveillante.
Il y a deux ans et demi, lors de l’examen du texte « contre la vie chère » en outre-mer, j’expliquais dans ce même hémicycle, devant des collègues ébahis, que l’électricité à Wallis-et-Futuna était plus de six fois plus chère qu’en métropole, alors même que de nombreux foyers sont dépourvus de ressources pécuniaires ; je rappelle en effet qu’il n’y a, à Wallis-et-Futuna, ni allocations chômage ni même revenu de solidarité active. Ces foyers ne survivent donc que grâce à la solidarité familiale pour les charges telles que l’électricité et l’eau et grâce à la culture vivrière pour la nourriture.
Cet article 65 prévoit la mise en place de la péréquation dans un délai de cinq ans. Je souhaiterais que vous puissiez me confirmer, madame la ministre, que ce délai est bien un objectif final et que la mise en place progressive de la CSPE à Wallis-et-Futuna produira des effets sur la facture d’électricité des foyers de notre territoire bien avant l’expiration de ce délai ; peut-être même, espérons-le, dès l’année prochaine.
Par ailleurs, les élus du territoire souhaiteraient savoir si, dans la continuité de l’esprit de concertation et d’ouverture qui a prévalu, ils seront consultés sur l’élaboration et le contenu de l’ordonnance qui sera préparée en vertu de l’habilitation prévue dans cet article 65.
Madame la ministre, ces explications sont très attendues par la population de Wallis-et-Futuna. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord saluer votre présence constante au cours de ces débats. Vous avez la parole sur le dernier article : ainsi, avec Wallis-et-Futuna, nous terminons en beauté !
Je tiens également à vous féliciter pour l’ardeur avec laquelle, comme le député Napole Polutélé, vous vous êtes attaché à défendre votre territoire.
L’article 65 de ce projet de loi aligne en effet les tarifs réglementés de vente de l’électricité sur ceux de la métropole. Cela autorisera une division par cinq du prix de l’électricité. La baisse sera progressive, s’étalant normalement sur cinq ans au maximum, mais je ferai tout pour qu’elle soit plus rapide, sachant que les sommes en jeu sont parfaitement maîtrisables. Elles le seront d’autant plus que nous réussirons à développer rapidement la performance énergétique et la production d’énergies renouvelables.
À Wallis-et-Futuna, promotion d’un nouveau modèle et alignement des tarifs sont étroitement liés. Le ministère est à votre disposition pour monter un projet de territoire à énergie positive.
S’agissant de l’élaboration de l’ordonnance, je puis vous assurer que les élus de Wallis-et-Futuna seront consultés. Il faudra que la mise en œuvre de la péréquation se fasse dans le respect des compétences spécifiques du territoire, et en particulier de la politique sociale. Les tarifs sociaux de l’énergie sont de la compétence du territoire, aux termes de l’article 7 de la loi du 29 juillet 1961, qui confère aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d’outre-mer. Nous vous accompagnerons sur ce sujet.
Je souhaite de tout cœur que cette nouvelle dynamique énergétique sur votre territoire puisse susciter de beaux projets, qui donneront du travail aux jeunes de ce territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 65.
(L'article 65 est adopté.)
Article additionnel après l’article 65
Mme la présidente. L'amendement n° 859 rectifié bis, présenté par MM. Cornano et Antiste, Mme Claireaux, MM. Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient et Vergoz et Mme Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une stratégie nationale de développement de la filière géothermie dans les départements d’outre-mer est élaborée intégrant un volet export. Cette stratégie identifie notamment les moyens nécessaires au soutien de la recherche et du développement dans les techniques d’exploration et dans le lancement de projets industriels, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour le soutien à l’export des entreprises de la filière géothermie.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. J’ai le privilège, ce soir, de baisser le rideau ! (Sourires.)
En l’occurrence, en présentant ce dernier amendement, je me fais surtout l’avocat de mes collègues des Antilles, car je ne pense pas qu’il y ait de géothermie en Guyane.
La géothermie haute température permet la production d’électricité en base à un coût pour la collectivité très inférieur à celui qu’engendrent les énergies fossiles. Il s’agit par ailleurs d’une énergie non intermittente.
Le potentiel de développement de la géothermie en outre-mer est très significatif, en particulier en Guadeloupe et en Martinique. La production d’électricité par géothermie pourrait satisfaire une fraction importante des besoins en électricité de ces territoires et permettre d’atteindre les objectifs fixés en matière de développement des énergies renouvelables.
La concrétisation des projets de géothermie se heurte toutefois à de grandes difficultés. C’est pourquoi il est proposé, avec cet amendement, de mettre en place une stratégie nationale de développement de cette filière, afin d’identifier les freins à lever et les moyens à mettre en œuvre pour la soutenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. La commission a été très intéressée par l’objet de cet amendement : savoir quel est le potentiel en matière de géothermie dans les outre-mer. Elle est en revanche un peu gênée par le libellé de l’article additionnel qu’il est proposé d’insérer, notamment par son caractère quelque peu déclaratif.
Comme cette géothermie mérite néanmoins que l’on s’y intéresse, la commission serait ravie de connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. La géothermie constitue une ressource énergétique très intéressante pour les outre-mer. Ce sont en effet, souvent, des terres volcaniques, dont le sous-sol contient de la chaleur ; la géothermie y représente donc un potentiel très important, à ce jour insuffisamment exploité. J’ai eu l’occasion de le dire sur place, en visitant l’établissement géothermique de Bouillante.
La géothermie haute température est toutefois une ressource très localisée, présente dans quelques territoires. Il me semble que la démarche la plus pertinente serait de discuter concrètement des modalités de développement de la géothermie dans le cadre des PPE des outre-mer. C’est ainsi que nous pourrons prendre les orientations pertinentes et développer les solutions permettant de mieux exploiter cette énergie renouvelable.
Il reste que, compte tenu de l’importance de cette énergie, j’émets un avis favorable sur cet amendement. Cela permettra de finir cette discussion en beauté ! (Sourires.)
M. Antoine Karam. Que demande le peuple ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Quel est, maintenant, l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 65.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi.
Je vous rappelle que les explications de vote et le scrutin public sur l’ensemble du projet de loi se dérouleront le mardi 3 mars.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Il m’appartient d’ouvrir le feu, si j’ose dire, pour ce bouquet final qui clôt deux semaines de travaux sur le projet de loi de transition énergétique.
Je ferai des remarques de forme et des remarques de fond.
Sur la forme, je voudrais souligner l’important travail qui a été mené par notre rapporteur, Ladislas Poniatowski. (M. Jean Desessard applaudit.) Depuis le mois de novembre, il consacre l’essentiel de son temps à l’examen de ce texte. Il a procédé à un grand nombre d’auditions et participé à de multiples réunions. Je veux lui dire avec amitié – le mot est presque superflu tant nous nous connaissons depuis longtemps –, en tout cas avec beaucoup de sincérité, que nous avons tous apprécié – j’ai reçu de très nombreux témoignages – la façon dont il a présenté les amendements. Grâce à ses propositions et à ses patientes explications, il a facilité la bonne compréhension de ce texte.
Ma gratitude va également aux collaborateurs de la commission des affaires économiques, qui ont été soumis à très rude épreuve pour faire en sorte que nous disposions à tout moment de toutes les informations dont nous avions besoin.
Bien sûr, mes remerciements s’adressent aussi à vous, madame la ministre, qui avez contribué à ce que nos débats suscitent un vif intérêt. J’en veux pour preuve la présence assidue de nos collègues en séance : même si, ce soir, certains d’entre eux ont regagné leur département, ils ont été très nombreux, au long des quinze derniers jours, à participer à nos séances et à prendre la parole. Il faut dire que votre esprit d’ouverture a permis qu’un vrai dialogue se noue entre le Gouvernement et la Haute Assemblée, dont la majorité ne le soutient pourtant pas, contrairement à la majorité de l’Assemblée nationale, encore que… (Sourires.) Nonobstant les clivages politiques, nous avons eu le souci permanent de maintenir la très haute tenue de notre débat, au service de l’intérêt général.
Sur le plan de la méthode, nous nous sommes constamment efforcés d’entretenir une relation avec les acteurs, les opérateurs et les groupes intéressés par les questions d’énergie, qui sont souvent au cœur des préoccupations de nos compatriotes.
Nous avons également été soucieux de travailler en étroite symbiose avec la commission du développement durable. Saisie de ce projet de loi au fond, la commission des affaires économiques a fait le choix de déléguer à la commission du développement durable l’examen d’une partie importante des dispositions de ce texte. Nous avons pu vérifier rapidement qu’une très bonne entente s’instaurait. Elle a été telle qu’on a eu du mal à voir la différence entre les apports des uns et des autres, si ce n’est par le mouvement des personnes, qui siégeaient tantôt dans les travées, tantôt au banc des commissions.
En ce qui concerne le fond de nos travaux, je laisse à M. Ladislas Poniatowski le soin de rappeler les dispositions importantes que le Sénat a introduites dans le projet de loi. Je tiens seulement à souligner que les débats sur la question nucléaire ne se seraient pas déroulés de la même façon en d’autres circonstances et en d’autres lieux.
En effet, nous sommes allés au fond des choses et nous avons eu le plaisir de vous entendre, madame la ministre, exprimer des convictions très fortes, qui ont marqué les débats. Ces convictions avaient déjà été exprimées dans d’autres enceintes ; c’était un heureux présage. Reste que les propos que vous avez tenus, madame la ministre, après l’adoption de l’article 1er, étaient très importants et, je le crois, pèseront très lourd dans la suite de nos débats avec l’Assemblée nationale. Bien plus, je pense qu’un climat de confiance s’est installé sur des questions qui nous ont longtemps divisés ; je tiens à vous remercier personnellement pour cela.
Je me réjouis que d’autres sujets auxquels je m’intéresse aient été abordés, notamment en ce qui concerne la recherche et le développement de la science.
Un grand philosophe, né comme moi à Mortagne-au-Perche, Émile-Auguste Chartier, dit Alain, avait l’habitude de faire parler ses élèves – ils étaient d’ailleurs plutôt ses disciples – du lycée Henri-IV, situé tout près d’ici. Un jour, l’un d’eux lui dit : Maître – car on l’appelait ainsi –, savez-vous que, au Laos, les éléphants marchent sur l’eau ? Toute la classe de s’esclaffer. Lui, pourtant, répond : il ne faut pas rire, car c’est peut-être vrai ; il faut aller voir pour vérifier.
Eh bien, je souhaite que cette sage philosophie – pardonnez le pléonasme – gagne les esprits, pour que, lorsqu’un doute s’élève, on aille tout simplement voir ce qu’il en est.
Madame la ministre, mes chers collègues, certains d’entre nous ont commencé à débattre des questions d’énergie, avant même l’examen du présent projet de loi, lors de la conférence sur le climat qui s’est tenue au Pérou au mois de décembre dernier. À Lima, en particulier à la Rosa Nautica, nous avions constaté, madame la ministre, que des rapprochements semblaient possibles sur un certain nombre de questions.
Ces rapprochements se sont produits, tout simplement parce que nous sommes tous convaincus que les problèmes liés au climat et à l’énergie intéressent un grand nombre de nos compatriotes, et même sans doute une majorité d’entre eux. Ils espèrent, pour eux-mêmes, pour leurs enfants et pour leur descendance, que la planète sera sauvée. Il est important que, au-delà des clivages politiques, nous participions à l’élaboration de solutions et à la consolidation de ce qui a déjà été entrepris.
Il ne s’agit pas, en adoptant ce projet de loi, de tourner la page de ce qui a été fait, ni d’ouvrir une page blanche. La transition énergétique n’est pas l’élimination d’un système au profit d’un autre ; c’est l’émergence, dans un mouvement continu, de solutions qui font espérer un avenir radieux – même si, parfois, on rêve un peu trop.
Permettez-moi de conclure en citant Paul Valéry : « Le temps du monde fini commence. » En vérité, un temps a vécu, qui n’est pas complètement passé, tandis qu’un autre naît. C’est dans ce cadre que nous devons agir, armés de fermes résolutions et forts de nos travaux, qui font honneur à notre assemblée à un moment où son rôle est parfois contesté. Par la qualité de leurs débats et par leur forte implication, les sénateurs ont démontré qu’ils ont un rôle à jouer, et qu’ils n’ont absolument rien à envier à aucune autre assemblée ! (Applaudissements.)