Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le sénateur Vial, la question que vous soulevez est très importante. Il existe en effet des distorsions de concurrence avec nos voisins Allemands en matière de prix de l’énergie pour les industriels électro-intensifs.
Nous avons continué à travailler sur ce dossier depuis la lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale.
Tout à l’heure, je présenterai trois amendements visant à soutenir les industriels électro-intensifs dans la compétition mondiale, par le biais d’une réduction du tarif, jusqu’à concurrence de 90 %, de la mise en place de l’interruptibilité, afin d’adapter les tarifs à la densité de consommation de l’énergie, et de l’instauration d’un système de compensation des coûts du carbone. Ces dispositions s’inspirent de ce que les Allemands ont fait : la puissance de leur industrie tient en particulier à des conditions favorables d’accès à l’énergie.
Nous apporterons ainsi, je l’espère, les réponses que les industries électro-intensives attendent, tout en les incitant à continuer à faire des économies d’énergie, car réduire leur volume de consommation leur permettra de gagner en productivité.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Article 40
I. – (Non modifié) L’article L. 335-3 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
b) Après les mots : « capacité certifiée », la fin de la seconde phrase est supprimée ;
3° Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’exploitant de cette capacité est responsable des écarts entre la capacité effective et la capacité certifiée. Il peut, par contrat, transférer cette responsabilité à un responsable de périmètre de certification ou assumer lui-même le rôle de responsable de périmètre de certification.
« La qualité de responsable de périmètre de certification s’acquiert par la signature d’un contrat avec le gestionnaire de réseau de transport. Ce contrat définit les modalités de règlement de la pénalité relative aux engagements pris par les exploitants de capacités dans son périmètre.
« Le responsable de périmètre de certification est redevable d’une pénalité financière envers le gestionnaire du réseau public de transport dans le cas où la capacité effective dont il a la charge est inférieure à celle certifiée. » ;
4° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
II. – L’article L. 335-5 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou à tout autre fournisseur » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un fournisseur d’électricité peut transférer à un consommateur final ou à un gestionnaire de réseau public ses obligations relatives aux garanties de capacité, définies au même article L. 335-2, au titre de la consommation de ce consommateur final ou des pertes de ce gestionnaire de réseau. Il conclut à cet effet un contrat avec ce consommateur final ou ce gestionnaire de réseau public. Il notifie au gestionnaire de réseau public de transport d’électricité le transfert de l’obligation. » ;
2° bis (nouveau) À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « et l’accès régulé mentionné à l’article L. 336-1 du présent code » ;
3° À la fin du dernier alinéa, les mots : « l’obligation de payer la pénalité prévue à l’article L. 335-3 » sont remplacés par les mots : « la responsabilité des écarts entre la capacité effective et la capacité certifiée, selon les modalités prévues à l’article L. 335-3 ».
Mme la présidente. L'amendement n° 523 rectifié, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Le dernier alinéa est supprimé.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Le dispositif de l’article 40 complète le marché capacitaire.
Nous souscrivons à l’idée selon laquelle les fournisseurs d’électricité doivent prouver qu’ils sont capables de fournir l’électricité dont ont besoin leurs clients sur l’ensemble du territoire, mais nous n’adhérons pas au mécanisme, hautement spéculatif, d’échange et de cession des certificats de capacités.
Nous proposons donc de supprimer le dernier alinéa de l’article L. 335-3 du code de l’énergie, prévoyant que « les garanties de capacités sont échangeables et cessibles ». La mise en œuvre de ce dispositif entraîne et entraînera de réels surcoûts, les fournisseurs devant se doter d’outils de prévision de consommation élaborés et gérer leur portefeuille de capacités.
À cet égard, nous ne disposons toujours pas d’une étude coûts-bénéfices. La Commission de régulation de l’énergie, la CRE, avait souligné que le mécanisme pourrait augmenter la facture d’électricité des consommateurs de 200 millions à 500 millions d’euros par an – excusez du peu ! –, sans que l’on connaisse avec certitude les gains qu’il apportera en termes de sécurité du système électrique français.
Par ailleurs, dans un avis du 12 avril 2012, l’Autorité de la concurrence a souligné qu’il n’existait pas d’exemple probant de mise en place d’un mécanisme de capacités. De plus, elle a précisé que le dispositif allait accroître la complexité du cadre réglementaire applicable et constituer une source de coûts supplémentaires pour les fournisseurs alternatifs et les consommateurs, sans que sa nécessité en vue d’assurer un bon fonctionnement des marchés de l’électricité soit pour autant démontrée. Enfin, M. Brottes indiquait qu’un tel mécanisme renforcerait le caractère spéculatif du marché de l’électricité en France.
L’entreprise EDF assumait seule, jusqu’en 2010, la stabilité du système électrique. Unique opérateur de production d’électricité à disposer des réserves physiques nécessaires à la régulation de la pointe électrique, elle assurait une garantie de fourniture implicite en cas de difficultés sur le réseau.
Par cohérence, et parce qu’aucun élément probant ne démontre que le marché capacitaire contribue à la sécurisation de nos approvisionnement, nous proposons au Sénat d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Nos collègues du groupe CRC ont au moins le mérite d’être cohérents depuis le début…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Et constants !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Ils sont opposés à la loi NOME, au marché de capacités, dont ils proposent la suppression. De même, ils défendront dans quelques instants la suppression de la méthode économique de calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité.
La commission étant logique avec elle-même, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission des affaires économiques.
L’article 40, qui est très important, complète le dispositif du mécanisme d’obligation de capacités, visant à garantir la sécurité d’approvisionnement en France, notamment en période de pointe de consommation.
L’adoption d’un tel amendement aurait pour effet de supprimer le caractère échangeable et cessible des garanties de capacités. Chaque fournisseur devrait alors posséder en propre des capacités de production et d’effacement suffisantes pour répondre à son obligation de capacités. Cela ne semble pas réaliste aujourd’hui.
En effet, de nombreux fournisseurs présents sur le marché n’ont pas de capacités de production en France. Leur imposer d’en disposer créerait des surcapacités et aboutirait à des hausses de prix très importantes.
En outre, le Gouvernement a mis en place un encadrement fort pour éviter le risque spéculatif sur le mécanisme de capacités, avec des systèmes de plafond de prix, de transmission à la CRE des informations relatives à l’ensemble des transactions. Seule une petite partie des volumes devrait transiter sur le marché en tant que tel.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable. Son adoption empêcherait de fait la mise en œuvre du mécanisme d’obligation de capacités, au détriment de la sécurité d’approvisionnement. L’article 40 oblige les fournisseurs à garantir qu’ils disposent des moyens de production ou d’effacement nécessaires pour répondre aux demandes de leurs clients.
Il y a donc un double mécanisme d’obligation de capacités et d’incitation à l’effacement, pour favoriser la consommation en dehors des périodes de pointe, qui comprennent notamment le début de soirée. Ces pics de consommation obligent à la mobilisation de capacités de production supplémentaires, voire à des importations d’énergie. C’est tout de même un comble !
Le projet de loi, dont la rédaction a été bien améliorée par la commission, a pour objet de réguler le marché. Il faut faire en sorte que l’installation des compteurs intelligents permette de gérer la consommation d’électricité à distance et d’anticiper son évolution. La gestion fine des mécanismes de capacités et d’effacement doit également permettre de renforcer l’autonomie énergétique de la France.
Mme la présidente. Monsieur Bosino, l'amendement n° 523 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bosino. Nous avons bien entendu l’argumentation de la commission et du Gouvernement, mais nous sommes opposés au marché d’échange et de cession de capacités, compte tenu du risque de spéculation.
Madame la ministre, vous nous répondez que des mécanismes sont en place pour le prévenir. Cependant, la CRE, l’Autorité de la concurrence et M. Brottes affirment que ce risque est bien réel. D’ailleurs, vous reconnaissez vous-même que des producteurs d’autres pays pourraient intervenir sur ce marché. Nous maintenons donc l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 40.
(L'article 40 est adopté.)
Article 40 bis
Après l’article L. 321-15-1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 321-15-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-15-2. – Afin de se prémunir contre les risques de déséquilibres financiers significatifs sur les mécanismes de gestion des écarts mentionnés à l’article L. 321-15, le gestionnaire du réseau public de transport, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires figurant dans les règles et méthodes relatives à ces mécanismes, approuvées par la Commission de régulation de l’énergie, peut réduire ou suspendre l’activité d’un acteur sur ces mécanismes.
« Cette décision est notifiée à la Commission de régulation de l’énergie et à l’acteur concerné. Le comité de règlement des différends et des sanctions mentionné à l’article L. 134-19 statue dans un délai de dix jours sur la régularité de la décision. »
Mme la présidente. L'amendement n° 931, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
Le comité de règlement des différends et des sanctions mentionné à l'article L. 134-19
par les mots :
La Commission de régulation de l'énergie
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’apporter une rectification.
L’article 40 bis permet au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité de réduire ou de suspendre l’activité d’un opérateur sur les marchés en cas de suspicion de manipulation frauduleuse.
Lors de l’examen du texte en commission, nous avons souhaité, au regard de l’impact d’une telle décision sur l’opérateur concerné, encadrer cette possibilité en prévoyant un contrôle de la régularité de la décision dans les dix jours suivant son prononcé.
Dans la rédaction adoptée par la commission, ce contrôle est confié au comité de règlement des différends et des sanctions, le CORDIS, de la CRE. Or, au vu des compétences respectives du CORDIS et de la CRE, il apparaît plus adapté que la CRE, à qui la décision est notifiée, en contrôle la régularité.
M. Roland Courteau. Ça semble logique !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement. Il est effectivement préférable de confier le contrôle de la régularité des décisions de suspension au collège de la CRE. En effet, dans le cas où le CORDIS serait saisi d’une demande de règlement de différends, il serait à la fois juge et partie. Cette précision de la commission des affaires économiques est judicieuse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 40 bis, modifié.
(L'article 40 bis est adopté.)
Article 41
(Non modifié)
La sous-section 2 de la section 2 du chapitre VII du titre III du livre III du code de l’énergie est ainsi modifiée :
1° À la fin de l’article L. 337-5, les mots : « liés à ces fournitures » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’article L. 337-6 » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 337-6 est ainsi rédigé :
« Les tarifs réglementés de vente d’électricité sont établis par addition du prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, du coût du complément d’approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale de l’activité de fourniture. »
Mme la présidente. L'amendement n° 517, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Depuis plusieurs années, la Commission européenne fait pression sur les États pour qu’ils mettent leur législation nationale sur les tarifs réglementés « en conformité avec les règles de l’Union ».
En d’autres termes, l’Union européenne exige des États membres qu’ils en finissent avec les tarifs réglementés. Cela s’inscrit dans la logique d’une réforme du marché français de l’énergie pour aller vers une libéralisation toujours plus large et une maîtrise publique toujours moindre du secteur et des tarifs.
On le sait, nous sommes profondément opposés à ces évolutions, jugeant qu’elles ne répondent en aucune manière aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. Nous ne pouvons qu’y être encore plus hostiles lorsqu’elles se font à marche forcée.
Le 10 septembre dernier, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête parlementaire sur les tarifs de l’électricité. Au travers de cet amendement, nous affirmons que de telles dispositions, qui mettent à mal notre modèle énergétique, exigent a minima que l’on attende de connaître les conclusions de cette commission d’enquête. Dans un contexte de mise en cause du rôle du Sénat et, plus généralement, du Parlement, il est essentiel de montrer que l’on prend en compte les travaux des parlementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Toujours dans la même logique d’hostilité à la loi NOME, cet amendement vise à supprimer la méthode économique de construction des tarifs réglementés de vente de l’énergie, autrement nommés « TRV ».
Je rappelle que la loi NOME a prévu une transition progressive d’une approche comptable vers une approche économique des TRV incluant, dans la construction tarifaire, le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique et procédant par empilement des coûts.
Cette méthodologie de la construction des tarifs par empilement des coûts a été mise en place par le décret du 28 octobre 2014 et appliquée, pour la première fois, au travers d’un arrêté du 30 octobre 2014 qui a fixé les nouveaux barèmes des TRV, fondés sur les caractéristiques de fourniture des fournisseurs alternatifs, ce qui doit leur permettre de proposer des offres de marché compétitives par rapport aux tarifs réglementés, et assurer ainsi l’effectivité du principe de « contestabilité » de ces tarifs.
En conséquence, le texte ne fait que confirmer une évolution déjà en œuvre et favorable à la concurrence sur le marché de l’électricité.
Je n’ose croire que j’arriverai à vous convaincre de retirer cet amendement, mes chers collègues… (Sourires.)
M. Charles Revet. Sait-on jamais !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. L’adoption de cet amendement entraînerait une hausse du prix de l’électricité pour les consommateurs ; je ne pense pas que tel soit l’objectif de ses auteurs.
Comme le rapporteur vient de le souligner, j’ai réformé en octobre 2014 la structure du prix de l’électricité. Les consommateurs observaient des augmentations automatiques de 5 % du prix de l’électricité tous les six mois. Certains affirmaient que c’était inévitable, qu’il n’était pas possible de faire autrement. Or, en remettant à plat la structuration de la base de calcul de l’évolution des prix, je me suis rendue compte que les consommateurs ne bénéficiaient pas, par exemple, des baisses du prix de gros de l’électricité. L’arrêté que j’ai pris en novembre 2014, après avis de la CRE, permet que le tarif de l’électricité n’augmente que de 2,5 %, au lieu de 5 %, y compris une partie du rattrapage.
L’adoption de cet amendement visant à supprimer l’article 41, qui finalise la réforme des tarifs réglementés de vente, aurait pour conséquence une augmentation automatique du prix de l’électricité, puisqu’elle remettrait en cause la refonte de la méthodologie de fixation des tarifs. Cette nouvelle méthode repose sur une approche économique qui prend en compte les coûts comptables, mais permet aussi au consommateur de bénéficier des baisses des prix sur les marchés de gros. Il est donc dans l’intérêt des consommateurs d’achever sa mise en œuvre rapidement. C’est l’objectif de l’article 41. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le sénateur.
M. Michel Le Scouarnec. Nous ne sommes pas convaincus !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre, nous ne nions pas vos efforts pour mieux encadrer les tarifs de l’électricité. L’ouverture à la concurrence avait abouti à des augmentations importantes. Certes, vous avez ralenti la hausse, puisque son rythme est passé de 5 % à 2,5 %, mais peu de nos concitoyens voient leurs revenus augmenter de 2,5 % ! Le pouvoir d’achat de la grande majorité des Français est même plutôt en baisse.
Selon vous, l’adoption de cet amendement remettrait en cause le dispositif que vous avez mis en place. Nous ne sommes pas convaincus par cette argumentation. Nous pensons qu’il faudrait aller plus loin que ce que vous proposez, pour en revenir à des tarifs réglementés. Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Mme la ministre a eu raison de rappeler la réelle avancée permise par l’arrêté qu’elle a pris. J’indique d’ailleurs que le Conseil supérieur de l’énergie en avait soutenu le principe.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. La situation est assez complexe. Si j’étais taquin, je dirais qu’à partir du moment où le tarif sur le marché de gros baisse, la facture du consommateur doit diminuer également. C’est ce que la ministre vient de nous expliquer. Or plus le tarif sur le marché de gros baisse, plus nous vendons à perte une part non négligeable, environ 100 térawattheures, de notre électricité nucléaire et moins notre modèle économique est rentable pour EDF. Cette difficulté n’est pas prise en compte aujourd'hui.
Il est important de préserver le consommateur – nous sommes tous d’accord sur ce point – tout en garantissant l’équilibre économique de notre opérateur historique, dans un contexte de surproduction européenne. Sans aller jusqu’à approuver l’amendement de nos collègues communistes, il convient de souligner que, faute d’une organisation planifiée de la production et du marché de l’électricité à l’échelle européenne, et non pas française, nous allons au-devant d’énormes difficultés.
La semaine dernière, alors que nous débattions de ce texte, le nouveau président d’EDF, M. Lévy, a insisté sur le fait que le prix de l’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, était aujourd'hui sous-estimé, ce qui ne permettait pas à l’entreprise de faire face aux investissements à venir.
Il faut le dire : l’électricité n’est pas un marché comme les autres ! Or il n’y a pas de planification européenne. Pourtant, mieux le mécanisme de capacités européen fonctionne, plus les coûts baissent. Sur ce point, je ne suis pas certain que nous soyons tous d’accord. En tout état de cause, nous devons tous garder en tête la complexité du sujet. En particulier, il faut permettre à EDF de maintenir son effort d’investissement pour demain, surtout si l’on veut tenir l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans le mix fixé par la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 706 rectifié, présenté par M. Husson, Mmes Deseyne, Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Laménie et Houel et Mmes Deroche et Mélot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
le produit global de ces tarifs devant couvrir l'ensemble des coûts liés à ces fournitures effectivement supportés par Électricité de France et les distributeurs non nationalisés
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 121-7 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les recettes perçues par Électricité de France excédant la rémunération normale de l’activité de fourniture prévue à l’article L. 337-5 sont déduites des charges de service public à compenser. »
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement s’explique par son objet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. L’article 41 a précisément pour objet d’entériner le passage d’une construction comptable, que l’on veut abandonner, à une construction économique par empilement des coûts, qui couvre le coût de l’ARENH, le coût du complément d’approvisionnement, le coût de la garantie de capacité, les coûts d’acheminement de l’électricité, les coûts de commercialisation et prévoit en plus une rémunération de l’activité de fourniture.
Vous n’avez donc aucune crainte à avoir, mon cher collègue. La garantie supplémentaire que vous souhaitez paraît en outre un peu compliquée à mettre en œuvre.
Il semble donc préférable à la commission de maintenir en l’état l’article 41. Je vous suggère, mon cher collègue, de retirer l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et sollicite lui aussi le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis prêt à adhérer à l’argumentation développée par M. le rapporteur, mais j’aimerais qu’il nous précise si le tarif prendra en compte la modification de l’article L. 121-7 du code de l’énergie proposée par les auteurs de l’amendement, visant à ce que les recettes perçues par Électricité de France excédant la rémunération normale de l’activité de fourniture prévue à l’article L. 337-5 soient déduites des charges de service public à compenser. Aux termes de la rédaction actuelle de l’article 41, ce n’est pas du tout évident.
Par ailleurs, je m’interroge toujours lorsque des termes dépourvus de caractère normatif figurent dans des articles de loi. Ainsi, j’aimerais que l’on m’explique ce que l’on entend par « rémunération normale de l’activité de fourniture ». La détermination de ce facteur est laissée, bien entendu, à l’appréciation de ceux qui assureront la facturation, mais sur quels critères objectifs se fonderont-ils ? J’aimerais bien pouvoir bénéficier, sur ce point, de l’éclairage de M. le rapporteur ou de Mme la ministre, qui, à propos d’un article précédent, m’avait fourni des éléments de nature à me rassurer, la définition des conditions d’application d’un tarif étant renvoyée à un décret.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Je voudrais cette fois encore vous apporter des éléments d’information de nature à vous rassurer, monsieur Vasselle.
La délibération de la Commission de régulation de l’énergie en date du 30 octobre 2014 a spécifié que le nouveau dispositif de calcul des prix de l’électricité incluait bien à la fois les charges opérationnelles d’EDF, l’amortissement de ses investissements, et que les tarifs reflétaient pour partie les coûts du parc nucléaire et pour partie les prix du marché, créant ainsi pour EDF une incitation à réaliser des gains de productivité et à maîtriser ses coûts.
En effet, nulle entreprise, pas même EDF, ne peut se soustraire à l’obligation de réaliser des gains de productivité.