M. François Bonhomme. Je trouve que vous faites preuve de légèreté et presque de mépris envers le Parlement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.), alors même que, dans vos propos liminaires, vous affirmiez vouloir « bâtir ensemble les convergences les plus constructives ». Malheureusement, tout cela n’y participe pas…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Bonhomme. C’est donc pour moi un facteur supplémentaire qui ne facilite pas la recherche d’objectifs partagés et plus encore des conditions nécessaires pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger cette séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Je m’exprimerai non pas sur le nucléaire, l’ayant déjà largement fait précédemment à la tribune, mais sur l’alinéa 27 de l’article 1er, qui a trait aux énergies renouvelables.
Je suis persuadé que les énergies renouvelables sont l’avenir. Elles font l’objet d’une compétition mondiale qui est aussi une compétition économique dont nous ne devons pas être absents. Nous étions pionniers dans les années soixante-dix, vous l’avez rappelé, madame la ministre, dans l’éolien et le solaire. Depuis lors, nous avons été largement dépassés.
Nous devons dire « oui » au patriotisme écologique en favorisant l’essor de filières industrielles créatrices d’emplois sur notre territoire. C’est dans le domaine des énergies renouvelables que nous disposons de la plus grande marge de progrès possible, avec des bénéfices écologiques, économiques et sociaux qui seront autant d’effets de levier et d’effets de relance.
La France peut et doit figurer au premier rang en ce domaine. Une rupture technologique dans le domaine du stockage de l’électricité pourrait d’ailleurs enclencher une conversion massive de notre système énergétique. Bref, avec ce titre Ier, nous sommes au cœur de la transition énergétique.
Ce qui a le plus manqué dans la durée aux énergies renouvelables par le passé, c’est un cadre prévisible et stable, notamment sur les mécanismes de soutien, pour lesquels nous avions besoin de visibilité. Il convenait donc d’en finir avec l’imprévisibilité de ces mécanismes et de définir un modèle de développement stable. C'est ce que prévoit le projet de loi. Il faut le reconnaître, le non-financement des mesures décidées lors du Grenelle de l’environnement nous a handicapés, et je ne pense pas seulement au boulet que représentent les 5 milliards d’euros de dette au titre de la CSPE.
La complexité de l’encadrement réglementaire a constitué un autre frein. Pourquoi fallait-il de huit à neuf années pour réaliser un projet éolien en France, contre trois ou quatre seulement en Allemagne ? La multiplication des recours n’est sûrement pas étrangère à cette situation…
Le développement d’énergies renouvelables propres et inépuisables à long terme forme avec les économies d’énergie les deux piliers essentiels de la transition énergétique. Toutes les énergies renouvelables doivent être mobilisées : l’éolien, y compris le petit éolien, le solaire, la biomasse, la géothermie, les énergies marines. Plus les sources seront nombreuses, diversifiées et locales, mieux cela vaudra ! Nous avons des atouts considérables dans l’Hexagone et en outre-mer pour devenir l’un des leaders mondiaux en ce domaine.
Le présent texte va lancer un mouvement qui ne peut que s’accélérer grâce aux dispositions qu’il contient. Voilà donc une belle opportunité de créer des emplois non délocalisables, de protéger la santé des Français, de lutter contre les gaz à effet de serre, tout en allégeant notre facture énergétique, en stimulant l’innovation et en favorisant une production décentralisée.
Madame la ministre, je terminerai mon propos en vous posant une question. Aujourd’hui, j’y insiste, les producteurs d’énergies renouvelables intermittentes sont les seuls à ne pas appliquer le statut national des industries électriques et gazières, qui constitue la réglementation sociale des producteurs d’électricité. Or le programme éolien offshore va donner une dimension industrielle à ce type d’énergie créatrice de nombreux emplois. Pouvez-vous m’indiquer s’il est dans les intentions du Gouvernement d’appliquer ce statut aux personnels travaillant pour l’exploitation des éoliennes offshore ?
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.
M. Maurice Antiste. L’article 1er du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, sur lequel nous devrons nous prononcer, constitue, à bien des égards, un article fondateur et totalement novateur, car il détermine le renouveau de la politique énergétique dont notre pays a tant besoin.
Cet article se fonde sur un volontarisme politique dont on ne peut que se féliciter, puisqu’il tend à une utilisation plus rationnelle et plus efficace de nos sources d’énergie, en y associant tous les acteurs concernés : l’État, les collectivités territoriales, le secteur associatif, voire chacun de nos concitoyens. Il s’agit non seulement de basculer résolument vers un mode de production plus économe en matière de consommation énergétique, moins émetteur de gaz à effet de serre, mais aussi de renouer avec une croissance écologique et durable, à la fois ambitieuse et créatrice d’emplois.
Pour ce qui concerne les outre-mer, compte tenu de leurs caractéristiques géographiques et environnementales particulières, ainsi que de la richesse de leur diversité, la future politique énergétique prônée par l’article 1er du projet de loi devra promouvoir un nouveau modèle de développement durable spécifique. Celui-ci aura le mérite, appréciable, de respecter l’environnement, de se combiner à une diminution des consommations en énergie, en eau et autres ressources naturelles, sans compromettre les besoins des générations futures.
Étant donné notre positionnement géostratégique, nous devons établir un rapport gagnant-gagnant, quels que soient nos statuts. Les outre-mer représentent 97 % de la surface maritime de la France et la placent en deuxième position mondiale pour ce qui est de la biodiversité. Dès lors, la dynamique de transition énergétique en outre-mer a trois objectifs.
En premier lieu, elle vise à diminuer l’empreinte carbone de nos territoires en réaffirmant la nécessité de poursuivre l’objectif de diminution des gaz à effet de serre tel qu’il est déjà défini dans le Grenelle de l’environnement.
En deuxième lieu, elle tend à créer de l’activité par le biais des filières énergétiques renouvelables. Le Grenelle de l’environnement avait fixé des objectifs clairs : l’autosuffisance en 2030, avec un objectif intermédiaire de 50 % d’énergies renouvelables en 2020. S’agissant du photovoltaïque, le système de défiscalisation a malheureusement été supprimé et le tarif de rachat par EDF a baissé. La commission Baroin souhaitait que l’on ramène ce tarif à 0,20 euro, mais aucune décision concrète n’a depuis été prise. L’examen de ce projet de loi est donc l’occasion d’obtenir du Gouvernement l’engagement d’une mise en place, dans les meilleurs délais, d’un tarif de rachat attractif, seul moyen de relancer la filière.
Madame la ministre, je souhaiterais également recevoir une confirmation claire s’agissant de l’accès des équipements photovoltaïques au crédit d’impôt développement durable.
En ce qui concerne la biomasse, nous attendons davantage de précisions sur le tarif de rachat des matières de deuxième génération, comme les herbes à éléphant et les copeaux de bois, qui seront importées. Alors que les unités prévues pour fonctionner avec de la biomasse devaient brûler du charbon importé en quantités importantes, l’intervention énergique du conseil régional de la Martinique a permis de remplacer ce combustible polluant par de la biomasse.
Dans le domaine de la géothermie, nous préconisons un développement en interconnexion avec la Dominique pour ce qui concerne la Guadeloupe et la Martinique. Notons que le coût des forages est extrêmement élevé. Là aussi, la mutation énergétique a un prix ; or le texte ne prévoit pas de moyens pour accompagner les régions et les collectivités d’outre-mer.
L’éolien, enfin, fait l’objet d’un tarif de rachat. La filière essaie de redémarrer selon les choix que chacun a faits localement.
En troisième lieu, la transition énergétique en outre-mer n’aurait pas de sens sans la concrétisation des opportunités d’emplois qu’elle induit et la sécurisation de l’approvisionnement en énergie des ménages. Ainsi, concernant la rénovation thermique des bâtiments, rappelons que le confort thermique représente l’essentiel de la consommation des bâtiments dans l’habitat comme dans le tertiaire. La définition et le déploiement de la réglementation thermique martiniquaise sont une source d’activités majeure pour le secteur du BTP local, mais aussi potentiellement pour l’industrie locale. Une réglementation française caribéenne et les labels associés seront également des opportunités majeures pour l’export de nos savoir-faire intellectuels et techniques et de nos produits industriels vers le bassin caribéen.
Mais le succès de cette transition pour une croissance verte dépend également du mode de gouvernance adopté.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Maurice Antiste. Notre souhait, madame la ministre – je sais que c’est aussi le vôtre –, est de faire de la Martinique un lieu privilégié de démonstrations et d’expérimentations technologiques, institutionnelles, financières et réglementaires. Les résultats et retours d’expérience de ces démonstrations, au-delà de leur intérêt et nécessité évidents pour la Martinique, seront autant de solutions éprouvées, à la disposition du pays tout entier, de ses collectivités, de ses entreprises et de tous ceux qui ont à cœur de construire ensemble une irréversible mutation écologique redonnant sens à un développement économique harmonieux de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, sur l'article.
M. Thani Mohamed Soilihi. À Mayotte, l’électricité est arrivée assez tard, en 1977, et le réseau n’a couvert l’ensemble du territoire qu’à compter de 1990. Aujourd’hui, la production électrique dans le département est assurée par EDM, Électricité de Mayotte, une société anonyme d’économie mixte, détenue à 50,01 % par le conseil général, à 24,99 % par EDF, à 24,99 % par SAUR International et à 0,01 % par l’État.
Alors même que Mayotte est une île au potentiel solaire considérable, une île aux richesses naturelles exceptionnelles qu’il convient de préserver, l’approvisionnement énergétique repose à 99 % sur les énergies fossiles.
La mise en place de nouvelles sources de production qui répondraient à la croissance démographique et économique actuelle et à venir doit être encouragée. En effet, ce territoire a connu, entre 2003 et 2004, une progression de 30 % de sa consommation électrique. Cette croissance exponentielle a rendu d’autant plus importante la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la mutation vers les énergies renouvelables, peu coûteuses et non polluantes. Parmi ces énergies nouvelles, le photovoltaïque représente une technique intéressante, car la capacité solaire de l’île est immense. Sa proximité avec l’équateur lui confère 200 heures d’ensoleillement de plus que La Réunion. Cette technique s’est développée ces dernières années, mais la part du photovoltaïque dans le mix énergétique reste extrêmement faible, de l’ordre de 5,8 %.
L’article 56 de la loi du 3 août 2009 fixait comme objectif de parvenir, dans les départements d’outre-mer, à une autosuffisance énergétique dès 2030 et prévoyait également un objectif intermédiaire de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale en 2020, à l’exception de l’île de Mayotte pour laquelle cet objectif ne s’élevait qu’à 30 %. L’article 1er du projet de loi propose de reprendre ces dispositions.
Qu’il s’agisse du Grenelle 1 ou du texte dont nous débattons aujourd’hui, aucune explication n’a permis de justifier cette différence de traitement. Je défendrai un amendement qui tend à élargir cet objectif de 50 % à l’ensemble des départements d’outre-mer, afin d’encourager Mayotte à rattraper son retard. D’autres sources d’énergies pourraient d’ailleurs être développées pour faire face à la demande, comme le biogaz – 60 % des déchets de Mayotte sont biodégradables – et la micro-hydraulique.
Enfin, madame la ministre, je profite du temps de parole qui m’est alloué pour vous demander également de me préciser où en est le projet Opéra, pour Opération pilote énergies renouvelables, destiné à sécuriser le réseau électrique autonome de Mayotte, lancé conjointement par l’Institut national de l’énergie solaire, les sociétés EDM et Sunzil. Il consiste à disposer de batteries géantes pouvant injecter jusqu’à 3 mégawatts dans le réseau électrique, pour prendre le relais du soleil lorsqu’il disparaît, le temps que la centrale thermique se remette en route. Il est vrai qu’en période d’été austral, l’intermittence du photovoltaïque engendre des difficultés de stabilisation du réseau.
De manière anecdotique, je terminerais en rappelant à nos collègues de l’Assemblée nationale que Mayotte est bel et bien un département et une région d’outre-mer, ou DROM, contrairement à ce que le rapport d’information de la délégation aux outre-mer, intitulé Les outre-mer face au défi de la mutation énergétique et écologique, mentionne à la page 46. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l'article.
Mme Élisabeth Lamure. Pour donner l’illusion qu’une nouvelle politique publique énergétique est en marche, le Gouvernement nous a gratifiés de deux dispositions au caractère purement incantatoire. La première porte sur le plafonnement du parc nucléaire à son niveau actuel, soit 63,2 gigawatts, ramené avec prudence par notre rapporteur à 64,8 gigawatts. La seconde, surtout, fixe l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique à 50 % en 2025. Là encore, notre rapporteur a cherché à moduler cet objectif avec tact. Néanmoins, je m’interroge sur la volonté gouvernementale de faire cohabiter, sur un même pied d’égalité, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et celui de réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique.
Nous le savons tous, et le Gouvernement ne l’ignore pas, le nucléaire est le principal atout dont nous disposons pour lutter contre ces émissions. En effet, si la France n’émet que 5,6 tonnes de CO2 par habitant contre 9,1 tonnes pour l’Allemagne, c’est justement grâce au nucléaire.
En ce qui concerne la compétitivité et le pouvoir d’achat de nos concitoyens, là encore, c’est le nucléaire qui nous permet de fournir une électricité à 15 centimes d’euros le kilowattheure contre 20 centimes pour la moyenne européenne ou 30 centimes pour l’Allemagne. Et combien coûte le combustible nucléaire que nous importons et qui permet de produire 77 % de notre électricité ? Entre 500 millions et 1 milliard d’euros ! Avec cette somme, nous produisons le tiers de nos besoins énergétiques finaux.
Par comparaison, les importations de produits pétroliers ont coûté 52 milliards d’euros, les importations de gaz, 14,2 milliards d’euros et les importations de charbon, 1,9 milliard d’euros. Vous trouverez ces chiffres dans le rapport Panorama énergies-climat 2014, disponible sur le site du ministère de l’écologie, du développement durable et de l'énergie.
Ainsi, le nucléaire est un atout incontournable pour notre souveraineté, notre compétitivité et la préservation de notre environnement. Pour ces raisons, cette volonté de réduire le nucléaire à 50 % en 2025 est une tromperie.
Vous ne pourrez pas fermer vingt de nos cinquante-huit réacteurs en dix ans. Vous éprouvez déjà les plus grandes difficultés à supprimer la centrale de Fessenheim, de telle sorte que plus personne ne peut vous croire. D’ailleurs, c’est en cinq ans que vous envisagez de fermer les réacteurs, puisque votre étude d’impact précise que ces fermetures interviendront entre 2020 et 2025.
En admettant que vous fermiez vingt réacteurs, au mépris des bassins industriels, je poserai la même question que mon collègue Bruno Retailleau : par quoi les remplacerez-vous ? Où trouverez-vous les térawattheures manquants ? Pas dans l’hydroélectrique en tout cas : le potentiel français y est désormais très faible.
Dans la biomasse ? Oui, dans une certaine mesure, mais ne faites pas croire que cette source de production électrique peut être indéfiniment développée : ce n’est pas le cas, notamment à cause de rejets de polluants atmosphériques.
Dans le photovoltaïque et l’éolien offshore peut-être ? Pourquoi pas, mais à très long terme ! Au reste, songez au coût de ces sources de production électrique…
Dans l’éolien terrestre alors ? C’est sans doute la seule solution qui ne soit pas infinitésimale à l’heure actuelle. Mais combien d’espaces, combien de terres faudra-t-il mobiliser ?
Dans ces conditions, il est clair que votre objectif de réduction est une tromperie. Pour ma part, je refuse d’en être complice ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l'article.
M. Ronan Dantec. Puisque nous allons débattre ensemble très longuement, il serait dommage que nous partions sur des fictions. À cet égard, je vais essayer d’apporter quelques rectificatifs à ce que certains ont pu dire.
Parmi ces fictions, il en est une de nature à ravir les membres de mon groupe : c’est l’idée que la France changerait aujourd'hui de paradigme énergétique, au travers du présent projet de loi, uniquement grâce au poids politique des écologistes. Nous remercions ceux qui nous rendent ce bel hommage. Néanmoins, soyons modestes : ce n’est pas tout à fait la réalité. On oublie de dire qu’il y a eu un an de débats,…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Ronan Dantec. … auxquels ont participé les entreprises, les ONG, les syndicats, les collectivités territoriales, les parlementaires et qu’à l’issue de ces débats les scénarios de diversification énergétique, portés par des ultra-écolos radicaux, comme GDF ou l’ADEME, se sont imposés comme étant les plus crédibles, tandis que le scénario dit « du tout-nucléaire », qui était défendu par l'Union française de l'électricité, l’UFE, ne permettait pas de respecter les grands objectifs, notamment celui de réduction des gaz à effet de serre.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Ronan Dantec. Telle est la réalité de ce qui s’est passé l’année dernière. Et cette année de débats, auxquels beaucoup de personnes ont participé, ce n’est pas de la fiction !
Parmi ces fictions, il y a bien évidemment aussi l’idée – le slogan, pourrais-je dire – que le nucléaire « c’est pas cher ». Pourtant, dans un article publié le 19 janvier dernier, autrement dit tout récemment, le journal Les Échos – que je lis, entre autres feuilles de chou écolos – rappelle qu’aujourd'hui le prix du mégawattheure sur le marché de gros européen de l’électricité s’élève à 37 euros, quand le prix de l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique – ou « prix ARENH » – du mégawattheure sorti des centrales nucléaires françaises est de 42 euros.
Dans le même temps, EDF dit vouloir vendre le mégawattheure à 55 euros pour coller à la réalité de nos coûts de production du nucléaire. D’ailleurs, ce chiffre recoupe tout à fait celui de la commission d’enquête qui avait été créée, au Sénat, sur le coût réel de l’électricité, dont M. Desessard était le rapporteur et M. Poniatowski le président. Au reste, il n’intègre ni l’assurance, ni les frais inhérents à la recherche, ni la totalité des coûts du démantèlement.
Les graphiques qui illustrent l’article du journal Les Échos montrent même que le prix de marché est moins cher en Allemagne qu’en France. Dès lors, il n’est pas vrai que le nucléaire n’est pas cher en France et qu’il est plus cher ailleurs, notamment en Allemagne et dans le reste de l’Europe. C’est une jolie fiction, qui ne correspond pas à la réalité des marchés. Je pensais que des libéraux comme vous le sauraient…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Ronan Dantec. Nous devons essayer de comprendre d’où vient cette fiction française.
Gérard Longuet a évoqué avec nostalgie un axe gaullo-communiste. Marcel Boiteux a, lui aussi, été sorti de l’histoire. Mes chers collègues, ce monde n’existe plus ! Cette réalité, c’était celle des années cinquante et soixante – peut-être encore du début des années soixante-dix, si l’on tient compte du plan Messmer. Elle a disparu voilà déjà très longtemps !
La réalité du monde d’aujourd'hui, comme Mme la ministre l’a dit très fortement et très précisément, sur la base de chiffres émanant de l’Agence internationale de l’énergie – encore des super-écolos… –, c’est 1 200 milliards d’euros d’investissements dans les énergies renouvelables dans le monde d’ici à 2020, alors que, pour le nucléaire, cet investissement doit être de l’ordre d’une centaine de milliards d’euros.
Autrement dit, nous mettons toute la puissance industrielle française, y compris la recherche et le développement, sur un secteur marginal à l’échelle internationale.
M. Jean Desessard. Et dépassé !
M. Ronan Dantec. Par conséquent, nous perdons des emplois. Nous perdons des parts de marché.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Ronan Dantec. Nous affaiblissons la France.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Ronan Dantec. Si nous ne bougeons pas, si nous n’engageons pas la transition énergétique, le déclin de la France est assuré.
Certains disent que le nucléaire marche et appellent à ne toucher à rien, comme si les centrales pouvaient continuer à vivre quatre-vingts ans sans que rien ne bouge. On sait très bien qu’il faudra investir entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros par tranche pour prolonger les centrales de plus de quarante ans, montant à multiplier par le nombre de tranches qui, justement, atteindront les quarante ans entre 2020 et 2025. Nous n’en avons pas les moyens !
Si nous ne mobilisons pas l’argent privé sur les énergies renouvelables avant cette date, nous irons au-devant de problèmes extrêmement importants. C’est pourquoi le projet de loi crée, enfin, de la planification en la matière, retenant, à raison, l’échéance de 2025, puisque, comme l’a dit Mme la ministre, c’est à cette date que deux tiers des tranches nucléaires atteindront quarante ans. Dès lors, contester cette date clé, c’est tout simplement ne pas regarder la réalité énergétique de la France. C’est faire preuve d’autisme !
Cela étant posé, on peut discuter d’un certain nombre d’éléments, comme les problèmes liés à la taxe carbone, etc.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Ronan Dantec. En tout état de cause, de tous les discours tenus aujourd'hui, c’est le nôtre qui me semble le plus rationnel. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.