M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. L’article 50 se contentant, dans sa rédaction initiale, de créer un comité de gestion, notre commission a adopté, sur la proposition de la commission des finances, une véritable réforme, qui permettra au Parlement de contrôler son évolution tout en sécurisant cette contribution.
Le titre VIII comporte encore plusieurs dispositions relatives à la lutte contre la précarité énergétique, notamment le remplacement des tarifs sociaux de l’énergie par le chèque énergie.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. En la matière, notre commission a conforté les orientations du texte en décidant l’interdiction des frais liés au rejet de paiement pour les bénéficiaires du chèque énergie.
Enfin, notre commission a approuvé les articles spécifiques aux territoires ultramarins.
Au total, ce résumé de nos travaux confirme, je le crois, l’état d’esprit avec lequel nous avons abordé ce projet de loi : nous avons cherché à en préserver, voire à en conforter, les qualités, tout en faisant valoir, sur certains points, nos convictions en faveur d’un mix énergétique équilibré, qui n’oppose pas les énergies les unes aux autres. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Excellente intervention !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le contexte dans lequel s’inscrit l’examen de ce projet de loi est alarmant.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Le dernier rapport du GIEC, publié en octobre dernier, a montré que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté cinq fois plus entre 2000 et 2010 qu’au cours des trente dernières années.
Elles sont la cause essentielle du problème numéro 1 de la planète et de ses habitants : le changement climatique. De façon encore plus préoccupante, cette urgence est loin d’être nouvelle. Au Sommet de Rio, en juin 2012, Jacques Chirac sonnait déjà le tocsin : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. »
M. Bruno Sido. Rien n’a changé depuis lors !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Aujourd’hui, en 2015, treize ans après, Ban Ki-moon nous le rappelle : « Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B. » Il y a urgence, nous n’avons plus le choix !
En tant que responsables, nous nous devons d’agir, pour nous, déjà, mais aussi pour les générations futures. Dans ce contexte, le projet de loi que vous nous proposez, madame la ministre, vise plusieurs objectifs.
Tout d’abord, il cherche une nouvelle approche pour notre modèle de croissance économique et de développement, parce que le changement climatique s’aggrave jour après jour.
Ensuite, il vise à favoriser une économie circulaire, parce que nos ressources s’épuisent. Par conséquent, nous devons nous adapter, changer nos comportements et aller vers une économie sobre.
Par ailleurs, il tend à engager une « révolution vers une mobilité propre », parce que les énergies fossiles sont la première menace pour la biosphère, mais aussi parce qu’elles mettent en danger la santé humaine et, in fine, alourdissent notre facture énergétique.
Il tend également à déterminer, au-delà du nucléaire, qui reste, à ce jour, le socle incontournable de notre puissance énergétique, un chemin innovant pour la compétitivité du futur de nos entreprises, afin que notre pays ne soit pas distancé par d’autres et que nous puissions être les leaders aussi sur les marchés de demain, ceux des énergies renouvelables et de la croissance verte.
Enfin, il nous incite à poursuivre sur la voie d’une très large concertation, car l’écologie et le développement durable sont aujourd’hui l’affaire de tous les citoyens.
Toutes ces orientations s’inscrivent dans une démarche à long terme déjà engagée par la France lors du Grenelle de l’environnement, un texte pour lequel j’avais déjà eu l’honneur d’être nommé rapporteur.
Madame la ministre, je suis heureux que ce projet de loi me rappelle cet épisode antérieur. C’est la preuve que notre pays, quelles que soient les majorités successives, a conscience du gigantesque défi auquel nous devons faire face.
Mes chers collègues, je souhaite que nous retrouvions tous l’enthousiasme que nous avions partagé à l’époque. Il y va de l’avenir de nos enfants ! Quelle terre allons-nous leur laisser ? C’est une vraie question.
Connaissant l’urgence du problème, notre responsabilité est d’aller le plus loin possible, tant qu’il est encore temps, de manière non pas dogmatique ou idéologique, mais réaliste et pragmatique, avec toujours, en ligne de mire, des résultats concrets plutôt que des discours à la Diafoirus…
Le projet de loi, que je pourrais qualifier de « Grenelle III », s’inscrit dans une démarche nationale positive. Cependant, trois points m’interpellent.
Le premier écueil est l’impression de complexité toute particulière que dégage le texte, en raison, notamment, du nombre d’objectifs et d’échéances fixés. J’ai compté que ce texte énonçait plus de dix objectifs ; en termes de lisibilité, c’est beaucoup !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Quant aux échéances, elles sont multiples : 2015, 2016, 2017, 2018, 2020, 2030, 2050 ! Dans cette avalanche de dates butoirs, trop nombreuses, trop diverses, il n’est pas facile, madame la ministre, de distinguer le principal de l’accessoire.
La complexité tient aussi à la lourdeur des procédures. Le curseur législatif du texte, qui a été considérablement avancé à l’Assemblée nationale, doit être placé au bon endroit. Il faut, certes, impulser une dynamique, mais sans décourager les acteurs. Or nous avons constaté, dans le projet de loi qui nous a été transmis, que le diable se nichait parfois dans les détails… (Exclamations.)
M. Bruno Sido. Comme toujours !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Un dispositif séduisant sur le papier peut être impossible à appliquer concrètement si l’on ne s’en donne pas les moyens, à l’image, par exemple, de l’article sur la durée de vie des produits. Bref, le mieux peut être l’ennemi du bien.
En conséquence, l’une de mes principales priorités, en tant que rapporteur pour avis, a été de chercher à faciliter l’action des acteurs, afin que ceux-ci puissent contribuer efficacement au développement économique et à la compétitivité de notre pays, mais dans le cadre d’une croissance verte.
Enfin, j’ai voulu rendre le cadre normatif de la transition énergétique prévue par le projet de loi aussi simple et lisible que possible. Simplifier, élaguer, alléger, mettre en cohérence : telle a été notre action continue. C’est d'ailleurs l’une des plus-values essentielles du travail du Sénat, et ce n’est pas le moindre avantage du bicamérisme que d’améliorer les textes qui deviendront, demain, la loi. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
J’ai veillé à ce que chaque article du texte soit pragmatique et opérationnel pour tous ceux qui veulent s’engager en faveur de cette transition, que ce soit au bénéfice de déplacements propres, plus économes et moins polluants, dans l’utilisation de sources d’énergie renouvelables, dans la lutte contre le gaspillage ou encore dans le développement de circuits économiques territoriaux plus pertinents.
J’ai également été attentif à ce que le cadre normatif que nous mettons en place soit en phase avec nos engagements européens et internationaux. Je rappelle que la France n’est pas isolée ! Elle évolue dans un monde ouvert, dans un cadre normatif européen, auquel nous contribuons directement, et dans le cadre d’une compétition économique mondiale.
Par exemple, les objectifs de l’article 1er sont importants pour qu’un cap soit fixé, pour que les acteurs économiques et filières industrielles puissent anticiper et s’adapter. Et ce cap doit, bien sûr, être à la hauteur des ambitions de notre pays, qui, je le rappelle, accueillera la COP 21 en fin d’année.
Au-delà même de l’enjeu du nucléaire, sur lequel certains ont voulu focaliser le texte, alors qu’il n’est pas au centre du débat, puisqu’il s’agit, en priorité, de la lutte contre le changement climatique, c’est la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles, qui constituent encore 80 % de notre mix énergétique, qui doit être notre priorité absolue.
Dans ce cadre, nous devons veiller, avec pragmatisme, à ce que les objectifs définis n’aient pas d’impact négatif sur notre compétitivité. Le dynamisme de la France et l’emploi sont aussi des facteurs à intégrer dans cette démarche.
Madame la ministre, l’objectif de baisser à terme 50 % la part du nucléaire dans un mix plus équilibré à terme est envisageable, mais il ne doit pas se traduire par une fragilisation de notre économie ou, pis, par des effets contreproductifs, à l’exemple de ceux de la politique allemande actuelle. Tout en veillant à améliorer cette filière industrielle d’excellence, nous devons aussi placer la France en leader sur le marché, d'ailleurs en forte croissance, des énergies renouvelables.
Le deuxième écueil réside, à mon sens, dans le manque de crédibilité, voire de robustesse, du financement prévu pour mettre en œuvre la transition énergétique. Nombre d’articles de ce texte sont déclaratoires. Ils ne vaudront que si les moyens suivent !
Vous avez annoncé des mesures d’accompagnement, notamment la création du Fonds national de la transition énergétique et de la croissance verte, doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Toutefois, chat échaudé craint l’eau froide ! Nous ne sommes pas rassurés quant à la pérennité de ce financement, au vu de la santé de l’économie globale et de nos difficultés à tenir certains de nos engagements – je pense, par exemple, à la loi de programmation militaire.
Beaucoup de questions restent en suspens, en particulier concernant la fiscalité écologique, qui n’est qu’effleurée dans ce projet de loi. À enveloppe égale, bien sûr, nous devons développer une politique volontariste de fixation d’un prix du carbone, qui permette de réorienter notre économie vers la transition énergétique souhaitée. C’est, à mon sens, l’une des conditions majeures de la réussite de celle-ci. Dès lors, son absence m’interpelle.
Troisième et dernier écueil : la mise en œuvre du projet de loi. Au-delà du texte, il faut passer aux actes. Nous n’avons plus le temps. Nous avons peut-être même déjà trop tardé…
Madame la ministre, je crois que vous vous êtes rendu compte de la volonté qui était la nôtre de défendre une position d’opposition constructive et de dépasser les clivages partisans et les polémiques stériles, au bénéfice, en priorité, de notre pays et de l’intérêt général, comme Ladislas Poniatowski l’a si bien rappelé tout à l'heure.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Cependant, c’est à vous qu’il revient de transformer l’essai, de nous apporter tous les éclairages et toutes les précisions nécessaires sur les mesures qui seront prises pour l’application du projet de loi, qui prévoit une multitude de textes réglementaires.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le calendrier d’application que vous prévoyez et, surtout, sur le contenu des décrets qui seront pris ? Bien souvent, en effet, ceux-ci conditionnent le sens et l’efficacité de telle ou telle mesure…
À ce sujet, je suis contraint de vous dire que, malgré une grande disponibilité de vos services, pratiquement aucun projet de texte réglementaire ne nous a été transmis. C’est regrettable, d’autant que certains décrets, comme celui sur la prime pour le remplacement des véhicules polluants, auraient pu être prêts depuis un moment déjà.
Pour faire suite à ces remarques, madame la ministre, je vous propose, de manière solennelle et peut-être innovante, de prendre la décision d’associer étroitement les rapporteurs au suivi de l’écriture des décrets, car, constitutionnellement, il appartient au Parlement de veiller à la bonne application de la loi.
J’en viens maintenant au contenu du texte. La commission du développement durable a eu la charge d’examiner 83 articles au fond – notamment l’intégralité des titres III et IV, relatifs à la mobilité propre et à l’économie circulaire –, articles dont l’examen lui a été délégué par la commission des affaires économiques.
J’ai souhaité, tout au long de mes travaux préparatoires en tant que rapporteur, me faire une idée sur chacun des articles de la façon la plus objective qui soit. J’ai voulu entendre le plus grand nombre d’acteurs possible. Je les ai écoutés attentivement. J’ai conduit plus de 55 heures d’auditions et rencontré plus de 180 personnes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. C’est du travail sérieux !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Je dois le reconnaître, madame la ministre : quasiment toutes ces personnes m’ont fait part de leur satisfaction globale sur l’orientation du texte. Cela fera plaisir aux sénateurs de votre sensibilité politique…
M. Jean-Louis Carrère. Vous nous en voyez ravis ! (Sourires.)
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. De fait, ce texte est attendu, par les acteurs économiques, par les filières industrielles, par les collectivités, par les élus, mais aussi, et surtout, par les Français.
Mes chers collègues, selon un récent sondage, les trois quarts des Français se sentent personnellement concernés par la transition énergétique, climat très favorable à la mise en application de cette préoccupation sur le terrain. La croissance verte est entrée dans la vie de nos concitoyens. Cette large prise de conscience est une bonne nouvelle pour l’avenir.
Au sein de la commission, nous avons travaillé dans un esprit constructif, soucieux, pour chaque sujet, de bâtir une solution et de ne jamais supprimer un dispositif bancal sans, d’abord, chercher à l’améliorer. Les débats furent longs, mais riches.
Je ne reviendrai pas sur tous les apports de notre commission, sur toutes les modifications que nous avons adoptées, mais je voudrais m’arrêter sur cinq exemples qui me semblent particulièrement révélateurs de l’esprit dans lequel nous avons travaillé : à chaque fois, nous avons tenté de dégager la solution la plus pertinente et la plus lisible possible.
Le premier de ces sujets est la question des véhicules propres et de leur définition. Qu’est-ce qu’un véhicule propre ? Où placer le curseur ? Une définition exacte reposerait sur un bilan dressé sur la totalité du cycle de vie du véhicule, sur la base d’une approche multicritères, considérant l’empreinte écologique du produit, de la fabrication au recyclage.
M. Bruno Sido. Batterie comprise !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Après en avoir débattu en commission, nous avons inscrit cette approche dans le texte. En effet, je suis sûr que, demain, la question se posera en ces termes.
Cependant, nous devons être pragmatiques : nous ne savons pas, aujourd’hui, maîtriser une définition aussi large. À cet égard, la définition que nous avons choisi de retenir ne privilégie aucune technologie, aucune motorisation, ni aucune source d’énergie, mais se concentre sur un seul critère discriminant : les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
Nous avons longuement discuté, en commission, de la pertinence de mentionner explicitement tous les types de véhicules pouvant entrer dans la catégorie ainsi définie. Nous sommes finalement convenus qu’il n’était pas satisfaisant de dresser un inventaire à la Prévert dans la loi. Ce serait risquer de devoir être exhaustif, ce qui est forcément inadapté en la matière. Ce serait aussi risquer de brider l’innovation technologique.
Dans ces conditions, nous nous en sommes remis à l’option que nous vous proposons. En effet, ce qui importe, c’est le résultat, la fin, et non les moyens ! Avec notre définition, tous les systèmes sont placés sur un pied d’égalité.
Néanmoins, madame la ministre, certaines questions demeurent. Où placerez-vous le curseur ? Un diesel Euro 6, par exemple, sera-t-il considéré comme un véhicule propre ?
Le deuxième sujet pour lequel nous avons souhaité construire un dispositif efficace et pragmatique est celui des plans de mobilité, prévus par les articles 13 ter et 18. Là encore, notre objectif a été de trouver le juste équilibre, entre l’incitation et la contrainte, pour les entreprises, de manière à réduire les émissions dues à leurs activités de transport. Ainsi, nous avons souhaité en rester à une logique incitative, logique d’ailleurs renforcée par la possibilité d’élaborer des plans « interentreprises ».
Cependant, nous avons souhaité prévoir que la contrainte puisse être justifiée lorsque l’enjeu de la qualité de l’air, donc de la santé de nos concitoyens, est en cause. Dans ce cas, le préfet, qui est au contact des réalités du terrain, pourra, si nécessaire, rendre ces plans obligatoires, pour les entreprises de plus de 250 salariés. Nous avons donc prévu la fermeté dans la souplesse.
Mon troisième exemple a fait couler beaucoup d’encre : c’est celui de l’interdiction de la vaisselle jetable et des sacs en plastique. La problématique environnementale est réelle. Ces produits créent une pollution diffuse et persistante, contre laquelle il est urgent de réagir. L’homme a quand même réussi le triste exploit de créer un sixième continent de plastique à la dérive sur les océans !
À cet égard, je souscris aux objectifs du texte sur ces sujets. Pour autant, de même que pour le reste du projet de loi, mon souci a d'abord été de m’assurer que les mesures prises soient réalistes et, avant tout, applicables.
Cette préoccupation explique le compromis adopté en commission sur la vaisselle jetable : plutôt qu’une interdiction, qui n’a pas de sens quand il n’y a pas de produit de substitution disponible, nous avons préféré proposer une obligation de tri à la source pour les détenteurs de ces déchets, à compter de 2018, afin de coïncider avec la mise en place du tri de tous les plastiques.
Pour ce qui concerne les sacs en plastique, nous avons voulu sécuriser la mise en œuvre de leur interdiction en prévoyant un délai, fixé à 2018, pour les sacs autres que les sacs de caisse, c’est-à-dire les sacs légers utilisés pour l’emballage des marchandises. Il est important qu’une filière de solutions de rechange françaises ait le temps de se constituer sur le territoire, pour que la mesure ne se traduise pas par une hausse des importations de produits de substitution.
Le quatrième exemple de cette approche pragmatique et constructive porte sur l’obsolescence programmée et l’affichage de la durée de vie des produits, véritables sujets de préoccupation pour nos concitoyens.
Le texte, tel qu’il nous est parvenu de l’Assemblée nationale, faisait peser un risque juridique très grand sur nos entreprises. De plus, il manquait sa cible véritable. Nous avons donc essayé, en consultant le plus largement possible, d’aboutir à une position une fois encore équilibrée.
Nous avons proposé un consensus sur la base de la définition proposée en 2012 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, l’acteur public de référence dans ce domaine : l’obsolescence programmée se définira désormais par tout « stratagème » visant à réduire « sciemment » la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.
De la même manière, sur la question très importante de l’affichage de la durée de vie des produits, nous avons souhaité privilégier, au vu de la situation existante, une approche libre et volontaire, avant de définir progressivement les indispensables normes pour mesurer objectivement la durée de vie.
J’en viens au cinquième et dernier exemple de l’esprit constructif dans lequel la commission du développement durable a mené ses travaux : la question de la hiérarchie dans l’utilisation des ressources.
Si l’on veut réduire progressivement la consommation de matières non renouvelables, il faut envoyer un signal fort. De même qu’il existe une hiérarchie des traitements des déchets, du plus au moins vertueux, il faut mettre en place une hiérarchie en amont dans le prélèvement des ressources. Concrètement, lorsqu’un prélèvement devra être effectué sur les ressources de la planète, il nous faudra d’abord privilégier les ressources recyclées ou issues de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, et enfin, seulement, tous les autres types de ressources.
Il s’agit là, me semble-t-il, d’un objectif important, fixé aux acteurs économiques, pour l’avenir de notre planète, en même temps que d’une avancée conceptuelle que nous nous devons d’anticiper dans la loi.
Telle est la contribution que la commission du développement durable a souhaité apporter à ce processus de transition énergétique, qui est aussi un processus de transition écologique.
Innover, renforcer la place des énergies renouvelables, tout en étant réaliste quant aux moyens d’y parvenir : voilà ce que fut mon fil rouge tout au long de nos travaux. Et dans ce cadre, je le précise, j’ai pu m’appuyer sur une commission tout à fait allante, à l’image de son président !
Un tel équilibre n’est pas facile à faire émerger, mais nous pouvons y parvenir. En tout cas, nous en avons la responsabilité. Certes, c’est une grande responsabilité, mais elle est enthousiasmante. Madame la ministre, le Sénat s’est engagé et il sera au rendez-vous de l’avenir de la planète Terre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme François Férat, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre commission de la culture s’est saisie du titre II de ce projet de loi, qui propose de « mieux rénover les bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois ». Notre rapporteur désignée, Françoise Férat, n’ayant pu, à la dernière minute, participer à cette discussion générale, j’interviendrai en son nom.
Nous avons examiné ce titre II sous l’angle de notre compétence « patrimoine », en nous posant un certain nombre de questions. Les règles proposées pour la rénovation énergétique sont-elles compatibles avec la conservation et la valorisation de notre patrimoine, auquel, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous sommes très attachés ? En particulier, imposent-elles des charges qui pèseraient trop lourdement sur les propriétaires de ce patrimoine ou risqueraient de le dégrader ?
Nous sommes bien sûr favorables à l’objectif général de bâtiments plus sobres. C’est une impérieuse obligation, pour faire diminuer de moitié notre consommation énergétique à l’échéance de 2050. Un tournant s’impose, sans quoi nous n’aurons pas fait assez contre le réchauffement climatique, et c’est bien là que se situe l’enjeu !
Toutefois, comment s’assurer que la rénovation énergétique soit efficace et, dans le même temps, prenne en compte le bâti ancien, qui présente un intérêt patrimonial et paysager à des degrés divers ? Sous cet angle, et tout comme le ministère de la culture, madame la ministre, nous nous sommes particulièrement inquiétés des articles 3 et 5 du projet de loi.
Dans leur rédaction initiale, en effet, ces articles autorisaient les propriétaires à passer outre certaines règles locales d’urbanisme protectrices du patrimoine dès qu’ils avaient un projet d’isolation par l’extérieur, tout en leur faisant obligation de rénover par cette technique, c’est-à-dire en « enveloppant » la façade et le toit – sauf dans des zones protégées qui nous sont apparues bien étroitement circonscrites.
Le Gouvernement nous a assurés que son objectif n’était pas, bien sûr, d’« envelopper » les vieux bâtiments, par exemple les maisons à colombage, et il a volontiers reconnu que l’isolation par l’extérieur n’était pas adaptée aux bâtiments anciens, dont les murs doivent « respirer ».
Nous ne pouvions pas nous contenter de ce propos rassurant. D’une part, les erreurs en matière de patrimoine sont toujours très difficiles à rattraper. D’autre part, une certaine confusion règne en matière de rénovation énergétique : il suffirait que la loi évoque une obligation, même limitée, pour que, dans l’esprit de nos concitoyens, l’isolation par l’extérieur puisse devenir obligatoire pour tous les bâtiments, ce dont personne ne veut.
C’est pourquoi la commission de la culture a adopté plusieurs amendements tendant à écarter les zones d’intérêt patrimonial, mais aussi le bâti ancien dans son ensemble de toute obligation d’isolation par l’extérieur et de toute dérogation aux règles locales d’urbanisme.
La commission des affaires économiques a ensuite modifié la rédaction des articles 3 et 5, en leur donnant un sens nouveau.
Tout d’abord, le maire a été placé au centre de la procédure. La dérogation n’est plus automatique quand existe un projet d’isolation par l’extérieur, comme le prévoyait la rédaction initiale du projet de loi. Elle est délivrée par le maire, qui doit alors motiver sa décision.
En outre, à l’article 5, la nouvelle rédaction adoptée par la commission des affaires économiques retire tout caractère obligatoire à l’isolation par l’extérieur. Ce qui sera obligatoire, ce sera d’engager des travaux d’isolation chaque fois que l’on effectue des travaux importants, pour essayer d’atteindre des objectifs compatibles avec les caractéristiques du bâti ancien. Toutefois, nuance de taille, il n’existe plus aucune obligation d’isoler par l’extérieur !
La décision de savoir si tel projet d’isolation par l’extérieur justifie de lever certaines règles reviendra donc à l’autorité ayant établi le plan local de l’urbanisme, c’est-à-dire à celle qui a déjà fait les choix architecturaux et urbains.
Par ailleurs, la loi ne mentionne plus aucune obligation d’isoler par l’extérieur. À cette double condition, notre crainte de voir le patrimoine être « enveloppé » plus que de raison n’a plus lieu d’être. Ce sont bien les élus portant le projet local qui sont en mesure d’apprécier le bien-fondé d’une dérogation et d’en répondre devant la population.
Faut-il écarter les « zones patrimoniales » et le bâti ancien de cette nouvelle rédaction ? Nous en débattrons lors de l’examen de l’article 3. Un supplément de précaution n’est peut-être pas inutile, mais il ne faudrait pas que le Sénat apparaisse comme se défiant des élus locaux. Je crois aussi qu’il ne faut pas perdre de vue l’objectif écologique du texte : nous devons améliorer l’efficacité énergétique du bâti ancien, y compris dans ces « zones patrimoniales ».
Un dernier mot sur l’implantation des éoliennes, qui ne tient pas assez compte de questions de patrimoine et de paysages. Des éoliennes ont été installées dans des paysages d’intérêt historique, en covisibilité de monuments remarquables, et cela en complète conformité avec la réglementation, cette dernière étant bien trop vague en la matière. Un amendement de la commission de la culture, avant l’article 38 bis, vous proposera d’y remédier et d’en débattre.
Madame la ministre, mes chers collègues, au bénéfice de ces remarques et de ses amendements, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)