Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Michel Magras. Je note enfin que la commission a précisé l’obligation de motivation des délibérations relatives au droit de préemption, en introduisant dans la loi une prescription qui avait déjà été faite par le Conseil d’État dans un avis, et à laquelle je ne peux que souscrire.
En vous apportant ces quelques précisions, je souhaitais vous donner l’assurance que la collectivité ne hiérarchise pas les finalités du droit de préemption en plaçant la préservation des espaces naturels au-dessus des objectifs à caractère social. Elle a seulement considéré que ces derniers étaient suffisamment garantis.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.
M. Michel Magras. L’article 2 prévoyait initialement trois dispositions.
La première, le a, visait à introduire une procédure d’approbation tacite des sanctions pénales à caractère réglementaire. Ce mécanisme devait permettre de trouver une solution aux délais anormalement longs – une durée moyenne de deux à trois ans est constatée – pour l’adoption des sanctions pénales.
Toutefois, il faut reconnaître que le champ des aménagements possibles est étroit. À la faveur de l’analyse de la commission des lois, j’admets que la procédure d’approbation tacite pourrait être interprétée par le Conseil constitutionnel comme le dessaisissement par l’État d’une compétence régalienne. En conséquence, je considère que la suppression du a de l’article 2 initial est parfaitement justifiée.
Tel ne me semble pas le cas, en revanche, s’agissant du b de ce même article.
En premier lieu, j’insiste sur le fait que l’article 2 s’inscrit dans le cadre strict de la participation de la collectivité aux compétences de l’État, lequel, de ce fait, conserve toujours la possibilité de s’opposer aux propositions que la collectivité pourrait être amenée à lui adresser par délibérations.
En second lieu, comme le souligne le rapport de la commission, la collectivité est bien consultée sur la réglementation de l’entrée et du séjour des étrangers, mais ce n’est pas faire injure à l’État de rappeler que, dans le cadre d’une consultation, les observations de la collectivité n’ont pas la même portée que dans le cadre d’une participation à l’exercice de compétences de l’État, prévue, je le rappelle, par la loi organique.
Certes, l’entrée et le séjour des étrangers est une matière très vaste et touchant aux libertés publiques. Toutefois, avec ce dispositif, l’objectif de la collectivité est de garantir une meilleure adaptation des règles adoptées en matière d’entrée et de séjour à la situation de Saint-Barthélemy, en participant à l’édiction des normes. Dans la mesure où l’économie repose entièrement sur le tourisme, elle dépend aussi des conditions d’entrée des visiteurs, qu’il convient de définir au plus près des besoins.
J’espère que les éléments complémentaires que je vous apporterai lorsque nous aborderons les amendements que j’ai déposés visant à insérer des articles additionnels après l’article 4 me permettront de vous convaincre.
En outre, l’article 2 comportait, dans son c, une disposition relative à la recherche et à la constatation des infractions aux règles fixées par la collectivité dans les domaines de compétences qui lui ont été transférés.
Une telle possibilité se situe en effet dans le prolongement et en cohérence avec celle, pour la collectivité, de fixer les sanctions, sous le contrôle de l’État, en cas d’infraction aux règles qu’elle fixe. En effet, lorsqu’il n’existe pas localement d’équivalent aux agents et fonctionnaires de l’État habilités à rechercher et constater les infractions relevant du droit national, ou de police spéciale, il conviendrait que la collectivité puisse au moins indiquer ceux de ses agents et fonctionnaires chargés de cette mission, ce qui garantirait que les règles fixées sont effectivement respectées.
La commission a relevé l’insuffisance de la rédaction initiale, corrigée par un amendement que je vous présenterai.
Vous l’aurez compris, les dispositions de cet article 2 feront l’objet d’amendements qui seront présentés dans la suite de la discussion.
Article 3
L’article L.O. 6251–4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice des sanctions pénales prévues à l’article L.O. 6251–3, la violation des règles que le conseil territorial fixe dans les matières mentionnées à l’article L.O. 6214-3 peut être assortie par celui-ci de sanctions administratives. » ;
b) (nouveau) Au second alinéa, après le mot : « retard », sont insérés les mots : « et des sanctions administratives ». – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Après le 9° de l’article L.O. 6214–3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° Importation, exportation, vente et location de véhicules terrestres à moteur. »
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.
M. Michel Magras. Cet article 4 ouvre la discussion, d’une part, sur les transferts de nouvelles compétences et, d’autre part, sur la participation à l’exercice des compétences de l’État.
Je vous propose le transfert de deux compétences.
L’une relève du domaine du commerce. Il s’agit de réguler l’engorgement engendré par le développement du nombre de voitures de location sur l’île. L’autre vise à rendre la collectivité compétente pour délivrer les cartes et titres de navigation pour certaines catégories de navires.
En ce qui concerne la participation à l’exercice des compétences de l’État, qui fera l’objet d’une demande d’extension, il convient de rappeler que, lorsque la collectivité se situe dans ce cadre, elle est entièrement sous le contrôle de l’État.
Elle est même sous double contrôle : celui de l’État, qui peut s’opposer à la proposition de la collectivité, y compris en opportunité, et celui du Parlement, sans la ratification duquel les dispositions de l’acte ne peuvent entrer en vigueur. Ce processus, qui vaut aujourd’hui pour les sanctions pénales, serait étendu aux autres domaines, bien sûr si les amendements proposés en ce sens étaient adoptés.
Cette participation se distingue donc d’un transfert de compétence, en plaçant la collectivité sous tutelle de l’État. C’est un aspect fondamental, car cela signifie que, dans ces conditions, la collectivité ne peut mettre en œuvre aucun projet qui ne recueillerait tant l’approbation de l’État que celle du Parlement.
La collectivité demande que la participation soit étendue au domaine de la protection et de la fiscalité sociales. Mes chers collègues, je mesure à quel point il s’agit d’un domaine lourd de symbolique. J’ai aussi conscience de l’image véhiculée par d’autres collectivités d’outre-mer en cette matière.
Toutefois, je tiens à rappeler que cette disposition a été introduite après délibération de la collectivité de Saint-Barthélemy, qui exprime la volonté de se placer sous la tutelle de l’État, tout en souhaitant disposer d’une organisation du système de protection sociale qui lui soit propre. C’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Nous ne demandons donc pas un régime spécifique, puisque les autres collectivités, à l’exception de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, bénéficient déjà d’une telle possibilité.
Il ne s’agit par conséquent en aucun cas d’un transfert de compétence, qui laisse la collectivité libre de fixer les règles sous réserve de leur légalité. Le risque évoqué tout à l’heure n’existe donc pas.
Je dois aussi souligner que l’intention de Saint-Barthélemy de participer aux compétences de l’État en matière de protection sociale est connue, puisqu’elle a fait l’objet d’une proposition de loi, dont vous faisiez état tout à l’heure, madame la ministre, et que j’avais moi-même déposée sur le bureau du Sénat. La collectivité ne souhaite pas décider unilatéralement des règles.
On sait donc d’ores et déjà qu’elle n’entend pas se soustraire à la solidarité nationale. Elle propose à cet effet la création d’une taxe de solidarité, ce qui fait que Saint-Barthélemy serait ainsi la seule collectivité d’outre-mer à participer à la solidarité nationale avec une telle taxe.
Enfin, un amendement concernera la procédure elle-même, afin de pallier, je l’ai dit tout à l’heure, les difficultés rencontrées pour l’entrée en vigueur des dispositions adoptées, en raison de décrets pris dans des délais anormalement longs. Ce sera aussi l’occasion de clarifier la possibilité pour le Parlement d’adopter « directement » des dispositions ayant fait l’objet d’une divergence d’interprétation.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Delebarre et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. Cet amendement, que je présente au nom du groupe socialiste, vise à supprimer l’article 4. Or M. Magras a déposé un amendement n° 5 rectifié, en quelque sorte un amendement de repli, qui vise à permettre à la collectivité de réglementer et de réguler seulement l’activité de location de véhicules terrestres à moteur.
Je suis prêt à voter l’amendement de M. Magras, mais encore faut-il que l’amendement n° 11 ne soit pas adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Monsieur Delebarre, votre amendement vise à supprimer l’article 4.
Comme vous l’avez signalé, notre collègue Michel Magras a déposé un amendement n° 5 rectifié visant à restreindre le champ d’application de l’article 4 à la seule location de véhicules terrestres à moteur, amendement en faveur duquel la commission s’est unanimement prononcée.
Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, sur l’île de Saint-Barthélemy circulent un nombre important de véhicules – plus de 11 000 –, alors qu’elle ne compte que 9 200 habitants.
L’amendement de M. Magras semble répondre à votre préoccupation, mon cher collègue.
M. Michel Delebarre. Mais il ne viendra pas en débat si l’amendement n° 11 est adopté.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il faut donc retirer l’amendement n° 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Je comprends le souci de limiter le nombre de véhicules en circulation compte tenu de la petite taille de Saint-Barthélemy, et ce afin de préserver les paysages ou de s’épargner de trop grandes difficultés pour se débarrasser des épaves de voitures.
Pour autant, la volonté de réglementer simplement le nombre de véhicules de location ne me semble pas totalement cohérente avec le souhait de voir se développer le tourisme.
Face à ces préoccupations contradictoires, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Magras, plutôt que de mettre aux voix dès à présent l’amendement n° 11 de M. Delebarre, dont l’adoption aurait pour effet de rendre sans objet le vôtre, je propose que vous présentiez celui-ci maintenant.
Il s’agit de l'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Magras, Milon, Bignon, Karoutchi, Bizet, del Picchia et D. Robert, Mme Deromedi et MM. Laufoaulu, Fontaine, Grand, Nougein, Mandelli et Pierre, qui est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 10° Location de véhicules terrestres à moteur. »
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Magras.
M. Michel Magras. Il est d’abord exact de considérer que la collectivité dispose des moyens lui permettant de réglementer le nombre des véhicules autorisés à circuler. En effet, celle-ci est compétente en matière de circulation routière et de transport routier. Mais le problème qui se pose, et qu’il s’agit de régler, va au-delà de la simple circulation des véhicules.
Comme je l’ai rappelé, ainsi que le rapporteur, Saint-Barthélemy fait vingt-quatre kilomètres carrés, ce qui suppose une gestion d’un espace qui n’est pas extensible alors que la population augmente et que l’activité économique s’y développe.
Dans ces conditions, au-delà de la circulation, se pose la problématique du stockage, du stationnement. Par exemple, afin d’éviter une prolifération du stationnement sauvage, qui d’ailleurs peut être dangereux quand on connaît la topographie de l’île, le code de l’urbanisme rend obligatoire un emplacement de stationnement pour toute construction d’une habitation.
Aujourd’hui, l’île compte plus de 11 000 véhicules pour une population de 9 200 habitants. L’activité de location de voitures doit être regardée du point de vue de l’espace qu’elle occupe.
Réguler l’activité par le biais de la compétence circulation serait inopérant, car il est notamment impossible de limiter le nombre de voitures autorisées à la location pour contenir le nombre de véhicules en circulation sur l’île.
Cela reviendrait à imposer aux professionnels de la location de plafonner leur activité commerciale. Chacun en mesure les implications. Le droit du commerce n’est pas de notre compétence.
En revanche, en ayant compétence pour réguler la profession, la collectivité pourrait en limiter le développement, notamment en fixant les conditions pour l’ouverture d’un commerce de location de voitures.
Elle pourrait par exemple conditionner l’autorisation d’ouvrir un tel commerce à l’obligation de disposer d’un nombre de places de stationnement égal au nombre de véhicules en location.
Les possibilités de stationnement étant par nature restreintes sur l’île, cela permettrait de réguler naturellement le développement de l’activité.
Sans doute cela vous surprendra-t-il, sur une petite île, l’enjeu n’est pas de créer du développement, mais de le maîtriser, car l’encourager peut conduire rapidement à l’asphyxie. C’est dans ce sens que la collectivité souhaite pouvoir réguler l’activité commerciale.
J’ai bien compris que, dans sa rédaction initiale, l’article 4 portait sur des sujets – par exemple le commerce international – sur lesquels nous n’avions pas mené une réflexion suffisamment approfondie.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de repli. À défaut de pouvoir limiter la vente, l’importation et l’exportation de véhicules, nous souhaiterions au moins avoir le droit d’agir sur les sociétés de location de voitures.
Cette activité, qui compte sans doute parmi les plus prospères sur l’île, est également celle sur laquelle s’exerce la pression la plus forte en matière de défiscalisation. Il faut que vous le sachiez, mes chers collègues !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 5 rectifié ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Comme je l’ai dit voilà quelques instants, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement n° 5 rectifié, et elle sollicite le retrait de l’amendement n° 11.
M. Michel Delebarre. Cela va dans le bon sens !
M. le président. Monsieur Delebarre, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. Michel Delebarre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 rectifié ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Magras, Milon, Bignon, Pierre, Bizet, del Picchia et D. Robert, Mme Deromedi et MM. Laufoaulu, Fontaine, Grand, Mandelli, Karoutchi et Nougein, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° du I de l’article L.O. 6214–3 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « immatriculation des navires ; », sont insérés les mots : « carte et titre de navigation des navires de plaisance à usage personnel non soumis à francisation ou de moins de vingt-quatre mètres ; ».
La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. L’immatriculation des navires est inscrite au titre des compétences qui ont été transférées à la collectivité par sa loi statutaire.
À ce titre, Saint-Barthélemy dispose de ses propres lettres affectées à l’immatriculation des navires.
Or, en l’absence de compétence pour délivrer la carte de circulation des navires, l’immatriculation est une compétence « incomplète » au regard de l’objectif de simplification des formalités pour les plaisanciers. Alors qu’elles devaient être simplifiées, en l’état, les formalités ont en réalité été alourdies.
Concrètement, pour un navire de plus de sept mètres, un plaisancier voulant s’immatriculer à Saint-Barthélemy a trois interlocuteurs administratifs : les douanes pour la francisation, la collectivité pour l’immatriculation et la direction de la mer de Guadeloupe pour le titre de navigation.
Dans le cas d’un navire de moins de sept mètres, il devrait s’adresser aux deux derniers, la francisation n’étant pas obligatoire pour les bateaux de moins de sept mètres, eu égard aux eaux sur lesquelles ces bateaux peuvent naviguer.
Comme dans d’autres domaines, viendront s’ajouter des délais de traitement allant jusqu’à six mois, voire plus.
C’est pourquoi, en l’absence de service déconcentré sur le territoire de Saint-Barthélemy, la volonté est de créer un quartier des affaires maritimes – nous avons déjà délibéré sur ce point – afin que seule la francisation, qui est une compétence régalienne, ait à être effectuée auprès de la direction des douanes.
L’article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales lui permettant de fixer des règles en matière de sécurité maritime sous le contrôle de l’État, la collectivité a adopté un acte constituant la première étape de la création de son registre d’immatriculation des navires.
Mais, puisqu’elle n’est pas compétente pour délivrer les cartes de circulation, l’acte est bloqué au stade de l’approbation par décret, l’administration considérant que la carte de navigation est un titre de sécurité qui échappe à la compétence sécurité de la collectivité.
À travers cet amendement, nous proposons donc de simplifier la procédure en étendant la compétence de la collectivité à la sécurité et à la délivrance de la carte de circulation pour les navires non soumis à francisation ou pour ceux de moins de vingt-quatre mètres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la compétence de la collectivité de Saint-Barthélemy en matière de navires, car elle entre en concurrence avec celle de l’État.
Le sujet est relativement précis puisqu’il porte sur la « sécurité et carte de circulation des navires de plaisance à usage personnel de moins de vingt-quatre mètres non soumis à francisation ».
Faute d’informations permettant de trancher cette question, la commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous comprenons très bien les raisons qui ont motivé le dépôt de cet amendement. Une fois de plus, monsieur Magras, vous soulignez les délais excessifs pour répondre aux demandes. C’est un problème que nous étudierons de près avec la direction générale des outre-mer, afin que l’on puisse remédier à cette situation qui n’est pas satisfaisante.
Néanmoins, cet amendement soulève une difficulté. L’État est compétent en matière de francisation des navires, de délivrance des titres de navigation et de sécurité maritime. Or l’acte de francisation et le titre de navigation se matérialisent par un seul document. Par conséquent, si l’on peut transférer la compétence s’agissant de la délivrance du titre de navigation – à condition d’en prévoir les modalités –, il n’est pas possible de faire de même avec l’acte de francisation. Afin de pouvoir vous donner satisfaction, il faudrait envisager l’hypothèse que soient délivrés des titres de navigation à des navires non francisés, ce qui nous semble juridiquement impossible.
En outre, il s’agit d’une compétence régalienne de l’État.
Malheureusement, le Gouvernement ne peut vous suivre et il émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. L’avantage avec M. Magras, c’est que nous visitons des contrées que nous ne connaissons pas.
En lisant sa proposition de transférer à la collectivité la compétence pour délivrer des cartes et titres de navigation pour des navires de vingt-quatre mètres, je dois avouer sincèrement que j’en suis resté ébahi !
Je ne suis pas très favorable à ce que cette compétence soit décentralisée. Vingt-quatre mètres, ce n’est pas rien pour un navire ! Et vu la clientèle qu’adore, à juste titre pour des raisons économiques, M. Magras, sa prochaine demande portera sur les navires de cent douze mètres ! Ainsi, il aura compétence sur les gros yachts.
D’après les conversations que j’ai eues avec lui, j’ai cru comprendre que notre collègue se satisferait de fixer ce seuil à sept mètres, cela lui permettant de régler ses problèmes. Aussi, madame la ministre, si M. Magras acceptait de modifier sa proposition dans un sens plus raisonnable, le Gouvernement ne pourrait-il pas revoir sa position ?
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. D’abord, pourquoi ces seuils de sept mètres et de vingt-quatre mètres ? Ces longueurs constituent des paliers fixés par la loi nationale. En deçà d’une longueur de sept mètres, un bateau n’a pas à être francisé parce qu’il ne peut naviguer que dans les eaux intérieures, sur lesquelles la loi donne déjà une compétence à la collectivité en matière de sécurité.
Par ailleurs, la francisation d’un navire – autrement dit, lui donner la nationalité française – est un acte régalien que l’État ne peut pas transférer ; ce sont les douanes qui en sont chargées et nous ne demandons pas le transfert de cette compétence.
Depuis 2011, j’ai participé à plusieurs réunions avec les services des douanes au cours desquelles a été évoqué le projet de dématérialiser cette procédure de francisation. Cela signifie que les services des douanes, même situés à Paris ou à Saint-Malo, pourraient, une fois les documents reçus, instruire les dossiers et, si les critères sont respectés, décider de délivrer l’acte de francisation.
La délivrance d’une carte de circulation et de navigation implique l’obéissance à un certain nombre de critères de sécurité, tant pour le bateau lui-même que pour le matériel embarqué au titre de la sécurité. La liste est contrôlée par les inspecteurs, qui vérifient que l’ensemble du matériel exigé est à bord et que toutes les règles sont respectées.
Cela étant dit, nous ne souhaitons pas assurer à la place de l’État la sécurité en mer, puisque ce dernier dispose à cet effet de services compétents, avec des moyens autrement plus importants que ceux qui pourraient être mis en place par une petite collectivité.
Par conséquent, aujourd’hui, le contrôle est effectué en collaboration entre nos services et ceux de la direction de la mer. À la limite, si l’on me donnait par convention le droit de travailler avec ces services pour la procédure de contrôle et de délivrance de la carte de navigation, ce serait déjà pour moi une satisfaction.
J’en viens à la proposition de M. Delebarre de nous accorder les bateaux de moins de sept mètres : cela permettrait au propriétaire d’un petit navire d’obtenir très rapidement l’immatriculation de son bateau par la collectivité, sans qu’il attende six mois avant que la direction de la mer lui renvoie un droit de naviguer, après vérification, à bord, des bouées de sauvetage et du respect des normes de construction européennes.
Aujourd’hui, tous les bateaux, même quand ils sont fabriqués aux États-Unis – les Américains savent conquérir le marché européen –, sont aux normes européennes. De surcroît, un certain nombre d’agences, dans la Caraïbe, viennent les certifier, même si cela coûte cher. Je pourrais même vous donner le prix, car c’est une activité commerciale.
M. Michel Delebarre. Ici, vous pouvez tout dire ! (Sourires.)
M. Michel Magras. Un simple contrôle destiné à vérifier la conformité du bateau aux normes est facturé 1 700 euros,…
M. Michel Delebarre. Eh bien !
M. Michel Magras. … par des inspecteurs qualifiés, assermentés et agréés pour exercer cette profession à titre privé.
Si vous réduisiez le dispositif aux petits bateaux de sept mètres, je considérerais que ma demande est à moitié satisfaite. Je suis donc prêt à modifier mon amendement en ce sens, si vous allez dans cette direction.
M. Michel Delebarre. Telle est la sagesse de l’assemblée !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Il y a l’objectif visé par l’amendement, mais un certain nombre de vérifications doivent être effectuées.
Monsieur le sénateur, ma position ne peut pas varier aujourd’hui, je peux néanmoins d’ores et déjà vous assurer que nous allons examiner de nouveau la question durant la navette avec les services compétents, afin de trouver une solution susceptible de vous donner satisfaction, au moins partiellement.
Mme Christiane Kammermann. Dommage !
M. Michel Delebarre. Que fait-on ? On suspend ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. J’entends bien les propos de Mme la ministre. Toutefois, s’agissant d’une proposition de loi organique, je ne sais pas si cette disposition devrait être réintroduite à l’Assemblée nationale au cours de la navette et si, la procédure accélérée n’ayant pas été engagée, le texte fera l’objet d’une deuxième lecture et, éventuellement, d’une commission mixte paritaire. N’étant pas suffisamment spécialiste en la matière, je ne peux vous dire précisément comment l’examen de ce texte va se dérouler.
Je crains que l’Assemblée nationale n’introduise une disposition que le Sénat n’aurait pas envisagée. Pour ma part, je serais tenté de proposer à mes collègues d’adopter mon amendement modifié afin qu’il concerne les seuls bateaux de moins de sept mètres, quitte à ce que cette disposition soit supprimée à l’Assemblée nationale si elle n’est pas conforme à la réglementation.
Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je suis prêt à poursuivre la discussion avec les services de la direction de la mer et de la direction nationale des douanes, en souhaitant que vos services continuent à piloter et arbitrer, comme ils l’ont fait depuis 2011.
M. le président. Monsieur Magras, rectifiez-vous votre amendement ?
M. Michel Magras. Oui, monsieur le président, je le rectifie, afin qu’il vise à insérer les mots « carte et titre de navigation des navires de plaisance à usage personnel non soumis à francisation ; »