Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yvon Collin. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, que M. Jacques Mézard a développées avec tout le talent qu’on lui connaît et en un peu plus de minutes que je n’en dispose, le RDSE a souhaité mettre en débat la question de la durée du mandat présidentiel. Nous savons qu’il suffirait d’approuver notre texte pour modifier considérablement l’équilibre de nos institutions et la pratique même du pouvoir par les acteurs politiques. Pour le dire autrement, il s’agit d’une mesure simple, mais qui peut entraîner de profonds changements. C’est la raison pour laquelle je vous invite à mon tour, mes chers collègues, à la soutenir avec conviction et ardeur. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a fait la commission des lois au cours de l’examen de la présente proposition de loi, je souhaite remercier ses auteurs, M. Jacques Mézard et plusieurs membres du groupe du RDSE, de permettre au Sénat d’ouvrir le débat sur la présidentialisation et la personnalisation du pouvoir politique sous la Ve République.
Ce texte prévoit en effet que le Président de la République est élu, comme c’était le cas par le passé, pour sept ans au suffrage universel direct et que nul ne peut exercer deux mandats consécutifs.
D’un rôle de représentation et d’influence sous la IVe République, la fonction présidentielle a vu ses pouvoirs considérablement renforcés, conformément à la pensée constitutionnelle du général de Gaulle, énoncée dès 1946 dans le discours de Bayeux.
En effet, la Constitution de 1958, révisée en 1962, marque une rupture dans l’histoire des institutions françaises. « Chef de l’État », le Président de la République retrouve le droit de grâce ; il est « garant de l’indépendance nationale ».
Sans revenir sur chacune des grandes dates qui ont pu marquer l’évolution de la fonction présidentielle depuis 1958, je tiens à rappeler que le passage au quinquennat, adopté en 2000, a été envisagé dans la poursuite de l’objectif engagé par la Constitution de 1958, à savoir le renforcement du rôle du Président, en s’inscrivant dans un contexte politique et médiatique accéléré : le chef de l’État devient chef de la majorité parlementaire, en effaçant en grande partie la fonction de Premier ministre, sauf en période de cohabitation.
C’est pourquoi le rapporteur, M. Hugues Portelli, en a conclu que, compte tenu du système politique français, cette proposition de loi, si elle était adoptée, aurait pour effet d’affaiblir la fonction présidentielle en la déconnectant du rythme désormais accéléré du temps politique.
L’adoption de ce texte créerait les effets négatifs suivants : réapparition de la cohabitation et suppression de toute responsabilité politique en fin de mandat présidentiel.
Précisons tout de même que ce dernier point, à savoir le choix de recourir à un mandat non renouvelable, n’a jamais été justifié dans l’exposé des motifs de la présente proposition de loi constitutionnelle.
Le groupe UMP est favorable au maintien du quinquennat dans son contour actuel, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, à l’occasion de l’examen du texte devenu loi constitutionnelle du 2 octobre 2000, plusieurs orateurs ont démontré que le passage au quinquennat devait permettre de rééquilibrer les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
À cette occasion, le sénateur Jacques Larché, alors rapporteur de la commission des lois du Sénat, avait précisé que les institutions de la Ve République n’avaient pas été conçues pour un Président de la République élu au suffrage universel direct, tant et si bien que le passage à ce mode de suffrage, sans modification de ses pouvoirs et responsabilités constitutionnelles, avait créé une très forte asymétrie entre le Président de la République et le Parlement, mais également entre le Président et le Premier ministre. Il précisait ainsi : « Les liens entre le Parlement et le Président sont asymétriques : le Président peut dissoudre, mais la motion de censure s’exerce à l’égard du Gouvernement ; le Président ne peut venir s’exprimer en personne devant les assemblées et celles-ci ne peuvent le mettre en cause que devant la Haute Cour de justice. » Il ajoutait : « En dehors de l’élection, le Président n’est donc soumis à un contrôle que de sa propre initiative. »
Le passage au quinquennat visait donc à rationaliser les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Ensuite, il est à noter qu’un septennat conduit à un très fort risque de cohabitation, notamment dans les deux dernières années, compte tenu du décalage de deux ans entre la durée du mandat présidentiel et celle du mandat législatif. Un rééquilibrage s’imposait.
C’est dans ce contexte que la garde des sceaux de l’époque, Mme Élisabeth Guigou, a affirmé : « La cohabitation, si elle reparaît, ne le fera que de manière brève et exceptionnelle. Sa disparition, j’y insiste, n’est pas l’objet de la réforme. Sa raréfaction en sera un effet secondaire mais bienvenu ».
Le quinquennat est selon moi une adaptation nécessaire à l’accélération de l’histoire que nous vivons depuis quelques décennies, avec la multiplication des médias, l’avènement de nouveaux moyens de communication, la mondialisation, et j’en passe. Nos institutions, plus que jamais, doivent être en cohérence avec la société, ses progrès et ses attentes.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très juste !
Mme Catherine Troendlé. Le quinquennat, en donnant la parole à la souveraineté populaire tous les cinq ans – et non plus tous les sept ans –, permet de mieux prendre en compte cette ère nouvelle de diffusion immédiate de l’information. Finalement, il redonne au peuple un peu de sa souveraineté, en lui permettant de faire des choix démocratiques plus réguliers.
Néanmoins, il est important de noter que le passage du septennat au quinquennat en 2000 s’est accompagné d’une profonde réforme institutionnelle touchant au fonctionnement du Parlement, qui s’est vu notamment doté d’une capacité de contrôle accrue du pouvoir exécutif et d’une plus grande autonomie. C’est l’apport décisif de la révision constitutionnelle de 2008.
En effet, loin d’être isolée, la mesure prévoyant le passage au quinquennat s’est inscrite dans une vision plus large de la révision, que dis-je, de l’adaptation de nos institutions à la France d’aujourd’hui.
Il serait donc illogique d’imaginer un retour au septennat, accompagné de surcroît d’une mesure prévoyant que nul ne peut exercer deux mandats consécutifs.
Ne cédons pas, mes chers collègues, aux sirènes d’une nostalgie aussi illusoire qu’anachronique, qui, dans la société française actuelle, ne peut à mon avis tenir ses promesses.
En conclusion, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe UMP du Sénat votera, vous l’aurez compris, contre cette proposition de loi constitutionnelle.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi initiale.
proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du président de la république et à le rendre non renouvelable
Article unique
L’article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le Président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct.
« Nul ne peut exercer deux mandats consécutifs.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le mot : « procédé », la fin du dernier alinéa de l'article 12 de la Constitution est ainsi rédigée : « qu’à une dissolution par mandat présidentiel. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite, avant de défendre cet amendement, donner ma position sur ce débat et rendre hommage au groupe du RDSE, dont la proposition de loi nous permet de réfléchir à l’évolution de nos institutions, même si ce texte, compte tenu de son origine parlementaire, pourrait ne pas prospérer.
D’abord, plusieurs pays de l’Union européenne élisent leur président de la République au suffrage universel, tout en restant des régimes parlementaires, puisque les majorités se font au sein du Parlement. Tel n’est pas toujours le cas en France, le quinquennat et l’inversion du calendrier ayant profondément transformé la vie politique.
Les élections législatives sont en quelque sorte un troisième tour de l’élection présidentielle, le mandat des députés commençant et prenant fin en même temps que celui du Président de la République, à un mois près.
Cela a profondément changé la vie politique. Les partis, le parti socialiste dans un premier temps, l’UMP maintenant, se sont mis à organiser des primaires pour désigner leur candidat à l’élection présidentielle. Finalement, le débat porte non plus sur les options et les propositions politiques, mais sur le choix du meilleur candidat, sur celui qui semble avoir la plus grande capacité de rassemblement.
C’est peut-être bien pour l’élection présidentielle, mais cela ne l’est pas pour débattre des options politiques nécessaires au pays. In fine, le peuple se retrouve sans choix réel, les propositions des partis demeurant assez floues.
Voulons-nous confirmer cette orientation qui liquide l’efficacité du débat politique en France et qui, force est de le constater, s’inscrit en contradiction avec la nécessaire séparation des pouvoirs, le pouvoir législatif – en tout cas, celui des députés – procédant totalement de l’élection du Président de la République ?
Certains disent que le monde moderne est un monde rapide. C’est vrai, et c’est l’argument qui avait été avancé pour justifier le passage du septennat au quinquennat. Toutefois, l’action politique qui change la vie mérite encore un engagement sur la durée. Céder à l’immédiateté, c’est faire croire qu’il est possible de mener une action, de changer les choses grâce à Twitter plutôt que par le rassemblement des hommes et des femmes et par l’action.
On ne peut certainement pas valider cette orientation, de même qu’il n’est pas souhaitable que l’engagement citoyen soit simplement un engagement immédiat qui ne s’inscrit pas dans la durée.
Si le monde moderne est rapide, il est également complexe. Comment pouvons-nous imaginer que l’acte citoyen majeur dans notre République serait de confier une fois tous les cinq ans les clés d’un pays à un seul homme et d’évaluer ce dernier au terme de ce quinquennat ? Est-ce l’engagement citoyen que nous attendons des Français ?
Vingt-sept des vingt-huit pays membres de l’Union européenne sont des régimes parlementaires. Seul chef d’État au Conseil européen, le Président français, finalement, exprime des positions sans disposer derrière lui de la force d’une majorité parlementaire l’obligeant à défendre les intérêts de notre pays.
Ce décalage nous empêche aussi de peser résolument sur les évolutions nécessaires de la gouvernance de l’Union européenne, laquelle devrait être plus fédérale. Notre régime présidentiel l’en empêche, nos institutions ne permettant pas à notre pays de prendre toute sa place en Europe, de peser sur son évolution et de mieux défendre nos intérêts.
Par cet amendement, je veux souligner à quel point il est essentiel que le Président de la République ne soit pas le chef d’une majorité, mais ait un rôle d’arbitre. C’est pourquoi nous proposons qu’il ne lui soit possible de procéder à une dissolution qu’une seule fois au cours de son mandat, en cas de crise.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Il eût sans doute été possible de formuler une proposition différente, mais celle-ci nous a paru la meilleure : si le Président veut se garder la possibilité de dissoudre pour le cas échéant trancher une situation de crise, il ne prononcera pas la dissolution de l’Assemblée nationale dans la foulée de l’élection présidentielle.
En conclusion, je veux dire que les événements des 7 et 9 janvier ont, pour certains, montré la force de nos institutions. À mon sens, ils ont d’abord montré la force de notre peuple et son attachement à la République. Si, finalement, le pouvoir exécutif se trouve aujourd’hui renforcé, c’est parce que, pour la première fois depuis bien longtemps, le Président de la République et le Premier ministre ont exercé chacun un rôle différent : l’un comme chef de l’État arbitre et l’autre comme chef de la majorité.
Nous aurions intérêt à fixer mieux ces règles dans nos institutions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission émet un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
Depuis la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 et le passage au quinquennat, l’arme de la dissolution n’a plus été utilisée ; elle ne l’a été qu’au cours des périodes de septennat.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais la menace plane !
M. Gilbert Barbier. C’est une arme de dissuasion !
M. Hugues Portelli, rapporteur. Je me place un instant du point de vue des auteurs de la proposition de loi.
La dissolution, c’est une arme dont dispose le Président de la République en tant qu’arbitre.
M. Hugues Portelli, rapporteur. C’est ainsi que tout le monde l’a entendu lors des travaux préparatoires de la Constitution de 1958. Le président-arbitre peut être amené à dissoudre en cas de crise parlementaire lorsqu’il ne dispose plus de majorité ou en cas de crise sociale, comme ce fut le cas en 1968.
François Mitterrand y a eu recours à deux reprises, tandis que le général de Gaulle a dissous au lendemain du renversement du gouvernement Pompidou en 1962, ainsi qu’en 1968.
Le Président de la République, en tant que président-arbitre, dispose donc d’un vrai usage du droit de dissolution. Dans le cadre d’un septennat – mandat long –, il n’est pas envisageable que celui-ci puisse être limité dans la mesure où l’on ignore quelles circonstances pourraient survenir.
M. Anziani l’a dit tout à l’heure, la suppression du droit de dissolution serait envisageable dans le cadre d’un quinquennat, les députés étant élus quasiment dans la foulée du Président de la République. En revanche, dans l’hypothèse d’un retour au septennat, cela n’a pas beaucoup de sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Pour des raisons qu’a très bien expliquées M. le rapporteur, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. Tout d’abord, je remercie Mme la secrétaire d’État de sa présence parmi nous ce matin, présence que je considère comme un geste d’amitié personnelle envers notre groupe. Ces propos liminaires me permettront de taire les réflexions que m’inspire l’absence d’autres ministres compétents en la matière. Cela étant, nous avons désormais l’habitude d’un tel comportement de l’exécutif à l’égard du Sénat…
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. Voilà, c’est dit !
En dépit des explications de notre excellent rapporteur, qui reste figé sur une position de principe que nous connaissons, nous voterons cet amendement, dont l’adoption tendrait à donner un coup d’arrêt à une certaine hyperprésidence.
Quels sont les termes du débat ? Il est trop facile de prétendre que nous voudrions en revenir à des périodes anciennes : Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a très bien expliqué notre objectif. Rappelons-nous que, pendant plusieurs années, l’ancien président du Sénat, Gaston Monnerville, a annoncé très clairement tout ce qui est en train de se réaliser aujourd’hui, la situation de plus en plus dramatique à laquelle notre pays est confronté.
Aujourd’hui, cela vient d’être rappelé, le régime français est une exception en Europe. Nous sommes le seul pays européen à être en réalité une monarchie républicaine, le pouvoir étant quasi intégralement détenu par un homme, le Président de la République, lequel est entouré d’une haute fonction publique extrêmement élitiste que l’on retrouve partout, y compris sur les bancs du Parlement. Voilà la réalité de ce pays !
Le Parlement, je le dis comme je le pense, est écrasé. La révision constitutionnelle, paraît-il, aurait accru ses pouvoirs ; or nous sommes presque unanimes à considérer qu’il faudrait réduire ou supprimer les semaines de contrôle. Pourquoi ? Parce que les gouvernements, quels qu’ils soient, quelle que soit la majorité en place, ont peu de considération pour les votes du Parlement. De fait, il n’est pas anormal que les deux partis dominants veuillent peu ou prou préserver un système grâce auquel, tous les cinq ans – c’est mieux que tous les sept ans ! –, ils disposent à tour de rôle de tout le pouvoir ! À l’évidence, ils nous en font la démonstration depuis pratiquement vingt-cinq ans. Voilà ce qui a conduit notre régime et notre pays dans la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Aussi extraordinaire que cela paraisse, alors que l’exécutif méprise le plus souvent le Parlement, en particulier le bicamérisme, il vante par exemple les mérites du Conseil économique, social et environnemental, où il peut nommer qui il veut comme il veut. Voilà ce qu’est devenue aujourd’hui la Ve République !
Évidemment, dire cela n’est pas facile, les médias boboistes parisiens étant toujours déchaînés quand il s’agit de maintenir ce politiquement correct (Ah oui ! sur les travées du RDSE.) qui mène notre pays dans une voie sans issue d’où il faudra le faire sortir un jour autrement – et je le souhaite – que par les mouvements de rue. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC.– M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. On nous dit que l’adoption de cette proposition de loi, ainsi que celle de cet amendement, affaiblirait le Président de la République. Eh bien oui ! Et heureusement !
M. Gilbert Barbier. C’est fait pour !
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, c’est fait pour !
Nous savons dans quelles conditions et pourquoi est née la Ve République. On nous dit qu’il faut un pouvoir fort ; mais, ce pouvoir fort, c’est déjà la réalité ! C’est d’ailleurs le seul pouvoir !
Comme il est dit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dans la lignée de Montesquieu, « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Qu’a-t-il fait, ce pouvoir fort, depuis 2007, et même depuis 2000 ? A-t-il vu venir la crise ? A-t-il engagé le début du règlement de cette crise ? A-t-il une politique européenne ? On cherche…
Ce pouvoir fort, parce qu’il est ligoté, est devenu un pouvoir faible. Les alternances à la présidence de la République ne changent rien – je ne parle pas des décorations… – parce que, sur le fond, c’est exactement la même politique qui est menée. D’où le désespoir des gens, qui, à force d’être pris pour des ânes, ont parfois des comportements surprenants.
Certains parlent d’une hyperprésidence, d’une monarchie républicaine. Non ! Le mot qui désigne le mieux ce régime, c’est celui de consulat, que Sieyès définissait ainsi : « L’autorité vient d’en haut, la confiance vient d’en bas. »
Du temps du Consulat, c’étaient les grognards de l’Empereur qui menaient au pouvoir ; de nos jours, ce sont les élections, tous les cinq ans, qui permettent d’y accéder. Une fois élus, les parlementaires n’ont plus qu’à entériner les décisions du pouvoir, celui-ci ayant à sa disposition toutes sortes de procédés pour passer outre un éventuel refus.
Et vous trouvez cela génial !
Bien sûr, nous sommes bien conscients que l’adoption tant de cette proposition de loi que du présent amendement ne réglerait pas tout ; elle permettrait néanmoins de revenir sur l’inversion du calendrier électoral et le passage au quinquennat, qui ont aggravé la situation.
Certes, comme l’a dit Yvon Collin tout à l’heure, on ne prend qu’un bout du problème, mais c’est un premier pas pour tenter de faire évoluer les choses dans le bon sens. Il faut donc voter cet amendement et cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Notre groupe souscrit aux propos de nos collègues Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard. Il est regrettable que nous ne soyons pas plus nombreux dans cet hémicycle à l’occasion de ce débat essentiel, qui porte sur notre pouvoir en tant que parlementaires. C’est cela qui est en jeu, et certains de nos collègues ne le comprennent probablement pas.
Que nous soyons de droite ou de gauche, nous dépendons tous du pouvoir présidentiel. Si un pouvoir aussi fort ne trouve pas face à lui un contre-pouvoir libre dans son mode d’élection – et cette question est soulevée par la proposition de loi du groupe du RDSE –, alors les représentants du peuple que nous sommes continueront à être affaiblis.
La contestation des parlements a toujours existé. Elle est parfois considérée sur le mode humoristique alors que c’est grave. À cet égard, nous devrions être beaucoup plus conscients des enjeux posés à travers ce texte.
Il existe bien d’autres solutions pour essayer non pas d’affaiblir le pouvoir présidentiel, mais de rétablir l’équilibre entre celui-ci et le pouvoir du Parlement. Cette proposition de loi constitutionnelle en est une, et c’est pourquoi les deux tiers de notre groupe – j’aurais aimé l’unanimité sur cette question, mais il y a déjà un progrès – la voteront. En tout cas, je tiens à remercier nos collègues du RDSE. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du RDSE. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Bien que membre du groupe UMP, je suis favorable à cette proposition de loi constitutionnelle.
Tous les orateurs exposent les limites du quinquennat actuel, lequel ne dure en réalité que deux ans : il faut en effet un an pour la mise en place du Président de la République et deux ans pour la préparation de sa réélection. En outre, les sondages qui, tout au long du quinquennat, publient régulièrement la cote de popularité du Président de la République compliquent encore la situation.
Le Président de la République, qu’il soit de droite ou de gauche, est aujourd’hui un monarque. C’est lui qui dirige la France.
Si l’on veut aller au bout du régime présidentiel, il faut alors supprimer le Premier ministre, réduire de façon drastique le nombre de membres du Gouvernement et inscrire ces dispositions dans la Constitution, puisque le pouvoir est concentré entre les mains d’un seul homme entouré de technocrates. Soyons logiques !
En outre – permettez-moi une note d’humour –, le rétablissement du septennat permettrait sur le long terme une réduction du nombre de présidents de la République, et donc une diminution des frais liés aux anciens présidents ! (Mme Éliane Assassi et Laurence Cohen rient.)
Cette proposition de loi présente au moins le mérite de soulever le problème du quinquennat et de susciter la discussion. Quand nous discutons entre nous, nous sommes nombreux à considérer que le quinquennat a atteint ses limites. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la secrétaire d’État, nous discutons d’un amendement qui vise à restreindre le droit de dissolution du Président de la République. Notre collègue Pierre-Yves Collombat a assumé son souhait de parvenir, par cet amendement, à un affaiblissement des pouvoirs du Président de la République, lesquels, d’après lui, seraient excessifs et auraient tendance à absorber tous les autres pouvoirs.
Je rappellerai tout d’abord que l’exercice du droit de dissolution, par ses effets, n’a pas toujours conduit à un renforcement du rôle du Président de la République. Nous avons ainsi tous en mémoire des dissolutions qui n’ont pas permis au Chef de l’État de disposer à l’Assemblée nationale d’une majorité conforme à ses vœux. On ne peut donc affirmer que l’exercice du droit de dissolution renforce toujours le Chef de l’État.
J’esquisserai ensuite une autre interprétation du droit de dissolution : cette procédure permet, pour sortir d’une crise, de rendre la parole au peuple, lequel envoie une majorité à l’Assemblée nationale afin que le pays puisse être gouverné.
Au fond, la question n’est pas celle de l’affaiblissement ou du renforcement du pouvoir présidentiel ; c’est bien la démocratie qui est en jeu. Le droit de dissolution est, à coup sûr, un élément qui conforte la démocratie.
On voit mal pourquoi, dans un pays qui a tant de difficultés à résoudre ses problèmes, dans un monde au sein duquel les dangers sont chaque jour plus évidents, il faudrait priver nos institutions d’un instrument donnant au peuple français la possibilité de s’exprimer avec force et de dégager une majorité.
Si nous limitons les possibilités du recours à la dissolution, il sera alors impossible, en période de confusion, c’est-à-dire en l’absence de majorité parlementaire claire, fidèle et unie pour mettre en œuvre une politique, il sera alors impossible, disais-je, de résoudre les difficultés.
C’est la raison pour laquelle il me semble imprudent de restreindre davantage le droit de dissolution. Pour ma part, comme la commission des lois et son rapporteur, je suis tout à fait défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je souhaite répondre aux auteurs de la proposition de loi constitutionnelle.
Mes chers collègues, au fond, vous vous trompez de texte. Si votre objectif est de diminuer les pouvoirs du Président de la République, comme vous l’avez indiqué à plusieurs reprises, il convient alors de revoir non pas la durée du mandat, mais le mode d’élection, en proposant dans un nouveau texte la suppression de l’élection du Président de la République au suffrage universel et l’instauration d’un autre mode d’élection. Là, vous serez au cœur du débat.
Si votre objectif consiste à renforcer les pouvoirs du Parlement, il vous faut alors déposer une proposition de loi constitutionnelle visant à supprimer le droit de dissolution, à supprimer le poste de Premier ministre, et surtout, comme dans d’autres pays, à confier l’initiative législative au Parlement et non plus à l’exécutif. Ainsi, vous renforcerez vraiment la démocratie parlementaire.
En l’état, je ne vois pas en quoi la réduction de la durée du mandat aboutira aux objectifs qui sont les vôtres.