Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation des finances locales est une question très importante. Mon temps de parole étant limité à six minutes, je me contenterai d’aborder, ou plutôt d’effleurer, trois aspects de cette question : premièrement, l’évolution récente de la situation financière des collectivités ; deuxièmement, l’importance de l’investissement local ; troisièmement, le problème des emprunts toxiques, qui s’aggrave de nouveau.
En ce qui concerne la situation financière des collectivités territoriales, une certaine incompréhension, il faut le dire clairement, règne entre ce qui est vécu sur le terrain et ce qui est perçu à l’échelon central, notamment à Bercy. Certaines collectivités territoriales, plus particulièrement les départements, ont vu leurs ressources fiscales stagner ou augmenter légèrement, et leurs dépenses, en particulier sociales, parfois exploser.
Sur le terrain, la persistance des normes, les transferts de compétences pas toujours compensés à 100 % et, maintenant, la réduction de la dotation globale de fonctionnement engendrent logiquement des discours peu positifs, pointant la dégradation des finances locales et l’ampleur des difficultés à venir, révélateurs d’une vision assez pessimiste de la situation actuelle et des perspectives d’avenir.
À Bercy, mais aussi dans les études macroéconomiques de l’INSEE ou de la Banque postale, le constat est plus nuancé. Je souligne que, de 2004 à 2013, l’épargne brute des collectivités a augmenté de 31 milliards à 38 milliards d’euros selon la Banque postale ; malgré l’augmentation concomitante de la dette, il ne fallait, en 2013, que 4,4 années d’épargne brute pour rembourser la dette des collectivités, ce qui laisse, objectivement, des marges de manœuvre.
Dans une grande ville que je connais bien, au moment de la discussion des orientations budgétaires, j’ai pu moi-même constater que, pour 2015, la baisse des dotations était évaluée à 5 millions d’euros, mais que la croissance des bases était un peu supérieure à 4 millions d’euros et que la baisse des taux d’intérêt engendrait une économie de 1,5 million d’euros. Malgré les difficultés, on peut donc considérer que la situation est gérable.
En revanche, pour 2016 et 2017, on est en droit d’être inquiet. On attend des collectivités des efforts de rationalisation, mais chacun sait bien que ces efforts ne produisent tous leurs effets que dans le temps, tandis que les ponctions sur les budgets des collectivités annoncées pour 2016 et 2017 ne sont pas négligeables. Personne ne peut affirmer qu’il sera facile, pour les collectivités, de réaliser les économies nécessaires sur leurs dépenses de fonctionnement. L’État doit le reconnaître. La situation serait encore pire si, comme on l’entend parfois demander, le plan d’économies sur les dépenses publiques devait s’élever à 150 milliards d’euros au lieu de 50 milliards…
Que peut-on envisager pour 2016 et 2017 s’agissant de l’investissement local ? C’est une question essentielle. Plusieurs éléments extérieurs, tels que la baisse de l’euro, la diminution du prix du pétrole, la nouvelle politique de la Banque centrale européenne, ouvrent des perspectives de croissance devant à mon sens être accompagnées, sur le terrain, par une reprise de l’investissement local, qui représente plus de 70 % de l’investissement public.
Sur le plan macroéconomique, les collectivités peuvent aller plus loin, en étant raisonnables, grâce à la faiblesse de leur taux d’endettement. Cela étant, il me semble nécessaire que l’État prenne des initiatives pour éviter la déprime collective qui risque de s’installer dans l’esprit d’un certain nombre de nos collègues élus locaux. En économie, on le sait, les facteurs psychologiques sont souvent aussi importants, voire davantage, que les réalités objectives. Il faut donc tout faire pour que, contrairement aux prévisions qui circulent aujourd’hui, l’investissement public se redresse en 2016 et en 2017 et apporte ainsi son concours à la croissance.
Un économiste de l’Observatoire français des conjectures économiques, Éric Heyer, soulignait récemment que 1 euro d’investissement public engendrait 3 euros d’activité et par suite, compte tenu du niveau actuel des prélèvements obligatoires, 1,5 euro de recettes fiscales, ce qui contribue à la résorption des déficits. C’est un point que nous devons avoir à l’esprit.
En conclusion, je dirai quelques mots des emprunts toxiques. C’est une longue histoire, qui a conduit voilà quelques années à la mise en place d’un fonds de soutien. Celui-ci a permis d’aider certaines collectivités, sans résoudre pour autant tous les problèmes. Plusieurs dizaines d’entre elles sont aujourd’hui confrontées à la forte hausse du franc suisse par rapport à l’euro. Il faut se pencher sur ce problème, important pour les collectivités concernées mais aussi pour le système bancaire, notamment pour la Société de financement local, la SFIL. En 2012, ce type d’emprunts représentait un risque de 3 milliards d’euros ; il serait souhaitable de savoir ce qu’il en est aujourd’hui après cette évolution des parités et combien de collectivités sont touchées, sachant que ces dernières devront faire face à des taux d’intérêt délirants, qui pourront atteindre 25 %, 30 %, voire 40 % ! Cette situation n’est acceptable pour les contribuables locaux ni sur le plan financier ni sur le plan moral. Il convient donc de relancer la réflexion et l’action sur ce sujet.
Mes chers collègues, je me souviens avoir participé, à la fin de 2008, à des réunions d’élus locaux au sujet des emprunts toxiques. Il nous avait alors semblé nécessaire de résoudre le problème au plus vite, de peur qu’il ne prenne des proportions explosives. Sept ans plus tard, malheureusement, l’explosion nous menace ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Christian Favier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les dotations de l’État aux collectivités territoriales diminueront de 11 milliards d’euros entre 2015 et 2017, après avoir déjà baissé de 1,5 milliard d’euros en 2014. Cela a déjà été souligné, les possibles répercussions de ces baisses sur la qualité des services rendus à la population sont préoccupantes.
Sans perdre de vue l’équilibre des comptes de la nation, les écologistes s’opposent à la baisse de ces dotations : nous n’acceptons pas que la résorption de la dette publique se fasse au détriment des services publics territoriaux !
Nous considérons que la forte baisse annoncée met en péril la capacité d’animation des collectivités territoriales, et donc le dynamisme des territoires. En effet, comme nos collègues Dallier, Mézard et Guené, nous estimons que, dans bien des cas, la baisse des dépenses de fonctionnement ne suffira pas à équilibrer les budgets locaux – même s’il est vrai qu’il existe de grandes différences entre collectivités territoriales, et que certaines sont bel et bien en mesure de réaliser des économies de fonctionnement –, de sorte que les investissements devront également être revus à la baisse. Or réduire la capacité d’investissement des collectivités territoriales nous semble particulièrement périlleux en période de crise, alors que cet investissement joue un rôle central pour l’emploi local.
Les écologistes, qui n’ignorent pas les contraintes que le contexte budgétaire tendu fait peser sur l’action du Gouvernement, ont plusieurs pistes d’avenir à présenter en matière de finances locales.
La première concerne la réforme de la dotation globale de fonctionnement, ou plutôt des dix-huit dotations que l’État verse aux collectivités territoriales, sur le fondement d’une myriade de critères qui se superposent, rendant le mécanisme à peu près illisible. Il faut clarifier les choses, avec l’objectif prioritaire de réduire les inégalités qu’engendre ce dispositif : aujourd’hui, les montants de DGF par habitant varient de un à quatre ! Ainsi, les élus locaux ne font souvent plus le lien entre, d’une part, la situation de leur territoire et les décisions qu’ils prennent, et, d’autre part, l’évolution de la DGF.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, une mission parlementaire va commencer à travailler sur ce dossier. Elle devra déboucher sur des propositions précises, visant à améliorer à la fois la lisibilité et la prédictibilité du dispositif, ainsi que la solidarité territoriale et les péréquations qui doivent être au cœur de la DGF.
Je rappelle que le groupe écologiste avait déposé un amendement au projet de loi NOTRe visant à établir un principe directeur en matière de péréquation : il s’agissait de fixer une fourchette maximale d’écarts de richesse, et de ne pas prendre en compte seulement des critères monétaires.
Il faudra aussi bien préciser comment la charge de la baisse annoncée de la DGF sera répartie entre les différents territoires. En ce qui nous concerne, nous proposons de lier la baisse de la dotation à la situation sociale du territoire et au respect, par la collectivité territoriale, d’un certain nombre d’obligations. Par exemple, il serait simple et pertinent d’indexer cette baisse sur le taux de logements sociaux du territoire. De fait, mes chers collègues, nous connaissons tous des collectivités territoriales qui n’ont toujours pas fait l’effort d’augmenter leur taux de logements sociaux ; il serait assez normal qu’elles soient particulièrement touchées par la baisse de la DGF.
Il est tout à fait clair que certaines communes, notamment en deuxième couronne parisienne et en banlieue, disposent de ressources fiscales faibles alors qu’elles comptent un très grand nombre de ménages modestes. Nous savons bien qu’elles ne pourront pas faire face à une baisse de la DGF.
Cela m’amène à évoquer la nécessaire réforme des bases fiscales. Je ne doute pas que notre collègue François Baroin, président de l’Association des maires de France, fera preuve de volontarisme sur ce sujet. Le fait est que la situation actuelle est source de difficultés pour un grand nombre d’intercommunalités.
Par ailleurs, en ce qui concerne la péréquation horizontale, il convient de réexaminer les marges de manœuvre disponibles au sein du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
À cet égard, nous avons proposé, au cours de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation de la République, l’instauration d’une péréquation entre les communes d’une même région, sur le modèle de celle qui est assurée par le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF. Un mécanisme de ce type donnerait une traduction concrète, au-delà des discours ou des procès d’intention, de la volonté politique de faire participer plus clairement les métropoles et les territoires riches au financement des besoins de développement de l’ensemble du territoire régional.
Un autre vaste chantier s’ouvre devant nous : celui de la mutualisation. Le rapport d’évaluation des mutualisations au sein du bloc communal, remis le 22 janvier au Gouvernement et à l’AMF, tombe à pic. Il ouvre quelques pistes intéressantes, à commencer par l’idée d’accompagner les mutualisations d’un soutien financier, sous la forme d’une incitation fiscale ou du maintien de la dotation pendant la phase de mise en place. En effet, toute mutualisation commence par engendrer un surcoût avant de produire des économies.
Or, sous l’effet de la baisse de la DGF, qui a déjà commencé, on assiste plutôt à une forme de repli, notamment des intercommunalités : comme les recettes diminuent, les présidents d’intercommunalité sont souvent extrêmement réticents à approfondir les mutualisations, alors que celles-ci représentent l’un des gisements possibles d’économies de fonctionnement. Le mécanisme est simple à comprendre : quand on a moins, on est réticent à développer de nouveaux services et, en définitive, on mutualise moins.
Le rapport envisage aussi la possibilité d’assouplir le cadre juridique. Cela nous semble nécessaire, en vue notamment d’autoriser la mutualisation de tous les types de services entre intercommunalités ou entre communes et intercommunalités. Ainsi, la mutualisation pourrait être pratiquée plus largement.
Nous soulèverons de nouveau cette question au cours de l’examen en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, puisque les amendements que nous avions déposés sur ce sujet en première lecture n’ont pas été adoptés et que les réponses données par M. le rapporteur ne nous ont pas pleinement satisfaits. Peut-être pourrons-nous mettre à profit le temps qui nous sépare de la deuxième lecture pour faire avancer ce débat important et trouver des formulations qui fassent consensus entre nous.
Une autre piste à explorer est particulièrement d’actualité, alors que nous sommes sur le point d’entamer l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte : celle des investissements publics liés à la transition énergétique. Outre qu’ils entraînent à terme une baisse des charges, le retour sur ces investissements concourt à une bonne gestion des collectivités territoriales.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de l’urgence climatique et de la menace planant sur les investissements publics, ne pourrait-on pas faire bénéficier ces investissements liés à la transition énergétique d’une prise en compte différenciée pour le calcul du taux d’endettement des collectivités territoriales ? Ainsi, les collectivités territoriales qui se mobilisent sur ce dossier ne seraient pas pénalisées par une explosion de leur niveau d’endettement. Cette question est technique et assez complexe, mais elle représente un enjeu majeur dans la perspective de la transition énergétique.
Pour conclure, je tiens à insister sur une évidence : les collectivités territoriales riches, souvent dotées de moyens humains plus importants que les collectivités territoriales plus petites et plus fragiles, sont davantage capables que ces dernières de développer de nouveaux projets, et donc de capter les financements. Les régions, garantes demain de l’équilibre territorial, devront être attentives à ce problème et mettre en place des outils d’accompagnement en amont des projets.
Telles sont, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelques-unes des propositions que les écologistes ont à verser à ce débat. Le chantier est vaste, mais les enjeux sont essentiels : il s’agit ni plus ni moins que de remettre la solidarité et l’équilibre des territoires au cœur de l’action publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut que saluer l’initiative du groupe UMP d’avoir proposé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat sur l’évolution des finances locales.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Éric Bocquet. Il s’agit d’un sujet récurrent et ô combien important pour les représentants des communes de France que nous sommes.
Les uns et les autres, nous avons participé, ces dernières semaines, aux cérémonies de vœux dans nos territoires respectifs. Je suis prêt à parier un euro – symbolique – que nous avons tous entendu s’exprimer l’inquiétude des maires et des élus locaux face à la baisse des dotations aux collectivités territoriales et aux difficultés qui s’annoncent pour la mise en œuvre des programmes sur lesquels les maires ont été élus il y a moins d’un an !
M. Charles Revet. C’est bien vrai !
M. Éric Bocquet. Il faut malheureusement souligner que nous sommes passés du gel des dotations, en vigueur pendant le dernier quinquennat, à une baisse de 11 milliards d’euros annoncée pour les trois années qui viennent. L’histoire des finances locales s’apparente décidément de plus en plus à une régression lente mais certaine !
Pourtant, le budget des collectivités territoriales est obligatoirement équilibré, et leur dette est parfaitement stable depuis trente ans. En outre, elles réalisent encore plus de 70 % de l’investissement public dans notre pays, or l’investissement crée des actifs, et non du déficit ! À cet égard, nous partageons le constat dressé par M. Baroin, même si nous avons combattu les choix opérés par le gouvernement dont il faisait partie.
Voilà vingt-deux ans, le gouvernement de M. Balladur réformait profondément la dotation globale de fonctionnement et procédait au gel des dotations. Deux ans plus tard, le ministre de l’économie centriste d’un autre gouvernement, notre ancien collègue Jean Arthuis, créait l’enveloppe normée des concours budgétaires de l’État aux collectivités territoriales, dispositif resté en vigueur depuis lors. Quatre ans après cette brillante initiative, le ministre de l’économie d’un nouveau gouvernement, M. Strauss-Kahn, décidait de supprimer la part de la taxe professionnelle assise sur les salaires.
En 2010, sous l’impulsion du président Sarkozy, la mise en extinction de la taxe professionnelle, engagée dès 1999, a été consommée. Cet impôt a été remplacé par une contribution économique territoriale largement insuffisante, qui a fait de nombreux mécontents, et pas seulement parmi les élus locaux.
Voici que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une réduction de 11 milliards d’euros des dotations placées sous enveloppe, à raison d’un tiers de cette somme chaque année pendant trois ans.
Si l’on veut connaître l’avenir, mes chers collègues, il vaut mieux de temps à autre se rappeler le passé ! Or il montre que l’insuffisante évolution de la DGF et l’imparfaite compensation des réductions d’impositions locales expliquent pour une bonne part la progression de la fiscalité locale.
Le débat se situe aussi sur le plan institutionnel, puisque le paysage des collectivités territoriales est mouvant et que d’aucuns escomptent évidemment de la nouvelle organisation territoriale de la République qu’elle conduise à faire partager, dans un consensus établi, l’effort de réduction des dotations.
Une première question se pose : la décentralisation, trop souvent assimilée à un simple transfert de charges de l’État vers les collectivités territoriales, constitue-t-elle toujours la clé universelle des problèmes sociaux et économiques du pays ? La lutte contre le chômage appelle une politique nationale vigoureuse, au besoin relayée par les collectivités territoriales, dont il faut sans cesse rappeler le poids dans l’économie des territoires.
J’en viens à la question fiscale. L’équilibre actuel de la fiscalité locale n’est pas satisfaisant, indépendamment de la spécialisation croissante des ressources par type de collectivités territoriales.
Je profite de ce débat pour mettre de nouveau le doigt sur la différence de traitement entre communes rurales et communes urbaines : les premières perçoivent en moyenne 64 euros de DGF par habitant, les secondes 128 euros !
La contribution économique territoriale n’est plus fixée, pour l’essentiel, par les décisions des collectivités territoriales et de leurs assemblées délibérantes ; elle fait l’objet d’une répartition au niveau national de la seule cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.
L’un des aspects clés du débat est connu : il s’agit de la révision des valeurs locatives cadastrales, une réforme dont le report incessant depuis 1989 a achevé de tronquer totalement le rendement de la taxe d’habitation et celui des taxes foncières.
La soumission à certains dogmes libéraux est la seule cause de la situation ubuesque que nous connaissons aujourd’hui : les logements sociaux de nos zones urbaines sensibles sont surcotés par rapport à la valeur locative des appartements anciens de nos quartiers placés sous protection architecturale et paysagère. Il est temps de mettre un terme à cette situation.
Les principes qui guident le plafonnement de la taxe d’habitation doivent être étendus à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les propriétaires occupants, par exemple.
Faut-il majorer la taxation des résidences secondaires ? La question doit être envisagée, même si l’application d’un correctif fondé sur la capacité contributive du ménage occupant en ce qui concerne la seule habitation principale nous semble un élément de différenciation suffisant.
Concernant la taxe professionnelle, ou du moins l’impôt économique des entreprises, il importe de s’interroger sur les effets de la dernière réforme et, in fine, sur la non-prise en compte, dans l’assiette de la contribution économique territoriale, d’un élément à nos yeux déterminant de l’actif des entreprises : la réalité de leurs actifs financiers.
De longue date, le groupe que je représente ici en a appelé à l’instauration d’une cotisation nationale, donnant lieu à péréquation, sur les actifs financiers des entreprises et leur utilisation. Nous versons de nouveau au débat cette proposition, dont la mise en œuvre assurerait enfin une réelle égalité de traitement fiscal entre les entreprises. En effet, la dernière réforme, menée en 2010, n’a toujours pas résolu le problème que représente l’évidente sous-imposition des secteurs de la banque et de l’assurance et, plus généralement, de nombreuses entreprises de services.
Si cette réforme a permis de réduire l’imposition de certaines branches industrielles, n’oublions pas qu’elle s’est aussi traduite par l’augmentation de la contribution de dizaines de milliers de très petites entreprises.
Certains ont pu qualifier la taxe professionnelle d’« impôt imbécile ». Sans doute eût-il été préférable de la rendre intelligente, plutôt que d’en décider la suppression pure et simple…
Selon nous, il serait de quelque utilité de donner aux très petites entreprises une bouffée d’air frais sous forme de réduction d’impôt, mais il est surtout temps que nous puissions disposer, via la taxation des actifs financiers, d’un véritable outil de péréquation entre les différents niveaux de collectivités.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, les collectivités sont prêtes à jouer leur rôle de levier économique dans leurs territoires respectifs, et donc dans l’ensemble de notre pays. N’oublions jamais que l’égalité de traitement entre les collectivités territoriales doit être la clé de voûte de la réalisation et de la défense des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais m'efforcer d'être mesuré… (Mme la ministre rit.)
M. Charles Revet. M. Mézard est toujours très mesuré !
M. Jacques Mézard. Nous venons d’adopter le projet de loi NOTRe et les dispositions de la loi de finances pour 2015 entrent en vigueur. Celle-ci prévoit une baisse historique des dotations aux collectivités territoriales.
Ce que nous demandons, une fois de plus, c'est de pouvoir identifier précisément la stratégie de l’exécutif. Les finances locales sont semblables à une grande maison dont les murs sont très fissurés, et dans laquelle chaque gouvernement hésite à faire des travaux en raison du risque d'effondrement total de l’édifice. Nous le savons, à chaque réforme des finances locales, ceux qui payent moins sont silencieux, et ceux qui payent plus hurlent, ce qui rend les choses difficiles, quel que soit le gouvernement en place…
En outre, ce grand édifice héberge des habitants dont les conditions de confort sont très variables, marquées par des déséquilibres considérables. J’ai souvent eu l’occasion de le dire à cette tribune : à capital foncier égal, un propriétaire à Paris paie dix fois moins d’impôts qu’un propriétaire à Aurillac. Cette situation est profondément injuste et insupportable pour nos concitoyens ! La révision des bases est urgente et indispensable, tout comme la réforme de la DGF, mais, pour avancer, sous quelque gouvernement que ce soit, il faut un immense courage politique.
Sans faire de procès à personne, je déplore que des réformes soient engagées sans visibilité fiscale. En l’absence de véritable étude d’impact, elles sont forcément dangereuses. Nous l’avons vu avec la suppression de la taxe professionnelle. Au nom de mon groupe, j’avais demandé la création d’une mission sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Je vous invite, mes chers collègues, à lire les conclusions de cette mission, dont Charles Guené était le rapporteur et Anne-Marie Escoffier la présidente : ce fut une réforme menée aux forceps (Mme la ministre acquiesce.), dont les conséquences ont été beaucoup plus graves que prévu. En effet, on nous avait garanti à l’époque une augmentation annuelle de 4 % de la CVAE : on a vu ce qu’il en a été !
Aujourd'hui, nous nous retrouvons face à une situation similaire. Avec nos collègues Charles Guéné et Philippe Dallier, j’ai souhaité que nous fassions un rapport sur les conséquences des baisses de dotations annoncées par le Gouvernement. Notre travail, qui n’est pas achevé, porte sur l’évolution des finances de plus de 38 000 collectivités, réparties en neuf catégories. Nous nous sommes appuyés sur deux indicateurs principaux : le taux d’épargne brute et la capacité de désendettement. Vous connaissez les conclusions de notre rapport d’étape, madame la ministre : je n’ai pas entendu s’exprimer, à leur propos, de véritable contestation…
Avant même l’entrée en vigueur du plan d’économies supplémentaires de 11 milliards d’euros, nos collectivités étaient déjà confrontées à une diminution de leurs marges de manœuvre. Notre rapport a construit deux scenarii pour la période 2015-2017, fondés, d’une part, sur une projection « au fil de l’eau », reposant sur une baisse de dotation de 1,5 milliard d’euros en 2014 suivie d’une seconde baisse, du même montant, en 2015, et, d’autre part, sur la prise en compte du plan triennal d’économies de 11 milliards d’euros. Même dans le scénario « au fil de l’eau », les chiffres obtenus montrent que la situation des collectivités est difficilement tenable, tant la dégradation des finances publiques, quoique lente, est constante.
Notre rapport a mis en lumière un effet de ciseaux, avec un accroissement des dépenses plus dynamiques que celui des recettes. En prenant en compte les transferts de dépenses de l’État vers les collectivités territoriales – liés par exemple à la suppression de l’ATESAT, l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire aux communes, ou à l’instruction des permis de construire –, on constate que le taux d’épargne brute des collectivités s'est réduit de plus de 5 % entre 2012 et 2013 et que le recours à l’emprunt s’est développé. Telle est la réalité !
Madame la ministre, de nombreux élus locaux, maires, présidents d’intercommunalité, de conseil général ou de région, ont alerté le Gouvernement. Notre rapport a fait apparaître que les communes de plus de 10 000 habitants et les départements sont les collectivités qui pâtiront le plus de cette évolution. La limitation de la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités à hauteur de l’inflation ne permettra pas, à elle seule, de compenser la baisse des dotations. La situation des finances locales est par conséquent appelée à se dégrader, s’agissant tant du taux d’épargne brut que de la capacité de désendettement moyenne.
Nous savons qu’un nombre important de collectivités ne pourront pas tenir, ne seront plus gérables. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’attends que vous confirmiez ou infirmiez nos évaluations. Si elles sont exactes, les conséquences seront dramatiques pour un certain nombre de collectivités. (Mme Françoise Laborde acquiesce.) Certaines tiendront facilement le choc, mais d’autres pas, que leur responsabilité soit ou non engagée. Ces collectivités n’auront d’autre choix, pour digérer la baisse des dotations, que de réduire d’environ 30 % leurs dépenses d’investissement. Et cela ne suffira pas pour nombre d’entre elles, qui devront parallèlement alourdir dans une mesure considérable la pression fiscale locale !
Voilà pourquoi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitions à la fois une réduction et un étalement plus important de ces baisses de dotations. Il est dans l'intérêt général de permettre à nos collectivités de tenir le coup, de préserver l’investissement et la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)