Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaire :
M. François Fortassin.
2. Nouvelle organisation territoriale de la République – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 405 de Mme Valérie Létard rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 827 de M. Christian Favier. – Retrait.
Amendement n° 585 de M. Philippe Adnot. – Retrait.
Amendement n° 409 rectifié de M. Franck Montaugé. – Retrait.
Amendement n° 829 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 1022 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 486 de M. François Patriat. – Adoption.
Amendement n° 545 de M. Pascal Allizard. – Retrait.
Amendement n° 830 de M. Christian Favier. – Retrait.
Amendement n° 68 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 831 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 487 de M. François Patriat. – Rejet.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d'actualité au Gouvernement
l'école de la république dans le cadre des événements actuels
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
mesures anti-terrorisme post attentats
M. Thani Mohamed Soilihi, M. Manuel Valls, Premier ministre
mesures de lutte contre le terrorisme
Mme Nathalie Goulet, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république
M. Jacques Mézard, M. Manuel Valls, Premier ministre
rôle de l'école en lien avec les attentats dont la france a été victime
Mme Marie-Christine Blandin, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
laïcité à l'école et dans l'enseignement scolaire
M. David Assouline, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
les services de renseignement et les attentats
M. Cédric Perrin, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
massacre perpétré par boko haram au nigeria
Mme Anne Emery-Dumas, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Christian Cambon, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Michel Amiel, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Communication du Conseil constitutionnel
7. Nouvelle organisation territoriale de la République – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 803 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 488 de M. François Patriat. – Non soutenu.
Amendement n° 687 de M. Michel Mercier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 832 de M. Christian Favier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 804 de M. Michel Bouvard. – Retrait.
Amendement n° 519 de Mme Valérie Létard. – Retrait.
Amendement n° 1013 du Gouvernement. – Rejet.
Amendements identiques nos 229 de M. Louis Nègre et 686 de Mme Brigitte Micouleau. – Non soutenus.
Amendement n° 656 de M. Gérard Collomb. – Retrait.
Amendement n° 665 de M. Gérard Collomb. – Retrait.
Amendement n° 171 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 489 de M. François Patriat. – Non soutenu.
Amendement n° 834 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 698 de M. Michel Mercier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1024 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° 833 de M. Christian Favier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1025 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 30 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Non soutenu.
Amendement n° 835 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 1014 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 79 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – Adoption.
Amendement n° 546 rectifié de M. Pascal Allizard. – Adoption.
Amendement n° 453 rectifié de M. Louis Pinton. – Non soutenu.
Amendement n° 544 rectifié de M. Pascal Allizard. – Devenu sans objet.
Amendement n° 844 rectifié de M. Christian Favier. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 293 de M. Robert Navarro. – Non soutenu.
Amendement n° 194 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Retrait.
Amendement n° 836 rectifié ter de M. Christian Favier. – Adoption.
Amendement n° 759 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 658 de M. Gérard Collomb. – Rejet.
Amendement n° 1079 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 840 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 842 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 1027 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 838 de M. Christian Favier. – Retrait.
Amendement n° 676 de M. Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement n° 442 de Mme Valérie Létard rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Adoption.
Amendement n° 839 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 394 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 807 de M. Michel Bouvard. – Adoption.
Amendement n° 586 de M. Philippe Adnot. – Non soutenu.
Amendement n° 1081 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 841 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 1118 du Gouvernement. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
8. Communications du Conseil constitutionnel
9. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
10. Modification de l’ordre du jour
11. Demande de création d’une commission d’enquête
12. Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l'article 3
Amendement n° 668 de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.
Amendement n° 667 de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Amendement n° 790 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 760 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 727 de M. Pierre Jarlier. – Adoption.
Amendement n° 943 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 944 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 1028 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 945 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 677 de M. Bernard Cazeau. – Rejet.
Amendement n° 946 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 947 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 966 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 967 de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Amendement n° 1082 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1029 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaire :
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet no 636 [2013-2014], texte de la commission no 175, rapport no 174, avis nos 140, 150, 154, 157 et 184).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier (suite)
Des régions renforcées
Chapitre unique (suite)
Le renforcement des responsabilités régionales
M. le président. Nous poursuivons l’examen de l’article 2, dont je rappelle les termes :
Article 2 (suite)
Développement économique
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Les 4° à 6° du II de l’article L. 1111-9 sont abrogés ;
1° B (nouveau) Les premier et dernier alinéas de l’article L. 1511-1 sont supprimés ;
1° Après le chapitre Ier du titre V du livre II de la quatrième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre Ier bis
« Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation
« Art. L. 4251-12. – La région est la collectivité territoriale responsable de la définition des orientations en matière de développement économique sur son territoire. Sous réserve des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie, elle est seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire. Elle adopte à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
« Le schéma définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises.
« Il précise les actions menées par la région en matière d’interventions économiques et d’aides aux entreprises et organise leur complémentarité avec les actions menées par les autres collectivités territoriales et leurs groupements en application des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie.
« Il veille à ce que ces actions ne contribuent pas aux délocalisations d’activités économiques au sein de la région ou d’une région limitrophe.
« Il définit également les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire.
« Dans les régions frontalières, il peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités des États voisins.
« Art. L. 4251-13. – Le schéma fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 et avec les organismes consulaires. Il est adopté par le conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.
« Art. L. 4251-14. – Les orientations et les actions du schéma applicables sur le territoire d’une métropole visée au titre Ier du livre II de la cinquième partie du présent code ou sur le territoire de la métropole de Lyon sont élaborées et adoptées conjointement par l’organe délibérant de la métropole concernée et le conseil régional. À défaut d’accord, les actions conduites par une métropole ou la métropole de Lyon sont compatibles avec le schéma.
« Art. L. 4251-15. – Le schéma est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans la région. Ce dernier s’assure du respect, par le conseil régional, de la procédure d’élaboration prévue par le présent chapitre.
« S’il n’approuve pas le schéma, le représentant de l’État dans la région en informe le conseil régional par une décision motivée qui précise les modifications à apporter au schéma. Le conseil régional dispose d’un délai de trois mois à compter de sa notification pour prendre en compte les modifications demandées.
« Art. L. 4251-16. – Sous réserve de l’article L. 4251-14, les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’intervention économique sont compatibles avec le schéma.
« Art. L. 4251-17. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre. »
II. – La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 711-8 du code de commerce est complétée par les mots : « , compatible avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales ».
III. – Le deuxième alinéa de l’article 5-5 du code de l’artisanat est complété par les mots : « , compatible avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales ».
IV. – (Supprimé)
IV bis (nouveau). – L’article 7 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est abrogé.
V. – Le présent article est applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1021 rectifié bis, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
La région définit les orientations en matière de développement économique sur son territoire. Dans ce cadre, elle décide des interventions économiques, sous réserve des interventions économiques, d’une part, des communes au titre de leur compétence générale et en application du titre V du livre II de la deuxième partie, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en application des articles L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20, L. 5216-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1 et de la métropole de Lyon en application des articles L. 3641-1 et L. 3641-2 et, d’autre part, des départements en application du titre III du livre II de la troisième partie et par délégation en application des articles L. 1111-8 et L. 1511-2, et sous réserve des articles L. 1511-3 et L. 1511-8. La région élabore à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
II. – Alinéa 9
Après les mots :
en application
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie, du titre III du livre II de la troisième partie et des articles L. 3641-1, L. 3641-2, L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20, L. 5216-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, cette nuit, après la levée de la séance, nous avons réfléchi à la possibilité de compléter l’amendement n° 1021 rectifié de la commission des lois, que je vous avais d’ailleurs annoncé, amendement qui précisait les compétences des diverses collectivités en dehors de la région. Afin d’éviter à chacun d’avoir à se référer à tout moment au code général des collectivités territoriales, nous avons rectifié à nouveau cet amendement en rappelant explicitement les compétences des intercommunalités et de la métropole de Lyon, les autres métropoles étant pour l’instant des intercommunalités. La métropole de Lyon, il ne faut pas l’oublier, dispose en effet d’un statut spécifique,…
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … qui figure d’ailleurs désormais dans un titre particulier du code général des collectivités territoriales. Quand on parle de « métropole », cela a désormais une signification précise. Peut-être d’ailleurs d’autres métropoles seront-elles créées, qui reposeront sur d’autres structures – sait-on jamais, madame la ministre…
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je l’espère, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous en parlerons sans doute avant la fin de nos débats.
Cet amendement vise donc à affirmer que le renforcement des compétences de la région en matière de développement économique ne remet pas en cause les compétences dévolues par la loi aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi qu’à la métropole de Lyon. Il rappelle, d’une part, que la solidarité territoriale permet aux départements d’engager des actions en matière économique et, d’autre part, que ceux-ci peuvent les organiser avec la région en vertu de l’article L. 1111-8 et L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales. C’est conventionnel.
De nombreuses actions, de promotion et autres, pourront donc être organisées avec la région, cette dernière ayant cependant le monopole d’attribution des aides – si l’on n’accepte pas cela, ce n’est même pas la peine de faire une loi ! « La région élabore à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. »
L’amendement prévoit ensuite la manière dont est élaboré ce schéma. Je vous rappelle que ce dernier résulte d’une co-élaboration. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions en la matière, incluant même l’intervention de la conférence territoriale de l’action publique, ou CTAP. En cas de désaccord entre la majorité des intercommunalités et la région, il est possible d’y revenir.
Nous sommes donc allés jusqu’au bout, pour affirmer clairement que, si nous attribuons la compétence économique à la région, celle-ci n’est pas seule décisionnaire, contrairement à ce que l’on entend parfois. Le développement économique relève aussi, en effet, de la compétence de toutes les intercommunalités…
Mme Jacqueline Gourault. Tout à fait ! C’est dans la loi.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Même une communauté de communes doit prendre en compte le développement économique. Du fait de la clause de compétence générale des communes, ce sont ces dernières qui délèguent, obligatoirement ou optionnellement, une compétence à une intercommunalité, et, ce faisant, la perdent. C’est le régime même de l’intercommunalité.
Monsieur le président, mes chers collègues, l’amendement n° 1021 rectifié bis vise donc à clarifier les choses et à rassurer ceux qui craignaient que la région ne tienne pas compte des compétences des uns et des autres et des possibilités de travailler ensemble. S’agissant de ces dernières, nous examinerons les conventions à l’article 3.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, je souhaite rappeler dans quel esprit nous avons déposé le texte et comment il peut évoluer.
Lors de la discussion de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, nous étions nombreux ici, Gouvernement et parlementaires, y compris Gérard Collomb, à dire combien il était important que les régions de France jouent un rôle majeur en termes de stratégie économique et de définition des politiques dont elles ont seules la responsabilité, notamment et surtout en matière de recherche, de développement et d’innovation.
Quand avait été votée la partie du texte portant sur les métropoles, la question des régions avait été soulevée et le débat avait permis de trouver le moyen de bien sérier les choses. Nous le disions hier soir, une région ne va pas s’occuper de l’immobilier d’entreprise à tel ou tel endroit, et si une collectivité décide de créer une pépinière ou un incubateur d’entreprises, elle sera applaudie. Nous avons non pas à interdire, mais à encourager et à permettre aux régions de jouer un rôle extrêmement fort de stratégie industrielle. Nous parlons bien de stratégie globale, car, ce qui manque en France depuis la fin du XXe siècle, c’est bien une politique industrielle, une politique de développement des nouveaux emplois.
Si le fait urbain et les métropoles ont été reconnus, c’est qu’ils sont moteurs. Tout le monde le sait et personne ne le nie. Cette appréciation ne pose aucun souci. En revanche, il nous manque effectivement cet engagement de tous pour que puisse être définie une politique industrielle. Le Gouvernement s’y emploie d’ailleurs avec les projets dits « d’avenir ». Des axes de travail ont été déterminés. Mais nous avons besoin que les régions fassent aussi ce travail. D’ailleurs, après de nombreux débats internes au Gouvernement suivis de débats publics, la question des pôles de compétitivité s’est posée, parce que l’État en gère bien trop : soixante-dix, c’est trop ! Les régions doivent aussi être en capacité de gérer des pôles de compétitivité et de déterminer de nouveaux axes.
Dans notre volonté de redresser la France et de permettre aux territoires de participer à cette action, je vous rappelle enfin que nous avons créé la conférence territoriale de l’action publique. Nous nous sommes efforcés de rédiger un texte qui permette de faire émerger de nouvelles compétences, car celles-ci ne manqueront pas d’apparaître : qui aurait cru, voilà quelques années, que nous discuterions aussi longuement du numérique ? Des innovations importantes viendront heurter tous nos textes. Il importe donc que la rédaction soit claire s’agissant des régions et de leurs responsabilités, et prenne aussi en compte l’action des métropoles et des intercommunalités.
Nous en avons souvent parlé ici lors du premier débat, les régions ne doivent pas perdre trop de temps ni de finances à intervenir, par exemple, sur l’immobilier d’entreprise, sur un aéroport ayant une fonction particulière parce que, plus qu’un simple aéroport, il est la seule façon de vivre pour une zone. Nous en avons longuement discuté aussi avec l’Association des régions de France, l’ARF : il n’est pas question que les régions aient à intervenir sur des cas de ce type, ici et là, partout sur le territoire.
L’idéal, surtout pour les nouvelles thématiques qui vont apparaître au fil du temps, et dont la nature variera peut-être selon les régions, est que la loi permette à la conférence territoriale de l’action publique de prendre une décision.
Je mets toutefois de côté les aides directes, sur lesquelles nous devons être extrêmement fermes. Il y a aujourd’hui 6 000 interventions économiques en France, et la région, plus encore que de jouer un rôle de chef de file absolu, doit avoir l’entière responsabilité de ces aides, car elle en détient la compétence.
Dès lors, est-il bien utile d’affirmer trop haut le retour de la commune dans le développement économique, dans la mesure où le bloc communal dispose de la clause de compétence générale, et que nous nous soucions de rationalisation ? Faisons attention à ce que nous écrivons.
Bien entendu, je ne compte pas m’arc-bouter sur une position et, quoi qu’il en soit, le projet de loi fera l’objet de deux lectures, puisque le Premier ministre s’y est engagé. Mais l’objectif de ce texte est de rationaliser, de clarifier et de rendre plus opérantes nos collectivités territoriales. À la fin du XXe siècle, nous avons choisi la politique des services et oublié la politique industrielle. Ne revenons pas sur les raisons de ce choix et avançons !
Je voudrais enfin dire un dernier mot sur l’obligation, défendue hier par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, de conclure des contrats infrarégionaux entre la région et les entités désignées sous les termes de pays, pôles, bassins d’emplois, bassins de vie, etc.
Depuis longtemps, nos régions passent des contrats de ce type. En revanche, il me semble difficile d’inscrire cela dans la loi. J’ai entendu l’excellent plaidoyer que vous avez conduit hier soir, madame la rapporteur pour avis, mais il faut, me semble-t-il, laisser la main aux régions pour organiser, chacune avec ses spécificités, ce dialogue singulier avec les « pays » – pour employer un terme générique. Nombre de régions concluent ce genre de contrats depuis longtemps, et il ne me paraît pas nécessaire que la loi fixe les modalités.
Là encore, je fais confiance aux élus et à la CTAP pour trouver la meilleure façon de procéder. Nous connaissons des exemples de contrats infrarégionaux en Bourgogne, en Franche-Comté, en Bretagne, en Aquitaine et ailleurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et même en Île-de-France !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, monsieur le rapporteur.
En conclusion, nous devons faire attention à ce que nous écrivons dans la loi. Le citoyen français qui nous écoute et qui lira le projet doit bien comprendre que la région joue un rôle majeur, déterminant en termes de stratégie et de développement économiques, et d’internationalisation des entreprises. Cela doit être clair pour tout le monde, nonobstant les capacités d’intervention importantes des autres collectivités, bien entendu.
Il existe en effet des régions sans métropole, et des régions avec de petites métropoles. Veillons à rendre effective notre volonté de favoriser la coopération entre les territoires, plutôt que la concurrence ou le dumping entre eux. Notre texte doit prendre en compte ces éléments, et la coopération entre territoires pour redresser la France doit véritablement être à notre ordre du jour.
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que quatorze amendements sont en discussion commune. Toutefois, compte tenu de l’intérêt que suscite cet amendement n° 1021 rectifié bis, présenté par la commission des lois, et des demandes d’intervention d’un certain nombre d’entre vous, je vous propose d’organiser un mini-débat avant d’examiner les autres amendements, dont je ne doute d’ailleurs pas que certains seront retirés.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, vous avez eu raison de souligner que ce débat pourrait entraîner le retrait de certains amendements. Il ne constituera donc nullement une perte de temps.
Je voudrais obtenir quelques précisions et en apporter moi-même certaines.
Il n’est pas question pour les départements de demander à pouvoir disposer de la compétence en matière d’aides directes. C’est la région qui s’en occupe, et il me semble que nous pouvons sans problème acter ce point.
Je souhaite poser deux questions de manière à être éclairé.
L’amendement qui nous est présenté – je salue au passage le travail de la commission – mentionne les compétences économiques des départements, et c’est à ce sujet que je m’interroge. Je précise aussi qu’il ne faudrait pas, bien entendu, que l’on supprime totalement, ailleurs dans le texte, le droit pour les départements de s’intéresser au développement économique.
Voilà deux ans, une entreprise phare du département de l’Aube, Les Andouillettes de Troyes, a connu des difficultés financières. Nous avons dû acheter l’immobilier pour que l’entreprise puisse continuer à fonctionner – en principe, cela n’est pas considéré comme une aide directe : nous faisons l’acquisition de l’immobilier et l’entreprise le loue. La région ayant refusé de participer, le département s’est retrouvé seul financeur aux côtés de l’agglomération troyenne, et l’État a complété au moyen d’une petite aide. Le département aura-t-il encore la possibilité d’intervenir dans un cas comme celui-là, où la région refuse de participer ?
Autre exemple : voilà quatre ans, une célèbre entreprise, qui fabrique des cycles Peugeot et qui équipe aujourd’hui la totalité des facteurs de France, a connu des difficultés. Là encore, le département, très largement aidé par l’État, a dû racheter l’immobilier de l’entreprise. La région a d’abord refusé de s’associer à l’investissement, avant de participer à hauteur de 300 000 euros deux ans plus tard. Le département pourra-t-il continuer à intervenir dans ce cas ?
Nous avons également équipé une zone d’activité logistique de 250 hectares : c’est le département qui a piloté l’opération, les communes étant trop petites. Aurons-nous encore le droit de commercialiser les lots pour des entreprises qui veulent s’y implanter ?
En fonction des réponses qui me seront apportées, je retirerai ou non mon amendement. Quoi qu’il en soit, je me réjouis du travail de la commission.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. À mon tour, je vous remercie, monsieur le président, d’avoir pris l’initiative de disjoindre cet amendement important, qui va éclairer l’ensemble de nos débats.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens vraiment à remercier Jean-Jacques Hyest et Philippe Bas pour leur effort de rectification de l’amendement n° 1021 rectifié, présenté par la commission. Il est en effet important que chaque terme soit pesé.
Pour resituer le débat, je rappelle que nous avons collectivement fait le choix de ne pas supprimer un échelon, à savoir le département. Nous avons choisi de dire « non » lorsque, à l’époque, le Premier ministre nous a proposé la suppression des départements en 2020. Tout part de là. Ensuite, la stratégie développée par Philippe Bas et Jean-Jacques Hyest a été de dire « non » à la suppression d’un échelon, mais « oui » à la clarification et à une forme de spécialisation des compétences. Puis, en ce qui concerne la spécialisation, nous nous sommes tous accordés pour dire que le métier de la région était la préparation de l’avenir et que son bloc de compétences devait notamment comprendre la stratégie économique.
Toutefois, il ne s’agit pas, à travers le schéma régional qui va définir une stratégie d’ensemble, de constituer de façon cachée un jacobinisme économique régional et de charger la région, sur l’ensemble de son territoire, de toutes les actions économiques. De toute façon, elle ne pourrait pas mener cette tâche à bien – je pense en particulier aux plus grandes régions –, sauf à embaucher des milliers de collaborateurs, et sans doute encore plus à l’échelle du territoire national.
Nous avons donc retenu un schéma qui exprime des orientations définies par la région, orientations que des intercommunalités, dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique, peuvent dans un premier temps refuser pour forcer la région à délibérer de nouveau.
J’aimerais à ce titre que tous nos collègues relisent attentivement, dans le compte rendu analytique de la séance d’hier, la déclaration préalable que le rapporteur Jean-Jacques Hyest a pris soin de faire. Il a été, je le pense, trop peu ou trop mal écouté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela arrive ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. L’amendement n° 1021 rectifié bis, présenté ce matin, tire les conséquences et explicite son intervention.
Nombre de nos collègues – je pense notamment à Brigitte Micouleau et Jean-Pierre Grand – se sont, hier, inquiétés. En effet, l’on sait parfaitement – les exemples développés à l’instant par Philippe Adnot le démontrent – que, au-delà de nos tentatives récurrentes pour faire de la réorganisation des compétences des collectivités territoriales un exercice de géométrie euclidienne, les régions, du haut de leurs métropoles régionales, ne pourront pas tout régir.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. En conséquence, elles devront impulser une orientation puis déléguer à d’autres collectivités et conventionner avec ces mêmes collectivités, lesquelles conservent la clause générale de compétence et peuvent conclure des conventions aux termes du code général des collectivités territoriales.
Il me semble que cette vision réaliste exprimée dans l’amendement n° 1021 rectifié bis, qui concilie le principe de spécialisation avec le principe de réalité et d’efficacité économique – in fine, c’est bien la lutte contre le chômage qui importe –, répond aux inquiétudes de la plupart de nos collègues. Je tiens donc une nouvelle fois à remercier le président Philippe Bas et le rapporteur Jean-Jacques Hyest. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est très clair !
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. J’ai constaté ce matin que des négociations avaient lieu en salle des conférences entre M. le rapporteur et les auteurs des différents amendements pour parvenir à un accord sur l’écriture d’un texte pouvant donner satisfaction à tout le monde. Toutefois, ce n’est pas en voulant faire plaisir à tout le monde que l’on peut avancer !
J’ai le sentiment que, ce matin, je vais avoir juridiquement tort, étant politiquement minoritaire…
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas une question de clivage politique.
M. François Patriat. Je m’interroge toutefois sur la poursuite d’un processus qui vise à tout geler, à ne pas avancer, à ne pas clarifier et, au bout du compte, à ne pas économiser.
Je prendrai un exemple : pourquoi, s’agissant du numérique, les choses ne progressent-elles pas sur le territoire ? Parce qu’on a élaboré des stratégies de cohérence régionales d’aménagement numérique, les SCORAN, et des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN !
Je préside momentanément une région qui s’est dotée d’une SCORAN, et où aucun des quatre départements qui la composent ne va dans la même direction :…
M. Bruno Retailleau. Et alors ?
M. François Patriat. … certains considèrent la montée en débit comme prioritaire, d’autres non. Résultat : les choses ne progressent pas et les représentants des départements se contentent de venir voir le président de région pour que cette dernière leur alloue 30, 40 ou 50 millions d’euros, tout en leur laissant faire ce qu’ils veulent.
M. Bruno Retailleau. Je ne suis pas de cet avis.
M. François Patriat. Demain, ce sera pareil avec le développement économique !
Si les trains fonctionnent bien, c’est parce que la région s’en occupe seule ; si les bus fonctionnent bien, c’est parce que le département s’en occupe seul. De même, l’économie marchera bien si la région peut non pas agir seule, mais décider seule !
J’avais cru comprendre, en écoutant les déclarations du chef de l’État et du Premier ministre, que l’essence même de ce texte était d’affirmer que les régions, ce serait avant tout l’économie ! Et voilà que l’on veut émietter, éparpiller cette compétence.
J’ai bien compris que tout le monde fait de l’économie – les communes, les intercommunalités, les départements, les métropoles, les agglomérations –, et que chacun est meilleur que le voisin.
Mais, demain, je plains le futur président de la région PACA quand les deux métropoles de Marseille et de Nice auront décidé de faire ce qu’elles veulent ! Il pourra aller s’occuper des chèvres en Haute-Provence, il pourra aller à Gap, mais il ne s’occupera plus du développement économique !
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne fera rien, comme maintenant !
M. François Patriat. Les métropoles l’informeront des décisions qu’elles ont prises en matière d’innovation pour leur université, leurs incubateurs et l’inviteront simplement à s’acquitter de la participation de la région.
C’est pourquoi je suis quelque peu déçu. Je dois être le seul président de région présent ici, et il n’y a pas beaucoup de conseillers régionaux non plus. Je me permettrai donc, mes chers collègues, de vous faire une proposition : puisque tout le monde fait tout, et le fait bien, alors supprimons les régions ! (Sourires.) Si ces dernières ne sont plus que des guichets, simplifions l’organisation territoriale, supprimons un échelon et faisons des économies !
Bien entendu, je ne voterai pas cet amendement, qui sera vraisemblablement supprimé par l’Assemblée nationale – je le souhaite en tout cas. Je ne comprends pas que, aujourd’hui, sur un sujet aussi sensible que celui de l’emploi et du développement économique, on continue à mener des guerres gauloises picrocholines. Je sais bien qu’Alésia est en Bourgogne, mais je pensais que ce temps était révolu.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, maintenons nos propos dans des proportions qui nous permettent de dialoguer au plus près de la réalité du texte. Je serais malheureux, cher François Patriat, que vous considériez que l’amendement de clarification présenté par notre rapporteur, au nom de la commission, doive conduire à supprimer les régions.
Quelle est la réalité ? Le projet de loi du Gouvernement indiquait que la région était « la collectivité territoriale responsable […] de la définition des orientations en matière de développement économique ». Le texte de la commission des lois, que nous nous préparons à modifier via un amendement de cette même commission, est plus régionaliste que le texte du Gouvernement. (Mme la ministre acquiesce.) En effet, il précise que, en plus de définir des orientations en matière de développement économique – il faut être conscient qu’une orientation n’impose pas d’obligations –, la région « est seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire ».
Cette avancée en faveur des régions a paru excessive à beaucoup de nos collègues, qui ont souligné le rôle du bloc communal, de la métropole de Lyon, de leur agglomération…
M. Bruno Sido. Et de leur département !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous avons essayé de les rassurer en leur disant que tout était prévu, que la mention des différents articles dans le texte couvrait leurs préoccupations. Cependant, ils ont répondu qu’ils voulaient de la sécurité juridique. C'est pourquoi, cette nuit, nous avons fait un ultime effort pour clarifier notre rédaction, en rectifiant à nouveau l’amendement n° 1021 rectifié afin de prendre en compte les préoccupations du bloc communal, de la métropole de Lyon et des agglomérations, mais aussi des départements. Ces collectivités souhaitent pouvoir continuer à intervenir dans certains domaines, essentiellement par délégation de la région et dans le cadre fixé par cette dernière.
Je résume : le texte du Gouvernement était moins régionaliste que le texte de la commission ; ce dernier comportait déjà des renvois aux articles définissant les compétences que peuvent exercer les autres collectivités ; ces renvois n’étant pas suffisamment clairs, nous vous proposons de les clarifier afin que la commune – au titre de sa clause de compétence générale, qu’il n’était de toute façon pas prévu de supprimer ni dans le texte du Gouvernement ni dans celui de la commission –, la métropole et l’agglomération puissent continuer à intervenir. Ces collectivités doivent pouvoir exercer des responsabilités en matière de développement économique local, à condition, naturellement, que leurs actions n’entrent pas en contradiction avec les décisions prises au niveau régional.
Nous sommes très clairs sur le rôle de chacun. Nous n’avons pas créé de compétence nouvelle pour les communes, la métropole de Lyon et les agglomérations, ni pour les départements. Nous avons au contraire supprimé la compétence économique générale des départements. Nous n’avons pas supprimé, en revanche, les compétences qui s’exercent au plus près des réalités économiques. Ni la commission ni le Gouvernement n’ont proposé de les supprimer. Cela allait peut-être sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. C’est l’objet de l’amendement n° 1021 rectifié bis dont nous discutons.
Cet amendement ne résulte pas d’une sorte de complot fomenté aux portes de l’hémicycle. Il s'agit d’un amendement de clarification présenté officiellement par la commission des lois afin de faire en sorte que chacun trouve son compte dans le texte tout en affirmant très fortement, et plus clairement que dans le texte du Gouvernement, la compétence régionale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Hier soir, en écoutant les différentes interventions, j’ai été frappé par la confusion du débat. Ce matin, en lisant l’amendement n° 1021 rectifié bis de notre rapporteur Jean-Jacques Hyest, j’ai cru voir une avancée salutaire.
Je voudrais dire comment je perçois cet amendement, pour répondre aux propos de mon ami François Patriat. Il ne faudrait pas, en effet, qu’il y ait des lectures très différentes aboutissant à ce qu’on ne comprenne pas ce que souhaite le Sénat.
Il est clair, cher François Patriat, que si cet amendement signifiait que tout le monde fait tout, il représenterait un recul, et vous auriez tout à fait raison de vous insurger. Cependant, à mon sens, il n’entame en rien la principale innovation du projet de loi, qui est peut-être le seul progrès sensible qui résultera de sa lecture au Sénat, car nous nous en tiendrons probablement au statu quo sur bien des points. Pour moi, ce qui est essentiel, c’est que le texte affirme nettement la compétence économique des régions. Le rôle de ces dernières est clairement mentionné : la région est la collectivité de l’économie. Il faut le dire et le redire, parce que, si tel n’était pas le cas, ce que nous faisons n’aurait aucun sens.
En même temps, j’ai compris que l’adjectif « seule » posait un réel problème, dans la mesure où l’on maintient la compétence générale des communes, et par conséquent leur compétence en matière économique, qu’elles peuvent également déléguer à leur intercommunalité.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. L’adjectif « seule » pose surtout un problème de fait. Si la région a un rôle éminent en matière économique, il est clair qu’il existe des armatures urbaines, des communautés et des métropoles, et que ces collectivités interviennent forcément dans le processus économique.
Il s’agit donc d’affirmer que l’impulsion, la compétence, c’est la région. Notre rapporteur Jean-Jacques Hyest a prononcé une phrase essentielle : les aides économiques seront du ressort des régions ; ce sont les régions qui en seront à l’origine et les attribueront. Cela étant, chacun comprend bien que, avant d’attribuer des aides, il n’est pas interdit de dialoguer avec la ville, qu’elle soit grande, moyenne ou petite, sur le territoire de laquelle on veut aider à une implantation industrielle ou dans laquelle on veut créer une implantation industrielle.
Cet amendement n’a de sens, à mon avis, que s’il conforte l’intuition initiale du projet de loi : l’importance du couple région-économie, l’idée que la région joue un rôle majeur en matière économique et qu’il nous faut des régions fortes sur le plan économique.
M. François Patriat. Elles ne peuvent rien faire !
M. Jean-Pierre Sueur. Cependant, les régions doivent agir en lien avec les armatures urbaines, les métropoles et les communautés, sans quoi un certain nombre de questions pratiques ne pourront être réglées.
Je tiens à intervenir lourdement – pardonnez-moi de le faire de cette manière – pour dire que, si l’on retient de notre texte que tout est dans tout et réciproquement, si on a le sentiment qu’il s’agit de paroles creuses, nous aurons mal travaillé. En revanche, si nous affirmons le rôle éminent de la région en matière économique, tout en rappelant que ce rôle n’est pas exclusif, car ce ne serait pas possible dans les faits, je crois que nous aurons fait un pas en avant pour renforcer les régions de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Je voudrais à mon tour appuyer cet amendement, qui apporte une clarification utile. Personne ne conteste le rôle majeur que doivent jouer les régions en matière de développement économique. Je souhaiterais même que, en Île-de-France, l’action régionale soit encore plus forte.
Cependant, l’économie ne peut être l’exclusivité d’un niveau de collectivité. Si nous sommes favorables à ce que la région soit responsable, ou plutôt chef de file, et qu’elle aille même plus loin dans son intervention, peut-être en se dispersant moins dans d’autres actions pour se concentrer davantage sur l’économie, et en particulier sur la lutte contre le chômage, nous considérons que les autres niveaux de collectivité ont eux aussi un rôle à jouer.
Prenons le cas des départements. Je préside un département de 1,3 million d’habitants ; il est donc plus peuplé que certaines régions. Les autorités départementales ne peuvent pas être en dehors de l’action économique. Cependant, le cadre doit être redéfini. Par exemple, nous finançons aujourd'hui les pôles de compétitivité. Je pense que ce n’est pas notre rôle : c’est plutôt à la région de s’en charger. Pour autant, cela ne signifie pas que nous devions nous désengager complètement de l’action économique.
L’un des plus grands chantiers du monde, la réalisation du Grand Paris Express, va débuter en Île-de-France. Dans mon département, 5 milliards d'euros d’investissements vont être réalisés. Il faut déplacer des entreprises. Qui fera ce travail ? Sera-t-il géré à l’échelon régional, ou devons-nous agir avec les outils dont nous disposons ? Notre agence de développement nous a permis de relocaliser des entreprises en quelques mois et sans perte d’emplois, grâce à nos liens, à nos habitudes de coopération, à notre proximité avec le milieu économique.
M. François Patriat. L’agence régionale ne peut pas le faire ?
M. Christian Favier. Notre agence de développement est donc utile. Je dirai même qu’elle est certainement plus efficace que l’agence régionale. Pour autant, je ne suis pas hostile à ce que, demain, elle devienne en quelque sorte une structure déconcentrée de l’agence régionale. Faisons toutefois attention à ne pas bloquer du jour au lendemain ce qui fonctionne d’ores et déjà sous prétexte de vouloir confier à la région en quelque sorte l’exclusivité de l’action économique.
Nous avons besoin de plus de coopération entre l’échelon régional et l’échelon départemental. Il y a des progrès considérables à réaliser dans ce domaine. Il faut développer une politique contractuelle. Je suis d'accord pour que les départements ne versent plus d’aides directes aux entreprises ; nous sommes d’ailleurs plutôt réservés sur ce point. Pour autant, il est évident que, au titre de leur compétence en matière de solidarité territoriale et d’insertion sociale des populations en difficulté, les départements doivent continuer à favoriser le développement de l’économie sociale et solidaire.
Cet amendement est important, car il permet de clarifier les choses. Il n’enlève rien aux régions, mais il précise de manière positive la façon dont nous pourrons travailler à l’avenir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je ne suis pas convaincu que le travail réalisé sur la base du projet de loi du Gouvernement, avec la participation du Parlement, aboutisse in fine à une simplification du fonctionnement de nos institutions territoriales. La responsabilité en incombe d'abord au Gouvernement, à cause de la manière dont les projets de réforme territoriale ont été hachés et présentés dans le désordre (M. Alain Bertrand acquiesce.), sans que l’on commence par le début, ou par ce qui devait au moins aller avec, c'est-à-dire la question des ressources des collectivités territoriales.
L’amendement de la commission, que nous soutenons, vise un peu à mettre des rustines sur des pneus percés. Mais c’est en effet utile.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Jacques Mézard. La réalité n’est pas sous-jacente, elle a été exprimée très clairement hier soir. Comme en commission, j’ai été très sensible aux arguments de Gérard Collomb.
Pourquoi en arrivons-nous à ce type de difficulté ?
D’abord, il y a une ambiguïté, me semble-t-il, voire plus, en ce que le Gouvernement a visé très clairement dans son projet de loi – et cela figure notamment dans l’exposé des motifs – la suppression des conseils départementaux. C’est ce qui sous-tend sa position, qui est certes respectable ; mais comme il s’est passé un certain nombre d’événements, il faut quand même faire avec les conseils départementaux, encore que j’ai entendu, voilà quelques jours, une interview de M. le secrétaire d’État André Vallini qui me donnant le sentiment que la question n’était pas forcément définitivement tranchée.
Mes chers collègues, vous en conviendrez, tout cela entraîne une ambiguïté constante, totale. Madame la ministre, nous pouvons entendre que vous ne voulez plus de départements ; mais, à partir du moment où l’on fait avec tout en voulant faire sans, on fait mal ! Telle est la réalité qui va inéluctablement complexifier encore les choses.
Pourquoi des métropoles ? Pourquoi des départements ? Pourquoi des intercommunalités ? Force est aujourd’hui de constater que, quelle que soit leur taille, les intercommunalités, à savoir les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les métropoles, les communautés urbaines, portent la réalité du développement économique sur leur territoire, au sein duquel elles assurent la péréquation et l’équité.
Or les régions, de par leur composition politique, de par leur système électoral, sont, disons-le, à l’exception de celle de notre excellent collègue François Patriat, le plus souvent coupées des réalités du terrain et veulent imposer des systèmes plus idéologiques que proches des véritables besoins de nos collectivités et de nos territoires.
Cette dualité, avec, d’un côté, la faible représentativité des régions, aggravée par la fusion et la création de grandes entités régionales, et, de l’autre, la représentation des territoires au sein des intercommunalités, assurée par les représentants des exécutifs qui sont sur le terrain et qui font le travail de développement, va, j’en suis convaincu, amplifier la fracture territoriale.
Tout cela n’est pas clair, n’est pas raisonnable, n’est pas réaliste.
Nous voterons cet amendement, dont la vertu est, dirais-je, de préserver l’essentiel.
M. François Patriat. D’affaiblir les régions !
M. Jacques Mézard. Mon cher François Patriat, si toutes les régions fonctionnaient selon les méthodes que vous utilisez, il y aurait moins de débats sur cette question.
M. Henri de Raincourt. J’en suis témoin !
M. Jacques Mézard. Malheureusement, telle n’est pas la réalité.
Pour conclure, je vous rappellerai que, lors de l’audition des présidents de région, ici, au Sénat, le mot répété à l’envi par ces élus était : « pouvoir » ! Pour ma part, étant un jacobin national, je ne veux pas l’émiettement du jacobinisme régional. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Michel Amiel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour prolonger ce que vient d’indiquer le président de mon groupe, je dirai que si, tous autant que nous sommes, nous avions constaté partout un dynamisme évident de la région en matière de développement économique, nous serions moins réticents.
Si le projet de loi prévoyait pour les régions de nouvelles ressources financières en vue d’animer cette politique économique, par exemple en s’inspirant du modèle rêvé de l’Allemagne en ce qui concerne la mobilisation de l’épargne locale ou en modifiant l’utilisation de la banque publique d’investissement, nous serions moins réticents.
Si, en même temps que nous discutons des compétences des régions et des autres collectivités, nous nous étions posé la question du mode de scrutin pour la désignation des assemblées régionales et, partant, de leur président, de façon que les conseils régionaux soient véritablement représentatifs des territoires, ce qui n’est pas le cas actuellement, nous serions moins réticents.
Aussi, je crois que l’effort fait, de nuit de surcroît, par notre collègue Jean-Jacques Hyest …
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je l’avais fait avant ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. … est tout à fait méritoire. (Nouveaux sourires.)
C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
Cela dit, à la lecture de ce texte, je ne peux m’empêcher de penser que, décidément, nos lois deviennent de plus en plus illisibles. Monsieur le rapporteur, vous avez certes introduit de la clarté, mais est-ce de la lumière ? En ce qui me concerne, j’ai plutôt songé à ce vers du Cid :
« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. Bel oxymore !
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Je veux remercier M. le président de la commission des lois, ainsi que M. le rapporteur, d’avoir réalisé un tel travail entre la levée de la séance d’hier et le début de la séance d’aujourd’hui. Cela va nous permettre de parvenir à une position commune sur pratiquement toutes les travées de cet hémicycle.
Notre débat d’hier visait, de notre point de vue, à remettre en cause non pas le rôle majeur des régions en matière d’économie, mais la compétence exclusive de ces dernières en ce domaine, qui aurait eu pour effet de priver de capacité d’action un certain nombre d’autres territoires.
Je dirai même que, quelquefois, nous trouvons que les régions en font non pas trop sur le plan économique, mais plutôt pas assez …
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Gérard Collomb. C’est pourquoi, devant ce constat, nous souhaitons avoir la capacité d’action.
En ce qui concerne les grandes agglomérations – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si beaucoup des orateurs qui se sont exprimés hier en étaient issus –, il faut bien se rendre compte que la taille de ces territoires n’est pas le fait générateur du phénomène de métropolisation. Ce dernier apparaît lorsque, tout d’un coup, se cristallisent sur un territoire un certain nombre de fonctions supérieures ayant trait aux universités, à la recherche, à l’innovation, aux start-up.
Évidemment, si ceux qui sont à la tête des métropoles se désintéressaient totalement de ce qui fait l’essence même de leur territoire, il faudrait supprimer cet échelon territorial qui n’offrirait plus aucun intérêt.
À mon sens, nous sommes arrivés à un bon équilibre, qui, je l’espère, sera sauvegardé jusqu’au bout du débat.
Pour ma part, je ne souhaite pas que nous provoquions des batailles rangées entre les métropoles et les régions, les uns mobilisant l’Association des régions de France, les autres, l’Association des communautés urbaines de France, voire l’Association des maires de France, qui s’est inquiétée hier de la teneur de nos débats. Pour ma part, je suis favorable à des accords.
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je le répète, avec votre amendement, vous nous proposez un point d’équilibre. Aussi, je retirerai mon amendement, pour me rallier à celui de la commission.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. À mon tour, je voudrais rendre hommage à M. le rapporteur, car je me retrouve très bien dans sa proposition introduisant l’idée de chef de file, qui est très équilibrée.
M. François Patriat. C’est l’éloge du surplace !
M. Daniel Gremillet. N’oublions pas que la région est aussi aujourd’hui chef de file sur les crédits européens. Cette dimension lui donne donc une autorité supplémentaire, sans pour autant nier les réalités territoriales de proximité.
Par ailleurs, dans les compétences de la région, figure le domaine de la formation. On ne peut pas raisonnablement dissocier aujourd’hui les deux domaines, surtout lorsque l’on constate le grand écart entre, d’une part, les formations proposées à ceux qui sont sur le marché de l’emploi et, d’autre part, la réalité des besoins de l’économie. Il est donc vraiment nécessaire de prévoir un chef de file pour assurer de la cohérence entre le secteur économique et le domaine de la formation.
Enfin, s’agissant du fonctionnement, cet amendement, auquel j’adhère parfaitement, va avoir des conséquences sur la définition des ressources des régions, même si tel n’est pas l’objet de notre discussion aujourd’hui. En effet, devenir chef de file sans moyens ne signifie rien.
Sans entrer dans le débat à cet instant, ce constat montre bien la dimension et la portée du compromis proposé, qui a le mérite de la lisibilité. Je le répète, je m’y retrouve très bien, à ceci près que nous devrons avoir le courage de donner aux régions des exécutifs qui ne soient pas otages.
Aujourd’hui, quand on voit les délais pour agir, parfois même l’impossibilité d’intervenir sur le développement économique compte tenu de notre tendance, par rapport à d’autres pays ou à d’autres régions européennes, à couper les cheveux en quatre, il est légitime de s’interroger. Ce n’est pas le débat d’aujourd’hui, mais nous devrons avoir le courage de le trancher un jour, car il n’est pas acceptable de prendre en otage le développement économique de nos régions.
En conclusion, je voudrais encore une fois féliciter M. le rapporteur, dont je voterai l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement apporte des précisions et des éléments de clarification.
Toutefois, quels changements l’adoption de ces dispositions permettrait-elle ? Je n’en vois pas beaucoup, si ce n’est que la compétence renforcée de la région va se traduire par l’élaboration d’un schéma régional de développement économique, d’internationalisation et d’innovation.
À ce sujet, je me pose des questions, auxquelles je souhaiterais avoir des réponses, si possible : ce schéma va-t-il être opposable, et, si c’est le cas, comment cette opposabilité va-t-elle se traduire dans les relations entre les différentes entités parties prenantes du développement économique d’un territoire ?
En d’autres termes, les décisions que prendra la région en matière d’implantations économiques, d’orientations économiques vont-elles s’imposer aux territoires, qui, par ailleurs, vont garder des responsabilités en matière de développement économique, c’est-à-dire principalement le bloc communal et les départements ?
Cet amendement apporte à mon avis des éléments de clarification, et je le voterai donc. Néanmoins, cette question de l’opposabilité se pose et il convient de s’interroger sur la manière de la faire vivre.
Une autre question se pose également, et ce de manière accrue, me semble-t-il : comment la concertation avec l’ensemble des parties prenantes territoriales de l’élaboration de ce schéma régional va-t-elle être organisée ?
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Sans vouloir retarder nos travaux, je tiens à donner acte à la commission du dépôt de cet amendement et à la remercier de son travail. Cette loi doit en effet nous permettre de parvenir à un surcroît d’efficacité, c’est-à-dire à des plus-values, et non à des moins-values par destruction de ce qui existe et qui fonctionne.
Or, tout en souscrivant totalement au discours exprimé hier par M. le sénateur-maire de Lyon sur le fait que la richesse est concentrée aujourd’hui dans les métropoles, qui sont les lieux de créativité, je n’oublie pas qu’il y a, dans la diversité de notre pays, des territoires qui ont des modèles économiques inversés, en quelque sorte.
Je suis élu de l’un de ces territoires. Dans les deux départements savoyards, qui regroupent une population quasi équivalente à celle de l’Auvergne, la richesse est créée non pas dans la zone urbaine, mais dans les vallées : c’est là que sont concentrées la production d’énergie, la majeure partie de l’activité industrielle liée à la présence de l’énergie et l’activité touristique, puisque ce territoire est la première destination mondiale pour les sports d’hiver.
Chez nous, ce sont donc les vallées qui irriguent la ville. Dans ce contexte, les départements jouent un rôle historique, puisqu’ils ont soutenu l’essentiel des parcs d’activités et des technopôles, directement ou sous forme de syndicat mixte. Il est important que cette action puisse être poursuivie.
Cet amendement, tel qu’il est rédigé, réaffirme la compétence de la région, mais il apporte des éclaircissements sur les délégations possibles de cette compétence aux structures départementales, qui peuvent continuer à jouer leur rôle fédérateur et d’interface entre l’économie des vallées et celle des zones urbaines.
Je défendrai plus tard un amendement qui traite des zones frontalières. Certes, c’est un autre problème, mais nous devons prendre en compte le fait que, pour un certain nombre de territoires de notre pays, la richesse et les emplois dépendent en large part de métropoles situées hors du territoire national, qu’il s’agisse de Bâle, pour le sud de l’Alsace, ou de Genève, pour les deux départements savoyards et l’Ain.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le temps est au consensus dans cet hémicycle, mais je ne peux pas du tout m’y associer.
Dieu sait que de forts désaccords nous opposent à M. Hyest, y compris sur les marges de manœuvre que nous donne la Constitution, mais la manière dont il a présenté hier la première proposition de la commission des lois, en insistant sur la nécessité de sortir de l’enchevêtrement des compétences et d’améliorer la lisibilité du dispositif, me semblait assez courageuse, tout comme le travail réalisé par la commission en matière de développement économique pour maintenir le schéma existant était également courageux.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il l’est toujours !
M. Ronan Dantec. Honnêtement, l’expression « sous réserve des interventions économiques » me fait peur.
L’articulation des compétences respectives de la métropole et de la région nous posait un vrai problème, Gérard Collomb s’est longuement exprimé sur ce point hier. De toute évidence, la répartition des compétences entre ces deux entités qui sont aujourd’hui les véritables lieux du développement économique n’était pas calée. Le travail restait donc à faire sur ce point.
Mais profiter de cet éclaircissement nécessaire pour rétablir le département comme acteur économique important est un leurre, et je pèse mes mots ! Je pense même que l’expression « sous réserve », pour un certain nombre de régions, va se traduire par un « aide-toi et le ciel t’aidera » extrêmement dangereux.
L’idée qui a présidé à l’institution du schéma régional et à la réforme de la carte et de la taille des régions était aussi de forcer les régions à agir en faveur de l’égalité territoriale. Tel était d’ailleurs le sens de l’amendement n° 295 de Pierre Jarlier, que nous avons voté hier.
Avec cette nouvelle rédaction, les régions pourront refuser d’intervenir en faveur de départements plutôt périphériques et sous-dotés, au motif qu’ils ne font rien – évidemment, puisqu’ils n’en ont pas les moyens ! M. Mézard ne sera pas d’accord avec cette lecture, mais nous sommes en profond désaccord avec lui sur la manière dont évolue ce pays.
Cet amendement, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, représente un recul en termes d’égalité territoriale et réduit la responsabilité de la région en matière de développement territorial équilibré.
Je pense que d’autres possibilités s’offraient à nous pour rééquilibrer les compétences entre la région et la métropole, parce qu’il s’agit d’un enjeu majeur. En revanche, le compromis qui a été trouvé, s’il ne nous étonne pas, compte tenu du parcours politique de certains de nos collègues, réduit la responsabilité de la région et jouera, à terme, au détriment des territoires les plus faibles.
Ma lecture ne recueille certainement pas l’approbation de la plupart des collègues présents dans cet hémicycle ; quoi qu’il en soit, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Un certain nombre de nos collègues ont exprimé leurs inquiétudes hier, d’autres le font aujourd’hui.
La commission des lois ne remet pas en cause la compétence de la région en matière de développement économique ! Qui a décidé que les métropoles exerceraient des compétences économiques ? Ce n’est pas nous, mais c’est la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, pour la métropole de Lyon ! De même et depuis toujours, tous les textes concernant les intercommunalités leur accordent des compétences dans ce domaine.
M. Ronan Dantec. Pour les intercommunalités, nous sommes d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et pour la métropole ?
M. Ronan Dantec. Je parle des départements !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour les départements – cela me permettra de répondre à M. Adnot –, nous visons les solidarités territoriales. Normalement, les intercommunalités devraient toujours s’en occuper, mais il existe toujours une possibilité de déléguer cette compétence par voie de convention. Cela ne va pas disparaître.
Les départements vont-ils continuer à être maîtres d’ouvrage de grandes zones logistiques ? Normalement, ces matières relèvent plutôt de la compétence des intercommunalités, ce qui ne veut pas dire que le département n’y contribuera pas indirectement par contrat, au titre de ses voiries. J’ajoute que la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP, devra jouer son rôle : les intercommunalités y siégeront et il y aura débat.
Il faut bien accepter des évolutions, mes chers collègues !
De même qu’il ne peut pas y avoir de villes-État complètement étrangères à leur environnement, il ne peut pas y avoir de collectivités qui assument toutes les compétences. Peut-être, dans le passé, certaines collectivités n’ont-elles pas joué leur rôle (M. François Patriat s’exclame.) Je ne parle pas de la région Bourgogne, qui est en pointe en matière de développement économique !
M. Henri de Raincourt. Pas seulement !
M. Bruno Retailleau. Nous sommes tous Bourguignons !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nombre de facteurs expliquent la situation de la Bourgogne, dans sa diversité agricole,…
M. Bruno Retailleau. Viticole !
M. Michel Bouvard. Oui, vitivinicole !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je disais « agricole » pour rester dans le vague… Il en va de même pour la Champagne, dont l’Aube fait partie, je le rappelle, avec d’excellents vignobles !
À terme, la responsabilité en matière de zones d’activités notamment reviendra aux intercommunalités. Tout cela sera dans le schéma régional de développement économique.
Il faut donc accepter des évolutions. La solidarité territoriale sera abordée à l’occasion de la discussion de l’article qui supprime la clause de compétence générale du département.
Pour ce qui concerne l’aide aux petites entreprises, je pense que le département doit continuer à jouer son rôle, car la dimension régionale n’est certainement pas la bonne.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’aide au commerce rural, par exemple, se fait par contrats. D’ailleurs, le plus souvent, ce n’est pas le département qui intervient directement, mais il aide la commune à racheter le fonds du boulanger, par exemple. Si la région veut le faire, tant mieux !
M. François Patriat. Elle le fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Chez vous, mais d’autres régions ne savent même pas qu’il peut exister des boulangeries en milieu rural ! Tels sont les termes du débat.
Monsieur le président, l’amendement n° 1021 rectifié bis de la commission est en discussion commune avec de nombreux autres amendements. Je constate que la plupart des auteurs de ces amendements ont déclaré que celui de la commission leur convenait.
M. le président. Monsieur le rapporteur, nous pourrions renoncer à la discussion commune, mais il me semble préférable de respecter les usages en vigueur au Sénat. J’en appelle simplement à la sagesse des auteurs des autres amendements pour qu’ils les présentent succinctement.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le président, je souhaiterais poursuivre quelques instants encore cette discussion sur l’amendement n° 1021 rectifié bis !
M. le président. Je vous en prie, madame la ministre, vous avez la parole.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Compte tenu du libellé de cet amendement n° 1021 rectifié bis, le Gouvernement ne pourra pas émettre un avis favorable – je le dis d’emblée –, mais il ne s’agit pas pour lui de faire de l’opposition systématique – je le précise en réponse à une observation qui m’a été adressée hier soir.
Nous avons présenté ce projet de loi après l’adoption de la loi MAPTAM, qui est désormais partie intégrante de notre droit. Dans cette loi, M. Collomb le sait bien, les compétences des métropoles sont précisément décrites et les métropoles n’ont donc pas d’inquiétudes à avoir. Je crains cependant que certains n’aient oublié que le présent projet de loi s’inscrit dans la continuité du précédent.
M. Pierre-Yves Collombat. Curieuse continuité !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La position du Gouvernement est simple. Il existe actuellement, sur l’ensemble du territoire français, 6 000 dispositifs d’aide aux entreprises. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que ce chiffre est énorme, mais que ce foisonnement ne contribue malheureusement pas au redressement de notre pays.
Nous continuons à affirmer le rôle de la région en qualité de collectivité territoriale responsable de la définition des orientations économiques sur le territoire régional. La région a donc une compétence exclusive pour la définition de ces orientations au travers du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation : aide aux entreprises, soutien à l’internationalisation, aide à l’investissement immobilier et à l’innovation.
Les autres collectivités territoriales conserveront des possibilités d’intervention économique – il me semble que c’est bien le sujet qui nous occupe depuis hier –, à savoir des aides en faveur du développement économique, quelle que soit la forme de ces aides, dans le respect des orientations définies par la région et dans le cadre d’une convention – dans l’idéal, comme Mme Létard avait raison de le rappeler hier.
Nous avions pris soin d’évoquer le cas des départements, qui n’exerceront plus la compétence du développement économique – j’y insiste, car l’un d’entre vous a posé la question, et il faut que cela soit bien clair.
En revanche, nous l’avons dit dès le début, puisque c’était l’un des arguments les plus forts en faveur de la création de la CTAP, les régions, surtout dans leur nouveau périmètre, ne vont plus intervenir directement pour soutenir tel petit commerce en milieu rural, pour aider telle entreprise dans son agrandissement immobilier, pour la recherche d’un terrain, l’accompagnement VRD, que sais-je encore ? Il est hautement probable, sinon certain, que les régions vont passer des conventions pour un certain nombre d’interventions économiques, y compris avec les départements et peut-être en premier lieu avec eux.
Tel était bien l’état d’esprit du Gouvernement, celui que nous avons clairement exposé lors de la discussion du premier texte. J’avais alors eu l’impression – à défaut de certitude !– que nous étions assez en accord sur les notions de pilotage, de cohérence, de coordination, de clarification et d’efficacité. C'est la raison même de ce statut particulier conféré aux métropoles. Sinon, à quoi servait-il de les créer ?
En matière d’immobilier d’entreprise, seuls les EPCI à fiscalité propre se voient réserver une possibilité d’intervention autonome, laquelle est toutefois encadrée par les orientations du schéma. Peut-être est-ce précisément l’encadrement par l’orientation d’un schéma qui pose question.
Le département se voit supprimer, je viens de le dire, la quasi-totalité de ses compétences en matière de développement économique. De surcroît, il ne dispose plus de la clause de compétence générale, qui lui permettait d’intervenir jusqu’à ce qu’une loi soit votée en la matière.
Concrètement, dans le texte de Gouvernement, le département n’intervient qu’en complément de la région. Je viens de l’illustrer par quelques exemples pris en matière immobilière. On avait parlé, souvenez-vous, d’un magasin ici, d’une petite zone aéroportuaire là…
Nous sommes dans le cadre de la délégation. Le schéma fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique. Nous voulons qu’il en soit ainsi parce que nous faisons confiance aux élus. Même si on a connu des expériences difficiles, même si l’on sait qu’untel et untel n’ont jamais pu s’entendre, on ne peut pas légiférer en prenant en compte ce type de situation !
Vous l’avez rappelé, madame Létard, au nom de la commission des affaires économiques, les EPCI à fiscalité propre disposent de l’essentiel de la compétence en matière de développement économique du bloc communal. Les communes peuvent intervenir dès lors qu’un intérêt local le justifie et que la loi n’attribue pas la compétence au profit d’une autre collectivité ou d’un EPCI.
Ainsi, en matière d’aide aux entreprises, le bloc communal doit respecter les orientations du SRDEII, tout comme le département ; il ne peut intervenir en matière d’aide qu’en complément de la région. Il dispose néanmoins d’une compétence de plein droit, la possibilité de prendre une initiative, en matière, par exemple, d’immobilier d’entreprise.
Nous pensions avoir apporté tous les éléments de nature à clarifier le débat parce que c’était de cela que nous voulions discuter les uns avec les autres.
Je défends donc la rédaction du Gouvernement, qui a veillé au bon emplacement de tous les articles pour satisfaire à l’exigence de précision.
Le texte de la commission, qui a interprété notre rédaction, prévoyait que la région « est seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire ». La notion d’ « intervention économique », certes, très large, a pu susciter une inquiétude : cela peut englober le maintien du dernier commerce, la préservation de la station-service en milieu rural ou l’installation de tel ou tel équipement.
En prévoyant que la région « décide des interventions économiques, sous réserve des interventions économiques, d’une part, des communes au titre de leur compétence générale », le texte du présent amendement pose un problème d’ordre de lecture.
Je peux comprendre que les rédacteurs de l’amendement n’aient pas voulu mettre en avant cette notion de « réserve », mais, quand on lit le texte, c’est bien elle que l’on retient ! On se dit que, demain, un président de région devra attendre que tout le monde ait défini ses interventions avant de pouvoir arrêter ses propres orientations. Ce sera difficile à mettre en place! D'ailleurs, très honnêtement, je ne vois pas comment tout cela va fonctionner.
C’est que, mesdames, messieurs les sénateurs, je réagis à chaud, en quelque sorte, et en improvisant. Nous n’avons pas eu le temps d’examiner en profondeur cet amendement, que nous avons découvert ce matin, en début de séance, et que nous avons fait analyser rapidement par nos services.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Peut-être trop rapidement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le problème, c’est bien ce « sous réserve », car on comprend qu’il ne restera plus aux régions que ce que les autres n’auront pas fait.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas exact !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le président de la commission, accordez-moi le droit à un sourire d’interprétation ! (Sourires.)
Je le répète, nous sommes gênés par l’ordre de la rédaction, et ma relecture du texte confirme ma première impression. Vous comprendrez, monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, que, compte tenu du texte qu’il avait déposé, le Gouvernement ne puisse pas soutenir cet amendement.
J’émets donc d’ores et déjà, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 1021 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, je ne pense pas que nous soyons en désaccord, il y a simplement un malentendu entre nous.
Entre un texte qui commence par l’expression « sous réserve » et un texte qui finit par l’expression « sous réserve », c’est comme « Belle marquise, vos beaux yeux » ou « Vos beaux yeux, belle marquise »...
L’ordre dans lequel on place le « sous réserve » n’emporte aucune, absolument aucune conséquence juridique. Je ne comprends pas votre réticence et je ne peux l’attribuer qu’au fait que, comme vous l’avez rappelé, vous avez découvert cet amendement au début de la séance seulement. Vous n’avez pas eu le temps de l’examiner sous un angle juridique, objectif.
Madame le ministre, cet amendement explicite les compétences de chacun, mais il ne crée aucune compétence.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, en effet !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ces compétences sont définies dans des articles du code général des collectivités territoriales que notre rédaction initiale se bornait à énumérer sans en rappeler le contenu. En lisant cette énumération, on avait donc la désagréable impression que, pour comprendre sa signification, il allait falloir se plonger dans le code et y rechercher chacun des articles cités.
Ce qu’a voulu faire la commission, dans le souci de répondre à un besoin de clarification qui s’est manifesté à tous égards et sur toutes les travées, c’est expliciter les choses pour apporter une sécurité aux différentes collectivités territoriales.
La commission n’a pas voulu transformer en profondeur ce qui était l’objet même de cet alinéa 7 de l’article 2. Elle a tout simplement voulu que cet alinéa 7 de l’article 2 soit compréhensible dès sa première lecture sans qu’il soit nécessaire de manipuler le code général des collectivités territoriales. Ce faisant, elle a voulu apporter aux différents échelons de collectivités la garantie limpide qui leur manquait, un point c’est tout !
En tous les cas, si l’on est en désaccord sur la distribution des compétences en matière économique, avec cette prééminence reconnue désormais à la région, ce désaccord ne se déduit pas de l’emplacement du « sous réserve » dans une phrase d’une disposition juridique !
M. le président. Mes chers collègues, nous avons très naturellement entamé la discussion commune de ces quatorze amendements en commençant par le premier amendement, essentiel, celui de la commission des lois.
À l’issue de cette présentation, j’ai accepté que se poursuive la discussion, de sorte que tous ceux qui souhaitaient s’exprimer sur cet amendement puissent le faire, de manière succincte.
Pour aller jusqu’au bout de ma logique tout en respectant notre règlement, je vais maintenant appeler en discussion les treize autres amendements faisant l’objet de la discussion commune en demandant à leurs auteurs, qui se sont, pour la plupart, largement exprimés, de dire en quelques mots s’ils maintiennent ou retirent leur amendement. En effet, nous avons déjà consacré beaucoup de temps à ce débat, et je m’en félicite car il a permis de clarifier la position des uns et des autres, notamment celle du Gouvernement.
À l’issue de la présentation des amendements, je demanderai, comme de coutume, l’avis de la commission et l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion.
L'amendement n° 405, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La région est responsable sur son territoire, après concertation pour son élaboration avec les autres collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et l’État, de la définition des orientations en matière de développement économique.
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je ne me suis pas exprimée au cours de la discussion qui vient d’avoir lieu, car je savais que j’allais intervenir sur cet amendement. Il a pour objet de proposer une nouvelle rédaction de la première phrase de l’amendement du rapporteur de la commission des lois, lequel traite des orientations de la région en matière de développement économique sur son territoire.
L’amendement que je propose, au nom de la commission des affaires économiques, vise à introduire, pour l’élaboration des orientations, la concertation avec les autres collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et l’État.
Si nous avons proposé cette rédaction, c’est par souci de cohérence entre les alinéas 13 et 14. L’alinéa 13 prévoit, en effet, que le schéma « fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique… » Aux termes de l’alinéa 14, les orientations sont « élaborées conjointement » – on va ici au-delà de la concertation. Avec cette phrase « chapeau », ce que nous voulons dire, c’est que l’élaboration conjointe ne se fera pas seulement avec les métropoles, elle aura également lieu avec l’ensemble des EPCI.
M. le président. L'amendement n° 827, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
responsable
par les mots :
chef de file
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Je retire cet amendement au profit de l’amendement de la commission des lois, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 827 est retiré.
L'amendement n° 585, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, sous réserve de l’intervention en matière de création et d’accompagnement des entreprises et en matière de création et de gestion des pépinières d’entreprises et technopoles par le conseil général
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
En cas de carence de la région, le conseil général est la collectivité responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en matière de développement économique.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Je vais retirer cet amendement, même si les réponses que j’ai obtenues ne sont pas exactement celles que j’attendais.
Il faut bien qu’une collectivité plus grande aide les collectivités de base quand elles n’ont pas la taille suffisante pour agir. Je suis absolument d’accord pour travailler avec les régions sous forme de convention. Encore faut-il que nous puissions le faire !
Je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 585 est retiré.
L'amendement n° 828, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sous réserve des missions incombant à l’État
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise, comme celui que vient de défendre Mme la rapporteur pour avis, à rappeler le rôle de l’État en matière d’action économique. Il n’aura plus d’objet si l’amendement n° 405 est retenu.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 168 rectifié est présenté par MM. Grand et Lemoyne.
L'amendement n° 226 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 654 est présenté par M. Collomb.
L'amendement n° 683 est présenté par Mme Micouleau.
L'amendement n° 758 rectifié est présenté par le Gouvernement.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
Les amendements nos 168 rectifié et 226 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour défendre l’amendement n° 654.
M. Gérard Collomb. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 654 est retiré.
Madame Micouleau, l'amendement n° 683 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Micouleau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 683 est retiré.
La parole est à Mme la ministre, pour défendre l’amendement n° 758 rectifié.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 169 est présenté par M. Grand.
L'amendement n° 227 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 655 est présenté par M. Collomb.
L'amendement n° 684 est présenté par Mme Micouleau.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il organise la complémentarité des actions menées, sur le territoire régional, par les collectivités territoriales et leurs groupements en matière d’aides aux entreprises.
II. – Alinéa 10
Remplacer le mot :
actions
par le mot :
aides
Les amendements nos 169 et 227 ne sont pas soutenus.
Monsieur Collomb, l’amendement n° 655 est-il maintenu ?
M. Gérard Collomb. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 655 est retiré.
Madame Micouleau, l'amendement n° 684 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Micouleau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 684 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 405, 828 et 758 rectifié ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 405 me pose problème. Au sujet de la concertation et du schéma, il faut lire tout l’article 2.
Le principe, c’est que la compétence en matière de développement économique revient à la région. Nous rappelons, comme l’ont souhaité nos collègues, les textes sur les métropoles et les intercommunalités. La compétence revient néanmoins à la région et on verra même que cette compétence est exclusive en matière d’aide aux entreprises.
Je vous assure que c’est faire un mauvais procès à la commission ! Nous avons mieux affirmé le rôle des régions en précisant le projet de loi initial, qui était flou. (Mme la ministre le conteste.) Nous pourrons toujours en discuter.
Surtout, je ne voudrais pas que l’on dise que le Sénat n’a pas valorisé le rôle des régions dans le domaine économique, et qu’à cause de cela il faut en revenir au projet de loi initial. (Mme Jacqueline Gourault opine.) Je connais les ruses habituelles et j’entends déjà ceux qui ne manquent aucune occasion de dire que, puisque le Sénat fait n’importe quoi, comme d’habitude, il faut en revenir au texte initial, en l’occurrence au schéma initial, qui serait bien meilleur...
On peut toujours proposer des modifications en vue de clarifier le texte, mais remettre en cause le principe selon lequel la région a compétence en matière d’orientation, non !
Bien sûr, comme vous l’avez dit, ma chère collègue, il faut une concertation. Mais, puisque l’article prévoit cette concertation, cela m’ennuie de le répéter dans le chapeau.
Même sur le plan grammatical, je vous le dis franchement, cet amendement ne tient pas. La commission n’a donc pas pu l’accepter. C’est d’ailleurs dommage, car nous sommes tombés d’accord sur beaucoup de sujets et avons adopté nombre d’amendements de la commission des affaires économiques. Mais pas celui-là !
Sur l’amendement n° 828 de M. Favier, la commission a émis un avis favorable, car les « missions incombant à l’État » existent encore.
Sur l’amendement n° 758 rectifié du Gouvernement, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 405 et 828 ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est très difficile de donner un avis sur l’amendement n° 405. Comment se prononcer sur des amendements rendus caducs par la rectification de l’amendement n° 1021 rectifié bis ?
On ne peut s’exprimer sur des amendements déposés sur le texte initial de la commission qu’après le vote de l’amendement de la commission...
M. le président. Non, madame la ministre, ainsi que le prévoit le règlement de notre assemblée, il vous revient de vous prononcer, au nom du Gouvernement, sur tous les amendements.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’émettrai donc un avis défavorable. En effet, comment donner un avis favorable sur un amendement tendant à modifier un texte qui, peut-être, ne sera plus ? C’est compliqué !
Compte tenu de ce qu’ont dit le rapporteur et les divers orateurs, l’amendement n° 405 de la commission des affaires économiques n’a plus lieu d’être. L’avis, je le répète, est défavorable.
L’amendement n° 828 vise à rappeler le principe selon lequel l’État conserve un rôle dans le développement économique. Monsieur Favier, cela va de soi ! On peut réécrire dans la loi ce qui revêt un caractère d’évidence ; il n’en reste pas moins que c’est toujours évident !
On ne peut qu’être favorable à cet amendement. C’est d’autant plus mon cas que j’ai longtemps défendu la politique industrielle du Gouvernement, et donc le rôle de l’État à ce niveau au travers d’un certain nombre d’actions gouvernementales.
M. le président. Madame la rapporteur pour avis, l’amendement n° 405 est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Nous allons examiner, plus loin dans le texte, un amendement n° 1023 de la commission des lois qui satisfait notre amendement. Par conséquent, je le retire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suggère que l’amendement n° 828, sur lequel la commission des lois avait émis un avis favorable, devienne un sous-amendement à l’amendement n° 1021 rectifié bis.
Cela permettrait de préciser, madame la ministre, que des compétences sont assurées non seulement par la région, mais aussi par l’État, les intercommunalités, les métropoles, etc. Une partie de l’interprétation de la position de la commission des lois tomberait de ce fait, ce dont je ne pourrais que me réjouir.
Il faut donc absolument adopter ce sous-amendement, mes chers collègues !
M. le président. Monsieur Favier, acceptez-vous de transformer votre amendement en sous-amendement, comme le suggère M. le rapporteur ?
M. Christian Favier. J’y suis tout à fait favorable, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 828 rectifié à l’amendement n° 1021 rectifié bis, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sous réserve des missions incombant à l’État
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 1021 rectifié bis, modifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si cet amendement devait être compris selon les termes utilisés par Mme la ministre, je ne le voterais pas.
En effet, si le « sous réserve » devait signifier que la région ne peut intervenir que lorsque l’ensemble des autres instances se sont déterminées préalablement,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. ... ce serait un non-sens.
Cette clause, qui existe dans de très nombreux textes, signifie que l’on instaure un droit, une capacité, une compétence dans le cadre du droit en vigueur. C’est exactement ce qui était prévu à l’article 2 du projet de loi initial, lequel, s’agissant du schéma économique, disposait : « Les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’intervention économique sont compatibles avec ce schéma. » Je vous cite, madame la ministre !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela signifie que des actes peuvent exister en vertu du droit en vigueur, qu’il doit y avoir une compatibilité. Mais le pouvoir d’initiative, les prérogatives et les compétences des régions ne sont en rien diminués. (M. le rapporteur de la commission des lois approuve.)
Il faut être très clair : les mots « sous réserve » n’impliquent absolument pas une subordination des régions aux autres instances.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est ainsi, en tout cas, que je l’interprète.
Nous avons dit, à l’occasion de l’examen d’un précédent amendement, que la suppression de l’adjectif « seule » avait pour but d’affirmer la vocation éminente de la région en matière économique. De même, il est évident que, pour des raisons concrètes et pratiques, les métropoles, l’armature urbaine et d’autres collectivités travailleront en lien avec les régions ; pour autant – le rapporteur l’a dit et répété ! –, ces dernières seront les seules à pouvoir distribuer des aides économiques.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. De même que nous avons clarifié le sens de cette suppression de l’adjectif « seule », il nous faut expliquer le sens que nous donnons aux mots « sous réserve » : ils ne signifient en rien une limitation, une amputation, mais constituent la reprise d’une clause juridique, fréquente dans notre droit.
Mme Jacqueline Gourault. Notre collègue a raison !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est en ce sens, celui de l’affirmation du rôle économique éminent des régions, que nous voterons l’amendement n° 1021 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je souhaite indiquer, à la suite du rapporteur, que personne ne peut faire au Sénat le mauvais procès de ne pas vouloir confier aux régions davantage de responsabilités économiques.
Plus loin dans le texte, à deux articles de distance, nous allons demander un transfert aux régions des compétences de l’État en matière d’emploi. Ce sera le seul véritable élément de décentralisation de ce texte, et cela répond, je crois, aux interrogations des uns et des autres.
Je veux féliciter le rapporteur et le président de la commission des lois, qui ont élaboré nuitamment cet amendement rectifié.
Pierre-Yves Collombat évoquait Le Cid, avec « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». Je citerai, pour ma part, répondant à ceux qui voudraient s’opposer à cet amendement n° 1021 rectifié bis, Victor Hugo : « Dans les plis de leur dogme ils ont la sombre nuit. ».
Encore une fois, je remercie la commission de nous éclairer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Bertrand. Ce n’est pas d’une grande clarté tout de même ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. La clarté, pour Victor Hugo, était un peu le sens de sa vie. Mais je ne suis pas certain, au vu des dernières interventions, que nous ayons beaucoup progressé vers la clarté ce matin !
Je ne suis pas un grand spécialiste du droit, comme adore le rappeler M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Au contraire, vous proposez des innovations formidables ! (Nouveaux sourires.)
M. Ronan Dantec. En effet, monsieur le rapporteur, en jouant avec les marges de manœuvre que laisse la Constitution ! Nous en reparlerons.
Je suis impressionné... En somme, nous débattons pour donner un sens aux mots !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Un sens juridique !
M. Ronan Dantec. M. Sueur vient ainsi de nous expliquer comment il fallait comprendre les mots « sous réserve ».
Si, sur chaque article de loi, nous devons avoir un débat pour expliquer quel est le sens véritable des mots qui le composent, alors, je vous le propose, changeons plutôt de mots ! Ce sera plus simple...
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pour cela qu’il y a des débats au Parlement !
M. Ronan Dantec. Si j’ai bien compris les méthodes de travail du Parlement, les termes « sous réserve » pourront difficilement survivre à la navette parlementaire. Pourquoi ne pas les remplacer par les mots « en tenant compte » ? Cela irait dans le sens de l’amendement que Mme Létard vient de retirer, et ce serait beaucoup plus simple et bien plus clair. À défaut, personne ne comprendra cet amendement.
Vous le voyez, moi aussi, je cherche une formulation plus lisible, dans la droite ligne de Victor Hugo ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, en fin de compte, tout cela est né d’un malentendu.
Regardons les textes en vigueur : la loi MAPTAM a été votée, elle existe, elle est inchangée. Une seule chose nous est aujourd’hui demandée : que les métropoles se mettent d’accord avec les régions pour définir leur action.
On affirme la prééminence du rôle économique de la région, mais en même temps on l’infirme totalement. Car « sous réserve », en droit, cela a un sens ! Si une action économique est décidée sans l’accord des collectivités infraterritoriales, elle ne pourra pas être menée par la région.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. François Patriat. Qu’en sera-t-il alors des interventions économiques de la région ?
En lieu et place de la clarté que vous préconisez et prêchez avec tant de véhémence, mes chers collègues, nous sommes donc dans l’obscurité la plus totale ! C’est la raison pour laquelle je soutiens la position du Gouvernement, lequel est défavorable à cet amendement.
Je ne voterai pas un amendement qui infirme totalement le principe, affirmé dans ce projet de loi, de la prééminence des régions en matière économique.
J’appelle donc mes collègues et mes amis des métropoles à faire preuve d’un peu de sagesse. Que seront les régions dans un an ? Et qui y siégera ? Tiendrez-vous alors le même discours qu’aujourd'hui, mes chers collègues ? Sans doute pas !
Nous souhaitons, si les métropoles conservent une compétence économique, qu’elles se mettent d’accord avec la région. Ce n’est tout de même pas trop demander ! Mais même cela, vous ne le voulez pas.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme Odette Herviaux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Boileau, et la sagesse populaire, nous apprennent que « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».
Pour notre part, nous ne savons pas très bien ce que nous sommes en train d’écrire, car, pour tout dire, nous n’y comprenons plus rien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !
M. Yves Détraigne. Il me semble donc qu’il serait peut-être sage de réserver cet article…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Nous y avons déjà consacré huit heures !
M. Alain Bertrand. Suspendons la séance !
M. Yves Détraigne. … ou de suspendre la séance quelques minutes pour rédiger clairement cet amendement, car nous ne savons pas très bien ce que nous allons voter.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !
M. Yves Détraigne. Si nous avons compris les souhaits des uns et des autres, nous n’avons cependant pas le sentiment que ce que l’on nous propose de voter en est la traduction. Il y a un véritable problème.
M. Alain Bertrand. Et pourquoi pas un « nonobstant » ?
M. Yves Détraigne. Ce n’est pas là une bonne manière de légiférer. La durée de ce débat témoigne on ne peut mieux du décalage existant entre ce qu’on lit et ce qu’on entend.
Je laisse le soin à la commission et à M. le rapporteur de décider si une suspension est nécessaire ou non, mais, je le répète, la situation n’est pas claire du tout, alors que, me semble-t-il, nous sommes tous sur la même longueur d’onde et savons ce qu’il faudrait faire.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je ne continuerai pas dans les citations, je tenterai simplement d’être claire.
D’une part, la commission des lois a toujours considéré que la compétence économique devait revenir aux régions.
D’autre part, on sait que la loi donne des compétences économiques aux intercommunalités et aux métropoles.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault. En revanche, je ne vois pas ce que le département vient faire ici.
Il serait donc raisonnable, monsieur le rapporteur, de prendre dix minutes pour réécrire l’amendement.
M. Alain Bertrand. Avis partagé !
Mme Jacqueline Gourault. Je suis désolée, mais je pense que c’est nécessaire, car le libellé actuel suscite trop de réserves.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Je partage l’avis de Jacqueline Gourault. Pour ma part, j’avais eu l’impression, hier soir, que les explications données par Jean-Jacques Hyest avaient permis de clarifier les choses.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que j’avais dit !
M. Pierre Jarlier. Il y avait bien une logique : il y avait les compétences générales, donc les interventions économiques du bloc local et, pour les départements, des possibilités d’intervention économique par délégation.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Pierre Jarlier. Certes, la formule « Elle est seule compétente » posait problème.
Or, ce matin, comme vient de le dire Yves Détraigne, plus personne ne comprend rien et nous nous sommes visiblement écartés du chemin de la clarté.
Il faudrait donc revenir à un texte nous permettant de mieux nous comprendre les uns et les autres. Tel n’est pas du tout le cas pour le moment. Une réécriture paraît s’imposer.
Pour ma part, j’ai l’impression que nous sommes en train d’inverser les rôles en considérant que la région interviendrait sous réserve de ce que font les autres. Pour le coup, je pense que cela peut poser problème.
Revenons donc à des principes clairs : les compétences économiques doivent revenir aux régions, le bloc local doit continuer à faire ce qu’il a à faire, le département pouvant intervenir par délégation. Il me semble que c’est ce que disait Jean-Jacques Hyest hier soir.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Tout le monde est d’accord sur le fond : la région définit les orientations, met en œuvre les actions qu’elle décide, mais cela n’empêche pas, en parallèle, les collectivités ayant la compétence économique – les métropoles, les agglomérations, les communautés de communes, les communes et, dans le cadre de délégations, les départements –de continuer à intervenir.
Il est vrai que, si nous y consacrions deux phrases distinctes, ce serait plus simple à comprendre.
On voit bien que les termes « sous réserve » posent des problèmes d’interprétation. Certains les comprennent d’une certaine manière, d’autres différemment. Cela ne peut que créer de la confusion. Je propose donc de remplacer les mots : « sous réserves » par les termes : « sans préjudice », qui seront plus clairs et permettront de lever toute ambiguïté. En outre, si j’en juge par ce que j’ai entendu jusqu’à présent, ils permettraient de rassembler l’ensemble de l’hémicycle.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Deux problèmes se posent à nous.
Le premier problème est le plus simple : compte tenu du manque de moyens des collectivités, le risque est grand, si la région est la seule à pouvoir intervenir dans le domaine économique, que plus personne d’autre ne le fasse.
Le second est bien plus redoutable. Il concerne les métropoles, qu’a évoquées notre collègue Gérard Collomb. Vous semblez aujourd'hui découvrir, mes chers collègues, qu’elles ont des compétences en matière économique et qu’elles captent tout ou partie des compétences économiques de la région, des départements aussi d’ailleurs, pour d’autres aspects.
Vous découvrez donc aujourd'hui que cet objet bizarre que sont les métropoles ne colle absolument pas avec notre organisation territoriale. Vous vous débattez donc pour essayer de concilier toutes ces questions, mais force est de constater que le problème n’est pas d’ordre rédactionnel.
Voulez-vous ou non de ces fameuses locomotives que sont les métropoles, lesquelles sont censées nous tirer vers le haut et favoriser le développement, quitte à laisser de côté, d'ailleurs, le reste du territoire ? Tel est le fond du débat.
On ne réglera pas ce problème ce matin, au détour d’une rédaction, si travaillée soit-elle. On ne peut, au mieux, que masquer la difficulté et laisser le temps faire son œuvre pour la résoudre, c’est tout !
Il y a une contradiction fondamentale, acceptez de le reconnaître !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le « sans préjudice » est en effet bien meilleur que le « sous réserve ». L’expression figurait d’ailleurs dans l’amendement que nous avions présenté hier soir.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! Cela me convient !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je pense que cette modification satisfera, outre Jean-Pierre Sueur, Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Il nous faut un texte qui corresponde à ce que nous voulons !
Mme Jacqueline Gourault. Cela nous convient, c’est ce que nous demandions.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette solution répondra aux préoccupations de Jacqueline Gourault et d’un certain nombre de nos collègues.
Quant à la compétence des départements, on le sait, elle peut s’exercer dans le cadre de conventions. Les choses sont donc tout à fait claires.
La commission des lois a réaffirmé, plus qu’initialement encore, la compétence des régions. Elle a précisé les conditions de la coopération entre les intercommunalités et les métropoles pour l’élaboration du schéma. En outre, comme vous le verrez, les aides aux entreprises seront une exclusivité de la région.
Les termes « sans préjudice » signifient simplement que d’autres collectivités ont des compétences dans le domaine économique.
Tout est clair !
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 1108, présenté par M. Kaltenbach, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer (deux fois) les mots :
sous réserve
par les mots :
sans préjudice
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 1021 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement no 758 rectifié n’a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 409 rectifié, présenté par MM. Montaugé et Madrelle et Mme Claireaux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces orientations conduisent à un développement économique équilibré du territoire régional, impliquant de manière adaptée les territoires ruraux de la région dans la création de valeur et d’emplois.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la perspective d’un aménagement équilibré de l’espace régional, les orientations retenues par les régions en matière de développement économique doivent prendre en compte la nécessaire contribution des territoires ruraux. Or la notion de « ruralité » n’apparaît pas explicitement en tant que telle au début du projet de loi.
Cet amendement tend donc à affirmer la place que doivent avoir les territoires ruraux ou hyper-ruraux dans le domaine de l’économie, en complément – j’y tiens beaucoup – et en lien avec les grands systèmes métropolitains, qui constitueront de plus en plus l’armature de notre économie nationale.
M. le président. L'amendement n° 829, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans la perspective d’un aménagement harmonieux du territoire, pour promouvoir l’emploi, la formation, l’égalité homme femme et pour relever les défis industriels et écologiques
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Au-delà des attendus de l’article 2, il nous semble nécessaire de prévoir, pour les politiques locales de développement économique, des objectifs autrement plus ambitieux que ceux qui semblent leur être assignés ici.
En la matière, il ne faudrait pas reproduire les erreurs du passé. Les interventions publiques locales dans le champ économique se limitent bien souvent à « socialiser » des coûts que les entreprises se refusent à prendre en charge. Il nous semble donc indispensable de conditionner les aides publiques régionales au fait, pour les entreprises, d’avoir atteint ou réalisé certaines finalités précises.
Les aides publiques ne peuvent être instrumentalisées pour remettre en question, par exemple, l’un des principes essentiels du code du travail, à savoir l’égalité de rémunération, à compétences égales, entre les hommes et les femmes. Cette égalité doit conditionner l’intervention économique territoriale.
Nous souhaitons qu’un ensemble de critères soient ajoutés afin de rendre l’intervention économique et la dépense publique plus efficaces et de répondre aux besoins des territoires, des femmes et des hommes qui y vivent et y travaillent.
M. le président. L'amendement n° 1022, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
ne contribuent pas aux
par les mots :
contribuent à un développement économique équilibré du territoire de la région et ne favorisent pas les
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser que les spécificités des différents territoires de la région doivent être prises en compte dans le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, le SRDEII, par exemple les territoires périurbains, ruraux ou hyper-ruraux, …
M. Alain Bertrand. Très bien ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … les territoires de montagne ou encore les territoires frontaliers.
Le projet de loi précise déjà que les actions prévues par le SRDEII ne doivent pas entraîner la délocalisation d’activités économiques au sein de la région ou d’une région limitrophe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 409 rectifié et 829 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il nous semble que l’amendement n° 1022 non seulement répond aux préoccupations des auteurs des deux autres amendements, mais aussi est plus synthétique.
Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, je demanderais la priorité de vote pour celui de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement n° 409 rectifié présenté par M. Montaugé, et l’amendement n° 1022 présenté par le rapporteur, me semblent utiles, et pas seulement au débat. Certes, leur portée normative n’est pas évidente, notamment en ce qui concerne l’amendement n° 409 rectifié. Ils peuvent toutefois contribuer au fonctionnement des futurs conseils régionaux en permettant à leurs élus, le moment venu, de garder à l’esprit leur responsabilité dans le développement économique de tous leurs territoires, notamment ruraux et, particulièrement, des territoires hyper-ruraux chers à M. Bertrand.
Le Gouvernement hésite entre s’en remettre à la sagesse du Sénat ou émettre un avis favorable, avec une faveur pour cette seconde position, de manière à montrer que le Sénat et le Gouvernement partagent cette préoccupation pour les territoires ruraux.
En revanche, concernant l’amendement n° 829 présenté par Mme Cécile Cukierman, il nous semble qu’il n’y a pas lieu de préciser dans la loi les objectifs sociaux et environnementaux que doivent viser les orientations définies dans le SRDEII. Leur caractère limitatif, tel qu’il apparaît dans la rédaction de cet amendement, nous semble de surcroît contraignant.
Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Montaugé, qu’en est-il de l’amendement n° 409 rectifié ?
M. Franck Montaugé. Je prends acte des propos de M. le secrétaire d’État, qui a bien évalué le sens de cette proposition. Le texte de l’amendement présenté par la commission des lois est parfaitement compatible avec le mien, je m’y rallie donc et je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 409 rectifié est retiré.
Madame Cukierman, l'amendement n° 829 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président, nous le maintenons car il ne s’attache pas aux mêmes alinéas que l’amendement de la commission et vise à étendre le champ d’action des régions.
Je regrette que, lorsque l’on évoque une conditionnalité des aides économiques afin d’améliorer l’efficacité de la dépense publique au service des populations, on se voie opposer le risque de contraintes pour les entreprises. Ces deux dimensions ne sont pas opposées à mes yeux : les entreprises ne peuvent pas se développer sans femmes ni sans hommes !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’amendement n° 829.
M. Ronan Dantec. Je n’ai pas bien compris l’avis de M. le secrétaire d’État sur l’amendement n° 829. Je ne vois pas en quoi cet amendement tendrait à imposer trop de contraintes. Il me semble au contraire utile de rappeler certains grands principes qui doivent faire consensus ici. Certes, je n’aime pas beaucoup l’adjectif « harmonieux », auquel je préfère bien entendu l’adjectif « durable » ! (Sourires.)
Je n’ai pas compris en quoi le rappel de ces grands objectifs poserait des problèmes dans cet hémicycle : ce serait un peu inquiétant s’il en était ainsi.
Je soutiendrai donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 486, présenté par MM. Patriat et Durain, Mme Herviaux, MM. Masseret et Anziani, Mme Espagnac, M. Courteau et Mme Ghali, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional et à l’implantation d’entreprises
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. L’attractivité de la France et l’implantation d’entreprises sont des enjeux économiques nationaux qui supposent à la fois l’action de l’État et celle des régions dans le cadre de leurs schémas de développement économique. Or ces objectifs ne figurent pas dans la loi.
Cet amendement vise ainsi à compléter les orientations que doivent couvrir les SRDEII et s’inscrit dans l’objectif de clarification des compétences et de responsabilisation des régions en matière d’économie.
Je propose par cet amendement d’inclure l’attractivité dans le SRDEII.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette proposition visant à insérer l’attractivité dans le SRDEII a paru utile, sinon indispensable, à la commission, qui a choisi de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. François Patriat. Merci, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. L’implantation d’entreprises relève de la maîtrise foncière, dont la compétence appartient au bloc communal, et non à la région. Le SRDEII a vocation à définir les orientations en matière d’aide aux entreprises, et non en matière d’urbanisme.
La proposition de M. Patriat va donc au-delà des objectifs du Gouvernement tels qu’ils figurent dans ce texte, sauf à préciser qu’il ne s’agit, dans l’idée de son auteur, que d’une mention au SRDEII. À défaut de cette précision, le Gouvernement émettrait un avis défavorable sur cet amendement ; dans le cas contraire, nous nous en remettrions à la sagesse du Sénat.
M. Michel Delebarre. Mais oui, c’est bien de cela qu’il s’agit !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne suis pas satisfait de la réponse de M. le secrétaire d’État. Il me semble que le schéma régional doit donner des orientations concernant les implantations géographiques sur les territoires, et cela répondra aux craintes de certains.
À défaut, le schéma régional ne préciserait pas comment la région compte assumer l’égalité territoriale. Il me semble important de maintenir dans le texte la notion d’« implantation », parce que la région doit prendre en charge une stratégie d’implantation des entreprises permettant l’égalité territoriale entre centres urbains, métropoles et territoires plus périphériques. C’est bien pour cela que je soutiens plus que d’autres la présence du SRDEII dans la loi !
Cet amendement me semble donc aller dans le bon sens et contribuera à rassurer sur les responsabilités à assumer par la région.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Il me semble en effet que cet amendement mérite d’être précisé, du moins quant à l’intention de ses auteurs : s’agit-il d’une simple mention ou s’agit-il d’une tentative d’empiéter sur les prérogatives des autres collectivités ? Cette question se posera à nouveau dans un instant à propos de l’amendement n° 487, déposé par les mêmes auteurs, visant à intégrer l’économie touristique, qui n’est pas non plus une compétence exclusive de la région.
Je partage l’analyse du Gouvernement : un éclaircissement sur ce point m’apparaît nécessaire. Nous risquons, sinon, d’introduire une ambiguïté d’où naîtra une difficulté.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Je serai bref : je soutiens la position exprimée par M. le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. La précision que notre collègue François Patriat se propose d’apporter me semble tout à fait bienvenue : l’attractivité, ce n’est pas seulement une question d’urbanisme ou de zonage !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne sait pas très bien ce que c’est, mais on peut toujours en parler…
M. Pierre-Yves Collombat. S’il doit exister une politique régionale en matière économique, et j’ai cru comprendre que c’était l’objectif de ce texte, alors il faut penser l’attractivité au niveau global, c’est le b.a.-ba !
On voit bien, toutefois, où nous mène ce texte : à une série d’arguties et de conflits latents autour de tel ou tel fragment de compétence. Je vous le dis : on regrettera la compétence générale !
M. Alain Bertrand. Eh oui !
M. le président. Monsieur Patriat, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le secrétaire d’État ?
M. François Patriat. Non, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 545, présenté par MM. Allizard, Vial, Kennel, Doligé, Danesi et P. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévoit les modalités de délégation de compétence en matière d’intervention économique de la région vers les autres collectivités et leurs groupements.
La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Cet amendement a pour objet de rappeler la capacité de la région à déléguer y compris sa compétence en matière de développement économique, vers les collectivités de moindre rang.
Ce rappel était présent dans une mouture antérieure du texte et en a été retiré par la suite. Il me semble nécessaire de le réintroduire.
Le rapporteur me répondra sans doute que d’autres textes le prévoient déjà et que celui dont nous discutons en serait inutilement alourdi. S’il le confirme, je suis prêt à retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 830, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il prévoit les modalités de délégation de compétence en matière d’intervention économique que la région pourrait mettre en œuvre vers les autres collectivités et leurs groupements.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Il nous semble nécessaire de conférer plus de souplesse aux régions afin de faciliter les coopérations. Une possibilité de délégation plus large, ne concernant pas seulement les aides financières, permettrait ainsi à la région de définir le périmètre des actions qu’elle peut développer en partenariat avec d’autres collectivités territoriales, favorisant ainsi la mise en place d’une subsidiarité adaptée aux besoins et aux spécificités de son territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. . Si nous n’avions pas voté l’amendement n° 1021 rectifié bis, qui précisait « sans préjudice de » avant de citer explicitement l’article L. 1111-8, la situation serait différente. Je remarque qu’à la fin de l’examen de ce texte, plus personne n’ignorera le sujet de cet article de portée générale : les délégations de compétence et les conventions.
On ne peut pas obliger à conventionner, les deux partenaires doivent être volontaires ; en revanche, celui qui dispose de la compétence peut la déléguer en conventionnant.
Je propose donc à nos collègues de retirer leurs amendements, qui ont été largement satisfaits par l’adoption de l’amendement n° 1021 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Allizard, l'amendement n° 545 est-il maintenu ?
M. Pascal Allizard. Satisfait de la réponse de M. le rapporteur, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 545 est retiré.
Monsieur Christian Favier, l'amendement n° 830 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 830 est retiré.
L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Bertrand, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il comporte un volet dédié au développement et aux moyens de désenclavement et de mise en capacité des territoires hyper-ruraux.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. L’amendement n° 1022, adopté sur proposition du rapporteur Jean-Jacques Hyest, me satisfait largement dans la mesure où il tend à préciser que les actions de la région contribuent « au développement économique équilibré » de son territoire. Certes, il faudrait parler de développement tout court, et un rattrapage en infrastructures est nécessaire, mais cette évolution est tout de même satisfaisante, dans la mesure où elle prend le problème en considération.
Comme l’a souligné hier notre collègue Gérard Collomb, l’hyper-ruralité est l’hinterland des métropoles et des grandes villes, et elle est indispensable à la réussite des unes et des autres.
Plusieurs chercheurs dont Philippe Davezies et Mohamed Hilal, avec qui je me suis longuement entretenu, soulignent qu’une partie de la richesse est créée, collatéralement, dirais-je, en milieu rural, dans cette hyper-ruralité qui m’est chère, même si les habitants des campagnes déposent leur déclaration de revenus dans les métropoles ou les grandes villes.
Pour revenir sur le débat que nous avons eu hier soir, le développement économique devrait être une priorité pour tous : les régions certes, mais aussi les départements, les communes et les communautés de communes, qui, tous, parfois, s’en occupent mal.
Nous avons tous la volonté citoyenne, civique – nous aimons tous notre pays ! –, de lutter contre le fléau du chômage, mais nous sommes un peu brouillons et ne savons pas comment y parvenir. Même si des efforts ont déjà été réalisés en matière de clarification, il nous faut encore aller plus loin.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement, monsieur le président, mais en insistant sur le fait que l’hyper-ruralité et la ruralité ont un sens.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 831, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Lors des débats concernant la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, la Haute Assemblée avait plaidé, contre l’avis du Gouvernement, mais aussi de l'Assemblée nationale, pour le maintien de l’article 7 dans ce texte.
Celui-ci prévoit que la région, qui élabore une stratégie régionale de l’économie sociale et solidaire, peut contractualiser avec les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour la mise en œuvre des stratégies concertées et le déploiement de l’économie sociale et solidaire sur le territoire régional.
Cette disposition à peine entrée en vigueur, le Gouvernement revient sur la volonté de la représentation nationale, au mépris de la sécurité juridique, au mépris de la stabilité nécessaire de la loi et du droit.
Comme cela a été rappelé en commission, nous passons notre temps à faire et à défaire le droit des collectivités territoriales, alors que nous ne le maîtrisons plus.
En juillet dernier, il a pourtant été souligné que l’économie sociale et solidaire présentait un aspect territorial essentiel. Fondée sur une approche ascendante, elle repose en effet sur la mise en relations d’individus amenés à travailler, à consommer et à agir en commun. L’économie sociale et solidaire est donc, par nature, attachée au maintien de structures fortement décentralisées, sur lesquelles la maîtrise par les associés demeure possible.
Il existe des entreprises sociales et solidaires dans toutes les communes, dans tous les départements ; la région ne saurait vouloir peser sur chacune d’entre elles.
N’oublions pas non plus que ce sont les territoires, et non pas la région ni l’État, qui sont à l’initiative des pôles territoriaux de coopération économique. S’il est bien évidemment souhaitable que la région s’implique, celle-ci n’a pas à en prendre le leadership, pour reprendre les termes de notre collègue Marc Daunis, rapporteur du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
À cet égard, comme l’a rappelé le ministre de l’époque, Benoît Hamon, si, parce qu’elles font du développement économique, les régions sont les instances les mieux à même de piloter les schémas régionaux de développement économique de l’économie sociale, en mettant en place des stratégies spécifiques adaptées, les départements, du fait de la responsabilité qu’ils exercent dans le financement de l’insertion par l’activité économique, doivent également y être associés, dès lors qu’ils connaissent l’économie des territoires, l’économie de proximité et qu’ils la financent à bien des égards.
Et je ne parle pas du système électoral des conseils régionaux ni du nouveau découpage territorial, avec les immenses régions prévues, qui feront malheureusement des conseillers régionaux des responsables sans doute peu au fait de la réalité des territoires, en tout cas pour ce qui concerne la proximité.
C’est pourquoi nous souhaitons que la stratégie régionale de l’économie sociale et solidaire soit mise en œuvre en concertation étroite avec les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sans que la région dispose de pouvoirs particuliers au regard des autres intervenants.
M. le président. L'amendement n° 487, présenté par MM. Patriat, Durain et Masseret, Mme Herviaux, M. Anziani, Mme Espagnac, M. Courteau et Mme Ghali, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
et de l’économie touristique
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. À propos de l’économie sociale et solidaire, j’interroge notre collègue Christian Favier : mais qui s’occupe des écoles de la deuxième chance ? Qui finance aujourd'hui les entreprises d’insertion ? Qui les accompagne le plus ? Je ne sais pas ce qu’il en est ailleurs, mais, pour ce qui concerne le territoire dont j’ai la responsabilité, je puis vous dire que la région est l’acteur majeur en ce domaine, nonobstant, bien entendu, le fait que d’autres collectivités peuvent aussi apporteur leur contribution. En la matière, oui, la région détient le leadership.
Mais permettez-moi d’en venir à mon amendement, qui va, je l’imagine, susciter quelques réactions ; je veux parler du tourisme. Est-ce une activité banale ou est-ce de l’économie ?
En moyenne, sur l’ensemble du territoire français, le tourisme représente entre 6 % et 7 % du PIB national et local, 2 millions d’emplois nationaux et, pour ce qui concerne la région Bourgogne, 27 000 emplois directs. On le voit bien, il s’agit là d’une activité économique à part entière.
Aussi, l’amendement n° 487 que je vous propose, mes chers collègues, vise à préciser que le SRDEII fixe également les orientations en matière de soutien et d’accompagnement des entreprises du secteur du tourisme : le tourisme fait partie de l’activité économique !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Concernant l’amendement n° 831, la stratégie régionale de l’économie sociale et solidaire ne nous semble pas pouvoir être distincte du nouveau schéma régional de développement économique. Et n’oublions pas que nous souhaitons réduire le nombre de schémas divers et variés.
Cet amendement est donc contraire à la position de la commission, qui a souhaité, dans un souci de simplification et de rationalisation des différents schémas, intégrer l’économie sociale et solidaire dans le schéma régional de développement économique. Cela n’avait d’ailleurs pas été prévu dans le texte initial, et il nous a paru important de le faire.
J’ajoute que l’amendement n° 1023 de la commission des lois détaille le processus d’élaboration du schéma, faisant intervenir différents acteurs locaux, dont les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire.
C’est pourquoi la commission demande à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 487, les entreprises du secteur touristique seront logiquement concernées par les orientations et les actions de la région définies par le schéma. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser.
Par ailleurs, l’article 4 du projet de loi prévoit un schéma régional de développement touristique, en substitution d’un précédent schéma régional et d’un schéma départemental, élaboré en concertation avec toutes les collectivités compétentes, notamment les départements.
Au surplus, je vous rappelle que la commission a proposé une compétence partagée pour le tourisme. Le tourisme présente un aspect économique, monsieur Patriat, mais pas uniquement.
C’est très compliqué, monsieur le secrétaire d'État. S’il y a un sujet sur lequel nous avons été prudents, non pas en donnant satisfaction à tout le monde – tel n’est pas l’objectif de la commission ! –, mais en légiférant au plus près des réalités, c’est bien celui-là, comme je l’ai déjà souligné. C’est pourquoi nous sommes très réservés sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Concernant l’amendement n° 831, l’ajout d’un alinéa prévoyant que le schéma régional de développement économique définit des orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire est conforme à l’engagement qu’avait pris le ministre Benoît Hamon lors de la discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
Le fait que la région soit responsable de la définition des orientations en matière de développement économique sur son territoire implique, selon nous, d’intégrer au schéma régional l’objectif de développement de l’économie sociale et solidaire.
J’ajoute, monsieur Favier, que les départements conserveront leurs prérogatives ainsi que leurs marges de manœuvre et d’action en matière d’économie sociale et solidaire au titre de l’insertion, qui est de leur compétence.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 831.
Concernant l’amendement n° 487 de M. Patriat relatif au tourisme, nous sommes d’accord pour affirmer que la France a besoin de maintenir et, surtout, de renforcer son attractivité touristique, au regard principalement des recettes qui en découlent.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est la première destination touristique mondiale, mais elle n’est qu’en troisième position pour ce qui concerne les recettes financières et économiques liées au tourisme. C'est la raison pour laquelle l’article 4 est spécifiquement consacré au tourisme. Il prévoit notamment que les régions élaborent un schéma régional de développement touristique, qui prendra en compte tous les aspects du tourisme, l’aspect patrimonial, l’aspect culturel et, bien sûr, l’aspect environnemental.
Afin de clarifier la répartition des compétences et de donner tout son sens à ce schéma, le Gouvernement avait proposé que la région soit chef de file en matière de tourisme, une proposition que votre commission n’a pas retenue.
Au vu de la création d’un schéma régional dédié au tourisme, on pourrait s’interroger sur les risques de confusion qu’il y aurait à mentionner le tourisme dans un schéma autre que celui qui est consacré au développement économique.
Toutefois, on ne peut le nier, le tourisme est une composante essentielle de l’économie de nos territoires, et il a naturellement vocation à être traité dans le schéma régional de développement économique.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l’amendement de M. Patriat.
M. François Patriat. Merci, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. L’économie sociale et solidaire est aujourd'hui extrêmement importante : ce secteur représente de nombreux emplois dans notre pays. Il s’agit donc d’un enjeu économique majeur.
Aussi, je dois avouer que je ne comprends pas bien l’amendement de notre collègue Christian Favier : il ne faut surtout pas donner l’impression que l’économie sociale et solidaire est différente de l’économie « normale ». Il faut absolument que cette économie sociale et solidaire soit inscrite dans le schéma régional de développement économique ; c’est une évidence.
Si l’on considère qu’il s’agit d’un secteur extrêmement important, alors intégrons-le à ce schéma. Le fait que la loi insiste sur ce secteur constitue, au contraire, une véritable avancée.
C’est pourquoi je rejoins la commission et le Gouvernement, et je voterai contre cet amendement.
Concernant l’amendement n° 487, je considère que le tourisme est un secteur assez spécifique. En la matière, les approches territoriales sont fort différentes.
Prenons l’exemple de la Bourgogne, une région qui se vend en termes touristiques.
M. François Patriat. Il en est de même pour la Bretagne !
M. Ronan Dantec. Prenons donc l’exemple de la Bretagne : on s’aperçoit que la Loire-Atlantique est une marque bretonne, mais qu’elle appartient à une autre région…. Et le tourisme fait l’objet d’une compétence partagée.
Il est extrêmement compliqué de toucher au fragile équilibre de la compétence partagée. C’est pourquoi je ne soutiendrai pas non plus l’amendement de M. Patriat.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. La commission a pris une position assez claire : le tourisme fait l’objet d’une compétence partagée. Aussi, n’y revenons pas au détour d’amendements ! (M. Michel Bouvard applaudit.)
En effet, il ne faudrait pas que le schéma régional de développement finisse par devenir prescriptif. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes bien placé pour le savoir, en matière touristique, les opinions peuvent être un peu différentes sur tel ou tel point de développement touristique. (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. La localisation des activités touristiques ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Collomb. Il ne faut donc pas obliger à faire ou à ne pas faire !
Par ailleurs, chaque territoire a sa propre personnalité touristique. À Lyon, la Fête des Lumières attire 3 millions de personnes. C’est la ville de Lyon et l’agglomération qui l’organisent, et pas le schéma !
En matière de tourisme gastronomique, se tiendra, dans quelques jours, le SIRHA, le salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation, qui acueillera 200 000 personnes et au cours duquel sera remis le Bocuse d’Or. Cet événement, pour nous extrêmement important, est propre à la ville de Lyon.
Nous sommes tout à fait d’accord pour que la région s’occupe de tout ce qu’elle veut et fasse la promotion des destinations touristiques qu’elle souhaite, mais nous voulons pouvoir conserver notre spécificité et ne pas être noyés dans la masse ! (M. Bernard Cazeau applaudit. – Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je suis en total accord avec le maire de Lyon !
Concernant l’amendement n° 487, j’ai bien entendu la réponse de M. le secrétaire d’État, qui a le mérite de la clarté, mais je ne partage pas sa conclusion, puisqu’il décerne un satisfecit à l’auteur de l’amendement.
Si le tourisme a vocation à figurer dans un schéma régional de développement économique, pourquoi prévoir en outre un schéma régional de développement touristique ?
Ce qui m’inquiète le plus dans l’amendement de M. François Patriat, et je le lui dis en toute amitié, c’est la dernière phrase de son objet. Je la cite : « D’autre part, les modalités d’intervention - prêts, garanties, subventions etc.- ne varient pas elles non plus, selon les secteurs ».
Il est évident qu’un encadrement communautaire se fait au titre de la direction générale de la concurrence. Seulement, je ne vois pas en quoi les interventions qui ont lieu dans le secteur touristique devraient être calées, en termes de prêts, de garanties et de subventions, sur les interventions qui peuvent exister dans les autres secteurs, industriel ou tertiaire. Ce serait là aller au-devant de graves difficultés.
La commission a proposé que le tourisme devienne une compétence partagée. Il me semble qu’il s’agit là d’un point positif dans la mesure où le tourisme est d’une nature différente selon les territoires.
En effet, des régions comme la Bretagne ou la Bourgogne constituent une marque en elles-mêmes, alors que, pour Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, c’est la destination « Côte d’Azur » qui est de visibilité mondiale.
S’agissant des Alpes, je n’imagine pas un seul instant que l’on attribue à la région la compétence exclusive du tourisme et qu’il revienne à la seule région de fixer les règles d’intervention, dans la mesure où les départements savoyards représentent 80 % du tourisme de Rhône-Alpes et que nous sommes la première destination mondiale pour les sports d’hiver.
Il n’est que de voir la position de certains conseillers régionaux par rapport au projet de Center Parcs à Roybon et leur opposition systématique au moindre aménagement dans les domaines skiables et dans les comités d’unité touristique nouvelle, où la région est représentée !
Si l’on veut, monsieur le secrétaire d’État, que la France ne soit pas seulement la troisième destination en termes de recettes, mais qu’elle devienne la première, comme elle l’est en termes de fréquentation, je crois qu’il est essentiel de garder une compétence partagée pour le tourisme et de laisser une liberté d’action aux collectivités, parce qu’elles sont proches du terrain, qu’elles ont les logiques de développement et qu’elles disposent des marques qui font aujourd’hui la visibilité du tourisme français dans le monde ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les schémas régionaux de développement touristique peuvent se déployer à deux niveaux : l’investissement et le fonctionnement.
Or un constat s’impose : pour ce qui est du tourisme, la région Midi-Pyrénées, par exemple, n’a rien de comparable avec la région Bretagne, qui, elle, a une véritable notoriété, et je ne parle pas de la Savoie, de l’Alsace ou de la Lorraine !
La Haute-Garonne n’a pas d’image touristique, c’est Toulouse qui l’a ; il en est de même pour le Rhône : c’est Lyon qui a l’image touristique.
Midi-Pyrénées sera demain associée à Languedoc-Roussillon. Vous imaginez combien il sera difficile pour un comité régional du tourisme de faire la promotion sur un même document d’un célèbre camping du Cap d’Agde et de la ville de Lourdes ! Et comment communiquer au sujet d’un territoire qui n’a pas de véritable nom ? Vue des États-Unis, la région Midi-Pyrénées est difficile à identifier, alors que Toulouse jouit d’une véritable notoriété.
C’est dire si nous allons « ramer », et pendant des années, pour faire connaître la nouvelle région sous son nouveau nom !
Alors, laissons les acteurs locaux décider de la politique touristique qu’ils souhaitent mener. L’Aveyron, dont je suis élu, a une meilleure image que la région Midi-Pyrénées ; cherchez sur une carte la région Midi-Pyrénées, vous ne la trouverez pas ! L’Aveyron, même ici, à Paris, cela a du sens !
Par conséquent, je voterai contre ce schéma régional et la proposition qui nous est faite à l’occasion de cet amendement.
Nous manquons de lisibilité. Il faut laisser faire les acteurs locaux au niveau politique et au niveau professionnel, parce que, jusqu’à présent, ils nous ont prouvé qu’ils étaient compétents et qu’ils possédaient un véritable savoir-faire, qui doit permettre à notre pays de développer le tourisme dont il a tant besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais également voter contre les amendements nos 831 et 487.
S’agissant de l’amendement n° 831, il est évident, cela a déjà été souligné, que l’économie sociale et solidaire occupe une place de plus en plus importante par rapport à l’économie traditionnelle. De ce fait, il me paraît indispensable de ne pas les séparer, d’autant plus que les entreprises de l’économie traditionnelle ont de plus en plus recours aux services de l’économie sociale et solidaire.
Par conséquent, il est absolument indispensable que l’on ne supprime pas, comme tend à le faire l’amendement n° 831, les alinéas concernés.
Concernant l’amendement n° 487, je voudrais dire à François Patriat, en qualité de premier vice-président de la région Alsace, qu’il y a peu de temps, avant la loi sur la nouvelle délimitation des régions, j’aurais été tout à fait prêt à voter son amendement.
Malheureusement, je ne le peux plus aujourd’hui, depuis que ces grandes régions risquent de voir le jour. Mais attendons la décision du Conseil constitutionnel, peut-être un miracle est-il encore possible, un de plus !
En revanche, si cette grande région, Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace, voyait effectivement le jour, il deviendrait impossible pour un tel ensemble d’élaborer lui-même les orientations du développement touristique.
Pour les raisons indiquées fort justement il y a quelques instants, j’ai toujours été contre ces grandes régions, car elles conduiront uniquement à la multiplication de phénomènes départementalistes, voire infra-départementalistes, que l’on voit déjà émerger.
C’est la raison pour laquelle il faut laisser, et ce particulièrement en matière de tourisme, une compétence partagée aux différents acteurs qui interviennent à cet égard.
Par conséquent, cher François Patriat, je ne peux vous suivre aujourd’hui, comme j’aurais pu le faire hier, avant la loi sur la délimitation des régions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Ma position est très claire : je suis contre les compétences partagées, qui sont source de dépenses et d’ambiguïtés, et pas du tout de simplification. Quand on a autant d’atouts économiques à défendre, comme c’est le cas de notre pays, il est préférable de les vendre de la façon la plus claire, la plus efficace financièrement et la plus lisible pour les acteurs.
Le Washington Post a publié, ce lundi matin, la liste des trois cents destinations recommandées dans le monde : quelle n’a pas été ma surprise, et ma fierté, de constater que la Bourgogne figure en quinzième position comme destination à découvrir, alors que la région d’Île-de-France vient seulement en quarante-troisième position. (Exclamations sur les travées du RDSE.)
En écoutant notre collègue de Midi-Pyrénées, je pensais à cette extraordinaire publicité, réalisée par la région elle-même et diffusée à la télévision, « Découvrir Midi-Pyrénées », un formidable flash sur la région, qui « vend » chacun des départements, chacun des territoires, en en écartant aucun, y compris l’Aveyron, monsieur Luche, Laguiole et même Sauveterre-de-Rouergue !
C’est la plus belle image qu’une région puisse donner d’elle-même, et j’aurais aimé que la Bourgogne en fasse autant !
Imaginez qu’aujourd’hui la région Normandie fasse une promotion en oubliant le Mont-Saint-Michel !
Comment penser que la région n’est pas la plus à même de fédérer l’ensemble des initiatives et de porter un territoire dans son ensemble ?
Je suis très fier que, demain, la région Bourgogne - Franche-Comté permette la mise en valeur de tous les sites classés au patrimoine mondial par l’ UNESCO, que ce soit la citadelle de Besançon ou la basilique et la colline de Vézelay, et bientôt Cluny, sans parler des climats de Bourgogne. Cela permet tout de même de communiquer sur une image beaucoup plus positive !
Et pensons à l’exposition universelle : vous vous voyez défiler chacun séparément pour vendre votre territoire, votre département, votre chef-lieu de canton ? Vous imaginez faire la promotion de Châteauneuf-en-Auxois et pas de la Bourgogne ? Non, c’est à l’échelle régionale, et uniquement à cette échelle, que l’on peut agir !
Un seul grand stand « Bourgogne - Franche-Comté » à Milan aura une autre visibilité que des stands déclinés territoire par territoire. Quant au SIRHA de Lyon – cher Gérard Collomb, j’y serai en 2015 ; n’en ai-je pas inauguré un avec vous ?- pourquoi ce magnifique salon, de même que la Fête des Lumières, ne pourrait-il pas s’inscrire dans le schéma régional ? Qu’est-ce qui s’y oppose aujourd’hui ?
Je ne me vois pas, demain, vendre le territoire bourguignon sans promouvoir le musée de Dijon ou le Clos de Vougeot, et même Notre-Dame de La Charité-sur-Loire, deuxième fille de Cluny. Comment en irait-il autrement ?
La promotion doit donc être homogène et correspondre à une vraie force de frappe, sinon on en restera à des schémas décidés au niveau départemental, au niveau de l’agglomération, ce qui engendrera des dépenses inutiles. C’est pourquoi je suis aujourd’hui pour un schéma régional qui puisse porter l’ensemble des valeurs de chaque territoire.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je voterai cet amendement avec mon collègue François Patriat. J’estime simplement qu’une précision est nécessaire.
On parle beaucoup du tourisme en général, et chacun vante les actions qu’il mène sur son territoire, mais il existe aussi une économie touristique, et je ne vois pas au nom de quoi on supprimerait du schéma cette partie de l’économie touristique.
D’autant que, même si la promotion des territoires ne doit pas être abandonnée, nous devons tout de même prendre en compte toutes les stratégies de développement des différents types d’économie touristique.
Aider les acteurs du secteur économique du tourisme à améliorer l’accueil, mettre aux normes, rénover, obliger aussi les autres collectivités partenaires à s’intéresser, par exemple, à l’accueil des handicapés dans les structures hôtelières, tout cela exige une action volontariste que les régions doivent porter ensemble, bien entendu sans que cela se fasse au détriment des autres collectivités.
Néanmoins, un chef de file sera parfois nécessaire, qui développe une réflexion politique sur le développement de cette économie touristique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je tiens à revenir sur l’amendement n° 487, étant élu du conseil régional de Lorraine.
Monsieur Patriat, la proposition telle qu’elle est faite aujourd’hui est bien équilibrée. Pourquoi ? Lorsque vous faites une étude de notoriété entre le label Lorraine et le label Vosges, il est clair qu’il n’y a pas photo ! Et pourtant, on peut trouver une complémentarité.
C’est pour cette raison que je trouve la proposition pertinente, car elle est bien équilibrée. En effet, elle n’empêche pas le conseil régional de Lorraine d’appuyer des actions propres au département des Vosges.
Cependant, il est absolument indispensable de se soucier de la visibilité. Pour reprendre l’exemple de la notoriété de la Bourgogne pris par François Patriat, je partage l’avis d’André Reichardt. En termes de notoriété, pensez-vous que la visibilité des sites sera la même une fois que la Bourgogne et la Franche-Comté seront réunies ? Je n’en suis pas persuadé.
Il n’y a pas de contradiction, mais bien plutôt une complémentarité d’action entre les échelons régional et local, ce dernier défendant des valeurs et vendant, en quelque sorte, une marque, un cachet.
C’est pour cette raison que, avec Michel Bouvard, il me semble essentiel de rester dans cet esprit de compétence partagée.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Nous avons parlé du tourisme comme étant le moteur du développement économique. Il s’agit d’une réalité.
Mais, mes chers collègues, le tourisme repose aussi sur la culture et sur le sport, et notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a également beaucoup réfléchi à cet aspect.
Nous avons souhaité que la compétence en la matière demeure partagée au même titre que la compétence touristique, dans la mesure où les collectivités se sont beaucoup investies ces dernières années selon des spécificités territoriales, comme cela a été rappelé par les uns et par les autres.
Il est donc essentiel de réaffirmer que le tourisme doit également reposer sur cette compétence partagée, qui sera d’ailleurs alimentée aussi par des événements culturels et sportifs, ainsi que par un certain nombre d’initiatives territoriales, notamment pour valoriser le patrimoine, c’est-à-dire exploiter nos richesses à la fois monumentales et environnementales.
Je crois, pour ma part, qu’il faut faire confiance aux élus, et les laisser s’organiser dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique. Cette structure, dont la commission de la culture a souhaité préciser le rôle, se situe à un niveau suffisamment élevé pour qu’une dynamique soit suscitée, avec un vrai effet d’entraînement.
Sans doute faut-il réfléchir aussi aux différentes mutualisations possibles. Ainsi, comme certains collègues l’ont fait remarquer, on peut se demander s’il est opportun de maintenir à la fois les comités départementaux et le comité régional du tourisme ; des mutualisations sont certainement possibles.
De grâce, laissons aux élus et aux collectivités territoriales la compétence partagée, qui leur permet de s’organiser en tenant compte des spécificités territoriales. De même, laissons-les juger de ce que doit être le contenu du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
Pour ces raisons, je voterai contre l’amendement n° 487.
Puisque certains collègues ont parlé de leur région, qu’il me soit permis d’évoquer la Normandie, qui sera bientôt réunifiée. Nous savons bien que « Normandie » est une marque, mais nous laisserons, j’espère, les acteurs participer à la construction d’une stratégie collective, qui n’empêche pas les spécificités plus locales.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Ce débat offre un nouvel exemple des ambiguïtés et de l’incohérence que j’ai dénoncées précédemment.
Je comprends la position de François Patriat, qui a le mérite de la clarté : le tourisme doit être une compétence exclusive de la région, et notre collègue n’est pas favorable aux compétences partagées. Parce qu’elle est claire, cette position est respectable. Seulement, appliquée aux grandes régions définies au terme de la première partie de la réforme territoriale, elle devient, selon moi, totalement contraire au développement touristique de nos divers territoires.
Mes chers collègues, allez donc mener une politique touristique cohérente à l’échelle d’une région comme Rhône-Alpes – Auvergne ou Languedoc-Roussillon – Midi-Pyrénées, si la compétence est totalement entre les mains du conseil régional, dont les membres sont élus dans les conditions que j’ai rappelées, c’est-à-dire sans véritable lien avec les territoires ! Sans parler de la promotion du tourisme limousin par l’Aquitaine, qui promet d’être assez originale !
Que l’on définisse de grandes orientations dans des schémas, non pas forcément prescriptifs mais qui peuvent recevoir l’assentiment général, cela a un sens. En revanche, je m’oppose à l’idée, défendue par M. Patriat, de confier aux régions l’exclusivité de la compétence en matière de tourisme.
Comme je l’ai déjà souligné, ces nouvelles régions se composeront d’un président hiérarque entouré d’une technocratie totalement déconnectée du terrain, le tout sur un territoire qui couvrira parfois jusqu’à treize ou quatorze départements. Croyez bien que, dans ces conditions, la définition des priorités touristiques donnera lieu à des conflits terribles !
Une articulation, une coordination ? J’en suis tout à fait d’accord ; elles sont indispensables. En revanche, monsieur Patriat, l’idée que vous proposez, si elle se conçoit de manière intellectuelle, n’est pas acceptable avec les structures institutionnelles que vous avez laissé mettre en place. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Marie-Annick Duchêne et M. Michel Bouvard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Comme Catherine Morin-Desailly et André Reichardt, je suis hostile à l’amendement n° 487.
Monsieur Patriat, il y a quelques semaines, je vous aurais suivi ; les compétences partagées, à la vérité, je n’y suis pas très favorable non plus. Seulement, dans les grandes régions que vous venez de définir, je crois que cette compétence, malheureusement, doit être partagée. Chacun, en effet, sait ce qu’il a à faire sur son territoire, et agir au niveau de la région reviendrait en quelque sorte à noyer le poisson.
J’ajoute qu’il faudrait un jour arrêter d’élaborer des schémas, pour passer à la phase suivante : nous n’arrêtons pas d’élaborer des schémas, mais nous oublions souvent de passer à l’action !
M. Philippe Adnot. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Le tourisme, monsieur Patriat, ce n’est pas seulement l’économie touristique ; ce sont aussi des sites, des marques, qui présentent une très grande variété dans les différents départements et les différentes régions.
Chacun a dit ce qu’il avait à dire, et souvent bien. Pour ma part, je me contenterai de faire observer que l’article 4 du projet de loi s’intitule : « Tourisme ». Pourquoi anticiper dès l’article 2 un débat que nous devrons rouvrir à l’article 4 ?
MM. Yves Détraigne et Michel Bouvard. Très bien !
M. Bernard Cazeau. C’est ajouter à l’incohérence d’un dispositif auquel on ne comprend déjà pas grand-chose, et auquel on ne comprendra bientôt plus rien. Mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter l’amendement n° 487, et à attendre l’article 4 pour débattre du tourisme !
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Je m’étonne moi aussi de voir s’ouvrir, à ce stade de nos travaux, un débat qui me paraîtrait plus à sa place à l’article 4.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien sûr !
M. Jacques Legendre. Ensuite, il me semble que, si nous faisons l’effort d’imaginer une nouvelle organisation territoriale de la République, c’est dans l’objectif d’aboutir à un texte efficace et qui soit source d’économies.
En ce qui concerne le tourisme, j’ai toujours trouvé un peu bizarre qu’il existe à la fois un comité régional et des comités départementaux. On a parlé de hiérarques qui régneraient depuis leur structure technocratique ; en l’occurrence, il y a non seulement des hiérarques régionaux à la tête de leur structure régionale, mais aussi des hiérarques départementaux à la tête de leur structure départementale.
Il me semble que nous devrons arriver, au bout du compte, à désigner un responsable qui, dans chaque région, envisage la politique touristique de manière globale, sans se limiter à telle ou telle partie du territoire.
Mes chers collègues, si nous voulons être efficaces, concentrons nos moyens sur la promotion touristique de nos régions, plutôt que sur l’entretien de services parfois redondants !
Si une région possède un nom à la pertinence un peu faible comme marque touristique, son devoir sera de rechercher de quelles marques touristiques elle dispose en son sein, et de les mettre toutes en valeur. Ainsi, dans la future région Nord – Pas-de-Calais – Picardie, je comprendrais parfaitement qu’on distingue la Baie de Somme, Amiens, dont la cathédrale est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, le Louvre-Lens et l’Avesnois verdoyant et son célèbre maroilles. (Sourires.)
Il me semble que de telles politiques peuvent être conçues dans un cadre régional. N’encourageons pas la propension à recourir à un trop grand nombre de structures dispendieuses, alors qu’il faut concentrer nos moyens sur la promotion de nos marques !
M. Yves Détraigne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour explication de vote.
M. Gilbert Bouchet. On a beaucoup parlé de la Bourgogne et de la Savoie. Je suis, moi, un représentant des Côtes-du-Rhône, élu dans le secteur de l’Hermitage, où l’on mise sur l’œnotourisme. Chaque territoire doit se démarquer : c’est pourquoi la promotion touristique doit absolument être assurée par le département.
Pour ma part, je me vois mal défendre notre message et solliciter des subventions à l’échelle d’une grande région Rhône-Alpes – Auvergne. (M. Jacques Mézard approuve.)
Je voterai donc contre l’amendement n° 487.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Je crois que nous sommes unanimes à souhaiter une clarification de la répartition des compétences.
Le présent débat est particulièrement passionnant. À l’évidence, le tourisme est une activité économique majeure. Mieux : il est sans doute la seule activité économique actuelle qui présente un potentiel de développement inépuisable, et à l’échelle mondiale. C’est dire les perspectives qu’il offre. Par ailleurs, s’il y a un secteur où la notion de « développement durable » est à prendre en considération, c’est bien celui-là.
Certes, le tourisme touche à quantité d’autres activités économiques, mais ses mécanismes ne sont pas ceux des autres secteurs d’activité. L’outil majeur de la politique touristique est la promotion d’une destination et la construction d’une image associée à cette destination. Or je ne pense pas que ce travail puisse être confié à un seul échelon du millefeuille ou, pour employer une formule moins péjorative, de la hiérarchie des collectivités de la République.
À la vérité, le tourisme est sans doute la seule activité qui se conçoit et se développe, vis-à-vis du reste du monde, depuis le quartier jusqu’à la Nation tout entière. S’il y a donc une compétence que nous devrions considérer comme une compétence partagée, c’est bien le tourisme. Aussi, je ne voterai pas l’amendement n° 487, qui vise à en confier la responsabilité exclusive à la région. (Mme Marie-Annick Duchêne et M. Gilbert Bouchet applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je suis contre l’uniformité : une seule tête, et tout le monde rangé derrière, je ne pense pas que cela soit bon !
Permettez-moi de prendre l’exemple de ma région, qui est, pour l’instant, la seule à avoir changé de nom, quoiqu’elle n’ait pas changé de périmètre : elle s’appelle désormais la région Centre – Val de Loire. Son atout touristique principal, qui est également un atout économique fructueux, est « la Loire à vélo », un itinéraire conçu en collaboration avec la région voisine, Pays de la Loire. La région Centre-Val de Loire mise l’essentiel de son tourisme sur cet équipement et sur l’image qui lui est associée.
Or, cet équipement, les deux régions sont incapables de le gérer : ce sont les départements qui le gèrent. La région, certes, le finance à hauteur de 60 %, le reste étant versé par les départements ; mais il ne s’agit que de l’aspect financier. La région, financerait-elle le projet à 100 %, ne serait pas davantage en mesure de le mettre en œuvre sur le terrain.
Mettre en place les chemins et les routes destinées aux vélos, la région ne veut surtout pas s’en occuper, parce qu’elle en est incapable ! Il faut s’entendre avec les notaires, les propriétaires, les paysans, les habitants, les riverains, les utilisateurs, l’État et j’en passe : ce sont les conseillers généraux qui passent leur temps à s’en occuper sur leur territoire.
Je ne vois pas comment la région serait en mesure, à son échelle, de surveiller les nids-de-poule et de régler toutes les difficultés du quotidien s’agissant d’un équipement qui contribue au développement économique de chacun des petits villages traversés. Ce ne sont pas les dix-huit conseillers régionaux du Loiret qui pourront régler tous les problèmes posés à ce titre dans le département !
Je pense qu’il faut pouvoir s’appuyer sur des collectivités de proximité.
Mme Jacqueline Gourault. Les intercommunalités aussi ont un rôle à jouer !
M. Éric Doligé. Vous avez raison, ma chère collègue !
La proximité, en effet, est particulièrement nécessaire dans un domaine comme celui-ci, extrêmement sensible. Tous les jours, des problèmes de fonctionnement se posent sur ce type d’infrastructures ! Je puis vous dire que la région ne serait pas capable de les gérer au quotidien.
M. François Patriat. Elle déléguerait la gestion, mais assurerait une cohérence !
M. Éric Doligé. Je sais bien, monsieur Patriat, que cette formule a été adoptée pour le transport scolaire : il sera confié à la région, qui en déléguera la gestion. Seulement, à ce compte-là, quitte à tout déléguer, autant conserver le système actuel !
Je pense qu’il faut améliorer notre organisation, désigner un chef de file, mais aussi reconnaître que, dans un certain nombre de domaines, particulièrement le tourisme, un échelon intermédiaire est indispensable.
On voit bien que la région Centre - Val de Loire est incapable de gérer « la Loire à vélo », qui est pourtant le fer de lance de ses activités !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Lors de la discussion générale, au mois de décembre, j’avais évoqué, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin, la société que nous étions en train de construire. J’entends, dans ce débat, une volonté systématique de tout faire rentrer dans des schémas, de donner à la région le pouvoir de tout décider à la place de la moindre commune… Je suis stupéfait de voir avec quel enthousiasme certains veulent construire, en France, le dernier régime communiste d'Europe ! (Exclamations amusées sur diverses travées.)
Je pense au contraire que l’on a besoin de liberté, d’initiative. Il est évident que l’accueil sera assuré par les communes ! Il est tout aussi évident, monsieur Patriat, que les départements doivent jouer un rôle d’animation ! La capitale mondiale du vitrail se trouve dans l’Aube, département qui compte 10 000 mètres carrés de verrières classées. Ce n’est pas à la région de prendre les décisions en matière de mise en valeur de ce patrimoine.
Il est évident que les actions locales doivent être conduites localement, et que les dossiers de portée départementale doivent être traités à l’échelon du département, sans qu’il soit besoin de recourir à des schémas, à un encadrement technocratique ! Pour ma part, monsieur Patriat, je ne revendique pas que les départements soient nécessairement présents sur les foires internationales : on peut très bien se regrouper pour participer à de telles manifestations. Mais je récuse ce totalitarisme qui pousse certains à vouloir s’occuper de tout ! (Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman s'exclament.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Il me semble que l’on anticipe sur l’examen de l’article 4.
Sur le fond, il s'agit d’introduire l’économie touristique au sein d’un schéma de développement économique. En la matière, il paraît en effet logique de vouloir instaurer une vision stratégique régionale, mais un tel dispositif trouvera peut-être mieux sa place à l’article 4. Je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Je ne résiste pas au plaisir d’évoquer l’idée de génie qu’avait eue Georges Frêche pour le Languedoc-Roussillon. (Exclamations sur diverses travées.)
Mme Jacqueline Gourault. C'était un dieu !
M. Alain Bertrand. Eh oui, je suis frêchiste !
En effet, il avait inventé la marque Sud de France, que j’ai eu l’honneur de présider pendant près de dix ans. La création de « maisons de la région » à Shanghai, à New York, à New Delhi et dans d’autres grandes villes du monde a permis de promouvoir le Languedoc-Roussillon en fédérant les acteurs du tourisme.
La marque Sud de France recouvre les chemins de randonnée, le tourisme vitivinicole, le tourisme vert… Tous les acteurs locaux se retrouvent sous la marque ombrelle Sud de France, avec plusieurs niveaux d’intervention.
J’espère d'ailleurs que l’on aura l’intelligence, dans la grande fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, de conserver cette marque. Elle nous donne de la visibilité à l’étranger et nous aide à gagner des parts de marchés et du chiffre d'affaires. Un acheteur de vins basé à Londres, à Shanghai, à New Delhi ou à Rio de Janeiro ne sait pas ce que sont les vins de Collioure, les côtes de Buzet, les côtes du Rhône…
M. Bruno Sido. D’accord !
M. Alain Bertrand. Il connaît les vins de Bordeaux, point à la ligne ! Pour se rendre visible, il faut un coup de génie, comme l’a été la création de la marque Sud de France.
Je voterai contre cet amendement, mais il n’en reste pas moins que les régions disposent d’une certaine hauteur de vues !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. M. Bertrand s’est montré le meilleur défenseur de l'amendement de M. Patriat… (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Bruno Sido. Il a fait son devoir !
M. André Vallini, secrétaire d'État. En fait, M. Patriat propose d’étendre à toutes les régions l’action remarquable conduite par Georges Frêche en Languedoc-Roussillon : il s’agit de mettre en place une forme de coordination par la région de l’action touristique, dont personne ne conteste l’importance économique.
J’ajoute que ce schéma régional de développement économique et touristique serait élaboré conjointement par la région, les départements et les intercommunalités. Les massifs et les communes auraient aussi leur mot à dire.
J’ai siégé pendant onze ans au conseil régional de Rhône-Alpes, monsieur Bouvard. J’étais membre du comité régional du tourisme, le CRT. Je peux vous dire que les Savoie n’étaient pas oubliées par ce dernier. J’en veux pour preuve une campagne de promotion que nous avions lancée sous le slogan « La montagne, ça vous gagne ! » (M. Michel Bouvard acquiesce.)
Franchement, je ne vois pas pourquoi la proposition de M. Patriat inquiète certains d’entre vous : il ne s’agit que de prévoir une coordination de l’action touristique au niveau des grandes régions de France.
À l’époque où j’étais membre du CRT, nous sommes allés à Shanghai pour « vendre » le tourisme en Rhône-Alpes aux Chinois. Cela était difficile parce que chacun voulait parler, monter sur la scène et décrire les attraits et les atouts de son territoire. Il fallait évidemment que la région assure une coordination, et c’est ce que nous avons fait. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à venir dans notre région, notamment à Lyon,…
M. Gérard Collomb. Eh oui !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … parce que cette ville fait aussi beaucoup pour développer son offre touristique, sans préjudice de ce que fait la région.
Je le répète, je ne comprends vraiment pas pourquoi l’amendement de M. Patriat suscite de telles inquiétudes. Monsieur Bertrand, je m’attendais, en vous écoutant, à ce que vous annonciez que vous le voteriez ! (Sourires.)
M. Michel Delebarre. Il va le faire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je rappelle aux membres de la commission des lois que nous nous réunirons à treize heures trente pour achever l’examen des amendements.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je veillerai à ce que les temps de parole soient strictement respectés, afin que chacun puisse s’exprimer et bénéficier de la retransmission. Je serai sans faiblesse à cet égard !
l'école de la république dans le cadre des événements actuels
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe CRC.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a une semaine, dix-sept de nos concitoyens ont été assassinés lors d’actes terroristes perpétrés durant trois jours, du siège de Charlie Hebdo au magasin Hyper Casher. Au travers de ces actes, ce sont les fondements de notre République et ses valeurs qui sont visés, la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité.
En réaction, une mobilisation citoyenne historique est apparue. Elle appelle désormais la République à l’action. L’urgence est de lutter contre l’ignorance, de se battre contre tout rétrécissement de la pensée.
Pour cela, quelle meilleure arme que la culture, et quel meilleur lieu que l’école de la République pour diffuser la culture ? N’est-ce pas à l’école que l’on étudie Beaumarchais ? Repensons à ces mots de Figaro : « Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours, que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. »
Certes, l’école ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup. Il faut la transformer pour qu’elle devienne réellement émancipatrice, forme des citoyens, développe l’esprit critique, transmette des valeurs républicaines. Notre école doit être fondée sur le principe que tous les élèves sont capables d’apprendre et de réussir ; elle doit lutter contre l’échec scolaire, permettre à tous les jeunes laissés sur le bord du chemin de retrouver du sens à la République, quels que soient leur origine et leur milieu social.
Il faut donc se poser, dès à présent, dans le cadre de l’élaboration d’une loi de finances rectificative, la question des ressources dont disposent l’école et les enseignants.
Les enseignants sont au cœur du dispositif. Ils ne doivent pas être démunis. Leur formation initiale et continue est fondamentale. Je vous le redis, il faut organiser un plan pluriannuel de recrutement ambitieux, en mettant en place de véritables pré-recrutements.
Les enseignants ne doivent pas non plus être seuls. Leur travail doit pouvoir s’articuler de façon pérenne avec celui des acteurs et des actrices de la culture et de la création, dans le temps de l’école.
Cette école-là, madame la ministre, n’existe pas assez. Pour la mettre en place, les derniers budgets de l’école et de la culture ne sont, à l’évidence, pas suffisants. C’est pourquoi nous demandons maintenant des mesures d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je voudrais d’abord rendre hommage aux enseignants, dont vous avez évoqué le rôle essentiel. Ils ont été en première ligne ces derniers jours et ils continueront de l’être, dans la mesure où, comme vous l’avez dit, ce sont les valeurs fondamentales de notre République qui ont été attaquées la semaine dernière. Or ces valeurs fondent l’identité et la mission de l’école.
Les enseignants ont dès les premières heures pleinement pris conscience du rôle qu’ils avaient à jouer, et je veux les remercier d’avoir fait en sorte, malgré quelques incidents que nous condamnons fermement, de faire respecter une minute de silence et de discuter avec leurs classes. On le sait, ce n’est pas un exercice facile ; je veux le redire ici. Il n’est pas simple, pour un enseignant, de trouver les mots, les contre-arguments à opposer aux théories de la haine, aux explications simplistes ou « complotistes » qui circulent sur internet et dont sont abreuvés nos jeunes. Il n’est pas simple non plus, pour les enseignants, d’apprendre à leurs élèves à vivre ensemble, de leur parler des valeurs de la République alors que certains d’entre eux ne font pas même l’expérience de la mixité sociale. Il n’est pas simple non plus pour eux d’invoquer l’autorité de l’école lorsque cette dernière est si souvent mise en cause dans notre propre société.
C’est pour cela que l’école ne peut pas tout, toute seule. Cependant, elle peut beaucoup, et elle peut mieux faire. Nous devons faire preuve de lucidité pour améliorer le fonctionnement de notre institution scolaire. Celle-ci peut en particulier mieux remplir sa mission de transmission des connaissances, laquelle constitue le meilleur moyen de lutte contre l’obscurantisme. Élever le niveau de nos élèves doit être l’un de nos objectifs prioritaires.
L’école peut mieux lutter contre les inégalités sociales, qui, en se transformant en inégalités scolaires, minent le pacte républicain. Ces inégalités sociales font de nos valeurs républicaines une espèce de langue morte pour beaucoup de jeunes. Nous avons commencé à nous atteler à cette tâche, et nous sommes déterminés à faire davantage.
L’école peut et doit mieux transmettre les valeurs républicaines, pas simplement par un apprentissage théorique, mais aussi par une mise en pratique. L’éducation morale et civique est nécessaire, et nous l’introduirons à la rentrée prochaine, de l’école primaire jusqu’à la fin du lycée. Mais il faut que l’ensemble du fonctionnement de l’école soit irrigué par la nécessité de faire des élèves des citoyens qui travaillent ensemble, sur le mode du projet, qui ont des valeurs et qui les mettent en pratique au quotidien.
Pour cela, il faut des enseignants formés. Nous avons rétabli leur formation initiale, nous renforcerons leur formation continue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
mesures anti-terrorisme post attentats
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe socialiste.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le ministre de l’intérieur, les 7, 8 et 9 janvier derniers, la France a été frappée en son cœur par d’horribles attentats faisant dix-sept victimes innocentes : douze personnes ont été tuées dans l’attaque contre le journal Charlie Hebdo, une policière municipale a été abattue dans la rue et quatre personnes sont mortes lors de la prise d’otages sanglante dans un supermarché casher.
C’est la liberté d’expression et de culte ainsi que ses défenseurs qui ont été touchés par cette barbarie. C’est la France, la République et ses valeurs qui ont été meurtries.
Ces événements tragiques ont néanmoins suscité, ce dimanche 11 janvier, un formidable mouvement spontané d’unité collective, partout sur le territoire national, mais aussi à travers le monde.
La nation tout entière s’est levée pour rendre hommage aux victimes, pour dire son indignation et marquer son refus de la violence, ainsi que sa forte résolution à ne pas se laisser intimider.
La nation tout entière a également salué l’action du Président de la République, du Gouvernement et des forces de l’ordre, qui ont fait preuve d’une très grande efficacité.
Je vous demande aujourd’hui, monsieur le ministre, de bien vouloir détailler aux Français, qui s’interrogent légitimement sur la suite, les mesures qui sont et seront prises pour lutter contre un terrorisme protéiforme et assurer la protection de la population.
J’aimerais également que vous nous assuriez que ces mêmes événements ne serviront pas de prétexte à certains pour déverser leur haine dans un contexte nauséabond de racismes en tous genres.
Chacun doit prendre conscience de l’impact que ses actes et ses paroles peuvent avoir, particulièrement lorsque l’on est un personnage public, à l’heure où les réseaux sociaux servent parfois de véhicules incontrôlables à l’obscurantisme et à la haine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’avais pas encore eu l’occasion de m’exprimer devant le Sénat depuis les événements terribles que notre pays a subis. Bernard Cazeneuve, voilà quelques jours, a participé au débat que vous avez organisé sur ce sujet, avec la concision et la capacité à trouver les mots justes qui le caractérisent. En répondant à d’autres questions, il reviendra sur un grand nombre des points que vous avez évoqués, monsieur le sénateur.
Je tiens à vous remercier, monsieur le président du Sénat, pour les mots que vous avez prononcés mardi dernier, et encore hier soir. Je veux saluer l’extraordinaire manifestation de soutien non seulement du peuple français, mais aussi de ceux et de celles qui le représentent à l’Assemblée nationale et au Sénat. Personnellement, la volonté de rassemblement qui s’est exprimée avec une telle force tant dans la rue qu’au sein du Parlement, au-delà des différences d’opinion dont l’existence est naturelle dans cette démocratie que l’on a voulu abattre, me rend confiant. Ce moment important pour la République, nous le devons à chacun d’entre vous. Monsieur le président du Sénat, vous avez su jouer pleinement votre rôle, ce dont je ne doutais pas.
Monsieur Mohamed Soilihi, il est important que ce soit vous qui posiez cette question. Vous avez rappelé que, partout dans le monde, la solidarité à l’égard de la France s’est manifestée. La mobilisation a été considérable en métropole, mais aussi dans les outre-mer, comme Mme la ministre des outre-mer le soulignait hier à l’Assemblée nationale. Il convient de le signaler, car cela conforte ce que nous sommes, à savoir une nation présente, dans sa diversité, sur tous les océans.
La réponse de l’État sera implacable à l’égard des terroristes. Bernard Cazeneuve aura l’occasion de revenir sur les mesures qui ont été prises ou qui le seront, et le conseil des ministres de mercredi prochain adoptera toute une série de dispositions, qui devront en permanence faire l’objet d’une concertation avec le Parlement, d’autant que le Sénat travaille depuis plusieurs mois déjà sur la question des filières djihadistes.
Vous avez aussi souligné, monsieur le sénateur, combien il est important que nous restions unis, non pas pour faire taire nos différences, mais pour être au plus haut niveau possible, pour faire en sorte que, précisément, ceux qui ont voulu atteindre la France en son cœur ne la divisent pas. Nous devons être très attentifs à cet égard. J’ai utilisé les mots que vous connaissez concernant les fractures de notre société, défini ce qu’était aujourd'hui l’antisémitisme au sein de celle-ci, souligné qu’il était important de protéger tous nos compatriotes, quelle que soit leur confession, qu’ils croient ou ne croient pas, conformément aux principes qui fondent la République et la laïcité. Je ne veux plus que nos compatriotes juifs aient peur. Je veux souligner ici, comme le Président de la République l’a fait ce matin à l’Institut du monde arabe, que chaque citoyen a des droits et des devoirs.
Monsieur le sénateur, vous représentez Mayotte, ce territoire qui a voulu adhérer pleinement à la République et devenir un département, dont l’immense majorité de la population est de confession ou de culture musulmane. Certes, vous ne vous êtes pas exprimé à ce titre, je le sais bien, mais, dans de tels moments, tout a son importance. Je veux assurer à l’ensemble de nos concitoyens, notamment à nos compatriotes de confession et de culture musulmane, qu’ils ont droit à la protection de leurs lieux de culte. Les décisions que nous avons prises avec le ministre de l’intérieur vont dans ce sens. Personne ne doit avoir peur dans ce pays. Personne ne peut avoir honte en France.
C’est en restant unis autour de nos valeurs et de la République que nous apporterons la plus forte et la plus belle des réponses. Cette réponse doit être claire, impitoyable, mais il faudra aussi que nous soyons capables de travailler sur l’école, la laïcité, la situation dans nos quartiers, le vivre-ensemble, au fond sur ce qui définit le mieux la République. Je suis sûr, monsieur le sénateur, que vous contribuerez pleinement à ce travail, comme tous vos collègues. (Applaudissements.)
mesures de lutte contre le terrorisme
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe UDI-UC.
Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
J’ai cinquante-six ans, je suis petite-fille de déportés et je n’aurais jamais cru voir un jour, dans ce pays, des enfants assassinés parce qu’ils étaient juifs – je pense à l’affaire Merah –, des gens assassinés dans un supermarché cacher pour la même raison ou des dessinateurs abattus pour avoir usé de leur liberté d’expression.
Le choc est incommensurable. Comment en est-on arrivé là dans le pays de la liberté et des droits de l’homme ?
Les débats de ces derniers jours entraînent certains d’entre nous dans des dérives sécuritaires, et je remercie M. le Premier ministre et M. le ministre de l’intérieur d’avoir déjà indiqué qu’il n’y aurait pas de loi d’exception. C’est important.
J’avais plus ou moins anticipé ce type de problèmes en sollicitant dès le mois de juin la création d’une commission d’enquête sénatoriale. Nous travaillons au sein de cette commission dans un climat d’harmonie, loin du tapage sécuritaire, avec le souci de l’efficacité. Je ne doute pas que sa contribution sera utile.
Monsieur le ministre de l’intérieur, comment comptez-vous améliorer la détection précoce de la radicalisation ? Les enseignants, les éducateurs, les travailleurs sociaux, le personnel pénitentiaire et les élus ont souvent du mal à déchiffrer les grilles de lecture de cette radicalisation.
Comment distinguer le musulman qui pratique sa religion, comme c’est son droit absolu dans la République, qui mange hallal, fait ses prières et respecte le ramadan, de celui qui est radicalisé ou sur la voie de la radicalisation ?
Vous avez mis en place des cellules de veille et de signalement, et nous avons rencontré les responsables de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, l’UCLAT. Quelles mesures comptez-vous prendre à destination notamment des enseignants et des travailleurs sociaux, qui sont en première ligne face à ces phénomènes nouveaux, au développement exponentiel, pouvant conduire des jeunes gens à s’engager dans une spirale de folie meurtrière au nom d’un islam totalement dévoyé ?
La détection et le signalement précoces sont les postes avancés de la prévention, mot presque oublié ces temps-ci et pourtant essentiel. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je veux d’abord saluer le travail accompli par la commission d’enquête que vous présidez. Vous avez notamment auditionné un grand nombre de ceux qui, au sein du ministère de l’intérieur, contribuent à la protection des Français.
Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d’instaurer des politiques de prévention de la radicalisation. Il est effectivement absolument nécessaire de mettre l’accent sur le volet préventif. C’est ainsi que l’action très large que le Premier ministre a décidé d’engager, au mois d’avril dernier, incluait des dispositifs de prévention. Le projet de loi a été adopté définitivement le 4 novembre dernier.
Nous avons notamment créé une plate-forme de signalement au sein du ministère de l’intérieur. Cela permet aux familles et, plus largement, à tous ceux qui détectent des signes de radicalisation, même faibles, de signaler les personnes qui risquent de basculer dans des activités terroristes, de manière que nous puissions mettre en place des dispositifs de prévention amples et efficaces. À ce jour, 700 cas ont été signalés.
Mme la garde des sceaux et moi-même avons pris conjointement une circulaire. Dans les départements où résident ces personnes, sous l’autorité du procureur de la République et du préfet, toutes les administrations de l’État et des collectivités locales, toutes les énergies publiques sont mobilisées pour agir en matière de santé mentale, d’accompagnement social, de lutte contre les addictions, d’éducation, afin d’engager la déradicalisation.
En ce qui concerne l’école, Mme la ministre de l’éducation nationale a pris des dispositions pour qu’un véritable livret sur la déradicalisation soit diffusé dans les établissements scolaires.
Bien entendu, cela ne suffit pas, car 90 % des personnes qui basculent dans le terrorisme se radicalisent par le biais d’internet. À ce propos, je vous invite à prendre connaissance des contenus racistes, antisémites qui circulent sur la Toile, via des réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook, et sont de nature à blesser des personnes, à créer un climat d’incitation à la haine.
Personne ne songe à remettre en cause la liberté d’expression sur internet. C’est un vecteur auquel nous sommes tous attachés et qui est aussi un extraordinaire moyen d’échanges. Néanmoins, il faut avoir conscience qu’un espace de liberté ne saurait être exempté de toute régulation visant à juguler les haines, les racismes et l’antisémitisme. Nous sommes déterminés à agir sur ce point, car la prévention est aussi nécessaire dans ce domaine. (Applaudissements.)
coopération internationale en matière de renseignement et mobilisation de la réserve militaire et civile
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe UMP.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La France a été touchée au cœur et à l’âme par des attentats abjects, mais elle s’est redressée avec un esprit de détermination et de courage exemplaire. Nous sommes fiers de notre pays, fiers de nos policiers, de nos gendarmes, de nos concitoyens et de notre union nationale.
Cependant, après l’émotion, arrive le temps des questions, et surtout le temps de l’action.
Les Français attendent de nous du concret, ils attendent de nous l’application des lois qui ont déjà été votées et le renforcement des services de renseignement, car le contre-terrorisme est un processus au long cours.
Dans un monde où les projets terroristes ne connaissent plus de frontières et s’échafaudent avec le soutien d’organisations basées à l’étranger, le renforcement de notre capacité de renseignement passe évidemment par la coopération internationale judiciaire et technique.
Certains pays, comme la France, ont davantage de moyens et d’expertise que d’autres. Ils ont le devoir d’aider les États plus vulnérables, car la sécurité internationale est un bien commun mondial. Il est essentiel que les synergies jouent à plein, notamment entre partenaires de l’OTAN, pour renforcer par exemple la surveillance des trafics d’armes et des financements criminels illicites.
Davantage doit aussi se jouer au niveau européen. Une harmonisation des mesures antiterroristes est indispensable. Je pense par exemple au programme PNR – passenger name record – de transfert des données des dossiers des passagers.
Comme je le soulignais voilà quelques mois dans mon rapport sur le terrorisme à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, ces réseaux de partenariats ne doivent pas être limités aux instances gouvernementales. Il nous faut associer la société civile à l’effort de sécurité nationale.
C’est tout l’enjeu des réserves opérationnelles et citoyennes, qui pourraient mobiliser les personnes disposant de compétences spécifiques, notamment sur les plans linguistique, technologique ou psychologique, pour l’encadrement de jeunes en mal de repères, la sensibilisation à la citoyenneté et la mise en œuvre de programmes de prévention et de déradicalisation.
Hélas, les décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure ne sont toujours pas parus, alors qu’il s’agit d’un vivier formidable.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le Premier ministre, les mobilisations massives de ce week-end ont montré que la France était capable de cet élan d’union pour défendre la liberté et le vivre-ensemble. Donnons-nous les moyens de mieux impliquer tous les citoyens au service de cette résilience. En particulier, aidez-nous à développer ces réserves civiles citoyennes et opérationnelles. Nous sommes tous Charlie, mais nous voulons tous redevenir pleinement la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison d’insister sur la nécessité de mobiliser ces réserves citoyennes dans le contexte actuel. Le rassemblement, l’unité, la conscience de leur rôle de tous les citoyens français qui se sont manifestés nous imposent de mettre en œuvre rapidement les dispositions législatives à l’élaboration desquelles le Sénat a largement participé. Les décrets d’application seront présentés au comité technique ministériel de mon ministère le 12 février et, dans la foulée, au Conseil d’État par le secrétaire général du Gouvernement. Par conséquent, ces décrets seront pris de manière à rendre possible la mobilisation que vous souhaitez. Cela est nécessaire, et le Gouvernement en est parfaitement conscient.
Ensuite, il faut que les dispositions adoptées au mois de novembre soient mises en œuvre. Nous avons présenté hier en conseil des ministres les textes d’application de l’interdiction administrative de sortie du territoire et de l’interdiction d’entrée sur le territoire pour les ressortissants étrangers ayant été engagés dans des opérations à caractère terroriste sur les théâtres d’opérations que l’on sait. Ces personnes ne doivent en aucun cas pouvoir entrer sur le territoire national. La plus grande fermeté s’appliquera à leur encontre. Je le dis avec la plus nette détermination. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Nous sommes tout aussi déterminés à procéder à l’expulsion de France des ressortissants étrangers impliqués dans des activités terroristes. Nous avons multiplié par deux, entre 2013 et 2014, le nombre de ces expulsions. Nous poursuivrons avec la plus grande fermeté cette politique,…
M. Éric Doligé. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … car il faut regarder la réalité en face.
Enfin, vous évoquez à juste titre la nécessité de renforcer les coopérations européennes. Nous avançons dans un certain nombre de domaines, mais il faut accélérer. Le Conseil européen et la Commission européenne sont tombés d’accord sur le PNR européen, mais il y a un blocage au niveau de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen.
Il faut convaincre les parlementaires européens (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.), qui observent les événements et sont conscients de la gravité de la situation, qu’il est possible de trouver un équilibre entre un renforcement de la sécurité à travers la mise en place de ce PNR et une amélioration de la protection des données, de manière à assurer la préservation des libertés publiques.
Comme l’a dit avec beaucoup de force au Sénat M. le Premier ministre, la lutte contre le terrorisme ne saurait conduire à sacrifier les libertés publiques au profit de la sécurité, car sinon nous concéderions aux terroristes une première victoire.
Il convient donc de définir cet équilibre avec pragmatisme, efficacité, détermination, lucidité et responsabilité.
En conclusion, j’insisterai sur le fait que nous allons, de façon résolue, multiplier les initiatives à destination des grands opérateurs de l’internet. Je me rendrai aux États-Unis au début du mois de février pour rencontrer les responsables de ces grands opérateurs en vue de les sensibiliser à la responsabilité collective qui doit être la nôtre et de leur faire passer le message que liberté et responsabilité doivent aussi se conjuguer sur internet. (Applaudissements.)
projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, je veux tout d’abord vous remercier pour l’action que vous avez menée et l’image que vous avez donnée du Gouvernement et de la République. Le consensus sur les valeurs de la République existe ; il perdurera, ainsi que celui sur la sécurité.
Il faut aussi revenir à la vie : ma question porte sur la réforme territoriale, qui touche au quotidien de nos concitoyens.
Cette réforme mériterait elle aussi de faire l’objet d’un large consensus, plutôt que d’être revue à chaque alternance. Vous connaissez nos réserves, pour ne pas dire plus, sur certains aspects des textes qui nous ont été successivement présentés. Nous avons voté la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, nous nous sommes opposés au binôme départemental, ainsi qu’à votre texte relatif à la délimitation des régions.
Avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, nous craignons que l’on aboutisse non pas à une simplification, mais à de nouveaux enchevêtrements de compétences et, surtout, à l’affaiblissement de la proximité, dimension nécessaire au quotidien de nos concitoyens. Nous considérons qu’il manque une cohérence globale, une vision d’ensemble, une prise en compte suffisante de la problématique des ressources et de la fiscalité locale. Il aurait fallu un grand texte, assorti d’objectifs ambitieux.
Monsieur le Premier ministre, nous voudrions savoir quelle est la position définitive du Gouvernement. Vous avez su nous dire ici, lorsque vous étiez ministre de l’intérieur, à l’occasion de l’examen de certains textes, que c’était ainsi, et pas autrement. Cela ne nous a pas fait plaisir, mais nous l’avons entendu !
En l’espèce, il nous importe de connaître votre position sur des questions précises. Vous n’avez pas du tout suivi les propositions du Sénat s’agissant de la fusion des régions. Maintenez-vous le transfert aux régions des compétences en matière de voirie départementale, de collèges, de transports scolaires ? Maintenez-vous le seuil de population de 20 000 habitants pour les intercommunalités ? Défendrez-vous in fine ces positions devant l’Assemblée nationale ? Ce sont des questions précises, qui appellent des réponses précises et claires. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Mézard, je vous remercie de vos paroles de soutien. Ce soutien s’est exprimé sur l’ensemble des travées : il est important que nous nous retrouvions sur l’essentiel. Sans rien perdre de l’esprit du 11 janvier, il nous faut répondre à l’exigence des Français, assumer le mandat, si je puis m’exprimer ainsi, qu’ils nous ont confié, aux uns et aux autres. Nous devons apporter des réponses à des questions qu’ils se posent depuis longtemps.
À cet égard, l’une des meilleures réponses, c’est de poursuivre le travail qui nourrit la vie démocratique.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Manuel Valls, Premier ministre. L’Assemblée nationale examine le projet de loi pour la croissance et l’activité. Le Sénat débat du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, que défendent Marylise Lebranchu et André Vallini.
Au sujet de ce second texte, je ne vous dirai pas : « C’est comme ça, circulez, il n’y a rien à voir ! » Cela étant, monsieur Mézard, je ne répondrai pas non plus de manière précise aux questions que vous posez (Ah ! sur les travées de l’UMP.), par respect pour les travaux que le Sénat mène actuellement.
Monsieur le président du Sénat, ce n’est un secret pour personne que nous nous sommes rencontrés samedi pour évoquer la réforme territoriale. Le Gouvernement reste à la disposition de l’ensemble des groupes pour travailler avec eux.
Mon état d’esprit est le suivant : je souhaite que nous parvenions à un accord entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur une nouvelle répartition des compétences. (M. Éric Doligé s’exclame.) Cette réforme importante, qui vient après d’autres, notamment celle relative à la délimitation des régions, marquera durablement l’organisation de notre pays et devra s’accompagner d’une réforme de l’État déconcentré.
À mon sens, obtenir un tel accord sur les grands sujets que vous avez évoqués est possible. Le Gouvernement est à l’écoute, et je ne doute pas que le débat nous permettra de progresser dans cette voie.
Monsieur Mézard, vous avez raison, de telles réformes ont vocation à s’inscrire dans la durée, même si les choses peuvent toujours être modifiées et améliorées au fil du temps.
Sur les seuils de population des intercommunalités et les transferts de compétences, il me semble que nous pouvons avancer. Pourrons-nous progresser sur tous les sujets, par exemple sur celui de la compétence en matière de voirie, qui fait l’objet d’amendements émanant de tous les groupes ? Je ne le sais pas encore à ce stade, mais je pense que le vote du Sénat en première lecture préfigurera, d’une certaine manière, la suite des discussions. Certes, l’Assemblée nationale a le dernier mot, mais je crois que chacun est bien conscient qu’il faut trouver un accord et que le dialogue entre les deux chambres est nécessaire.
Le Gouvernement sera attentif à vos propositions, et il aura l’occasion de répondre très précisément, au cours du débat, à l’ensemble de vos interrogations. Nous avons déjà plutôt bien avancé sur Paris et Marseille, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avancer, de part et d’autre, sur les autres sujets. J’y serai particulièrement attentif. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mmes Françoise Laborde et Jacqueline Gourault applaudissent également.)
rôle de l'école en lien avec les attentats dont la france a été victime
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.
Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
C’est un difficile exercice que de reprendre nos échanges après l’effroi, les larmes et les douloureuses condoléances. Mais c’est un exercice nécessaire que de chercher ensemble à faire mieux pour prévenir le plus tôt possible de telles horreurs.
Vivre ensemble, respecter l’autre, savoir ce qui relève de l’intime, contenir la violence, cela s’apprend très tôt. Pour construire une école plus inclusive, plus juste, plus apaisée, le Conseil supérieur des programmes, le CSP, a répondu à votre saisine sur l’enseignement moral et civique, madame la ministre. Il précise que, par la culture de la sensibilité, la culture de la règle et du droit, la culture du jugement, l’élève doit être capable d’empathie, d’exprimer en les contrôlant ses émotions, de se sentir membre d’une collectivité. Dans le socle qu’il a élaboré, le CSP écrit que « l’élève développe sa maîtrise des moyens d’expression et d’argumentation qui évitent le recours à la violence ».
La laïcité figurera dans le programme de chaque cycle. On enseignera la diversité des cultures et des religions, ainsi que la neutralité de l’État. Voilà donc des gages d’espoir, sans compter l’indispensable éducation à l’image et aux médias, encore trop peu promue.
Au lendemain du drame, dans les classes, l’hommage que l’on voulait collectif a été émaillé par des prises de distance, des contestations, des tensions. Certains pédagogues se sont trouvés en difficulté.
L’article 70 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République oblige désormais les écoles de formation des enseignants à mettre en œuvre, à destination de tous les futurs maîtres, une formation à la prévention et à la résolution non violente des conflits. À de très rares exceptions près, comme celle de Caen, la mise en place de ces enseignements n’est pas effective.
Madame la ministre, quelles dispositions allez-vous prendre pour que les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ÉSPÉ, mettent en œuvre, avec l’aide de personnes ressources, elle aussi prévue par la loi, la formation initiale et continue des enseignants…
M. le président. Veuillez poser votre question, chère collègue !
Mme Marie-Christine Blandin. … en matière de médiation, de prévention et de résolution non violente des conflits ? Il faut aussi apporter aux enseignants de la République, dont nous tenons à saluer de nouveau le sang-froid, une connaissance argumentée de la laïcité, afin qu’ils ne se trouvent pas démunis. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. J’invite chacun des orateurs à la concision.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Blandin, en vous écoutant parler de gestion de crise, j’ai eu une pensée pour tous les chefs d’établissement et leurs équipes éducatives qui ont été confrontés, pendant quelques jours d’horreur, au problème du confinement des élèves dans les établissements. (Mmes Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux acquiescent.) Je tiens à témoigner ici du sang-froid dont ces personnels ont fait preuve.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il faut les remercier d’avoir su gérer ces situations de telle sorte que tous les parents retrouvent leurs enfants à l’heure prévue, même si les protocoles peuvent toujours être améliorés. Les événements de ces derniers jours nous poussent à examiner avec lucidité tout ce que nous pouvons améliorer dans le fonctionnement de l’institution scolaire.
Vous m’interrogez, madame la sénatrice, sur les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Heureusement que nous avons réintroduit une formation initiale de qualité des enseignants au sein de ces établissements ! Cette formation inclut un apprentissage de la prévention et de la gestion des situations conflictuelles.
Vous me dites que toutes les ÉSPÉ n’offrent pas de tels modules dans leurs troncs communs. Rassurez-vous, elles sont bien plus nombreuses que vous ne le dites à dispenser cet enseignement, dont l’intitulé peut différer selon les établissements. Par exemple, l’ÉSPÉ de Lyon consacre bel et bien un enseignement à la prise en charge des incivilités et de la violence scolaire ainsi qu’à la prévention du harcèlement : simplement, celui-ci relève d’une unité d’enseignement intitulée « contexte d’exercice du métier ».
Je n’en réunirai pas moins, dans quelques jours, tous les directeurs d’ÉSPÉ pour étudier ensemble comment améliorer encore la formation initiale des enseignants et leur donner les moyens de faire face aux situations difficiles.
Je l’ai dit il y a quelques instants en répondant à Mme Gonthier-Maurin : il s’agit d’assurer non seulement la formation initiale, mais aussi la formation continue et l’accompagnement, au quotidien, de la pratique professionnelle des enseignants.
À cet égard, j’ai demandé aux recteurs de dépêcher, au sein des quelque 200 établissements où se sont produits des incidents que nous considérons comme graves, ces professionnels aguerris que sont les référents « laïcité », les référents « mémoire et citoyenneté » et les proviseurs « vie scolaire ». Ils interviendront dans les classes concernées pour reprendre la discussion avec les élèves, sans rien éluder. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. –M. Patrick Abate applaudit également.)
laïcité à l'école et dans l'enseignement scolaire
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste.
M. David Assouline. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, nous sommes encore aujourd’hui envahis et troublés par divers sentiments : l’effroi, la peine, la tristesse devant les massacres commis la semaine dernière ; devant les visages de ces journalistes, de ces policiers, de ces juifs, tous ces visages rayonnants de générosité, de douceur et de sourires ; devant l’extrême violence et la brutalité de leur assassinat, raconté par les survivants et les témoins.
À tout cela se mêlent le respect et l’immense gratitude envers ceux qui ont immédiatement agi et trouvé les moyens de mettre les tueurs hors d’état de nuire – le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, les forces de sécurité –, ainsi que l’espoir retrouvé grâce au formidable élan national et international autour des valeurs de la France républicaine, à ces regards et à ces gestes de communion échangés dans une gigantesque marche de la dignité humaine, sans haine, sans esprit revanchard ni amalgame.
Plusieurs questions n’en demeurent pas moins : comment de jeunes Français ont-ils pu trouver légitime de commettre ces lâches assassinats ? Comment d’autres, nombreux, peuvent-ils n’éprouver aucune compassion pour les morts et leurs familles ? Comment certains ont-ils même pu exprimer de la compréhension envers les lâches assassins, ou une adhésion aux thèses selon lesquelles tout cela ne serait que le résultat d’un complot du pouvoir, des médias et des juifs ?
Madame la ministre, vous avez eu des mots forts. Il y a la société, l’école, les valeurs et leur hiérarchie, le principe de laïcité, sur lequel il ne faudra plus jamais rien céder. L’antisémitisme et le racisme ne devront plus se déployer dans l’indifférence ou la banalisation, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Il y a la famille, bien sûr, mais il y a aussi internet et l’univers des jeux vidéo, face auxquels nombre de nos jeunes sont laissés à l’abandon. Par leur biais, ils s’initient seuls à d’autres systèmes de valeurs, comme dans une vie parallèle, sans famille, sans école. D’autres idées et idéologies y sont diffusées, d’autres apprentissages que ceux de la raison y sont proposés, d’autres informations, truquées et tronquées, y circulent avec la force d’images et d’un langage qui leur parlent directement.
M. le président. Posez votre question, cher collègue.
M. David Assouline. Que pensez-vous de la nécessité d’introduire de manière plus large, plus formelle et plus forte qu’aujourd’hui, dès l’âge de six ans, un enseignement du décryptage des médias et de l’image, du traitement de l’actualité, de l’utilisation et de l’analyse des réseaux sociaux ? (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Soyons raisonnables, monsieur Assouline, posez votre question !
M. Alain Gournac. C’est trop long !
Mme Catherine Troendlé. C’est fini !
M. Bruno Retailleau. Il n’y a plus de temps !
M. David Assouline. Comment aller plus loin pour aider les enfants à comprendre et à analyser les informations diffusées par les médias ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. Je renouvelle mon appel à la concision, car je tiens à ce que chacun des orateurs inscrits puisse poser sa question.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Assouline, vous le savez, j’organise depuis le début de la semaine une grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, ce qui me conduit à recevoir l’ensemble des acteurs de la communauté éducative : non seulement les représentants des organisations syndicales, des fédérations de parents d’élèves, des associations de lycéens ou d’étudiants, mais aussi ceux des associations de lutte contre le racisme et les discriminations, du secteur de l’éducation populaire et des collectivités territoriales.
Cela me permet de me faire l’écho, dans cet hémicycle, des observations formulées par les membres des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme à la suite de leurs interventions en milieu scolaire. Nombre d’entre eux sont frappés par la persistance, la prégnance des préjugés des jeunes enfants à l’égard de l’autre. Or ces préjugés se transforment trop rapidement en antisémitisme ou en racisme.
Ces préjugés sont évidemment confortés par ce que l’on trouve sur internet : tout ce que vous avez dit à ce propos est juste, et je partage votre préoccupation.
Nous devons, au sein de l’école, permettre à ces enfants de développer leur esprit critique, leur liberté de jugement. Nous devons les aider à se mettre à distance de ce qu’ils peuvent lire, à faire le tri entre ce qui relève de la véritable information scientifique et ce qui relève de la rumeur. Pour cela, nous avons besoin d’enseignants formés – j’en ai parlé tout à l’heure –, mais aussi d’outils pédagogiques qui soient adaptés à la modernité, à la réalité des élèves. Je pense en particulier à des outils vidéo expliquant ce que sont l’antisémitisme, la laïcité, la liberté d’expression, toutes ces valeurs que l’on cherche à leur faire partager de façon trop théorique jusqu’à présent. Mon ministère va ainsi commander la production de plusieurs outils vidéo destinés à être utilisés systématiquement dans les classes au moment d’aborder ces sujets.
De manière plus générale, il y a une éducation aux médias à faire. Elle sera comprise dans l’enseignement moral et civique d’une heure par semaine que j’ai évoqué précédemment et qui sera dispensé à partir de la rentrée prochaine. Il s’agit d’une véritable innovation.
Il y a aussi une éducation artistique et culturelle à faire. Elle est prévue par la loi pour la refondation de l’école de la République. Ma collègue chargée de la culture et moi-même ferons très rapidement des annonces sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
les services de renseignement et les attentats
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe UMP.
M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, les destinées d’hommes et de femmes épris de liberté ont été précipitées vers l’abîme par la folie d’autres hommes, par une idéologie barbare fondée sur la terreur. L’émotion a saisi la France, l’émotion a saisi le monde. Un peuple tout entier s’est levé pour dire son attachement à la démocratie, à la liberté, à la République et à ses valeurs.
Osons désormais l’examen de conscience. Les Français attendent des actes, des actes forts. La démocratie se défend distraitement, monsieur le ministre. Il ne doit plus, aujourd’hui, y avoir d’angélisme, de naïveté, de bien-pensance face au terrorisme qui sème la mort partout où il se développe. Nous devons notamment nous interroger sur la surveillance assurée par les services de renseignement et comprendre ce qui n’a pas fonctionné.
En effet, fichés et archi-connus pour de multiples faits ayant un rapport direct avec des personnes peu recommandables et très directement liés à la mouvance terroriste, les auteurs de ces crimes barbares n’étaient plus surveillés depuisprès de six mois.
Ainsi, de nombreuses questions se posent tout naturellement.
Monsieur le ministre de l’intérieur, comment comptez-vous remédier à la « faille » béante évoquée par le Premier ministre lui-même ?
Comment des individus connus aux États-Unis comme des terroristes potentiels et interdits d’entrée sur le territoire américain, ayant notamment séjourné au Yémen et fréquenté Djamel Beghal, peuvent-ils se promener en France librement, sans aucune surveillance ?
Partis pour le djihad pour apprendre à assassiner et à combattre la démocratie, de tels apprentis terroristes n’ont plus aucune place sur le territoire national. Que comptez-vous faire pour les empêcher de revenir ? Allez-vous enfin déchoir de leur nationalité française les djihadistes binationaux ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir une bonne coopération avec les pays par lesquels transitent ces apprentis djihadistes ?
Allez-vous enfin réussir à convaincre vos amis politiques de voter la création d’une base de données communautaire rassemblant des informations personnelles sur les passagers des compagnies aériennes, dite PNR, que l’UMP appelle de ses vœux depuis des mois ?
Quel rôle ont joué la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité et le cabinet du Premier ministre dans l’interruption des écoutes d’un des frères Kouachi ? Confirmez-vous les informations selon lesquelles ils ont refusé d’étendre les écoutes à l’entourage de celui-ci, mettant ainsi fin à toute surveillance ?
Pour conclure, monsieur le ministre, le Gouvernement donnera-t-il enfin des moyens suffisants à nos services pour leur permettre de faire face à la menace qui pèse sur notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui appelle une réponse extrêmement précise.
Tout d’abord, pour ce qui concerne les moyens des services de renseignement, qui sont généralement la condition de leur efficacité, vous êtes trop bien informé, comme en témoigne votre question, pour ne pas savoir qu’ils ont été fortement « rabotés » il n’y a pas si longtemps… Je vous rappellerai des chiffres tout à fait précis : alors que des besoins technologiques très importants avaient été identifiés à l’occasion de l’élaboration du Livre blanc de 2008, les crédits n’ont pas été abondés et les effectifs des services ont été réduits de près de 130 unités, dans un contexte où tout le monde avait conscience que la plus grande vigilance était nécessaire.
C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, le Premier ministre avait décidé d’augmenter de 432 unités les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, alors que, à la suite d’un rapport élaboré par MM. Verchère et Urvoas, une réforme des services de renseignement était engagée en vue de transformer la Direction centrale du renseignement intérieur en Direction générale de la sécurité intérieure et que, par ailleurs, étaient augmentés de 12 millions d’euros par an – soit 32 millions d’euros dans le cadre du triennal – les crédits alloués aux moyens technologiques.
Nous irons encore au-delà, car les Français ont besoin de savoir que leurs services de renseignement sont en mesure d’intervenir de façon efficace, en étant dotés de moyens adéquats.
Il existe trois domaines dans lesquels nous avons besoin de conforter ces moyens. Le premier d’entre eux est celui des compétences linguistiques : nous avons besoin de traducteurs pour traduire des interceptions de sécurité en langues complexes. C’est la raison pour laquelle j’avais demandé, dans le cadre de l’élaboration de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, que soit portée de dix à trente jours la durée d’analyse des interceptions de sécurité. Cela avait suscité des interrogations sur de nombreuses travées : je le comprends, car maintenir l’équilibre entre sécurité et liberté doit être une préoccupation constante.
En ce qui concerne la question de la surveillance des frères Kouachi et de Coulibaly, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité a fait son travail. Nous ne sommes pas là pour procéder à des mises en cause et lancer des accusations : il s’agit de tirer les conclusions et les enseignements de ce qui s’est passé. Cette commission a fait son travail conformément à la loi, comme il convient dans un État de droit. Les frères Kouachi ont été interceptés à plusieurs reprises entre 2011 et 2014. Dans le cadre de ces interceptions, aucun élément témoignant de leur volonté de s’engager dans des opérations à caractère terroriste n’a été décelé. Comme vous le savez, dans un État de droit, les interceptions ne peuvent pas durer indéfiniment.
M. le président. Il faudrait conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des propositions que nous allons adresser au Premier ministre et qui déboucheront très rapidement sur des dispositions nouvelles, nous introduirons les moyens juridiques permettant d’aller au-delà de ce qui est possible aujourd’hui, afin que les difficultés se voient contrebalancées par des solutions concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC.)
massacre perpétré par boko haram au nigeria
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour le groupe socialiste.
Mme Anne Emery-Dumas. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Alors que l’attention des médias internationaux était focalisée sur les événements tragiques que notre pays a connus la semaine dernière, alors que la communauté internationale manifestait sa solidarité et dénonçait avec force les attentats terroristes dont la France a été victime, au nord du Nigeria, la secte Boko Haram commettait, dans ce qui pourrait passer pour de l’indifférence de notre part, l’offensive la plus sanglante et la plus destructrice jamais perpétrée depuis le début de ses exactions en 2009.
Pendant cinq jours, du 3 au 7 janvier, les terroristes de Boko Haram sont entrés dans la ville de Baga, qu’ils ont totalement détruite en quelques heures, massacrant sans distinction hommes, femmes et enfants dans des conditions effroyables et revendiquant ces atrocités au nom de l’établissement du califat islamique dans le nord-est du Nigeria.
Le bilan de cette attaque est terrible et continue de s’alourdir. Amnesty International estime à plus de 2 000 le nombre des victimes dans la région de Baga et à 20 000 le nombre d’habitants contraints à la fuite en direction du Tchad voisin.
Le peuple français, qui a su se réunir et se rassembler pour défendre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité dans les rues de toutes nos villes dimanche dernier, ne peut être insensible au sort des populations du nord-Nigeria ni aux attaques terroristes dont fait l’objet l’État du Nigeria.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment cette offensive de Boko Haram a-t-elle pu se développer dans des proportions aussi effroyables dans le silence de la communauté internationale ? Comment mettre fin à cette extension inquiétante de la zone d’influence de Boko Haram sur les rives du lac Tchad ? Quelle est l’action de la France sur le terrain, aux côtés des forces africaines engagées dans la lutte contre Boko Haram ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la sénatrice, vos propos sont malheureusement tout à fait exacts. Ils appellent de ma part trois observations.
Premièrement, il est absolument impossible d’avoir l’indignation sélective et de pratiquer le « deux poids, deux mesures ».
Des drames épouvantables, des attaques ignobles surviennent dans le monde, et l’on a parfois le sentiment que, selon l’endroit où ils se produisent, l’écho est différent. Mais nous ne pouvons entrer dans cette logique : nous devons condamner avec la même sévérité les actes terroristes où qu’ils se produisent. Malheureusement, ce qui se passe au nord-est du Nigeria atteint le summum de l’atrocité.
Deuxièmement, depuis le début, la France apporte son appui à la lutte contre ce terrorisme de Boko Haram. Je rappelle que c’est à la demande du Nigeria que le Président de la République française a organisé le sommet de Paris en mai 2014. Jean-Yves Le Drian et moi-même y avions participé. Nous travaillons concrètement au renforcement de la concertation entre les chefs d’État et à une meilleure coopération régionale en matière de sécurité. Nous avons présenté un projet de mise sur pied d’une force régionale et la France contribue – je n’entrerai pas dans les détails, pour des raisons que chacun comprendra – à un dispositif de coordination entre les pays concernés. Nous faisons donc ce que nous devons faire.
Troisièmement, je veux souligner que le soutien de tous est nécessaire. Il faut être lucide : la France ne règlera pas à elle seule tous les problèmes du monde. Nous prenons notre part – certains disent même plus que notre part –, et c’est à notre honneur, mais la solution est européenne, internationale, africaine.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Nous devons agir tous ensemble. La France apporte et continuera d’apporter sa pleine contribution, parce qu’il n’existe qu’une seule réponse à cette barbarie : la fermeté dans l’unité ! (Applaudissements.)
relations entre la france, la turquie et le maroc dans le cadre de la lutte contre les attentats et le terrorisme
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe UMP.
M. Christian Cambon. Après l’offensive terroriste que notre pays vient de vivre, tous les moyens doivent être mobilisés pour gagner cette guerre totale contre le terrorisme et l’islam radical. Des millions de Français se demandent comment on en est arrivé là. Notre devoir est de tout faire pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais. Fort de l’union nationale qui a rassemblé les Français, le Gouvernement a fait des propositions qui vont dans le bon sens ; nous les soutenons.
Un sujet, néanmoins, n’est guère évoqué, celui de la nécessaire coopération, en matière de renseignement, avec des pays amis très bien informés, car eux-mêmes confrontés à la proximité des réseaux djihadistes. Je veux bien entendu parler de la Turquie et du Maroc.
Par sa situation géographique, la Turquie est devenue le principal pays de transit vers la Syrie des recrues du djihadisme en provenance d’Europe. Nous avons donc besoin de nouer une coopération étroite avec les autorités turques. Il semble que la mobilisation de la Turquie soit désormais acquise, notamment depuis la mission que le ministre Bernard Cazeneuve a conduite en septembre dernier. La surveillance est désormais plus satisfaisante, notamment à l’aéroport d’Istanbul. En revanche, les contrôles de sécurité exercés dans les ports turcs constituent encore une faille très menaçante dans ce dispositif. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur cette coopération, qui bute souvent sur des appréciations divergentes entre la France et la Turquie sur le problème kurde ?
Quant au Maroc, nous avons besoin que des relations de confiance se rétablissent au plus vite avec ce pays, après que quelques nuages ont obscurci notre coopération. S’il est un ami de la France au Maghreb et en Afrique, c’est bien le Maroc ! Notre histoire commune, nos échanges économiques et culturels, nos coopérations innombrables ont fait du Maroc l’un des alliés les plus sûrs de la France dans la région.
Sa mobilisation à nos côtés dès le déclenchement de l’opération Serval en est une preuve supplémentaire : le Maroc est un partenaire incontournable à nos côtés au Sahel et en Afrique. Ce pays est du reste confronté à un problème identique au nôtre, 1 500 Marocains étant déjà partis rejoindre Daech. Nous avons besoin du Maroc dans ce combat sans merci contre le terrorisme. La qualité reconnue de ses moyens de renseignement et sa position géographique stratégique en font un élément essentiel d’une sécurité collective pour nous-mêmes et pour cette région du monde.
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue.
M. Christian Cambon. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous indiquer quelles initiatives la France compte prendre afin que, très vite, les relations franco-marocaines retrouvent leur niveau traditionnel d’excellence et de confiance, ce qui permettra de renforcer notre lutte commune pour la paix et la sécurité ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. J’apprécie, monsieur Cambon, le ton et le fond de votre question ; je n’aurais pu m’exprimer mieux que vous ne l’avez fait.
S’agissant de la Turquie, elle est elle-même très durement touchée par les phénomènes terroristes et subit le contrecoup des événements de Syrie. Après quelques incertitudes, des procédures ont été mises au point à la suite de la mission conduite par mon collègue et ami Bernard Cazeneuve, et je crois que l’on peut affirmer que la coopération fonctionne désormais de façon satisfaisante. Cela est absolument nécessaire.
En ce qui concerne le Maroc – qui est, ai-je besoin de le souligner, l’ami de la France, de même que la France est l’amie du Maroc –, nous avons fait de notre mieux pour essayer de remédier aux incidents ayant troublé nos relations avec ce pays à partir du mois de février dernier. Les choses ne sont pas complètement aplanies, mais rétablir de bonnes relations est une nécessité absolue, non seulement pour les raisons d’amitié que vous avez soulignées, mais aussi parce que la coopération judiciaire et policière face au terrorisme est désormais une obligation.
J’ai encore rencontré mon homologue marocain, M. Mezouar, la semaine dernière : nous avançons dans la recherche de solutions pour rétablir avec le Maroc une qualité de relations qui n’aurait jamais dû se dégrader. Je compte d’ailleurs me rendre bientôt personnellement dans ce pays qui, je le répète, est l’ami de la France. (Applaudissements.)
la métropole aix-marseille dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Michel Amiel. Je voudrais m’associer à mon tour aux remerciements qui vous ont été adressés, monsieur le Premier ministre, pour votre discours à l’Assemblée nationale et vos actions à la suite du drame vécu par notre pays.
Ma question portera sur la métropole. Comme l’a dit M. Mézard, la vie continue malgré tout, et l’affirmer constitue peut-être l’une des meilleures réponses à opposer au terrorisme.
Le 9 décembre dernier, vous avez, monsieur le Premier ministre, reçu un certain nombre d’élus du département des Bouches-du-Rhône. À la sortie de cette réunion, nous avions eu le sentiment d’avoir été écoutés, entendus. Malheureusement, lors du dernier conseil paritaire territorial du 12 janvier, qui s’est tenu à Vitrolles, notre déception fut grande de constater que la situation était totalement bloquée.
Toutes les avancées sur la fiscalité et le pacte financier s’apparentent selon nous à une coquille vide. En ce qui concerne la gouvernance, le déséquilibre entre Marseille et le reste du département nous semble flagrant. Sur le droit des sols, le fait que les plans locaux d’urbanisme, les PLU, soient confisqués aux maires nous a donné le sentiment qu’il n’y avait plus de possibilité d’évolution.
Ma question sera extrêmement simple : pourquoi refuser à la métropole d’Aix-Marseille la personnalité juridique et la fiscalité partagée accordées au conseil du territoire dans le cadre du Grand Paris, et reléguer ainsi les habitants et les élus des Bouches-du-Rhône au rang de citoyens de seconde zone ? (Mme Mireille Jouve applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je vous remercie tout d’abord, monsieur le sénateur, des propos que vous avez adressés à M. le Premier ministre.
La métropole d’Aix-Marseille-Provence réalise un travail important et difficile, je vous l’accorde. Nous avons constaté ensemble, voilà maintenant plusieurs mois, les grandes difficultés des citoyens de ce très important territoire de la République, notamment en matière de transports, de logement, d’environnement, d’entreprises.
Il a donc été proposé que cette grande porte sur la Méditerranée, dont le devenir intéresse la France entière, soit organisée en métropole.
Nous avons, depuis les débats intéressants, constructifs, et animés que nous avons eus, proposé aux élus de travailler vite sur le pacte financier et fiscal. Compte tenu d’un certain nombre de retards dont je n’analyserai pas ici les causes, les quelques heures consacrées à ce sujet ne nous ont pas permis d’aller jusqu’au bout de la réflexion. Je pense toutefois que nous trouverons prochainement, les uns et les autres, des motifs de satisfaction.
En ce qui concerne la gouvernance, vous savez très bien que nous sommes liés par la Constitution mais qu’un pas avait déjà été fait pour améliorer autant que faire se peut la gouvernance de la métropole.
Nous avons à parler de personnalité juridique des territoires, d’urbanisme. Un certain nombre d’amendements dont j’ai eu connaissance permettront d’engager la discussion sur les sujets que vous avez abordés.
En revanche, concernant le parallèle que vous avez fait avec la métropole du Grand Paris, on ne peut pas ne pas prendre en compte ce fait majeur que les lois successives, en particulier celle de 2010, ont exclu l’installation de l’intercommunalité sur ce territoire. Pour cette grande aire métropolitaine, nous sommes donc confrontés à des compétences orphelines et à des difficultés particulières.
J’essaierai d’être aussi précise que possible, mais je peux vous dire, monsieur le sénateur, que le texte sera amélioré. C’est un message d’espoir pour Aix-Marseille-Provence, ce grand territoire dont vous êtes fiers, dont nous sommes fiers, dont la France est fière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 15 janvier 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 227-17 du code pénal et les articles L. 3111-1 à L. 3111-3 et L. 3116-2 du code de la santé publique (non-respect de l’obligation vaccinale) (2015-458 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
7
Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 2.
Article 2 (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 803, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
et avec les conseils départementaux des départements frontaliers
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Au travers de cet amendement, il s’agit de s’assurer que, dans le cas où serait élaboré un volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, celui-ci prendra en compte l’avis des collectivités territoriales françaises concernées.
En effet, le projet de loi prévoit, dans sa rédaction actuelle, que, « dans les régions frontalières, le schéma peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités des États voisins ». Il est singulier que l’association des collectivités territoriales françaises ne soit pas prévue. Certes, elles auront à approuver le schéma dans son ensemble, mais, dans la mesure où le volet frontalier doit faire l’objet d’une concertation antérieure, il nous paraîtrait logique que les conseils départementaux des départements frontaliers soient associés à celle-ci.
Si je vise les conseils départementaux, c’est parce qu’il s’agit d’un échelon adéquat pour réunir l’ensemble des collectivités. Je rappelle d'ailleurs que les programmes européens Interreg, qui visent à favoriser la coopération et l’intégration transfrontalières, concernent les territoires de niveau NUTS 3, ce qui correspond, pour la France, aux départements.
Je pense que nos collègues de l’Alsace ou de la Moselle ne verront que des avantages à l’adoption d’une telle disposition. Dans la région Rhône-Alpes, les deux départements savoyards et le département de l’Ain y sont particulièrement intéressés, puisque 80 000 de leurs habitants travaillent à Genève.
M. Gérard Collomb. C’est exact !
M. Michel Bouvard. Hier, M. Vallini disait que la région Rhône-Alpes comptait deux métropoles, Lyon et Grenoble. Vu de Savoie, il y en a trois : il faut ajouter Genève, qui n’est pas située en France mais donne du travail à 80 000 de nos compatriotes, et dont l’aéroport de Cointrin constitue la principale porte d’entrée des touristes étrangers venant pratiquer les sports d’hiver dans les Alpes françaises. Les autorités genevoises expriment d'ailleurs elles aussi une volonté de coopération. Cette coopération n’est pas exclusive – je parle sous le contrôle de Gérard Collomb – des relations entre la métropole de Lyon et la métropole genevoise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’élaboration du schéma régional de développement économique sera confiée aux régions, mais toutes les collectivités, notamment les conseils départementaux, seront consultées. Il n’est donc pas utile de prévoir une consultation spécifique de ceux-ci sur un éventuel volet transfrontalier.
Quant à la question des travailleurs frontaliers, tout dépendra des compétences des départements en matière économique : ou bien on donne la compétence économique aux régions, ou bien on prévoit des situations différentes selon les territoires.
En tout état de cause, les conseils départementaux seront associés à l’élaboration du schéma régional de développement économique, de même que les intercommunalités. On ne peut pas prévoir de dispositions spécifiques pour les départements frontaliers.
Nous vous proposerons par la suite d’améliorer la concertation dans l’élaboration du schéma régional de développement économique, pour donner toute leur place aux départements et aux intercommunalités, qui ont elles aussi des compétences importantes en la matière.
Pour toutes ces raisons, même si elle comprend parfaitement l’intention de notre collègue, la commission ne peut être favorable à son amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Bouvard, votre amendement me semble satisfait, et je vous demande donc de bien vouloir le retirer. Cela étant, il est bon que vous ayez attiré notre attention sur le cas particulier des départements frontaliers, qui mènent des coopérations intéressantes avec les collectivités situées de l’autre côté de la frontière.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l'amendement n° 803 est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. La question est de savoir dans quelles conditions s’organisera la concertation au niveau régional. Je relis le texte : « Dans les régions frontalières, le schéma peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités des États voisins. » Cela signifie que la grande région travaillera avec les cantons de Genève et de Vaud, puis élaborera un document. Si nous sommes associés à ce travail dès le début, cela nous convient, mais si nous sommes uniquement consultés pour avis après la rédaction du document,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
M. Michel Bouvard. … ce n’est pas du tout la même chose ! En effet, il y a des problématiques d’infrastructures, de zones d’activité communes, de logement, de déplacements qui touchent à des compétences transversales.
Si le Gouvernement nous dit que les collectivités frontalières françaises seront associées aux discussions dès le début, notamment à la phase de concertation avec les collectivités des États voisins,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Michel Bouvard. … et que la région ne décidera pas toute seule avant de demander l’avis de Clermont-Ferrand, d’Annecy, d’Annemasse, du département savoyard réunifié ou de l’Ain, cela nous convient, je le répète. Mon amendement n’aurait alors plus d’utilité, mais il faut que l’on nous précise bien que nous serons associés dès le début du processus, et non pas seulement consultés à la fin.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les départements étant membres de la CTAP, la conférence territoriale de l’action publique, ils sont saisis d’emblée et participent donc à la concertation. Nous avons simplement prévu d’associer les organismes qui ne sont pas membres de la CTAP, notamment les chambres consulaires.
Monsieur Bouvard, je vous le confirme, il est bien prévu que les départements participent à la co-élaboration dès le début et, bien entendu, jusqu’à la fin : ils donneront donc leur avis.
On a tendance à oublier que l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation est une des raisons d’être de la CTAP.
Mon cher collègue, la suite du texte vous démontrera que les départements sont pleinement associés à cette procédure.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, maintenez-vous votre amendement ?
M. Michel Bouvard. Au bénéfice de ces explications, dont j’imagine qu’elles sont partagées par le Gouvernement puisque je vois Mme la ministre acquiescer,…
M. Michel Bouvard. … et je l’en remercie, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 803 est retiré.
Je suis saisie de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1023, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. l. 4251-13. – Le schéma est adopté par délibération du conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.
II. – Avant l’alinéa 14
Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :
« Le projet de schéma est élaboré par la région, à l’issue d’une concertation sur ses orientations au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 du présent code.
« Participent à l’élaboration du projet de schéma :
« 1° Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
« 2° Les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat et la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire ;
« 3° Le conseil économique, social et environnemental régional.
« Le conseil régional peut consulter tout autre organisme ou personne en vue de l’élaboration du projet de schéma.
« Le projet de schéma arrêté par le conseil régional est soumis pour avis à la conférence territoriale de l’action publique. Il peut être modifié pour tenir compte des observations formulées.
« Le projet de schéma arrêté par le conseil régional, modifié le cas échéant en application de l’alinéa précédent, est soumis pour avis au représentant de l’État dans la région, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et aux établissements publics et organismes mentionnés aux 1° à 3°. L’avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu dans un délai de trois mois à compter de la transmission.
« Lorsqu’à l’expiration du délai prévu à l’alinéa précédent, au moins trois cinquièmes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de la région ont émis un avis défavorable au projet de schéma, le conseil régional arrête un nouveau projet de schéma dans un délai de trois mois en tenant compte des observations formulées. Ce projet est soumis pour avis à la conférence territoriale de l’action publique et peut être modifié pour tenir compte des observations formulées. Le délai prévu au premier alinéa est prorogé de six mois pour permettre l’application du présent alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ainsi que je l’ai précédemment indiqué, cet amendement vise à préciser le processus de co-élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, le SRDEII, car c’est indispensable.
Il a notamment pour objet de prévoir une implication plus forte des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, compétents aujourd’hui en matière de développement économique. Il s’agit des communautés de communes et d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles, la métropole de Lyon étant déjà associée dans un processus spécifique.
M. Gérard Collomb. Ah !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les EPCI à fiscalité propre participeraient pleinement à l’élaboration du projet de schéma, de même que les chambres consulaires et, par l’intermédiaire du conseil économique, social et environnemental régional, le CESER, les partenaires sociaux.
La CTAP, dont font partie les départements, serait saisie deux fois : une première fois pour débattre des orientations du futur, puis une seconde fois pour s’exprimer sur le projet de schéma arrêté.
Les observations de la CTAP seraient prises en compte par la région, avant une consultation finale officielle du préfet de région, des EPCI à fiscalité propre, des chambres consulaires et du CESER.
Dans l’hypothèse où une majorité des trois cinquièmes des EPCI à fiscalité propre de la région serait défavorable au projet de schéma, la région serait tenue d’arrêter un nouveau projet de schéma et de le soumettre une dernière fois à la concertation au sein de la CTAP.
Le projet de schéma serait ensuite adopté par le conseil régional et soumis pour approbation au préfet de région, cette approbation étant limitée à un certain nombre de points, comme je l’ai déjà dit. Cette procédure n’obéit donc à aucune fantaisie et doit reposer sur des critères objectifs. Il y a notamment les intérêts de l’État à défendre, ce qui justifie l’intervention du préfet de région.
Tel est le sens de cet amendement, qui, de plus, répond aux préoccupations de notre excellent collègue… je ne sais pas si, maintenant, il faut dire savoyard ou haut-savoyard…
M. Jean-Pierre Vial. Il n’y a qu’une Savoie ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … alors, de notre excellent collègue savoyard, qui demeure de toute façon un représentant de la nation. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1061 rectifié ter, présenté par MM. Collomb et Mercier et Mme Guillemot, est ainsi libellé :
Amendement n° 1023
1° Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
et la métropole de Lyon pour ce qui concerne la région Rhône-Alpes
2° Alinéa 14, première phrase
Après les mots :
des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de la région
insérer les mots :
ou les métropoles situées sur le territoire de la région quel que soit leur statut
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Je retire ce sous-amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1061 rectifié ter est retiré.
Le sous-amendement n° 1107, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Amendement n° 1023, alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Il consulte les comités de massif compétents. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Ce sous-amendement, qui a été déposé en accord avec la commission, a pour objet d’organiser la cohésion et l’harmonisation entre, d’une part, le SRDEII et, d’autre part, les schémas interrégionaux de massif, par la consultation des comités de massif, qui se composent, je le rappelle, de trois collèges : les élus, les associations et les acteurs économiques. Dès lors que les schémas interrégionaux de massif ont une vocation de « fil rouge » ou de « fil conducteur » pour les politiques publiques à l’échelle du massif, il apparaît en effet nécessaire d’organiser l’articulation entre le SRDEII et les schémas de massif.
Mme la présidente. L'amendement n° 407, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 13
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4251-13. – La région élabore le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation en collaboration avec les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale compétents. Les organismes consulaires sont consultés.
« Le projet de schéma régional est soumis pour avis à la conférence territoriale de l’action publique prévue par l’article L. 1111-9-1, avant approbation par le représentant de l’État. Il est adopté par le conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.
« La mise en œuvre du schéma régional fait l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Sans préjudice des paragraphes 1° à 5° de l’article L. 1111-9-1, la convention territoriale d’exercice concerté des compétences de développement économique détermine les orientations et les règles que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires s’engagent à respecter au titre de l’exercice de leurs compétences exclusives ou des compétences partagées.
II. - Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4251-14. - Dans le cadre de leurs actions de développement économique reconnues d’intérêt communautaire et de leurs compétences d’aménagement de l’espace, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires de la convention territoriale d’exercice concerté, s’engagent à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies compatibles avec les orientations du schéma régional.
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à bien articuler les trois phases que la commission des affaires économiques estime nécessaires dans la construction du dispositif d’élaboration et de mise en œuvre du SRDEII.
Deux de ces phases sont d’ores et déjà reprises dans l’amendement n° 1023 de la commission des lois. Aussi la partie de mon amendement qui traite de la co-élaboration n’a-t-elle plus de raison d’être, de même que celle qui concerne l’avis de la CTAP, laquelle a en outre été également reprise dans un amendement de notre collègue Michel Mercier.
Je souhaite par conséquent, madame la présidente, rectifier mon amendement en supprimant les deux premiers alinéas, qui seront satisfaits si l’amendement de la commission est adopté.
En revanche, je maintiens la partie de mon amendement qui tend à préciser de quelle façon le schéma régional se met en œuvre.
Selon la commission des affaires économiques, celui-ci doit faire « l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale ».
Quant à la dernière partie de mon amendement, que j’entends également maintenir, elle tend à rappeler que, dans ce cadre, les signataires autres que la région « s’engagent à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies compatibles avec les orientations du schéma régional ».
Pourquoi proposons-nous cette rédaction pour l’article L. 4251-14 ?
Si les collectivités n’ont pas à prendre position sur les grands principes du schéma régional – nonobstant la co-élaboration, c’est la région qui pilote – il reste que, par la suite, la région va être amenée à prescrire une déclinaison territoriale de la compétence d’action économique. Au sein de celle-ci, certains domaines relèvent de la compétence exclusive des collectivités ou d’une compétence partagée entre la région et les collectivités, tandis que d’autres relèvent totalement de la compétence régionale.
Dans ce cadre, les conventions permettront d’affiner la stratégie globale régionale au niveau de chaque territoire, de manière à produire un effet levier.
Elles permettront également de parer au risque qu’encourrait le dispositif de ne pas être en conformité avec l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre.
Cet amendement, s’il est voté, contribuera ainsi à sécuriser le processus de manière globale tout en évitant de mettre en place un schéma régional d’aménagement du territoire qui serait un grand document servant de convention territoriale, mais qui ne prévoirait pas comment tout cela va pouvoir s’appliquer concrètement en tel ou tel point du territoire. Il aurait ainsi toutes les apparences d’un vœu pieux.
Il faut que ce document détaille les thématiques et les orientations économiques, ainsi que la façon dont, par exemple, en accord avec les préconisations des régions, des collectivités, dans leur domaine de compétence, se mettront d’accord sur les critères d’application de leurs propres compétences.
Ainsi, nous aurons un document de planification efficient, tenant compte de la réalité des territoires, mais respectueux d’une stratégie définie par cette sorte de gendarme que sera la région. Mais il s’agira d’un gendarme bienveillant, qui coproduira sa stratégie avec les collectivités.
Cette solution me semble relever du bon sens. Cet ajout à l’amendement de M. le rapporteur satisferait, me semble-t-il, toutes les collectivités territoriales qui jouent un rôle stratégique en matière d’action économique.
Mme la présidente. Madame Létard, je me permets de vous suggérer de transformer en outre votre amendement assorti des modifications que vous avez indiquées en sous-amendement à l’amendement de la commission des lois.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je crois sage de suivre votre suggestion, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 407 rectifié, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :
Amendement n° 1023
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
« La mise en œuvre du schéma régional fait l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Sans préjudice des paragraphes 1° à 5° de l’article L. 1111-9-1, la convention territoriale d’exercice concerté des compétences de développement économique détermine les orientations et les règles que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires s’engagent à respecter au titre de l’exercice de leurs compétences exclusives ou des compétences partagées.
« Dans le cadre de leurs actions de développement économique reconnues d'intérêt communautaire et de leurs compétences d'aménagement de l'espace, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires de la convention territoriale d'exercice concerté, s'engagent à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies compatibles avec les orientations du schéma régional. »
L'amendement n° 488, présenté par MM. Patriat et Durain, Mme Herviaux, M. Anziani, Mme Espagnac, M. Courteau et Mme Ghali, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4251-13 – Après co-élaboration avec les métropoles, les communes et leurs groupements, et après consultation des organismes consulaires, le schéma est adopté par le conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux et est présenté à la conférence territoriale de l’action publique.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 687, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4251-13. - Le projet de schéma et le projet de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence développement économique prévue au a) du paragraphe V de l’article L. 1111-9-1 du présent code font l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 et avec les organismes consulaires.
« À l’issue de cette concertation, le conseil régional transmet pour avis les projets de schéma et de convention territoriale d’exercice concerté qu’il a arrêté à la conférence territoriale de l’action publique.
« L’avis de la conférence territoriale de l’action publique sur le projet de schéma est favorable s’il a été adopté par au moins la moitié de ses membres. En cas d’avis défavorable, la concertation prévue à l’alinéa premier se poursuit.
« L’avis de la conférence territoriale de l’action publique sur la convention territoriale d’exercice concerté de la compétence développement économique est favorable s’il a été adopté par au moins la moitié de ses membres et simultanément par au moins la moitié des membres issus des 3° et 4° du II de l’article L. 1111-9-1. En cas d’avis défavorable, la concertation prévue à l’alinéa premier se poursuit.
« Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai d’un mois.
« Le conseil régional adopte le schéma dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 832, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4251-13. – Le projet de schéma fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 et avec les organismes consulaires. Ce projet est ensuite soumis, pour avis, au conseil économique, social et environnemental régional. Au terme de cette concertation, l’étude d’impact annexée au projet est enrichie par les avis et propositions issus de cette concertation préalable. Il est adopté par le conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise aussi à renforcer la concertation dans l’élaboration du SRDEII.
Nous pensons que les stratégies économiques ne peuvent être élaborées à la seule échelle de la région. En effet, ces stratégies et autres schémas ne sont rien sans une traduction concrète au niveau des autres acteurs territoriaux. C’est pourquoi il importe de mettre en place une concertation élargie, ne serait-ce que pour s’assurer ensuite de la mise en œuvre concrète de ces stratégies et schémas.
Comme le souligne d’ailleurs Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour être opérationnel et susciter l’adhésion des territoires, le schéma doit être co-élaboré, soumis pour avis à la CTAP, mais aussi aux autres collectivités territoriales, aux EPCI et à l’État.
Cette rédaction n’ayant pas été retenue, nous souhaitons, par cet amendement de repli, que la concertation soit au moins élargie aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, et ce afin de faire participer les organisations d’employeurs et de salariés à l’élaboration du schéma, ce qui nous semble essentiel.
À cet égard, lors de l’examen du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, en juillet dernier, avait été voté un article additionnel prévoyant l’élaboration par la région d’un schéma régional de l’économie sociale et solidaire, qui était un volet du schéma régional de développement économique. Dans ce cadre, le Sénat avait introduit une concertation avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire dans l’élaboration de cette stratégie régionale.
Or, dans la rédaction qui nous est proposée aujourd’hui, il n’en reste plus rien. C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 804, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéa 13, première phrase
Après la référence :
L. 1111-9-1
insérer les mots :
avec le ou les comités de massif compétents dès lors que la région intéressée comprend des territoires de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Je retire cet amendement au bénéfice du sous-amendement n° 1107.
Mme la présidente. L’amendement n° 804 est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 318 rectifié est présenté par MM. Jarlier et D. Dubois et Mme Gatel.
L’amendement n° 981 rectifié est présenté par MM. Guené et Baroin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La région associe à l’élaboration du schéma les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents sur l’ensemble du territoire.
La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l’amendement n° 318 rectifié.
M. Pierre Jarlier. En réalité, l’amendement de la commission répond parfaitement aux attentes des auteurs de l’amendement n° 318 rectifié, qui souhaitent que les communes et le bloc communal soient davantage associés à l’élaboration du schéma régional de développement économique.
En d’autres termes, si l’amendement n° 1023 de la commission et le sous-amendement n° 407 rectifié de Mme Létard sont adoptés, les auteurs de l’amendement n° 318 rectifié auront obtenu satisfaction, ce qui me conduit à le retirer.
Mme la présidente. L’amendement n° 318 rectifié est retiré.
La parole est à M. Charles Guené, pour présenter l’amendement n° 981 rectifié.
M. Charles Guené. Il convient de rappeler que seules certaines collectivités siègent au sein de la CTAP. Il est donc important de préciser que, dans l’élaboration du schéma de développement régional, tout le monde peut s’exprimer.
Si le sous-amendement n° 407 rectifié de Mme Létard est adopté, nous aurons obtenu satisfaction. Je maintiens malgré tout l’amendement n° 981 rectifié parce que je ne sais pas, à cet instant, quel sort sera réservé au sous-amendement de notre collègue. Si ce dernier est adopté, je retirerai mon amendement…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si l’amendement de la commission est adopté, votre amendement n’aura plus d’objet !
M. Charles Guené. Nous sommes d’accord, monsieur le rapporteur, mais on ne sait jamais ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 519, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« L’avis de la conférence territoriale de l’action publique sur le projet de schéma est favorable s’il a été adopté par au moins la moitié de ses membres. En cas d’avis défavorable, la concertation prévue au premier alinéa se poursuit.
« L’avis de la conférence territoriale de l’action publique sur la convention territoriale d’exercice concerté de la compétence développement économique est favorable s’il a été adopté par au moins la moitié de ses membres et simultanément par au moins la moitié des membres mentionnés aux 3° et 4° du II de l’article L. 1111-9-1. En cas d’avis défavorable, la concertation prévue au premier alinéa se poursuit.
« Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai d’un mois.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Je retire cet amendement au bénéfice de l’amendement n° 698 de M. Mercier et même de l’amendement n° 1023, qui précise les phases d’élaboration du schéma régional de développement économique.
Mme la présidente. L’amendement n° 519 est retiré.
L’amendement n° 1013, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4251-14. – Les orientations en matière d’aide aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises applicables sur le territoire d’une métropole visée au titre Ier du livre II de la cinquième partie du code ou sur le territoire de la métropole de Lyon sont adoptées conjointement par les instances délibérantes de la métropole concernée et de la région. À défaut d’accord, les orientations adoptées par la métropole concernée prennent en compte le schéma régional. Elles sont adressées à la région dans les six mois qui suivent l’adoption du schéma régional. Les actes des métropoles et de la métropole de Lyon sont compatibles avec les seules orientations du schéma applicables sur leur territoire.
II. – Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Permettez-moi d’observer que, si nous prévoyons trop de cas particuliers, au lieu de la simplification que nous recherchons, à savoir une CTAP très performante travaillant en confiance avec les élus, nous aboutirons à encore plus de complexité...
Compte tenu de leur poids économique, les métropoles et, notamment, la métropole de Lyon doivent avoir une capacité renforcée de co-élaboration du schéma régional de développement économique par rapport aux autres collectivités territoriales. Si, en principe, les orientations applicables sur leur territoire sont adoptées conjointement par leurs instances délibérantes et celle de la région, un désaccord ne peut être exclu : c’est à ce problème que, les uns et les autres, vous essayez de répondre. Dans une telle hypothèse, les métropoles et la métropole de Lyon doivent pouvoir disposer d’une marge d’appréciation dans la définition des orientations qui s’appliqueront sur leur territoire. Cette marge d’appréciation, souvent discutée, devra toutefois rester encadrée par la prise en compte du schéma lui-même.
En fait, cet amendement du Gouvernement revient à la rédaction initiale du projet de loi puisque la loi précédente permet la prise en compte particulière des métropoles. Bien sûr, on peut essayer de prévoir, alinéa par alinéa, la possibilité pour chaque niveau de collectivité d’intervenir en matière économique. Nous verrons alors comment trouver une solution compatible avec les intérêts de chacun, comme le dit M. le rapporteur.
Je souhaite cependant que nous revenions à une rédaction claire, simple, comme l’était la rédaction initiale.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 170 est présenté par M. Grand.
L’amendement n° 228 est présenté par M. Nègre.
L’amendement n° 685 est présenté par Mme Micouleau.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4251-14. – Les orientations du schéma applicables sur le territoire d’une métropole visée au titre Ier du livre II de la cinquième partie du présent code ou sur le territoire de la métropole de Lyon sont élaborées et adoptées conjointement par l’organe délibérant de la métropole concernée et le conseil régional.
À défaut d’accord, les orientations adoptées par la métropole concernée prennent en compte le schéma régional. Elles sont adressées à la région dans les six mois qui suivent l’adoption du schéma régional.
« Les actes des métropoles et de la métropole de Lyon sont uniquement compatibles avec les orientations du schéma applicables sur leur territoire, qui ont été adoptées soit de manière conjointe par les instances délibérantes de la métropole et le conseil régional, soit, à défaut d’accord avec ce dernier, par la métropole en prenant en compte le schéma régional. »
Ces amendements ne sont pas soutenus.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 229 est présenté par M. Nègre.
L’amendement n° 686 est présenté par Mme Micouleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4251-14. – Les orientations du schéma applicables sur le territoire d’une communauté urbaine, d’une métropole visée au titre Ier du livre II de la cinquième partie du présent code ou sur le territoire de la métropole de Lyon sont élaborées et adoptées conjointement par l’organe délibérant de la communauté urbaine ou de la métropole concernées et le conseil régional.
« À défaut d’accord, les orientations adoptées par la communauté urbaine ou la métropole concernées prennent en compte le schéma régional. Elles sont adressées à la région dans les six mois qui suivent l’adoption du schéma régional.
« Les actes des communautés urbaines, des métropoles et de la métropole de Lyon sont uniquement compatibles avec les orientations du schéma applicables sur leur territoire, qui ont été adoptées soit de manière conjointe par les instances délibérantes de la communauté urbaine ou de la métropole et le conseil régional, soit, à défaut d’accord avec ce dernier, par la communauté urbaine ou la métropole en prenant en compte le schéma régional.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Collomb.
L’amendement n° 656, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et les actions
2° Seconde phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Les actes des métropoles et de la métropole de Lyon sont uniquement compatibles avec les orientations du schéma applicables sur leur territoire, qui ont été adoptées de manière conjointe par les instances délibérantes de la métropole et du conseil régional. À défaut d’accord avec ce dernier, les actes de la métropole prennent en compte les orientations du schéma régional.
II. – Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 665 est ainsi libellé :
Alinéa 14
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et les actions
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dès lors, les actions conduites par une métropole ou par la métropole de Lyon sur leur territoire respectent le schéma.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour défendre ces deux amendements.
M. Gérard Collomb. J’ai bien écouté Mme la ministre et je veux lui poser une question.
Supposons que la majorité régionale décide de ne pas aider un secteur d’activité un peu controversé, comme celui des nanotechnologies – cela ne concerne pas l’agglomération lyonnaise –, pour des raisons qui lui appartiennent, idéologiques ou autres. Une métropole située sur le territoire de cette région pourra-t-elle continuer à agir dans ce domaine ou sera-t-elle obligée de respecter le schéma défini au niveau régional ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez choisi un exemple intéressant, monsieur le sénateur, mais nous en avons d’autres en têtes, que certains élus connaissent bien.
La région qui ne veut pas soutenir la recherche dans les nanotechnologies ne sera pas obligée de la financer puisque son assemblée délibérante prendra position en ce sens. En revanche, la métropole de Lyon pourra parfaitement, si elle le souhaite, soutenir un laboratoire travaillant dans le domaine des nanotechnologies. Elle en a le droit et elle le fera en toute responsabilité.
M. Bruno Sido. Et les autres métropoles ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Soyons clairs : il ne saurait y avoir de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre. La région assume la responsabilité du schéma régional de développement économique, mais une collectivité a le droit de financer un projet qui ne s’inscrit pas dans ce schéma – sauf à empiéter sur les compétences de l’État, mais c’est un autre problème.
Mme la présidente. Monsieur Collomb, les amendements nos 656 et 665 sont-ils maintenus ?
M. Gérard Collomb. Compte tenu des réponses de Mme la ministre, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 656 et 665 sont retirés.
L’amendement n° 171, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Alinéa 14, seconde phrase
Après le mot :
Lyon
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
prennent en compte le schéma régional.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 489, présenté par MM. Patriat, Durain et Masseret, Mmes Herviaux et Espagnac, M. Courteau et Mme Ghali, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
compatibles avec le
par les mots :
conformes au
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 834, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
sont compatibles avec
par les mots :
prennent en compte
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la ministre, je ne sais pas si la réponse que vous venez de donner vaut aussi pour les questions que nous voulions soulever en déposant cet amendement.
Pour nous, le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation est appelé à devenir un instrument de planification de l’intervention économique des régions. À ce titre, il est donc normal que toutes les aides et tous les régimes d’aides mis en œuvre sur le territoire d’une région en faveur des entreprises par les collectivités territoriales et leurs groupements soient coordonnés par ce schéma.
Toutefois, nous ne pensons pas que ces schémas doivent avoir un caractère prescriptif, et cela pour deux raisons.
D’une part, l’ensemble des collectivités territoriales de la région n’est pas associé à son élaboration.
D’autre part, comme le souligne M. Christian Vigouroux, président de la section du rapport et des études du Conseil d’État, « la prescriptibilité des schémas régionaux frise la tutelle d’une collectivité sur une autre », ce qui est interdit par la Constitution. Par ailleurs, l’Association des maires de France souligne aussi avec justesse que ces schémas ne doivent pas confiner les communes et les intercommunalités dans le rôle de « sous-traitants ». À cet égard, il est difficilement admissible que le contenu et, a fortiori, la portée juridique de ce document soient définis par une simple ordonnance.
Il nous semble – mais c’était aussi la position du Gouvernement il y a moins d’un an – qu’il fallait continuer à privilégier la notion de libre administration et de concertation autour de la clause de compétence générale. Avec ce projet de loi, nous en sommes loin ! En effet, si l’on prend également en compte la reconnaissance aux régions d’un pouvoir réglementaire élargi, il s’agit clairement de leur permettre d’édicter des normes générales et impersonnelles opposables aux autres collectivités.
Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, le principe de subsidiarité devrait prévaloir ; or ce projet de loi met en place une véritable confiscation de la décentralisation par l’État puisque le préfet émet un avis conforme sur le schéma régional de développement économique. C’est pourquoi notre amendement vise à remplacer l’obligation de « compatibilité » des actes des collectivités territoriales et de leurs groupements avec le schéma par la notion de « prise en compte ».
Mme la présidente. Mes chers collègues, compte tenu de la transformation de l’amendement n° 407 de Mme Létard en sous-amendement n° 407 rectifié à l’amendement n° 1023 de la commission, l’amendement n° 698, qui était censé être appelé plus tard, doit être intégré dans la présente discussion commune.
L’amendement n° 698, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art L. 4251-16-... – Pour la mise en œuvre du schéma, la région peut conclure une convention avec un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la métropole de Lyon ou une chambre mentionnée au 2° de l’article L. 4251-13.
« Cette convention précise les conditions d’application des orientations et des actions du schéma sur le territoire concerné.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Cet amendement vise à permettre la signature d’une convention entre la région et plusieurs EPCI, mais il me semble qu’il deviendrait sans objet si le sous-amendement de Mme Létard était adopté.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il va moins loin que le sous-amendement de Mme Létard !
Mme Jacqueline Gourault. Certes…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut donc le défendre !
Mme Jacqueline Gourault. Je le défends donc ! (Sourires.)
Cet amendement prévoit la possibilité pour la région de conclure une convention avec un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
Dans l’exposé des motifs de l’amendement n° 1023, il est écrit que, « dans l’hypothèse où une majorité des trois cinquièmes des EPCI à fiscalité propre de la région serait défavorable au projet de schéma, la région serait tenue d’arrêter un nouveau projet de schéma ».
Suivant la logique de co-élaboration, le présent amendement prévoit la possibilité pour la région de conclure une convention avec un ou plusieurs EPCI et le sous-amendement de Valérie Létard va donc plus loin à cet égard puisqu’il prévoit, lui, l’obligation de conclure une convention.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il vise à traduire la mise en œuvre du schéma régional dans une convention territoriale d’exercice concerté !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements et sous-amendements restant en discussion ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 1107.
S’agissant du sous-amendement n° 407 rectifié, j’ai bien noté que Mme Létard en avait ôté les dispositions relatives à la co-élaboration du schéma régional dans la mesure où elles sont reprises par la commission. Pour ce qui est de la mise en œuvre concertée du SRDEII, je suis un peu embarrassé, car l’amendement n° 698 prévoit également la possibilité de mettre en œuvre le schéma par le biais de conventions avec les EPCI ou les chambres consulaires. Cela pourrait nous donner à penser que cet amendement de M. Mercier satisfait celui de la commission des affaires économiques. Or, en fait, il n’en est rien.
Le sous-amendement de Mme Létard et l’amendement de M. Mercier tendent tous deux à rendre nécessaires une élaboration conjointe et une mise en œuvre partagée du schéma, ce qui implique un travail conjoint de la région et des EPCI. Cependant, dans la mesure où le développement économique n’est plus une compétence partagée, selon la logique du projet de loi, approuvée par la commission, chacun a des compétences. En réalité, la rédaction du sous-amendement fait dépendre la compétence de la région de la bonne volonté des EPCI ou des métropoles. C’est un vrai problème, reconnaissons-le ! C’est pourquoi nous avons préféré qu’il y ait une option.
Prenons l’exemple des aides aux entreprises, qui sont confiées à la région. Elles ne font pas l’objet de conventions. Si les intercommunalités ou la métropole ne veulent pas coopérer avec la région, rien n’interdit à celle-ci de déployer son intervention. Bien sûr, il faut des conventions mais faut-il leur donner un caractère obligatoire ?
Pour avoir eu ce débat avec Valérie Létard depuis que nous avons commencé à examiner ce texte, je comprends parfaitement l’inquiétude de certaines grandes intercommunalités. Nous avions écrit « peut » pour que ne pas rendre ces conventions indispensables et laisser à chacun la latitude de faire des conventions pour définir des projets en commun. Ce qui me gêne, c’est que les métropoles ont des compétences propres, qui sont définies par la loi. Tel est notamment le cas de la métropole de Lyon, ce qui a conduit notre excellent collègue Gérard Collomb à retirer ses amendements. Il y a aussi les compétences spécifiques qui sont confiées aux régions. Ainsi, elles sont chargées d’élaborer un projet de schéma régional.
Bien entendu, on peut, dans le cadre des concertations, décider simplement, sans qu’il existe une convention, de s’associer, par exemple, pour un cofinancement sur des projets d’une intercommunalité, d’une métropole ou d’une région.
Faut-il imposer les conventions, au risque de tout bloquer ? Permettez-moi de prendre un exemple dans la région d’Île-de-France. Un département dont le territoire est vaste et qui compte 1,4 million d’habitants a instauré ce qu’on appelle un « pacte », qui réunit la région et toutes les intercommunalités sur cinq grandes zones qui couvrent 200 000 habitants. La région a des politiques que les intercommunalités déclinent en liaison avec elle. Un membre du conseil régional a été chargé de piloter le projet et toutes les intercommunalités travaillent ensemble.
À partir du moment où il y a des aides de la région, on essaie de les coordonner. On établit un schéma régional en anticipant. Si l’on décide, par exemple, de créer une zone d’activités, on évite évidemment de l’implanter à côté d’une autre qui existe déjà. On cherche plutôt à l’implanter un peu plus loin, là où l’on considère qu’il y a des besoins.
Voilà, selon moi, ce que doit être une coopération entre les intercommunalités et les régions. Tout figer en interdisant aux régions d’agir parce que les intercommunalités ne sont pas d’accord et qu’il n’y a pas de convention, cela me paraît aller bien au-delà de l’esprit du texte. Cela revient presque à instaurer une tutelle des intercommunalités sur la région, ce qui serait quand même assez paradoxal !
Je comprends qu’on veuille des garanties. Pour moi, les meilleures garanties se situent dans le cadre de la CTAP, dans le cadre de la co-élaboration, dans le cadre des discussions. À mon avis, à partir du moment où les régions vont avoir cette compétence, elles auront à cœur de l’exercer en coordination avec les autres collectivités. Ou alors, c’est à n’y rien comprendre ! Ce serait avoir une vision bien réductrice de la politique que de ne s’intéresser qu’aux collectivités qui pensent comme la région et pas aux autres ! Peut-être est-ce votre crainte, madame Létard, mais je ne pense pas que ce sous-amendement soit une bonne manière de résoudre la difficulté.
Dès lors, à mon grand regret, je ne peux pas être favorable à la rédaction que vous proposez dans le sous-amendement n° 407 rectifié. Pour moi, il est clair que les conventions ne peuvent pas être obligatoires.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 698.
Par ailleurs, elle est défavorable à l’amendement n° 687, ainsi qu’à l’amendement n° 832.
L’amendement n° 981 rectifié est satisfait.
Quant à l’amendement n° 1013, je le trouve vraiment épatant ! (Rires.) C’est tout de même extraordinaire ! Tout le monde a été d’accord pour considérer qu’il fallait qu’il y ait, non pas une « prescriptibilité absolue », mais une « compatibilité » sur un territoire. Et voilà qu’on nous dit que, pour les métropoles, la prise en compte suffira ! Je résume, madame ma ministre !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh bien, je relis la fin du texte proposé par votre amendement : « À défaut d’accord, les orientations adoptées par la métropole concernée prennent en compte le schéma régional. »
La commission a approuvé une élaboration et une adoption conjointes du schéma par la région et la métropole pour ce qui concerne le territoire de la métropole, mais nous avons décidé qu’en l’absence d’accord le schéma régional ne devait pas s’arrêter aux portes de la métropole. Avec une simple prise en compte, une métropole pourrait parfaitement refuser de discuter avec la région. Tel n’est pas, me semble-t-il, l’objectif que nous poursuivons.
Cette situation nuirait à un développement économique harmonieux de l’ensemble du territoire régional. Une règle de compatibilité ne remet pas en cause les compétences économiques des métropoles, qui ne sont pas modifiées par le projet de loi et n’instaurent aucune tutelle mais définissent simplement un cadre général à respecter.
Le projet de loi prévoit que les actes de toutes les autres collectivités et de leurs groupements, y compris les communautés urbaines et d’agglomération, doivent être compatibles avec le schéma régional. Et l’on ne parle pas de tutelle dans ce cas. Ce n’est pas méconnaître le rôle économique majeur des métropoles que de les inciter à s’entendre avec la région pour élaborer conjointement un schéma de développement économique.
La commission des lois a essayé d’être cohérente : ou bien il y a un schéma régional ou bien il n’y en a pas. La compatibilité sur les orientations qui est exigée des uns doit être exigée des autres, aussi éminents soient-ils !
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 1013.
S’agissant de l’amendement n° 834, monsieur Favier, j’ai déjà dit que la compatibilité – et une compatibilité qui concerne tout le monde, y compris les métropoles – valait mieux que la prise en compte. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement est en accord avec toutes les positions du rapporteur, sauf, naturellement, avec celle qui concerne l’amendement du Gouvernement (Sourires.), et cela pour une raison qui n’est pas anodine.
Si la compatibilité est exigée s’agissant des métropoles, une métropole qui voudrait soutenir un laboratoire travaillant sur les nanotechnologies, alors que la région rejetterait l’idée de tels travaux, pour reprendre l’exemple très pertinent évoqué par M. Collomb, ne pourra pas le faire.
C'est la raison pour laquelle nous avons préféré la prise en compte, ce qui rend à la métropole l’autonomie de sa décision. Ainsi, la métropole pourra aller au bout de son projet. Cela signifie, en revanche, je ne vous le cache pas, qu’une intercommunalité de petite taille – celle de Morlaix, par exemple – qui souhaiterait développer les nanotechnologies, ne pourra pas le faire à supposer que le conseil régional de Bretagne n’en veuille pas. La métropole de Lyon, elle, le pourra.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En fait, si une région ne s’intéresse pas à ce qui est de la compétence de la métropole, rien n’empêchera la métropole de continuer à agir puisqu’elle a des compétences propres qui ont été définies par la loi de décembre 2014. Si la région ne propose rien dans ce domaine, si elle n’a pas défini d’orientations incluant les nanotechnologies, la métropole a toute qualité pour agir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’est donc pas interdit d’agir.
Je pense qu’il y a une confusion depuis le départ : on a donné des compétences propres aux métropoles, notamment à la métropole de Lyon, de manière spécifique. La région ne pourra pas imposer à la métropole de Lyon de ne pas agir. La métropole est totalement autonome dans ses actions, mais il est évident que l’efficacité sera beaucoup plus grande s’il y a coordination entre la région et la métropole pour conduire des actions, car chacune s’appuiera sur l’autre.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons que la compatibilité est préférable et incite plus que la seule prise en compte à agir de concert.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Pour ma part, j’évoquerai la métropole de Grenoble, où nous avons développé de nombreux projets autour des microtechnologies et des nanotechnologies.
Imaginons qu’un schéma de développement économique élaboré par la région prévoie expressément que celle-ci s’oppose pour des raisons « idéologiques », pour reprendre les termes de Gérard Collomb, au développement des nanotechnologies.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est effrayant !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cela peut arriver : je connais des forces politiques qui s’opposent totalement aux nanotechnologies.
Dans ce cas, la métropole doit pouvoir malgré tout développer les nanotechnologies. Or, si les orientations de la métropole doivent être compatibles avec le schéma régional, elle ne le pourra pas. En revanche, si ces orientations doivent seulement prendre en compte le schéma, elle pourra néanmoins conduire ses projets.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. La métropole prendra en compte ce que dit la région, mais elle n’en tiendra pas compte ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, à la suite des explications données par M. le rapporteur de la commission des lois, je vais rectifier mon sous-amendement n° 407 rectifié.
J’insiste sur le fait que, selon moi, le risque juridique d’instauration d’une tutelle est plus grand de la région sur les autres collectivités locales que l’inverse, et je tiens à ce que cela figure au compte rendu. Cependant, puisque vous nous garantissez, monsieur le rapporteur, que le dispositif envisagé prévient tout risque de tutelle d’un niveau de collectivité sur un autre, je suis d’accord pour écrire que la mise en œuvre du schéma régional « peut faire l’objet » – au lieu de « fait l’objet » – de conventions territoriales d’exercice concerté, ainsi que vous l’avez suggéré.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 407 rectifié bis, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :
Amendement n° 1023
Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
« La mise en œuvre du schéma régional peut faire l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Sans préjudice des paragraphes 1° à 5° de l’article L. 1111-9-1, la convention territoriale d’exercice concerté des compétences de développement économique détermine les orientations et les règles que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires s’engagent à respecter au titre de l’exercice de leurs compétences exclusives ou des compétences partagées.
« Dans le cadre de leurs actions de développement économique reconnues d'intérêt communautaire et de leurs compétences d'aménagement de l'espace, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires de la convention territoriale d'exercice concerté, s'engagent à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies compatibles avec les orientations du schéma régional. »
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’avais émis un avis favorable sur l’amendement n° 687 de Michel Mercier. Le sous-amendement de Mme Létard est plus complet. À partir du moment où il ne prévoit plus une obligation, je ne saurais m’y opposer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 407 rectifié bis.
M. Ronan Dantec. Je note que, à la fin du deuxième alinéa de ce sous-amendement, il est toujours question de compatibilité entre les stratégies définies par les EPCI à fiscalité propre et les orientations du schéma régional.
Or, avec cette exigence de compatibilité, et je rejoins sur ce point Mme la ministre et M. le secrétaire d’État, on renforce le poids de la région dans les stratégies des intercommunalités. Je suis donc assez surpris, compte tenu de l’essence de notre débat depuis hier, que l’on conserve ici le mot « compatibles ». Il serait plus logique de le remplacer par « tenant compte ». Comme l’a dit Mme la ministre en citant l’exemple de Morlaix, cela n’empêcherait pas que la région définisse un schéma s’imposant à la majorité des territoires, lesquels devront s’inscrire dans une dynamique régionale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Ronan Dantec. Je soutiens tout à fait cette vision, qui est l’une des avancées de ce texte.
En conservant le mot « compatibles », le risque de conflit avec les métropoles et les grandes agglomérations est important, alors que l’expression « prenant en compte », ou « tenant compte », serait suffisante. Pour une fois, je rejoins donc plutôt ceux qui défendent l’assouplissement, et je suis étonné qu’il n’y ait pas de consensus entre nous sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je suis d’accord avec Ronan Dantec. L’ajustement dont il parle était d’ailleurs présent, en filigrane, dans les propos du rapporteur. Le deuxième alinéa du sous-amendement n’a effectivement plus sa place dans le texte, et il convient de le supprimer.
Madame la présidente, je rectifie donc mon sous-amendement en ce sens.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 407 rectifié ter, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :
Amendement n° 1023
Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
« La mise en œuvre du schéma régional peut faire l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté, conjointement approuvées par le conseil régional et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Sans préjudice des 1° à 5° du V de l’article L. 1111-9-1, la convention territoriale d’exercice concerté des compétences de développement économique détermine les orientations et les règles que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires s’engagent à respecter au titre de l’exercice de leurs compétences exclusives ou des compétences partagées. »
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 687, 832, 981 rectifié et 698 n’ont plus d’objet.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote sur l’amendement n° 1013.
M. Gérard Collomb. Je le disais hier, une partie importante du développement de notre pays se fera demain dans les métropoles que nous avons bâties.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas seulement !
M. Gérard Collomb. On ne peut donc pas les mettre sur le même plan que l’agglomération de Morlaix, pour reprendre l’exemple évoqué par Mme la ministre. Elles ne sauraient avoir exactement le même statut ; sinon, cela ne servirait à rien d’avoir créé des métropoles.
La « prise en compte » permettrait à une métropole, en cas de désaccord avec la région – j’ai cité l’exemple des nanotechnologies –, de continuer à conduire ses projets. En revanche, avec la compatibilité, elle ne pourra pas le faire parce que le schéma s’imposera.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si, elle le pourra !
M. Gérard Collomb. C’est parfaitement clair sur le plan juridique, car les notions de compatibilité et de prise en compte ont été précisées des milliers de fois par les tribunaux administratifs et le Conseil d’État.
Il faut donc que nous disions nettement ce que nous voulons. Sinon, nous régresserons.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Je soutiens la position de la commission, qui a voulu faire en sorte qu’un couple région-métropole travaille de concert et co-élabore les documents dans une logique de coopération, de coordination, de mise en commun des énergies, pour assurer le développement économique. Dès lors, le schéma issu de ces travaux doit fixer de réelles orientations.
Gérard Collomb l’a rappelé, il y a, en droit administratif, plusieurs degrés en matière d’urbanisme : la « conformité », qui signifie que l’on ne peut déroger aux règles ; la « compatibilité », qui suppose qu’un document fixe des règles auxquelles on peut déroger lorsqu’il n’existe pas d’interdiction claire ; la « prise en compte », qui est une notion très lâche, puisque le juge ne peut sanctionner que les erreurs manifestes de prise en compte.
Il est bien certain qu’un schéma régional qui, après avoir été co-élaboré, devrait simplement être pris en compte aurait très peu d’impact et affaiblirait ce couple région-métropole créé pour assurer le développement économique.
M. Gérard Collomb. Ce n’est pas vrai !
M. Philippe Kaltenbach. Les régions et les métropoles ont tout intérêt à travailler ensemble. Au reste, je le dis franchement, j’imagine mal une région interdire telle ou telle politique de développement.
M. Bruno Sido. Cela peut arriver !
M. Philippe Kaltenbach. Je ne connais pas d’exemple ! Mais peut-être y a-t-il une spécificité en région Rhône-Alpes...
M. Gérard Collomb. Il ne s’agit pas de Rhône-Alpes !
M. Philippe Kaltenbach. En tout cas, à ce niveau de responsabilité, et alors qu’il y a 4 millions de chômeurs, cela me semble surréaliste !
Nous devons donc suivre la logique ambitieuse de la commission, qui a beaucoup travaillé et réfléchi : il faut une co-élaboration, un travail en commun, un document un tant soit peu orienté et le maintien de la compatibilité. Pour ma part, je soutiens cette position. On ne peut à la fois vouloir donner un rôle fort aux régions en matière économique et se contenter d’un schéma qui serait simplement « pris en compte ».
Nous sommes face à un tournant : soit on donne la compétence économique à la région et les orientations de la métropole doivent être compatibles avec le schéma, soit on en reste à la prise en compte et la région sera affaiblie.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je ne suis pas suspect de soutenir le Gouvernement (Sourires.), mais je considère, comme Gérard Collomb, que, si l’on a créé les métropoles, c’était bien pour leur donner des compétences et pour qu’elles organisent le territoire selon certaines orientations. L’amendement du Gouvernement est tout à fait cohérent avec cette volonté, et il faut le voter. À défaut, il n’y aurait plus aucune raison d’avoir des métropoles !
Un conflit comme celui que l’on a évoqué peut effectivement se produire ! Cet amendement règle le problème en prévoyant que, dans ce cas, la métropole, sans s’affranchir de la position de la région, la prend simplement en compte. C’est pourquoi je le voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Il y a quatre façons de traiter un document : la conformité, qui s’applique par défaut en l’absence d’autre disposition ; la compatibilité ; la prise en compte ; la prise de connaissance.
Quelle est la différence entre compatibilité et obligation de prise en compte ?
La compatibilité signifie que l’on définit une politique, mais non des règles pour l’appliquer. On ne peut pas s’écarter du document, même pour un motif d’intérêt général. Le Conseil d’État a ainsi établi qu’une différence entre le plan d’occupation des sols et le schéma directeur était acceptable si elle ne remettait en cause ni les options fondamentales du schéma ni la destination générale des sols qu’il prévoit.
S’agissant de l’obligation de prise en compte, le Conseil d’État a jugé que, lorsqu’une norme doit prendre en compte une autre norme ou en tenir compte, cela signifie que la norme inférieure ne doit pas, en principe, s’écarter des orientations fondamentales de la norme supérieure, sauf sous le contrôle du juge, pour des motifs déterminés par l’intérêt général et dans la mesure où ces motifs le justifient. Ce rapport normatif fait l’objet d’un contrôle approfondi par le juge administratif.
Je crois qu’il faut avoir à l’esprit cette distinction au moment de se prononcer sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. Je me demande si nous allons réussir à mettre en œuvre les mesures que nous sommes en train de décider. Ce n’est pas certain ! (Rires.)
Les amendements ont été discutés en commission, le rapporteur fait son travail : je suis donc plutôt enclin à suivre ses avis. Cependant, j’ai écouté ce qu’a dit Gérard Collomb. Il est vrai qu’on peut se retrouver dans un cas de figure un peu délicat. Imaginons que la région – et ce serait une erreur de sa part ! – ne manifeste pas la volonté de développer, à Lyon, les nanotechnologies, qui habitent les rêves nocturnes de Gérard Collomb. (Sourires.) Eh bien, il pourra malgré tout conduire sa politique en la matière : la métropole n’a pas besoin de la bénédiction de la région pour agir !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, mais il n’aura pas son financement.
M. Michel Delebarre. Sans doute, mais, de l’argent, nous le savons bien, il n’en a pas besoin ! (Rires.) Regardez la réalité : rien ne l’empêche de faire ce qu’il veut ! (Mêmes mouvements.)
En revanche, si la région adopte une position de principe contre les nanotechnologies dans son schéma de développement, la situation sera différente. Vous allez me dire qu’un tel cas de figure ne se présentera pas. Moi, je pense que si.
M. Michel Bouvard. Absolument !
M. Michel Delebarre. Il peut y avoir des élus régionaux bornés ou complètement désaxés ne voulant pas des nanotechnologies !
M. Bruno Sido. Principe de précaution !
M. Michel Delebarre. Une agglomération ou une métropole se verra-t-elle alors interdire d’agir pour respecter une position générale ? Nous irions vers l’obscurantisme à grands pas ! Existe-t-il un moyen de contourner cette difficulté ? Je n’en vois pas aujourd'hui dans le texte. Je souhaite donc qu’on y fasse figurer un tel moyen.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a le préfet !
M. Michel Delebarre. Je suis d’accord, mais méfiez-vous, car, dans quelques mois, les régions pourraient être animées par des élus refusant certaines recherches. Que fera alors la métropole ou l’agglomération concernée ? On ne peut pas dire que cela n’arrivera pas.
M. Pierre-Yves Collombat. Avec les biosciences, par exemple !
M. Michel Delebarre. On pourrait prévoir que l’État a une responsabilité et que, en pareil cas, le préfet n’agréerait pas le schéma, mais il faut le dire au cours de notre débat. Madame la ministre, vous devez nous donner une garantie. Sinon, nous irons dans le mur.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Les positions des uns et des autres fluctuent selon les moments. Pour ma part, ayant la particularité d’être à la fois un régionaliste convaincu et l’élu d’une métropole, je tenterai de faire une synthèse.
L’avancée majeure de ce projet de loi, c’est le schéma régional de développement économique, lequel prévoit que les moyens de la région sont concentrés sur un certain nombre d’axes privilégiés, mais aussi qu’ils sont répartis entre les territoires, l’enjeu étant l’égalité des territoires.
Toutefois, ce projet de loi ne doit pas être un nid à contentieux et entraîner une opposition entre la métropole et la région. Ces deux collectivités sont en fait quasiment condamnées à s’entendre, compte tenu des enjeux financiers d’aujourd'hui. La logique veut qu’elles parviennent à un accord.
Néanmoins, il ne faut pas que l’on se retrouve dans une situation de blocage. À cet égard, la prise en compte est suffisante. La compatibilité posera, elle, à mon avis, de réels problèmes. La prise en compte ne dépouille pas le schéma régional de son caractère planificateur. Et je le dis en tant que planificateur et en tant que défenseur du niveau régional. La notion de prise en compte me paraît de nature à apaiser et je pense qu’elle pourrait faire consensus.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Notre collègue Michel Delebarre pose bien le problème : une soupape de sécurité est nécessaire afin d’éviter une situation de blocage.
Si une région ne veut pas intervenir dans certains secteurs – les nanotechnologies, par exemple –, les collectivités pourront le faire à condition qu’elles soient de taille suffisante, c'est-à-dire les métropoles ou les agglomérations.
À certains endroits, des actions sont déjà engagées. Ainsi, la Savoie a développé un parc d’activité dédié à la cristallogenèse, bien entendu en collaboration avec les communes du secteur, qui portent le projet, et grâce à l’appui massif du département, sans lequel le travail lancé avec la plate-forme universitaire de Lyon 1 ne pourrait pas se poursuivre. Que se passera-t-il demain si la région refuse de prendre le relais ou, pis encore, si elle déclare refuser d’investir dans ce secteur d’activité ?
Nous devons donc prévoir un dispositif de sécurité et envisager le cas de figure dans lequel l’idéologie pourrait l’emporter sur l’intérêt économique, car ce n’est pas totalement exclu. Une fois que le texte aura été voté, nous pourrions nous trouver face à des situations inextricables si nous ne prévoyons pas une soupape de sécurité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La question soulevée est effectivement importante.
Nous avons une Constitution qui pose le principe de l’autonomie des collectivités territoriales. Le rôle du préfet de région est important, mais il est limité par la Constitution. Si le schéma régional a été établi dans les règles, s’il ne porte pas atteinte à l’intérêt général et s’il n’entre pas en contradiction avec les compétences de l’État, la notion même de tutelle ayant disparu de la Constitution, le préfet de région ne pourra pas désapprouver ledit schéma. Là se situe le problème, et nous devons faire avec la Constitution telle qu’elle est, quoi que nous puissions en penser par ailleurs.
Si le Gouvernement a déposé cet amendement, c’est parce qu’il pense que des situations telles que celles qui viennent d’être décrites peuvent effectivement se produire. J’entends dire ici ou là qu’elles seront rares, mais le fait est qu’elles pourront advenir. Le rôle du Gouvernement est donc de proposer au législateur d’inscrire dans le texte un dispositif permettant de répondre à ce type de situations. Tel est l’objet de l’amendement qu’il a déposé.
Monsieur Delebarre, il est vrai que, voilà sept ou huit ans, le préfet de région aurait pu s’opposer au schéma, mais il ne le peut plus aujourd'hui, ce qui justifie notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand on dit que cela concerne les métropoles, il ne faut pas oublier que, pour l’instant, il n’en existe que deux.
M. Pierre-Yves Collombat. Il y aura dix métropoles !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est encore théorique. Pour l’instant, seules deux métropoles sont opérationnelles.
La situation est certes différente pour les intercommunalités.
Cela étant, je veux bien que l’on examine ce texte en envisageant systématiquement les cas pathologiques, en ayant en permanence dans l’esprit que les collectivités ne parviendront pas à s’entendre, sans tenir compte de leur volonté de travailler en commun, mais cela me désole profondément. Faut-il vraiment considérer que les élus ne sont pas capables d’aller au-delà de leurs petits intérêts ou des petites polémiques politiques, qu’ils ne peuvent pas travailler pour l’intérêt général ? Vous rendez-vous compte de ce que pensent nos concitoyens de ces basses querelles entre élus ? Vous savez bien de qui elles font le terreau !
Si un problème survenait, nous pourrions toujours adopter un tel amendement. Mais, pour l’heure, les schémas ne sont même pas encore mis en œuvre. Attendons donc un peu, et faisons preuve d’un peu d’optimisme et d’espoir au lieu de dire que ça ne va pas marcher !
En outre, il faut faire une différence entre les compétences économiques spécifiques attribuées à la métropole de Lyon – elles figurent dans le texte sur les métropoles – et les compétences spécifiques des autres collectivités. N’y aura-t-il pas un problème d’égalité entre collectivités, voire un problème constitutionnel au motif que ce qui se fait pour les métropoles ne se fait pas pour les communautés d’agglomération ou les communautés urbaines ?
Il est préférable que ceux qui travaillent ensemble aient des projets compatibles.
En tout cas, j’espère sincèrement que nous n’allons pas persister à considérer, jusqu’à la fin de l’examen de ce texte, que la méfiance préside en permanence aux relations entre les collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Hyest, alors qu’on parlait déjà d’économie hier après-midi et qu’on a évoqué l’éventuel conflit qui pourrait surgir entre telle ou telle métropole et telle ou telle région, j’ai dit ce que vous venez de dire : il faut faire confiance aux élus, qui travaillent dans l’intérêt général, quel que soit leur bord politique. En outre, les élus sont sous le contrôle des citoyens et des médias. Comme vous, monsieur le rapporteur, je pense que nous ne devons pas légiférer en ne pensant qu’aux éventuels conflits et querelles entre élus.
Toutefois, les sujets que nous évoquons n’ont rien à voir avec les querelles entre élus, avec des querelles d’ego. Nous parlons de l’opposition politique, au sens noble du terme, de certains mouvements politiques à tel ou tel secteur d’activité économique. On a évoqué les nanotechnologies, mais on pourrait également parler des OGM ou d’autres secteurs économiques. Des blocages pourraient surgir dans certaines régions et empêcher une métropole d’agir. C’est le seul objet de cette discussion, qui n’est pas médiocre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1013.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1024 rectifié, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans la région porte à la connaissance de la région toutes les informations nécessaires dans les conditions prévues à l’article L. 121-2 du code de l’urbanisme.
II. – Alinéa 15, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de la prise en compte des informations prévues au dernier alinéa de l’article L. 4251-13
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent amendement vise à prévoir un mécanisme dans lequel le préfet de région porte à la connaissance de la région tous les éléments en possession de l’État utiles à l’élaboration du SRDEII.
L’approbation finale du schéma par le préfet de région, formalité qui le rend opposable aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements ainsi qu’aux chambres consulaires, serait encadrée par ce « porté à connaissance » préalable, sans contrôle d’opportunité. Elle se limiterait donc à vérifier la régularité de la procédure et la correcte prise en compte des éléments portés à connaissance.
Ces points sont précisés afin de répondre au soupçon de mise en place d’une tutelle, qui, d’après Mme la ministre, n’existe plus.
Mme la présidente. L'amendement n° 833, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Comme cela a été souligné lors de nos débats en commission, ce qui rend le SRDEII prescriptif, c’est non la décision de la région, mais son approbation par le préfet. Le texte est clair : il ne s’agit pas d’un simple contrôle de légalité.
Dès lors que nous proposons des amendements tendant à ce que le SRDEII ne soit plus prescriptif, l’avis conforme du préfet ne nous semble plus nécessaire. Ce dernier ne saurait être pour nous un tiers médiateur.
Le texte indique nettement que le conseil régional doit prendre en compte les modifications proposées par le préfet.
Comme le soulignait M. Jean-Paul Delevoye lors de son audition, la répartition des compétences ne doit pas être l’occasion d’appliquer des schémas de pensée verticaux hérités du passé. C’est pourtant bien ce qui nous est proposé dans cet article 2 : l’avis conforme du préfet en est une illustration éclatante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nos collègues du groupe CRC proposent de supprimer l’approbation par le préfet de région du schéma régional de développement économique adopté par la région. Or c’est cette formalité d’approbation qui permet de rendre le schéma opposable aux autres collectivités et à leurs groupements. L’avis ne peut donc qu’être défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1024 rectifié et 833 ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° 833, le Gouvernement partage l’avis défavorable de M. le rapporteur.
Quant à l’amendement n° 1024 rectifié, présenté par la commission, c’est en réalité un amendement de coordination avec l’amendement n° 486, qui a étendu le SRDEII aux orientations en matière d’implantation des entreprises. Dans la mesure où le Gouvernement avait décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, par cohérence, nous adoptons la même position concernant le présent amendement de la commission.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 833 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 1025, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4251-16-1. - Lorsque les modifications envisagées n’ont pas pour effet de porter atteinte à son économie générale, le schéma peut être modifié, sur proposition du président du conseil régional.
« Les modifications envisagées sont soumises pour avis à la conférence territoriale de l’action publique et aux personnes et organismes mentionnés au dixième alinéa de l’article L. 4251-13, dans les conditions prévues aux neuvième et dixième alinéas du même article.
« Les modifications sont adoptées par le conseil régional. Le schéma ainsi modifié est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans la région, dans les conditions prévues par l’article L. 4251-15.
« Art. L. 4251-16-2. - Le schéma peut être révisé partiellement ou totalement selon les modalités prévues pour son élaboration aux articles L. 4251-13 à L. 4251-15.
« Art. L. 4251-16-3. - Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 4251-13, dans les six mois suivant le renouvellement général des conseils régionaux, le conseil régional peut délibérer sur le maintien en vigueur du schéma, sa modification ou sa révision.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent amendement vise à prévoir une procédure de modification et une procédure de révision du schéma régional de développement économique.
Il tend également à permettre, sur décision du conseil régional et par dérogation avec l’obligation d’élaborer un nouveau schéma après le renouvellement du conseil régional, le maintien du schéma adopté précédemment, le cas échéant avec modification ou révision. C’est ce qui se fait habituellement, et nous savons bien que le schéma peut être modifié sans qu’il soit nécessaire de passer par l’ensemble de la procédure, qui est très lourde.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Nous pensons qu’il est en effet opportun de prévoir la possibilité de faire évoluer le schéma. Toutefois, il n’y a pas lieu de distinguer entre une procédure de révision et une procédure de modification dès lors que celle-ci ne porterait pas atteinte à l’économie générale du schéma.
En dehors du fait que la notion d’atteinte à l’économie générale peut être source d’ambiguïtés et d’interrogations, le schéma est un document de planification qui a vocation à être stable et pérenne. Si sa modification est permise, elle ne doit être possible que dans les mêmes conditions de forme et de procédure que celles qui président à son adoption.
Dans le même sens, si, par dérogation à l’article L. 4215-13, le maintien ou la modification du schéma peut être décidé à la suite du renouvellement général des conseils régionaux, cela ne doit être possible que dans lesdites conditions.
C’est la raison pour laquelle nous demandons le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’apporte mon soutien à cet amendement. Je défendrai tout à l'heure, au nom de M. Mézard, un amendement relatif à l’élaboration du plan, laquelle prendra nécessairement un certain temps.
Prévoir une procédure de révision pour des modifications partielles n’est nullement superflu et je ne vois pas pourquoi les formes devraient être identiques pour l’élaboration et pour une modification. Il me semble qu’un certain nombre de documents d’urbanisme peuvent être révisés dans différentes conditions, que la modification affecte ou non l’équilibre général du document. Quelle est cette nouvelle règle ? Aurais-je manqué un épisode ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il reste indéniablement des points à préciser dans cet amendement, mais il me semble indispensable de le maintenir, quitte à améliorer ensuite la disposition qu’il introduit.
J’ai une certaine expérience du travail parlementaire. Habituellement, nous mettons en place une concertation préalable, qui, lorsque nous sommes d’accord sur l’objectif, nous permet de nous accorder aussi sur les imperfections juridiques inévitables de nos amendements respectifs. Ce ne fut pas le cas en ce qui concerne ce texte, et je le regrette profondément.
Je sais que cette rédaction n’est pas parfaite, mais il sera possible de la corriger à l’Assemblée nationale ou par la suite.
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet finalement à la sagesse de l’assemblée sur cet amendement.
M. Michel Delebarre. Oh ! Un changement d’avis en cours de débat ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par Mme Estrosi Sassone, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le I de l’article L. 5217-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ces compétences, elle consulte les établissements publics des réseaux consulaires qui ont leur siège sur le territoire métropolitain. Elle définit en concertation avec ces compagnies consulaires la stratégie métropolitaine de développement économique en identifiant les grandes orientations économiques de la métropole à prendre en compte dans le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Plus généralement, elle peut, en complément des travaux du conseil de développement prévu à l’article L. 5217-9, s’appuyer sur les compétences, adaptées aux attributions économiques relevant de la métropole, conférées par la loi à ces compagnies consulaires métropolitaines en leur qualité d’établissement public. » ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 835, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Remplacer les mots :
, compatible avec
par les mots :
prenant en compte
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement a été défendu au cours des longs débats concernant la compatibilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans la logique de l’amendement n° 834, cet amendement prévoit de supprimer le principe de compatibilité des stratégies des chambres consulaires avec le schéma régional de développement économique, au profit d’une simple prise en compte. Il est contraire à la logique du texte, suivie par la commission, dont l’avis est donc défavorable.
Je me félicite néanmoins de voir le groupe CRC défendre les chambres consulaires ! (Sourires.)
M. Christian Favier. Cela nous arrive ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1014, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Après les mots :
à compter du
insérer les mots :
1er janvier qui suit le
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Suivant un objectif de simplicité dans la mise en œuvre de la nouvelle répartition des compétences, il est proposé de retenir comme date d’entrée en vigueur du présent article celle du 1er janvier qui suit le renouvellement général des conseils régionaux, soit le 1er janvier 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La date du 1er janvier 2016 était celle qui était prévue initialement. Ce retour en arrière n’est pas gênant, sauf si l’on change encore la date des élections !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Validée par qui ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Soit, mais cela ne vous empêche pas de faire voter une nouvelle loi pour changer la date des élections… Rien n’est interdit : on a tout vu, cette année ! (Sourires.)
M. Michel Delebarre. Ah non, ça suffit ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Deux changements dans l’année !
M. François Marc. C’est vraiment le café du Commerce !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous êtes bien sévère, monsieur Marc ! Allons, il faut bien s’amuser un peu !
M. Michel Delebarre. C’est tout de même un peu au-dessus du café du Commerce !
M. René-Paul Savary. Tout au plus au premier étage, alors ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quoi qu'il en soit, nous préférons le texte de la commission, et l’avis de celle-ci est défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 79 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Par dérogation à l’article L. 4251-13 tel qu’il résulte du I du présent article, le premier schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation est adopté dans un délai de dix-huit mois à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite bien du plaisir à ceux qui devront préparer dès le 1er janvier 2016 les premiers schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation !
Cet amendement vise à allonger de dix-huit mois le délai d’élaboration de ces premiers schémas. S’il y en a qui doutent l’opportunité de cette proposition, je me permets de leur rappeler les difficultés que nous rencontrons nous-mêmes pour comprendre de quoi il s’agit.
Je rappelle également que la mise en place des schémas départementaux de la santé a demandé trois ans. Je nourris donc quelques doutes concernant la frénésie prévue par le texte. Je ne suis même pas certain que nous y parviendrons en dix-huit mois, et cela m’apparaît comme un délai minimum.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Un délai de dix-huit mois pour l’élaboration des premiers schémas me paraît tout à fait nécessaire : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je veux souligner la complexité du dispositif proposé.
Monsieur le secrétaire d'État, quand nous étudions de nouvelles dispositions législatives, je me demande toujours quelle en sera la valeur ajoutée. Or, en l’occurrence, bien qu’ayant beaucoup suivi les débats sur ce texte, à l’instar d’un certain nombre de mes collègues, je ne suis pas certain d’avoir tout saisi. Très honnêtement, je ne me vois pas expliquer demain à mes concitoyens, lorsque je reviendrai dans mon territoire, quels avantages présentera cette nouvelle loi par rapport à la situation antérieure.
On n’a pas assez insisté sur la répartition des compétences. On travaille sur les compétences partagées, alors qu’il suffisait de réfléchir à des compétences réparties. Nous étions déjà en liberté surveillée et, demain, nous aurons encore moins de marges de manœuvre ! D’ailleurs, on n’a toujours pas défini les moyens qui allaient être affectés à la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie économique, censée, ne l’oublions pas, créer de l’emploi.
Veillons à ne pas transformer le millefeuille en un pudding, et un pudding qui pourrait être indigeste ! (Sourires.)
Alors même que cette nouvelle loi doit éventuellement conduire à un certain nombre de simplifications ou, en tout cas, apporter une certaine lisibilité, il faut absolument prévoir un délai suffisant pour sa mise en œuvre, car la tâche sera très compliquée.
C’est d’autant plus vrai qu’un certain nombre de régions vont être transformées : dans la région Grand Est, dix départements, dont certains n’ont absolument pas l’habitude de travailler ensemble, vont devoir prendre en compte leurs différences en termes de territoires, de démographie, de richesses, de structures économiques, etc. Cette région va devoir réécrire un schéma pour un projet de santé, un schéma économique, et décider qui fait quoi. Je ne suis sûr que, pendant ce temps-là, les choses avanceront…
C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement, qui traduit la limite de la proposition qui nous est faite pour ce qui concerne la répartition et la clarification des compétences, s’agissant notamment du développement économique.
Mme la présidente. L'amendement n° 546 rectifié, présenté par MM. Allizard, Vial, Kennel, Doligé, Danesi et P. Leroy, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales débat sur l’évolution des organismes antérieurement créés par les départements pour concourir au développement économique sur leur territoire.
La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Alors que nous débattons des compétences en termes institutionnels, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur les conséquences de nos décisions pour les personnels qui devront les mettre en œuvre, notamment les personnels des agences départementales de développement économique. Comme les départements perdent cette compétence, il convient de se préoccuper de cette question.
Par cet amendement, nous demandons que la conférence territoriale de l’action publique débatte sur l’évolution des organismes antérieurement créés par les départements pour concourir au développement économique sur leur territoire, afin que les décisions à prendre ne soient pas gravement dommageables au développement du territoire. Il convient notamment de protéger les savoir-faire des personnels concernés, généralement sous statut de droit privé, à qui on doit le respect.
Il importe que les décisions soient précédées de concertations et entourées de garanties. Après nous être beaucoup préoccupés des structures et des politiques à mettre en place, accordons aux 500 ou 600 personnes qui travaillent au sein de ces agences le minimum d’attention qu’elles méritent.
Il revient, selon nous, à la conférence territoriale de l’action publique de se saisir de cette question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je comprends bien la préoccupation des personnels des agences départementales de développement économique. Dans mon département, ils sont prêts à me pendre haut et court, alors que c’est moi qui ai créé l’agence ! (Sourires.) Mais ce n’est pas grave…
La conférence territoriale de l’action publique est une instance de concertation. Elle pourrait se saisir elle-même de cette question. Toutefois, prévoir une telle disposition ne me gêne pas. La commission avait émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je m’en remets à la sagesse de notre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Allizard, et que M. le rapporteur vient de relayer à l’instant.
Lors du congrès national des agences départementales de développement économique qui s’est tenu à Aix-les-Bains, j’avais eu l’occasion de vous dire que le Gouvernement était très attentif aux préoccupations de leurs personnels, qui accomplissent un bon travail. Il n’est pas question de sous-estimer leurs inquiétudes. Je pense que tout se passera de manière harmonieuse durant la montée en compétence des régions sur le plan économique.
Cela étant, la rédaction de votre amendement nous semble beaucoup trop vague au regard tant de la notion d’organismes menant des missions d’intérêt général que des cas qui pourraient être soumis à l’examen des conférences territoriales de l’action publique.
En outre, le lien entre la teneur de cette proposition et l’objet du schéma régional de développement économique, qui est de définir les orientations régionales en matière d’économie, ne semble pas évident.
C’est pour ces raisons que le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Allizard, l'amendement n° 546 rectifié est-il maintenu ?
M. Pascal Allizard. Oui, madame la présidente, car je souhaite que l’on continue à avancer sur cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Je comprends bien l’objectif de notre collègue Allizard, mais j’ai l’impression que, à l’issue de nos travaux, les conférences territoriales de l’action publique vont avoir un énorme travail en perspective : elles devront s’occuper des modalités de répartition des différentes compétences, avec les compétences partagées pour ce qui concerne le tourisme, la culture ou encore le sport, et, en même temps, jouer un rôle d’arbitre en statuant sur le sort des agences départementales de développement économique et sur celui de leurs personnels.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, c’est un dialogue !
M. Pierre Jarlier. C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement, qui est source de complexification.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La conférence territoriale de l’action publique aura bien sûr beaucoup de travail, mais pas dans l’immédiat. Il s’agit d’une instance de dialogue. La question de l’avenir des agences départementales de développement économique fera l’objet d’une réunion ; la CTAP n’en discutera pas chaque fois !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 453 rectifié, présenté par MM. Pinton, Calvet, Gremillet, Houel et Houpert, Mme Imbert et MM. D. Laurent, Mandelli, Mayet et Morisset, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Les conseils départementaux renouvelés en mars 2015 pourront poursuivre la mise en œuvre de leurs actions de développement économique jusqu’à l’adoption, par les conseils régionaux, de leurs schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 543, présenté par MM. Allizard, Vial, Kennel, Doligé, Danesi et P. Leroy, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les conseils départementaux renouvelés en mars 2015 peuvent poursuivre la mise en œuvre de leurs actions de développement économique jusqu’à l’adoption, par les conseils régionaux, des futurs schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Cet amendement vise à tenir compte du calendrier électoral, d’une part, et du délai de réalisation du premier SRDEII, d’autre part.
Les conseils départementaux vont être renouvelés en mars prochain, tandis que les conseils régionaux « nouvelle formule » seront, eux, renouvelés en décembre prochain. Les travaux relatifs à l’élaboration des schémas régionaux de développement économique ne commenceront donc pas avant le mois de janvier 2016, ainsi que cela a été rappelé précédemment.
Je me demande comment va se passer le transfert effectif des compétences et, surtout, des actions engagées par les actuels conseils généraux dans le cadre de leurs compétences économiques. Quelles réponses ferons-nous aux porteurs de projets, aux investisseurs et aux chefs d’entreprise, durant cette période transitoire ?
C’est pourquoi je propose que les conseils départementaux puissent poursuivre temporairement – le 31 décembre 2016 me semblerait une date butoir raisonnable – la mise en œuvre de leurs actions en matière de développement économique afin de les mener à bien, sans remettre en cause, bien évidemment, la compétence de la région pour ce qui concerne le développement économique, que nous avons eu du mal à obtenir.
Mme la présidente. L'amendement n° 544 rectifié, présenté par MM. Allizard, Vial, Kennel, Doligé, Danesi et P. Leroy, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les conseils départementaux renouvelés en mars 2015 peuvent poursuivre la mise en œuvre de leurs actions de développement économique, notamment en matière d’aide aux entreprises, jusqu’à l’adoption, par les conseils régionaux, des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Cet amendement procède du même esprit que le précédent.
Mme la présidente. L'amendement n° 844 rectifié, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...- Les collectivités territoriales et leurs groupements pourront poursuivre la mise en œuvre de leurs actions de développement économique jusqu’à l’adoption du premier schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Notre amendement va dans le même sens que celui de notre collègue Pascal Allizard, en prévoyant une période de transition.
Comme la région dispose d’un an pour mettre en place le SRDEII, nous proposons de garantir la continuité des politiques publiques de développement économique jusqu’à la mise en œuvre effective de cette loi.
Lors des débats en commission, cette question avait été soulevée par de nombreux collègues, qui avaient rappelé qu’on ne pouvait faire fi des projets en cours. Rappelons que les interventions des différentes collectivités territoriales en faveur du développement économique représentent plus de 6,3 milliards d’euros.
Nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement afin d’éviter l’interruption, au 1er janvier 2016, c'est-à-dire lors de l’entrée en application de la loi, de toutes les actions actuellement mises en œuvre par toutes les collectivités autres que la région.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par ces amendements, vous proposez, mes chers collègues, de maintenir transitoirement les compétences économiques des départements jusqu’à ce que les régions aient adopté le schéma régional de développement économique.
La clarification des compétences dans le domaine économique et le renforcement des compétences économiques des régions ne passent pas seulement par le SRDEII ; ils passent également par les dispositions de clarification de l’article 3 du projet de loi, que nous examinerons ultérieurement. Il n’y aura donc pas de vide en matière d’action économique avant l’adoption des schémas par les régions. Il faudra simplement attendre que le schéma soit adopté pour connaître le cadre général de l’action économique des régions. En fait, il n’y aura pas, si je puis dire, d’année blanche.
Toutefois, je comprends parfaitement l’objectif poursuivi par les auteurs de ces amendements : il faut mener à terme les actions engagées. On l’a vu, les départements se sont beaucoup investis dans le développement économique.
Aussi, je vous propose, mes chers collègues, de sous-amender l’amendement n° 543 en ajoutant les mots « , à l’exclusion de l’octroi des aides aux entreprises, jusqu’au 31 décembre 2016. » Outre la restriction apportée, il convient en effet de prévoir une date butoir.
Compte tenu de ces précisions, la commission, qui avait émis un avis défavorable sur ces amendements, sera favorable à l’amendement n° 543, dont l’adoption satisferait les amendements nos 544 rectifié et 844 rectifié.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 1117, présenté par M. Hyest, et ainsi libellé :
Amendement n ° 543, alinéa 2
Après les mots :
actions de développement économique
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, à l'exclusion de l'octroi des aides aux entreprises, jusqu'au 31 décembre 2016.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 543, 544 rectifié et 844 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 1117 ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Ces amendements expriment une crainte que nous comprenons. Toutefois, il n’y aura pas, selon nous, de vide juridique jusqu’à l’adoption des futurs schémas régionaux de développement économique. En effet, l’absence de ces schémas ne fera pas obstacle à l’intervention des régions et, éventuellement, des autres collectivités ou des groupements dans les conditions juridiques définies par la présente loi.
Par ailleurs, les dispositions de l’article 37 permettent d’assurer la continuité des conventions conclues avant l’entrée en vigueur de la loi.
Pour ces raisons, nous souhaitons le retrait de ces amendements et du sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Je tiens à remercier M. Allizard d’avoir soulevé ce problème de l’action économique des départements.
Actuellement, à qui s’adresse-t-on, dans les territoires ? Au président du conseil général ! C’est bien sur lui que se coagulent, si je puis dire, les forces qui interviennent pour maintenir ou créer de l’emploi.
D’ailleurs, on peut s’inquiéter de ce qui va se passer avec les grandes régions : dans mon territoire du sud-ouest marnais, je risque d’attendre longtemps avant que le président de région, qui sera à Strasbourg, se penche sur mes problèmes ! On me dira qu’il y a la DIRECCTE. Mais j’imagine que, pour compenser la suppression de la région Lorraine, c’est là qu’elle va se retrouver ! Quant aux chambres de commerce et d’industrie, toujours pour la même raison, on va les mettre en Champagne-Ardenne !
Je ne sais pas très bien comment, dans ces conditions, le chef d’entreprise qui rencontre un problème pourra recevoir une réponse unique !
Heureusement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes revenus sur votre décision de remettre en cause les conseils départementaux, car je suis convaincu que nos territoires en auraient considérablement souffert.
Puisque les conseils départementaux continuent d’exister à travers votre proposition concernant la cohésion territoriale, l’interlocuteur ne se déplacera pas à Strasbourg s’il réside dans la Marne, les Ardennes ou l’Aube : il viendra voir le président du conseil départemental.
Il est important d’assurer une certaine continuité dans l’action. Les règles étant modifiées, les départements ne pourront plus intervenir, mais ils seront les interlocuteurs incontournables des exécutifs régionaux. En effet, ceux-ci, pour pouvoir mener à bien leurs projets, devront s’appuyer sur des structures représentant un échelon inférieur, avec lesquelles ils seront prêts à signer des conventions. Et nous saurons les rappeler à notre bon souvenir !
Il faut bien le reconnaître, jusqu’à présent, dans les territoires, notamment ruraux, c’est plus grâce à l’intervention des conseils généraux qu’à celle des conseils régionaux que des projets ont pu être réalisés. Les départements ne doivent donc pas perdre la main.
Je demande à M. le rapporteur d’être cohérent par rapport à l’amendement de M. Pierre-Yves Collombat sur le délai nécessaire pour mettre en place cette nouvelle organisation : dix-huit mois sont prévus, mais je pense qu’il serait préférable d’ajouter encore dix-huit mois. Admettez que tout cela va être un peu compliqué et qu’il faudra du temps. Une date butoir fixée au 30 juin 2017 ne serait donc pas indue. Ne pourriez-vous pas, monsieur le rapporteur, rectifier votre sous-amendement en ce sens ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Ces amendements me paraissent être tout à fait nécessaires, car, à travers eux, c’est un très vaste problème qui est soulevé.
Imaginons que, dans sa fureur destructrice, le Parlement décide que les routes seront transférées aux régions…
M. Michel Delebarre. Ça peut venir ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. … ou, pire encore, que les transports scolaires seront transférés aux régions. Cela signifierait que, sans ce type d’amendement, à partir du 1er avril 2015, plus rien ne serait fait pour les routes et les transports scolaires ! On ne transporterait plus les élèves !
Ici, il s’agit des aides promises aux entreprises. Or ces aides, celles-ci les attendent ! Nous devons donc nous donner les moyens d’honorer les promesses faites par les départements.
Quel que soit le délai, il faudra bien trouver une méthode, comme l’a souligné M. Collombat, pour assurer la continuité entre les actions des uns et des autres.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons prévu la durée d’un exercice complet – et même un peu plus – pour les conseils départementaux qui seront élus en mars 2015 ; d’où la date du 31 décembre 2016.
Cela étant, je le répète, l’intervention de la région ne passe pas uniquement par le schéma. Elle poursuivra évidemment les actions qu’elle mène déjà.
Je constate que M. René-Paul Savary est très attentif aux modifications apportées, mais il me semble que, avec la date du 31 décembre 2016, nous ouvrons délai raisonnable.
Je sais bien que nous n’avons pas connu beaucoup de cas de transfert de compétences entre collectivités. Mais nous avons tout de même connu les considérables transferts de compétences qui ont résulté des lois de 1982, de 1983, etc.
Je reconnais que, cette fois-ci, le transfert de compétence sera beaucoup plus rapide. Néanmoins, cela dépendra de ce que nous aurons voté et de ce que nous déciderons sur la manière de transférer les moyens, à la fois humains et matériels. Mais cela s’est fait : les DDASS et les DDE ont été progressivement transférées aux départements. En 1982, nous nous sommes même partagé le personnel des préfectures : il suffisait de savoir si un fonctionnaire travaillait à deux tiers du temps pour le conseil général ou pour l’État.
Nous avons donc déjà réussi à opérer des transferts de compétences, même si cela a nécessité plusieurs années.
Vous avez tout à fait raison de poser cette question. Une partie de la réponse est apportée à la fin du texte, mais, bien entendu, la partie la plus importante de la réponse viendra lorsque la loi sera stabilisée, lorsque les compétences de toutes les collectivités locales seront définies. Nous devrons alors procéder à un examen complet des dispositions financières et probablement de la fiscalité. Ce ne sera sans doute pas la tâche la plus facile ! En tout cas, cela ne pourra être fait que dans le cadre d’une loi de finances ; c’est pourquoi, sauf exception, aucune disposition n’est prévue à cet effet dans le présent texte.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 544 rectifié et 844 rectifié, satisfaits, n’ont plus d’objet.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas ce Gosplan, même dans sa version atténuée, et je souhaite encore une fois bien du plaisir à ceux qui devront l’élaborer, puis le mettre en œuvre !
J’en suis absolument certain, les conflits vont se multiplier, et cela sans que la vertu, réelle ou supposée, des élus soit en cause. Il y aura des conflits, y compris des conflits politiques au sens large, des oppositions de fond sur certains sujets. Nous avons déjà beaucoup de peine – pour ce qui me concerne, en tout cas – à suivre les subtilités auxquelles on a recours pour tenter de rendre compatibles des objectifs qui ne le sont pas. Et que dire du caractère exclusif de la compétence économique attribuée à la région quand d’autres structures ont aussi une compétence économique ?
Alors que nous devrions essayer de relancer notre économie, car nous sommes dans une phase extrêmement difficile, les embûches vont se multiplier, et cela pour des motifs qui m’échappent, je l’avoue, ou que je tairai, car l’interprétation que j’en fais n’est pas très flatteuse…
Dans ces conditions, je voterai contre l’article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis plutôt satisfait de la discussion que nous avons eue sur l’article 2.
Je reconnais avoir été assez inquiet de savoir ce qu’il resterait du schéma régional et de cette compétence économique renforcée pour les régions. Nous sommes parvenus à nous mettre d’accord – ce n’était pas évident, au départ ! – sur un certain nombre d’amendements importants, qui constituent évidemment autant de signaux adressés à l’Assemblée nationale.
Je salue donc le travail de la commission et du rapporteur, même si je ne suis pas toujours en accord avec lui. Je pense que c’est un beau travail qui a été accompli pour maintenir un vrai schéma régional de développement économique.
Un débat subsiste sur la question de la compatibilité et la prise en compte, qui nous a occupés quelque temps. Je pense que les problèmes s’aplaniront devant les réalités, au fur et à mesure que les choses se mettront en place. Nous serons peut-être amenés à apporter certaines corrections.
L’essentiel est que, à mes yeux, nous avons maintenant un schéma régional qui donne une véritable orientation et une lisibilité à l’action économique territoriale. C’est pourquoi je voterai l’article 2.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les membres du groupe CRC avaient déposé un amendement tendant à la suppression de l’article 2. Après les amples discussions auxquelles celui-ci a donné lieu et malgré les modifications qui y ont été apportées, son architecture générale demeure inchangée.
Plusieurs raisons essentielles motivent le vote négatif que nous nous apprêtons à émettre.
Tout d’abord, si nous ne sommes pas opposés au développement des compétences régionales dans le domaine économique, nous considérons qu’il ne peut être organisé sans que cela soit assorti de la moindre proposition en termes de moyens financiers et sans qu’aucun objectif soit réellement fixé, tout particulièrement en matière d’emploi.
Ensuite, le renforcement de cette compétence économique des régions se fait, de notre point de vue, au détriment des autres collectivités.
Enfin, rien n’est prévu quant au contrôle des fonds publics qui seront utilisés.
À ce propos, je regrette que l’article 40 ait été invoqué à l’encontre d’un de nos amendements, qui avait pourtant parfaitement sa place dans cette discussion. En effet, il visait à créer dans chaque région un observatoire des aides publiques aux entreprises, chargé d’évaluer les impacts économiques et sociaux, quantitatifs et qualitatifs, et de contrôler l’utilisation des aides publiques accordées aux entreprises par l’État dans la région et les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre du SRDEII. La mission de cet observatoire, composé de représentants de l’État, de parlementaires, de conseillers régionaux, de représentants des salariés et des employeurs, ainsi que de personnalités qualifiées, était d’émettre un avis sur le rapport prévu à l’article L. 1511-1 et de formuler toutes propositions tendant à améliorer l’efficacité des politiques publiques poursuivies en ce domaine.
Chacun l’aura bien compris, avec cet amendement, ce qui était en jeu, c’était le contrôle de l’usage des fonds publics. Il est donc tout à fait regrettable que cette question n’ait pu être prise en compte et que le Sénat n’ait pas pu en débattre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 293, présenté par M. Navarro, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , dans la limite du nombre de dimanches fixé par le président du conseil régional par arrêté avant le 31 décembre de l’année en cours, pour l’année suivante » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée :
« Ce nombre est au minimum de cinq et au maximum de douze. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « cette décision est prise » sont remplacés par les mots : « ces décisions sont prises ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 3
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° A (nouveau) L’intitulé du titre Ier du livre V de la première partie est ainsi rédigé : « Aides aux entreprises »
1° L’article L. 1511-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1511-2. – I. – Sous réserve des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie, le conseil régional est seul compétent pour définir les régimes d’aides aux entreprises et pour décider de l’octroi de ces aides sur le territoire de la région.
« Ces aides revêtent la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d’intérêts, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché.
« Le conseil régional peut déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leurs groupements dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8. Il peut déléguer la gestion de tout ou partie des prêts et avances à des établissements publics ou à la société mentionnée à l’article 6 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement.
« Les aides accordées sur le fondement du présent I ont pour objet la création ou l’extension d’activités économiques.
« II. – Lorsque la protection des intérêts économiques et sociaux de la population l’exige, le conseil régional peut accorder des aides à des entreprises en difficulté. Les modalités de versement des aides et les mesures de redressement qui en sont la contrepartie font l’objet d’une convention entre la région et l’entreprise. » ;
2° L’article L. 1511-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le respect du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12, les communes, la métropole de Lyon et, s’ils sont compétents, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont seuls compétents pour définir les régimes d’aides et décider de l’octroi de ces aides sur leur territoire en matière d’investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d’immeubles.
« Ces aides revêtent la forme de subventions, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés, de prêts, d’avances remboursables ou de crédit-bail à des conditions plus favorables que les conditions du marché. Le montant des aides est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par voie réglementaire. Ces aides donnent lieu à l’établissement d’une convention et sont versées soit directement à l’entreprise bénéficiaire, soit au maître d’ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l’entreprise.
« La région peut participer au financement des régimes d’aides mentionnés au premier alinéa dans des conditions précisées par une convention passée avec la commune, la métropole de Lyon ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. » ;
b) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les aides accordées sur le fondement du présent article ont pour objet la création ou l’extension d’activités économiques. » ;
2° bis (nouveau) L’article L. 1511-5 est abrogé ;
3° Au début de l’article L. 1511-7, les mots : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent » sont remplacés par les mots : « La région peut » ;
3° bis (nouveau) Au second alinéa de l’article L. 2251-1, les mots : « ainsi que des règles de l’aménagement du territoire définies par la loi approuvant le plan » sont supprimés ;
4° Le second alinéa de l’article L. 3231-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Les mots : « ainsi que des règles de l’aménagement du territoire définies par la loi approuvant le plan » sont supprimés ;
b) Les références : « aux articles L. 3231-2, L. 3231-3, L. 3231-6 et » sont remplacés par les références : « au présent chapitre et à l’article » ;
4° bis (nouveau) Les articles L. 3231-2, L. 3231-3, L. 3231-7 et L. 3232-1 sont abrogés ;
4° ter (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 3231-4 est ainsi rédigé :
« Un département peut accorder une garantie d’emprunt ou un cautionnement uniquement à un organisme d’intérêt général visé aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts, à un organisme d’habitations à loyer modéré ou à une société d’économie mixte, ou en vue de la réalisation des opérations mentionnées à l’article L. 3231-4-1. » ;
4° quater (nouveau) Au b du 1° du I de l’article L. 5217-2, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « , dont la participation au capital des sociétés mentionnées au 8° de l’article L. 4211-1, » et les mots : « et au capital des sociétés d’accélération du transfert de technologie » sont supprimés ;
5° L’article L. 4211-1 est ainsi modifié :
a) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Toutes interventions économiques dans les conditions prévues au présent article, au chapitre unique du titre Ier du livre V de la première partie, à l’article L. 3232-4 et aux chapitres Ier bis et III du titre V du livre II de la quatrième partie ; »
b) Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° La participation au capital des sociétés de capital investissement, des sociétés de financement interrégionales ou propres à chaque région, existantes ou à créer, ainsi que des sociétés d’économie mixte et des sociétés ayant pour objet l’accélération du transfert de technologies. » ;
c) Après le 8°, il est inséré un 8°bis ainsi rédigé :
« 8° bis La participation au capital de sociétés commerciales autres que celles mentionnées au 8°, pour la mise en œuvre du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 et dans les limites prévues par un décret en Conseil d’État. Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles est saisie la Commission des participations et des transferts mentionnée à l’article 25 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. » ;
d) Au premier alinéa du 9°, les mots : « ou la participation, par le versement de dotations, à la constitution d’un fonds d’investissement auprès d’une société de capital-investissement à vocation régionale ou interrégionale » sont supprimés ;
e) (Supprimé)
f) Le deuxième alinéa du même 9° est ainsi rédigé :
« Le montant total des parts souscrites par une ou plusieurs régions ne peut excéder 50 % du montant total du fonds. Cette limite est portée à 75 % dans le cas d’un fonds à vocation interrégionale ou lorsqu’il est procédé à un appel à manifestation d’intérêt pour inciter des investisseurs privés à souscrire des parts du fonds. » ;
g) (Supprimé)
h) Au dernier alinéa dudit 9°, les mots : « d’investissement » sont supprimés et le mot : « dotations » est remplacé par le mot : « souscriptions » ;
i) (Supprimé)
j) Il est ajouté un 13° ainsi rédigé :
« 13° Le soutien aux pôles de compétitivité situés sur son territoire. » ;
5° bis (nouveau) Au b du 1° du I de l’article L. 3641-1, les mots : « participation au copilotage des pôles de compétitivité » sont remplacés par les mots : « soutien aux pôles de compétitivité situés sur son territoire » ;
5° ter (nouveau) Au b du 1° du I de l’article L. 5217-2, les mots : « participation au copilotage des pôles de compétitivité et » sont remplacés par les mots : « soutien aux pôles de compétitivité situés sur son territoire et participation » ;
6° (supprimé)
7° (supprimé)
8° (supprimé)
II. – Le présent article est applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nombre des formes de l’intervention économique des collectivités territoriales, qui sont diverses, figurent notamment la prise de participation, l’apport en fonds propres et l’engagement tendant à réduire le coût du crédit pour les entreprises.
À la vérité, l’ensemble de ces procédures, au demeurant parfaitement honorables, font partie, comme nous l’avons déjà souligné, d’un complexe d’interventions publiques au sein duquel les engagements des collectivités territoriales demeurent relativement secondaires.
Quant au rôle joué par les sociétés d’économie mixte et par les autres entreprises publiques locales se destinant au développement économique local, il est lui aussi relativement réduit, puisque moins de 10 % seulement de ces entreprises, représentant une capitalisation totale de 500 millions d’euros environ, assurent une telle mission.
Les engagements financiers sont évidemment plus importants, mais il n’en demeure pas moins que l’investissement direct des collectivités territoriales dans le champ de l’économie marchande est assez limité.
L’autre acteur clef du soutien aux entreprises sur les territoires est la fameuse Banque publique d’investissement, qui a repris le réseau et l’essentiel du portefeuille de clientèle d’OSEO, l’ancienne Banque de développement des PME. Toutefois, Bpifrance n’occupe, aujourd’hui encore, qu’une place secondaire dans le paysage de l’offre de crédit aux entreprises ; elle est, en effet, très largement dépassée par les banques commerciales à vocation universelle.
Toujours est-il que de nombreuses voies de financement public sont accessibles aux entreprises ; quelles que soient les formes de ces interventions publiques, leur efficacité doit faire l’objet d’un minimum de contrôle. Denrée rare et chère, le plus souvent issue de la fiscalité, l’argent public doit, en effet, être utilisé avec circonspection.
Or nous craignons qu’il ne soit employé sans discrimination suffisante et, surtout, qu’il ne serve à occuper les espaces laissés en friche par le financement plus traditionnel par le crédit ou par l’actionnariat. En somme, nous craignons que l’argent des collectivités territoriales ne soit mobilisé pour financer des « canards boiteux » – j’insiste sur les guillemets –, ou des opérations et investissements que les établissements de crédit ne souhaitent pas financer.
Les dispositions de l’article 3 relatives à la participation des collectivités territoriales aux plans de redressement illustrent quelques-unes des illusions qui peuvent naître de l’adoption du projet de loi. Méfions-nous donc de cet article, tout louable qu’il soit en apparence.
Il est évident que le financement de l’économie doit passer par l’économie elle-même. En particulier, il est temps que le secteur bancaire prenne à sa charge le développement des territoires et des activités, y compris en assumant la part de risque qu’il tente aujourd’hui de faire supporter par l’État et par les collectivités territoriales.
Enfin, est-il absolument pertinent que la région centralise l’action économique et les aides publiques aux entreprises ? C’est un principe intangible de la décentralisation que la réponse la plus pertinente est le fruit de la coopération entre les échelons de collectivités territoriales et qu’un minimum de flexibilité doit entourer les tours de table visant à engager les ressources publiques au bénéfice des entreprises.
Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les départements et les régions ont chacun un rôle égal à jouer dans l’appréhension des terrains et du champ de l’action publique, dans l’appréciation des situations et des besoins et, par voie de conséquence, dans la définition des solutions à tel ou tel problème.
En vérité, c’est sur le terrain de la coopération que se gagnera la bataille de l’emploi, notamment dans les territoires, et non par des décisions prises de manière unilatérale et parfois, il faut bien le dire, loin des réalités. Il nous a paru important de réaffirmer cette conviction.
Mme la présidente. La parole est à Mme Caroline Cayeux, sur l’article.
Mme Caroline Cayeux. Mes chers collègues, en votant il y a quelques instants l’article 2 du projet de loi, nous avons entériné l’attribution du pouvoir économique aux régions. Au moment de commencer l’examen de l’article 3, qui traite en particulier des aides aux entreprises, je tiens à vous alerter sur le risque que la décision dans ce domaine soit éloignée du terrain, surtout dans le cadre des futures grandes régions.
Je le fais aussi en tant que présidente de Villes de France, dont l’attention a été attirée sur ce problème par plusieurs centaines d’élus et plusieurs milliers de PME, de PMI et de TPE – des entreprises dont je vous rappelle qu’elles se situent à 60 % dans les villes et les agglomérations inframétropolitaines.
En vérité, nous sommes inquiets que seule la région puisse disposer d’un pouvoir d’initiative en matière d’aides aux entreprises, comme le prévoit l’article 3 du projet de loi. L’intervention des autres collectivités territoriales serait possible, mais dans un cadre défini par la région et dans le respect du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, un schéma à valeur prescriptive.
Quand une entreprise frappe à la porte des collectivités territoriales, le plus souvent en s’adressant en premier lieu à la communauté d’agglomération, c’est généralement parce qu’elle rencontre des difficultés.
Les entreprises qui sont dans cette situation, de plus en plus nombreuses dans la période que nous traversons, viennent souvent à nous alors qu’il est déjà tard – parfois, hélas, un peu trop tard –, de sorte qu’il faut agir vite pour préserver leur existence et celle des emplois qui en dépendent. En effet, nous le savons tous, le problème de l’emploi est devenu aujourd’hui encore plus crucial que par le passé.
Dans ces conditions, la proximité et la rapidité peuvent être déterminantes pour l’efficacité de l’aide aux entreprises défaillantes. C’est pourquoi il faudrait permettre aux communautés d’agglomération, au même titre qu’aux régions et aux métropoles, d’apporter une aide rapide aux entreprises qui en ont besoin.
Mme la présidente. L'amendement n° 194 rectifié, présenté par MM. Collombat et Bertrand, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il résulte de l’adoption de l’article 1er et de l’article 2 du projet de loi, ainsi que de la nouvelle rédaction qui sera proposée pour l’article 3 par l’amendement n° 1026 rectifié ter, que le présent amendement est sans objet.
En conséquence, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 194 rectifié est retiré.
L'amendement n° 836 rectifié ter, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° AB. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 1511-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport donne lieu à un débat devant le conseil régional. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Comme la Cour des comptes le souligne dans un récent rapport, la compétence d’accorder des aides aux entreprises a été considérée jusqu’à aujourd’hui comme inhérente au droit légitime de chaque collectivité territoriale de maîtriser le développement économique et social de son territoire.
Sur les plans qualitatif et quantitatif, l’importance que revêtent pour les entreprises les interventions des collectivités territoriales n’est plus à démontrer.
La mission commune d’information du Sénat sur la désindustrialisation des territoires, dans le rapport Réindustrialisons nos territoires, qu’elle a adopté en 2011, a rappelé que, malgré les critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2007 sur les aides des collectivités territoriales au développement économique, ces aides, « sous des formes très diverses, ont été précieuses depuis 2008 et ont contribué à maintenir des activités industrielles et à accompagner leur mutation ».
L’article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales assigne aux régions la responsabilité d’élaborer un rapport sur les aides mises en œuvre sur leur territoire par l’ensemble des collectivités territoriales.
Ce rapport a pour objectif d’assurer un respect des règles prévues par le droit communautaire et de repérer les éventuelles atteintes à l’équilibre économique de tout ou partie de la région. Il doit permettre à la région non seulement de vérifier la cohérence des dispositifs d’aide au développement économique dans l’espace régional, mais également de recenser les catégories et formes d’aide auxquelles ont recours les autres collectivités territoriales et acteurs.
C’est pourquoi on a pu dire que la région était un véritable observatoire des politiques locales de développement économique mises en œuvre sur son territoire. C’est dire si ce document est essentiel !
Or, aujourd’hui, ce rapport n’est communiqué qu’au préfet. Dans un souci de transparence, nous estimons impératif qu’il donne lieu à un débat contradictoire devant le conseil régional, afin qu’un réel contrôle démocratique soit exercé sur l’utilisation de fonds publics sur le territoire régional. L’organisation d’un tel débat nous paraît d’autant plus indispensable que les régions vont voir leur compétence économique renforcée et que leur territoire a été redécoupé comme on sait.
Cette situation rend nécessaire un contrôle des plus vigilants, sous la forme d’un élargissement et d’une systématisation de la possibilité, prévue par le droit en vigueur, qu’un débat se tienne devant le conseil régional en cas d’atteinte à l’équilibre économique de tout ou partie de son territoire.
C’est pourquoi nous proposons de revenir sur une décision prise en commission en prévoyant que le rapport établi par la région donnera lieu à un débat devant le conseil régional.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il paraît intéressant de permettre aux élus régionaux d’avoir une vision d’ensemble des aides versées aux entreprises sur le territoire régional, dans le cadre de la compétence économique renforcée reconnue aux régions.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, après qu’il eut été rectifié sur sa demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avions l’intention d’émettre un avis de sagesse, mais, compte tenu de la position de la commission, je donne un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de vingt et un amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1026 rectifié ter, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1511-2. - I. - Sans préjudice des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie, du titre III du livre II de la troisième partie et des articles L. 3641-1, L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20, L. 5216-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1, le conseil régional définit les régimes d'aides aux entreprises sur le territoire de la région et octroie ces aides.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit presque d’un amendement de coordination, puisqu’il vise à remplacer l’expression « sous réserve », qui figure dans le texte initial, par l’expression « sans préjudice », compte tenu de la décision prise par le Sénat.
Mme Jacqueline Gourault. Parfait !
M. Pierre Jarlier. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Permettez-moi de signaler à Mme Cayeux que, jusqu’à présent, il est totalement interdit aux intercommunalités d’accorder des aides aux entreprises en difficulté. De fait, les aides aux entreprises sont largement encadrées ; à juste titre, reconnaissons-le, car des problèmes d’expertise se posent pour les collectivités territoriales, et il ne s’agit pas de se fourvoyer.
En revanche, des conventionnements et des délégations sont possibles. Sans compter que le conseil départemental pourra continuer, au nom de la solidarité territoriale, à aider les très petites entreprises et les artisans, ainsi que nous l’avons prévu à l’article 2 ; ces interventions ne sont peut-être pas considérables, mais à travers elles le conseil départemental joue, avec l’appui de l’État lorsque le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, a des moyens à sa disposition, un rôle dont nous connaissons l’importance, notamment dans le monde rural.
Des politiques continueront donc de pouvoir être menées au niveau des départements et des intercommunalités.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1042 rectifié bis, présenté par MM. Collomb et Mercier, Mme Guillemot et M. Sueur, est ainsi libellé :
Amendement n° 1026 rectifié ter, alinéa 3
Après la référence :
L. 3641-1
insérer la référence :
, L. 3641-2
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 759, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après la référence :
L. 1511-3
insérer la référence :
L. 1511-7
et remplacer les mots :
de ces aides
par les mots :
des aides
II. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d’une convention passée avec la région, les autres collectivités territoriales et leurs groupements peuvent participer au financement des aides et régimes d’aides mis en place par la région.
III. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements disposant de moyens adaptés à la conduite de ces actions peuvent participer au financement des aides dans le cadre d’une convention passée avec la région.
IV. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
de ces aides
par les mots :
des aides
V. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
des régimes d’aides mentionnés
par les mots :
des aides mentionnées
VI. – Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le premier alinéa de l’article L. 1511-7 est ainsi rédigé :
« La région, les métropoles et la métropole de Lyon peuvent verser des subventions aux organismes visés au 4 de l’article 238 bis du code général des impôts ayant pour objet exclusif de participer à la création ou à la reprise d’entreprises et aux organismes visés au 1 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier qui participent à la création d’entreprises. Les autres collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également verser des subventions à ces organismes dans le cadre d’une convention passée avec la région et dans le respect des orientations du schéma régional prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales. » ;
VII. – Alinéa 21
Supprimer la référence :
L. 3231-2,
VIII. – Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions des articles L. 3641-1 et L. 5217-2 du présent code, les autres collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent intervenir qu’en complément de la région et dans le cadre d’une convention signée avec celle-ci. » ;
IX. – Alinéa 34
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
e) Après le premier alinéa du 9°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent intervenir en complément de la région dans le cadre d’une convention signée avec celle-ci. » ;
X. – Alinéa 39
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
i) Le 9° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autres collectivités territoriales et leurs groupements intervenant pour compléter la souscription régionale sont également signataires de cette convention ; »
XI. – Alinéas 42 et 43
Supprimer ces alinéas.
XII. – Alinéa 47
Après les mots :
à compter du
insérer les mots :
1er janvier qui suit le
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement est désormais dubitatif à l’égard de son propre amendement… Le fait étant inédit, je préfère le reconnaître ! (Sourires.)
M. Michel Delebarre. Cela nous arrive aussi ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Notre intention était de rétablir plusieurs dispositions de l’article 3 dans leur rédaction initiale, mais un certain nombre de dispositions adoptées tout à l’heure au terme du débat relatif au schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation satisfont en partie le présent amendement ; d’ailleurs, le Gouvernement s’est déclaré favorable aux amendements dont ces dispositions sont issues.
Dans ces conditions, le Gouvernement va retirer l’amendement n° 759 et faire vérifier de façon très précise que les dispositions adoptées cet après-midi satisfont ses préoccupations. Il lui semble que les amendements identiques nos 172 rectifié, 230 et 747, inspirés par les mêmes intentions que le sien, pourraient également être retirés.
S’il se révèle, après un examen attentif des dispositions adoptées tout à l’heure, que certaines mesures restent à prendre, nous déposerons un nouvel amendement, dont je ne doute pas que le Sénat l’adoptera.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 759 est retiré.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 172 rectifié est présenté par MM. Grand et Lemoyne.
L'amendement n° 230 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 742 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d’une convention passée avec la région, les autres collectivités territoriales et leurs groupements peuvent participer au financement des aides et régimes d’aides mis en place par la région.
Les amendements nos 172 rectifié et 230 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour défendre l’amendement n° 742.
M. Ronan Dantec. Devrais-je partager le trouble de Mme la ministre ? Sur les aspects techniques, on verra, mais sur le fond politique, avec ce que nous avons voté à l’article 2, avec l’idée qu’il pourrait y avoir – j’emploie bien le conditionnel – des conventionnements entre les EPCI et les régions, je crois qu’il nous faut aussi disposer d’un mécanisme permettant une participation des autres collectivités territoriales et de leurs groupements.
Chacun le voit, ma boussole, c'est l’égalité territoriale… Pour donner aux régions la capacité financière d’intervenir sur tous les territoires, j’estime que leur participation doit pouvoir être un peu plus faible dans les territoires où se trouvent de réels moyens financiers, et plus forte dans les territoires qui, eux, n’auront pas les moyens de participer au conventionnement.
Je crois donc que cet amendement tend véritablement à assurer l’égalité territoriale et la solidarité financière territoriale pour le développement économique. Et je ne désespère pas de convaincre Jacques Mézard avant la fin de notre discussion que c'est bien ainsi qu’il faut s'y prendre, et non pas en conservant en l’état un système administratif qui ne marche plus !
Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 173 rectifié est présenté par MM. Grand et Lemoyne.
L'amendement n° 231 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 657 est présenté par M. Collomb.
L'amendement n° 743 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les autres collectivités territoriales et leurs groupements disposant de moyens adaptés à la conduite de ces actions peuvent participer au financement des aides dans le cadre d’une convention passée avec la région.
Les amendements nos 173 rectifié et 231 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour défendre l’amendement n° 657.
M. Gérard Collomb. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour défendre l’amendement n° 743.
M. Ronan Dantec. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 658, présenté par M. Collomb, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le premier alinéa de l’article L. 1511-7 est ainsi rédigé :
« La région, les métropoles et la métropole de Lyon peuvent verser des subventions aux organismes visés au 4 de l’article 238 bis du code général des impôts ayant pour objet exclusif de participer à la création ou à la reprise d’entreprises et aux organismes visés au 1 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier qui participent à la création d’entreprises. Les autres collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également verser des subventions à ces organismes dans le cadre d’une convention passée avec la région et dans le respect des orientations définies par le schéma prévu à l’article L. 1511-1. » ;
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1079, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 1511-7 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent » sont remplacés par les mots : « La région peut » ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « des collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « de la région » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. L'amendement n° 840, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. S’il y a bien une chose essentielle à rappeler dans notre débat, c’est que notre organisation territoriale, largement héritée de la Révolution française, comprenait d’abord et avant tout, à l’origine, les communes de plein exercice et les départements.
Ces structures territoriales, constituées sur les ruines des domaines féodaux, sont accusées de longue date de présenter bien des défauts. La vérité commande de dire que leur visée portait loin, au-delà de la période historique de leur création.
Il s’agissait, dans un premier temps, de placer l’ensemble des territoires de la nation sous le même type d’administration et de droit, ainsi que de fixer les mêmes règles de représentation politique. Dans un second temps, la pratique devait renforcer quasi naturellement l’attachement des Français aux nouveaux principes de gouvernement.
On notera que le passage de la monarchie à la République s’est produit sans bouleversement de la carte administrative du pays, et, depuis lors, il n’est jamais venu à l’idée de quiconque de remettre en cause la viabilité de l’institution départementale.
Évidemment, personne ne nie que l’histoire a depuis profondément changé la donne. De même, les données démographiques et économiques ne sont plus du tout les mêmes.
Pour autant, le concept de département, notamment pour ce qui concerne l’action économique, a-t-il perdu de sa pertinence ? Nous ne le pensons pas.
Le département n’est-il pas cet espace de solidarité, d’action commune et partagée qui répond de manière globalement satisfaisante aux problèmes de solidarité entre les générations, d’action sociale auprès des populations les plus fragiles, tout en conduisant des politiques éducatives, d’aménagement du territoire et de transport dont l’utilité n’est plus à prouver ?
Avec les régions, les intercommunalités et les communes, dans le cadre de coopérations aux avantages partagés, les départements interviennent également dans le champ de l’action économique, dont les enjeux, non négligeables, dépassent largement les questions de primauté ou de compétence.
C'est pourquoi nous présentons cet amendement, qui tend à conserver aux départements leurs prérogatives.
Mme la présidente. L'amendement n° 842, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
e) Après le premier alinéa du 9°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent intervenir en complément de la région dans le cadre d’une convention signée avec celle-ci. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de notre groupe vise à poser les conditions de la coopération interinstitutionnelle entre les différentes collectivités locales et leurs groupements en matière d’action économique.
Comme nous l’avons vu, ce texte prévoit expressément de faire jouer aux régions un rôle moteur en matière d’action économique. Or cela peut paraître pour le moins surprenant à l’examen des données.
Les régions consacrent aujourd’hui environ 31 euros par habitant à l’action économique. Certes, c'est positif, mais cela ne correspond qu’à environ 35 % de la dépense publique en la matière. Il serait donc opportun de mettre en œuvre une démarche de coopération entre collectivités pour que l’ensemble des compétences soit mobilisé dans le cadre de l’action économique.
Prenons le cas de la région d’Île-de-France. Si l’on confie au conseil régional la politique d’action économique, il faut d’emblée prévoir qu’elle pourra travailler sur certains bassins d’emploi avec, par exemple, la région Nord-Picardie ; je pense au bassin d’emploi de Roissy-Sud Picardie, qui regroupe aujourd’hui plus de 800 000 habitants sur la région d’Île-de-France et plus de 300 000 sur le sud de l'Oise. Et cette région Nord-Picardie aura tout intérêt, pour ce qui la concerne, à mutualiser son action avec la région Normandie et les établissements publics de coopération ou les départements de la Somme et de la Seine-Maritime.
On pourrait ainsi multiplier les exemples et finir par faire le tour de France de l’ensemble des coopérations souhaitables, montrant que la diversité des intervenants est assurément la meilleure garantie de la mobilisation des compétences disponibles.
Cette démarche vaut singulièrement pour la région capitale, où la mise en œuvre du Grand Paris fait l’objet d’une coopération entre les communes, les structures intercommunales, les départements et la région. Une synergie des moyens et des compétences est ainsi convoquée pour la réussite de l’ensemble des aménagements.
Au bénéfice de ces observations, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement qui, au fond, tend à rétablir le texte du Gouvernement.
Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Grand.
L'amendement n° 232 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 843 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1005 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 39
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
i ) Le 9° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autres collectivités territoriales et leurs groupements intervenant pour compléter la souscription régionale sont également signataires de cette convention. » ;
Les amendements nos 174 et 232 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Gonthier-Maurin, pour défendre l’amendement n° 843.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En termes d’intervention régionale participative, l’article 3 du projet de loi permet à la région de souscrire des parts dans un fonds commun de placement à risques à vocation régionale ou interrégionale ayant pour objet d’apporter des fonds propres à des entreprises.
Pour ce faire, la région passe avec la société gestionnaire du fonds une convention déterminant notamment l’objet, le montant et le fonctionnement de ce dernier, ainsi que les conditions de restitution des souscriptions versées en cas de modification ou de cessation d’activité de ce fonds.
Le projet de loi initial prévoyait que les autres collectivités, en particulier le département, souhaitant intervenir en complément des actions de la région soient signataires de cette convention, disposition purement et simplement supprimée dans le texte de la commission.
Or il nous semble essentiel – cela constitue le fil directeur de nombre de nos amendements – de préserver la logique d’intervention commune concertée et contractualisée.
La région ne saurait avoir le monopole de l’intervention économique. On doit peut-être renforcer la compétence d’orientation stratégique des régions, mais il ne s’agit pas de dessaisir totalement les autres intervenants. C’est pourquoi nous souhaitons revenir à la rédaction originale, qui nous semble plus réaliste.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour défendre l’amendement n° 1005.
M. Joël Labbé. Je m’inscris dans la logique qui vient d’inspirer mon collègue Ronan Dantec. L’article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales définit les différents types d’interventions de la région en matière de développement économique. Il prévoit notamment que la région peut souscrire des parts dans un fonds commun de placement à vocation régionale ou interrégionale. La région passe alors avec la société gestionnaire du fonds une convention déterminant les modalités de cette souscription.
Le projet de loi initial permettait aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements d’intervenir en complément de la région en matière de développement économique.
Le présent amendement vise à préserver cette possibilité en cohérence avec le rôle fondamental joué par le bloc local, toujours bénéficiaire de la clause générale de compétence.
Mme la présidente. L'amendement n° 1027, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 41 à 43
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« 13° Le soutien et la participation au pilotage des pôles de compétitivité situés sur son territoire. » ;
5° bis Au b du 1° du I des articles L. 3641-1 et L. 5217-2, les mots : « participation au copilotage des pôles de compétitivité » sont remplacés par les mots : « soutien et participation au pilotage des pôles de compétitivité situés sur son territoire » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent amendement vise à confirmer les dispositions adoptées dans le cadre de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », selon lesquelles les métropoles participent au pilotage des pôles de compétitivité situés sur leur territoire.
En effet, le projet de loi attribue aux régions une responsabilité similaire, sous forme d’un soutien aux pôles de compétitivité situés sur leur territoire. La responsabilité étant équivalente, elle doit être rédigée dans les mêmes termes.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 175 est présenté par M. Grand.
L'amendement n° 233 est présenté par M. Nègre.
L'amendement n° 659 est présenté par M. Collomb.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 42 et 43
Supprimer ces alinéas.
Les amendements nos 175 et 233 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour défendre l’amendement n° 659.
M. Gérard Collomb. La loi MAPTAM renforce les compétences économiques des métropoles de droit commun – on l’a vu – et de la métropole de Lyon.
Cette loi prévoit qu’elles participent au copilotage des pôles de compétitivité. Le législateur a ainsi entendu les faire participer à la gouvernance de ces structures qui sont décisives pour l’écosystème économique local.
Or le projet de loi revient sur la formulation de cette compétence en la transformant en un simple « soutien aux pôles de compétitivité ». Évidemment, pour nous, ces pôles sont tout à fait fondamentaux. Pour ma part, j’ai même fait partie de ceux qui les ont créés dans l’agglomération lyonnaise, ce qui explique que j’y tienne un tout petit peu… (Sourires.)
Cet amendement tend donc à revenir à l’ancienne formulation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 1042 rectifié bis, l’avis de la commission est favorable, car il faut bien compléter les références en ce qui concerne le régime d’aide aux entreprises.
Par ailleurs, un certain nombre d'amendements tendent à revenir en partie au texte du Gouvernement, alors que nous avons souhaité limiter au maximum les financements croisés.
Mes chers collègues, il faut être cohérent !
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. En effet, cela suffit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains voudraient bien participer à un fonds commun de placement, d’autres faire ceci ou cela… Attendez ! Nous avons nettoyé – passez-moi l’expression – tout ce qui restait, mais le recours aux conventions ou aux délégations reste possible. En outre, j’estime qu’un certain niveau de collectivité s'impose pour avoir une vue d’ensemble. Pour un fonds commun de placement, par exemple, il faut faire attention ; seul le niveau des régions ou des métropoles, qui ont déjà des compétences spécifiques telles que les pôles de compétitivité, me paraît indiqué.
Par ailleurs, je vous assure que les entreprises nous demandent de mettre un terme à ces financements croisés. Elles en ont assez d’aller chercher 10 % par ci, 20 % par là…
M. Bruno Sido. C'est vrai ! Mais personne ne les oblige à demander de l’argent…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela, mon cher collègue, c'est un autre problème ! Dans cette logique, mieux vaudrait supprimer les aides aux entreprises, pourvu qu’elles se développent ! (Sourires.) Cependant, le problème des nouvelles entreprises, par exemple, se posera toujours, donc n’exagérons rien.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 742.
Quant aux amendements nos 657 et 743, la commission y est également défavorable. Je m’étonne d’ailleurs que M. Collomb ait déposé l’amendement n° 657 : il pense très certainement aux autres et non pas à la métropole de Lyon, qui peut déjà faire bien des choses…
L’amendement n° 658 vise à revenir sur une clarification du texte, adoptée par la commission : il s’agissait de réserver à la région la possibilité de subventionner les organismes sans but lucratif œuvrant exclusivement pour soutenir la création d’entreprises, dans une logique de clarification des compétences et des financements dans le domaine des aides aux entreprises.
L’amendement tend non seulement à ouvrir de droit cette faculté de subventionnement aux métropoles, mais également à permettre aux autres collectivités et à leurs groupements d’y contribuer par convention avec la région. Par conséquent, ses dispositions vont à l’encontre de l’objectif de clarification des compétences, et la commission y est défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 840 font preuve de persévérance, puisqu’il s’agit de maintenir la compétence économique des départements. La commission y est défavorable, tout comme à l’amendement n° 842 et aux amendements identiques nos 843 et 1005, pour les mêmes raisons.
Quant à l’amendement n° 659 de M. Collomb, je ne le comprends pas, compte tenu de ce qui a été voté tout à l’heure.
Il s’agit en effet de supprimer la coordination opérée par la commission dans la formulation de la compétence des régions et des métropoles à l’égard des pôles de compétitivité. Le projet de loi évoquait la notion de « soutien » et la loi du 27 janvier 2014 celle de « copilotage », qui est assez imprécise…
M. Gérard Collomb. Ce sont les termes de la loi MAPTAM !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Justement ! L’objectif est bien de donner aux régions et aux métropoles les mêmes responsabilités à l’égard des pôles de compétitivité, ce qui exige une formulation harmonisée.
L’intention de l’auteur de cet amendement est bonne. L’amendement n° 1027 de la commission vise d’ailleurs à lui apporter satisfaction, en proposant pour les régions comme pour les métropoles une compétence en matière de soutien et de participation au pilotage des pôles. Il ne s’agit absolument pas de remettre en cause la compétence des métropoles sur ce sujet, mais au contraire de la préciser.
Telle est la raison pour laquelle votre amendement est satisfait, monsieur Collomb. Toutefois, il était intéressant de poser la question de la diversité des formulations, alors même que les régions et les métropoles ont la même compétence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. S'agissant de l’amendement n° 1026 rectifié ter, j’ai quelques difficultés – j’y reviendrai tout à l’heure – avec la position de la commission. Toutefois, dans un souci de concorde…
M. Jean-Jacques Hyest. Et de coordination !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et de coordination avec les dispositions adoptées tout à l’heure, en effet, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement, tout en donnant un avis favorable au sous-amendement n° 1042 rectifié bis.
Avant le débat sur l’article 2, j’étais favorable à l’amendement n° 742. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la mesure où vous avez collectivement prévu, sur proposition de Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, un certain nombre de conventions au sein de cet article, il me paraît inutile de redire ici, sous une autre forme, ce que vous avez permis tout à l’heure.
Certes, après la discussion intervenue en commission avec un certain nombre d’entre vous, j’ai compris que vous souhaitiez créer la possibilité d’une délégation d’octroi ou d’une convention. Quant à la commission, elle prône la fin des cofinancements, bien au-delà de ce que nous espérions lorsque nous avons déposé ce texte. C’est la raison pour laquelle je tenais à saluer le travail qu’elle a mené.
Par conséquent, au lieu d’émettre un avis favorable sur l’amendement n° 742, comme je prévoyais de le faire, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 657 et 743. Certes, la commission a émis un avis défavorable, mais il est normal que nos cheminements soient différents, dans la mesure où nous sommes partis de deux textes différents.
Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° 658.
S’agissant de l’amendement n° 1079 de la commission,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est excellent ! (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … il est opportun si le texte de la commission est maintenu en l’état. Il s’agit en effet d’une coordination proposée par la commission avec son propre texte.
Le Gouvernement souhaitait permettre aux autres collectivités d’intervenir en complément de la région, parce qu’il était absolument convaincu que telle était la demande première, y compris de la commission des affaires économiques du Sénat, qui avait fait remonter une telle requête. Or la commission des lois ne veut plus aller aussi loin, j’en suis désolée pour Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques…
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. J’ai été convaincue par M. le rapporteur de la commission des lois !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je salue donc la cohérence de la commission, et j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 1079.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 840, par cohérence avec lui-même.
En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 842, même si, je le répète, une telle intervention devra se faire par voie conventionnelle. La position de la commission, il est vrai, s’était éloignée de cette idée.
Les amendements identiques nos 843 et 1005 concernent les placements à risques. Très honnêtement, c’est parce que nous avons eu à traiter un certain nombre de très grandes difficultés auxquels étaient confrontées les collectivités territoriales que j’émets, par prudence, un avis défavorable sur ces amendements. Nous ne devons pas, pour nos collectivités territoriales, prendre de nouveau de tels risques.
S'agissant de l’amendement n° 1027 de la commission des lois, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Quant à l’amendement n° 659, il est satisfait. J’en demande donc le retrait.
Mme la présidente. Monsieur Collomb, l’amendement n° 659 est-il maintenu ?
M. Gérard Collomb. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 659 est retiré.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1042 rectifié bis.
M. René-Paul Savary. En réalité, je souhaite intervenir sur l’ensemble de ces amendements, qui visent à préciser un peu le dispositif en cause.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué votre volonté d’éviter les financements croisés. J’attire tout de même votre attention sur le fait que les discours et les réalités, dans les territoires, ne sont pas tout à fait en phase.
Par exemple, dans le cadre des contrats de plan, l’État, qui affirme que les collectivités dépensent trop et déplore l’endettement de la France, rencontrera, par le biais du préfet, le président du conseil général et, demain, du conseil départemental, pour lui transmettre le message suivant : « Si vous n’apportez pas d’argent pour les routes nationales ou pour l’université, il ne se passera rien dans votre département ».
M. Bruno Sido. C’est exact !
M. René-Paul Savary. Or il ne se passera rien, puisque les départements ne disposent plus de la clause de compétence générale : ils ne pourront plus intervenir en faveur de l’université ni des routes nationales.
Par ailleurs, s’agissant des aides économiques, il convient d’être attentif, car on risque de connaître la même situation. La région dira qu’elle veut bien favoriser le développement économique, en posant ses conditions et en mettant sur la table 20 % du financement. Et si on n’apporte pas les 80 % restants, il ne se passera rien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est déjà le cas !
M. René-Paul Savary. Il faut donc être attentif à cet aspect des choses et borner le dispositif, afin d’éviter un chantage de la région sur les collectivités, qui n’ont plus la compétence, mais sont tout de même dans l’obligation d’apporter des financements. Sinon, il ne se passera rien !
À cet égard, un alinéa de cet article m’interpelle. Il prévoit que les départements, qui sont bons à jeter, qui n’ont plus que des compétences très limitées et à qui l’on va retirer encore la compétence des routes et des collèges pour réduire leur influence, devront tout de même garantir les emprunts des organismes à loyers modérés... On est donc content de les trouver pour une politique qui les concerne, celle du logement. Mais il ne s’agit pas d’une compétence ! Demain, ils ne pourront plus intervenir en la matière, puisque la clause de compétence générale a disparu.
Il y a quelque chose qui ne va pas ! Je ne suis pas sûr qu’on ait gagné en lisibilité ou en cohérence et que de telles évolutions favorisent le développement des territoires.
Si j’attire votre attention sur ces points, mes chers collègues, c’est parce qu’une grande prudence est nécessaire en la matière, dans la mesure où les conséquences ne seront visibles que dans quelque temps.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1042 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 1026 rectifié ter.
M. Bruno Sido. Mon intervention sera plus une demande d’information à Mme la ministre et à M. le rapporteur qu’une explication de vote. De la réponse qui me sera apportée dépendra mon vote.
Madame la ministre, j’avais interrogé vos services à ce sujet. Toutefois, dans la mesure où la Direction générale des collectivités locales qu’ils avaient sollicitée ne leur avait pas répondu, je n’ai pas obtenu d’information.
Je réitère donc ma question aujourd’hui.
Vous le savez, nous avons à gérer des déchets nucléaires. À cette fin, un laboratoire et un centre d’enfouissement sont prévus en Meuse et en Haute-Marne. La loi a créé des groupements d’intérêt public, les GIP, pour réaliser de l’accompagnement économique dans chacun des départements : on trouve donc un GIP dans la Meuse et un autre en Haute-Marne. Ces GIP ont été intégrés, non dans le code général des collectivités territoriales, mais dans le code de l’environnement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il existe des textes spécifiques !
M. Bruno Sido. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, ces GIP pourront-ils continuer, sans être soumis à la tutelle de la région, à développer ces accompagnements économiques aux entreprises ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Madame la présidente, la préoccupation de M. Sido est bien connue du Gouvernement.
Le groupement d’intérêt public « Objectif Meuse » a pour objet de mettre en œuvre un plan d’accompagnement économique, à la suite de la création d’un laboratoire souterrain de recherches pour la gestion durable des matières radioactives à Bure. Cet élément est important.
Ce GIP a notamment vocation, vous l’avez rappelé, à soutenir des actions de formation, ainsi que des actions en faveur du développement, de la valorisation et de la diffusion des connaissances scientifiques et technologiques, notamment dans les domaines étudiés au sein du laboratoire souterrain.
L’article L. 542-11 du code de l’environnement prévoit que le GIP bénéficie d’une double source de financement.
D’une part, il perçoit, de plein droit, une partie du produit de la taxe additionnelle, dite « d’accompagnement », à la taxe sur les installations nucléaires de base.
D’autre part, il bénéficie d’une partie du produit de la taxe additionnelle, dite « de diffusion technologique », à la taxe sur les installations nucléaires de base.
Les modalités de dévolution des compétences afférentes au développement économique sont sans incidence sur ces dispositions et, en particulier, sur les règles de financement du GIP « Objectif Meuse ».
En pratique comme en droit, les attributions reconnues aux régions en matière de développement économique n’interféreront aucunement avec celles de ce GIP qui, à l’exclusion de toute autre structure, est pleinement compétent pour assurer la mise en œuvre de programmes d’accompagnement territoriaux liés à l’implantation d’un laboratoire souterrain de recherches et, à terme, d’un centre de stockage en couche géologique profonde.
Il n’y a donc pas lieu, monsieur le sénateur, d’exprimer une quelconque préoccupation en la matière. Je tenais à vous le confirmer au nom du Gouvernement, pour que tout soit très clair.
M. Bruno Sido. Par conséquent, mon vote sera positif !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1026 rectifié ter, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote sur l’amendement n° 742.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement est intéressant, car des conventions ont effectivement été prévues à l’article 2 pour l’exercice des compétences visées. Or, quand on passe du stratégique à l’opérationnel, il est important d’examiner comment les choses peuvent se dérouler. Dans certains territoires, il faut bien rassembler plusieurs collectivités pour assurer des financements sur différents domaines d’intervention.
Cet amendement, comme l’amendement n° 842, tendrait à permettre de maintenir des financements croisés dans le cadre de conventions. J’ai entendu tout à l’heure que Mme la ministre était plutôt favorable à cette contractualisation à partir d’objectifs communs, dans le cadre de projets de territoires qui sont de plus en plus fréquents en ce moment. Ces conventions assureraient des financements de la part de la communauté, voire du département ou de la région, selon leurs compétences respectives.
Je pense que les dispositions de cet amendement, comme celles du précédent, participent à un aménagement équilibré et équitable des territoires, puisqu’elles favoriseront les financements en faveur de ceux qui ont le moins de moyens.
Par conséquent, je soutiendrai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je réaffirme notre attachement à l’aspect régional de la politique globale et à sa déclinaison au niveau du bloc local de base, communes et intercommunalités, selon une logique non pas dérégulée, avec des financements croisés susceptibles de s’accumuler dans tous les sens, mais conventionnée et raisonnée.
Je maintiens évidemment cet amendement et voterai dans ce sens, c’est-à-dire en faveur non pas du département, mais du bloc communal et de la région, pour toutes les propositions de cette liasse.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je note tout de même quelques paradoxes – mais nous ne sommes plus à une contradiction près ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est extraordinaire : certains essayent de nous expliquer qu’il convient d’éviter les financements croisés, tandis que d’autres critiquent une mainmise supposée de la région sur la compétence de développement économique. Or vous voulez financer les dispositifs que la région met en place. Cela me paraît un peu curieux…
M. Bruno Sido. Il n’y a plus d’argent !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La disposition que les auteurs de ces amendements veulent rétablir permettrait tout juste aux collectivités et à leurs groupements de cofinancer librement les dispositifs régionaux, sans convention ni capacité propre d’initiative. Honnêtement, je ne suis pas certain que cela corresponde à ce que souhaitent leurs auteurs, à commencer par M. Jarlier ?
Chacun fait ce qu’il veut, et l’on en trouvera toujours qui voudront mettre en œuvre des financements croisés. Autrement dit, changeons tout à condition que rien ne change ! (Sourires.)
Certes, l’article 3 dispose que des conventions et des délégations sont possibles. En revanche, il n’est nullement indiqué que chacun pourra continuer à faire comme il l’entend…
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … et financer des projets comme la région. Où va-t-on ? Je suis très surpris. Mes chers collègues, pouvez-vous de temps en temps lire le texte de la commission ?...
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 657 et 743.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l’amendement n° 842.
M. Bernard Cazeau. Je n’ai cessé d’entendre au cours de la discussion générale, et lors de ce débat, que des conventions seraient possibles…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Bernard Cazeau. … en vue d’assurer une liaison entre la région, le département et éventuellement d’autres collectivités. Or le département n’a plus la possibilité de le faire, puisque cette disposition, qui figurait opportunément dans le projet de loi du Gouvernement, a été rayée dans le texte de la commission.
C’est pourquoi je soutiendrai cet amendement, qui vise judicieusement à réintroduire cette possibilité.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 843 et 1005.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 1027.
M. René-Paul Savary. Dans cette affaire, on évoque les pôles de compétitivité et leur soutien par les régions, ce qui me paraît tout à fait essentiel. D’ailleurs, dans notre région, nous avons un pôle de compétitivité mondial orienté vers les agroressources, les biotechnologies blanches, c’est-à-dire la raffinerie végétale : nous voulons favoriser la biomasse pour diminuer la production à base de pétrochimie.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien !
M. René-Paul Savary. Par conséquent, cet amendement est tout à fait intéressant.
C’est sûrement pour cette raison que les grandes régions ont entamé une réflexion sur ce pôle mondial de compétitivité qui représente l’avenir du développement durable pour notre pays.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils se chauffent au champagne ! (Sourires.)
M. René-Paul Savary. Le problème, madame la ministre, est que ce pôle de compétitivité est à cheval entre la Picardie et la Champagne-Ardenne. Il va falloir convaincre nos amis alsaciens que leur territoire n’est pas véritablement concerné par ce pôle, dont il ne comprend qu’un morceau. Il va falloir également convaincre nos amis picards, regroupés avec les habitants du Nord-Pas-de-Calais, de l’intérêt de la bioraffinerie végétale, afin que nos amis du Nord-Pas-de-Calais soutiennent ce pôle de compétitivité qui n’est pourtant pas tout à fait sur leur territoire…
Il s’agit donc là encore d’une grande avancée, qui soulève des interrogations : quelle région pilotera le pôle de compétitivité de dimension mondiale implanté sur deux territoires régionaux ? Quand les moyens sont substantiels, la concurrence se joue vers le haut ; sinon, elle s’effectue vers le bas. Notre crainte est que personne ne prenne en compte le pilotage du pôle de compétitivité dans de telles conditions.
Quels éclaircissements pouvez-vous nous apporter, madame la ministre, dans le cadre de cette réorganisation ? Merci d’avance de vos précisions.
M. Michel Delebarre. Ce n’est pas gagné…
Mme la présidente. L'amendement n° 838, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer le mot :
seul
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Selon nous, le monopole de la région, tant pour l’élaboration du schéma de développement économique que pour sa mise en œuvre au regard, en particulier, de la définition des régimes d’aides aux entreprises et de leur octroi sur le territoire de la région, est contre-productif et en décalage total avec la réalité et les besoins de nos territoires.
Nous pensons que les départements ont un rôle essentiel à jouer, nous l’avons dit à plusieurs reprises, dans l’appréciation de la spécificité des territoires, car nous ne pouvons supprimer purement et simplement les compétences économiques des autres entités territoriales.
Ainsi, les départements, en dépit d’une intensité d’intervention très variable selon les territoires, concentrent souvent leur soutien sur les TPE et les PME des zones rurales ou semi-rurales. Or une région étendue ne pourra pas avoir un maillage fin de ses interventions. Le risque est réel de voir des entreprises non identifiées et des territoires non pris en compte par ces nouvelles super-régions, loin de l’idée de proximité.
Les départements ont mis en place de véritables politiques de soutien aux entreprises ; il en est de même des grandes agglomérations qui participent réellement au développement d’écosystèmes innovants. C’est pourquoi, si nous estimons que la région doit rester chef de file en matière d’intervention économique, la mise en œuvre concrète de cette mission ne peut exclure les autres collectivités.
Comment peut-on envisager un monopole d’action économique pour de lointaines régions hétérogènes et exclure une capacité d’action de proximité pour certaines aides aux entreprises ?
Comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises dans plusieurs rapports, les questions de développement économique reposent sur une connaissance fine des entreprises et des territoires, ce que ne pourront pas faire ces super-régions. Or, de notre point de vue, on assiste à une véritable différenciation territoriale, qui risque de mettre à mal notre unité territoriale et notre démocratie locale.
Mes chers collègues, tel est le sens de cet amendement, que nous vous invitons à voter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’une part, nous avons réécrit l’alinéa 4 – ainsi, cet amendement aurait dû devenir sans objet.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’autre part, le mot « seules » a été déjà supprimé, comme Mme Cohen souhaite le faire. Bref, tout va bien, et cet amendement peut être retiré.
M. René-Paul Savary. Il est satisfait !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 838 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 838 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 676, présenté par MM. Cazeau, Rome, Tourenne et Daudigny, Mmes Bataille et Claireaux et MM. Cornano, Miquel, Cabanel et Courteau, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le conseil régional doit déléguer l’octroi de tout ou partie des aides, ne faisant pas l’objet d’une notification à la commission européenne aux collectivités territoriales et à leurs groupements, dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Dans le contexte économique actuel, il convient de mobiliser tous les acteurs publics pour favoriser le maintien de l’offre d’emploi. À cet égard, le présent amendement vise à permettre aux collectivités territoriales de proximité, notamment aux départements, aux intercommunalités et aux communes, de continuer à soutenir les PME en difficulté ou en développement.
Bien sûr, ces dispositions ne concernent que les toutes petites entreprises, soumises à des règlements de minimis et échappant de ce fait à toute exigence réglementaire particulière au titre des aides de l’État.
Mme la présidente. L'amendement n° 442, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le conseil régional peut, dans le cadre de conventions territoriales d’exercice concerté, déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’assurer la cohérence du présent texte, à la suite de l’introduction, à l’article 3, de déclinaisons contractuelles du schéma de développement économique : le conseil régional peut, dans le cadre de conventions territoriales d’exercice concerté, déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leur groupement.
Ainsi, on peut définir par voie contractuelle la part attribuée aux diverses collectivités en bonne intelligence, parmi les soutiens octroyés. Ce faisant, on assurerait une répartition adaptée des différentes formes d’aides.
À l’heure actuelle, ce type de conventions permettant de telles répartitions entre les financements intercommunaux et régionaux peut être établi à titre facultatif.
À mon sens, une telle précision garantirait l’adaptation de ces aides publiques à chaque territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 676 est tout de même extraordinaire : « Le conseil régional doit déléguer » !
M. Roger Karoutchi. C’est impossible !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Face à de telles phrases, je n’ai plus rien à dire…
Mme Nicole Bricq. Si !
M. Roger Karoutchi. Ménageons notre voix… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il existe un schéma régional, auquel s’ajoutent nombre de possibilités. De telles suggestions traduisent une curieuse conception de la coopération entre collectivités…
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 442, il a pour objet un nouveau type de contractualisation, à savoir les conventions territoriales d’exercice concerté.
Madame la rapporteur pour avis, je comprends très bien l’esprit de cette proposition. Cela étant, je vous rappelle que la commission a, d'ailleurs avec votre concours, introduit au présent article un alinéa 6 précisant que « le conseil régional peut déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leurs groupements dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales. » Il s’agit bien de conventions de ce type ! (Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, opine.)
Cet alinéa précise que le conseil régional « peut déléguer la gestion de tout ou partie des prêts ou avances à des établissements publics », etc.
M. Roger Karoutchi. Voilà ! Cet amendement est satisfait.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. De surcroît, « la région peut participer au financement des régimes d’aides mentionnés au premier alinéa dans des conditions précisées par une convention passée avec la commune, la métropole de Lyon ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »
De ce fait, le but que vous visez semble déjà atteint.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Entendu !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je comprends l’intérêt de cet amendement, que vous avez déposé avant que cette modification n’intervienne,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais il est désormais satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame la rapporteur pour avis, l’amendement n° 442 est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 442 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 676.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Lemoyne et Cambon, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de reprise de l'activité ou de retour à meilleure fortune, la convention peut prévoir le remboursement de tout ou partie des aides de la région.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Chacun le sait, les collectivités territoriales, notamment les régions, accordent parfois des aides aux entreprises en difficulté – soyons francs, la région d’Île-de-France octroie même de tels soutiens assez régulièrement.
De grandes entreprises franciliennes peuvent traverser des difficultés passagères et nous déclarer que, faute d’aides, elles devront fermer, quitte à laisser leurs 500 salariés au chômage. Le conseil régional les soutient. Très bien ! Toutefois, il n’est pas en mesure de leur dire : en cas de retour à meilleure fortune, vous nous restituerez les montants que nous vous avons versés. (M. Joël Labbé opine.)
M. Michel Delebarre. Oui !
M. Roger Karoutchi. La région accorde ainsi ses aides à fonds perdu. Deux ou trois ans plus tard, même si la firme en question va beaucoup mieux, elle ne recouvre pas les sommes qu’elle lui a consacrées.
Aussi, cet amendement tend à permettre l’inscription, dans les conventions d’aides aux entreprises, d’une clause de revoyure qui relève à mes yeux du bon sens. Il s’agit de donner cette capacité juridique aux collectivités concernées.
Mme Odette Herviaux. En effet, c’est sage !
M. Roger Karoutchi. Si, deux, trois ou quatre ans après avoir bénéficié d’une aide, une entreprise va mieux, elle doit naturellement en restituer le montant à la collectivité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette disposition me semble logique, et la commission y est favorable. Comment recouvrer concrètement les montants de ces subventions, c’est une autre affaire… Toujours est-il que le principe est bon.
M. Michel Delebarre. Tout à fait !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Au travers de cet amendement, M. Karoutchi formule une proposition intéressante : nous avons tous en tête des exemples semblables au cas qu’il a évoqué, et son idée est excellente.
Je dois le dire en toute franchise, une telle disposition ne semble pas pleinement de nature législative. Malgré tout, cette précision permettrait de conforter la possibilité, dont les régions disposent déjà, de fixer des conditions aux aides qu’elles accordent,…
M. Roger Karoutchi. Sauf qu’elles n’écrivent pas ces dispositions !
M. Michel Bouvard. Voilà !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En conséquence, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme Nicole Bricq. Avec bienveillance !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Cet amendement me semble, à moi aussi, excellent, à ceci près que j’irais plus loin.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oh là !
M. Bruno Sido. Il est déplorable que les collectivités, quelles qu’elles soient, ne puissent pas entrer au capital des entreprises. (Protestations sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Eh bien !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout de même…
M. Bruno Sido. Monsieur le rapporteur, cette possibilité existe bien dans d’autres pays, par exemple en Allemagne.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Au niveau des Länder !
M. Bruno Sido. Quel serait l’intérêt d’une telle méthode ? Les subventions qu’accordent les collectivités à ces entreprises, c’est de l’argent qu’elles ne reverront jamais – convenez-en. Aussi, je préfère encore que ces sommes soient placées en actions. Ces titres pourraient, le cas échéant, rapporter des dividendes, et les fonds pourraient être recouvrés à échéance de dix ou de quinze ans.
M. Pierre Jarlier. Oh là !
M. Bruno Sido. Mes chers collègues, je vous assure que cette mesure serait pertinente ! Il faudrait d’ailleurs que les commissions des affaires économiques et des finances se penchent sur cette question. Les régions, qui, demain, deviendront des acteurs majeurs de la politique économique, devraient pouvoir entrer au capital des entreprises, plutôt que de leur verser de simples subventions.
Mme Laurence Cohen. Nous, nous sommes pour cette proposition ! (M. Roger Karoutchi rit.)
M. Pierre-Yves Collombat. Notre collègue Sido est un dangereux révolutionnaire… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. À mon tour, je tiens à exprimer mon soutien à l’amendement présenté par M. Karoutchi. Il s’agit bel et bien d’un enjeu majeur.
J’espère que, si nous parvenons à introduire cette disposition dans la loi, elle inspirera des initiatives au titre des aides accordées à l’échelle nationale... Ce serait là un bon effet de cette mesure !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le rapporteur, effectivement, les règlements établis par les collectivités contiennent parfois une telle clause de conditionnalité. Hélas, leur application se heurte toujours à de grandes difficultés.
J’en suis persuadé, si la loi précisait cette possibilité,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais c’est fait !
M. Roger Karoutchi. … elle permettrait de conforter les collectivités qui accordent de telles subventions.
Monsieur Sido, je vous précise simplement que certaines régions, comme l’Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur ou Languedoc-Roussillon disposent déjà de possibilités d’entrée au capital de telle ou telle entreprise, à travers le système du capital-risque.
M. Bruno Sido. C’est insuffisant !
M. Roger Karoutchi. Certes, cher collègue, mais les collectivités ne peuvent pas non plus intervenir auprès de toutes les entreprises classiques. Elles doivent choisir leurs cibles en fonction des enjeux de développement, de performance, de recherche et d’innovation. Si nous avions beaucoup plus de moyens, nous ferions beaucoup plus, mais nous faisons avec ce que nous avons – parfois, je serais heureux que l’on nous plaigne ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Sido, je vous invite à relire le texte de la commission : il apporte nombre de réponses à vos interrogations.
M. Bruno Sido. Nous n’avons pas le temps de tout lire !
M. Pierre-Yves Collombat. S’il faut lire tout ce que l’on vote, à présent… (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On a toujours le temps, mon cher collègue. Au reste, lorsqu’on prend part à la séance publique, c’est que l’on est parfaitement au fait du texte qui a été élaboré, du rapport de la commission et de l’étude d’impact, même si cette dernière n’est pas toujours très intéressante… (Nouveaux sourires.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est simple, on la connaît même si elle n’existe pas ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le 8 bis de l’article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales, introduit par le présent article, porte précisément sur la participation au capital des sociétés commerciales pour la mise en œuvre du schéma régional de développement. Bien entendu, cette possibilité est assortie d’un certain nombre de contraintes.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’autorisation de la Commission des participations et des transferts est notamment nécessaire. On ne peut pas lancer les collectivités dans n’importe quelle voie.
Vous avez cité les Länder allemands. Vous savez que la commission des lois a reçu, au titre de l’examen du présent texte, Mme la ministre-présidente de la Sarre (Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis, acquiesce.), qui est une femme extraordinaire. Elle nous a expliqué que les Länder disposaient d’un véritable pouvoir économique. Ces attributions ne s’en inscrivent pas moins dans un système totalement différent du nôtre ! (M. Bruno Sido hausse les épaules.)
Pour leur part, les régions françaises disposeront de possibilités spécifiques grâce au présent projet de loi.
En outre, en dépit des difficultés qui ont entravé sa mise en place, la Banque publique d’investissement joue un rôle dans ce domaine.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais la BPI n’a pas trois sous !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne peux pas vous laisser dire cela, cher collègue : cet organisme concentre beaucoup d’argent !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La BPI agit en la matière, et c’est son rôle. Au demeurant, elle succède à un organisme qui, lui, était plus régionalisé – voilà pourquoi son déploiement a été difficile.
J’ajoute que la Caisse des dépôts et consignations et beaucoup d’autres acteurs participent également au financement d’un certain nombre de sociétés.
Parallèlement, soyons prudents au sujet des collectivités. Les régions ont certainement un rôle à jouer en la matière, mais il ne faut pas descendre à un échelon trop bas, faute de quoi l’on se heurtera inévitablement à des problèmes. (M. Michel Delebarre acquiesce.) Gardons en effet à l’esprit que ces procédures d’aides sont assez lourdes.
Monsieur Sido, je vous renvoie à l’alinéa 32 du présent article, et je vous rappelle l’existence du financement du capital-risque. En définitive, vous constatez que la région dispose et disposera d’un certain nombre d’outils lui permettant d’intervenir dans le domaine économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le rapporteur, je crains que nous ne nous soyons mal compris : la mesure que je propose ne coûterait absolument rien et elle ne ferait courir aucun risque supplémentaire à la collectivité régionale.
Lorsqu’une entreprise reçoit une subvention, celle-ci entre dans ses caisses et celui qui l’a versée ne reçoit rien en retour. Or tout le monde lève les bras au ciel au sujet des difficultés financières ! En entrant au capital d’une entreprise, une région ne court qu’un seul risque, celui de perdre son capital. Et après ? De toute manière, elle ne reverra pas ses subventions. Il n’y a donc aucune différence.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah si !
M. Bruno Sido. Je ne propose pas d’augmenter le volume des aides, je suggère de les verser sous une autre forme. Je précise que, en entrant au capital d’une firme, les collectivités gagneront le droit de siéger à la table du conseil d’administration.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous le savons bien !
M. Bruno Sido. Tel n’est pas le cas lorsqu’elles versent une simple subvention.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais puisque ces actions sont déjà possibles !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Sido, permettez-moi de tenter une médiation entre la commission et vous… (Sourires.)
Dès l’origine, le Gouvernement a inscrit dans le présent texte le droit d’entrée au capital des entreprises que vous indiquez, en faveur des régions. Au terme d’un excellent travail, que j’ai déjà eu l’occasion de saluer, et dans sa très grande sagesse, la commission a confirmé cette disposition. En conséquence, votre demande est déjà satisfaite. (M. Michel Bouvard opine.)
M. Bruno Sido. Dans ce cas, c’est parfait !
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’au terme de l’examen de l’article 3.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'amendement n° 839, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer le mot :
peut
par les mots :
et le département peuvent
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce constat a déjà été rappelé : avec le présent texte, la région devient seule compétente pour définir le régime d’aides aux entreprises – ces termes englobent à la fois les soutiens financiers et les prestations de services.
Toutefois, dans le cas particulier des aides à l’investissement immobilier d’entreprises et des aides à la location de terrains ou d’immeubles, les communes et les intercommunalités, notamment les métropoles de droit commun et la métropole de Lyon, demeurent compétentes.
Dans le droit fil des amendements que nous avons déjà défendus, et par souci de cohérence, nous souhaitons que cette possibilité soit étendue aux départements, lesquels forment, en vertu de la Constitution, un niveau de collectivités territoriales à part entière.
De plus, cette compétence est le prolongement de l’intervention des conseils généraux en faveur de la solidarité entre les territoires. Cette mission est particulièrement importante pour les territoires ruraux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 394 rectifié, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut pas accorder une garantie d’emprunt ou un cautionnement à un seul organisme d’habitations à loyer modéré.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 807, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Par exception, les départements comportant un territoire de montagne au sens de l'article 3 de la loi n° 83-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne sont autorisés à accorder une garantie d'emprunt aux sociétés contribuant à l'aménagement ou à la gestion d'activités touristiques ou de transport situées dans des stations touristiques de montagne.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Cet amendement vise à maintenir la possibilité qui existe aujourd’hui pour les départements de montagne d’intervenir par garantie d’emprunt sur les stations de sports d’hiver.
Historiquement, ce dispositif a été très utile pour la création et le développement des stations. Voilà plusieurs années que nous n’avons pas été amenés à donner de garanties d’emprunt, certes, mais cela pourrait se révéler nécessaire, notamment pour les sociétés d’économie mixte qui interviennent dans ces domaines.
Le champ visé par cet amendement concerne l’aménagement et la gestion des activités touristiques, ainsi que des activités de transport, notamment les sociétés de remontées mécaniques qui sont, au titre de la loi, des sociétés de transport.
Maintenir cette possibilité pourrait être utile si, un jour, nous rencontrions des difficultés majeures en raison d’une très mauvaise saison. À l’époque du plan Baylet, nous avions été amenés à donner des garanties d’emprunt. Aujourd’hui, le dispositif Nivalliance – un dispositif d’assurance mutualisée des sociétés de remontées mécaniques que nous avons mis en place, avec les élus de la montagne, sous l’impulsion d’Augustin Bonrepaux – fait que nous n’avons plus à intervenir lorsque se posent des problèmes d’enneigement.
Nous devons conserver cette possibilité qui offre une souplesse que nous souhaitons pouvoir continuer à utiliser si le besoin s’en faisait sentir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous essayons de rationaliser les aides économiques et, de tous côtés, nous entendons dire que nous allons trop loin.
Néanmoins, une garantie d’emprunt, ce n’est pas tout à fait pareil : normalement, cela ne coûte rien… Sauf le jour où elle est mise en œuvre, et, alors, cela peut coûter très cher ! (Sourires.) Toutefois, les élus de la montagne n’en ont pas besoin : comme ils sont formidables, ils ont déjà trouvé, et depuis longtemps, tous les moyens de mutualiser…
M. Michel Bouvard. Cela permet d’avoir des prêts moins chers !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est perplexe et s’en remet à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Delebarre. Il est perplexe lui aussi !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non, le Gouvernement n’est pas perplexe : il souhaite limiter la capacité des départements à accorder des garanties d’emprunt.
Dans le cas qui nous intéresse, monsieur Bouvard, vous souhaitez introduire une dérogation pour les départements comportant un territoire de montagne en les autorisant à accorder une garantie d’emprunt aux sociétés contribuant à l’aménagement et la gestion d’activités touristiques ou de transport situées dans les stations touristiques de montagne. Pour ceux qui n’ont pas suivi ce dossier, je le précise, il est vrai que les sociétés d’exploitation de stations qui ont été créées sont des cas très particuliers.
Toutefois, monsieur Bouvard, vous ne justifiez pas votre proposition avec des données chiffrées. Vous n’avez sans doute pas eu le temps de faire une étude d’impact. Dans ces conditions, nous pouvons difficilement mesurer les conséquences du cadre qui serait ainsi défini. Nous avons besoin d’éléments probants que, à ce stade, nous n’avons pas. Le Gouvernement ne peut porter la responsabilité d’ouvrir une disposition qui conduirait les départements à des difficultés.
Compte tenu de la complexité du sujet, de la difficulté liée aujourd’hui aux garanties d’emprunt – même si cela peut s’entendre pour des stations de sports d’hiver – nous ne sommes pas prêts à prendre le risque.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement ; à défaut, la sagesse gouvernementale m’obligerait à lui donner un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l'amendement n° 807 est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Je n’ai pas le sentiment que, lorsque nos collectivités ont été amenées à accorder des garanties d’emprunt, elles l’ont fait de manière irresponsable.
M. Michel Bouvard. Du reste, les préfets ont un état du stock de garanties accordées par le passé et la Direction générale des collectivités locales en connaît toutes les dispositions, puisque, au titre de la loi Galland, ces garanties font l’objet de documents qui sont obligatoirement renseignés. D’ailleurs, au moment de la mise en application de ce dernier texte, nous avons été amenés à attendre quelques années avant de pouvoir en accorder à nouveau. Tout cela est donc bien connu, y compris en termes de sinistralité.
Si le Gouvernement et nos collègues considèrent qu’il n’y en a plus besoin, nous ferons sans. J’attire toutefois votre attention, madame la ministre : si nous subissons deux années de mauvais enneigement, je ne doute pas que la solidarité nationale s’exercera et que le Gouvernement trouvera un dispositif qui ne manquera pas de faciliter la vie des collectivités de montagne !
Cela étant, il me semble malgré tout paradoxal que la loi nous interdise – y compris dès lors que nous n’aurons plus cette disposition – de pouvoir donner des garanties pour les emprunts contractés par nos propres sociétés.
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 807.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° 586, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéas 27 et 28
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1081, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 32, seconde phrase
Remplacer le mot :
notamment
par le mot :
également
B. – Après l’alinéa 46
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…°Le dernier alinéa de l’article L. 4433-12 est supprimé ;
…°À l’article L. 5621-8, la référence : « à L. 3231-3 » est supprimée.
C. – Après l’alinéa 46
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 122-11 du code du sport, les références : « les articles L. 2251-3 et L. 3231-3 » sont remplacées par la référence : « l’article L. 2251-3 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 841, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 35 et 36
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Depuis quelques années, les régions ont été autorisées à participer au capital des sociétés commerciales, des sociétés de développement régional et des sociétés de financement à caractère régional ou interrégional, ou encore au financement des sociétés ayant pour objet l’accélération du transfert de technologies.
En matière de fonds d’investissement, le législateur avait pris soin d’encadrer cette prise de participations de manière globale et de la limiter à 50 %. Or le présent projet de loi propose de relever ce seuil à 75 %, oubliant que les conseils régionaux ne sont pas des actionnaires comme les autres.
Les régions n’ont pas à se substituer aux banques et le rôle des collectivités n’est pas de participer à des opérations de type capitalistique, qui nécessitent une analyse et un suivi financiers. En effet, les régions devenant, comme tout actionnaire privé, responsables en cas de dépôt de bilan de l’entreprise, le risque est ouvert. C’est, de plus, une socialisation des risques et cela pose de véritables interrogations quant à notre système bancaire.
Nous proposons donc de laisser les choses en l’état.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
II – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les métropoles et la métropole de Lyon disposant de moyens adaptés à la conduite de ces actions peuvent participer au financement des aides dans le cadre d’une convention passée avec la région.
IV. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
de ces aides
par les mots :
des aides
V. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
des régimes d’aides mentionnés
par les mots :
des aides mentionnées
VI. – Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le premier alinéa de l’article L. 1511-7 est ainsi rédigé :
« La région, les métropoles et la métropole de Lyon peuvent verser des subventions aux organismes visés au 4 de l’article 238 bis du code général des impôts ayant pour objet exclusif de participer à la création ou à la reprise d’entreprises et aux organismes visés au 1 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier qui participent à la création d’entreprises. »
VII. – Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions des articles L. 3641-1 et L. 5217-2 du présent code, les métropoles et la métropole de Lyon ne peuvent intervenir qu’en complément de la région et dans le cadre d’une convention signée avec celle-ci. » ;
VIII. – Alinéa 34
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
e) Après le premier alinéa du 9°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les métropoles et la métropole de Lyon peuvent intervenir en complément de la région dans le cadre d’une convention signée avec celle-ci. » ;
IX. – Alinéa 39
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
i) Le 9° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les métropoles et la métropole de Lyon intervenant pour compléter la souscription régionale sont également signataires de cette convention ; »
X. – Alinéas 42 et 43
Supprimer ces alinéas.
Mes chers collègues, le Gouvernement nous a transmis voilà quelques instants seulement cet amendement, dont les dispositions semblent poser certains problèmes. Je crains qu’il ne suscite un long débat. Peut-être pourrions-nous l’examiner après la suspension de nos travaux ?
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est très simple : le dépôt de cet amendement revient pratiquement à une seconde délibération, puisque se trouvent remis en cause certains votes du Sénat. Mes chers collègues, madame la ministre, je puis d’ores et déjà vous le dire : je ne veux pas de cet amendement ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
En outre, en tant que rapporteur de la commission des lois, je ne trouve pas très convenable que l’on nous apporte à dix-neuf heures quarante-cinq un tel amendement !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. René-Paul Savary. C’est scandaleux !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne poursuis pas davantage : je risquerais de devenir désagréable…
Mme la présidente. Les dispositions de cet amendement posent effectivement un problème de recevabilité, puisqu’elles tendent à revenir sur des votes qui ont été émis.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends parfaitement la position de M. le rapporteur, mais j’ai précisé tout à l'heure, en retirant l'amendement n° 759, que mes collaborateurs allaient reprendre la totalité des dispositions adoptées à l’article 3 et que je vous indiquerais lesquelles ne sont pas satisfaisantes.
C’est par correction que le Gouvernement a décidé de déposer cet amendement : je ne veux pas que l’on dise que nous sommes allés présenter à l’Assemblée nationale des dispositions que le Sénat n’a pas examinées.
J’avais retiré l'amendement n° 759 sous cette réserve. Je m’étais engagée à vous indiquer les dispositions qui me paraissaient poser problème. J’ai donc fait exactement ce à quoi je m’étais engagée, voilà tout.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Retirez cet amendement, madame la ministre ! Il ne sera pas adopté.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour maintenir l’excellente ambiance de la discussion au Sénat, je vais retirer cet amendement. Néanmoins, je tenais à ce que ces explications figurent au compte rendu intégral de la séance, afin de lever toute ambiguïté : j’ai simplement fait que ce à quoi je m’étais engagée.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1118 est retiré.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je concède volontiers que la multiplication des aides aux entreprises est plutôt fâcheuse et que la nécessité pour les bénéficiaires de « faire la tournée des popotes » afin de récupérer tout ce qu’ils peuvent peut être fatigante et gênante.
Toutefois, compte tenu du manque de clarté sur les ressources dont disposeront les régions pour exercer la compétence économique et de la situation actuelle, tout ce qui peut contribuer à faire redémarrer l’économie et à créer des débouchés est non pas seulement intéressant, mais nécessaire. Je crains que le dispositif extrêmement complexe que nous venons de mettre en place n’aboutisse à une réduction des aides accordées aux entreprises.
C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article 3.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. La discussion sur l’article 3 a fait la démonstration que nous examinons un texte qui manque de corps et qui n’offre pas de vision claire.
En effet, la confusion est assez extraordinaire. On voulait clarifier les compétences. On a donc retiré la compétence générale aux collectivités, mais, finalement, on leur permet de se déléguer des compétences : l’économie à l’instant ; les transports scolaires, peut-être, tout à l’heure ; enfin – pourquoi pas ? –, les routes. Les départements pourront ainsi agir dans de nombreux domaines, ce qui revient finalement à avoir la compétence générale…
On voit bien, dans ce projet de loi NOTRe, que les grandes régions que l’on a créées nous obligent à réintroduire de la proximité à travers les départements.
Au sein de la grande région Aquitaine qui s’étend de la Creuse jusqu’à Biarritz, imaginez-vous que des artisans ou des commerçants creusois seront obligés d’aller jusqu’à Bordeaux afin de demander une aide pour refaire leur vitrine ou leur atelier ? Le département peut précisément jouer ce rôle d’intermédiaire. On voulait une loi pour installer la République au plus près du terrain et, finalement, on fait tout le contraire.
À l’époque où j’étais président de conseil général, je me souviens que l’on a pu installer des entreprises importantes, de cent ou cent cinquante salariés, dans notre département. Si nous avions attendu la région pour les faire venir, nous n’aurions jamais rien eu.
Certes, la région a apporté des aides qui relevaient de sa compétence, mais ce n’était finalement qu’un chef de file financier, faisant office de banquier de l’opération en apportant une aide complémentaire aux entreprises qui se sont implantées. C’est bien le département qui a permis l’installation de ces entreprises, parce que nous disposions d’une agence de développement économique et d’un personnel compétent qui allait chercher les entreprises là où elles se trouvaient.
Je souhaite que nous soyons efficaces. Or ce projet de loi est trop compliqué pour l’être réellement. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article 3, car je ne vois pas quelle efficacité on va pouvoir donner à nos collectivités.
8
Communications du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 15 janvier 2015, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 15 janvier 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 227-17 du code pénal et les articles L. 3111-1 à L. 3111-3 et L. 3116-2 du code de la santé publique (Non-respect de l’obligation vaccinale, 2015-458 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
9
Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 15 janvier 2015, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la valeur des créances à terme pour la détermination de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit et de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune (n° 2014-436 QPC).
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande la modification de l’ordre du jour de la séance du jeudi 22 janvier 2015 et l’ouverture de la séance du vendredi 23 janvier 2015 pour poursuivre l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
En conséquence, l’ordre du jour des séances des jeudi 22 et vendredi 23 janvier 2015 s’établit comme suit :
Jeudi 22 janvier 2015
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak (texte de la commission, n° 219, 2014-2015).
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Irak, d’autre part (texte de la commission, n° 220, 2014-2015).
(Pour ces deux projets de loi, il a été décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le mardi 20 janvier, à 17 heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)
3°) Nouvelle lecture du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (texte de la commission, n° 216, 2014-2015).
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)
4°) Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 175, 2014-2015).
De 15 heures à 15 heures 45 :
5°) Questions cribles thématiques sur la réforme des rythmes scolaires (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat).
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
6°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Vendredi 23 janvier 2015
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Par ailleurs, la séance des questions orales du mardi matin 20 janvier 2015 commencera à 10 heures 30.
Y a-t-il des observations ?...
Ces propositions sont adoptées.
11
Demande de création d’une commission d’enquête
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. Bruno Retailleau, président du groupe UMP, a fait connaître à M. le président du Sénat que le groupe UMP exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession.
La conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.
12
Nouvelle organisation territoriale de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 3.
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 451 est présenté par MM. Pinton, Calvet et Houel, Mme Imbert et MM. D. Laurent, Mandelli, Mayet et Morisset.
L'amendement n° 547 rectifié est présenté par MM. Allizard, Vial, Kennel, Doligé, Danesi et P. Leroy.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière de développement économique peuvent, par décision de leur assemblée délibérante, instituer un organisme dénommé agence de développement économique, chargé d'exercer une mission d'intérêt général visant au développement économique de leur territoire. Ils peuvent également confier cette mission à une agence de développement économique présente sur leur territoire.
Le statut juridique, les modalités d'organisation et de fonctionnement de l’agence de développement économique sont déterminés par la ou les assemblées délibérantes des collectivités qui la créent.
L’amendement n° 451 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Pascal Allizard, pour présenter l'amendement n° 547 rectifié.
M. Pascal Allizard. Les précédentes lois traitant des sujets qui nous occupent aujourd’hui prévoyaient la possibilité pour les collectivités de créer des agences de développement économique, initialement appelées « comités d’expansion » – le vocabulaire en la matière a évolué.
Voilà quelques années, la grande majorité de ces agences s’étaient constituées sous la forme d’associations de loi 1901. D’autres formes juridiques sont apparues depuis, notamment les sociétés publiques locales, ou SPL.
L’objet de cet amendement est donc d’actualiser la possibilité de création de ces agences, désormais rattachées aux conseils régionaux, aux métropoles ou aux agglomérations, puisque, compte tenu du texte sur lequel nous travaillons, les agences départementales sont amenées à disparaître.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à préciser que les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière de développement économique peuvent créer une agence de développement économique, en lui donnant le statut de leur choix, et pas nécessairement un statut associatif.
Avec la suppression de la clause générale de compétence, je rappelle que toutes les collectivités ne pourront plus avoir leur agence de développement.
De nombreux rapports de chambres régionales des comptes – le rapport de la commission des lois en fait état – ont critiqué la multiplication de ce type d’organismes sur certains territoires. La commission des lois n’a pas souhaité, toutefois, que le schéma régional de développement économique puisse proposer une rationalisation de ces structures et, à l’occasion de l’examen de l’un de vos amendements, mon cher collègue, nous avons accepté que la CTAP discute de l’avenir de ces structures, car il est vrai qu’un problème d’emploi se pose pour 600 ou 700 personnes.
Cela étant, au titre de la libre administration et dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, les collectivités et leurs groupements sont libres d’exercer leur compétence de développement économique dans les conditions qu’elles déterminent, par leurs services ou par des structures ad hoc créées à cet effet. Nul besoin de l’écrire dans la loi. Soyons libres quand on le peut, ne nous enserrons pas dans des contraintes législatives !
Le plus judicieux serait sans doute, pour lever la question du statut associatif, d’abroger tout simplement l’article 49 de la loi du 20 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, qui ne sert à rien en dehors de cette restriction statutaire.
La commission a toutefois émis un avis défavorable sur cet amendement, estimant qu’il n’y a pas besoin de légiférer. En effet, dès lors qu’elles en ont la compétence, les collectivités peuvent créer librement ces structures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. J’invite M. Allizard à retirer cet amendement, d’ores et déjà satisfait par le droit actuel. Il apparaît en outre comme une incitation à créer des structures nouvelles, alors que nous voulons tous rationaliser et peut-être rapatrier un certain nombre de fonctions dans les services municipaux, départementaux et régionaux.
M. le président. Monsieur Allizard, l'amendement n° 547 rectifié est-il maintenu ?
M. Pascal Allizard. Monsieur le rapporteur, vous êtes très dur en demandant l’abrogation de l’article 49 de la loi de 1999.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est juste qu’il ne sert à rien !
M. Pascal Allizard. Madame la ministre, vous ne pouvez ignorer que nous n’incitons pas à la création de nouveaux organismes.
Je rappelle simplement qu’il existe actuellement en France une centaine d’agences de développement économique, dont cinquante sont des agences départementales qui sont tout simplement condamnées par le présent projet de loi. Environ 1 500 personnes sous statut de droit privé sont concernées, dont 500 à 600 personnes dans les agences départementales.
M. Jean-Jacques Hyest. Les chiffres augmentent d’heure en heure…
M. Pascal Allizard. En reconnaissant explicitement dans ce texte la possibilité pour les métropoles, les agglomérations et les régions de créer des agences de ce type, comme les lois précédentes l’avaient fait, nous demandons simplement à être traités sur un pied d’égalité avec les comités départementaux ou régionaux du tourisme.
Nous n’incitons donc pas à la création de nouvelles structures. En revanche, le vote du projet de loi, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, conduirait à la suppression de la totalité des agences départementales. Il existe actuellement vingt-cinq agences régionales métropolitaines. Demain, il y aura treize régions métropolitaines. Je vous laisse finir le calcul, mes chers collègues : le présent texte entraînera bien des suppressions nettes d’agences.
En conséquence, je maintiens cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 548 rectifié est présenté par MM. Allizard, Vial, Kennel, Doligé, Danesi et P. Leroy.
L'amendement n° 845 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour exercer leurs nouvelles compétences, les conseils régionaux s’appuient sur les organismes dépendant des collectivités qui exerçaient précédemment ces compétences.
La parole est à M. Pascal Allizard, pour présenter l’amendement n° 548 rectifié.
M. Pascal Allizard. Comme j’ai fait adopter un amendement similaire portant sur l’article 2, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 548 rectifié est retiré.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l'amendement n° 845.
M. Christian Favier. Au travers de cet amendement, nous souhaitons garantir la continuité de l’action publique. En effet, les transferts de compétences vers la région menacent les organismes qui étaient chargés de les mettre en œuvre pour le compte d’une autre collectivité, comme cela vient d’être rappelé.
Ces organismes, comme les agences de développement, ne relèvent pas de l’administration territoriale, et leurs personnels ne bénéficient donc d’aucune garantie de protection.
Cet amendement tend à poser le principe que les régions devront prendre en compte les structures existantes selon des modalités à définir par les collectivités concernées. Il ne faudrait pas que cette réforme se transforme en un vaste plan social. Il est de notre devoir de préserver les équipes déjà constituées – en général, elles font bien leur travail –, les acquis et les emplois, d’autant que les régions auront besoin de relais territoriaux : les structures déjà opérationnelles peuvent jouer ce rôle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est peu ou prou de la même veine que le précédent. Je ne reprendrai donc pas mon argumentation.
La question du devenir des agences de développement des départements est une vraie question. Faut-il un transfert ? La navette doit nous aider à y répondre, mais, à ce stade, la solution proposée par les auteurs de l’amendement ne me semble pas viable. Peut-être le Gouvernement a-t-il déjà une idée précise sur cette importante question ?
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ajoute que l’adoption de cet amendement porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales – connaissant Christian Favier, je sais que tel n’était pas son objectif –, dans la mesure où elle contraindrait ces dernières à exercer leur compétence via des organismes extérieurs.
Je rappelle, en outre, que l’ensemble des syndicats de la fonction publique, que j’ai l’heur de rencontrer souvent, se bat contre la multiplication des organismes extérieurs, car elle permet d’échapper au statut de la fonction publique. Un certain nombre de retours dans l’administration sont alors complexes.
Ces deux éléments conduisent le Gouvernement à émettre un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 668, présenté par M. Gabouty, Mmes Gourault et Gatel et MM. Médevielle et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé:
La région a la responsabilité des politiques du logement. Elle définit le zonage et pilote la programmation de logements, y compris sociaux.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Le projet de loi n’a pas une dimension décentralisatrice très marquée, puisque l’essentiel des mesures nouvelles vise à faire remonter des compétences vers le haut. C’est l’inverse d’une politique de décentralisation, qui s’appuie sur les principes de subsidiarité et de proximité.
Il me semble que, plutôt que de « plomber » l’action des régions par des tâches d’intendance, comme le transport scolaire, il serait préférable de renforcer leur rôle en leur transférant des compétences actuellement assurées par l’État. Pour les régions, les infrastructures, la formation professionnelle, l’emploi et le logement sont des domaines de compétence complémentaires dont la corrélation est un élément essentiel de la dynamique de développement économique du territoire.
L’amendement n° 668 vise à donner des compétences aux régions en matière de politique du logement. Dans une perspective de meilleure efficacité de l’action publique, les régions sont les mieux à même de coordonner les politiques du logement : contingent de logements sociaux, zonage et programmation des aides à la construction hors incitations fiscales.
Aujourd'hui, la France est le seul État membre de l’Union européenne disposant d’une organisation administrative par régions à conserver une politique du logement centralisée. Celle-ci a de surcroît montré ses limites, si l’on se réfère à notre incapacité permanente à atteindre l’objectif quantitatif de 500 000 logements par an. On s’en est approché entre 2005 et 2007, avec 420 000 ou 430 000 logements, mais nous sommes tombés à moins de 300 000 logements mis en chantier en 2014.
Au travers de cet amendement, nous proposons de nous inspirer des expériences réussies de nos voisins européens de taille comparable – l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou encore le Royaume-Uni –, en mettant en place une régionalisation de la politique de l’habitat, afin d’envisager le transfert de cette compétence au niveau régional.
Il s’agit, par exemple, dans un souci de proximité et d’efficacité, d’envisager la possibilité de transférer la gestion du contingent de logements sociaux aux régions et d’évaluer la capacité de ces dernières à définir les paramètres du logement social en fonction de la nature des besoins et de l’attractivité du territoire.
M. le président. L'amendement n° 667, présenté par M. Gabouty, Mme Gourault, M. de Montesquiou, Mme Gatel et MM. Médevielle et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er juin 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état :
1° Des rigidités de la politique centralisée du logement ;
2° Des possibilités de transfert à la région de la conduite des politiques du logement, notamment en termes d'évaluation des besoins, de définition des objectifs et de programmation des logements sociaux, et des aides à la construction, dans le cadre de la politique générale définie par l'État ;
3° Des dispositions à prendre dans le cadre du prochain projet de loi de finances, dans une optique de régionalisation de la politique du logement, et d'utilisation optimale des aides à la construction.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 668.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 668 est intéressant en termes de décentralisation, puisqu’il vise à confier à la région la responsabilité des politiques du logement. Actuellement, la responsabilité est partagée, l’État ayant une grande responsabilité en la matière. Cependant, l’amendement est tellement vague et général qu’il est en réalité parfaitement inopérant. Il faudrait un dispositif plus élaboré modifiant le droit en vigueur, sur le modèle de l’article 3 bis pour le service public de l’emploi.
J’ajoute que les régions participent déjà à la politique du logement, à travers leur rôle de planification – il s’agit de garantir la cohérence entre le logement et les transports, dans le cadre du schéma régional d’aménagement du territoire – et en subventionnant, pour certaines d’entre elles, des opérations de construction et d’aménagement. Les régions ne sont d'ailleurs pas les seules à le faire : c’est également le cas des intercommunalités et des départements.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 668 ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Quant à l’amendement n° 667, nous n’aimons pas les rapports…
M. Michel Mercier. Mais il est intéressant, celui-là ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit ici d’un rapport sur la possibilité de transférer à la région la conduite de la politique du logement. De toute façon, l’État n’y étant pas favorable, il ne rédigera pas de rapport ou en rédigera un concluant que c’est impossible !
M. Michel Mercier. Nous souhaitons pousser le Gouvernement à la réflexion.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’idée est intéressante en termes de décentralisation, mais cela ne suffit pas. Mes chers collègues, pour la politique de l’emploi, nous sommes un certain nombre à nous être pris par la main, et, en un temps assez bref – cet exploit a été réalisé notamment grâce au rapporteur pour avis René-Paul Savary –, nous avons réussi à proposer quelque chose de cohérent. Faites la même chose !
M. Michel Mercier. Le groupe UDI-UC n’a pas assez de rapporteurs pour avis !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Mercier, vous pouvez déléguer si vous n’êtes pas en mesure de remplir cette mission. Certains groupes sont tout à fait capables de réfléchir à la question que vous soulevez… (Nouveaux sourires.)
Votre idée mérite d’être creusée. Nous avons exprimé le regret que ce projet de loi se limite à l’organisation des collectivités : ce n’est pas un texte de décentralisation, alors qu’on nous avait annoncé une troisième étape de la décentralisation. Nous espérions que l’État allait confier aux régions, mais aussi à d’autres collectivités, des politiques qu’il conduit aujourd'hui, car ces transferts nous semblent souhaitables.
Qu’on le veuille ou non, la décentralisation a permis des réussites. Certains la critiquent, mais elle a quand même fait bouger les choses. Où en seraient les lycées et les collèges si l’entretien de leurs bâtiments et leur gestion quotidienne n’avaient pas été confiés aux collectivités ? Quand on a transféré les personnels, ils s’en sont trouvés très bien, puisqu’ils ont presque tous opté pour le statut de fonctionnaire territorial ; c’est un bon signe. Il en avait été de même pour les agents des directions départementales de l’équipement, les DDE.
En conclusion, mes chers collègues, je vous remercie de votre proposition, mais il faut encore y travailler. Je vous demande donc de retirer vos deux amendements ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons tous la conviction que nous pouvons faire mieux en matière de logement. Nous y pensons tous régulièrement.
Il est vrai que, comme l’a rappelé M. le rapporteur, la décentralisation est complexe dans ce domaine. En effet, la politique du logement forme un tout avec la politique d’aide à la construction pour les familles et un certain nombre de dépenses fiscales adaptables en fonction de l’évolution des territoires.
M. le rapporteur a eu raison de souligner que l’article 6 du projet de loi renforçait les compétences des régions. Je rappelle également que, avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », nous avons fait un grand pas en matière de logement. Nous attendons maintenant de voir comment les choses s’organiseront.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À Paris aussi !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’espère, monsieur le rapporteur ; vous avez raison d’y faire allusion.
Nous allons avancer dans un certain nombre de collectivités, là où se trouvent les urgences les plus graves, là où se rencontrent le plus de problèmes de logement.
Je rappelle que la politique du logement implique aussi l’hébergement d’urgence. La région telle que nous la concevons est centrée sur la stratégie, la définition de grandes orientations. Or il est complexe d’organiser l’hébergement d’urgence sur un grand territoire.
Il faut vraiment réfléchir à l’articulation entre l’État, les régions, les départements et les intercommunalités. Tout le monde est dans cette logique aujourd'hui. Peut-être la coordination est-elle mal assurée ; j’entends votre questionnement. Nous ne sommes pas favorables à votre proposition, car nous n’avons pas suffisamment d’éléments pour l’expertiser, mais je ne suis pas surprise que vous la formuliez.
Monsieur Gabouty, je vous invite à prendre acte de l’article 6 du projet de loi, de la loi MAPTAM et de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », ainsi que des évolutions prévues par d’autres textes.
Je vous demande donc, moi aussi, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Monsieur Gabouty, les amendements nos 668 et 667 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Marc Gabouty. C’est bien parce que j’ai conscience que l’amendement n° 668 est relativement vague que j’ai déposé l’amendement n° 667, pour prendre date et vous faire prendre conscience qu’il pourrait être intéressant de décentraliser la politique du logement, comme cela est proposé pour la politique de l’emploi.
Je retire donc l’amendement n° 668, mais je maintiens l’amendement n° 667.
M. le président. L'amendement n° 668 est retiré.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'amendement n° 667.
M. René-Paul Savary. Il faudra tout de même apporter une clarification ; c’est obligatoire.
Je remercie les auteurs de l’amendement de l’avoir déposé. En effet, l’accompagnement social vers le logement et l’hébergement doivent rester aux niveaux communal ou intercommunal et départemental. Les aides à la pierre relèvent de la déconcentration et non de la décentralisation optionnelle ; elles ont bien été confiées aux départements. Comme nous l’avons vu lors de l’examen du 7° de l’article 3, les départements peuvent garantir les emprunts destinés à financer la construction de logements par les organismes sociaux. On voit bien la confusion qui existe en matière de logement.
Si l’on ne veut pas avancer dans ce domaine, c’est ainsi qu’il faut s’y prendre. Il faudra bien opérer une clarification. Les dispositions de cet amendement nous aident à affirmer qu’il faut trouver une solution.
Je pense qu’il s’agirait d’une belle avancée pour les régions. Afin de ne pas multiplier les financements et les intervenants, les conseils départementaux pourraient se retirer si la région prend la main. Encore faut-il clarifier les choses, car, si une collectivité fait ci tandis qu’une autre fait ça, on aboutit à une politique de construction pierre par pierre qui n’a aucun intérêt, sur le plan tant de la lisibilité que de la fonctionnalité du système.
C'est pourquoi je soutiens cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Soyons clairs : la délégation des aides à la pierre est une décentralisation en fonction des engagements des collectivités territoriales. Elle existe déjà.
Par ailleurs, les régions se sont engagées, avec ou sans les départements selon les cas, dans les grandes opérations financées par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU. Il existe donc un véritable volet décentralisé en matière de construction de logement social.
Il reste aujourd’hui un sujet important, dont on parle beaucoup, et c’est pour cette raison que j’évoquais les dépenses fiscales : il s’agit de la construction de logements qui ne sont pas de l’habitat social.
Est-ce que les dépenses fiscales sont de nature à nous sortir d’une ornière – c’est un constat que je partage –, pour construire du logement, soit en accession à la propriété, soit en location, à des coûts qui ne soient pas prohibitifs pour la majorité des Français ? Nous pourrons le dire au bout d’environ un an après que les nouvelles dépenses fiscales ont été choisies. Seulement, une région ne peut pas faire de dépense fiscale, donc il est vrai qu’à ce jour vous n’avez pas la clarté que vous réclamez.
Monsieur le sénateur, il n’est point besoin de faire un rapport ou une étude, car il en existe déjà beaucoup sur le logement en France. Pour ce qui me concerne, la seule chose que je peux m’engager à faire en dehors de la défense de ce texte de loi, c’est de regarder ce qui se passe aujourd’hui dans nos régions, dans nos collectivités. Certes, on ne va pas faire ce travail pour après-demain matin, mais il vous permettra d’avoir une vision de l’engagement des collectivités territoriales, lié ou non à la délégation des aides à la pierre.
On pourra éventuellement avancer, peut-être en deuxième lecture, si on a oublié quelque chose, ne serait-ce que sur un petit point. En tout cas, je le répète, les rapports sur le sujet sont malheureusement nombreux.
M. René-Paul Savary. Eh oui !
M. le président. L'amendement n° 790, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation au I de l'article L. 713–1 du code de commerce, les mandats des membres des chambres de commerce et d'industrie territoriales et départementales d’Île-de-France, des chambres de commerce et d'industrie de région et de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie sont prorogés jusqu'à une date qui n'excède pas le terme de l'année 2016.
II. – Par dérogation à l'article L. 713–6 du code de commerce, les mandats des délégués consulaires sont prorogés jusqu'à une date qui n'excède pas le terme de l'année 2016.
III. – Par dérogation à l’article L. 711–6 du code de commerce, le ressort territorial des chambres de commerce et d’industrie de région est maintenu en l’état jusqu’au prochain renouvellement général prévu avant la fin de l’année 2016, date à laquelle les chambres de commerce et d’industrie de région correspondant aux nouvelles circonscriptions seront instituées conformément à l’article L. 711-6 du code de commerce.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise à proroger d’un an le mandat des membres des chambres de commerce et d’industrie et des délégués consulaires.
M. Michel Mercier. Qu’est-ce que cela vient faire dans ce texte ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je m’en explique : un certain nombre de sénatrices et de sénateurs nous ont demandé de faire droit à cette demande, compte tenu de l’évolution des régions et de certaines dispositions institutionnelles.
Je me suis donc engagée, au nom du Gouvernement, à vous proposer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, comme au suivant, qui tend à prévoir la même mesure pour les chambres de métiers et de l’artisanat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
L'amendement n° 791 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l’article 8 du code de l’artisanat, après les mots : « sont élus », sont insérés les mots : « pour cinq ans ».
II. - Par dérogation à l’article 8 du code de l’artisanat, les mandats en cours des membres des sections, des chambres de métiers et de l’artisanat départementales, des chambres de métiers et de l’artisanat de région et des chambres régionales de métiers et de l’artisanat, sont prorogés jusqu’à une date qui n’excède pas le terme de l’année 2016.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit du même dispositif pour les chambres de métiers et de l’artisanat.
M. le président. La commission s’est déjà exprimée.
Je mets aux voix l'amendement n° 791 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 492 est présenté par MM. Patriat, Durain et Masseret, Mme Herviaux, M. Anziani, Mme Espagnac, M. Courteau et Mme Ghali.
L'amendement n° 741 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 5° de l’article 1379, le taux : « 26,5 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
2° Au 3° de l’article 1599 bis, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 70 % » ;
3° Le 6° de l’article 1586 est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur au 1er janvier 2016.
III. – Les communes et établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les régions et la collectivité territoriale de Corse restituent à l’État en contrepartie de l’augmentation de leur quote-part dans cette imposition des dotations selon des modalités déterminées par décret.
IV. – Une contribution additionnelle à la contribution sociale mentionnée à l’article 136–1 du code de la sécurité sociale est instituée à compter du 1er janvier 2016. En contrepartie de la réduction de leur fraction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts, les départements bénéficient du produit de cette contribution additionnelle.
V. – Une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts est instaurée à due concurrence.
L’amendement n° 492 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 741.
M. Joël Labbé. C’est dommage que l’autre amendement identique n’ait pas pu être défendu, car nous aurions eu un peu plus de poids.
Lorsqu’il m’a passé le témoin, mon collègue Ronan Dantec m’a prévenu que la présentation de cet amendement risquait de m’attirer les foudres de nombre de nos collègues, mais je suis fier de porter cette défense.
En effet, cet amendement va dans le sens d’une fiscalité régionale en rapport avec les compétences des régions.
Le présent projet de loi rend les régions pleinement responsables du développement économique sur leur territoire, or les régions n’ont actuellement aucune capacité financière autonome.
Leur octroyer les recettes de la fiscalité économique, donc en lien avec leur large compétence en matière de développement économique, est cohérent et conforme à l’article 72–2 de la Constitution,…
M. Michel Bouvard. On est en plein délire !
M. Joël Labbé. … selon lequel : « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. […] Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »
Précisément, cet amendement vise à redistribuer l’allocation actuelle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, pour l’allouer aux deux seuls échelons qui disposeront d’une compétence exclusive en la matière, à savoir, d’une part, l’échelon communal et intercommunal et, d’autre part, les régions. Ce rééquilibrage de la CVAE autorisera un partage équitable, une moitié de la cotisation économique territoriale, qui regroupe la CVAE et la cotisation foncière des entreprises, étant attribuée à chacun des deux échelons.
Pour pallier la suppression de la fraction départementale de la CVAE, une contribution additionnelle à la CSG est créée et affectée aux départements,…
M. Michel Bouvard. Ben voyons !
M. Joël Labbé. … en cohérence avec leurs compétences en matière d’allocations individuelles de solidarité.
Cette proposition contribue à la lisibilité de l’action publique, les recettes étant en lien direct avec les dépenses : ce n’est pas plus compliqué. Selon nous, clarifier l’affectation des recettes fiscales irait dans le sens de la simplification, ce qui est très attendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je trouve extraordinaire que certains de nos collègues puissent modifier la fiscalité sans connaître les compétences qui seront finalement exercées par les régions et les départements. (Marques d’approbation sur plusieurs travées. – M. Michel Bouvard applaudit.)
On décide comme cela que la CVAE est pour les régions, mais au nom de quoi ?
Monsieur Labbé, vous n’êtes pas sans savoir que la CVAE a pris la suite de la taxe professionnelle, et que ce n’est pas parce que l’on s’occupe d’économie que l’on doit bénéficier seul de l’impôt économique.
M. Michel Bouvard. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Que je sache, il faut aussi loger des salariés, s’occuper des routes…
M. Bruno Sido. Des écoles !
M. Jacques Mézard. Et la solidarité territoriale !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
Bien entendu, cela va de soi, il faudra que la première loi de finances après la promulgation de la loi sur les compétences prévoie une révision des dotations des collectivités, mais, pour nos collègues du groupe écologiste, la solution qu’ils préconisent ne pose pas de problèmes de financement, puisqu’ils proposent de remplacer la CVAE qu’ils piquent aux départements par la création d’une taxe additionnelle à la CSG, en totale contradiction avec les engagements du Président de la République de ne plus augmenter les impôts. À moins que la CSG ne soit pas un impôt…
M. Pierre-Yves Collombat. Pourquoi n’a-t-on pas opposé l’article 40 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y a pas d’article 40 qui tienne dans ce cas-là, puisque l’on augmente les impôts. Une augmentation des ressources décidée par les parlementaires ne pose pas de problème, au contraire d’une baisse des impôts, sauf en cas de compensation.
Mon cher collègue, votre amendement est intéressant…
M. Bruno Sido. Même pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous avez raison, en fin de compte, ce n’est même pas intéressant. C’est en tout cas très prématuré. De plus, vous décidez cela dans votre coin, sans savoir si les routes, par exemple, seront encore de la compétence départementale.
Vous piquez tout aux départements en leur disant que vous leur donnerez peut-être quelque chose pour assumer les tâches de solidarité auxquelles ils sont principalement cantonnés.
À l’évidence, pour écrire votre amendement, vous avez dû vous référer au projet de loi initial, mais il se trouve que la commission des lois du Sénat l’a fait évoluer depuis.
Pour toutes ces raisons, la commission n’a pu qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Certes, il a le mérite d’ouvrir, ou plutôt de prolonger la réflexion qui s’est engagée depuis plusieurs mois sur les futurs transferts de fiscalité et de ressources entre les différents niveaux de collectivités, mais il est totalement prématuré d’en parler ce soir, tant qu’on ne connaît pas la répartition des compétences qui sera in fine actée par le présent projet de loi. Cet amendement n’a pas lieu d’être ce soir, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Les rares collègues qui se sont hasardés depuis deux jours sur le terrain de la fiscalité se sont vu renvoyer à la loi de finances. Compte tenu du sujet de votre amendement, je n’imagine pas qu’il en soit autrement pour vous, mon cher collègue.
Pour être président d’une communauté de communes et avoir été président de la commission des finances d’un conseil général pendant plus de quinze ans, je considère que cette proposition s’apparente quasiment à un hold-up.
En effet, nous parlons de transferts de compétences. Parlera-t-on des transferts de personnels ? Parlera-t-on aussi des transferts de garanties d’emprunt, comme cela a été évoqué tout à l’heure ? Parlera-t-on, enfin, des financements et des « coûts partis » dont il faudra bien assurer le remboursement ou le financement ?
Par conséquent, cet amendement me semble totalement prématuré, en dehors du débat, et peut-être aussi de nature à rompre l’équilibre et la sérénité de nos discussions. Je voterai donc contre.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je voudrais en appeler à la responsabilité des collègues qui ont déposé cet amendement.
On ne fait pas des amendements d’appel, sans même une étude d’impact, sur des sujets d’une telle importance, qui, de plus, relèvent à l’évidence de la loi de finances.
Le département est aujourd’hui le principal bénéficiaire dans la répartition de la CVAE. Tant qu’on ignore ses compétences futures, il est totalement absurde – je dis les choses telles que je les pense – d’envisager de supprimer une part principale de la fiscalité sans savoir ce que seront les charges.
J’ajoute que ce type d’amendement est de surcroît dangereux. En effet, la réforme que nous discutons aujourd’hui suscite des interrogations dans les établissements financiers qui sont partenaires de nos collectivités locales.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Bouvard. Il y a un certain nombre de collectivités qui sont notées.
Pour ce qui me concerne, j’ai fait noter ma collectivité voilà quelques années, justement pour bénéficier de conditions de prêt à des taux intéressants. Notre gestion était reconnue comme saine, donc nous avions une bonne notation, mais des visites de notation sont faites de manière périodique.
Aujourd’hui, bien évidemment, les établissements financiers se posent des questions sur les conséquences de la réforme en cours et sur la qualité de notre signature, or les amendements de ce type accréditent l’idée qu’il peut se passer n’importe quoi, n’importe comment, dans n’importe quelles conditions. Ils ne font donc qu’accroître la défiance qui peut exister à l’égard des collectivités territoriales.
J’en appelle donc à la responsabilité dans cette affaire.
Ensuite, se demander s’il faut que la fiscalité économique finance l’économie revient à nier l’histoire de la fiscalité locale, comme M. le rapporteur a eu raison de le rappeler.
Je rappelle que, dans la taxe professionnelle, pour les collectivités qui étaient écrêtées, il y avait un retour pour ce que l’on appelait les communes concernées, et, dans ce retour obligatoire, il y avait ce que l’on appelait à l’époque, de manière paradoxale, le préjudice salarié. On considérait justement que la fiscalité économique devait permettre de créer les équipements publics nécessaires à l’accueil des salariés, ce qui montre bien que, à aucun moment, la taxe professionnelle n’a été une fiscalité liée à l’action économique des départements. Il faut bien avoir cela en tête.
En tout état de cause, je m’adresse aux ministres présents aujourd’hui à nos débats, qui sont évidemment très attentifs à ces questions, pour les prévenir que nous ne pourrons avoir ce débat qu’en lien avec la réforme de la DGF.
M. Michel Bouvard. On nous a annoncé une remise à plat de la DGF, qui est nécessaire, personne ne peut le nier, compte tenu de sa complexité, mais il est impensable de ne pas lier les ressources fiscales et l’autonomie fiscale à ce que seront l’évolution des dotations de l’État et la composition desdites dotations.
Cet amendement est prématuré et, je le dis avec regret à nos collègues écologistes, quelque peu irresponsable dans le contexte où nous sommes. (M. Bruno Retailleau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Cet amendement frise la provocation. Il adapte la théorie « l’eau paie l’eau », qui devient « l’économie paie l’économie ». Mais l’économie, comme nous le verrons tout à l’heure, c’est aussi l’emploi, l’insertion des personnes, etc.
Franchement, si les régions veulent prendre les recettes, qu’elles prennent aussi les dépenses, y compris l’insertion et le RSA.
Monsieur Labbé, devant une telle proposition, je suis sûr que vous allez répondre : pas d’histoire d’argent entre nous !
Mais vous verrez que le manque à gagner des départements les conduira à inventer, comme l’a fait l’État dans le passé, une caisse d’amortissement de la dette sociale, qui ne sera pas suffisamment compensée par les allocations individuelles de la solidarité. Chaque année, les déficits résultant de la faiblesse de la compensation prévue par votre proposition s’accentueront et nous devrons les combler.
Cette proposition a malgré tout le mérite de nous permettre d’envisager les transferts que vous proposez, madame le ministre : je pense aux routes et aux collèges et j’y ai réfléchi rapidement.
Pour les routes, mon département, qui est un département moyen, investit 20 millions d’euros chaque année. Pas plus, nous sommes modestes, nous vivons à la hauteur de nos moyens ! Regardez la note de l’Argus des départements et vous verrez comment nous vivons. Imaginons que l’on transfère ces sommes à la région : en moyenne, une région sera composée de dix départements, elle pourra donc toucher 200 millions d’euros des départements. Croyez-vous que la région va investir ces 200 millions d’euros dans les routes ? Non ! Elle gardera 50 millions d’euros pour elle et n’investira que 150 millions d’euros dans les routes. Les départements dont le patrimoine routier est bien entretenu verseront beaucoup à la région, parce qu’ils auront consacré des moyens importants à cette compétence, sans obtenir de retour véritable de la région, par définition, puisque leur réseau routier est bien entretenu.
M. Michel Bouvard. Oui !
M. René-Paul Savary. Le même raisonnement vaut pour les collèges. Un département qui a fait l’effort de développer ses collèges y consacre des sommes importantes qu’il transférera à sa région, mais comme ses collèges sont construits, il n’y aura pas de retour d’ascenseur !
Toute notre économie locale va se trouver mise à mal par ce système de compensation. Il faudra donc bien aborder un jour la question des moyens mis à disposition des collectivités territoriales. La réorganisation est une chose, mais il faut des moyens pour exercer les compétences.
Votre amendement a donc le mérite, monsieur Labbé, outre la provocation, de faire en sorte que tout le monde commence à raisonner sur les transferts qui nous sont proposés et qui sont catastrophiques pour les collectivités départementales.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je crois que cet amendement n’est pas raisonnable et il me semble, chers collègues écologistes, que vous tombez dans le commerce inéquitable ! (Sourires.) Il n’est pas raisonnable, parce que l’on ne peut pas travailler sur des chiffres calculés à l’emporte-pièce. Dès que des chiffres sont produits, on peut croire que le discours est sérieux, mais l’expérience nous a appris que tel n’est pas toujours le cas.
Votre démarche a donc un côté provocateur, mon cher collègue, mais elle me permet de rebondir sur l’économie générale de ce texte. En effet, madame la ministre, force est de constater qu’un volet manque à ce projet de loi. Vous nous dites que vous ne pouvez pas encore nous donner d’indications sur les transferts de ressources parce que vous ne savez pas encore quelles seront les modifications des périmètres de compétences.
Or il se trouve que vous avez déposé un projet de loi dans lequel les transferts de compétences sont clairement mentionnés, qu’on les approuve ou non – pour notre part, nous sommes en désaccord sur un certain nombre de ces transferts. Il eût donc été raisonnable et juste, et surtout conforme à un bon exercice démocratique, puisque ces transferts de compétences voulus par le Gouvernement vont être réalisés pour l’essentiel, comme nous l’avons compris en écoutant la réponse de M. le Premier ministre à ma question d’actualité cet après-midi, que ce projet de loi soit accompagné d’indications sur ce que le Gouvernement envisage pour les ressources fiscales des collectivités locales et les transferts de ressources.
On entend dire, par exemple, que vous tenez à transférer la voirie départementale aux régions, à l’encontre d’un certain nombre de considérations de principe, parce que ce serait le moyen d’apporter des ressources fiscales significatives aux nouvelles régions. Dans ce cas, il faut le dire ! En effet, ce qui ne va pas dans votre manière de procéder, c’est que vous ne dites pas les choses, d’où toutes les ambiguïtés, toutes les redondances et toutes les contradictions que nous vivons depuis plusieurs mois. Dites ce que vous voulez faire, nous serons d’accord ou nous ne le serons pas. En tout cas, procéder de manière obscure comme vous le faites – et les étoiles nous éclairent peu ! – n’est vraiment pas la bonne solution.
Si, dans le calme de notre réunion de ce soir, vous pouviez nous exposer les intentions du Gouvernement quant aux ressources futures de ces nouvelles collectivités, vous nous aideriez à faire un grand pas dans la compréhension de vos objectifs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Mézard, je vous connais trop bien pour croire que vous voulez me faire un procès d’intention.
J’entends dire, depuis des jours, sur certaines travées en particulier, que le transfert des routes à la région n’est justifié que par le transfert de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.
À quelle situation le Gouvernement est-il confronté ? Depuis deux ans et demi, nous avons fait le constat, avec les départements, que la majorité d’entre eux se trouvent en grande difficulté, parce que progressent de façon importante, ici, l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, pour des raisons démographiques par rapport à l’ensemble de la ressource disponible, là le revenu de solidarité active, le RSA, en raison de la crise économique violente que nous traversons. Nous avons pris du temps, avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, et le Comité des finances locales, le CFL, pour envisager comment réagir à cette situation.
Pour la première fois depuis le transfert des allocations de solidarité aux départements, un gouvernement, ministre du budget et ministre chargé de la décentralisation réunis, a reconnu que l’État devait de l’argent aux départements. Il a admis qu’un déficit important existait entre ce que l’État s’était engagé à faire pour le transfert des allocations individuelles de solidarité et la réalité.
Avec Jean-Marc Ayrault d’abord, nous avons donc décidé de débloquer, hors financements ordinaires des collectivités locales, quelque 827 millions d’euros, puis environ 900 millions d’euros en 2014, pour répondre à la demande des départements. Nous avons longuement discuté avec l’ADF puis le CFL sur le fait que, dans ce contexte de grande difficulté, 20 % des dépenses des départements étaient hors compétences. Il fallait se poser la question de ces 20 % : des transferts d’assiette fiscale devaient-ils être envisagés pour les financer, compte tenu de la situation « dramatique » de l’ensemble des départements, pour reprendre le mot employé par l’ADF et le CFL ?
On ne peut pas nous dire, à la fois, que nous n’avons pas pris en compte cette situation dramatique…
M. Jacques Mézard. Je n’ai jamais dit cela !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Effectivement !
On ne peut donc pas nous faire ce reproche, tout en disant que nous transférons les routes à la région uniquement pour enlever une ressource au département !
Le Gouvernement n’a pas dit un mot à ce sujet, parce qu’une grande part de nos départements seraient en situation d’être mis sous tutelle.
Nous rencontrons donc collectivement un problème majeur de financement des départements, auquel s’ajoute un problème majeur d’inégalité de situation des départements. Certains d’entre eux vont très bien, d’autres très mal. Au-delà même de la question des ressources fiscales, on doit se poser celle de l’équité, mot que vous utilisiez fort opportunément tout à l’heure.
Faut-il revoir les financements ? Oui, sans aucun doute. Ne faut-il revoir que le financement lié aux routes ou aux collèges ? Non ! Faut-il démarrer, en parallèle, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, aujourd’hui, chaque fois qu’elle ne répond plus aux besoins des collectivités territoriales, prend une « couche » supplémentaire de péréquation – pardonnez-moi l’expression, parce qu’elle n’est pas belle, bien qu’elle soit réelle ! Il est vrai que nous procédons à des bascules compliquées au sein de l’enveloppe normée. Nous devons réécrire l’histoire de la DGF, parce que celle-ci est caractérisée par des situations de quasi-rente et des situations d’une injustice violente.
Pardonnez-moi si je suis un peu longue sur ce sujet, j’essaierai de ne pas récidiver trop souvent. Je regrette que la majorité du Sénat n’ait pas désigné, contrairement à ce que nous aurions souhaité, un parlementaire pour travailler avec nous sur ce sujet. Je pense que nous devons aussi mettre en place un groupe de travail consacré aux ressources des collectivités envisagées d’une manière globale.
La CVAE et surtout la cotisation foncière des entreprises, la CFE, – aujourd’hui, c’est essentiellement cette dernière qui finance le logement des salariés, leurs déplacements et les travaux de voirie et de réseaux divers nécessaires aux industriels – suffisent-elles à remplacer la ressource qu’apportait la taxe professionnelle ? Nous savons tous que ce n’est pas le cas !
La réforme de la CVAE a été difficile – je ne porte pas de jugement, même si je me suis battu contre – parce qu’il était difficile d’évaluer à l’avance cette sorte d’effet contracyclique qui nous revient dans la figure comme le manche du râteau.
Quand vous vous penchez sur la solidarité entre les individus, le vrai sujet, pour les départements, n’est pas de savoir s’ils continueront à assumer cette compétence, mais comment ces dépenses seront financées. Dans chaque département, aujourd’hui, ce financement est assuré par les impôts locaux et les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, c’est-à-dire une assiette fiscale large – l’impôt local a une assiette fiscale beaucoup plus large que l’impôt sur le revenu – et une assiette qui dépend des achats et ventes de biens immobiliers. Faut-il se poser la question du financement par les familles ? Les DMTO apportent une réponse partielle à ce sujet. La part de l’impôt sur les successions que nous avons essayé de consacrer à la solidarité nationale est-elle suffisante ? Je ne le sais pas. Faire appel aux familles n’est-il pas une forme de double peine ? Sans doute. Faut-il envisager un impôt national avec une assiette moins large, mais plus juste ? C’est un problème pour les classes moyennes. Rien n’est simple.
Tous ensemble, nous devons répondre à une question importante : à qui incombe ce financement ? Aux familles, aux territoires ou à la solidarité nationale ? Ou faut-il associer ces trois sources ?
Je peux vous assurer, monsieur Mézard, parce que je vous connais trop bien, que, si le transfert des routes aux régions avait pour seul but de leur permettre de disposer d’un peu de ressources supplémentaires pour aider les entreprises, la démarche ne serait pas honorable. Là n’est pas la question !
M. Jacques Mézard. Alors, pourquoi le faire ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En revanche, la collectivité qui exerce la compétence transports, qui s’occupe des trains, des autocars, des liaisons intercités, des pôles d’intermodalité, des plates-formes rail-route, peut-elle être étrangère à ce qui se passe sur les routes ? Là est la vraie question ! Il faut donc faire attention à ne pas mélanger les deux sujets.
Au-delà de la réforme de la DGF, je crois profondément que, si nous pouvions chercher non pas des consensus, mais des ouvertures les uns vers les autres, comme le disait M. le Premier ministre cet après-midi, et travailler sur toutes les ressources des collectivités locales, y compris celles qui constituent des quasi-rentes, peut-être aurions-nous une chance, lors de l’examen du projet de loi de finances en fin d’année, de proposer une réforme qui tende vers l’équité.
Je crois que nous y arriverons, parce que c’est une nécessité. Pour sortir de la crise économique, il faut effectivement avoir une politique industrielle, une politique de la formation professionnelle, une politique de l’emploi, une politique du logement, et j’en passe… Il faut aussi reposer la question des ressources de nos collectivités territoriales et de ce que signifie le mot « équité » dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je pense que la fiscalité économique ne doit pas être réservée à la collectivité qui exerce la compétence économique. En effet, la CVAE n’a pas de lien direct avec l’effort fait par des régions pour le développement économique. Le lien est indirect, il n’est pas mesurable.
Je veux, en revanche, ouvrir une piste de réflexion sur un flux qui est bien identifiable, celui de l’aide directe des régions aux entreprises. Au bout du compte, elle finance le budget de l’État puisqu’elle augmente le montant de l’impôt sur les sociétés. Cela signifie que plus les régions apporteront d’aides directes aux entreprises, plus l’État percevra de recettes au travers de l’impôt sur les sociétés. Cela a d'ailleurs amené certaines régions à préférer le système des avances remboursables aux aides directes de manière à avoir un retour du capital investi.
Pour inciter les régions à aider le développement économique, un retour sur investissement par rapport aux aides directes venant par l’attribution d’une part de l’impôt sur les sociétés serait peut-être une piste à creuser. En effet, quand la région investit dans le développement économique, il y a vraiment un lien direct, mesurable dans les comptes d’exploitation des entreprises et qui est très facile à isoler.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, nous sommes entièrement d’accord, il y a devant nous un immense chantier sur la fiscalité et les ressources des collectivités. Il est vrai que depuis de nombreuses années maintenant, les caisses des départements sont vidées de leur substance par la conjugaison de l’augmentation des dépenses sociales et des allocations individuelles de solidarité et la non-compensation par l’État qui avait été promise. C’est clair ! D’ailleurs, plus le temps passe, plus les départements se portent mal. Demain, même les départements les mieux gérés seront en situation de quasi-faillite et devront finalement être mis sous tutelle. D’ailleurs, peut-être voulez-vous les faire disparaître pour supprimer 100 tutelles !
Cela étant dit, le sujet de ce soir n’est pas là. Monsieur Labbé, vous avez défendu cet amendement dont vous n’êtes pas l’auteur.
M. Joël Labbé. Je l’avais suggéré !
M. Bruno Sido. Même si vous n’y êtes pour rien, je voudrais néanmoins vous dire que c’est incroyable de faire ainsi un holp-up ! – il n’y a pas d’autre mot – sur des ressources affectées à des départements qui n’en peuvent déjà mais et auxquels vous voulez prendre encore plus. Pourtant, il était bien entendu, et depuis fort longtemps, que ce qui touche à la matière fiscale doit être traité dans des lois fiscales. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
C’est difficile, en effet, mais là, ce que vous proposez est tellement important que ce n’est tout simplement pas sérieux ! À vrai dire, je suis désolé de vous le dire, monsieur Labbé, mais vous le savez, les départements ont des responsabilités telles que s’il n’y a pas de révolution dans la rue aujourd'hui, si chacun trouve finalement peu ou prou sa place et réussit à vivre, chichement parfois, c’est grâce aux départements et aux allocations individuelles de solidarité.
Par conséquent, ce que vous proposez n’est tout simplement pas sérieux. Je ne voterai pas votre amendement, comme beaucoup d’autres, je le pense, mais de grâce, vous nous avez fait perdre du temps et nous n’avons pas besoin de cela !
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Je ne reviendrai pas sur l’amendement de notre collègue Labbé. Je crois que chacun l’a bien compris, il est la marque d’un certain amateurisme et il témoigne de la méconnaissance de l’action des départements. En effet, tous les collègues qui sont intervenus l’ont montré, l’action des départements ne se réduit pas à l’action sociale. Sa dimension est aujourd'hui bien plus large, ce qui nécessite, bien sûr, des moyens pour y faire face.
Je reviendrai plutôt sur l’intervention de Mme la ministre quant à la justification des transferts envisagés de la gestion des routes vers les régions.
Il ne s’agit bien évidemment pas de chercher à soulager financièrement les départements. Ce sur quoi il faut s’interroger, c’est sur l’efficacité de l’action publique. Aujourd'hui, les départements remplissent-ils correctement leur mission en matière de gestion de leur réseau routier ? Je considère que oui, et il a fallu aux départements plusieurs années pour intégrer le transfert des routes nationales, dont l’état était alors, il faut le rappeler, souvent déplorable. D'ailleurs, il n’y a qu’à voir la situation du réseau routier national conservé par l’État :…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Christian Favier. … c’est une véritable catastrophe !
M. Bruno Retailleau. C’est clair !
M. Christian Favier. En transférant demain le réseau routier départemental à des régions qui n’ont aujourd'hui aucune structure organisée pour le faire, ira-t-on vers une meilleure efficacité de l’action publique, ira-t-on vers une amélioration de ce réseau ? Je pense que non.
Donc, je ne vois pas pourquoi proposer ce transfert, qui n’apportera rien en matière de renforcement du rôle des régions. Celles-ci s’affirmeront non pas par le transfert des compétences en matière de routes ou de collèges mais en jouant leur rôle en matière de développement économique, en engageant des actions plus fortes pour le développement de l’emploi !
Pour ma part, je crois qu’il faut plutôt s’interroger sur le bon échelon pour exercer l’action publique et évaluer comment les choses fonctionnent aujourd'hui. Pourquoi bouleverser des choses qui fonctionnent bien et mettre en difficulté toute une organisation qui a été longue à mettre en place au niveau de nos départements et qui sera complètement désorganisée pendant parfois plusieurs années avant de retrouver une certaine efficacité ?
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. C’est avec beaucoup de sérénité que je vous ai écoutés. L’amendement a joué son rôle.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. De catarcysme !
M. Joël Labbé. En revanche, je prenais un risque. J’ai entendu les termes « pas sérieux », « irresponsable », « amateurisme » –, autant de choses auxquelles j’ai envie de rétorquer : « […] va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. » En effet, de la provocation, vous en entendrez encore au fil du temps !
Est-ce tellement irresponsable d’être provocateur ? Je vous pose la question. Voilà une demi-heure que nous débattons. Après des moments d’énervement, que l’on peut comprendre puisqu’il y a eu de la provocation, on a véritablement bien échangé sur le fond de la question : les ressources des collectivités territoriales par rapport à leurs dépenses. C’est aussi simple que cela !
J’ai bien apprécié d’entendre plusieurs interventions, dont certaines de personnes énervées qui se sont calmées ensuite et ont exprimé des choses justes.
Quant aux propos des deux ministres, M. Vallini s’est très sobrement exprimé. J’ai apprécié qu’il m’ait directement et calmement répondu. Mme la ministre a développé sur ces questions. Nous sommes dans l’anticipation. Oui, nous avons été dans la provocation ! Je l’assume. Mais parce que j’ai eu de bonnes réponses et que nous avons eu pratiquement une demi-heure de débat sur ce sujet – c’était le but –, je retire mon amendement. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 741 est retiré.
Article 3 bis (nouveau)
Service public de l’emploi
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 5311–3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5311–3. – La région coordonne, sur son territoire, les actions des intervenants du service public de l’emploi, sous réserve des missions incombant à l’État, dans les conditions prévues aux articles L. 6123–3 et L. 6123–4.
« Les communes peuvent concourir au service public de l’emploi dans les conditions prévues aux articles L. 5322–1 à L. 5322–4. » ;
2° L’article L. 5312–3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, sont ajoutés les mots : « Après consultation des conseils régionaux, » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° L’évolution de l’organisation territoriale de l’institution et l’adaptation des conditions de mise en œuvre de ses missions à la situation de chaque région ; »
c) Après le 3°, il est inséré un 3°bis ainsi rédigé :
« 3° bis Les conditions dans lesquelles l’institution coopère au niveau régional avec les autres intervenants du service public de l’emploi, à travers des conventions pluriannuelles ; »
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Avant l’expiration de la convention, le directeur général de l’institution présente des propositions visant à réduire le nombre d’intervenants du service public de l’emploi et à rationaliser son organisation. » ;
3° L’article L. 5312–4 est ainsi modifié :
a) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Un représentant des régions, désigné sur proposition de l’association des régions de France ; »
b) Après ce même 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un représentant des autres collectivités territoriales, désigné sur proposition conjointe des associations des collectivités concernées. » ;
4° Après le premier alinéa de l’article L. 5312–10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le directeur général nomme les directeurs régionaux après avis du conseil d’administration. » ;
5° L’article L. 5312–11 est abrogé ;
6° L’article L. 6121–4, tel qu’il résulte de l’article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, elle peut procéder directement à l’achat de formations collectives présentant un intérêt national dont la liste est fixée par décret. » ;
7° L’article L. 6123–3 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Il est présidé par le président du conseil régional. La vice-présidence est assurée par le représentant de l’État dans la région. » ;
b) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le bureau est présidé par le président du conseil régional. » ;
8° L’article L. 6123–4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6123–4. – I. – Le président du conseil régional signe avec le directeur régional de l’institution mentionnée à l’article L. 5312–1 et les représentants régionaux des missions locales mentionnées à l’article L. 5314–1 et des organismes spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées une convention régionale pluriannuelle de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation.
« II. – Au regard de la situation locale de l’emploi, la convention signée avec le directeur régional de l’institution mentionnée à l’article L. 5312–1 détermine, dans le respect de la convention mentionnée à l’article L. 5312–3 :
« 1° La programmation des interventions de l’institution et les conditions dans lesquelles elle participe à la mise en œuvre des actions prévues à l’article L. 5111–1 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles elle coopère avec les maisons de l’emploi, les missions locales, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et les autres intervenants du service public de l’emploi ;
« 3° Les conditions dans lesquelles elle mobilise de manière coordonnée les outils des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle de l’État et de la région, dans le cadre de la politique nationale de l’emploi ;
« 4° Les conditions dans lesquelles elle participe au service public régional de l’orientation ;
« 5° Les conditions dans lesquelles elle conduit ses actions au sein du service public régional de la formation professionnelle ;
« 6° La contribution éventuelle de la région aux actions entreprises ;
« 7° Les modalités d’évaluation de ces actions, selon des modalités fixées par décret pris après avis de l’association des régions de France.
« La mise en œuvre de la convention fait l’objet d’une présentation régulière par le directeur régional devant le bureau du comité mentionné à l’article L. 6123–3.
« III. – Au regard de la situation locale de l’emploi, les conventions signées avec les représentants régionaux des autres intervenants déterminent, dans le respect de leurs missions, les conditions et modalités prévues aux 3° à 7° du II du présent article. »
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l'article.
M. René-Paul Savary. Avec l’article 3 bis, nous abordons la politique de l’emploi.
Cet article, qui résulte d’un amendement de la commission des affaires sociales, laquelle avait réfléchi sur le sujet, pose les jalons de la décentralisation de la compétence « emploi » aux régions.
En effet, dès lors que la région est compétente en matière de développement économique, d’orientation, de formation professionnelle et d’apprentissage, pourquoi ne pas aller au bout de la logique en lui confiant également cette compétence emploi ? Car l’emploi nous préoccupe tous.
Vous ayant déjà présenté en détail le contenu de cet article additionnel lors de la discussion générale, je me contenterai de rappeler les deux principes fondamentaux qui ont guidé notre réflexion. D’une part, nous confortons les missions de Pôle emploi au niveau national et régional afin d’en faire l’acteur incontournable de la politique de l’emploi. D’autre part, la région aura la charge d’assurer la coordination des intervenants du service public de l’emploi sur son territoire, ce qui implique naturellement qu’elle préside le Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CREFOP, qui a été créé par la loi du 5 mars 2014.
Le mérite de cet article additionnel est, me semble-t-il, de lancer le débat, sans tabou, sur la place des régions en matière de coordination de la compétence emploi puisque nous ne pouvons pas aller plus loin – article 40 oblige !
Je ne suis pas certain de bien comprendre les intentions du Gouvernement en la matière. Mme Marylise Lebranchu, puis M. André Vallini se sont tout d’abord montrés favorables à une expérimentation de la décentralisation de la compétence emploi – lors d’une réunion qui s’était tenue salle Clemenceau –, avant que le Premier ministre lui-même n’y mette son veto à Dijon en faisant en sorte de présenter l’amendement n° 760 du Gouvernement, qui revient au texte initial et qui vide complètement de sa substance l’article 3 bis que nous avons essayé de mettre sur pied dans notre souci de transfert d’une coordination de cette politique de l’emploi au niveau régional en cohérence avec orientation, formation professionnelle et apprentissage.
Il y a une redoutable logique dans cette affaire. C'est la raison pour laquelle il est important de se pencher très sereinement sur ce dispositif. Il ne s’agit pas de déshabiller les compétences de l’État – c’est une compétence régalienne. Il ne s’agit pas de remettre en cause le code du travail. Il ne s’agit pas, bien entendu, de remettre en cause les allocations attribuées aux chômeurs. Il s’agit d’envisager une meilleure coordination de la politique de l’emploi à l’échelon régional pour mieux la décliner à l’échelon local.
Je tenais à vous présenter le cadre de travail qui nous a animés pour cet article 3 bis.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Madame la ministre, mes chers collègues, la situation de l’emploi est particulièrement grave dans notre pays puisque les dernières statistiques officielles de Pôle emploi, publiées en décembre, ont marqué une nouvelle étape dans la détérioration de la situation avec plus de 5,5 millions de personnes privées d’emploi au total entre les trois catégories A, B et C.
Y a-t-il pour autant un lien de cause à effet entre la progression du nombre des personnes privées d’emploi et l’activité de Pôle emploi qui, pour le compte de l’État, est chargée d’intervenir pour les recevoir, les indemniser et les orienter vers la reprise d’activité ?
Est-ce en confiant l’organisation du service public de l’emploi aux régions que l’on va résoudre le problème ? C’est la question qui nous est posée.
Il y a, on le sait, beaucoup de non-dits en matière d’emploi dans notre pays et le chômage, s’il constitue le problème sur lequel chacun se penche avec gravité, recouvre aujourd’hui des formes si diverses qu’il est quasiment impossible de penser qu’une simple « réorganisation administrative » du service public de l’emploi suffise à renforcer les moyens de le réduire.
La seule lecture des données statistiques de Pôle emploi fixe rapidement les choses.
Les deux premières sources du chômage continuent d’être les mêmes : d’une part, les licenciements économiques ; d’autre part, les privations d’emploi pour fin de contrat de travail à durée déterminée.
Certains parlent de rigidité du code de travail, alors qu’il a été largement fragilisé depuis une bonne trentaine d’années par l’ensemble des dispositifs de flexibilité facilitant les embauches sur durée précaire ou limitée, favorisant notamment l’intérim et le temps partiel imposé, ce qui, faut-il le rappeler, touche les femmes en priorité.
Ce n’est pas parce que les régions auront acquis l’éventuelle mission d’organiser les services de Pôle emploi que cette situation cessera.
Il convient, de notre point de vue, de faire le bilan de la fusion ratée de l’ANPE et des ASSEDIC.
La qualité du service rendu aux personnes privées d’emploi passe, de fait, par une clarification et une amélioration du dialogue social au sein des services de Pôle emploi et par un renforcement des garanties collectives accordées aux salariés de l’établissement.
D’autant que les opérateurs privés de soutien à la recherche d’emploi qui se sont développés ces dernières années n’ont pas fait la démonstration, dans le cadre de la fin du monopole de la gestion des offres et demandes d’emploi par l’ANPE, de leur capacité à faire mieux que l’opérateur public.
Il convient donc, selon nous, de renforcer les garanties collectives accordées aux agents de Pôle Emploi pour gagner en efficacité dans l’action menée face au chômage. Moins de précarité au sein des personnels de l’établissement, c’est plus de disponibilité pour les personnes privées d’emploi, plus de suivi personnalisé et de qualité.
C’est notamment ainsi que nous rendrons plus performant le service public de l’emploi, même si ses difficultés sont loin d’être le seul obstacle sur la voie du plein-emploi.
Enfin, il faut le dire, la disparité des moyens entre les régions ne permettra pas un traitement égalitaire des citoyens privés d’emploi sur l’ensemble du territoire. Aussi, nous ne sommes pas favorables à ce transfert de compétences vers les régions.
Si, malgré tout, on devait aller au bout de ce transfert, il ne faudrait pas s’arrêter au milieu du gué, mais transférer aussi aux régions la gestion du RSA, puisque ses allocataires, au nombre de 1 million, n’ont pas vocation à demeurer seulement des bénéficiaires d’allocations sociales, mais sont appelés à retrouver un emploi.
Si l’on doit donner cette mission ambitieuse aux régions, il faut aussi leur confier la gestion du RSA.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 96 est présenté par M. Godefroy.
L’amendement n° 348 rectifié est présenté par MM. Doligé, Cardoux, Magras, Milon, Laménie et Houel, Mme Deroche et MM. Calvet et Kennel.
L’amendement n° 846 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Les amendements nos 96 et 348 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 846.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Une chose est de soutenir les politiques de coopération interinstitutionnelle et la mutualisation des moyens, une autre est de confier à un échelon territorial la compétence essentielle en la matière.
Christian Favier vient de le dire, avec cet article 3 bis, qui résulte d’un amendement déposé par les deux corapporteurs du projet de loi, nous nous posons la question suivante : quelle plus-value pourrions-nous dégager d’une forme de régionalisation de l’action publique en matière d’emploi ? Nous nous interrogeons d’autant plus que l’efficacité effective de la régionalisation de la formation et de l’apprentissage semble connaître quelques limites.
L’article 3 bis tend à donner aux élus régionaux une compétence nouvelle en matière de suivi de l’activité des acteurs du service public de l’emploi, un service public qui a été, d’abord et avant tout, victime de l’unification entre l’Agence nationale pour l’emploi et les ASSEDIC. Ce mariage entre une agence publique sous contrôle du ministère du travail et une structure paritaire composée des partenaires sociaux a fait la démonstration de la perte d’efficacité.
Au demeurant, le rôle central, jadis dévolu à l’ANPE, en matière de conseil et de placement des personnes privées d’emploi s’est trouvé peu à peu mis en question par l’intervention de cabinets de recrutement plus ou moins efficaces, tandis que la croissance continue du nombre des personnes privées d’emploi, la diversité de leurs situations et de leurs attentes, étaient autant de facteurs rendant toujours plus complexe l’intervention de Pôle Emploi.
Nous sommes convaincus que ce n’est pas par la régionalisation de l’action de Pôle Emploi et de ce qu’il reste de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, d’ores et déjà quasi démantelée par la décentralisation Raffarin, que nous ferons « mieux » en la matière. Avant de confier la formation et l’emploi aux régions, sans doute conviendrait-il plutôt, dans un premier temps, de faire le bilan de ce qui a déjà été engagé.
Soyons clairs : pour les personnes privées d’emploi, le fait que le même guichet serve à s’inscrire au chômage et à former un dossier d’allocation ne change pas grand-chose sur le fond.
Une statistique récente nous indiquait le mois dernier que 85 % des contrats de travail passés en France concernaient des embauches à durée déterminée d’une amplitude médiane de dix jours. De fait, le service public de l’emploi tel que nous le connaissons aujourd’hui fonctionne comme une sorte de super agence de travail intérimaire ne proposant que des contrats courts.
Est-ce apporter un « plus » aux compétences et aux fonctions des élus régionaux que de transformer ceux-ci en gestionnaires de cette précarité du travail ? Nous ne le pensons pas. C’est donc au bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l’article 3 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme l’a expliqué René-Paul Savary, cet article est très important et la commission des lois ainsi que la commission des affaires sociales l’ont approuvé, en souhaitant que soit franchie une nouvelle étape de la décentralisation, notamment dans le domaine de l’emploi.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement n’a pas la même position que le rapporteur sur ce sujet. Mais, dans la mesure où nous allons beaucoup avancer, je demande aux auteurs de l’amendement n° 846 de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement n° 760 du Gouvernement, qui tend à poser un jalon sans doute excessif à leurs yeux, mais qui permet cependant d’adopter une position raisonnable à ce stade du débat.
M. le président. L’amendement n° 846 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 760, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
consultation des conseils régionaux
par les mots :
concertation au sein du conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles
III. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
et l’adaptation des conditions de mise en œuvre de ses missions à la situation de chaque région
IV. – Alinéa 10
Après les mots :
service public de l’emploi
insérer les mots :
le cas échéant,
V. – Alinéas 11, 12, 18,19 et 21 à 27
Supprimer ces alinéas.
VI. – Alinéas 28 à 39
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
8° Après le 3° de l’article L. 6123–4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sa contribution aux actions entreprises ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Premier ministre disait récemment, et encore cet après-midi, qu’il fallait progresser sur le sujet. Je vais vous apporter quelques éléments d’information, mais je m’étendrai moins longtemps que sur la question des financements, et j’espère que M. Delebarre me le pardonnera... (M. Michel Delebarre s’exclame.) Je souris, monsieur Delebarre.
La lutte contre le chômage est la première attente des Français à l’égard d’un gouvernement quel qu’il soit, et de celui-ci en particulier.
L’accent mis, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises et sur les engagements des branches pour la création d’emplois, dont certains, il faut le reconnaître, tardent quelque peu à se concrétiser, le renforcement des moyens de Pôle Emploi – nous créons 400 postes supplémentaires pour répondre à la demande de nos concitoyens en situation de chômage ou de recherche d’un premier emploi –, la lutte contre la précarité, la loi 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, créant, dans un contexte économique complexe, de nouveaux outils de préservation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, dont les résultats ont été meilleurs que prévu, la priorité donnée à l’insertion professionnelle des jeunes, la mise en œuvre des emplois d’avenir, le déploiement de la Garantie jeunes pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, le plan de lutte contre le décrochage scolaire : toutes ces actions de l’État sont menées avec les collectivités territoriales ; je pense, notamment, aux accords passés en matière d’apprentissage.
Le service public de l’emploi, nous en sommes tous convaincus, doit à l’évidence améliorer ses résultats concrets. Le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social partage largement cette appréciation, et il l’a dit publiquement. C’est la priorité de son ministère, en particulier au travers d’une meilleure territorialisation de ses objectifs et de son organisation, et d’une meilleure coordination des intervenants, qui sont des axes essentiels.
S’orienter, à l’inverse, vers un chamboulement institutionnel – je n’aime pas l’expression « big bang » – en pleine période de crise économique, dont nous souhaitons tous sortir, serait fort complexe. En effet, remettre en cause aujourd’hui Pôle Emploi risquerait de déstabiliser les services et les opérateurs, au moment précis où ils doivent être pleinement mobilisés. C’est pour nous une interrogation, que nous partageons au cours de nos échanges avec les personnels concernés et certains responsables de collectivités.
Pôle Emploi doit améliorer ses performances. Une feuille de route a été donnée en ce sens, et personne ne conteste cette nécessité.
La réorganisation du service public de l’emploi est récente. Comme le disait M. Gérard Larcher, qui connaît mieux que personne Pôle Emploi, très peu de temps s’est écoulé depuis sa création ! L’ANPE et les ASSEDIC représentaient deux cultures, et, nous l’avons tous vécu dans nos territoires, c’était difficile.
Lorsqu’on réfléchit aux services qui pourraient être décentralisés, ceux-ci se trouvent toujours dans le bloc ANPE et jamais dans le bloc ASSEDIC, par respect des partenaires sociaux, patronaux et salariés, qui ont réagi de conserve à ces propositions. C’est donc une difficulté supplémentaire.
Des avancées sont possibles, bien évidemment. Le Gouvernement propose d’ores et déjà de renforcer la présence des régions au sein du conseil d’administration de Pôle Emploi. Il faut les associer plus fortement au pilotage des opérateurs du service public de l’emploi, au titre de leurs compétences en matière d’orientation et de formation professionnelle.
Il faut également supprimer la convention entre Pôle Emploi et le préfet de région pour affirmer le rôle central des conventions régionales de coordination conclues entre l’État, la région et les opérateurs, comme levier d’adaptation territoriale du service public de l’emploi. Cette avancée n’est pas mince, chacun le sait.
Le caractère opérationnel de ces conventions, qui doivent désormais fixer les moyens engagés par chaque signataire pour leur mise en œuvre, est par ailleurs renforcé.
Vous le savez, le Gouvernement est ouvert à des évolutions qui iraient au-delà de ce qu’il préconise dans son amendement, dès lors que l’unité de Pôle Emploi et sa gouvernance, nationale et locale, ne sont pas remises en cause.
M. Bruno Retailleau. Ce qui est le cas !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui, donc, à un rôle plus affirmé de la région !
Nous devrons, au cours du débat parlementaire, approfondir la réflexion sur la recherche de la bonne solution, notamment grâce à l’éclairage apporté par les travaux en cours, pilotés par Thierry Mandon, sur la revue des missions de l’État.
Plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes, parmi lesquelles figure un nouveau pilotage du service public de l’emploi.
L’élément nouveau apporté par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, c’est la création – très récente, donc – des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, qui ont pour but de mettre un terme à la dichotomie qui existait jusqu’alors dans les régions entre le volet formation professionnelle et le volet emploi. Ils ont pour mission d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi, et la cohérence des programmes de formation dans la région.
Tout cela étant très récent, nous n’avons pas encore de retour sur l’efficacité de cette disposition.
Le Gouvernement propose de gérer le service public de l’emploi avec une co-présidence État-région – elle fait problème, mais nous allons en discuter – comme une sous-commission du CREFOP chargée d’établir une stratégie régionale de l’emploi.
Cette structure ad hoc État-région pourrait répondre à la nécessité d’une meilleure stratégie régionale de l’emploi.
En envisageant un rôle de chef de file des régions pour les politiques de l’emploi, à l’exception des missions de l’État et de Pôle Emploi, on leur permettrait de lancer des conventions d’exercice concerté de cette compétence entre collectivités. Cela faciliterait le quadrilogue de ces collectivités avec l’État, Pôle Emploi et les partenaires sociaux.
Il faut approfondir la réflexion sur une intégration plus complète des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle.
Il faut en particulier poser la question des actions : soutien aux missions hors contrats aidés, soutien aux maisons de l’emploi, soutien aux PME en matière de mise en œuvre au niveau régional du pacte de responsabilité, bien sûr, gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des – GPEC –, soutien à la validation des acquis de l’expérience – VAE – dans les centres agrées et en matière de prévention et d’accompagnement des mutations économiques – à cet égard, quelques expériences ont été menées et ont donné des résultats intéressants, y compris dans une région que je connais bien et qui a malheureusement subi un traumatisme important –, cellule d’appui à la sécurisation professionnelle – c’est un sujet de coordination aussi –, soutien à la création d’entreprises bien évidemment.
Sur cette ligne, le Gouvernement sera ouvert aux propositions d’amélioration du projet de loi qui pourraient être faites, notamment lors de la navette parlementaire – sans doute beaucoup lors de la navette parlementaire –, laquelle devrait également permettre d’intégrer les conclusions de la revue des missions de l’État territorial qui seront présentées le mois prochain concernant l’action des services déconcentrés en matière de soutien au développement de l’emploi. Des ateliers de consultation locale ont été spécifiquement mis en place, auxquels vous avez d’ailleurs participé, les uns et les autres.
Voilà résumé l’état de la réflexion gouvernementale de l’ouverture, ouverture qui doit nous conduire, dans le cadre des deux lectures, à trouver la meilleure solution possible. Je le répète : bouleverser Pôle emploi aujourd'hui constituerait sans doute un problème majeur.
Nous commenterons un certain nombre de propositions ayant d’ores et déjà été faites et nous veillerons à avancer, à provoquer un véritable échange entre la majorité et l’opposition, au cours des deux lectures du texte, au Sénat et à l’Assemblée nationale, afin de faire émerger une solution permettant d’accroître l’efficacité des systèmes mis en place, au bénéfice de nos concitoyens.
Des questions demeurent. Nous avons ainsi demandé à rencontrer l’Association des maires de France concernant les missions locales.
Nous apprécions le travail de la commission et du Sénat dans son ensemble. Je pense donc que, en faisant preuve d’optimisme, comme d’habitude, mais surtout en étant très raisonnables, nous serons en mesure de réaliser un net progrès, grâce aux propositions de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 727, présenté par M. Jarlier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
Les communes
Insérer les mots :
et leurs groupements
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Le texte de la commission des lois précise que les communes peuvent concourir au service public de l’emploi. Or, localement, ce sont souvent les intercommunalités qui sont aujourd'hui à l’origine de l’ouverture de maisons de services au public, lesquelles peuvent proposer des services liés à l’emploi ou à l’insertion, pour ne citer que ces exemples.
Cet amendement tend donc à préciser que les groupements de communes peuvent aussi concourir au service public de l’emploi au même titre que leurs communes membres.
M. le président. L'amendement n° 943, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
communes
insérer les mots :
et intercommunalités
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 944, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1028, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 25, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et par un représentant des organisations syndicales de salariés ou des organisations professionnelles d’employeurs
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à confier la vice-présidence du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CREFOP, outre au préfet de région, à un représentant des syndicats de salariés ou des organisations patronales.
L’article 3 bis confie en effet la présidence du CREFOP au président du conseil régional, en vue d’assurer la coordination des intervenants du service public de l’emploi. Actuellement, le CREFOP est présidé par le préfet de région, la vice-présidence étant généralement assurée en pratique par un représentant des salariés ou des employeurs. Il s’agit donc de conserver cette vice-présidence, en prévoyant deux vice-présidences au sein du CREFOP.
M. le président. L'amendement n° 945, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Après le mot :
avec
insérer les mots :
le représentant de l'État dans la région,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 677, présenté par MM. Cazeau et Tourenne, Mme Perol-Dumont, MM. Madrelle et Daudigny, Mmes Bataille et Claireaux et MM. Cornano, Miquel, Cabanel et Courteau, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par les mots :
après concertation des présidents de conseils départementaux concernés
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, j’éprouve quelque pudeur à présenter cet amendement, car chaque fois que je parle du département à ce stade de l’examen du projet de loi, je me fais systématiquement renvoyer dans mes 22. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non ! Le département connaîtra son moment de gloire plus tard. Cela va venir…
M. Bernard Cazeau. Cet amendement porte sur l’emploi des personnes handicapées.
Ne croyez pas, monsieur le rapporteur, que je conteste la compétence régionale en ce domaine, mais, compte tenu du fait que le département a lui aussi des compétences en la matière – il s’occupe des ressources des personnes handicapées, à travers la prestation de compensation du handicap, la PCH, mais aussi de la recherche d’emploi et de l’insertion d’un certain nombre d’entre elles, à savoir celles qui peuvent travailler –, il serait intéressant – j’y mets les formes – qu’une concertation puisse avoir lieu sur ces sujets entre la région et l’exécutif départemental.
M. le président. L'amendement n° 946, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Après les mots :
les maisons de l'emploi
insérer les mots :
, les plans locaux pour l'insertion et l'emploi,
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 947, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 33
1° Remplacer le mot :
mobilise
par le mot :
travaille
2° Après le mot :
coordonnée
insérer le mot :
avec
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 760, 727 et 677 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement du Gouvernement reconnaît la pertinence de la question posée par la commission : comment confier aux régions de nouvelles responsabilités en matière d’emploi, dans le cadre de nouvelles mesures de décentralisation ? Cela s’appelle la captatio benevolentiae !
Pour autant, il veut en supprimer l’essentiel pour s’en tenir simplement à une meilleure association des régions à la politique nationale de l’emploi, avec un siège pour l’ARF, l’Association des régions de France, au sein du conseil d’administration de Pôle emploi – bel effort ! – et une concertation au sein du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, auquel les régions participent, avant la signature de la convention nationale entre l’État, Pôle emploi et l’UNEDIC.
Il faut souligner l’effort du Gouvernement, même s’il est extrêmement modeste comparé à l’intention qui était la nôtre, laquelle, il faut bien le reconnaître, n’était pourtant pas démesurée.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’était pas du tout question que les régions prennent en charge l’accompagnement vers l’emploi de Pôle emploi, encore moins les indemnisations, bien sûr. Nous souhaitions simplement une concertation avec les régions.
Peut-être pourrions-nous accepter telle ou telle modification particulière de l’article 3 bis, qui n’est pas parfait, mais en aucun cas nous ne voterons en bloc toutes les modifications qui nous sont proposées, car elles n’ont pas de sens. Franchement, on se ridiculise !
Laissons plutôt la navette affiner cette question...
J’indique par ailleurs qu’une expérimentation du transfert aux régions de la compétence en matière de service public de l’emploi et des crédits correspondants de l’État avait été très fortement envisagée par des ministres, lesquels n’ont ensuite rien proposé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Gouvernement n’a pas proposé d’amendement dans ce sens. Pour notre part, nous en avions déposé un, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si le Gouvernement avait déposé un amendement, nous l’aurions examiné avec soin, et sans doute l’aurions-nous adopté. Tel n’ayant pas été le cas, nous en avons proposé un visant à permettre une expérimentation, mais, je le répète, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, à raison d’ailleurs s’agissant d’une initiative parlementaire.
Pour tous ces motifs, madame la ministre, c’est avec beaucoup de regrets que j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
En revanche, je suis favorable à l’amendement de M. Jarlier, car il est vrai que les intercommunalités sont extrêmement actives en matière d’accompagnement vers l’emploi.
M. Bruno Sido. Comme chacun le sait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il va donc de soi qu’elles doivent être associées.
L’amendement de M. Cazeau tend à prévoir que les conventions conclues par la région avec les différents intervenants du service public de l’emploi, dont Cap Emploi, chargé de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, donnent lieu à une concertation préalable avec les présidents des conseils généraux de la région.
Une telle disposition n’est pas prévue actuellement par le code du travail, même si la région est concernée. Si cet amendement était adopté, nous ferions donc une innovation.
En outre, l’amendement vise un domaine très particulier, mais son dispositif ne fait pas de distinction et s’applique à toutes les conventions. Peut-être faudrait-il le retravailler et proposer une nouvelle rédaction ?
C’est vrai que le département a une responsabilité vis-à-vis des personnes handicapées, dont il s’occupe du retour vers l’emploi, mais votre amendement est trop général, mon cher collègue, pour que la commission des lois puisse émettre un avis favorable, même si nous voyons bien qu’il y a un problème en ce qui concerne l’accès au travail des handicapés.
J’ajoute, monsieur Cazeau, que si nous n’avons pas beaucoup évoqué le département cette semaine…
Mme Nicole Bricq. Mais on n’arrête pas d’en parler !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … nous en parlerons beaucoup, beaucoup, beaucoup la semaine prochaine.
M. Bernard Cazeau. Je l’espère !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement ne peut évidemment qu’être défavorable aux amendements autres que le sien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme l’a fait remarquer M. le rapporteur, la proposition de la commission est extrêmement modeste. Il s’agit de transférer non pas la compétence emploi, mais la gestion du service public de l’emploi. Si ma mémoire est bonne, cette idée est évoquée ici depuis de nombreuses années. La première fois qu’il en a explicitement été question, ce fut dans le rapport Belot, qui a entraîné ensuite la création du conseiller territorial.
La logique voudrait que, en confiant toute la problématique de l’emploi, notamment la formation, à la région, on lui confie aussi la compétence en matière de retour à l’emploi.
On se dit toujours que les autres font mieux que nous. À cet égard, j’évoquerai un exemple intéressant, celui du Danemark. En matière de flexisécurité et de retour à l’emploi, ce petit pays est assez intéressant. Il a décentralisé le service de l’emploi et la gestion du retour à l’emploi non pas à la région, ce niveau ayant été supprimé, mais aux communes. Dans un petit pays, c’est faisable.
Il me semble donc que le problème du retour à l’emploi n’est pas seulement d’ordre administratif. C’est aussi un problème de formation, de modifications des formations, de flexibilité dans les formations. Il importe de connaître les besoins locaux pour faire véritablement baisser le chômage. Je ne vois pas pourquoi l’État devrait se préoccuper de cette question. Que l’État arbitre, encadre, fasse les textes, dise ce qu’il ne faut pas faire, oui, mais c’est bien sur le terrain que s’organisera le retour à l’emploi.
Ce qui me frappe dans nos débats, c’est qu’on a l’impression que nous ne faisons face qu’à un problème de gestion administrative. Il faudrait sortir de cette logique – il m’est un peu curieux de m’entendre dire cela car je ne suis plutôt pas trop porté sur ce genre de choses. C’est à l’échelon local que l’on a quelque chance de faciliter le retour à l’emploi, d’organiser une certaine fluidité.
Eh bien non ! Cette proposition est accueillie comme le scandale des scandales ! Alors que l’on cherche à transférer d’une collectivité à une autre des compétences qui, ma foi, ne sont pas si mal exercées, on avance avec d’infinies précautions dans ce domaine, dans lequel on pourrait pourtant véritablement innover.
À ce titre, les propositions de la commission visant à améliorer les choses ne doivent être entendues que comme un premier pas. Nous restons vraiment loin du compte.
Je suis très étonné de cette réticence de l’État devant de modestes innovations qui, à mon goût, devraient déboucher sur d’autres progrès beaucoup plus importants, et plus logiques encore. C’est à la région de se charger de l’animation économique et ce qui l’accompagne, c'est-à-dire l’emploi et la formation !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais dire d’abord un mot de l’amendement n° 677 de notre collègue Bernard Cazeau. Comme l’indiquait Jean-Jacques Hyest, sa rédaction est sans doute trop générale mais il présente tout de même de l’intérêt.
Dans tous nos départements, il existe des plans départementaux d’insertion, chacun d’entre eux portant une attention toute particulière à l’emploi des handicapés, dont vous savez qu’ils sont en proportion deux fois plus concernés par le chômage que le reste de la population. Ces personnes ont besoin d’un accompagnement beaucoup plus soutenu et personnalisé, comme les professionnels concernés.
Je n’ai pas le pouvoir de réécrire ni de sous-amender la proposition du sénateur Cazeau, mais il faudra l’approfondir durant la navette.
En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, et cet article, je veux dire de la façon la plus solennelle que j’ai entendu moi aussi le souhait du Premier ministre de trouver un accord entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
Madame la ministre, un tel accord ne sera pas possible si trois marqueurs auxquels nous tenons tout particulièrement ne sont pas clairement assumés et acceptés par le Gouvernement.
Le premier, nous y viendrons très rapidement, c’est la clarification des compétences avec le principe de subsidiarité. Nous voulons des régions agiles, des collectivités de projet et non pas de gestion. Il nous semble absolument incohérent d’embarrasser les grandes régions avec des compétences du quotidien.
Nous ne voulons pas, ensuite, d’une France napoléonienne, que vous passeriez sous la toise uniforme de la loi du nombre, de la règle des 20 000. C’est notre deuxième marqueur. Nous serons très attentifs à cette prise en compte de la diversité, car, encore une fois, la modernité, c’est la diversité.
Enfin, le Sénat a souhaité un texte audacieux. Je salue de nouveau les efforts de la commission des finances sur ce texte. Depuis trente ans et les lois Defferre, c’est le premier texte qui ne comportait pas de transfert de compétences décentralisées de l’État vers les collectivités, alors même que cela devrait faire partie de votre patrimoine génétique. Nous avons souhaité présenter un texte plus audacieux que celui du Gouvernement et proposer, par souci de cohérence mais aussi d’efficacité, que les régions puissent avoir une part dans la compétence de l’emploi. Tel est notre troisième marqueur.
C’est une question de cohérence. Nous avons suffisamment évoqué l’article 2 pour répéter que la légitimité économique accordée aux régions nous paraît absolument capitale. Or qu’est-ce que l’économie, si elle ne vise pas à développer l’emploi, au moment où la France connaît ce chômage endémique ?
C’est également une question de légitimité et d’efficacité, dans la mesure où les régions sont déjà au cœur de la formation professionnelle. Elles le sont toutefois incomplètement, et nous vous proposerons des dispositifs pour qu’elles acquièrent la quasi-plénitude de cette compétence de formation professionnelle. Tout cela fait sens, c’est évident.
Malheureusement, Jean-Jacques Hyest l’a très bien dit, votre texte vise à ôter la substance du travail de la commission, qui a d’ailleurs été très consensuel, bien au-delà de la famille que nous représentons, qu’il s’agisse de l’UMP ou de nos amis et collègues du Centre.
Nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement, par logique et par cohérence avec un de nos marqueurs fondamentaux. Nous souhaitons que ce texte ne vise pas à seulement réorganiser des compétences entre les niveaux de collectivités, mais envoie un signal de décentralisation.
Si l’État, au-delà des gouvernements, avait réussi dans cette mission de l’emploi, cela se saurait ! Essayons de mieux territorialiser pour prendre en compte la diversité économique de nos territoires. Confions aux régions cette mission de coordination de tous les acteurs du grand service public de l’emploi ! Vous verrez alors que l’emploi ne s’en portera que mieux. Osons ! Ayons de l’audace ! C’est, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que nous vous demandons en cet instant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous avons mené un certain nombre d’auditions afin d’élaborer cet amendement quelque peu compliqué. Tout le monde fait le constat de cette complexité, et cela ne date pas aujourd’hui : depuis 2004 on sait qu’en France le dispositif d’intervention en matière de politique de l’emploi est le plus compliqué d’Europe.
Regardez qui intervient dans ce domaine : l’État, ses services déconcentrés, Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, les maisons de l’emploi, les structures en charge des plans locaux pour l’insertion et l’emploi – les PLIE –, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les chambres consulaires. C’est une véritable mosaïque, vous voyez comme l’affaire est compliquée !
Et face à ce constat, nous devrions rester les bras croisés ? Il y a plus de trois millions de chômeurs, et on nous dit : « ne bougeons pas ! »
On entreprend une réorganisation territoriale dont le problème le plus crucial est l’emploi, et dans ce domaine, on ne devrait surtout toucher à rien ? C’est cela que vous proposez, madame la ministre !
En dehors de celui dont nous discutons maintenant, ce texte ne contient plus d’articles concernant l’organisation ou la gestion de l’emploi ! Il est proprement sidérant que, dans une période économique particulièrement difficile, nous ne soyons pas capables de parvenir à un consensus pour essayer, au moins, de mieux réorganiser !
Vous avez, dites-vous, encore augmenté le personnel de Pôle emploi. Dont acte ! Mais la réponse, c’est toujours plus de charges ! Nous savons que les coûts de fonctionnement de nos politiques sont déjà trop importants, mais on en ajoute encore ! Or, à travers la coordination, on pourrait, si chacun parvenait à faire un effort, envisager de définir une meilleure réponse à périmètre financier constant. C’est une ambition tout à fait légitime.
Votre amendement prévoit pourtant de ne surtout rien bouleverser. Voilà : ça va mal, c’est compliqué, c’est difficile, mais, surtout, on ne bouleverse rien ! Telle n’est pas la réponse que les Français espèrent vous voir apporter à leur première préoccupation : le chômage.
Que proposons-nous ? Tout simplement une meilleure coordination, notamment au niveau des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP. Votre réponse ? Ils seront coprésidés ! Ah, c’est facile une coprésidence ! Ça permet de vraiment régler les problèmes ! Quand il y a une difficulté, on crée une commission ou on met en place une coprésidence. C’est souvent ce que je fais sur mon territoire quand je veux que rien ne bouge ! Une coprésidence entre préfet et président de région, c’est la garantie que personne ne prendra de décision.
Une mesure simple de coordination consisterait à confier à un président de région la présidence de ces CREFOP, que vous avez vous-même créés, madame la ministre.
Ces comités sont issus de la loi de mars 2014. Ce n’est pas très ancien : c’était il y a presque un an ! Ils ne se sont réunis qu’en fin d’année pour essayer de désigner les membres d’une commission exécutive. La politique de l’emploi, est-elle ou non une priorité ?
Le CREFOP offrait véritablement l’ébauche d’une instance de coordination, mais personne ne l’a réunie ! Très peu de régions ont mis sur pieds le dispositif. On peut toujours en changer la présidence, cela ne bouleversera rien : ces comités n’ont encore pris aucune décision.
C’est pourquoi nous proposons un système qui ne mettra personne de côté : le président du conseil régional assurera la coordination de la politique de l’emploi, et non pas sa gestion, j’insiste.
Que proposez-vous ? Une sous-commission chargée de la stratégie pour coordonner ! Retour à la case départ ! Ce n’est franchement pas une idée consensuelle. Voilà pourquoi nous avons fait un pas, qui, je le répète, ne fragilise en rien les partenaires sociaux. Épargnez-nous un procès d’intention à ce sujet : nous avons été très respectueux des prérogatives de chacun.
Concernant l’amendement n° 677, Bernard Cazeau a raison, il faut revoir la politique du handicap. Toujours au cours des auditions que nous avons menées, les acteurs nous ont fait part des remontées du terrain. Elles ne valent que pour ce qu’elles sont, mais je vous en fais part.
Beaucoup d’entre eux déplorent « la baisse des formations des personnes handicapées financées par les régions ». En 2013, 5 162 personnes handicapées ont été prises en charge dans le domaine de la formation, alors qu’il y en avait 10 321 en 2011. En effet, les régions n’utilisent pas toujours les sommes versées, notamment par l’AGEFIPH, pour prendre en charge les actions d’insertion professionnelle de ces personnes handicapées. L’affaire est grave !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Savary !
M. René-Paul Savary. Le taux de chômage des personnes handicapées est plus important que celui du reste de la population.
Néanmoins, dans un souci, là aussi, de respect des différents acteurs locaux, il nous a semblé que l’accompagnement social en général, concernant les personnes handicapées ou non, relevait toujours de la compétence des départements.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. René-Paul Savary. C’est au niveau des plans territoriaux d’insertion, les PTI, que la coordination locale doit se faire, sous prérogative, bien sûr, de la coordination régionale assurée par le président de région.
Je ne voterai donc pas l’amendement du Gouvernement, et je m’abstiendrai sur l’amendement de M. Cazeau, qu’il faut améliorer.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit, je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à zéro trente, de manière que nous achevions l’examen de l’article 3 bis et que nous examinions l’amendement portant article additionnel après l’article 3 bis. (Assentiment.)
La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Nous voterons en faveur des amendements nos 727 et 677, respectivement présentés par nos collègues Pierre Jarlier et Bernard Cazeau, ainsi que l’amendement n° 1028 de la commission, mais nous ne suivons pas le Gouvernement sur son amendement n° 760.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une gouvernance efficace des politiques de l’emploi. Tendre vers leur territorialisation permettra un traitement plus fin des situations et des réponses apportées.
Madame la ministre, nous avons entendu les inquiétudes du Gouvernement, qui craint qu’une régionalisation des politiques de l’emploi ne déstabilise le système en vigueur autour de Pôle emploi. Nous ne les partageons pas, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, les collectivités locales agissent déjà fortement en matière d’emploi. Les missions locales interviennent notamment dans la gestion des emplois d’avenir.
Ensuite, le présent texte confère une responsabilité forte aux régions en matière économique. À nos yeux, la coordination régionale du service publique de l’emploi est cohérente avec la responsabilité des régions en matière d’économie, de gestion des lycées, de formation professionnelle, d’orientation, d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que de soutien aux mesures éducatives, après l’adoption hier de l’amendement proposé par ma collègue Marie-Christine Blandin.
Il nous semble donc que se dessine ici un faisceau de compétences régionales tout à fait cohérent, de nature à créer les conditions d’une action régionale efficace.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Madame la ministre, l’amendement que vous avez déposé m’interpelle pour deux raisons.
Si j’ai bien compris, avec ce projet de loi, vous souhaitez que la région devienne le principal acteur local en matière de développement économique. Sur ce point, la commission vous a suivie, et on vous a suivie.
Toutefois, pour être efficace en matière de développement économique, il faut pouvoir jouer sur tous les tableaux. L’objectif recherché c’est forcément une meilleure efficacité de l’action publique. Si l’on ne veut rien changer, si l’on veut simplement faire joli dans un tableau répartissant les compétences, on va rater un peu la réforme. Je le répète, le Sénat et la commission des lois vous ont largement suivie jusqu’à présent, madame la ministre.
Il n’est pas facile, je le sais, de changer les choses pour ce qui concerne les institutions traitant des politiques de l’emploi. Je me souviens parfaitement de la création de Pôle emploi. Je ne dis pas du tout que les choses sont simples et faciles. Mais quand même, ce n’est pas parce qu’il est difficile de modifier les choses qu’on ne doit pas le faire !
Honnêtement, si l’on veut que la région obtienne de bons résultats en matière de développement économique, il faut qu’elle puisse actionner tous les leviers, même si cela ne doit pas être forcément fait de manière exclusive : elle doit pouvoir développer l’apprentissage, la formation professionnelle et avoir aussi accès aux leviers de l’emploi. Telle est ma première remarque.
Or l’amendement que vous avez présenté, madame la ministre, vise simplement à supprimer ce qu’a fait le Sénat. Certes, vous prévoyez la création d’un siège supplémentaire dans un conseil d’administration, mais cela ne changera pas la face du monde.
L’alinéa 10 de l’article 3 bis du texte de la commission prévoit des conventions pluriannuelles au niveau régional pour régler les problèmes avec l’institution Pôle emploi. Or, même là, vous proposez d’ajouter les termes « le cas échéant ». C’est dire la grande timidité qui est la vôtre…
Voilà ce qui me fait dire qu’on ne cherche pas en fin de compte à rendre véritablement efficace l’action publique.
Par ailleurs, si l’on veut qu’une réforme territoriale ne soit pas remise en cause par la nouvelle majorité immédiatement après avoir été engagée – de nombreux exemples montrent que les majorités qui se succèdent jouent souvent au Yo-Yo ! –, il faut qu’elle soit acceptée par des majorités qui dépassent un seul camp.
Le Sénat et la commission des lois l’ont bien compris, puisque deux corapporteurs ont été désignés, l’un appartenant au groupe socialiste et l’autre au groupe UMP. En tant que membre d’un groupe minoritaire, je pourrais me plaindre parce que je vois toujours passer le train, mais celui-ci ne s’arrête jamais…
M. René-Paul Savary. Oh !
M. Michel Mercier. C’est la vérité ! Mais j’accepte cette situation parce qu’elle témoigne de la recherche de l’efficacité.
Le texte de la commission a été adopté par une majorité plus large que celle du Sénat ou de l'Assemblée nationale. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse d’entrer dans la discussion. D’ailleurs, si j’ai bien compris, l’amendement n° 760 n’est que le premier d’une série d’amendements visant à revenir au texte initial du Gouvernement.
M. Michel Mercier. Eh oui, madame la ministre, je crois qu’il y en a d’autres ! Je le crains…
M. Bruno Retailleau. Il a raison !
M. Michel Mercier. Si vous voulez que la réforme soit acceptée – nous sommes de bonne volonté ! –, dites-nous clairement quelles sont les intentions du Gouvernement ! Nous sommes prêts à siéger tous les jours, même le samedi, et tous les soirs jusqu’à minuit et demi – cela ne nous pose aucun problème ! –, mais encore faut-il que cela serve à quelque chose. Ne renvoyez pas tout comme ça, sans explication ! Dites-nous ce que vous voulez faire et ayez à l’esprit le fait que nous devons rechercher, tous ensemble, la meilleure efficacité pour l’action publique.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Permettez-moi, à mon tour, de dire quelques mots sur la volonté de nous tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, de lancer et d’approfondir le débat sur l’efficacité des politiques publiques de l’emploi au niveau des régions, dans le cadre de la navette parlementaire, du fait de la multiplicité des acteurs, comme mes collègues l’ont rappelé.
Nous devons planter le décor, une bonne fois pour toutes, à l’échelle de la région, sans, pour autant, retirer des prérogatives à certains niveaux de territoire. La région permet d’avoir une vision stratégique, mais il faut nous préparer à définir, avec les outils de concertation prévus à tous niveaux territoriaux, la façon dont nous allons pouvoir travailler avec Pôle emploi, mais aussi avec l’ensemble des collectivités territoriales.
Ainsi que cela a été rappelé, les collectivités territoriales jouent aujourd'hui un rôle essentiel. Toutefois, les missions de toutes les autres structures lui étant juxtaposées, on constate une grande inefficacité dans l’utilisation des moyens mis à la disposition de tous ceux qui sont aujourd'hui éloignés de l’emploi.
Même si l’on n’y voit pas encore bien clair sur la façon dont les choses vont s’articuler – certes, nous lançons des pistes, et le travail ne fait que commencer ! –, je suis extrêmement sensible à la démarche engagée. De nombreux présidents de conseils généraux se sont exprimés ; ils nous apportent des éléments, car, dans le cadre de leurs compétences, ce sont des sujets qu’ils connaissent bien. Les conseils régionaux consacrent des budgets énormes au titre de la politique de formation professionnelle et de la politique économique.
Pour leur part, les intercommunalités – métropoles, grandes ou petites intercommunalités – gèrent en direct des maisons de l’emploi ou participent à cette action au travers de groupements d’intérêt public, ainsi que des plans locaux d’insertion par l’économie. Certaines d’entre elles sont déjà en train de créer des services de l’emploi pour pallier les manquements actuels. Elles rencontrent en effet parfois des difficultés à trouver des solutions partagées en termes d’accompagnement à la création d’emplois lorsque des projets économiques sont engagés dans des territoires.
Bref, l’ensemble des collectivités mobilisent de nombreux moyens. Or, souvent – bien trop souvent ! –, nous n’arrivons pas à trouver les voies et moyens susceptibles de faire en sorte que les outils stratégiques, les financements portés par les niveaux institutionnels régionaux, départementaux et intercommunaux s’articulent pour répondre aux priorités stratégiques. Il convient de tout articuler, de bien structurer et lier toutes les actions afin que, tant au niveau régional qu’à tous les niveaux territoriaux, Pôle emploi puisse – enfin ! – avoir une ossature lui permettant de décliner ses actions de façon intelligente et structurée, avec un chef de file, qui, bien sûr, ne remet pas en cause une fois pour toutes les compétences des uns et des autres.
Selon moi, avec cet article 3 bis, nous pouvons aujourd'hui commencer à structurer des outils et engager une véritable réflexion sur cette question, qui pourra nous conduire, dans le cadre de la navette, à préciser un peu plus les choses et à proposer des mesures concrètes.
Mes chers collègues, vous l’avez souligné, il importe de trouver – enfin ! – des solutions, afin d’optimiser l’utilisation des milliards d’euros consacrés par les uns et les autres dans la politique de l’emploi. Il convient non pas de réduire les moyens consacrés à cette question, mais de trouver des solutions efficaces à un plus grand nombre de demandes des demandeurs d’emploi.
Combien de fois entend-on qu’il y a une déconnection complète entre les offres et les demandes d’emploi ! Eu égard aux sommes assez considérables que tous les territoires consacrent à la politique de l’emploi, nous ne devrions pas entendre de tels propos. Il y a une incapacité à anticiper, à prévoir. Ce n’est plus possible, il faut changer cet état de fait ! Trouvons le moyen de commencer à traiter ce problème !
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. Notre position n’est pas rêvée. Ceux qui nous regardent travailler sur les orientations que nous voulons donner à la politique de l’emploi ne manqueront pas de nous trouver un peu légers si nous n’arrivons pas à fixer un certain nombre d’éléments forts dans le domaine de l’emploi. Et, monsieur le président, ce n’est pas en nous demandant si nous allons voter tel ou tel amendement que nous nous en sortirons !
Pour ma part, je voterai les deux amendements, en espérant non pas qu’ils demeurent dans leur rédaction actuelle, mais qu’on puisse construire quelque chose, qui satisfera ceux-là mêmes qui attendent que la Haute Assemblée fasse un travail parlementaire positif.
Je l’ai dit au rapporteur, le travail de la commission a été fait et bien fait, tant et si bien que ce dernier a une dizaine ou une quinzaine de revendications ou de suggestions, pour montrer que c’est en ce sens qu’il faut essayer d’avancer.
De son côté, Mme la ministre présente un certain nombre d’orientations dont elle dit qu’elles sont positives et sont de nature à faire évoluer les choses. D’ailleurs, constatons que certains points sont positifs.
Toutefois, les deux propositions ne collent pas, et elles ne colleront pas plus dans cinq minutes lorsque nous devrons nous prononcer sur celles-ci !
En revanche, en l’espace de quelques jours, j’en suis convaincu, on peut élaborer un produit qui soit beaucoup plus significatif.
L’un des points qui posait problème – un certain nombre de sénateurs avaient cette arrière-pensée –, c’est Pôle emploi.
C’est très drôle, il y a quelques heures, un certain nombre de ministres de l’économie et des finances potentiels se laissaient aller à prévoir des impôts nouveaux et à formuler certaines propositions pour l’avenir de la France. En l’occurrence, si nous nous laissions aller, nous serions quelques-uns à être des ministres de l’emploi, potentiels aussi : quand on est ministre de l’emploi, on est bien moins opérateur qu’on ne le croit !
À croire qu’on va pouvoir prendre telle chose ou telle autre à Pôle emploi ! Mais non, cela ne va pas… Pôle emploi est une création de l’État.
M. Michel Mercier. Une création difficile !
M. Michel Delebarre. Certes, mais cette institution, qui a ses propres problèmes, commence à bouger, à évoluer. Laissons l’État assumer sa responsabilité !
En revanche, nous pouvons faire avancer les choses sur bien d’autres points, qui se trouvent à l’intersection des propositions de Mme la ministre et des suggestions de M. le rapporteur. Alors, travaillons à les faire converger ! Voter tel ou tel amendement ne changera pas les choses.
M. Bruno Retailleau. Ah oui, il faut bien voter, pourtant !
M. Michel Delebarre. Oh, j’applaudis des deux mains ceux qui pensent qu’il suffit de voter quelque chose pour que cela devienne réalité. Mais, après, il faut ramer, si je puis dire, pour rendre les choses un peu cohérentes afin de pouvoir les mette en œuvre.
Moi, je souhaite qu’on soit capable de faire ensemble quelques propositions en matière de politique de l’emploi. Les gens pourront dire : c’est bien, ils ont raison, ils ont regardé ce qui se passe, et on agit.
M. Bruno Retailleau. On ne change rien !
M. Michel Delebarre. Pour ma part, je voterai bien un mix des deux amendements. Même si Jean-Jacques Hyest n’y croit pas, moi j’y crois.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas de cette manière que cela se passe !
M. Michel Delebarre. On peut faire bouger les lignes. On n’a pas besoin de quinze jours pour faire des propositions. Nous devenons caricaturaux : vous votez cette proposition, vous ne votez pas l’autre ! Comme si les dispositions proposées dans le premier amendement étaient bonnes et pas les autres !
Vu la situation, faisons un effort pour élaborer une proposition crédible et présentable entre celle de Mme la ministre et celle de M. le rapporteur. Si nous ne parvenons pas à trouver un terrain d’entente, excusez-moi de vous le dire, c’est que nous ne sommes vraiment pas doués. Or ce n’est pas vrai ; je crois que nous sommes plus doués que cela !
En formulant cette suggestion, je suis bien conscient que je complique votre tâche, monsieur le président, mais je connais vos capacités.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je veux bien tout ce que l’on veut. Le rapport de la commission a été déposé avant Noël. Nous avons fait des propositions.
Si tout le monde avait la volonté sincère, comme on nous l’avait dit ou comme on nous l’avait laissé espérer, de travailler ensemble, il en serait autrement. Mais, c’est toujours pareil, comme sur d’autres sujets, un jour, quelqu’un nous dit que nos propositions sont très bien et, le lendemain, une autre personne nous dit qu’elles n’ont plus rien à voir avec le texte.
Conclusion : nous sommes face aujourd’hui à un amendement du Gouvernement qui ne comprend que deux bricoles, autrement dit rien, et qui tend simplement à supprimer tout ce que la commission des lois et la commission des affaires sociales avaient modestement suggéré. Elles avaient proposé de mieux associer la région aux politiques d’accompagnement vers l’emploi.
Cette proposition ne me paraît pas excessive, mais, comme toujours, on la dénature. On nous dit que nous voulons tout anéantir, remettre en cause le partenariat social pour l’indemnisation du chômage. J’ai entendu n’importe quoi.
Il est vrai que chaque « boutique » est plus attachée à sa pérennité qu’au service public. C’est ainsi dans notre beau pays : on veut maintenir des structures non coordonnées. C’est bien pourquoi nous voulons la coordination, celle-ci devant se faire au niveau régional.
Par ailleurs, j’ai la conviction profonde qu’il est indispensable de lier accompagnement vers l’emploi et formation, et cela doit se faire au niveau régional, sinon cela ne fonctionnera pas.
La formation professionnelle a été confiée aux régions, certains s’en plaignent, notamment les services qui en étaient chargés avant. Or, comme je le dis toujours, les services publics sont au service du public, et non pas au service de ceux qui les constituent.
J’admire Michel Delebarre, mais lorsqu’il se prononce en faveur de l’amendement du Gouvernement, qui détruit totalement ce que nous avions patiemment élaboré,…
M. Michel Delebarre. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … cela signifie clairement que, alors que nous nous sommes battus pour donner le maximum de compétences économiques à la région, ce qui n’a pas été facile, on refuse toute nouvelle décentralisation.
D’ailleurs, la situation sera sans doute la même en ce qui concerne la formation universitaire et scolaire. On voudra que l’éducation nationale s’en charge seule – elle s’en occupe tellement bien… –, alors que la formation professionnelle relève de la compétence de la région. Une liaison entre les deux ne me paraît pas non plus excessive. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) En effet, il y a des formations des deux côtés sans aucune communication entre elles. Pensez-vous vraiment que cela fonctionne bien ? (Mme Nicole Bricq s’exclame de nouveau.)
Lors de notre long débat commission des lois qui a précédé l’adoption de cet amendement, j’avais l’impression – mais cela a peut-être changé, ce qui est normal…– que l’on était parvenu à un vrai consensus.
M. René-Paul Savary. Moi aussi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La première fois que nous avons parlé de ce sujet, certains m’ont dit : Le ministère du travail n’en voudra pas. (M. Michel Delebarre s’exclame.) Cela se confirme.
Si on dit « non » à toutes les nouvelles propositions du Sénat (M. Michel Delebarre s’exclame de nouveau.), si en plus on nous dit que tout ce que l’on a fait – j’espère que ce que nous proposons sur la compétence économique de la région demeurera ; mais on peut s’attendre à tout… – ne sert à rien, c’est quand même un peu dommage.
C’est pourquoi je considère qu’il faut voter le texte de la commission et ensuite discuter réellement pour aménager et trouver des solutions. Mais si le texte de la commission n’est pas adopté, cela signifie que l’on ne veut rien faire. Or ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut tout prendre en compte, y compris avec vous, monsieur Retailleau, qui avez regagné l’hémicycle à l’instant pour ce sujet important.
Nous avons eu dans cette enceinte une discussion, laquelle s’est terminée en mars 2014, sur un texte qui figurait dans le projet de loi « décentralisation » et qui était le gros point de la décentralisation.
J’ai accepté en début d’année que cette grande partie soit enlevée du texte que nous discutons aujourd’hui afin de gagner du temps sur la formation professionnelle et les grandes questions de l’emploi.
La décentralisation majeure, en dehors de la gestion des fonds structurels, qui était dans le premier projet de loi, vous ne la souteniez pas du tout. Je le rappelle par souci de cohérence – nous devons tous être cohérents avec nos propos antérieurs.
En effet, à l’époque, la majorité actuelle du Sénat et une partie de l’ancienne majorité, soit environ les trois quarts des sénateurs, ne soutenaient pas le grand volet de la décentralisation, considérant qu’il allait trop loin et qu’il contenait un trop grand nombre d’articles.
Nous avions alors passé un accord avec le ministre de l’emploi pour que, compte tenu de la position des sénateurs et de l’urgence, le texte de décentralisation sur la formation professionnelle puisse passer en priorité.
Nous avons donc réussi un tour de force : la plus grande compétence décentralisée a été portée non par la ministre en charge – parce que le Sénat s’y opposait –, mais par le ministre du travail et de l’emploi.
À ce moment-là, il était parfaitement possible, s’agissant d’un texte de réforme et de décentralisation de la formation professionnelle, d’aborder aussi la gestion des problèmes de l’emploi au niveau des régions, des départements, et des intercommunalités, puisque nous discutions de la question de la décentralisation. Or personne n’est intervenu, ou très peu, pour tenter de rationaliser les choses.
Voté en mars, le texte s’applique depuis le 1er janvier 2015. Avant la fin du premier mois de son application…
M. Bruno Retailleau. Il n’y a pas de bon moment ni de mauvais moment !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Retailleau, je ne vous ai jamais interrompu ! Un membre du Gouvernement n’a pas les mêmes droits qu’un sénateur, me direz-vous, et vous avez raison, mais je vous prie de ne pas m’interrompre.
Le 1er janvier 2015, la mise en application de la décentralisation de la formation professionnelle et la mise en place de ce fameux comité, issu de cette phase de décentralisation, devaient donc débuter.
Trois semaines après, on s’oppose à cette mise en application, jugeant que l’on s’est trompé. Ce qui était valable au 1er janvier 2015 ne l’est plus : la responsabilité de la gestion est confiée à la région.
Il est vrai que l’application d’une loi peut poser problème, et mérite peut-être une nouvelle discussion. Néanmoins, je garde en mémoire le rejet par les sénateurs de la décentralisation de la formation professionnelle.
Lorsque nous sommes arrivés avec cette loi le 5 octobre 2012, vous n’y étiez pas non plus favorables, et d’excellents arguments étaient avancés, tels que l’égalité de droit des gens par rapport à la formation professionnelle ou l’égalité de droit par rapport aux services publics. Mais vous êtes revenus sur ce que vous avez dit à l’époque et la situation a bien changé depuis, et c’est tant mieux !
Cela étant, ce n’est pas simple de réécrire complètement un projet de loi après si peu de temps, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Lorsqu’on parle du comité régional en disant qu’on a juste opéré un changement, il ne faut pas oublier que ce comité régional a trois semaines !
Nous recherchons tous une meilleure efficacité de l’action publique, monsieur le rapporteur. Nous en sommes tous d’accord, il faut améliorer la performance de Pôle emploi. C’est l’objectif de la nouvelle convention tripartite. Il n’est pas possible d’enfoncer un coin dans la porte d’une convention tripartite.
Il est question de permettre aux régions de renforcer l’investissement sur les compétences en matière de formation. Cependant, la part des régions dans la formation des demandeurs d’emploi a baissé l’an passé. Il s’agit là aussi d’un problème que nous devons regarder de près. Pourquoi a-t-elle baissé ? Et beaucoup de ceux qui dirigent les régions me sont proches.
L’amendement du Gouvernement vise à renforcer la coordination entre les opérateurs, même si nous avons parfaitement conscience, monsieur le rapporteur, que les choses ne sont pas suffisamment avancées, je l’ai dit à plusieurs reprises.
La ligne rouge, c’est que l’État ne perde pas les leviers dans le déploiement de ses dispositifs. Il faut regarder cela de près et nous le ferons. J’imagine ainsi que certains qui évoquent souvent l’unité de la République seront attentifs à cet égard. Nous devons savoir comment il est possible de lier vos propositions et la réalité.
Concernant la rationalisation des opérateurs, les uns et les autres s’interrogent sur la nécessité de maintenir, à côté de Pôle emploi, à côté des missions locales, à côté des maisons de la formation professionnelle, les maisons de l’emploi, financées en partie par l’État ?
Nous pourrions peut-être commencer par supprimer les maisons de l’emploi.
M. Michel Delebarre. Quel signal !
M. Michel Delebarre. Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La même question se pose pour les missions locales, mais à nouveau les parlementaires ont souhaité les conserver et en laisser la responsabilité aux maires et aux présidents d’intercommunalités.
Les maisons de la formation professionnelle doivent aussi être maintenues du fait du transfert de la formation professionnelle aux régions, celles-ci seront le lieu où la région pourra expliquer ses politiques de formation.
Nous avons donc quatre structures auxquelles il ne faut surtout pas toucher. Sans compter que dans le cas de grandes difficultés on fait aussi appel à des opérateurs privés et des consultants.
Je vais jusqu’au bout du raisonnement : est-ce parce que l’on ne veut pas toucher aux structures – et elles sont nombreuses – et qu’il existe de multiples opérateurs que l’on propose comme unique solution de donner la coordination aux régions ?
Seulement, la simple coordination par les régions ne suffira pas à mon sens. En effet, lorsque celles-ci seront en charge de la coordination, l’ensemble des structures, à savoir les maisons de la formation professionnelle, les missions locales, les maisons de l’emploi, les agences, et les observatoires de l’emploi, qui ont été créés sur les territoires, existeront toujours.
Confier la coordination aux régions implique-t-il aussi de leur donner le droit de supprimer des structures ? Si tel est le cas, il faut écrire dans le texte que la région peut supprimer des structures parce qu’elles sont trop nombreuses. La situation devient alors intéressante. La question est alors de savoir quelle structure supprimer. Doit-on commencer par supprimer les missions locales, les maisons de la formation professionnelle, les maisons de l’emploi, les agences ou les observatoires. Tout est sur la table et c’est ainsi qu’il faut prendre les choses.
Je rappelle qu’en mars 2014 vous n’étiez pas sur cette ligne majoritairement ; en 2012, d’ailleurs, pas du tout, puisque vous m’avez demandé de reporter toutes ces décentralisations au motif que les articles étaient trop nombreux et qu’il fallait scinder le texte. Nous avons alors fait passer la formation professionnelle car il s’agissait d’une urgence. Parce que nous avons appliqué cette méthode et que le Sénat en est en partie responsable, aujourd’hui nous sommes en difficulté : nous devons modifier une loi trois semaines après son entrée en vigueur.
Quoi qu’il en soit, nous faisons des pas les uns vers les autres. Si je suis un peu véhémente, c’est parce qu’il est extrêmement facile de critiquer !
Je n’ai pas une solution unique à vous présenter. Plusieurs questions demeurent, auxquelles il faudra répondre. Ainsi, l’État doit-il rester dans le service public de l’emploi ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans l’affirmative, de quelle façon ? Ces questions, nous y réfléchirons au cours de la navette parlementaire.
Simplement, j’invite chacun à considérer ce qui s’est passé depuis deux ans et demi, les textes qui se sont succédé, les décisions que nous avons prises et les propos que nous avons tenus. Pour ma part, puisque certains sénateurs ont décidé de parler en toute franchise, je leur rappelle avec la même liberté que ce sujet a été abordé en mars 2014 et que nous aurions pu, dès alors, commencer d’y travailler.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis longue et l’heure est avancée ; aussi vais-je conclure. Un travail important sera nécessaire entre les différentes lectures, mais je suis certaine que nous allons avancer, en mettant au clair les responsabilités de chacun, exécutif et Parlement.
M. Retailleau a exposé tout à l’heure trois conditions. On pourrait d’ailleurs en imaginer d’autres.
M. Bruno Retailleau. Non, il n’y en aura pas d’autres !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez d’abord évoqué la question des 20 000 habitants. Je me souviens de la très longue discussion que j’ai eue avec M. Bas, en public, sur la bonne solution à trouver s’agissant des intercommunalités. À l’époque, un accord existait sur la façon de considérer la diversité des territoires.
Par ailleurs, vous avez évoqué les collèges. Est-ce une avancée ou un recul ? Je ne me prononcerai pas.
Enfin, le troisième point se rapporte au présent débat sur l’emploi. À cet égard, je vous rappelle que nous aurions pu aller plus loin au moment de l’examen du projet de loi dont est issue la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, s’agissant notamment des maisons de l’emploi.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur, vous dites : non ! C’est donc qu’un vrai problème se pose. (M. Bruno Retailleau s’exclame.)
Monsieur Retailleau, je sais que, selon vous, je m’exprime mal. Je m’exprime mal, c’est entendu.
Mme Nicole Bricq. Pas du tout !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Seulement, monsieur le sénateur, je réponds à des interventions venues de toutes les travées, et dont les orientations sont extrêmement différentes : certains disent « blanc », d’autres « gris », d’autres « blanc gris » et d’autres encore « gris blanc ». Ce n’est pas si facile de répondre à chacun quand on siège au banc du Gouvernement ! Il est vrai que, sans doute, vous y arriveriez beaucoup mieux que moi !
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas ce que je veux dire !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le seul engagement que je puis prendre, et que je prends au nom du Gouvernement, à la suite de M. le Premier ministre qui s’est exprimé devant le Sénat à ce sujet, c’est que nous avons la volonté d’aller aussi loin que possible en ce qui concerne l’emploi, sans toucher à la structure de Pôle emploi parce que, en quinze jours, on n’a pas pu dresser le bilan de la réforme entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Nous irons aussi loin que possible, en tirant le meilleur parti de la navette parlementaire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 760.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 229 |
Pour l’adoption | 19 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 677.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 966, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
Un représentant
par les mots :
Trois représentants
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 967, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Un représentant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, désigné sur proposition conjointe des associations des collectivités concernées. » ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1082, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 39
I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le début du 2° de l’article L. 6523-6-1 est ainsi rédigé :
« 2° La première phrase du quatrième alinéa… (le reste sans changement)
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La seconde phrase du dernier alinéa du IV de l’article L. 214-13 du code de l’éducation est supprimée.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président,
M. le président. L'amendement n° 1029, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – À l’exception des 2°, 4° et 6° du I, le présent article est applicable à compter du prochain renouvellement des conseils régionaux.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement, qui porte sur l’entrée en vigueur des nouvelles compétences des régions à l’issue du renouvellement des conseils régionaux, est également un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1082 et 1029 ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 122 amendements au cours de cette séance ; 771 restent à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui vendredi 16 janvier 2015, à neuf heures quarante, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 174, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;
Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (n° 140, 2014-2015) ;
Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 150, 2014-2015) ;
Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 154, 2014-2015) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 157, 2014-2015) ;
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 184, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 16 janvier 2015, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART