compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaire :

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Article 2 (début)

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet no 636 [2013-2014], texte de la commission no 175, rapport no 174, avis nos 140, 150, 154, 157 et 184).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE Ier (suite)

Des régions renforcées

Chapitre unique (suite)

Le renforcement des responsabilités régionales

M. le président. Nous poursuivons l’examen de l’article 2, dont je rappelle les termes :

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2 (suite)

Développement économique

I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Les 4° à 6° du II de l’article L. 1111-9 sont abrogés ;

1° B (nouveau) Les premier et dernier alinéas de l’article L. 1511-1 sont supprimés ;

1° Après le chapitre Ier du titre V du livre II de la quatrième partie, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« Chapitre Ier bis

« Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

« Art. L. 4251-12. – La région est la collectivité territoriale responsable de la définition des orientations en matière de développement économique sur son territoire. Sous réserve des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie, elle est seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire. Elle adopte à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

« Le schéma définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises.

« Il précise les actions menées par la région en matière d’interventions économiques et d’aides aux entreprises et organise leur complémentarité avec les actions menées par les autres collectivités territoriales et leurs groupements en application des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie.

« Il veille à ce que ces actions ne contribuent pas aux délocalisations d’activités économiques au sein de la région ou d’une région limitrophe.

« Il définit également les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire.

« Dans les régions frontalières, il peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités des États voisins.

« Art. L. 4251-13. – Le schéma fait l’objet d’une concertation au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 et avec les organismes consulaires. Il est adopté par le conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux.

« Art. L. 4251-14. – Les orientations et les actions du schéma applicables sur le territoire d’une métropole visée au titre Ier du livre II de la cinquième partie du présent code ou sur le territoire de la métropole de Lyon sont élaborées et adoptées conjointement par l’organe délibérant de la métropole concernée et le conseil régional. À défaut d’accord, les actions conduites par une métropole ou la métropole de Lyon sont compatibles avec le schéma.

« Art. L. 4251-15. – Le schéma est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans la région. Ce dernier s’assure du respect, par le conseil régional, de la procédure d’élaboration prévue par le présent chapitre.

« S’il n’approuve pas le schéma, le représentant de l’État dans la région en informe le conseil régional par une décision motivée qui précise les modifications à apporter au schéma. Le conseil régional dispose d’un délai de trois mois à compter de sa notification pour prendre en compte les modifications demandées.

« Art. L. 4251-16. – Sous réserve de l’article L. 4251-14, les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’intervention économique sont compatibles avec le schéma.

« Art. L. 4251-17. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre. »

II. – La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 711-8 du code de commerce est complétée par les mots : « , compatible avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales ».

III. – Le deuxième alinéa de l’article 5-5 du code de l’artisanat est complété par les mots : « , compatible avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation prévu à l’article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales ».

IV. – (Supprimé)

IV bis (nouveau). – L’article 7 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est abrogé.

V. – Le présent article est applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.

M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1021 rectifié bis, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

La région définit les orientations en matière de développement économique sur son territoire. Dans ce cadre, elle décide des interventions économiques, sous réserve des interventions économiques, d’une part, des communes au titre de leur compétence générale et en application du titre V du livre II de la deuxième partie, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en application des articles L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20, L. 5216-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1 et de la métropole de Lyon en application des articles L. 3641-1 et L. 3641-2 et, d’autre part, des départements en application du titre III du livre II de la troisième partie et par délégation en application des articles L. 1111-8 et L. 1511-2, et sous réserve des articles L. 1511-3 et L. 1511-8. La région élabore à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

II. – Alinéa 9

Après les mots :

en application

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

des articles L. 1511-3 et L. 1511-8, du titre V du livre II de la deuxième partie, du titre III du livre II de la troisième partie et des articles L. 3641-1, L. 3641-2, L. 5214-16, L. 5214-23-1, L. 5215-20, L. 5216-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, cette nuit, après la levée de la séance, nous avons réfléchi à la possibilité de compléter l’amendement n° 1021 rectifié de la commission des lois, que je vous avais d’ailleurs annoncé, amendement qui précisait les compétences des diverses collectivités en dehors de la région. Afin d’éviter à chacun d’avoir à se référer à tout moment au code général des collectivités territoriales, nous avons rectifié à nouveau cet amendement en rappelant explicitement les compétences des intercommunalités et de la métropole de Lyon, les autres métropoles étant pour l’instant des intercommunalités. La métropole de Lyon, il ne faut pas l’oublier, dispose en effet d’un statut spécifique,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … qui figure d’ailleurs désormais dans un titre particulier du code général des collectivités territoriales. Quand on parle de « métropole », cela a désormais une signification précise. Peut-être d’ailleurs d’autres métropoles seront-elles créées, qui reposeront sur d’autres structures – sait-on jamais, madame la ministre…

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je l’espère, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous en parlerons sans doute avant la fin de nos débats.

Cet amendement vise donc à affirmer que le renforcement des compétences de la région en matière de développement économique ne remet pas en cause les compétences dévolues par la loi aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi qu’à la métropole de Lyon. Il rappelle, d’une part, que la solidarité territoriale permet aux départements d’engager des actions en matière économique et, d’autre part, que ceux-ci peuvent les organiser avec la région en vertu de l’article L. 1111-8 et L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales. C’est conventionnel.

De nombreuses actions, de promotion et autres, pourront donc être organisées avec la région, cette dernière ayant cependant le monopole d’attribution des aides – si l’on n’accepte pas cela, ce n’est même pas la peine de faire une loi ! « La région élabore à cette fin un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. »

L’amendement prévoit ensuite la manière dont est élaboré ce schéma. Je vous rappelle que ce dernier résulte d’une co-élaboration. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions en la matière, incluant même l’intervention de la conférence territoriale de l’action publique, ou CTAP. En cas de désaccord entre la majorité des intercommunalités et la région, il est possible d’y revenir.

Nous sommes donc allés jusqu’au bout, pour affirmer clairement que, si nous attribuons la compétence économique à la région, celle-ci n’est pas seule décisionnaire, contrairement à ce que l’on entend parfois. Le développement économique relève aussi, en effet, de la compétence de toutes les intercommunalités…

Mme Jacqueline Gourault. Tout à fait ! C’est dans la loi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Même une communauté de communes doit prendre en compte le développement économique. Du fait de la clause de compétence générale des communes, ce sont ces dernières qui délèguent, obligatoirement ou optionnellement, une compétence à une intercommunalité, et, ce faisant, la perdent. C’est le régime même de l’intercommunalité.

Monsieur le président, mes chers collègues, l’amendement n° 1021 rectifié bis vise donc à clarifier les choses et à rassurer ceux qui craignaient que la région ne tienne pas compte des compétences des uns et des autres et des possibilités de travailler ensemble. S’agissant de ces dernières, nous examinerons les conventions à l’article 3.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, je souhaite rappeler dans quel esprit nous avons déposé le texte et comment il peut évoluer.

Lors de la discussion de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, nous étions nombreux ici, Gouvernement et parlementaires, y compris Gérard Collomb, à dire combien il était important que les régions de France jouent un rôle majeur en termes de stratégie économique et de définition des politiques dont elles ont seules la responsabilité, notamment et surtout en matière de recherche, de développement et d’innovation.

Quand avait été votée la partie du texte portant sur les métropoles, la question des régions avait été soulevée et le débat avait permis de trouver le moyen de bien sérier les choses. Nous le disions hier soir, une région ne va pas s’occuper de l’immobilier d’entreprise à tel ou tel endroit, et si une collectivité décide de créer une pépinière ou un incubateur d’entreprises, elle sera applaudie. Nous avons non pas à interdire, mais à encourager et à permettre aux régions de jouer un rôle extrêmement fort de stratégie industrielle. Nous parlons bien de stratégie globale, car, ce qui manque en France depuis la fin du XXe siècle, c’est bien une politique industrielle, une politique de développement des nouveaux emplois.

Si le fait urbain et les métropoles ont été reconnus, c’est qu’ils sont moteurs. Tout le monde le sait et personne ne le nie. Cette appréciation ne pose aucun souci. En revanche, il nous manque effectivement cet engagement de tous pour que puisse être définie une politique industrielle. Le Gouvernement s’y emploie d’ailleurs avec les projets dits « d’avenir ». Des axes de travail ont été déterminés. Mais nous avons besoin que les régions fassent aussi ce travail. D’ailleurs, après de nombreux débats internes au Gouvernement suivis de débats publics, la question des pôles de compétitivité s’est posée, parce que l’État en gère bien trop : soixante-dix, c’est trop ! Les régions doivent aussi être en capacité de gérer des pôles de compétitivité et de déterminer de nouveaux axes.

Dans notre volonté de redresser la France et de permettre aux territoires de participer à cette action, je vous rappelle enfin que nous avons créé la conférence territoriale de l’action publique. Nous nous sommes efforcés de rédiger un texte qui permette de faire émerger de nouvelles compétences, car celles-ci ne manqueront pas d’apparaître : qui aurait cru, voilà quelques années, que nous discuterions aussi longuement du numérique ? Des innovations importantes viendront heurter tous nos textes. Il importe donc que la rédaction soit claire s’agissant des régions et de leurs responsabilités, et prenne aussi en compte l’action des métropoles et des intercommunalités.

Nous en avons souvent parlé ici lors du premier débat, les régions ne doivent pas perdre trop de temps ni de finances à intervenir, par exemple, sur l’immobilier d’entreprise, sur un aéroport ayant une fonction particulière parce que, plus qu’un simple aéroport, il est la seule façon de vivre pour une zone. Nous en avons longuement discuté aussi avec l’Association des régions de France, l’ARF : il n’est pas question que les régions aient à intervenir sur des cas de ce type, ici et là, partout sur le territoire.

L’idéal, surtout pour les nouvelles thématiques qui vont apparaître au fil du temps, et dont la nature variera peut-être selon les régions, est que la loi permette à la conférence territoriale de l’action publique de prendre une décision.

Je mets toutefois de côté les aides directes, sur lesquelles nous devons être extrêmement fermes. Il y a aujourd’hui 6 000 interventions économiques en France, et la région, plus encore que de jouer un rôle de chef de file absolu, doit avoir l’entière responsabilité de ces aides, car elle en détient la compétence.

Dès lors, est-il bien utile d’affirmer trop haut le retour de la commune dans le développement économique, dans la mesure où le bloc communal dispose de la clause de compétence générale, et que nous nous soucions de rationalisation ? Faisons attention à ce que nous écrivons.

Bien entendu, je ne compte pas m’arc-bouter sur une position et, quoi qu’il en soit, le projet de loi fera l’objet de deux lectures, puisque le Premier ministre s’y est engagé. Mais l’objectif de ce texte est de rationaliser, de clarifier et de rendre plus opérantes nos collectivités territoriales. À la fin du XXe siècle, nous avons choisi la politique des services et oublié la politique industrielle. Ne revenons pas sur les raisons de ce choix et avançons !

Je voudrais enfin dire un dernier mot sur l’obligation, défendue hier par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, de conclure des contrats infrarégionaux entre la région et les entités désignées sous les termes de pays, pôles, bassins d’emplois, bassins de vie, etc.

Depuis longtemps, nos régions passent des contrats de ce type. En revanche, il me semble difficile d’inscrire cela dans la loi. J’ai entendu l’excellent plaidoyer que vous avez conduit hier soir, madame la rapporteur pour avis, mais il faut, me semble-t-il, laisser la main aux régions pour organiser, chacune avec ses spécificités, ce dialogue singulier avec les « pays » – pour employer un terme générique. Nombre de régions concluent ce genre de contrats depuis longtemps, et il ne me paraît pas nécessaire que la loi fixe les modalités.

Là encore, je fais confiance aux élus et à la CTAP pour trouver la meilleure façon de procéder. Nous connaissons des exemples de contrats infrarégionaux en Bourgogne, en Franche-Comté, en Bretagne, en Aquitaine et ailleurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et même en Île-de-France !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, monsieur le rapporteur.

En conclusion, nous devons faire attention à ce que nous écrivons dans la loi. Le citoyen français qui nous écoute et qui lira le projet doit bien comprendre que la région joue un rôle majeur, déterminant en termes de stratégie et de développement économiques, et d’internationalisation des entreprises. Cela doit être clair pour tout le monde, nonobstant les capacités d’intervention importantes des autres collectivités, bien entendu.

Il existe en effet des régions sans métropole, et des régions avec de petites métropoles. Veillons à rendre effective notre volonté de favoriser la coopération entre les territoires, plutôt que la concurrence ou le dumping entre eux. Notre texte doit prendre en compte ces éléments, et la coopération entre territoires pour redresser la France doit véritablement être à notre ordre du jour.

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que quatorze amendements sont en discussion commune. Toutefois, compte tenu de l’intérêt que suscite cet amendement n° 1021 rectifié bis, présenté par la commission des lois, et des demandes d’intervention d’un certain nombre d’entre vous, je vous propose d’organiser un mini-débat avant d’examiner les autres amendements, dont je ne doute d’ailleurs pas que certains seront retirés.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, vous avez eu raison de souligner que ce débat pourrait entraîner le retrait de certains amendements. Il ne constituera donc nullement une perte de temps.

Je voudrais obtenir quelques précisions et en apporter moi-même certaines.

Il n’est pas question pour les départements de demander à pouvoir disposer de la compétence en matière d’aides directes. C’est la région qui s’en occupe, et il me semble que nous pouvons sans problème acter ce point.

Je souhaite poser deux questions de manière à être éclairé.

L’amendement qui nous est présenté – je salue au passage le travail de la commission – mentionne les compétences économiques des départements, et c’est à ce sujet que je m’interroge. Je précise aussi qu’il ne faudrait pas, bien entendu, que l’on supprime totalement, ailleurs dans le texte, le droit pour les départements de s’intéresser au développement économique.

Voilà deux ans, une entreprise phare du département de l’Aube, Les Andouillettes de Troyes, a connu des difficultés financières. Nous avons dû acheter l’immobilier pour que l’entreprise puisse continuer à fonctionner – en principe, cela n’est pas considéré comme une aide directe : nous faisons l’acquisition de l’immobilier et l’entreprise le loue. La région ayant refusé de participer, le département s’est retrouvé seul financeur aux côtés de l’agglomération troyenne, et l’État a complété au moyen d’une petite aide. Le département aura-t-il encore la possibilité d’intervenir dans un cas comme celui-là, où la région refuse de participer ?

Autre exemple : voilà quatre ans, une célèbre entreprise, qui fabrique des cycles Peugeot et qui équipe aujourd’hui la totalité des facteurs de France, a connu des difficultés. Là encore, le département, très largement aidé par l’État, a dû racheter l’immobilier de l’entreprise. La région a d’abord refusé de s’associer à l’investissement, avant de participer à hauteur de 300 000 euros deux ans plus tard. Le département pourra-t-il continuer à intervenir dans ce cas ?

Nous avons également équipé une zone d’activité logistique de 250 hectares : c’est le département qui a piloté l’opération, les communes étant trop petites. Aurons-nous encore le droit de commercialiser les lots pour des entreprises qui veulent s’y implanter ?

En fonction des réponses qui me seront apportées, je retirerai ou non mon amendement. Quoi qu’il en soit, je me réjouis du travail de la commission.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. À mon tour, je vous remercie, monsieur le président, d’avoir pris l’initiative de disjoindre cet amendement important, qui va éclairer l’ensemble de nos débats.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens vraiment à remercier Jean-Jacques Hyest et Philippe Bas pour leur effort de rectification de l’amendement n° 1021 rectifié, présenté par la commission. Il est en effet important que chaque terme soit pesé.

Pour resituer le débat, je rappelle que nous avons collectivement fait le choix de ne pas supprimer un échelon, à savoir le département. Nous avons choisi de dire « non » lorsque, à l’époque, le Premier ministre nous a proposé la suppression des départements en 2020. Tout part de là. Ensuite, la stratégie développée par Philippe Bas et Jean-Jacques Hyest a été de dire « non » à la suppression d’un échelon, mais « oui » à la clarification et à une forme de spécialisation des compétences. Puis, en ce qui concerne la spécialisation, nous nous sommes tous accordés pour dire que le métier de la région était la préparation de l’avenir et que son bloc de compétences devait notamment comprendre la stratégie économique.

Toutefois, il ne s’agit pas, à travers le schéma régional qui va définir une stratégie d’ensemble, de constituer de façon cachée un jacobinisme économique régional et de charger la région, sur l’ensemble de son territoire, de toutes les actions économiques. De toute façon, elle ne pourrait pas mener cette tâche à bien – je pense en particulier aux plus grandes régions –, sauf à embaucher des milliers de collaborateurs, et sans doute encore plus à l’échelle du territoire national.

Nous avons donc retenu un schéma qui exprime des orientations définies par la région, orientations que des intercommunalités, dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique, peuvent dans un premier temps refuser pour forcer la région à délibérer de nouveau.

J’aimerais à ce titre que tous nos collègues relisent attentivement, dans le compte rendu analytique de la séance d’hier, la déclaration préalable que le rapporteur Jean-Jacques Hyest a pris soin de faire. Il a été, je le pense, trop peu ou trop mal écouté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela arrive ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau. L’amendement n° 1021 rectifié bis, présenté ce matin, tire les conséquences et explicite son intervention.

Nombre de nos collègues – je pense notamment à Brigitte Micouleau et Jean-Pierre Grand – se sont, hier, inquiétés. En effet, l’on sait parfaitement – les exemples développés à l’instant par Philippe Adnot le démontrent – que, au-delà de nos tentatives récurrentes pour faire de la réorganisation des compétences des collectivités territoriales un exercice de géométrie euclidienne, les régions, du haut de leurs métropoles régionales, ne pourront pas tout régir.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. En conséquence, elles devront impulser une orientation puis déléguer à d’autres collectivités et conventionner avec ces mêmes collectivités, lesquelles conservent la clause générale de compétence et peuvent conclure des conventions aux termes du code général des collectivités territoriales.

Il me semble que cette vision réaliste exprimée dans l’amendement n° 1021 rectifié bis, qui concilie le principe de spécialisation avec le principe de réalité et d’efficacité économique – in fine, c’est bien la lutte contre le chômage qui importe –, répond aux inquiétudes de la plupart de nos collègues. Je tiens donc une nouvelle fois à remercier le président Philippe Bas et le rapporteur Jean-Jacques Hyest. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’est très clair !

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. J’ai constaté ce matin que des négociations avaient lieu en salle des conférences entre M. le rapporteur et les auteurs des différents amendements pour parvenir à un accord sur l’écriture d’un texte pouvant donner satisfaction à tout le monde. Toutefois, ce n’est pas en voulant faire plaisir à tout le monde que l’on peut avancer !

J’ai le sentiment que, ce matin, je vais avoir juridiquement tort, étant politiquement minoritaire…

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas une question de clivage politique.

M. François Patriat. Je m’interroge toutefois sur la poursuite d’un processus qui vise à tout geler, à ne pas avancer, à ne pas clarifier et, au bout du compte, à ne pas économiser.

Je prendrai un exemple : pourquoi, s’agissant du numérique, les choses ne progressent-elles pas sur le territoire ? Parce qu’on a élaboré des stratégies de cohérence régionales d’aménagement numérique, les SCORAN, et des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN !

Je préside momentanément une région qui s’est dotée d’une SCORAN, et où aucun des quatre départements qui la composent ne va dans la même direction :…

M. François Patriat. … certains considèrent la montée en débit comme prioritaire, d’autres non. Résultat : les choses ne progressent pas et les représentants des départements se contentent de venir voir le président de région pour que cette dernière leur alloue 30, 40 ou 50 millions d’euros, tout en leur laissant faire ce qu’ils veulent.

M. Bruno Retailleau. Je ne suis pas de cet avis.

M. François Patriat. Demain, ce sera pareil avec le développement économique !

Si les trains fonctionnent bien, c’est parce que la région s’en occupe seule ; si les bus fonctionnent bien, c’est parce que le département s’en occupe seul. De même, l’économie marchera bien si la région peut non pas agir seule, mais décider seule !

J’avais cru comprendre, en écoutant les déclarations du chef de l’État et du Premier ministre, que l’essence même de ce texte était d’affirmer que les régions, ce serait avant tout l’économie ! Et voilà que l’on veut émietter, éparpiller cette compétence.

J’ai bien compris que tout le monde fait de l’économie – les communes, les intercommunalités, les départements, les métropoles, les agglomérations –, et que chacun est meilleur que le voisin.

Mais, demain, je plains le futur président de la région PACA quand les deux métropoles de Marseille et de Nice auront décidé de faire ce qu’elles veulent ! Il pourra aller s’occuper des chèvres en Haute-Provence, il pourra aller à Gap, mais il ne s’occupera plus du développement économique !