Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Permettez-moi d’exprimer un point de vue de terrain qui va dans le sens des deux interventions précédentes.

Je suis maire et président d’une communauté d’agglomération située en zone rurale et qui relève de la politique de la ville. Un des quartiers de cette agglomération va intégrer les deux cents quartiers faisant l’objet d’un soutien de l’ANRU. Sur des territoires pauvres, dont les moyens d’investissement sont limités, il est absolument fondamental que les conseils régionaux puissent continuer à intervenir, faute de quoi les aménagements que nous ferons ne seront pas à la hauteur des besoins de ces quartiers.

Je voulais justifier ma position par rapport à cet amendement n° 346 rectifié en vous disant que je m’opposerai à la suppression de l’intervention des régions en matière de rénovation urbaine et de politique de la ville.

Sur l’amendement n° 613, je souligne qu’il serait souhaitable de continuer à mettre en œuvre une logique que l’on connaît depuis longtemps. Même si l’intervention en matière éducative des régions se « limite » – elle est bien entendu importante – la plupart du temps à des actions logistiques – je pense en particulier à la fourniture d’ordinateurs portables – et non à des interventions dans le domaine purement éducatif, il faut donner la possibilité à nos régions de poursuivre cette démarche tout à fait essentielle.

Mme la présidente. Monsieur Cardoux, l'amendement n° 346 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, ayant été chargé, par son premier signataire, de défendre cet amendement, je ne me sens pas le droit de le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, il faut toujours lire le texte de la commission… Je dois avouer que c’est grâce à René Vandierendonck, qui y tenait beaucoup, que la politique de la ville et la rénovation urbaine, qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial, ont été introduites dans le texte.

M. Jacques Mézard. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Létard, vous avez donc satisfaction. (M. Michel Delebarre opine.) Je ne comprends vraiment pas pourquoi nos collègues ont soutenu que la région ne devrait plus s’occuper de ces questions. Il faudra m’expliquer cette position ! Mais toujours est-il que vous avez, je le redis, parfaitement satisfaction. Si vous ne votez pas l’amendement de M. Doligé, c'est le texte de la commission qui s’appliquera. Elle a, me semble-t-il, bien fait son travail.

Sur le deuxième aspect, je pense, madame la ministre, qu’on peut le laisser. Il faudra vérifier que cela s’applique bien également aux collèges. Je suis donc maintenant favorable à l’amendement de Mme Blandin.

M. Michel Delebarre. C’est ça, l’intelligence !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Cette explication de vote sera quelque peu bizarre. Sur le fond, nous sommes contre l’amendement de M. Doligé, mais je souhaiterais anticiper sur la suite de la discussion. Si, par malheur, se dégageait une majorité pour soutenir cet amendement, la mauvaise rédaction du mien ne permettrait pas au Sénat d’en débattre, les services de la séance ayant mis nos deux amendements en discussion commune.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez raison !

Mme Marie-Christine Blandin. Je rectifie donc mon amendement, avec une rédaction de substitution qui ne floue pas l’idée d’arbitrage, en retirant la mention de la rénovation urbaine.

Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 613 rectifié, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et le soutien aux politiques d’éducation

Je mets aux voix l'amendement n° 346 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 613 rectifié.

(L'amendement est adopté.) – (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que je suspendrai la séance vers dix-huit heures quinze afin que chacun puisse se rendre aux vœux du président du Sénat.

Rappels au règlement

 
 
 

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite clore les discussions que nous avons eues sur l’article 40 de la Constitution en revenant sur l’interprétation qu’en fait aujourd’hui la commission des finances, à la suite du travail conduit par l’excellent président précédent Philippe Marini.

À mon sens, cette interprétation atteint notre droit d’amendement.

M. Jacques Mézard. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. L’article 40 peut bien évidemment être opposé à des amendements qui tendent à augmenter les charges non pas de l’État, mais des collectivités. Ce que je mets en cause, c’est l’asymétrie du jugement de la commission des finances. Celle-ci estime que le Gouvernement veut renforcer les compétences des régions et que, par conséquent, tous les amendements qui iraient contre ce mouvement peuvent être déclarés irrecevables au titre de l’article 40. On peut d’ailleurs se demander si le Gouvernement veut vraiment attribuer toutes les compétences aux régions – Mme la ministre pourra nous répondre sur ce point.

Pour ma part, j’ai entendu ici à la tribune le Premier ministre tenir des propos qui n’allaient pas exactement dans ce sens.

Je conteste donc non pas l’application de l’article 40 à des amendements concernant les collectivités, mais son application asymétrique selon que l’amendement tend à favoriser les compétences dévolues aux régions ou celles qui sont dévolues aux départements.

En cas de doute, il serait souhaitable que la prochaine conférence des présidents puisse délibérer de cette question. Je vais d’ailleurs adresser un courrier au président du Sénat en ce sens. Pour moi, cette interprétation ampute le droit constitutionnel d’amendement dont dispose chaque parlementaire. (Très bien ! et applaudissements plusieurs travées de l'UMP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

 
 
 

Mme la présidente. Monsieur Retailleau, acte vous est donné de ce rappel au règlement. Nous verrons la suite qui lui sera donnée.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour un rappel au règlement.

M. Pierre-Yves Collombat. Mon rappel au règlement porte sur le même sujet. Voilà un magnifique exemple de l’interprétation qui est faite depuis des années de l’article 40 de la Constitution dans notre assemblée. Je ne reviendrai pas sur ce que notre collègue Retailleau qualifie d’asymétrie et qui correspond en réalité au fait que la commission des finances anticipe sur ce que veut faire le Gouvernement.

Ce qui me choque, ce n’est pas que le Gouvernement oppose l’article 40 à certains amendements – c’est prévu dans la Constitution –, mais que la commission des finances anticipe sur la base de la jurisprudence Marini – je vous conseille la lecture de ce document, qui donne envie de rire… ou plutôt de pleurer.

Je voudrais insister ici sur l’absence de cohérence, et je vais vous en faire la démonstration.

M. Pierre-Yves Collombat. L’amendement n° 403, qui prévoit une compétence régionale en matière de gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant, n’a pas été déclaré irrecevable sur la base de l’article 40 ; en revanche, mon amendement prévoyant une compétence partagée – l’eau étant une ressource partagée – que j’ai déposé à l’article 28, précisément parce que je sentais bien qu’il y avait un problème, l’a été. (Marques d’ironie sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l'UMP.)

Mes chers collègues, je ne sais pas si vous trouvez cela cohérent…

M. Bruno Sido. C'est scandaleux !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas scandaleux, car j’en ai l’habitude, mais ce n’est pas cohérent !

Puisque nous sommes en train de repenser les méthodes de travail du Sénat, il faut bien se rendre compte que l’article 40 pose un véritable problème. Je ne fais pas de fixation sur la question, contrairement à ce que certains font semblant de croire, mais je veux insister sur le fait que ce sujet est vraiment au cœur même de nos prérogatives en matière d’amendement. Si l’on peut à tout propos, n’importe quand, nous opposer l’article 40, ce n’est plus la peine de venir débattre !

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat. J’en viens à une question annexe, et là je m’adresse au rapporteur et au président de la commission. Puisqu’il y a un problème d’interprétation sur l’intervention, d’une part, des régions et des départements en matière de gestion de la ressource en eau et, d’autre part, des syndicats mixtes en matière de protection contre les inondations, nous pourrions peut-être régler élégamment cette question lors de l’examen de l’article 28, comme le disait notre collègue Dantec. Je sais que l’intervention des établissements publics de bassin a déjà soulevé des contestations.

La loi MAPTAM a confié la compétence aux intercommunalités, qui l’exercent au niveau des bassins versants dans des syndicats mixtes, à la fois parce qu’ils sont plus nombreux et qu’ils permettent de faire intervenir différents acteurs : les régions et les départements – ces derniers étant ceux qui interviennent actuellement le plus en matière de protection contre les inondations, alors même que cette compétence ne leur est pas clairement attribuée.

Finalement, le problème n’a pas été tranché précédemment, mais il serait bon qu’il le soit à l’occasion de l’examen de l’article 28. D’ici là, il faudrait trouver une rédaction qui permette – je le répète – de régler élégamment ce problème. Je ne sais qui pourra présenter cette nouvelle formulation, en tout cas pas un sénateur puisque, pour nous, le train est passé !

Ainsi, nous n’aurions pas perdu totalement notre temps.

Mme la présidente. Monsieur Collombat, acte vous est donné de ce rappel au règlement.

Article 1er (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Discussion générale

13

Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mmes Catherine Morin-Desailly, Colette Mélot, Vivette Lopez, Marie-Annick Duchêne, M. David Assouline, Mme Claudine Lepage et M. Patrick Abate ;

Suppléants : M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Cartron, Dominique Gillot, Françoise Laborde, MM. Jean Pierre Leleux, Claude Kern et Michel Savin.

Il va également être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Michèle André, MM. Philippe Dominati, Albéric de Montgolfier, Jean Pierre Vogel, Olivier Cadic, Jean Germain et Éric Bocquet ;

Suppléants : MM. Yannick Botrel, Michel Bouvard, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, François Fortassin, Antoine Lefèvre et Richard Yung.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

14

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l’adaptation et à l’entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d’autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon, déposés sur le bureau du Sénat le mercredi 14 janvier 2015.

15

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Article 1er

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Articles additionnels après l’article 1er

Article 1er (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 295, présenté par MM. Jarlier et Vial, Mme Gatel et M. Savin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au troisième alinéa, les mots : « l’aménagement de son territoire » sont remplacés par les mots : « l’aménagement et l’égalité de ses territoires » ;

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Cet amendement vise à compléter les dispositions de l’article 1er pour inclure la notion essentielle d’égalité des territoires dans la compétence d’aménagement des territoires des régions. Il s’inscrit, à ce titre, dans l’objectif de promotion de l’égalité des territoires qui figure dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Cet ajout est très important, car une vraie question se pose : comment l’égalité des territoires sera-t-elle assurée dans le cadre de la future répartition des compétences entre les collectivités, en miroir avec le rôle que joue déjà l’État en la matière ? Cette question se pose d’abord sur le plan local, avec le renforcement des intercommunalités ou des communes nouvelles autour d’espaces de solidarité – solidarité fiscale, financière, compétences et services communs, pour ne donner que ces exemples. Elle se pose ensuite à l’échelle des départements, avec la solidarité territoriale que le projet de loi veut consacrer dans leurs compétences. C’est évidemment nécessaire, car les conseils généraux œuvrent déjà fortement à cette solidarité, qui est un facteur de cohésion territoriale indiscutable. Cependant, il faut bien reconnaître que cet exercice trouve ses limites dans le niveau de richesse des départements : les plus pauvres d’entre eux ne seront pas en mesure d’assurer seuls cette solidarité territoriale. Notre collègue Alain Bertrand y a fait référence précédemment pour les secteurs hyper-ruraux et Valérie Létard l’a également rappelé pour les secteurs urbains.

C’est donc bien aussi à la région, dans l’exercice de sa compétence d’aménagement du territoire, de tenir compte de la capacité de contribution, des forces et des faiblesses des territoires, pour assurer un développement régional équilibré. C’est un enjeu majeur du projet de loi, car, au moment où l’État n’a plus les moyens d’assurer seul cette cohésion territoriale, c’est bien aussi à l’échelle des nouvelles grandes régions qu’une plus juste répartition des richesses peut être utilement mise au service d’un aménagement équitable des territoires.

Nous le savons, il existe de nouvelles opportunités de trouver de réelles complémentarités entre l’urbain et le rural, qu’il ne faut surtout pas opposer. La plupart des géographes que nous avons entendus lors des auditions nous l’ont d'ailleurs dit. Un nouveau mode de développement qui associe la puissance des métropoles et les atouts du monde rural est possible. Il répond aussi à des attentes fortes dans notre société.

Les régions sont en mesure de créer ces nouveaux liens dans le cadre de la compétence d’aménagement du territoire. C’est donc bien elles qui pourront prendre en compte la diversité des territoires dans les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, les SRADDT, au sein de politiques spécifiques territoriales, comme celles de la montagne ou du littoral – plusieurs régions mènent déjà ces politiques – ou encore dans la planification des grandes infrastructures et des grands équipements. Encore faut-il que le principe d’égalité des territoires soit inscrit dans le marbre de la loi pour l’exercice de ces compétences. C’est à cette inscription que tend cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’égalité des territoires n’est pas une compétence, mais un objectif. Ayons un minimum de cohérence, sinon on ne va plus rien comprendre ! Par ailleurs, elle pourrait être en contradiction avec le chef de filat des départements en matière de solidarité territoriale.

Cela dit, elle figure, bien évidemment, parmi les objectifs du SRADDT. Nous le verrons ultérieurement, lorsque nous examinerons l’article 6.

Mon cher collègue, si je comprends la bonne intention qui inspire votre amendement, sachez qu’il n'y a pas d’aménagement du territoire sans souci d’une certaine égalité des territoires. La commission sollicite donc le retrait de votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Si l’on raisonne en termes de règles de droit, le rapporteur a raison.

Cela dit, l’objectif que vous évoquez, monsieur le sénateur, est juste. Au moment de la création des métropoles, nous avions déjà dit que nous voulions non pas des métropoles parties prenantes à la stratégie de Lisbonne, en concurrence les unes avec les autres, mais des métropoles responsables de leurs territoires. In fine, nous avions conclu ensemble que c’était à la région d’assurer la cohérence et d’être attentive à l’ensemble de ses territoires, avec les métropoles. De ce point de vue, il est vrai que le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire peut répondre à l’objectif d’égalité des territoires.

Au fond, la rédaction de l’amendement ne me heurte pas. Dès lors, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Monsieur Jarlier, l'amendement n° 295 est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier. Le rapporteur a déclaré que l’égalité des territoires n’était pas une compétence. Cependant, aux termes de l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, dont mon amendement vise à modifier la rédaction, il est indiqué que le conseil régional « a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire ».

La rédaction que je propose me semble aller dans le sens d’une meilleure prise en compte de la solidarité régionale, raison pour laquelle je maintiens mon amendement. Il s’agit de consacrer non pas l’exercice d’une compétence spécifique, mais la promotion d’une véritable égalité des territoires. Il importe de l’affirmer, d’autant que beaucoup de secteurs ruraux se sentent isolés, abandonnés et ont peur des futures grandes régions. Leur dire clairement que des politiques spécifiques permettant d’assurer une meilleure égalité des territoires – comme celle de la montagne, qui existe déjà dans certaines régions, ou celle du littoral – seront menées me semble de nature à les rassurer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Comme nombre d’entre vous, je suis particulièrement attaché à l’égalité des territoires. Il n’est de débat où je n’intervienne pour promouvoir un équilibre et tout simplement la justice entre les territoires. Toutefois, je me méfie toujours des déclarations d’intention. Notre rôle n’est pas de délivrer des messages ; il est de faire la loi !

Qu’apporterait concrètement d’inscrire dans la loi – je pense d’ailleurs que l’auteur de l’amendement s’est calé sur le texte initial du Gouvernement et non pas sur celui de la commission – « l’aménagement et l’égalité de ses territoires » en lieu et place de « l’aménagement de son territoire » ? Ce qui nous importe, c’est une juste répartition des compétences et des moyens dans les régions, les départements et, d'ailleurs, au niveau de chaque collectivité.

Pour être élu dans le même département et être confronté aux mêmes réalités, mon excellent collègue sait aussi bien que moi que certains territoires sont mieux vus par l’exécutif régional et plus favorisés que d’autres, qui sont mis à l’écart. C’est cette difficulté qu’il convient d’éviter, mais ce n’est pas en consacrant la promotion de « l’égalité de ses territoires » parmi les compétences du conseil régional que l’on y arrivera. Ce qu’il faut, c’est parvenir à un équilibre par la répartition des compétences et par la distribution des fonds, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd'hui. Ce sera difficile, mais nous devons tous ensemble chercher à atteindre cet objectif. À cet égard, comme je l’ai déjà dit, je considère personnellement que la mise en place de très grandes régions fait courir un risque, qui ne sera malheureusement pas atténué par l’ajout auquel tend l’amendement.

J’ai défendu ici, au nom du groupe du RDSE, une proposition de résolution relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires. Ce texte a été voté à l’unanimité par le Sénat de la République, avec l’appui du Gouvernement, représenté à l’époque par Mme la ministre Cécile Duflot. Qu’est-ce que cela a donné concrètement ? Rien !

Soyons donc extrêmement prudents. L’aménagement du territoire, notion à laquelle nous sommes tous attachés, inclut forcément l’égalité des territoires. L’égalité des territoires, ce n’est pas l’égalitarisme !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet !

M. Jacques Mézard. C’est le fait que chaque territoire puisse bénéficier de moyens justes pour se développer. Voilà pourquoi je ne crois pas qu’une déclaration d’intention puisse rassurer quiconque sur le terrain.

M. Jacques Mézard. Ce qui rassurerait les élus, ce sont des dispositions relatives à la répartition des fonds.

M. René-Paul Savary. Il faudrait surtout des moyens !

M. Jacques Mézard. Pour terminer, mes chers collègues, sachez que je viens de recevoir un courrier du président de ma région, qui m’informe que la communauté d’agglomération que je préside verra ses subventions gelées tant que je ne reconnaîtrai pas mes erreurs… Si c’est ça l’égalité des territoires, je m’inquiète pour l’avenir des régions !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Luche. En Midi-Pyrénées, la richesse par habitant connaît des différences assez surprenantes d’un département à l’autre. Par exemple, à Toulouse, place du Capitole, tous les habitants ont le très haut débit, alors que, dans mon département de l’Aveyron, les habitants, eux, n’y ont pas accès. Cela veut bien dire que, dans cette région, l’aménagement du territoire et l’égalité des territoires n’ont pas la même signification partout.

En matière de très haut débit, un département comme le mien souffre de deux handicaps : nous n’y avons accès que cinq à dix ans après nos amis toulousains et, lorsque nous l’avons, nous le finançons nous-mêmes. Ce n’est pas normal ! L’égalité des territoires suppose que les hommes et les femmes de ces territoires soient traités de la même manière. Voilà pourquoi je soutiens la proposition de notre collègue et ami Jarlier.

M. Claude Kern. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je partage l’avis de Mme la ministre sur l’aménagement du territoire.

On peut supposer que les élus des futurs conseils régionaux, doués d’intelligence, de bon sens et soucieux de l’intérêt général, concevront une politique d’aménagement du territoire qui veille à l’égalité. Néanmoins, on peut aussi avoir des régions qui, pour des raisons stratégiques, décident de concentrer leurs investissements sur une partie de leur territoire, considérant que celle-ci irriguera le reste de la région.

Comme le montre l’exemple du très haut débit que vient d’évoquer notre collègue, il faut veiller à ce que l’aménagement du territoire se fasse avec un souci de développement équilibré de l’ensemble du territoire, que celui-ci soit métropolitain, périurbain ou rural. Voilà pourquoi je soutiens cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans les agglomérations, on le sait très bien, aucune collectivité n’a eu à s’occuper du très haut débit. Ce sont les opérateurs qui s’en sont chargés, car il y a une clientèle. Même dans une grande région comme l’Île-de-France, on aurait attendu très longtemps le très haut débit si le département et les intercommunalités, avec l’aide de la région, ne s’étaient pas pris en main.

Ce n’est pas l’égalité que nous visons, c’est l’équilibre. Ce n’est pas pareil ! D’ailleurs, l’égalité n’est pas une très bonne notion en la matière. Les territoires étant différents, elle ne peut pas exister. Mieux vaut trouver des solutions spécifiques en fonction des problèmes.

Si l’on veut éviter la fracture numérique, il faut que les collectivités se prennent en charge. Je parle d’expérience ! Les deux tiers du territoire de mon intercommunalité sont déjà couverts par le haut débit, car nous avons fait ce qu’il fallait : le département a participé à l’effort en zone rurale, alors qu’il ne l’a pas fait du tout en milieu urbain.

Je le répète, ne confondez pas égalité et équilibre. Lisez le texte de la commission : on y parle plus d’équilibre des territoires que d’égalité. C’est une notion qui me paraît préférable.