M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° 139.
M. Vincent Delahaye. M. le rapporteur général a bien explicité les raisons pour lesquelles je propose, ainsi que la commission, de supprimer cet article.
Une telle disposition est symptomatique du contexte dans lequel est examiné ce projet de loi de finances rectificative : des amendements déposés et adoptés à la va-vite à l’Assemblée nationale, sans expertise suffisante.
En l’espèce, l’amendement à l’origine du présent article supprime l’exonération d’impôt sur les sociétés dont bénéficient les anciennes SICAV commerciales, et ce au nom de la lutte contre la fraude fiscale. Or, dans la mesure où ce régime participe de la compétitivité de la place financière de Paris, plus de 2,5 milliards d’euros de fonds se volatiliseraient au Luxembourg ou dans je ne sais quel paradis fiscal, ce qui serait pour le moins contradictoire avec l’objectif annoncé.
Sur le plan de la méthode, cela a été dit, aucune concertation n’a été menée, et cet article n’a fait l’objet que d’une analyse réduite à la portion congrue et d’une documentation insuffisante, sans que soit versé aux débats un seul exemple concret de fraude via l’utilisation de ce dispositif. Où donc est le risque de fraude ? Peut-être existe-t-il un problème, mais, parce que nous ne disposons pas de toutes les données, y compris des éléments de contexte les plus basiques, il serait imprudent de légiférer.
Prenons le temps d’expertiser la situation, de mesurer l’enjeu et supprimons dans l’immédiat cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements de suppression.
Il convient tout d’abord de rappeler que l’exonération fiscale qui avait été introduite en 2008 ne visait, à l’origine, que les SICAV dites « grand public » ; puis, leur objet légal a été élargi au-delà des investissements financiers de dépôt, à tout type d’investissement.
Cette exonération fiscale s’est peu à peu appliquée mécaniquement à ces véhicules, sans aucun arbitrage, si bien que l’exonération peut aujourd’hui concerner une voiture de course, un cheval de course, un instrument de musique de très grande valeur ou un vignoble.
Il ne s’agit pas du tout, en l’occurrence, d’une mesure destinée à lutter contre les abus, puisque les SICAV contractuelles sont définies par la loi. Y avoir recours ne constitue pas un abus en soi. Néanmoins, vous en conviendrez, il faut réglementer ce domaine afin de rendre la fiscalité cohérente.
Un autre argument consiste à dire que des placements similaires ne sont pas imposés au Luxembourg. Toutefois, si tous les États européens se prêtaient au jeu du dumping fiscal, cela irait à l’encontre de l’objectif affiché par la France, sous tous ses gouvernements, à savoir l’harmonisation fiscale. En ce moment, la tendance est plutôt, pour les pays membres de l’Union européenne, à exercer une pression collective sur ceux qui ne respectent pas les règles du jeu. Par conséquent, il ne me semble pas cohérent de vouloir s’aligner sur le régime fiscal du Luxembourg.
Enfin, on a cité dans le débat la somme de 2 500 milliards d’euros qui seraient sous gestion dans ce cadre depuis Paris. En réalité, selon nos informations, ces SICAV sont au nombre de 49, et les encours réels sont à peu près mille fois moindres.
Au demeurant, le Gouvernement entend certains questionnements, notamment sur l’attractivité de la place de Paris. Je plaide moi-même pour une grande fluidité du marché, et le Gouvernement est ouvert à une amélioration du dispositif : pourquoi pas dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la simplification et à la modernisation fiscale ?
Une amélioration de la mesure pour en simplifier le cadre ne devrait toutefois pas nous inciter à abandonner l’objectif ici visé, qui consiste à ne pas accorder d’exonérations d’impôt sur les sociétés à des véhicules d’investissement qui seraient trop peu réglementés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concernant d’éventuels abus, ces SICAV professionnelles peuvent en théorie investir dans des instruments autres que purement financiers. Dans ce cas, il suffit que le Gouvernement prévoie un dispositif encadrant et limitant l’investissement aux actifs financiers, pour éliminer les chevaux de course ou les voitures de sport, madame la secrétaire d’État. Nous pourrions déposer un amendement en vue de régler cette question.
Toutes les SICAV sont exonérées d’impôt sur les sociétés, car ce sont les investisseurs qui sont imposés ; les taxer en tant que telles serait à mon sens totalement contre-productif.
Par conséquent, au lieu d’émettre un avis défavorable sur ces amendements, il vaudrait plutôt y revenir en cantonnant le type d’investissements de ces SICAV pour les limiter aux activités financières et en prévoyant des dispositifs contre les abus. Je ne sais pas s’ils existent – on pense à un éventuel effet de rescrit -, mais il ne me paraît pas choquant qu’une entreprise investisse sa trésorerie de préférence en France plutôt qu’en Irlande !
Cela me donnerait presque envie de déposer un amendement…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 139.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 bis est supprimé.
Article 13 ter (nouveau)
L’article L. 621-5-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le 4° du I est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « autorisation de commercialisation en France d’un organisme de placements collectifs soumis à la législation d’un État étranger ou d’un compartiment d’un tel organisme » sont remplacés par les mots : « notification ou d’une autorisation de commercialisation en France d’un placement collectif de droit étranger ou d’un fonds d’investissement de droit étranger ou d’un compartiment d’un tel placement collectif ou fonds d’investissement » ;
b) À la seconde phrase, après le mot : « jour », sont insérés les mots : « de la transmission de la lettre de notification ou » ;
2° Le 3° du II est ainsi modifié :
a) À la première phrase du d, les mots : « organismes de placements collectifs et des entités » sont remplacés par les mots : « placements collectifs de droit français et de droit étranger et les fonds » ;
b) Il est ajouté un f ainsi rédigé :
« f) Pour les sociétés de gestion dont le siège social est établi sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne autre que la France qui gèrent des fonds d’investissements alternatifs de droit français, la contribution est fixée à l’encours global des parts ou des actions de ces fonds d’investissements alternatifs, multiplié par un taux fixé par décret, qui ne peut excéder 0,015 pour mille, sans pouvoir être inférieure à 1 500 €. Les encours sont calculés au 31 décembre de l’année précédente et déclarés au plus tard le 30 avril ; ». – (Adopté.)
Article 13 quater (nouveau)
Le 2° du II de l’article L. 621-5-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après la seconde occurrence du mot : « financiers », sont insérés les mots : « , des parts sociales ou des certificats mutualistes » ;
2° À la seconde phrase, après le mot : « capital », sont insérés les mots : « , des parts sociales ou des certificats mutualistes ». – (Adopté.)
Article 13 quinquies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de la mise en place d’une cellule opérationnelle de décèlement précoce des escroqueries à la taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre les infractions mentionnées aux articles 313-1 et 313-2 du code pénal, lorsque celles-ci portent spécifiquement sur la taxe sur la valeur ajoutée.
Cette cellule opérationnelle, regroupant des agents des impôts, des douanes, de l’organisme Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, des ministères de l’intérieur et de la justice, nommément désignés par arrêtés ministériels, aurait pour mission d’assurer le pilotage de la lutte contre l’escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée dans un objectif de coordination et d’amélioration de la performance.
Dans ce même objectif, il est également demandé au Gouvernement de présenter dans ce rapport ses conclusions quant à l’utilité de la généralisation du recours à un logiciel de recoupement de données (dit logiciel de datamining) en vue de permettre la détection a priori de ces infractions et de traiter en temps réel les cas soupçonnés de fraude. – (Adopté.)
Article 13 sexies (nouveau)
Le Gouvernement présente chaque année, au sein d’une annexe générale au projet de loi de finances, un rapport sur le dernier exercice connu relatif à l’écart entre le montant des recettes réellement perçues et le montant théoriquement attendu en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au sens du titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts.
Ce rapport détaille les causes de non-perception de la taxe sur la valeur ajoutée, notamment l’imputabilité à l’escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée et à toute forme de fraude.
Il détaille également les secteurs économiques sur lesquels porte ce manque à gagner. – (Adopté.)
Article 14
I. – Le titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Au premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39, après le mot : « articles », sont insérées les références : « 231 ter, 235 ter X, 235 ter ZE, 235 ter ZE bis, » ;
B. – Le 1 de l’article 93 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe prévue à l’article 231 ter n’est pas déductible du bénéfice imposable. » ;
C. – L’article 209 est complété par un X ainsi rédigé :
« X. – Ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés :
« 1° Les cotisations versées au fonds de garantie des dépôts et de résolution en application de la première phrase du I de l’article L. 312-7 du code monétaire et financier pour financer les interventions prévues aux III et IV de l’article L. 312-5 du même code ;
« 2° Les contributions prévues aux articles 69, 70 et 71 du règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010. » ;
D. – L’article 231 ter est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. – La taxe n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. » ;
E. – L’article 235 ter X est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. » ;
F. – L’article 235 ter ZE est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le taux de la taxe de risque systémique est fixé à :
« 0,329 % pour la taxe due en 2015 ;
« 0,275 % pour la taxe due en 2016 ;
« 0,222 % pour la taxe due en 2017 ;
« 0,141 % pour la taxe due en 2018. » ;
2° Le V est complété par un 3 ainsi rédigé :
« 3. La taxe n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. » ;
G. – Après l’article 235 ter ZE, il est inséré un article 235 ter ZE bis ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZE bis. – I. – A. – Les personnes mentionnées aux 1° à 4° du A du I de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier, soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour le respect des ratios de couverture et de division des risques ou du niveau de fonds propres adéquat prévus au I de l’article L. 511-41 et aux articles L. 522-14 et L. 533-2 du même code, sont assujetties à une taxe pour le financement du fonds de soutien créé par l’article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, au titre de leur activité exercée au 1er janvier de chaque année.
« B. – Toutefois, ne sont pas assujetties à cette taxe :
« 1° Les personnes ayant leur siège social dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et exerçant leur activité en France exclusivement par une succursale ou par voie de libre prestation de services ;
« 2° Les personnes auxquelles s’appliquent des exigences minimales en fonds propres permettant d’assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus au I de l’article L. 511-41 et aux articles L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier, définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente, inférieures à 500 millions d’euros. Le seuil de 500 millions d’euros est apprécié sur la base sociale ou consolidée d’un groupe, au sens du III de l’article L. 511-20 du même code, retenue pour le calcul de l’assiette définie au II du présent article ;
« 3° L’Agence française de développement.
« II. – L’assiette de la taxe est constituée par les exigences minimales en fonds propres permettant d’assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus au I de l’article L. 511-41 et aux articles L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier, définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente. Les exigences minimales en fonds propres sont appréciées sur base consolidée pour les personnes relevant des articles L. 511-41-2, L. 517-5, L. 517-9 et L. 533-4-1 du même code appartenant à un groupe, au sens du III de l’article L. 511-20 dudit code. Une contribution additionnelle est calculée sur base sociale ou sous-consolidée pour les personnes n’appartenant pas à un groupe, au sens du III du même article L. 511-20, ou quand l’entreprise mère n’exerce pas un contrôle exclusif sur l’entreprise surveillée sur base sociale ou sous-consolidée. Dans ce dernier cas, l’assiette sur base consolidée de l’entreprise mère est diminuée des montants pris en compte au titre de l’imposition d’une personne sur base sociale ou sous-consolidée. Aucune contribution additionnelle sur base sociale n’est versée par les personnes mentionnées au I du présent article qui appartiennent à un groupe, au sens du III dudit article L. 511-20, lorsqu’il s’agit de l’organe central ou des entreprises affiliées à un réseau ou d’entreprises sur lesquelles l’entreprise mère exerce, directement ou indirectement, un contrôle exclusif.
« III. – Le taux de la taxe est fixé à 0,026 %.
« IV. – La taxe est exigible le 30 avril.
« V. – A. – La taxe est liquidée par la personne assujettie au vu des exigences minimales en fonds propres mentionnées dans l’appel à contribution mentionné au 1° du V de l’article L. 612-20 du code monétaire et financier. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution communique cet appel au comptable public compétent avant le 30 avril.
« B. – La taxe est déclarée et liquidée :
« 1° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l’annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l’article 287 du présent code déposée au titre du mois de mai ou du deuxième trimestre de l’année au cours de laquelle la taxe prévue au présent article est due ;
« 2° Pour les personnes non redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l’annexe à la déclaration prévue au même 1 déposée auprès du service chargé du recouvrement dont relève leur siège ou principal établissement, au plus tard le 25 juin de l’année au cours de laquelle la taxe prévue au présent article est due.
« La taxe est acquittée lors du dépôt de la déclaration.
« C. – La taxe n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« VI. – Les contestations du montant des exigences minimales en fonds propres sur lequel la taxe est assise suivent le régime applicable aux contestations prévues au 3° du V de l’article L. 612-20 du code monétaire et financier.
« VII. – A. – Lorsque, en application du VII du même article L. 612-20, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution révise le montant des exigences en fonds propres de la personne assujettie à la taxe prévue au présent article, elle communique au comptable public compétent l’appel à contribution rectificatif, accompagné de l’avis de réception, par la personne assujettie.
« B. – Lorsque le montant des exigences minimales en fonds propres est révisé à la hausse, le complément de taxe qui en résulte est exigible à la date de réception de l’appel à contribution rectificatif. Le complément de taxe est acquitté auprès du comptable public compétent, dans les deux mois de son exigibilité.
« C. – Lorsque le montant des exigences minimales en fonds propres est révisé à la baisse, la personne assujettie peut adresser au comptable public compétent, dans un délai d’un mois après réception de l’appel à contribution rectificatif, une demande écrite de restitution du montant correspondant. Il est procédé à cette restitution dans un délai d’un mois après réception de ce courrier.
« VIII. – À défaut de paiement ou en cas de paiement partiel de la taxe dans le délai de trente jours suivant la date limite de paiement, le comptable public compétent émet un titre exécutoire. La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces taxes. Toutefois, en cas de révision du montant des exigences minimales en fonds propres dans les conditions prévues au VII, le droit de reprise de l’administration s’exerce, pour l’ensemble de la taxe due au titre de l’année concernée, jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la personne assujettie a reçu l’avis à contribution rectificatif. »
II. – A. – Les A à E et le 2° du F du I s’appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015.
B. – Le G du I s’applique à compter du 1er janvier 2015.
C. – L’article 235 ter ZE du code général des impôts est abrogé à compter du 1er janvier 2019.
D. – L’article 235 ter ZE bis du même code est abrogé à compter du 1er janvier 2029.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Cet article 14 occupe une place centrale au sein de ce projet de loi de finances rectificative. Son devenir risque fort de cliver les positions des uns et des autres quant au vote sur l’ensemble du présent collectif.
En effet, cet article rend non déductibles de l’impôt sur les sociétés un certain nombre de taxes et d’impôts.
De nombreux collègues de la majorité se sont insurgés contre ces charges ainsi imposées aux entreprises, oubliant sans doute que la double imposition est monnaie courante dans notre législation.
M. Francis Delattre. Et c’est une erreur !
M. Éric Bocquet. Ne soumet-on pas les contribuables à une contribution sociale généralisée et non déductible à l’impôt sur le revenu depuis un certain nombre d’années ? N’impose-t-on pas des revenus ayant déjà supporté la TVA au titre de l’impôt sur le revenu ? J’ajoute que, sauf erreur de ma part, la taxe d’habitation n’a jamais été déductible de l’impôt sur le revenu, sauf pour les contribuables traités aux frais réels.
Monsieur le président, mon intervention vaudra défense des quatre amendements que nous avons déposés sur cet article, à savoir les amendements nos 107, 105, 84 et 85. Je résumerai, par la même occasion, les points saillants de ce débat.
La non-déductibilité de la taxe de risque systémique acquittée par les banques et les établissements de crédit répond, à l’origine, à une demande d’une partie de la gauche sénatoriale : nous n’avons jamais compris que l’effort demandé aux banques puisse être in fine transféré sur la collectivité pour un tiers de son montant, puisqu’il s’agit du taux facial de l’impôt sur les sociétés.
Mais, somme toute, rendre cette taxe non déductible répond parfaitement au but visé : il s’agit d’assurer au secteur financier les moyens de prévenir et de gérer les crises sans solliciter la dette des États ou les secours du contribuable.
Quant à la taxe sur les bureaux en Île-de-France, sa non-déductibilité n’est pas, non plus, illogique. N’oublions pas qu’elle a été instaurée pour financer le développement des transports parisiens et la construction de logements pour les ménages salariés. Son rendement, assez modique – il s’élève à 133 millions d’euros, somme qui mérite d’être comparée au PIB de l’Île-de-France, lequel s’élevait, il y a deux ans, à 612 milliards d’euros –, justifie la mesure qui nous est aujourd’hui proposée. Les entreprises franciliennes n’ont-elles pas intérêt à ce que leur personnel ou leur clientèle soient correctement logés ?
À nos yeux, les taxes visées au présent article peuvent donc clairement, sans qu’il en résulte un coût excessif, prendre ce caractère de non-déductibilité.
Dans le même esprit, il convient de rendre non déductible la taxe sur les transactions financières.
Vous le constatez, nous sommes en accord avec le Gouvernement pour rendre ces contributions non déductibles, mais nous souhaitons aussi assurer leur pérennité.
Que le fonds mutuel ne soit pas interrompu nous semble une nécessité. La participation des entreprises à l’effort de construction existe depuis bien longtemps, et il ne nous paraît pas stupide que les taxes alimentant certains fonds mutualisés bénéficient de la même permanence. Voilà pourquoi nous sommes soucieux de voir maintenues et la quotité de la taxe et sa perception dans la durée. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 34 et 140 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
L'amendement n° 140 rectifié est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas et Canevet, Mme Iriti, MM. Jarlier, Marseille, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 2
Remplacer les références :
231 ter, 235 ter X, 235 ter ZE, 235 ter ZE bis,
par la référence :
235 ter X,
II. - Alinéas 3, 4, 9, 10, 20, 21, 36
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéa 42
Remplacer les références :
A à E et le 2° du F
par les références :
A et C
IV. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du rétablissement de la déductibilité de l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la taxe de risque systémique et de la taxe sur les bureaux en Île-de-France est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, il s’agit là d’une question très importante. Je vous renvoie au rapport écrit, qui la détaille précisément.
Je vous rappelle simplement que, en droit fiscal français, le principe de base, c’est la déductibilité des charges, des impôts et des taxes. En effet, en vertu de l’article 39 du code général des impôts, « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ».
Cette règle connaît, il est vrai, un certain nombre d’exceptions à valeur punitive ou pédagogique : diverses taxes ou charges font l’objet d’une non-déductibilité à caractère dissuasif. Je pense à la taxe sur la création de places de parking, à la taxe sur les loyers élevés, etc. Dans ces cas, le législateur n’a pas souhaité appliquer le principe de déductibilité afin d’encourager certains comportements.
Toutefois, cet article, tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale, ne relève pas de ces préoccupations et va au-delà. Il contrevient au principe général fixé par l’article 39 du code général des impôts en rendant non déductibles un certain nombre de taxes dans un seul but de rendement.
La commission propose de revenir partiellement sur les non-déductibilités prévues au présent article.
Concrètement, nous conserverions la non-déductibilité pour certaines taxes, notamment la contribution au Fonds de résolution unique et la taxe sur les excédents de provisions des entreprises.
S’agissant de la contribution au Fonds de résolution unique, la non-déductibilité relève en l’espèce d’une logique assurantielle. De surcroît, il convient de garantir un parallélisme avec les dispositions adoptées par l’Allemagne.
S’agissant de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises, l’analyse est la même : le but est clairement la suppression d’un avantage fiscal de trésorerie dont disposent pour l’heure les compagnies d’assurance.
Dans ces deux cas, la non-déductibilité est justifiée.
En revanche, nous souhaitons garantir la déductibilité de la taxe sur les locaux à usage commercial et les bureaux en Île-de-France et de la taxe de risque systémique.
La taxe sur les bureaux en Île-de-France est un impôt de production, et ajouter de la fiscalité ici, c’est mettre en cause la compétitivité des entreprises. Pour les entreprises franciliennes concernées, les bureaux sont nécessaires et même indispensables ; nous ne voyons pas pourquoi ils feraient l’objet d’une mesure punitive.
Aucune logique de sanction, de rééquilibrage ou d’assurance ne peut s’appliquer ici ; il n’y a que le souci du rendement. À travers cette non-déductibilité de la taxe sur les locaux à usage commercial et les bureaux en Île-de-France, le Gouvernement cherche simplement à créer des impôts nouveaux sur les entreprises d’Île-de-France, qui n’en ont franchement pas besoin aujourd’hui !
La commission des finances est donc particulièrement hostile à la non-déductibilité de la taxe sur les locaux à usage commercial et les bureaux en Île-de-France.
Quant à la taxe de risque systémique, parce qu’elle devient une taxe de rendement, elle devrait également être déductible.
Telle est la conclusion des analyses de la commission : il faut maintenir le principe général de déductibilité, sauf pour les taxes présentant une valeur assurantielle ou constituant un avantage très particulier – c’est, à nos yeux, le cas de la contribution au Fonds de résolution unique et de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurance. En revanche, il faut préserver la déductibilité de taxes utiles à la production et à l’activité économique, comme la taxe sur les locaux à usage commercial et les bureaux en Île-de-France ou la taxe de risque systémique.