M. Jean-Louis Carrère. C’est dommage, j’aurais volontiers applaudi...
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé l’ont rappelé avec force, nous examinons ici un budget important, celui de la mission éducative de l’État, qui doit répondre à notre ambition partagée de réussite de tous les enfants de la République.
Avec un budget pour 2015 en hausse, malgré le contexte général de baisse des dépenses, l’enseignement scolaire redevient le premier poste de dépenses de la nation. En tant qu’enseignant de formation et de profession, je ne peux que me réjouir de cette marque d’un engagement politique ! (MM. Jean-Louis Carrère et M. Jacques-Bernard Magner s’exclament.)
Cependant, au-delà de ce classement, je crois que nous devons nous poser les bonnes questions, celle des enjeux qui sous-tendent cette volonté politique et celle des perspectives qu’elle dessine.
Les enjeux, quels sont-ils ? Nous connaissons tous les classifications internationales, qui sont particulièrement cruelles à l’endroit du système scolaire français. Ainsi, les tests du programme PISA placent la France au 18e rang seulement de l’ensemble des pays de l’OCDE. Ce positionnement est en régression continue, année après année, alors même que la dépense éducative ne cesse d’augmenter.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est le jugement de Sarkozy !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. On le dit depuis quinze ans...
M. Claude Kern. Et nul besoin de classements internationaux ! Grâce aux examens de la Journée défense et citoyenneté, nous apprenons chaque année qu’environ 20 % de nos adolescents ne maîtrisent pas les compétences du socle en matière de lecture.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà où nous a conduits votre politique !
M. Claude Kern. Malheureusement, le constat d’échec ne s’arrête pas là... Les évaluations au sein de l’OCDE révèlent également que la France est la championne des inégalités scolaires. Au lieu de corriger les déterminismes géographiques ou sociaux, notre école de la République les renforce !
Face à cette situation préoccupante, madame la ministre, que nous proposez-vous ? Essentiellement une réponse quantitative, notamment avec la création de 9 561 postes supplémentaires en 2015, qui représentera un coût estimé à 125 millions d’euros dès 2015, et à 250 millions en 2016.
Ne le nions pas, mes chers collègues, le nombre d’enseignants est nécessairement l’un des facteurs de réussite de nos élèves. (MM. Jean-Louis Carrère et Jacques-Bernard Magner acquiescent.) Cependant, faut-il en faire la réponse unique à tous les maux de notre système éducatif ?
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Claude Kern. Le rapport de la Cour des comptes intitulé Gérer les enseignements autrement démontre très clairement que notre système éducatif est déficient et que ni les réductions d’effectifs ni les créations de postes ne peuvent constituer une réponse appropriée.
M. Jacques-Bernard Magner. Comment la Cour des comptes sait-elle cela ?
M. Claude Kern. Autrement dit, tant qu’aucune véritable réforme qualitative et de profondeur ne sera engagée, les efforts budgétaires, qui sont aussi ceux des Français, resteront inefficaces et inefficients.
Bien avant les moyens, notre système éducatif exige une gestion plus ajustée, plus affinée, plus pertinente des personnels éducatifs, ainsi qu’une prise à bras-le-corps des problèmes structurels de notre école. Et ils sont nombreux, ces problèmes auxquels la grande loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République n’a pas répondu, et auxquels ce projet de budget pour 2015 n’apporte pas davantage de réponses ! J’en citerai ici quelques-uns.
Tout d’abord – et ce constat a déjà été évoqué par mes collègues –, le métier d’enseignant est insuffisamment attractif. Les enseignants français sont moins payés que ceux des autres pays. Cela est très marqué dans le primaire, où l’écart entre la rémunération des enseignants français et celle des voisins est de plus de 16 %.
Mme Françoise Cartron. Sarkozy a dit qu’il les paierait plus en les faisant travailler plus !
M. Claude Kern. Cet écart doit d’autant plus nous interroger que, selon les études réalisées, les systèmes performants sont aussi ceux qui offrent des salaires élevés à leurs enseignants. Force est de constater que la vocation ne suffit pas !
Outre la problématique de la rémunération, il reste à améliorer les conditions de travail, ou encore le regard de la société sur la profession. Disons-le, les enseignants français sont en « mal d’amour ».
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Plutôt en mal de reconnaissance...
M. Claude Kern. Par ailleurs, le rapporteur pour avis de la commission de la culture, Jean-Claude Carle, a fort justement rappelé « l’importance de ″ l’effet ″ maître ». Or à quoi sert-il d’ouvrir des postes si on ne peut les pourvoir avec des candidats de qualité ?
Madame la ministre, il ne s’agit pas seulement d’un problème de formation : une vraie revalorisation s’impose sur les plans tant financier que sociétal.
Il est un autre problème structurel de notre école de la République : la dévalorisation généralisée des filières technologiques ou professionnelles, qui limite fortement le développement de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage.
Il faut en finir avec cette vision archaïque et dépassée de la professionnalisation, systématiquement dénigrée. Ces filières ne sont en aucune façon des « voies de garage » qui seraient réservées aux cancres ! De plus en plus de voix s’élèvent contre ce modèle de la scolarité qui privilégie la prétendue voie « royale » de l’enseignement général. Cependant, cette représentation véhiculée par notre société, à l’origine de la désaffection des activités manuelles, a gangréné le système lui-même. Aujourd’hui, l’orientation toujours plus tardive des élèves pour les maintenir dans la voie générale induit une spécialisation elle-même plus tardive, au détriment de l’élève et de l’entreprise.
En tant que frontalier, je ne résiste pas à l’envie d’évoquer ici le système de formation professionnelle de nos voisins allemands. En Allemagne, la formation professionnelle initiale est organisée principalement sous forme d’apprentissage, appelé « système dual », puisqu’elle se déroule sur deux lieux de formation : l’entreprise et l’école professionnelle.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Eh oui, l’alternance !
M. Claude Kern. Dans ce système qui a fait ses preuves en termes de qualification et d’insertion des jeunes, le contenu de la formation relève des Länder et des partenaires économiques et sociaux.
Par ailleurs, pour avoir moi-même exercé, parallèlement, dans un lycée technique et en entreprise, je sais que les acteurs économiques sont désireux de prendre une vraie place dans les dispositifs d’orientation et de développement des formations professionnelles. Nombreux sont les chefs d’entreprise dont la maison mère est allemande à m’interpeller sur le sujet, en rappelant tout le bien qu’ils pensent de nos formations techniques antérieures à la dernière réforme du lycée.
Madame la ministre, pourquoi vouloir éloigner nos élèves du monde de l’entreprise ? Qu’attendez-vous pour ouvrir davantage notre école à l’entreprise ?
Il est urgent de faire bouger les lignes sur le sujet. Nous devons créer des pôles d’excellence, qui regrouperaient des filières entières dans des lycées technologiques ou professionnels, jusqu’au BTS, voire jusqu’au niveau bac+3. Ayons de l’ambition pour nos enfants ! Créons de vrais lycées des métiers !
Pourtant, je ne crois pas que vous manquiez d’ambition pour notre école de la République, madame la ministre. Reconnaissons-le, mes chers collègues, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ainsi que ce budget comportent de bonnes orientations : le rétablissement d’une véritable formation initiale des enseignants, la refondation de l’école prioritaire et la priorité accordée à l’enseignement primaire.
Cependant, l’approche mériterait, me semble-t-il, d’être retravaillée. À titre d’exemple, le dispositif « plus de maîtres que de classes » dans l’enseignement primaire est une bonne initiative, mais nous devons être attentifs à ses effets pervers et assurer un bon accompagnement des enseignants. La réduction du nombre d’élèves par classe ne serait-elle pas une réponse plus appropriée ?
M. Jacques-Bernard Magner. Oui, mais cela demande des moyens !
M. Claude Kern. Je pourrais soulever ici d’autres sujets d’interrogation, notamment ceux du statut des directeurs d’école ou encore du taux de remplacement, en baisse constante... Mais le temps risquerait de me manquer.
Je n’évoquerai pas non plus les crédits de l’enseignement agricole, brillamment rapportés pour avis par notre collègue Françoise Férat, qui porte très clairement la voix du groupe UDI-UC sur ce sujet.
Messieurs les rapporteurs, je ne vous oublie pas et je salue également, bien entendu, la qualité de vos travaux.
Je terminerai mon intervention par une question qui préoccupe non seulement tous les élus, mais aussi les parents, et qui ne vous surprendra pas, madame la ministre : celle des rythmes scolaires.
Mme Samia Ghali. Très bien !
M. Claude Kern. Dans sa version initiale, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2015 prévoyait une prorogation du fonds d’amorçage pour la seule année scolaire 2015-2016.
Depuis la présentation du projet de loi, la mobilisation des élus a porté ses fruits, puisque le Premier ministre a annoncé à l’occasion du congrès des maires, la semaine dernière, la pérennisation de cette aide. C’est une bonne nouvelle et je tiens à saluer le pas que vous avez bien voulu faire, madame la ministre.
Cependant, deux problèmes majeurs restent à mon sens irrésolus.
Le premier est lié à la conditionnalité de l’aide, soumise à l’élaboration d’un projet éducatif territorial.
Mme Samia Ghali et M. Michel Vergoz. Heureusement !
M. Claude Kern. Votre souci est compréhensible, madame la ministre, mais avez-vous pensé à ces nombreuses communes rurales qui n’ont ni les moyens humains ni les moyens matériels d’élaborer un tel document ?
M. Jacques-Bernard Magner. C’est une légende...
M. Claude Kern. Non, ce n’en est pas une !
Mme Françoise Cartron. Elles font mieux que les autres !
Mme Nicole Bricq. Il y a des priorités...
M. Claude Kern. Quel soutien pourront-elles attendre de la part de l’État ?
Le second problème est lié au coût de mise en place des rythmes scolaires, bien supérieur à l’aide consentie par l’État.
Dans un contexte de baisse des dotations, tous les élus locaux, qui se contraignent déjà à des efforts importants, s’interrogent sur leur capacité à maintenir des services publics de proximité de qualité.
Aujourd’hui, de nombreuses communes sont confrontées à de graves problèmes de financement, du fait de la faiblesse de la contribution de l’État au regard des coûts réels de la réforme. Il s’agit là d’un véritable transfert de charges sans juste contrepartie financière, qui risque par ailleurs de provoquer une prise en charge éducative à deux vitesses, les enfants des communes les plus riches pouvant bénéficier d’un meilleur accompagnement que ceux des communes les plus fragiles.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce n’est pas nouveau !
M. Claude Kern. Madame la ministre, l’État se doit d’assurer l’égalité d’accès à l’éducation. C’est la responsabilité de l’État et du Gouvernement d’assumer l’intégralité des surcoûts liés à la mise en œuvre des rythmes scolaires.
Dans l’attente de la mise en œuvre d’une politique en ce sens, le groupe UDI-UC votera les crédits de la mission « Enseignement scolaire » et l’article 55 du projet de loi de finances, sous réserve de l’adoption des amendements proposés par les rapporteurs pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. On va leur expliquer pourquoi ils n’ont pas raison !
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque l’on examine la politique budgétaire conduite par l’actuelle majorité, le constat s’impose : les années passent, les problèmes demeurent et les mauvaises solutions se maintiennent.
Mme Françoise Cartron. Ah non !
M. Jacques Grosperrin. La mission « Enseignement scolaire » représente 66,4 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances. C’est le premier budget de l’État, et il ne cesse de croître.
Pourtant, c’est un sévère constat qui doit être dressé : l’école de la République n’atteint pas ses objectifs.
Mme Françoise Cartron. Non !
M. Jacques Grosperrin. Elle peine à compenser les inégalités sociales et territoriales et échoue littéralement dans la lutte contre le décrochage : notre système compte à ce jour entre 130 000 et 150 000 élèves décrocheurs. Plutôt que d’élaborer un plan de repérage certainement intéressant, mais insuffisant, il nous faudrait réfléchir aux moyens de faire en sorte que ces élèves ne décrochent pas.
À l’entrée en sixième, 40 % des élèves sont en difficulté et ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux que l’école doit leur inculquer. Le redoublement est encore trop important ; une réflexion forte est d’ailleurs en cours sur cette question. Nous le savons, redoubler ne permet pas toujours de mieux réussir.
Comment inverser la tendance ? Comment le Gouvernement entend-il remédier à l’abaissement constant du niveau des élèves ? Comment espère-t-il retrouver ce formidable ascenseur social qu’était l’école de la République ?
J’ai entendu des propos qui relevaient de l’adage cher à la comtesse de Ségur : « Après la pluie, le beau temps ! »
M. Jacques-Bernard Magner. N’exagérons pas !
M. Jacques Grosperrin. J’ai l’impression que rien n’a été fait auparavant et que nous vivons un jour nouveau : tout fonctionne bien, les crédits sont là, les résultats sont là. Nous en sommes pourtant loin !
À ce jour, votre seule réponse est l’augmentation du nombre d’enseignants, véritable totem auquel s’accroche une majorité peut-être en manque d’imagination et de perspectives, voire en manque de courage politique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Il y a un peu de bassesse politique dans votre argument !
M. Jacques Grosperrin. Aujourd’hui, vous voulez créer encore plus de postes d’enseignant. Pourquoi pas ? Si c’était un facteur de réussite scolaire, nous serions d’accord avec vous !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas très loyal !
Mme Samia Ghali. Quand il y a moins d’enseignants, cela ne marche pas !
M. Jacques Grosperrin. Augmenter de deux heures le volume horaire hebdomadaire des enseignants – cela demanderait sans doute du courage - permettrait la création de 45 000 postes, et ce sans augmentation financière, donc sans impact sur le budget.
M. Jean-Louis Carrère. Vous aurez du mal à le démontrer !
M. Jacques Grosperrin. Que l’on en juge : 93 % de ce budget considérable de 66,4 milliards d’euros sont affectés aux dépenses de personnel. Cela absorbe donc la quasi-intégralité du budget. Pourtant, votre gouvernement souhaite encore plus d’enseignants. On se souvient tous de la promesse de M. Hollande et de M. Peillon d’en embaucher 60 0000. Cette année, ce sont 9 421 postes équivalents temps plein travaillé qui seront ainsi créés, en exécution de l’objectif de création de 54 000 postes fixé par la loi du 8 juillet 2013.
La logique qui est à l’œuvre est celle du toujours plus – toujours plus de moyens, toujours plus d’enseignants –, alors que l’Europe surveille nos dépenses.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De l’argent, il y en a ! Il ne faut pas exagérer !
M. Jacques Grosperrin. Si l’accroissement des moyens humains était la bonne solution, nous ne pourrions qu’applaudir et vous suivre dans cette démarche. Malheureusement, cette logique ne fonctionne pas.
Année après année, les études PISA ou NAEP, celles de la Cour des comptes, nous font constater la dégradation de la qualité du système éducatif français, la piètre efficacité de la politique éducative et ses effets dommageables. Cette analyse, nous pouvons la comprendre, sans doute parce que nous avons les uns et les autres une part de responsabilité dans les difficultés que traverse le système éducatif français.
Le cabinet McKinsey a démontré que ce n’était pas en mettant plus d’enseignants que l’on obtiendrait de meilleurs résultats. Il faut donc envisager d’autres pistes, par exemple recruter les meilleurs enseignants, ce qui suppose d’attirer les meilleurs étudiants, et donc de les payer un peu plus. C’est ce qu’avait cherché Luc Chatel en 2011, en prévoyant une augmentation du traitement à l’entrée dans le métier.
On peut également s’interroger sur le paiement des néo-titulaires, sur les recrutements, où l’on peine, où le ministère a beaucoup de difficultés.
Interrogeons-nous aussi sur ce qui se passe dans la classe. Il est vrai que nous touchons là au sacro-saint domaine pédagogique des enseignants...
M. Michel Vergoz. Cela fait dix ans que vous vous interrogez !
M. Jacques Grosperrin. Réfléchissons au renforcement des méthodes sur le terrain et à un autre mode de concours. Proposer un concours très académique a de l’intérêt, mais quid d’un concours plus professionnel, qui permettrait plus de relations entre les enseignants sur le terrain pour une meilleure transmission des savoirs ?
Ne pourrait-on pas commencer par supprimer l’inégalité de traitement dont sont victimes les enseignants du primaire, qui gagnent en moyenne chaque mois 600 euros de moins que les professeurs du secondaire et dont les salaires sont nettement inférieurs à ceux de leurs collègues des autres pays de l’OCDE ? Or, nous le savons fort bien, leur rôle est essentiel. Ce n’est pas pour rien qu’ils étaient autrefois nommés « instituteurs » et « institutrices » : ils « instituent » bien l’élève et le citoyen. Il s’agit là d’une fonction primordiale et il est impératif qu’elle attire les meilleurs.
Madame la ministre, une revalorisation salariale s’impose, si l’on veut encourager les talents et les vocations à s’investir dans cette tâche essentielle.
Il faut également réfléchir à un véritable statut juridique du directeur d’école.
M. Jean-Louis Carrère. Ça, oui !
M. Jacques Grosperrin. On ne pourra pas continuer longtemps à fonctionner ainsi. Il faut que les écoles deviennent des établissements publics locaux d’enseignement, ou EPLE. Sans cela, les directeurs ne peuvent avoir d’autorité hiérarchique sur l’équipe pédagogique de leur établissement.
Enfin, osons l’affirmer, la crise de l’école est le révélateur de la crise d’une société déboussolée et en perte de repères. Dans ce contexte, alors que l’école et la communauté éducative ont besoin de stabilité et de sérénité, vous semblez tout mettre en œuvre pour créer des tensions, provoquer des pertes de temps et compromettre ainsi les conditions d’accomplissement des missions de l’école.
Je ne m’attarderai pas sur le formidable gâchis qu’a représenté la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, décidée par décret, de manière arbitraire et brutale, sans concertation et imposée sans anticipation. Votre dogmatisme n’a eu d’égal que votre indifférence quant à l’aggravation de la situation financière des communes que cette réforme provoquait. Cette aventure, qui n’est malheureusement pas terminée, a compromis la sérénité des relations entre les parents et la communauté éducative.
Je ne reviendrai pas sur l’amendement à 15 millions d’euros qui a été présenté hier et qui nous a conduits à refuser de voter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. David Assouline. Ce n’est pas à cause de cela ! D’ailleurs, vous n’étiez pas d’accord !
M. Jacques Grosperrin. Je ne parlerai pas d’amateurisme, mais tout cela laisse songeur...
Fallait-il ajouter à cette première crise la problématique de l’ABCD de l’égalité et la promotion du site internet de la « Ligne azur », annulée par le Conseil d’État, le 15 octobre dernier ?
M. Jean-Louis Carrère. Ça vous excite, ça !
M. Jacques Grosperrin. Selon l’arrêt du Conseil d’État, cette ligne présentait « l’usage de drogues comme susceptible de "faire tomber les inhibitions" et comme " purement" associé à des moments festifs" sans mentionner l’illégalité de cette pratique ». Je pourrais en dire plus encore, mais je ne veux pas entrer dans la polémique.
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne pouvez pas y entrer, vous n’en êtes pas sorti !
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, voilà une initiative qui ne risque pas de restaurer la confiance des parents dans le système éducatif. Vous savez pourtant combien cette confiance est nécessaire !
Recentrons-nous sur les véritables missions de l’école.
Enfin, comme si cela ne suffisait pas, on entend ces jours-ci parler de la suppression de la notation des élèves. Pourquoi pas ? Cela peut avoir un effet positif.
Mme Françoise Cartron. Oui, c’est vrai !
M. Jacques Grosperrin. Pour ma part, je suis un défenseur du socle commun de compétences et je ne suis pas de ceux qui pensent que la notation est fondamentale. Sur ce sujet, je suis assez partagé.
Avant d’appliquer cette réforme néanmoins, sans doute faudra-t-il des expérimentations.
Mme Françoise Cartron. Il y en a, et elles sont concluantes !
M. Jacques Grosperrin. On peut s’interroger sur la notation, sur le redoublement, qui est inefficace, mais il faut aussi s’interroger sur les programmes scolaires,...
Mme Françoise Cartron. On ne fait que cela !
M. Jacques Grosperrin. … sur cet encyclopédisme qui est trop marqué, sur le fait que les inspecteurs généraux sont trop axés sur leur discipline. Je pense que les disciplines sont un support et non un moyen en soi.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, notre collègue dépasse son temps de parole !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est fini !
Mme Samia Ghali. Terminé !
M. Jacques Grosperrin. En conclusion, madame la ministre, l’éducation nationale a besoin de temps. Ne clivez pas ! Ne supprimez pas ce qui fonctionnait au seul motif que c’est la droite qui en était à l’initiative. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) L’éducation nationale mérite un consensus politique pour rassurer les enseignants qui doutent, les parents qui s’inquiètent et les élèves qui sont trop souvent en échec.
Mme Françoise Cartron. Oui ! Vous allez voter, alors !
Mme Nicole Bricq. Faites un effort !
M. Jacques Grosperrin. Vous l’aurez compris, le groupe UMP votera les crédits de cette mission si les amendements présentés par nos excellents rapporteurs, Gérard Longuet et Jean-Claude Carle, sont adoptés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, nous abordons une partie importante du budget de l’État, avec l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », dont le montant s’élève à 65 milliards d’euros.
Malgré les moyens considérables mobilisés par la puissance publique, les insuffisances de notre système éducatif sont bien connues et perdurent. Ce constat est partagé par un très grand nombre d’acteurs et partenaires de l’éducation nationale. Je ne peux donc que déplorer la faiblesse des solutions retenues dans ce projet de budget pour remédier à une situation qui conduit au creusement des inégalités entre les élèves.
L’OCDE insiste régulièrement sur le manque de pertinence des méthodes d’enseignement utilisées en France. Le diagnostic est le même pour la Cour des comptes. Son premier président, M. Didier Migaud, constate que les résultats insuffisants que nous enregistrons proviennent non pas d’un manque de moyens budgétaires ou d’un manque d’enseignants, mais d’une gestion défaillante de ces moyens.
M. Jean-Louis Carrère. Ce ne sont pas les conclusions de Didier Migaud, ce sont celles de la Cour des comptes !
M. Michel Savin. Bien que cette conviction soit partagée au-delà des sensibilités politiques, la seule réponse que le Gouvernement mette en avant pour répondre à l’urgence de réformes de notre modèle scolaire est une augmentation du nombre des enseignants.
En l’absence de véritable réflexion sur l’utilisation des moyens de l’éducation nationale, sur la redéfinition du métier d’enseignant et les méthodes d’apprentissage des connaissances de base, cette mesure semble bien vainement coûteuse.
Notre société ne peut faire l’économie d’un débat de fond sur la question de l’utilisation des moyens alloués à l’éducation. Il est la condition d’une réforme du système scolaire efficace et surtout viable sur le long terme.
Madame la ministre, le constat est le même concernant le contrat d’apprentissage, dont le Président de la République a pourtant fait un enjeu majeur de son quinquennat.
Le Gouvernement a annoncé en 2013 son objectif de faire progresser le nombre d’apprentis pour le porter de 435 000 à 500 000 à l’horizon 2017. Malheureusement, la réalité se révèle bien éloignée de ces annonces. En 2013, le nombre de contrats signés a chuté de 8 % par rapport à 2012 ; il a encore diminué de 14 % au cours de l’année 2014.
Ce type de formation assure pourtant aux jeunes des débouchés professionnels dans 70 % des cas. Or, à la conjoncture difficile s’ajoute un manque de visibilité pour les entreprises, qui ne les encourage pas à conclure ce type de contrats : réduction du budget de l’apprentissage de 20 % en 2013, diminution du crédit d’impôt lié à la présence d’apprentis, réforme de la taxe d’apprentissage et concurrence des emplois d’avenir. Toutes ces mesures ont contribué à décourager les employeurs potentiels. De plus, certaines des normes techniques et administratives encadrant la conclusion des contrats d’apprentissage sont aujourd’hui trop rigides pour les besoins des entreprises.
M. Jean-Louis Carrère. Elles préfèrent défiler dans les rues !
M. Michel Savin. Là encore, un travail de fond s’impose sur ce sujet et les mesures prises par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Si des objectifs chiffrés ont été fixés, je déplore l’absence de propositions fortes visant à inciter les jeunes et les entreprises à s’engager sur ces contrats d’apprentissage.
Ce qui est vrai de l’apprentissage l’est également de la formation professionnelle. Nous sommes à cet égard confrontés à un double problème.
D’une part, les formations professionnelles sont malheureusement mal valorisées et n’attirent pas assez les jeunes. D’autre part, conséquence de cette désaffection, les centres de formation sont contraints de supprimer des disciplines importantes dans certains secteurs, notamment le bâtiment.
En revanche, l’annonce par le Premier ministre d’un engagement étatique à long terme dans le financement des temps d’activités périscolaires constitue une lueur d’espoir, madame la ministre, et a quelque peu rassuré les élus locaux. La participation au fonds d’amorçage, qui a pour objectif d’encourager les collectivités à proposer aux enfants des activités de qualité, est devenue indispensable à de nombreuses communes.
Dans un contexte de baisse constante des dotations de l’État, la lisibilité de l’action gouvernementale sur ce sujet est indispensable, alors même que cette question est de nature à peser lourdement sur le budget des communes. D’une manière générale, un effort de clarté doit être fait lorsque des décisions prises par l’État ont un effet direct sur les finances des collectivités locales.
Permettez-moi de donner un exemple, le dernier en date, celui de la décision, peut-être passé inaperçue, qui impose aux communes de prendre en charge l’organisation de la demi-journée de consultation des enseignants au mois d’octobre. Cette prise en charge a représenté un coût injustifié pour les communes, dans un contexte budgétaire déjà délicat et peu lisible.
Le budget pour 2015 de l’éducation nationale doit constituer, selon les mots de Mme la ministre, « un marqueur de l’importance que le Gouvernement accorde à l’éducation comme levier de progrès et de réussite ». (Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche le confirme.). Or, il faudrait une réforme en profondeur du système éducatif, des mesures fortes en faveur de l’apprentissage et une plus grande lisibilité de l’action gouvernementale, trois points qui font défaut, madame la ministre, dans le projet de budget pour 2015, mais qui seraient nécessaires pour faire du système français un véritable « levier de progrès et de réussite ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.–M. Claude Kern applaudit également.)