Mmes Françoise Cartron et Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Il me semble utile de rappeler que la masterisation a eu pour conséquences, entre autres, l’affectation de stagiaires désemparés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire, ou dans plusieurs établissements – parfois trois – en même temps. La majorité de ces enseignants découvraient tardivement leur affectation sur des créneaux horaires dont ne voulaient pas les autres professeurs. Ce constat, c’est la Cour des comptes qui l’a dressé dans le rapport public annuel de 2012.
Le redressement en cours, grâce à l’adoption de la loi de refondation de l’école à laquelle le Sénat a apporté une contribution significative, a permis une véritable amélioration en termes de postes et de formation, avec la mise en place des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, le principe du « plus de maîtres que de classes », l’accueil des plus petits, l’accompagnement du handicap, ou encore le maintien des petites écoles rurales, ce qui, n’en déplaise à nos rapporteurs, nécessite des moyens financiers.
Cependant, il reste des tensions de terrain, qui appellent encore des efforts pour l’éducation prioritaire. Le « plus de maîtres que de classes » est indispensable pour dégager des temps collectifs différenciés ou de concertation.
Pour ces raisons, les écologistes sont en accord avec ce budget, en augmentation de 2,4 %.
Madame la ministre, votre dernière annonce, le 21 novembre dernier, à Lens, portait sur le plan d’action « Tous mobilisés pour vaincre le décrochage », doté de 50 millions d’euros supplémentaires, en hausse de 7 %, avec, d’ici à 2020, un objectif de 300 millions d’euros. Je me réjouis de ce programme ambitieux susceptible de donner à certains de nos jeunes « décrochés » une nouvelle chance de qualification.
La réussite de l’école repose aussi sur votre vigilance pour que la richesse de la loi de refondation de l’école ne s’étiole pas dans l’oubli des uns ou la mauvaise volonté des autres. L’école inclusive est l’affaire de tous. Aussi, nous attirons votre attention pour que le ministère veille à l’application à la lettre et sur le terrain de cette loi, en particulier via le réseau des recteurs, des inspecteurs généraux de l’éducation nationale et des cadres de la direction générale de l’enseignement scolaire.
Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’université est autonome qu’elle est dispensée d’appliquer la loi. Je pense à la rénovation des contenus de formation pour faire toute leur place aux enseignements transversaux, directement liés à la pratique professionnelle et à la pédagogie de la coopération, mais aussi à la laïcité, à la promotion de l’égalité et à la lutte contre les discriminations, ou encore à la prise en compte de la difficulté scolaire dans la démarche d’apprentissage.
Je pense également à la participation dans les équipes de formateurs d’une pluralité d’intervenants extérieurs issus du terrain, aussi bien des enseignants en exercice que des acteurs de l’éducation populaire ou des artistes.
Veiller à cela, c’est respecter le Parlement !
Vous avez aussi annoncé le plan numérique pour l’école : quels en sont les moyens et quel sera l’accompagnement ?
Le plus important pour vos dépenses, comme pour celles des collectivités, n’est-il pas que votre ministère apporte de l’intelligence et des conseils à la démarche d’équipement ?
Les séduisantes tablettes s’avèrent de piètres outils d’initiation à la programmation et des modèles d’obsolescence programmée. Certaines restent non connectées dans les territoires privés de Wifi. De superbes tableaux interactifs s’avèrent incompatibles avec des matériels achetés par le biais d’un autre marché ou de marchés successifs par les collectivités.
Enfin, la présence d’équipements fonctionnels ne sera utile qu’avec des maîtres formés à cette révolution pédagogique.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. Selon le témoignage d’un maître-formateur que j’ai lu, ce n’est pas parce que l’enseignant sait se servir d’une tablette ou d’un smartphone qu’il saura l’utiliser en classe avec ses élèves. Par ailleurs, Serge Tisseron a alerté le groupe d’études « Médias et nouvelles technologies » de notre commission en expliquant ceci : « Puisque la relation au savoir devient moins verticale et plus horizontale, il faut favoriser le travail en groupe, organiser l’alternance entre travail individuel et en groupe, et pour cela éviter d’associer chaque enfant à un écran. Il faut au contraire encourager les enfants à travailler trois ou quatre ensemble face à un seul écran, car la culture des écrans, c’est apprendre à travailler avec d’autres ».
Toutes ces responsabilités, qui ne coûtent rien, relèvent de votre ministère ; il importe de diffuser l’intelligence partout.
Pour terminer, les écologistes considèrent la volonté de conditionner le fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires à la réalisation d’un projet éducatif territorial, un PEDT, comme un excellent signal.
Enfin, il m’est impossible de ne pas évoquer l’enseignement agricole. Nous pensions que notre rapporteur, Mme Françoise Férat, allait baigner dans le bonheur et émettre un avis extrêmement favorable sur ce budget en augmentation. Malheureusement, elle n’a pas été séduite… (Sourires.)
M. David Assouline. C’est une posture !
Mme Marie-Christine Blandin. Pour notre part, nous nous félicitons tout particulièrement des démarches prospectives qui sont menées dans certaines régions afin d’identifier les besoins à venir dans certains métiers. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
La souplesse d’adaptation et l’intelligence pédagogique de certains établissements agricoles permettent de dissiper la vision obsolète d’une filière réservée aux élèves en échec. Les succès que l’on y rencontre devraient inspirer plus d’ouverture aux innovations pédagogiques dans les écoles.
Madame la ministre, nous voterons ce budget ambitieux tel que vous l’avez présenté. Si, par malheur, les amendements destructeurs des rapporteurs étaient adoptés, nous le refuserions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’école se trouve dans une situation de crise majeure : 20 % des élèves de quinze ans ne maîtrisent pas les connaissances de base en mathématiques et en français ; 150 000 élèves sont abandonnés chaque année en situation d’échec.
S’ajoute à cela, comme le montre le dernier rapport PISA, que, loin de parvenir à réduire les inégalités sociales, le système éducatif français les accentue !
Ainsi, la réussite scolaire des élèves n’a jamais été aussi étroitement corrélée à leur origine sociale. Quel triste désaveu pour l’école de la République, qui, à l’origine, est censée être un facteur d’émancipation et d’ascension sociale.
Tel est le bilan de dix années de politique de casse des services publics, dont celui de l’éducation nationale, sacrifiés sur l’autel de la prétendue rationalisation de l’action publique défendue par l’ancienne majorité.
La qualité de notre service public d’éducation est pourtant déterminante pour donner à notre pays la capacité et les moyens de relever les défis de la lutte contre le chômage, notamment chez les jeunes, de la réduction des inégalités sociales, de la restauration de la cohésion nationale au travers de l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs de la République.
Dès 2012, le Gouvernement s’est attaché à redonner durablement à l’école les moyens de remplir sa mission. Madame la ministre, nous constatons avec satisfaction que, pour la troisième année consécutive, la priorité donnée à l’enseignement scolaire se traduit dans la politique budgétaire du Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Françoise Laborde. La progression d’environ 2 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi portés à 64,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 65,02 milliards en crédits de paiement, ainsi que l’augmentation des moyens humains qui lui sont affectés, montre la volonté du Gouvernement, que je salue, de se donner les moyens de mener une politique éducative ambitieuse.
Dans le temps qui m’est imparti, je m’intéresserai à trois points.
Tout d’abord, j’évoquerai la formation des enseignants. En cohérence avec l’objectif des 60 000 créations de poste dans l’éducation nationale sur le quinquennat, le projet de loi de finances pour 2015 tend à prévoir 9 421 postes supplémentaires, dont 5 334 d’enseignant.
L’amélioration de l’encadrement des élèves est une condition essentielle pour refonder une école permettant la réussite de tous.
Pour autant, et sans surprise, l’actuelle majorité sénatoriale y est opposée. À cet égard, est-il utile de rappeler que, sous le précédent quinquennat, cette même majorité avait supprimé pas moins de 80 000 postes dans l’éducation nationale ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Vous en avez créé 60 000 et cela marche encore moins !
Mme Françoise Laborde. Par ailleurs, la formation professionnelle des enseignants avait été purement et simplement supprimée, au détriment de la réussite scolaire des élèves. Cette mesure avait été décidée sous couvert d’économies, alors que les dépenses d’éducation, dépenses d’avenir, s’accroissent partout dans le monde !
La loi pour la refondation de l’école de juillet 2013 est heureusement revenue sur cette aberration, en créant les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, ou ESPE.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Françoise Laborde. Celles-ci assurent une formation initiale et continue de qualité pour les personnels de l’enseignement et de l’éducation, formation qui comprend aussi bien des enseignements théoriques et pratiques que l’acquisition de compétences professionnelles, en particulier grâce à des stages et à l’intervention de professionnels exerçant dans le milieu scolaire et éducatif.
Ensuite, il est un autre point important de la réussite éducative qui me tient à cœur : l’orientation. La loi pour la refondation de l’école a également été l’occasion de repenser notre système d’éducation et d’orientation afin de favoriser les parcours choisis et construits. Il est en effet primordial que chaque élève puisse se voir proposer, et ce à chaque étape de sa scolarité, dès son plus jeune âge, un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde professionnel.
Aujourd’hui, en fin de troisième, 65 % des élèves sont envoyés en seconde générale et technologique, et 32 % en seconde professionnelle ou en CAP. De plus, les décisions d’orientation ne sont pas à l’abri des inégalités sociales. Ainsi, lorsque 89 % des enfants de cadres sont orientés en seconde générale et technologique, seuls 36 % des enfants d’inactifs et 43 % des enfants des employés de service le sont.
Aussi, nous nous félicitons qu’avec la mise en place du service public régional de l’orientation, le SPRO, par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, l’orientation des élèves soit devenue une politique à part entière. Enseignants, conseillers d’orientation et familles seront désormais pleinement associés pour accompagner l’élève dans ses choix d’avenir.
Enfin, le dernier point de mon intervention, que vous attendiez, me semble-t-il, madame la ministre, concerne la morale laïque.
La République française s’est construite autour de et par son école. C’est pourquoi le président François Hollande veut « refonder l’école de la République, pour refonder la République par l’école ».
Madame la ministre, à une semaine de la journée nationale de la laïcité, je souhaite vous interroger sur un sujet auquel les radicaux de gauche sont particulièrement attachés.
M. Jean-Louis Carrère. Pas qu’eux !
Mme Françoise Laborde. Je le sais, monsieur Carrère. (Sourires.)
En 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l’éducation nationale, avait annoncé qu’il souhaitait mettre en place un enseignement de la morale laïque, qui serait dispensé dès le primaire, et ce jusqu’au lycée.
En juillet dernier, le Conseil supérieur des programmes a présenté ses propositions sur ce qui est devenu l’enseignement moral et civique. Cet enseignement constituera une matière à part entière, qui sera dispensée, à raison d’une heure par semaine, de l’école au lycée, et évaluée dès la rentrée 2015.
Or, madame la ministre, je regrette que, sur les sept points développés dans le programme, le terme « laïque » n’apparaisse qu’une seule fois. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur les origines d’un tel changement d’orientation et sur la manière dont vous comptez poursuivre votre action.
Vous comprendrez mon inquiétude : comment gérer l’enseignement religieux en Alsace-Moselle avec l’enseignement moral et civique ? Mon choix est fait, et j’espère que le vôtre sera identique.
En outre, l’enseignement du fait religieux recommandé par un récent rapport d’information sénatorial qui suscite en moi une certaine réticence exige d’être considéré avec attention et en intégrant ce qui doit être dit ou appris dans l’enseignement moral et civique. Notre école publique doit rester laïque ; elle doit garantir les valeurs de la République et constituer un lieu où tous les enfants sont protégés, quelles que soient leur origine et leur religion. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE constate avec satisfaction que le Gouvernement, malgré un contexte budgétaire contraint, mobilise les moyens financiers et humains nécessaires à faire de l’école de la République un puissant moyen d’émancipation sociale et d’apprentissage du vivre ensemble. C’est pourquoi nous voterons les crédits de cette mission, sous les mêmes réserves que celles qu’a exposées ma collègue Marie-Christine Blandin et en espérant que les amendements ne transformeront pas le fond de la mission « Enseignement scolaire » de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’école est une grande institution qui a toujours tenu une place particulière tant dans l’histoire de notre République que dans notre propre construction personnelle. Les missions de l’école sont essentielles, qu’il s’agisse de la transmission des connaissances, du partage des valeurs de la République, ou de l’exercice de la citoyenneté. L’apprentissage et le respect des règles communes, le savoir, l’autonomie, l’initiative, l’engagement en sont autant d’exemples.
De ce fait, le projet de budget de l’enseignement scolaire que nous examinons aujourd’hui est d’une importance capitale. Ce budget est porteur d’une double ambition.
La première ambition est de remettre l’école de la République à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter, en tête des priorités budgétaires de notre pays.
Comme les sénateurs ont le plaisir, cette année, d’examiner les budgets des missions, je souhaite exprimer la satisfaction des membres du groupe socialiste de voir l’éducation nationale redevenir le premier poste de dépense de notre pays.
Pour nos écoles – il faut le répéter –, la hausse des crédits de 2,4 % par rapport à 2014 se traduira, entre autres, par la création de plus de 10 400 postes : de nombreux enseignants supplémentaires seront donc au service de la réussite de nos élèves. C’est là une question qui fait l’objet de débats majeurs entre nous : contrairement à vous, mes chers collègues, nous pensons qu’il est nécessaire que des enseignants soient présents devant les élèves !
Du reste, il serait simpliste de résumer les efforts budgétaires à la seule augmentation du nombre d’enseignants devant nos jeunes.
Cette augmentation du budget permet aussi de répondre à une seconde ambition : faire de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui a été adoptée par le Sénat, une réalité dans les établissements scolaires de notre pays.
Nous, sénateurs du groupe socialiste, voterons ces crédits sous les mêmes réserves que celles qui ont déjà été évoquées. En effet, mes chers collègues, vous savez que ces crédits seront votés à la fin du parcours budgétaire, malgré les oppositions et les mauvaises raisons qui ne sont que des postures politiciennes dont notre école publique pourrait bien se passer aujourd’hui ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Ces crédits permettront aussi de poursuivre la réforme de la formation initiale des enseignants, grâce aux nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation, et de continuer à donner la priorité au premier degré.
Permettez-moi d’illustrer mon propos en insistant sur l’évolution constatée en matière de création des postes de titulaires. Le nombre de postes ouverts par session de concours de professeur dans le second degré passe de 10 932 en 2013 à 12 919 en 2015 : cela représente une hausse des effectifs de plus de 15 %.
Dans le même temps, les concours dans le premier degré ouvrent 11 728 postes pour la session de 2015 en lieu et place des 8 413 postes en 2013 : les effectifs ont donc été renforcés de plus de 28 %.
Par ailleurs, nous constatons une augmentation des inscriptions des étudiants de toutes les disciplines pour ces concours qui sont désormais en adéquation avec les besoins marqués en de nombreux points de notre territoire.
Dans le premier degré, le nombre d’étudiants inscrits aux divers concours a progressé de 72 % entre 2013 et 2015, et nous constatons une augmentation particulière dans les académies où les besoins sont les plus forts, telle l’académie de Créteil, souvent prise en exemple à cette tribune, où l’on compte 1 000 candidats supplémentaires en 2015.
Dans le second degré, les inscriptions aux concours ont progressé de 16,5 % entre 2013 et 2015. Remarquons là encore un fort accroissement dans les disciplines dites déficitaires. Souvenez-vous, mes chers collègues, que l’on ne trouvait plus de professeurs, notamment en mathématiques ! Les inscriptions aux concours d’enseignement des mathématiques ont justement augmenté de près de 50 %.
Ces chiffres très encourageants démontrent que la politique ambitieuse portée par le Gouvernement pour l’éducation nationale, accompagnée de la modernisation des métiers de l’enseignement, est remarquablement comprise et soutenue par les étudiants. Ce métier retrouve enfin l’attractivité qu’il avait autrefois et qu’il avait malheureusement perdue au cours des dernières années.
Ce budget comporte aussi des assurances budgétaires pour l’accompagnement des rythmes scolaires. Voilà quelques semaines, madame la ministre, j’avais, d’avec d’autres sénateurs, attiré votre attention ainsi que celle du ministre du budget sur l’inquiétude des maires de France quant au devenir du fonds d’amorçage consacré à la réforme des rythmes scolaires.
Effectivement, l’une de nos premières préoccupations était que la réforme des rythmes scolaires soit pérennisée et que sa réussite se confirme. À cet effet, il fallait accompagner toutes les communes, et non pas seulement celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine cible, de la dotation rurale cible ou celles qui appartiennent à des départements d’outre-mer. Toutes les communes qui ont la chance de compter une ou plusieurs écoles sur leur territoire – et j’espère que c’est encore un motif de fierté – seront concernées par le soutien de l’État.
Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, à l’Assemblée nationale, ont déposé un amendement visant à rétablir le bénéfice de l’aide forfaitaire de base à l’ensemble des communes en le conditionnant à l’établissement d’un projet éducatif territorial. C’est bien le moins pour structurer les fameuses activités qui se déroulent aujourd’hui dans les 22 000 communes de France ayant une ou plusieurs écoles.
Nous nous félicitons de l’adoption de cet amendement avec le soutien du Gouvernement. Le groupe socialiste de la Haute Assemblée votera lui aussi en faveur de cette disposition.
Madame la ministre, je voudrais vous faire part d’une double satisfaction. D’une part, les parlementaires sont heureux d’avoir été entendus, en dépit des affirmations de l’opposition, au sujet du soutien aux communes pour la mise en place de l’accueil périscolaire. D’autre part, ils sont également satisfaits de voir confirmé leur engagement à redonner à notre école les moyens de remplir auprès de la jeunesse ses missions, qui ont été réaffirmées et renforcées dans la loi de refondation de l’école de la République.
Enfin, je conclurai mon propos avec ces quelques mots empruntés à Abraham Lincoln qui s’exprimait devant les sceptiques de son temps en ces termes, qui n’ont rien perdu de leur force ni de leur réalisme : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2015 a, je ne vous le cache pas, un goût amer, et ce pour deux raisons au moins.
Premièrement, cette année, aucun rapport budgétaire n’est spécifiquement consacré à l’enseignement professionnel ; c’est une première depuis quinze ans !
Cette décision prise après le renouvellement sénatorial par la nouvelle majorité UMP-UDI est un symbole qui en dit long sur les objectifs oubliés de ceux qui prétendaient, voilà sept ans, vouloir « revaloriser » la filière professionnelle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Pas un mot n’est consacré à cette filière qui, en 2013, représentait 27 % des bacheliers français, alors même que s’annonçait cette année pour eux l’épreuve de vérité en termes de poursuite d’études, un des objectifs affichés par les promoteurs de la réforme du bac pro en trois ans, et que les nouveaux pouvoirs des régions sur la carte des formations auraient nécessité notre expertise !
Je tenais à le dire en préambule, pour continuer à défendre cet enseignement pour lequel j’ai eu l’honneur d’être sept ans durant, sous différentes majorités sénatoriales, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
Deuxièmement, la crise de recrutement des enseignants persiste ! Je souhaite poursuivre le dialogue que nous avons entamé sur ce sujet voilà trois semaines, madame la ministre, lors de la question d’actualité que je vous ai posée.
Aujourd’hui, l’UMP, par la voix du rapporteur spécial, M. Longuet, dénonce, au travers des créations de postes inscrites à ce budget, une « politique du chiffre ». C’est un comble de la part de ceux qui, pendant cinq années, ont mené la pire politique du chiffre, en supprimant plus de 80 000 postes à l’éducation nationale ! L’amendement que M. Longuet défendra au nom de la commission des finances vise à revenir sur les créations de postes de stagiaire et à diminuer le nombre de remplacements dans le second degré, en minorant de 160 millions d’euros les crédits de la mission pour 2015. C’est un mauvais remake de la période Darcos-Chatel !
Pourtant, la crise de recrutement est aujourd’hui incontestable. En 2013, 10 959 équivalents temps plein travaillé inscrits en loi de finances n’avaient pas été consommés, et ce pour deux raisons principales qui confirment le diagnostic que j’avais établi dès 2011 à l’issue des travaux de la mission d’information sur le métier d’enseignant : d’une part, les concours de recrutement ne font pas le plein, tout comme les postes de stagiaires et de contractuels ; d’autre part, les sorties ont été en 2013 plus nombreuses que prévu, sauf en ce qui concerne les départs en retraite, dont le nombre a été moins important qu’escompté.
Le premier degré, que certains pensaient à l’abri, connait aussi des problèmes de recrutement. Si l’académie de Créteil est particulièrement touchée, elle n’est pas la seule ; les petites annonces publiées par Pôle Emploi en attestent.
La politique de recrutement rétablie depuis 2012 était donc absolument indispensable.
Ce qui fait débat entre nous, au sein de la gauche, tient à l’ampleur de la crise, aux raisons de cette dernière et aux moyens d’y remédier. Ainsi, le Gouvernent s’est fixé pour objectif de créer 54 000 postes à l’éducation nationale pour répondre aux besoins. Or, lors des travaux de la mission d’information précitée, face à la crise de recrutement que nous avions identifiée et aux besoins de démocratisation de notre système éducatif, j’avais chiffré les recrutements, en tenant compte du remplacement des départs à la retraite, à 150 000 sur cinq ans !
Sur les raisons de la crise, la lecture de l’édition 2014 de l’ouvrage intitulé France, portrait social publié par l’INSEE confirme que les effectifs d’enseignants dans le second degré sont en baisse depuis 2004 ! L’INSEE montre que « de 2003 à 2007, les effectifs d’élèves et d’enseignants ont diminué conjointement. À partir de 2007, le nombre d’élèves s’est stabilisé, il réaugmente même à partir de 2011, tandis que le nombre d’enseignants, lui, continue de diminuer. » En somme, il y avait en 2013 11 % d’enseignants en moins qu’en 2000 pour seulement 4 % d’élèves en moins.
La crise de recrutement, notamment dans le second degré, est donc antérieure à 2007. Elle a été amplifiée et accélérée par la révision générale des politiques publiques et la masterisation.
Au sein de l’éducation nationale, la révision générale des politiques publiques s’est traduite par une diminution du nombre de postes ouverts au concours, lesquels ne compensent plus que la moitié des départs en retraite, particulièrement importants en 2011.
À ce phénomène se sont ajoutés les effets de la masterisation : à partir de 2011, il faut avoir validé un master, ou du moins y être inscrit, pour s’inscrire au concours, quand précédemment de nombreux candidats n’étaient titulaires que d’une licence. Ce changement a entrainé des réorientations, comme le souligne l’INSEE. Certains candidats « n’ont pas souhaité ou pas eu les moyens de poursuivre, voire de reprendre, leurs études jusqu’au master. D’autres ont dû reporter leur candidature de quelques années, le temps d’obtenir leur diplôme. Une fois celui-ci obtenu, leurs perspectives professionnelles se sont élargies et certains ont choisi un autre métier » ; c’est notamment ce qui s’est passé s’agissant des études de mathématiques.
C’est pourquoi je propose une nouvelle fois d’agir simultanément sur deux leviers.
Premier levier, il faut mettre en place une formation alimentée par de véritables prérecrutements. Les étudiants ne doivent pas être utilisés comme des moyens d’enseignement en responsabilité d’élèves dès la première année de master.
Former des enseignants demande du temps : il faut leur donner les moyens matériels et financiers de mener leurs études à bien et de réussir le concours. En effet, le nombre d’inscrits – j’y insiste, et nous l’avons vu depuis deux ans – ne fait pas le nombre de reçus !
Une question, qui est pourtant fondamentale, me semble ignorée : de quels enseignants avons-nous besoin ?
Notre société est de plus en plus structurée par des savoirs complexes, des savoirs savants qui modèlent les situations auxquelles sont confrontés les citoyens et les travailleurs.
Cette évolution pose donc à notre société, et a fortiori à l’école, un défi d’élévation du niveau de connaissances. Il s’agit non plus d’apprendre par cœur, de restituer un savoir, mais de « comprendre », de « substituer », de mettre en relation des savoirs. Cette exigence de « réflexion » se conjugue avec des contenus devenus plus notionnels.
Nous soutenions donc l’idée de « refondation » de l’école, principe qui, selon nous, devrait irriguer davantage la réforme de la formation des enseignants.
Il faut aussi donner aux enseignants les moyens de faire évoluer leur pratique pour assurer la réussite de tous les élèves, ce qui implique une formation de haut niveau construite dans un continuum conjuguant savoirs disciplinaire et professionnel, dans un système d’allers-retours en lien avec la recherche, avec une entrée dans le métier progressive allant du stage d’observation au stage en responsabilité.
La relance du processus de démocratisation de notre système scolaire, appuyé sur le principe que tous les élèves sont capables d’apprendre, implique cette exigence dans la formation des enseignants.
J’en viens au second levier : il faut instaurer un plan pluriannuel de recrutement par degré et par discipline, ce qui implique d’affiner les prévisions sur les départs en retraite et sur les effectifs d’élèves.
L’existence d’un tel plan permettrait de donner de la visibilité aux étudiants souhaitant s’engager dans le métier d’enseignant, de sortir de la gestion dans l’urgence à chaque rentrée, et de faire refluer les inégalités qui règnent d’une académie à l’autre pour pallier le manque d’enseignants titulaires. Elle permettrait également de sortir de la situation d’urgence que nous avons connue voilà quelques semaines encore, dans l’académie de Créteil.
Un concours « supplémentaire » ? Pourquoi pas, s’il s’agit de rattraper les « bons candidats » de toute la France. C’est ce qui avait été fait en 2013 avec les deux concours ; mais pourquoi le limiter à la seule académie de Créteil, soit à 500 postes ?
J’en viens au nouveau parcours alternant en deux ans, dans lequel des étudiants en master 1 et en master 2 seraient chargés de classes à mi-temps et payés un SMIC mensuel. Ce parcours serait articulé avec un concours « spécifique » en fin de master 1, lequel validerait les acquis professionnels des étudiants.
Deux aspects m’inquiètent.
Tout d’abord, avec ce parcours, nous demeurons dans un système qui persiste à placer les étudiants immédiatement en responsabilité de classes : quid de leur master, du lien avec la recherche, du temps pour un retour sur leur pratique ? Nous sommes encore très loin des ambitions auxquelles j’aspire.
Ensuite, un tel parcours ouvrirait une brèche dans le principe national du concours, fondement du statut de la fonction publique.
Toutes ces raisons, diamétralement opposées à celles de nos collègues de l’UMP et de l’UDI-UC, expliquent que le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission, a fortiori si l’amendement déposé par M. Longuet devait être adopté.