Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
M. Claude Haut, Mme Colette Mélot.
2. Loi de finances pour 2015. – Suite de discussion d’un projet de loi
Articles additionnels après l’article 6 quater (suite)
Amendement n° I-184 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-121 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Non soutenu.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 6 quinquies
Amendement n° I-190 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-191 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-88 rectifié ter de M. Serge Larcher. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-23 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° I-24 de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 6 septies
Amendement n° I-192 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-280 rectifié de M. Serge Dassault. – Non soutenu.
Amendement n° I-193 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-194 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-195 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-51 de la commission. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement n° I-132 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Article 7 bis (nouveau). – Adoption
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
4. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 7 ter
Amendement n° I-247 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° I-55 rectifié de M. Bernard Fournier. – Non soutenu.
Amendement n° I-248 de M. Yvon Collin. – Rejet.
Amendement n° I-230 de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendements identiques nos I-76 de M. Jean-Claude Boulard et I-410 rectifié de M. Jean Germain. – Adoption des deux amendements.
Amendement n° I-109 rectifié bis de Mme Valérie Létard. – Devenu sans objet.
Amendement n° I-25 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos I-316 de M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques, et I-326 de Mme Sophie Primas. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement n° I-288 rectifié de M. André Gattolin. – Retrait.
Amendement n° I-208 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendements identiques nos I-125 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann, I-127 de M. David Rachline, I-206 rectifié de M. Thierry Foucaud et I-242 de M. Jacques Mézard. – Rejet des amendements nos I-127, I-206 rectifié et I-242, l’amendement n° I-125 rectifié n’étant pas soutenu.
Amendement n° I-205 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-207 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-187 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-353 de M. André Gattolin. – Rejet.
Amendement n° I-188 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-283 de M. André Gattolin. – Non soutenu.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2015
Suite de discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (SUITE)
B. – Mesures fiscales (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 6 quater.
Articles additionnels après l'article 6 quater (suite)
Mme la présidente. Hier soir, nous avions entamé l’examen de l’amendement n° I-184, déposé par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à insérer un article additionnel après l’article 6 quater. J’en rappelle les termes.
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 33,1/3 % » ;
2° À la seconde phrase, le taux : « 0 % » est remplacé par le taux : « 33,1/3 % ».
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption reviendrait à frapper la détention de long terme des titres de participation, ce qui pénaliserait la localisation des holdings en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai entendu hier avec beaucoup d’intérêt M. le rapporteur général nous expliquer qu’il était bon qu’un certain nombre de niches fiscales soient limitées dans le temps, par exemple à quatre ans. En l’occurrence, la niche que nous visons avec cet amendement est nettement plus ancienne.
De surcroît, je ne suis absolument pas convaincue de l’efficacité de ce type de mesures, pour la dynamique des entreprises. En revanche, nous savons que cette optimisation fiscale pèse lourd dans le budget. C’est pourquoi je continue à penser que nous devrions voter cet amendement, mes chers collègues.
Nous devons nous atteler à un travail global en regardant d’un peu plus près l’ensemble de ces niches qui viennent s’ajouter à d’autres décisions comme les crédits d’impôt ; sinon, nous en resterons à de belles déclarations d’intention sans réalisations concrètes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux bien préciser la position de la commission des finances, qui est d’ailleurs devenue celle du Sénat. À l’occasion de la loi de programmation budgétaire, nous avons décidé de limiter à quatre ans la durée des niches nouvellement créées. Si l’on appliquait ce principe à toutes les niches existantes, on ferait très rapidement des économies importantes puisque l’on supprimerait le quotient familial, toutes les déductions…
M. Philippe Dallier. Et que dire dans l’immobilier…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela mérite un travail plus approfondi. Certaines niches, ou qualifiées comme telles, font partie intégrante de notre système fiscal, et ne sont d’ailleurs pas contestées. Le principe des quatre ans, je le répète, s’applique donc à la création des nouvelles niches.
En l’occurrence, la déduction que vous visez participe pleinement de la compétitivité des entreprises, via la localisation des holdings.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-123 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Guillemot.
L'amendement n° I-186 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 6 % ».
L’amendement n° I-123 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour défendre l’amendement n° I-186.
Mme Marie-France Beaufils. Thierry Foucaud avait par avance défendu cet amendement, qui se situe dans la même veine que le précédent.
Je voudrais néanmoins compléter mon propos précédent à la lumière de la réponse de M. le rapporteur général. En ce qui nous concerne, nous préférons travailler sur une affirmation d’une véritable politique budgétaire cohérente, plutôt que de gérer par l’intermédiaire d’allégements d’impôts. Nous devons faire en sorte de continuer, au travers de notre politique fiscale, à apporter des réponses nationales globales. À cet égard, les allégements d’imposition ne nous semblent pas être de bonnes méthodes.
En l’occurrence, notre amendement, qui vise l’impôt sur les sociétés, s’inscrit dans la ligne que nous défendons depuis le début de cette discussion.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission, vous vous en doutez, n’est pas favorable à cet amendement. Il faut quand même rappeler que c’est la loi de finances rectificative ayant suivi l’élection du Président de la République qui a créé cette contribution exceptionnelle au taux de 3 %, laquelle, à mon sens, pénalise fortement les entreprises. En effet, en frappant les dividendes, y compris dans les entreprises de taille intermédiaire, elle empêche la constitution de fonds propres et constitue une charge fiscale, pour les entreprises, de 1,9 milliard d’euros.
Compte tenu de la situation de nos entreprises, est-il raisonnable de doubler le taux de cette taxe, ce qui reviendrait à augmenter la fiscalité de près de 2 milliards d’euros supplémentaires ?
La commission des finances ne le pense pas, et c’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je comprends assez mal l’argumentation de Mme Beaufils, dans la mesure où nous parlions des niches. En l’espèce, nous sommes en présence non pas d’une niche, mais d’une contribution exceptionnelle. (Mme Marie-France Beaufils acquiesce.)
Par ailleurs, vous parlez de niches fiscales, mais encore faudrait-il s’entendre sur ce que signifie cette expression. Beaucoup, par exemple, considèrent que l’abattement de 10 % sur l’assiette de l’impôt sur le revenu des retraites est une niche.
Un travail a été réalisé par la Cour des comptes sur la notion de niche, me semble-t-il.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par l’Inspection générale des finances également !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il faudrait que l’on s’habitue à utiliser des termes un peu plus précis. Sinon, en additionnant des choux, des navets et des carottes, on arrive à une soupe pas toujours ragoûtante… (Sourires.)
Plaisanterie mise à part, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement, madame Beaufils : il ne serait pas très cohérent d’alourdir de 2 milliards d’euros les charges des entreprises alors même que nous avons entamé une diminution de celles-ci pour redonner de la compétitivité aux entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° I-121 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Après l’article 244 quater J, il est rétabli un article 244 quater K dans la rédaction suivante :
« Art. 244 quater K.- I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 duodecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt ayant pour objet le financement de l’amélioration de leur compétitivité en favorisant leurs dépenses d’investissement productif. L’entreprise retrace dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt conformément à cet objectif.
« II. – Le crédit d’impôt mentionné au I est assis sur les dépenses d’investissement corporel ou incorporel réalisées par les entreprises, comptabilisées au titre de la formation brute de capital fixe à l’exception des dépenses d’investissement immobilier.
« III. – Le taux du crédit d’impôt est fixé, selon la catégorie à laquelle l’entreprise appartient :
« - à 10 % pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises ;
« - à 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire ;
« - à 2 % pour les grandes entreprises.
« IV. – Les mêmes dépenses ne peuvent entrer à la fois dans la base de calcul du crédit d’impôt mentionné au I et dans celle d’un autre crédit d’impôt.
« V. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »
B. – Après l’article 199 ter I, il est rétabli un article 199 ter J dans la rédaction suivante :
« Art. 199 ter J. –I. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater K est imputé sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses d’investissement prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt ont été réalisées. L’excédent de crédit d’impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l’État d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.
« La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et conditions prévus aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier ; elle ne peut alors faire l’objet de plusieurs cessions ou nantissements partiels auprès d’un ou de plusieurs cessionnaires ou créanciers.
« En cas de fusion ou d’opération assimilée intervenant au cours de la période mentionnée à la dernière phrase du premier alinéa du présent I, la fraction de la créance qui n’a pas encore été imputée par la société apporteuse est transférée à la société bénéficiaire de l’apport.
« II. – La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu’elle est constatée par l’une des entreprises suivantes :
« 1° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité ;
« 2° Les entreprises nouvelles, autres que celles mentionnées au III de l’article 44 sexies, dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue à 50 % au moins :
« a) Par des personnes physiques ;
« b) Ou par une société dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques ;
« c) Ou par des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d’innovation ou des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque, à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à dernier alinéas du 12 de l’article 39 entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« Ces entreprises peuvent demander le remboursement immédiat de la créance constatée au titre de l’année de création et des quatre années suivantes ;
« 3° Les jeunes entreprises innovantes mentionnées à l’article 44 sexies-0 A ;
« 4° Les entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Ces entreprises peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures. »
C. – Après l’article 220 I, il est rétabli un article 220 J dans la rédaction suivante :
« Art. 220 J.- Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater K est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions prévues à l’article 199 ter J. »
D. – Le j du 1 de l’article 223 O est rétabli dans la rédaction suivante :
« j. Des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater K ; l’article 199 ter J s’applique à la somme de ces crédits d’impôt ; »
II. – L’article L. 172 G du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa s’applique également au crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater J du même code. »
III - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II ci-dessus, est compensée, à due concurrence, par :
- la modulation du taux du crédit d’impôt visé par l’article 244 quater C du code général des impôts en fonction de l’appartenance ou de la non-appartenance des entreprises qui en bénéficient à des branches d’activité se caractérisant par une forte exposition à la concurrence internationale, la réalisation d’un chiffre d’affaires à l’export supérieur à 5% du chiffre d’affaires total ou par un risque important de délocalisation ;
- l’augmentation à 10 % du taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués prévue par l’article 235 ter ZCA du code général des impôts ;
- la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-315, présenté par M. César, Mme Espagnac et M. Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au I de l’article 244 quater L du code général des impôts, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique permet aux exploitations agricoles dont les recettes proviennent à au moins 40 % des productions biologiques, et qui ont fait l’objet d’une certification biologique, de déduire jusqu’à 2 500 euros de leur revenu imposable.
Le montant de ce crédit d’impôt a été porté de 2 000 euros à 2 500 euros à partir de la loi de finances pour 2012, mais la disposition qui permet ce crédit d’impôt n’est que temporaire. La dernière prolongation avait été décidée par la loi de finances pour 2012 pour les exercices 2012, 2013 et 2014. L’article 244 quater L du code général des impôts, tel qu’il est rédigé actuellement, prévoit donc que ce crédit d’impôt ne vaut que jusqu’à la fin de l’année 2014.
Il s’agit pourtant là d’une disposition importante pour soutenir l’agriculture biologique, disposition dont le coût, dans le fascicule bleu budgétaire, est estimé à quelque 20 millions d’euros par an. C’est le principal dispositif fiscal en faveur de l’agriculture biologique.
Malgré un contexte budgétaire que nous savons contraint, reconnaissons que l’agriculture biologique a encore besoin d’être encouragée, ce qui permettra d’accompagner la croissance de ce marché par une production française, plutôt que d’importer des produits venant d’autres pays
En outre, le développement de l’agriculture biologique constitue l’un des axes de la transition vers l’agro-écologie, que défend M. le ministre de l’agriculture.
La commission des affaires économiques a donc estimé nécessaire de maintenir l’avantage fiscal pour les agriculteurs biologiques jusqu’en 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’est interrogée, car cet amendement est motivé par le maintien dans l’agriculture biologique et l’encouragement à la conversion vers ce secteur.
Après un petit débat sur l’opportunité d’une prolongation de ce crédit d’impôt en faveur du maintien en agriculture biologique, nous avons constaté, en étudiant le texte, qu’il s’agissait non seulement de cela, mais aussi de la conversion à l’agriculture biologique et de l’aide à l’installation, pour toute exploitation réalisant au moins 40 % de production biologique.
À juste titre, la commission des affaires économiques a relevé qu’il s’agit là d’ sujet important dans la mesure où ce marché se développe avec énormément de produits importés. Il y a donc sans doute lieu de soutenir tant le maintien que la conversion ou la création d’exploitations en agriculture biologique.
À notre sens, il s’agit non pas de créer une niche, mais simplement de prolonger jusqu’en 2017 un crédit d’impôt préexistant. Par principe, la commission n’est pas particulièrement favorable à l’élargissement, mais, s’agissant du prolongement d’une niche dans un secteur important, et malgré un coût d’environ 20 millions d’euros par an, elle a émis un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Étant favorable à l’agriculture biologique, le Gouvernement soutient la prolongation de ce dispositif pour trois ans. Il s’agit effectivement d’un marché en expansion qui recèle des possibilités de développement.
Le Gouvernement lève le gage.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° I-315 rectifié.
La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je suis très ennuyé, car je m’apprêtais à intervenir pour indiquer que le groupe socialiste voterait contre cet amendement. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Comment faire ?
M. Didier Guillaume. Après la sagesse exprimée par M. le rapporteur général et l’avis favorable de M. le secrétaire d’État, nous allons revoir notre position. Pourtant, au fond, je pense que cet amendement n’envoie pas un bon signal.
Aujourd’hui, l’agriculture biologique est un vrai sujet en soi, mais il ne faut pas opposer agriculture conventionnelle et agriculture biologique.
Des efforts sont déjà réalisés envers l’agriculture biologique et des aides fiscales existent. En outre, après une phase de latence, on assiste à un redémarrage de la conversion. Les agriculteurs biologiques bénéficiant d’aides de l’État, des régions, des chambres d’agriculture et des départements, il ne me semblait pas utile de prolonger le dispositif.
Je tenais à vous faire part de mes observations, mais, compte tenu de l’élan consensuel impulsé par M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État, je pense que le groupe socialiste votera également cet amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Après cette intervention, je me sens moins seul… J’avais en effet un peu le sentiment d’être à contre-courant.
Je m’abstiendrai sur cet amendement. Quand on veut développer une nouvelle activité, il faut la soutenir pendant la période d’amorçage. C’est ce qui a été fait pour l’agriculture biologique. Cependant, il nous faut être cohérents : alors qu’il est nécessaire de développer l’agriculture biologique dans la mesure où notre production ne couvre pas nos besoins et ne répond donc pas aux souhaits des consommateurs, rien n’est fait en ce sens sur le terrain. Il suffit de regarder le fonctionnement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER. Les dossiers d’installation en agriculture biologique ne sont jamais prioritaires par rapport aux extensions d’exploitations existantes ; ils ont donc fort peu de chances d’être retenus. Les services dépendant du ministère de l’agriculture ne sont pas non plus totalement mobilisés.
Au-delà de l’avantage fiscal, il faut une véritable cohérence. Le problème n’est pas seulement un problème de financement et d’avantage fiscal, c’est d'abord un problème d’installation.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je ne regrette vraiment pas de m’être levé ce matin ! C’est en effet un grand plaisir que de constater le soutien apporté à cet amendement. Je veux remercier le rapporteur général, que j’ai, disons, interpellé hier car nous étions en désaccord à propos du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE. J’observe également que M. le secrétaire d’État a émis un avis favorable sur l’amendement.
Je voudrais souligner pourquoi cette mesure est importante. Comme cela a été rappelé, notre production agricole biologique ne couvre pas nos besoins. De ce fait, les grandes surfaces, qui développent de plus en plus un rayon de produits biologiques, doivent importer.
Les produits importés viennent notamment de pays africains. Je vous signale au passage que de très bonnes enquêtes ont été réalisées par les organismes de certification allemands. Une chaîne franco-allemande a diffusé voilà quelques semaines un excellent reportage sur le trafic qui existe dans certains pays autour de la certification en agriculture biologique.
Notre agriculture biologique, quant à elle, est encadrée. Il faut l’aider. Il est important de proroger le crédit d’impôt, afin d’éviter les phénomènes de stop and go, qui fragilisent particulièrement les activités émergentes : on aide le secteur pendant deux ou trois ans, on arrête, le secteur connaît des difficultés, il s’effondre, on le relance…
M. Didier Guillaume. Le secteur monte !
M. André Gattolin. Oui, mais il faut qu’il continue de monter !
Il y a quelques années, l’Union européenne a accordé des aides à l’agriculture biologique, qui a ainsi pu se développer, par exemple en Bretagne. Puis elle a supprimé ces aides d’un seul coup, ce qui a entraîné un effondrement. Il ne faut pas nécessairement donner des sommes folles, mais il faut les donner dans la durée, en les inscrivant dans une logique économique.
Le temps des champs n’est pas le temps de l’industrie. Il faut beaucoup de temps pour maîtriser un nouveau savoir-faire et consolider l’évolution des pratiques. C'est pourquoi je soutiens, comme un grand nombre de nos collègues, cet amendement avec un enthousiasme total. Je remercie d'ailleurs Didier Guillaume d’avoir fait évoluer sa position.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je prends note des commentaires…
M. Philippe Dallier. … élogieux !
Mme Sophie Primas. … des uns et des autres. Je remercie M. le rapporteur général de s’en être remis à la sagesse du sénat. Je remercie également M. le ministre d’avoir émis un avis favorable.
Je veux dire à Didier Guillaume qu’il n’y a, dans cet amendement, aucune logique d’opposition entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique. Ce serait curieux de ma part, puisque je défends depuis longtemps les deux types d’agriculture.
Je veux indiquer à Michel Bouvard que toutes les SAFER ne sont pas à mettre dans le même panier. En Île-de-France, des reconversions et des affectations de terres concernent le secteur du maraîchage biologique. Peut-être n’est-ce pas assez, mais je tenais à saluer l’action de la SAFER d’Île-de-France.
J’ajoute que le crédit d’impôt est une aide temporaire, comme l’a souligné André Gattolin. Il faut encourager l’agriculture biologique, car la conversion de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique nécessite quelques années d’apprentissage de la technologie et de l’agronomie nouvelles, années pendant lesquelles les rendements et les résultats économiques sont inférieurs. Il faut donc favoriser le développement d’une formation sur le terrain, pragmatique. C'est pourquoi la prolongation de cette petite niche, de ce petit coup de main pour l’agriculture biologique me semble nécessaire.
Je reviendrai sur cette question lorsque nous parlerons des chambres d’agriculture. En effet, je pense qu’elles ont un rôle essentiel à jouer dans le développement de l’agriculture biologique et l’amélioration de l’agriculture conventionnelle. Il ne faut pas leur « couper les pattes » comme nous nous apprêtons à le faire.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Je suis originaire d’un département où – et ce n’est un mystère pour personne – l’agriculture intensive est très développée. Cependant, la « ferme Somme », comme nous l’appelons entre nous, a la volonté d’être pluraliste : nous voulons favoriser l’agriculture intensive sans négliger le développement de l’agriculture biologique, qui correspond à un marché. Actuellement, ce marché est producteur de gaz à effet de serre, puisque nous importons des quantités importantes de produits biologiques, en provenance d’Allemagne notamment.
Mme la ministre de l'écologie a très récemment annoncé qu’il fallait développer l’agriculture biologique dans le cadre du troisième plan national d’action en faveur des milieux humides. La position du Gouvernement, rappelée ce matin par M. le secrétaire d’État, est parfaitement cohérente avec la défense des zones humides, où l’agriculture biologique trouve sa place.
Le développement de l’agriculture biologique a donc un double intérêt : il diminue le déficit de notre balance commerciale et est très utile dans des zones sensibles sur le plan environnemental.
Il faut déterminer l’utilisation des terres en fonction de ce qu’elles sont capables de donner. Il est clair que le Santerre ne deviendra pas le foyer principal de l’agriculture biologique, mais de nombreux endroits, comme les vallées alluviales, sont propices au développement de cette agriculture. Il me paraît donc pertinent d’aider la filière à se consolider.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite seulement apporter une précision qui pourrait conforter votre choix de voter cet amendement. Dans son rapport, le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume, a considéré que le crédit d’impôt en faveur du maintien en agriculture biologique était une dépense fiscale utile, car créatrice d’emplois et très ciblée ; il lui avait attribué la note maximale.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 6 quater.
Article 6 quinquies (nouveau)
À la fin du V de l’article 244 quater Q du code général des impôts, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Claude Requier. Cet article mérite que l’on s’y arrête quelque peu, puisqu’il vise à proroger le crédit d’impôt spécifique aux maîtres-restaurateurs, en permettant à ceux d’entre eux qui obtiendront leur titre avant le 31 décembre 2017 d’en bénéficier. Le droit actuel prévoit en effet que ce crédit ne sera pas ouvert aux maîtres-restaurateurs qui obtiendront leur titre après le 31 décembre 2014.
Le titre de maître-restaurateur a été créé en 2006 ; le premier titre a été délivré en 2008. Pour obtenir ce titre, il faut respecter un cahier des charges précis. Il faut notamment utiliser des produits acquis majoritairement frais – peut-être certains proviennent-ils d'ailleurs de la filière biologique –, les préparer sur place et les servir dans un cadre agréable ; bref, il s’agit d’une cuisine et d’un accueil « à la française ».
Il existe actuellement près de 2 800 maîtres-restaurateurs. Le crédit d’impôt se monte à 15 000 euros pour 30 000 euros de travaux. Il a été demandé par 760 maîtres-restaurateurs, ce qui représente une perte de recettes de 4 millions d'euros sur trois ans pour l’État.
Cette dépense me semble tout à fait justifiée, car les maîtres-restaurateurs contribuent à développer le tourisme et à valoriser notre patrimoine gastronomique et, plus largement, notre culture ; je rappelle que le repas gastronomique des Français a été inscrit en 2010 par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cela méritait bien un petit salut, même s’il est encore un peu tôt pour parler de déjeuner…
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je souhaite intervenir à mon tour, même si aucun amendement n’a été déposé sur cet article.
Le rapport général de la commission des finances est très dense ; il comporte énormément d’informations à caractère pédagogique. J’ai ainsi lu avec intérêt que les maîtres-restaurateurs étaient mis à l’honneur. La prorogation du crédit d’impôt traduit une volonté de reconnaître le travail bien fait.
Dans tous nos départements, on mange très bien. Il faut mettre à l’honneur les professionnels de la restauration qui œuvrent pour la gastronomie en soignant la qualité des plats et de l’accueil. Ils consacrent beaucoup de temps à leur métier. Ils contribuent aussi au développement du tourisme sous toutes ses formes ; nous en avons parlé hier.
La prorogation du crédit d’impôt est une forme de reconnaissance du travail bien fait de ceux qui défendent les vrais produits – dont les produits biologiques – et le savoir-faire traditionnel. Dans ce domaine, il y a des personnes de grande qualité dans tous nos départements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6 quinquies.
(L'article 6 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6 quinquies
Mme la présidente. L'amendement n° I-190, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 145 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du b du 1, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;
2° Au b ter du 6, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° I-191.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° I-191, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 212 bis est ainsi modifié :
a) Au I, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;
b) Le IV bis et le V sont abrogés ;
2° L’article 223 B bis est ainsi modifié :
a) Au I, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;
b) Le IV bis et le V sont abrogés.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, je partage l’opinion que vous avez exprimée tout à l'heure : il faut distinguer de manière beaucoup plus précise dépenses fiscales et niches fiscales.
L’impôt sur les sociétés est un impôt très largement corrigé par de multiples dispositifs, tous plus coûteux les uns que les autres et grâce auxquels certaines entreprises paient un montant particulièrement faible d’impôt au regard de leur chiffre d’affaires et de leur résultat net.
En 2015, l’impôt sur les sociétés devrait dégager – cela a été rappelé hier soir – une recette nette de 33,1 milliards d'euros, largement entamée par le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Le fascicule bleu « Évaluation des voies et moyens » nous indique que le régime d’intégration des groupes et le régime des sociétés mère-fille constituent des modalités particulières de calcul de l’impôt, qui ont coûté 42,4 milliards d'euros de recettes fiscales en 2013.
La question du taux facial de l’impôt sur les sociétés, agitée comme un épouvantail, est une fausse question, me semble-t-il. Un impôt qui perd plus de 100 milliards d'euros de rendement et ne rapporte que 33 milliards d'euros, ce n’est plus l’impôt de départ.
Les deux mesures que nous proposons sont donc fort simples : relèvement du seuil d’intégration des entreprises dans le périmètre fiscal des groupes, d’un côté, et relèvement du seuil de non-déductibilité des intérêts et des charges financières, de l’autre.
Les rapports léonins qui peuvent exister entre des entreprises différentes et qui passent aussi, parfois, par le crédit interentreprises ont des effets que nous ne pouvons méconnaître. Les commissions d’enquête menées sur notre initiative sur l’évasion et la fraude fiscale ont notamment mis en exergue à la fois le phénomène des prix de transfert – l’essentiel du commerce international étant plus une somme d’échanges internes aux groupes industriels et commerciaux que des échanges entre pays souverains – et celui du crédit interentreprises.
Dans de nombreux cas, pour des raisons conjuguées liées à la conquête de parts de marché et à l’optimisation fiscale, une entreprise « tête de groupe » préfère percevoir sur une filiale ou un « client » étranger des intérêts financiers qui viennent compenser ses propres charges financières, plutôt que de solliciter le versement de dividendes pour « retour sur investissement ».
Le cas le plus connu, dans ce cadre, est évidemment celui des entreprises achetées au moyen d’un LBO, où les acquéreurs, venus les mains vides ou presque, font peser l’effort financier sur l’entreprise rachetée et se contentent donc de percevoir le remboursement de leurs propres charges financières. Ces procédures sont à l’origine de pertes fiscales importantes pour les comptes publics, sans parler, bien évidemment, des conséquences sur l’emploi, généralement assez meurtrières.
Ces deux propositions avaient fait l’objet d’un large débat en 2011, et je rappellerai que Mme Nicole Bricq, à l’époque rapporteur général de la commission des finances, et un certain nombre de nos collègues s’étaient déclarés en faveur de cette clarification nécessaire de la répartition des charges déductibles du résultat entre l’une ou l’autre des entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à ces deux amendements, dont l’adoption aurait pour effet d’alourdir la charge financière des entreprises de plusieurs milliards d’euros.
L’amendement n° I-190 tend à relever un plafond quand l’amendement n° I-191 vise à en abaisser un autre, mais le résultat est le même dans les deux cas : une aggravation de la fiscalité des entreprises, avec, pour conséquence, une moindre attractivité de notre pays pour les grands groupes et les investissements internationaux.
L’amendement n° I-190 a pour objet de modifier le régime mère-fille en relevant la condition de détention à 10 %, contre 5 % actuellement. Le régime de détention serait donc beaucoup moins favorable, et la fiscalité des entreprises concernées serait alourdie de plusieurs milliards d’euros. En outre, il me semble que l’adoption d’une telle mesure serait catastrophique pour notre système fiscal en termes de visibilité et de stabilité.
L’amendement n° I-190 tend à aborder un véritable sujet. En effet, la loi de finances pour 2013 avait créé un dispositif de limitation de la déductibilité des charges financières exposées par les entreprises de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Cette limitation pourrait pénaliser un certain nombre de sociétés, car la déduction des charges financières permet de financer l’investissement par l’emprunt. Si ce dispositif était aggravé, en abaissant le plafond de déductibilité de 75 % à 50 %, la capacité d’investissement des entreprises se trouverait limitée et leur charge fiscale considérablement alourdie : on peut considérer qu’elles devraient s’acquitter de 4 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. En outre, l’investissement financé par l’emprunt se trouverait pénalisé.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos I-190 et I-191.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame Beaufils, je partage votre analyse sur ces sujets. Vous avez eu raison de souligner que le taux facial de l’impôt sur les sociétés était un faux problème. Les vraies questions sont la détermination de l’assiette, les différentes techniques de consolidation des comptes au sein des groupes, les prix de transfert ou encore la déductibilité des frais financiers.
Sur ce dernier point, dans certains pays, même au sein de l’Union européenne, certains produits financiers sont considérés comme des intérêts et imposés comme tels et d’autres sont considérés comme des dividendes et soumis à un régime d’imposition différent. Or il s’agit parfois des mêmes sommes… En cas de transfert d’un pays à l’autre, ces différences de régime posent parfois de grandes difficultés.
Si, comme beaucoup d’autres désormais, j’adhère à cette analyse, je ne souscris pas aux solutions que vous préconisez, madame la sénatrice. En effet, nous vivons dans un monde ouvert – certains peuvent le regretter, mais on ne peut que le constater – et nous devons donc nous interroger sur la concurrence fiscale entre les pays, notamment entre les États membres de l’Union européenne, car s’il est difficile d’établir une harmonisation au niveau mondial, il serait légitime de le faire au niveau européen.
Mme Marie-France Beaufils. C’est clair !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Des travaux importants sont en cours et font progresser la réflexion sur les prix de transfert et sur la transparence, puisque celle-ci est un préalable, me semble-t-il, afin que les entreprises puissent se préparer aux contrôles fiscaux. L’OCDE a lancé le projet BEPS, qui consiste à harmoniser les bases et les méthodes de calcul de l’impôt sur les sociétés. La réflexion progresse également au niveau mondial, puisque le G20, comme certains sommets européens, contribue à accélérer les travaux.
Sans stigmatiser personne, les informations diffusées encore récemment sur les pratiques de « nomadisme » financier, pour ne pas en dire plus,…
M. Jacques Chiron. C’est dit gentiment !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … font évoluer l’opinion, mais aussi les gouvernements, du moins je l’espère.
La solution ne consiste donc pas à faire de la surenchère, soit pour corriger un dispositif jugé trop favorable aux entreprises, soit pour rendre le système fiscal national plus attractif, ce que font certains pays, mais à continuer à avancer dans la réflexion. Sur ce point, la France joue un rôle moteur, nous aurons l’occasion d’y revenir.
Dans cette attente, l’adoption des deux amendements qui viennent d’être présentés aurait pour effet d’alourdir la contribution des seules sociétés françaises ou implantées en France.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos I-190 et I-191, car le résultat obtenu serait contraire à sa volonté de réduire certains impôts et certaines contributions en vue d’améliorer la compétitivité de nos entreprises.
Mme la présidente. La parole à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien entendu vos explications. Je ne nie pas que nous devions nous préoccuper de la concurrence fiscale entre pays européens, encore que le régime de l’impôt sur les sociétés présente de très grandes différences selon les pays et que le taux réel d’imposition des sociétés soit plus élevé dans certains autres États européens qu’en France.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas pour les PME !
Mme Marie-France Beaufils. Nous ne devons pas oublier cet aspect non plus, sinon certaines réalités sont occultées, alors qu’elles mériteraient d’être examinées de plus près.
Je voulais surtout réagir aux explications données par M. le rapporteur général. J’ai fait allusion tout à l’heure au LBO. Certains d’entre nous doivent se souvenir d’un déplacement de notre commission dans la Sarthe, il y a quelques années, au cours duquel nous avions été accueillis par une entreprise qui avait fait l’objet d’un rachat par le biais d’un LBO : ses dirigeants nous avaient alors démontré que cette forme de rachat avait considérablement fragilisé leur société.
Il ne faut donc pas faire preuve d’angélisme face à des situations de ce type. Je veux bien que l’on défende à tout prix, comme vous le faites, monsieur le secrétaire d'État, les moyens financiers mis à la disposition des entreprises, mais je maintiens que le LBO se finance sur l’entreprise et devient une cause de fragilité pour elle. Or le régime actuel de l’impôt sur les sociétés avantage cette formule de rachat, et nous ne devons pas l’accepter !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, madame Beaufils, il ne faut pas envisager la situation uniquement sous cet angle. Je ne peux que réagir à vos propos quand je constate la situation des entreprises de notre pays !
Vous nous dites que, dans certains pays européens, l’impôt sur les sociétés est plus élevé que dans notre pays, et c’est vrai.
Mme Marie-France Beaufils. Je parle de l’impôt réellement payé !
M. Alain Joyandet. Je ne le conteste pas. En revanche, j’estime qu’il faut aussi examiner la rentabilité des entreprises dans ces pays. Si vous acceptez de baisser les charges des entreprises, leur résultat sera plus important, et elles accepteront de payer des impôts.
L’impôt sur les bénéfices n’est pas le problème majeur qui se pose aux entreprises. Leur vrai problème consiste à être compétitives et à réaliser des bénéfices pour pouvoir réinvestir. Il faut envisager globalement la situation de l’entreprise. Votre raisonnement me semble donc quelque peu curieux.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons une autre forme de raisonnement !
M. Alain Joyandet. Quant aux moyens financiers mis à la disposition des entreprises, ils sont destinés à leur permettre de se développer, au même titre que les bâtiments, les machines ou le personnel. Ils ont donc leur utilité. Quand je vois que vous voulez réintégrer dans le résultat une part beaucoup plus importante des intérêts payés par les entreprises sur les moyens financiers dont elles ont besoin par ailleurs, je me demande dans quel monde nous vivons !
Aujourd’hui, le problème des entreprises, c’est la compétitivité ! Certaines mesures auraient été cohérentes si l’on avait conservé la TVA anti-délocalisations et baissé les charges des entreprises de cinq points, car leur compétitivité et leur rentabilité s’en seraient trouvées améliorées. Dans ce cas, nous aurions pu discuter d’une augmentation du taux de l’impôt sur les sociétés de deux ou trois points.
Au contraire, on a alourdi les charges du compte de résultat au point qu’il n’y a plus de résultat. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Et quand une entreprise parvient à réaliser un bénéfice, il faudrait encore augmenter son impôt ? Il serait temps d’ouvrir les yeux, parce que le problème de notre pays, aujourd’hui, c’est le chômage !
Mme la présidente. L’amendement n° I-88 rectifié bis, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, Karam, Desplan et Mohamed Soilihi, Mmes Claireaux, Lienemann et D. Gillot et MM. Vergoz et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1 du I de l’article 244 quater U du code général des impôts, après les mots : « avant le 1er janvier 1990 », sont insérés les mots : « en métropole, et les logements dont le permis de construire a été déposé avant le 1er mai 2010 pour les départements de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte, ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III - La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je défends cet amendement à la demande de notre collègue Serge Larcher.
Le présent article permet de modifier le critère de l’âge des logements éligibles à l’écoprêt à taux zéro, ou éco-PTZ, dans les départements d’outre-mer, les DOM, afin d’autoriser les logements construits avant l’entrée en vigueur de la réglementation thermique applicable aux DOM, la fameuse RTAA DOM, à bénéficier du dispositif.
Aujourd’hui, seuls les logements construits avant 1990 peuvent en bénéficier. Or la date de 1990 correspond à l’entrée en vigueur en métropole de la nouvelle réglementation thermique, alors que cette dernière n’a été introduite dans les DOM qu’à partir du 1er mai 2010. Ainsi, les logements construits dans les DOM avant cette date sont très peu efficients en matière énergétique et nécessitent donc des travaux de rénovation importants pour éviter le recours ultérieur à la climatisation.
Le présent amendement a donc pour objet d’aligner le régime applicable aux DOM sur celui de la métropole, en prenant comme date de référence la mise en œuvre de la réglementation thermique, soit 2010.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Là encore, il s'agit d’un véritable sujet. La commission a considéré que cet amendement était intéressant, car il vise à étendre à l’outre-mer la logique appliquée en métropole.
En effet, la réglementation thermique n’est applicable qu’à partir de 2010 dans les DOM, alors qu’elle l’est depuis 1990 en métropole. Il n’est donc pas absurde de vouloir étendre le bénéfice de l’éco-PTZ aux logements construits dans la période intermédiaire, c’est-à-dire entre 1990 et 2010.
Néanmoins, la commission des finances ne dispose d’aucun chiffrage du coût de cette mesure pour les finances publiques. Elle souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La date du 1er janvier 1990 qui s’applique aujourd’hui aux éco-PTZ délivrés en métropole et outre-mer ne me semble effectivement pas adaptée aux départements d’outre-mer.
Madame Lienemann, votre proposition permettrait d’accélérer la rénovation énergétique dans les DOM, qui sont probablement, sur ce point, en retard par rapport à la métropole.
Toutefois, l’extension du champ d’application de l’éco-PTZ pourrait avoir un coût significatif. Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement, mais il souhaite aussi que soit utilisée la navette parlementaire pour que l’on puisse trouver un gage sur cette mesure.
Néanmoins, je lève le gage sur cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement I-88 rectifié ter.
La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je voterai cet amendement, ainsi que mes collègues du groupe UMP membres de la délégation à l’outre-mer. En effet, nous avons bien compris quel problème se posait pour les logements construits entre 1990 et 2010 et quelle était la situation particulière de l’outre-mer, où il existe un vrai besoin en matière énergétique.
Un autre problème a été soulevé, qui constitue lui aussi un véritable sujet : nous sommes obligés d’examiner nombre d’amendements sans disposer d’évaluations financières préalables, puisque personne n’est capable de nous les fournir.
Cela étant, le montant en question ne doit pas être très important et la mesure proposée peut constituer un signe positif pour l’outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaite répondre à l’interrogation légitime de M. Doligé, qui estime que le coût de cette mesure ne doit pas être « très important », une expression dont on ne sait pas exactement ce qu’elle signifie ; ce qui est très important pour les uns peut ne pas l’être pour les autres… Lorsque j’étais professeur de mathématiques, je ne supportais pas que mes élèves profèrent ce genre d’approximations. (Sourires.) Qu’est-ce qui est « petit » ? Qu’est-ce qui est « grand » ?...
Plus sérieusement, je dirai que le coût de ce dispositif est de « quelques » – ce mot ne veut pas dire grand-chose non plus ! – millions d’euros, et qu’il est probablement inférieur à 10 millions d’euros. Je pense que votre assemblée est ainsi éclairée...
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6 quinquies.
Article 6 sexies (nouveau)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 2 de l’article 793 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les immeubles et droits immobiliers, à concurrence de 30 % de leur valeur, lors de la première mutation, si elle est réalisée à titre gratuit, postérieure à la reconstitution des titres de propriété y afférant, sous réserve que ces titres de propriété aient été constatés par un acte régulièrement transcrit ou publié entre le 1er octobre 2014 et le 31 décembre 2017.
« Sauf dispositions contraires, cette exonération est exclusive de l’application au même bien, au titre de la même mutation ou d’une mutation antérieure, de toute autre exonération de droits de mutation à titre gratuit. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 885 H, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 8° ».
Mme la présidente. L’amendement n° I-23, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, si elle est réalisée à titre gratuit,
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
Sauf dispositions contraires,
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 sexies, modifié.
(L'article 6 sexies est adopté.)
Article 6 septies (nouveau)
I. – L’article 885 H du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux troisième et quatrième alinéas, le montant : « 102 717 € » est remplacé par le montant : « 101 897 € » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
II. – Le I s’applique à l’impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2015.
Mme la présidente. L’amendement n° I-24, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le deuxième alinéa de l’article 793 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le montant : « 101 897 € » est remplacé par le montant : « 102 717 € » ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Cette limite est actualisée, le 1er janvier de chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondie à l'euro le plus proche. »
II. – Le I s’applique à compter du 31 décembre 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite aller dans un sens différent de l’Assemblée nationale, qui propose de désindexer le seuil applicable à l’impôt de solidarité sur la fortune pour un certain nombre de biens ruraux soumis à bail et pour des groupements fonciers agricoles.
Nous considérons au contraire qu’il convient, en vertu de la règle générale, d’indexer les seuils d’imposition. À défaut, la désindexation risque de contribuer, même si l’inflation est faible, à un alourdissement de la fiscalité.
Nous proposons, pour notre part, d’harmoniser le traitement des biens ruraux soumis à bail et des parts de groupements fonciers agricoles au regard des droits de mutation à titre gratuit et de l’ISF.
Le principe de l’indexation est simple : il vise à ne pas alourdir les impôts, même si, je le répète, l’inflation est faible. Nous tenons à ce principe, et c’est tout le sens de cet amendement de la commission des finances.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a fait le choix, dès le collectif budgétaire de l’été 2012, de supprimer le principe d’actualisation automatique annuelle du tarif des abattements et différents seuils applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit, ou DMTG. Il ne saurait donc être envisagé de revenir, même partiellement, sur cette mesure.
La suppression de ce principe permet en effet, depuis 2012, de dégager des recettes budgétaires supplémentaires qui nous semblent nécessaires. Dans ce contexte, il serait malvenu de supprimer cette mesure.
La suppression de l’actualisation automatique du seuil applicable en matière d’ISF, ainsi que l’harmonisation des seuils applicables en matière de DMTG et d’ISF, concourent à une plus grande lisibilité de la loi, sans pour autant induire un impact négatif en termes d’incitation sur les transmissions des biens concernés, qui continueront à bénéficier d’avantages fiscaux substantiels, soit l’exonération partielle de DMTG et d’ISF à hauteur de 75 %, puis de 50 %, au-delà du seuil de 101 897 euros.
Le Gouvernement est donc clairement défavorable à cet amendement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et le Gouvernement alourdit la fiscalité !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 septies est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 6 septies
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-233 est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Iriti et MM. Duvernois, Mandelli, Pellevat, Laufoaulu et Commeinhes.
L’amendement n° I-306 est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des membres des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées et des sociétés en commandite par actions qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues par l’article 239 bis AC. » ;
2° Au 1 de l’article 206, après la référence « 239 bis AB », est insérée la référence : « , 239 bis AC » ;
3° Au deuxième alinéa du 2 de l’article 221, la référence : « et 239 bis AB » est remplacée par les références : « , 239 bis AB et 239 bis AC » ;
4° Après l’article 239 bis AB, il est inséré un article 239 bis AC ainsi rédigé :
« Art. 239 bis AC. – I. – Les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés en commandite par actions exerçant une activité de location d’établissements meublés ou équipés dans le secteur du tourisme et constituant des placements collectifs relevant du III de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l’article 8.
« II. – L’option ne peut être exercée que si elle est prévue dans les statuts constitutifs. Elle est notifiée par le représentant légal de la société au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration de résultats dans les trois premiers mois du premier exercice au titre duquel elle s’applique. Cette option est irrévocable. »
II. – Le I est applicable aux impositions dues au titre des exercices ouverts à compter de la publication de la présente loi.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° I-233.
Mme Jacky Deromedi. Afin de procurer au secteur du tourisme une source de financements complémentaire dans un contexte de concurrence accrue au plan international, le présent amendement vise à favoriser la création de véhicules d’investissement collectif dédiés à la location en meublé non professionnel, la LMNP, en permettant aux sociétés par actions d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes. Les investisseurs qui sont des personnes physiques se trouveraient, dès lors, traités fiscalement de la même façon qu’en cas d’investissement direct.
Cette option serait réservée aux sociétés par actions régulées et contrôlées par l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, en application des dispositions de la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, dite « directive AIFM », transposée en droit français en juillet 2013.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° I-306.
M. Michel Bouvard. Je souhaite compléter ce qui vient d’être dit.
Monsieur le secrétaire d’État, je continue inlassablement à plaider ma cause. C’est ma ténacité de montagnard qui espère toujours, lorsqu’il est au camp de base, parvenir au sommet ! (Sourires.)
J’ai évoqué, hier, le problème posé par ces biens qui, une fois achevée la période d’obligation de mise en marché liée à l’avantage fiscal, se trouvent dans un certain nombre de cas privatisés par le propriétaire et ne contribuent donc plus à l’offre réceptive du tourisme français.
On sait, par ailleurs, que certains investissements dépassent la capacité d’épargne d’un grand nombre d’épargnants.
Le véhicule collectif a donc trois mérites : tout d’abord, il évite une privatisation du bien, lequel est par définition multiple ; ensuite, il draine de l’épargne pour des personnes n’ayant pas la capacité financière d’acheter un appartement complet ; enfin, il permet de régler le problème de l’acquisition des parties communes et de satisfaire à des obligations d’investissement dans des villages de vacances ou des équipements collectifs, comme des piscines, par exemple, que l’on trouve dans un certain nombre de résidences.
Aujourd’hui, il existe des véhicules d’investissement collectif dans l’immobilier – des sociétés civiles de placement immobilier, les SPCI, des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI –, qui fonctionnent d’ailleurs bien. Ont ainsi été levés depuis quatorze ans, grâce à une collecte auprès du grand public, quelque 30 milliards d’euros pour les SPCI et 1,2 milliard d’euros pour les EPCI.
Se pose tout de même un problème : ces véhicules d’investissement ne permettent pas de louer en meublé et ne sont pas adaptés à l’investissement dans les équipements ou les hébergements touristiques.
Nous proposons donc ici d’apporter les modifications nécessaires à l’obtention de l’autorisation pour ces véhicules d’investissement dans l’immobilier touristique, en les liant aux dispositifs fiscaux qui existent aujourd’hui en vue de fédérer les particuliers sur ce type d’investissement.
Je ne sais si cette proposition sera considérée, ou non, comme un élargissement de la niche fiscale au bénéfice du tourisme, mais elle fait partie de cette réflexion d’ensemble que je souhaite obtenir du Gouvernement sur les moyens de financer le tourisme français et les investissements dans ce secteur qui est créateur d’emploi et qui permet de lutter contre le déficit de notre balance des paiements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La question de la rénovation, longuement évoquée hier, et celle du soutien au secteur touristique constituent toutes deux pour la commission de véritables sujets. Peut-être convient-il en effet de développer des produits et des placements collectifs permettant d’investir dans les logements meublés et de bénéficier du régime fiscal du loueur en meublé non professionnel.
Toutefois, au stade où nous en sommes et après un examen approfondi de ces deux amendements, il nous semble que la réflexion n’est pas suffisamment mûre sur la compatibilité entre le régime fiscal du loueur en meublé non professionnel et le régime qui est applicable à l’investissement collectif qui est proposé.
La commission, même si elle est sensible à l’intention des auteurs de ces amendements et aux arguments développés par Michel Bouvard sur la nécessité de soutenir ce secteur par la création de nouveaux moyens d’investissements, n’est pas favorable à cette proposition. Elle estime en effet que la question mériterait d’être étudiée davantage en vue de mettre en place un régime plus opérationnel.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite clairement soutenir le tourisme : il le fait et il le prouve. Il a ainsi lancé de nombreux travaux visant à renforcer l’attractivité de notre pays, qui sont relatifs aux questions de circulation, de visas, d’évènements internationaux, de résidences, de restauration, mais aussi de droit du travail, même si cela semble poser problème à certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.)
Actuellement, les sociétés de personnes qui se transforment en sociétés de capitaux ont la possibilité, pendant cinq ans, de rester assujetties à l’impôt sur le revenu, et non, comme telle est la règle pour les sociétés de capitaux, à l’impôt sur les sociétés. Vous proposez, monsieur Bouvard, de faire sauter ce verrou de cinq ans pour les sociétés ayant l’objet que vous avez décrit.
Le Gouvernement est défavorable à ce dispositif, car il estime que le régime actuel constitue d’ores et déjà une exception à la règle selon laquelle les sociétés de capitaux sont soumises à l’impôt sur les sociétés, et non à l’impôt sur le revenu. Le risque serait assez grand, si nous vous suivions, de permettre à des particuliers de faire remonter des déficits dans leur assiette personnelle d’impôt sur le revenu. Tel est d’ailleurs l’objectif incitatif visé par les auteurs des amendements, et il n’est pas forcément honteux.
Appliquer cette exception est une bonne chose, mais le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà. Son avis est donc tout à fait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Ce que dit M. le secrétaire d'État est vrai et fondé, et j’ai bien entendu que le rapporteur général nous appelait à améliorer notre amendement. Je vais donc le retirer, en espérant que nous pourrons travailler avec la commission pour trouver un dispositif plus adapté, qui s’inscrive dans une logique moins dérogatoire et tienne compte des arguments présentés par le Gouvernement.
Il n’en reste pas moins que nous avons besoin de ce type de véhicules, qui sont devenus une nécessité.
En outre, le maintien du différentiel entre les investissements dans le secteur locatif traditionnel et les investissements dans le secteur locatif touristique – c’est ce que prévoit le dispositif Pinel –, rend encore plus nécessaire l’existence d’un véhicule alternatif apte à drainer de l’épargne en direction du tourisme tout en évitant l’achat d’un bien en propre par des particuliers. En effet, nous le savons, le dispositif Pinel va complètement déclasser l’investissement dans le secteur touristique.
Je ne nie pas les efforts consentis par le Gouvernement en faveur du secteur du tourisme ; je les reconnais même bien volontiers. C’est à mon sens un problème de réceptifs. Nous ne pouvons ignorer ce sujet central, qu’il nous faut prendre à bras-le-corps. J’espère donc que nous pourrons y retravailler d’ici au collectif budgétaire.
En attendant, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-306 est retiré.
Madame Deromedi, l'amendement n° I-233 est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-233 est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-192, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 787 B, 885 I bis, 885 I ter et 885-0 V bis du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les dispositions de cet amendement illustrent bien notre constance en matière d’impôt de solidarité sur la fortune et d’inégalités de patrimoine.
Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, loin d’être ridicule – quelque 5 milliards d’euros sont prévus en 2015 –, se voit bridé par un certain nombre de niches fiscales dont le coût peut se révéler important, alors même que le nombre des contribuables qui y font appel est plutôt réduit. (Mme Sophie Primas proteste.)
Dans le cas des opérations portant engagement collectif de conservation des titres et parts de société d’une entreprise dont le contribuable n’est qu’un actionnaire somme toute ordinaire, l’opération coûte environ 240 millions d’euros au budget général, pour un nombre indéterminé de bénéficiaires.
Sur les apports en numéraire aux entreprises – le dispositif ISF-PME – et aux dons aux œuvres, nous disposons de données plus précises. Selon l’évaluation des voies et moyens, 47 098 contribuables ont effectué des apports en direction de PME pour un coût fiscal de 468 millions d’euros, soit près de 10 % du produit de l’ISF. Quel est le montant des sommes effectivement engagées ? On peut l’estimer au double, ou à peu près, de la dépense fiscale.
Parmi les contribuables assujettis à l’ISF de la première tranche du tarif se trouvent 30 305 contribuables « financeurs », engageant 330,4 millions d’euros d’apports au capital des PME. Encore faut-il noter, mes chers collègues, que 30 % seulement d’entre eux – 9 155 en pratique – ont réalisé un apport direct au capital d’une PME, d’un montant moyen de 14 225 euros environ.
Pour ceux qui ont opté pour l’apport à une holding, le versement moyen se situe à 15 400 euros. L’apport aux fonds d’investissement de proximité conduit à un versement moyen de 9 100 euros environ, et le versement par le truchement des FCPI nous ramène à 8 850 euros.
Quel que soit le type de versement ou de véhicule utilisé, nous sommes fort loin du plafond de versement du dispositif ISF-PME. En revanche, ce niveau de versement correspond à peu près à celui de l’imposition qui aurait dû être acquittée par les contribuables concernés.
Dans le cas des dons aux œuvres – le dispositif propre à l’ISF doublonne singulièrement celui de l’impôt sur le revenu –, le nombre des contribuables concernés atteint 32 172, soit environ le dixième des redevables, pour une dépense fiscale représentant 112 millions d’euros. Nous disposons de données pour les contribuables de la première tranche : ils sont 22 218, soit un dixième du total, à avoir effectué un don déductible de l’ISF.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est positif pour les fondations !
Mme Marie-France Beaufils. Le montant moyen du don est de 2 359 euros pour une œuvre domiciliée en France et de 7 155 euros pour une œuvre domiciliée en Europe.
Ce montant est relativement modique au regard de l’objet concerné, à savoir des œuvres, même s’il est toujours troublant de qualifier de « modique » un tel niveau de versement !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-France Beaufils. Dans la plupart des cas, ces dons ont pour fonction d’optimiser la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune. L’intérêt des contribuables pour l’œuvre qu’ils soutiennent ainsi est sans nul doute relativement faible, et c’est surtout sa traduction fiscale qui retient l’attention. Or le coût de ce dispositif pour les finances publiques n’est pas négligeable.
Tel est l'objet de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-280 rectifié, présenté par MM. Dassault et Lefèvre, Mme Deroche et M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 6 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés.
II - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 402 bis, 438, 520 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-193, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 885 A, le montant : « 1 300 000 » est remplacé par le montant : « 800 000 » ;
2° L’article 885 U est ainsi rédigé :
« Le tarif de l’impôt est fixé à :
« (en pourcentage)
«
FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLEdu patrimoine |
TARIFapplicable |
N'excédant pas 800 000 € |
0 |
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 300 000 € |
0,55 |
Supérieure à 1 300 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 € |
0,70 |
Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 € |
1 |
Supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 € |
1,35 |
Supérieure à 10 000 000 € |
1,80 |
»
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, nous vous proposons de nouveau un barème de l’impôt de solidarité sur la fortune quelque peu remis au bon niveau et dont le seuil d’imposition serait ramené à hauteur de ce qu’il fut dans un passé pas si ancien.
Depuis 2011, l’ISF a connu plusieurs corrections, dont la moindre n’a pas été la division par deux, ou peu s’en faut, du nombre de ses contribuables.
Cette mesure, même corrigée en 2012, demeure en complet décalage avec les principes républicains d’égalité devant l’impôt, pourtant précisés par les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et au regard des efforts demandés aux plus modestes devant la situation des comptes publics.
Comment appeler nos compatriotes à l’effort et à la rigueur quand on se prive de mettre à contribution 300 000 ménages qui peuvent tout à fait produire cet effort, eu égard à leur patrimoine, dont le niveau est nettement supérieur à la valeur moyenne des patrimoines en France ? Voilà qui nécessite l’ajustement que nous recommandons ici.
Mme Sophie Primas. Ah !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune ne semble pas connaître de réduction sensible, et les prévisions pour 2015, qui portent sur environ 5 milliards d’euros de recettes, montrent que les inégalités sociales nourrissent au moins la fortune de quelques-uns.
L’ISF se révèle d’ailleurs assez peu confiscatoire, contrairement à certains discours entendus ici et là, puisque les éléments statistiques fournis par le ministère des finances lui-même nous indiquent que les 230 000 ménages dont le patrimoine est compris entre 1,3 million d’euros et 2,57 millions d’euros, c’est-à-dire les seuls contribuables de la première tranche du tarif, disposaient en 2013 d’un patrimoine d’une valeur imposable de 406 milliards d’euros, produisant un impôt estimé à 1,33 milliard d’euros, soit environ 0,3 % de la base taxable.
L’enrichissement des contribuables de l’ISF est souvent assez éloigné de la reconnaissance de leur mérite propre. Il provient en effet bien souvent de la réévaluation du marché immobilier, de la tenue des indices boursiers ou de la santé des titres et parts de sociétés non cotées.
Je fais d’ailleurs ici observer que toute mesure visant à favoriser le développement d’une certaine forme de spéculation immobilière – l’encouragement aux ventes à la découpe ou l’allégement de la fiscalité des plus-values en sont de bons exemples – tend, mécaniquement, à valoriser l’ensemble des biens, qu’ils soient ou non sur le marché, provoquant un renchérissement de leur valeur au titre de l’ISF.
Avec cet amendement, nous rappelons la juste et nécessaire contribution des patrimoines les plus importants au redressement des comptes publics. Ce devrait être en effet l’affaire de tous.
Mme la présidente. L'amendement n° I-194, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts est complété par les mots : « dans la limite de 2 millions d’euros ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les dispositions votées dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », ont largement ouvert les portes de l’optimisation fiscale en matière d’ISF et la remise en forme de l’impôt, depuis le printemps 2012, a finalement entériné une bonne partie des orientations fixées sous la législature précédente, puisque le nombre des redevables de l’impôt s’est réduit de manière assez importante. Pour autant, les mesures prises et l’équilibre trouvé n’ont pas fait, de notre point de vue, la pleine démonstration de leur efficacité sociale et économique.
Notre proposition est d’une grande simplicité. Elle vise à maintenir, notamment pour les actifs professionnels détenus par des redevables qui seraient aussi patrons de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire, un certain niveau d’exonération de ces actifs. En revanche, en pleine application du tarif de l’impôt de solidarité sur la fortune, elle tend à placer ces actifs dans le patrimoine taxable à partir d’un montant de 2 millions d’euros.
L’impôt de solidarité sur la fortune ayant un caractère progressif, c’est à raison de l’importance de ces actifs professionnels que le rendement serait majoré.
Il s’agit là d’une mesure de justice fiscale, s’appuyant sur les qualités actuelles de l’ISF pour le rendre plus juste, plus efficace et plus rentable pour les finances publiques.
Mme la présidente. L'amendement n° I-195 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant de cet abattement ne peut excéder 300 000 euros. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’abattement sur la valeur de l’habitation principale du redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune constitue l’une des mesures de correction de cet impôt, pour un montant relativement important, de l’ordre de 490 millions d’euros pour 2014. Cette mesure constitue une moins-value fiscale de 1 600 euros environ par contribuable de l’ISF moyen, ce qui doit situer la valeur moyenne de la résidence principale de celui-ci entre 300 000 euros et 350 000 euros.
Nous proposons de limiter les effets de cet abattement sur l’habitation principale à hauteur de 300 000 euros. En d’autres termes, les résidences principales dont la valeur est inférieure à 1 million d’euros bénéficieraient d’un abattement et celles dont la valeur est supérieure à 1 million d’euros ne seraient plus « abattues » de la même manière.
Cette mesure ne manquerait pas de renforcer la justice et l’équité entre contribuables de l’ISF, en concentrant les pleins effets de la niche sur ceux d’entre eux qui sont le moins fortunés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-192, I-193, I-194 et I-195 rectifié ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je commenterai globalement ces amendements, dont les objets vont tous dans le même sens. En effet, tous visent à alourdir considérablement l’ISF, par la suppression soit d’un certain nombre de mécanismes d’abattement, comme celui dont bénéficie la résidence principale, soit d’un certain nombre de déductions. Seul l’amendement n° I-280 rectifié tendait à supprimer l’ISF, ce qui nous aurait promis un beau débat, s’il avait été présenté ! (Sourires.)
Dans la mesure où un amendement tend à modifier le barème en vigueur, un petit rappel historique s’impose. En 1982, lorsque ce que l’on appelait alors l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF, a été créé, répondant ainsi à une promesse de François Mitterrand, son taux marginal supérieur était de 1,5 %, ce qui correspond au taux supérieur actuel de l’ISF.
Cependant, à l’époque, les placements ne rapportaient pas la même chose ! Il a été question précédemment d’un emprunt Maurois dont le taux était de plus de 16 %. À l’époque, l’État empruntait à plus de 16 % !
M. Philippe Dallier. Heureusement que ce n’est pas le cas aujourd’hui !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ce n’était pas la même inflation !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, l’État emprunte à 1,2 % si on prend les obligations assimilables du Trésor à dix ans, parfois même à des taux négatifs à très court terme.
Par conséquent, lorsque le taux du placement est de 15 % ou de 16 %, le taux marginal de 1,5 % devient relativement indolore. En revanche, lorsque les emprunts d’État rapportent 1,2 %, cela devient confiscatoire, contraignant le contribuable non seulement à puiser dans les revenus du capital, mais aussi à réaliser son capital pour payer l’impôt.
C’est toute la difficulté de l’exercice. Nous aurons sans doute de nouveau ce débat, et la commission des finances engagera des travaux approfondis sur le sujet. Voilà pourquoi les expatriations ne sont pas un fantasme, loin de là.
Alourdir encore l’ISF, comme le propose le groupe CRC, serait aujourd’hui une folie.
Mme Marie-France Beaufils. Nous ne faisons pas que l’alourdir, nous proposons aussi des modulations !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vais y venir, chère collègue.
L’amendement n° I-192 tend à supprimer un certain nombre de réductions : l’exonération Dutreil, les dispositifs ISF-PME. Je précise à cet égard que cela concerne également, et le groupe CRC devrait y être sensible, les exonérations dont peuvent bénéficier les titres coopératifs.
Si l’on veut que les actionnaires minoritaires achèvent de se délocaliser, il faut supprimer le pacte Dutreil ! En effet, il s’agit d’une mesure incitant à rester en France, puisqu’elle est conditionnée à un engagement de conservation.
Nous examinerons tout à l’heure un certain nombre d’amendements relatifs au soutien aux PME. Le diagnostic est connu : les PME sont sous-capitalisées et ont du mal à investir, faute de capitaux propres. Le dispositif ISF-PME, qui permet de déduire de l’ISF le montant des investissements dans les PME, permet d’aider ces dernières. Si ce dispositif a entraîné des abus par le passé, il est aujourd'hui bien encadré.
De même, le dispositif de soutien aux fondations sans but lucratif est lui aussi est bien encadré. Il s’applique aux fondations reconnues d’utilité publique.
Sans être un chaud partisan de l’ISF, je pense que ces différentes niches ou exonérations, qu’il s’agisse du pacte Dutreil ou des déductions pour investissements dans les PME ou pour soutien aux fondations reconnues d’utilité publique, permettent d’en atténuer les effets.
La commission ne peut donc qu’être défavorable à l’amendement n° I-192.
L’amendement n° I-193 vise quant à lui à rétablir l’ancien barème de l’ISF et le taux maximal de 1,8 %, ce qui alourdirait considérablement l’ISF. Le barème actuel est déjà totalement déconnecté de la réalité et des rendements des différents placements aujourd'hui, qu’il s’agisse du livret A ou de l’OAT à dix ans. Le barème de 1,5 % est déjà lourd, comparativement à l’IGF de 1982.
L’inflation et les placements n’ont aujourd'hui rien à voir avec ce qu’ils étaient à cette époque. Un taux maximal de 1,5 % avec une inflation à 15 %, ce n’est pas la même chose qu’un taux de 1,5 % avec une inflation légèrement supérieure à 1 %. Alourdir l’ISF en portant à 1,8 % le taux maximal renforcerait le caractère confiscatoire de l’impôt. On ne peut pas alourdir l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le rendement a d’ailleurs augmenté – il s’élève à plus de 5 milliards d’euros cette année –, car une telle mesure provoquerait des dommages collatéraux importants.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° I-193.
L’amendement n° I-194 est un texte de poids ! Il vise à revenir sur un principe non pas fondateur, mais qui a toujours été en vigueur, à savoir l’exonération des biens professionnels. Dès l’origine, dès 1982, les biens professionnels ont été exonérés de l’IGF ou de l’ISF, et ce pour des raisons évidentes.
Si tel n’était pas le cas, il faudrait complètement changer de système et mettre en place une autre forme de fiscalité. L’assiette pourrait être extrêmement large, tous les biens sans exception étant taxés, y compris les biens professionnels, mais le barème devrait alors être extrêmement réduit. À défaut, nous provoquerions instantanément la délocalisation des entreprises françaises. Ce serait néfaste pour l’investissement et pour l’attractivité économique de notre pays.
Je pense que l’on ne peut pas revenir sur ce principe fondateur de l’IGF, puis de l’ISF aujourd'hui. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° I-194.
L’amendement n° I-195 rectifié tend à limiter le montant de l’abattement sur la résidence principale. Cet abattement de 30 % a été instauré pour plusieurs raisons.
Il s’agissait tout d’abord de tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui admet des abattements compte tenu de la situation réelle des biens.
Un bien occupé en résidence principale n’est pas un bien liquide. Il faut prendre en compte l’occupation, qui justifie un abattement, communément admis en matière de droits d’enregistrement et d’ISF. Un tel bien ne produit pas non plus de revenus, contrairement à un bien locatif classique, qui est normalement loué et suscite un revenu, ce dernier permettant d’ailleurs de payer l’impôt. Par définition, la résidence principale n’est pas, elle, productrice de revenus.
Par ailleurs, les chiffres montrent une augmentation considérable du produit de l’impôt qui est due en partie, s’agissant des résidences principales, à la hausse des prix de l’immobilier.
Sans même évoquer le cas des producteurs de pommes de terre de l’île de Ré, certaines personnes sont aujourd'hui confrontées à une augmentation de la valeur de leur appartement. Or elles n’y sont pour rien. Elles n’ont pas l’intention de le vendre et ne le peuvent pas, car c’est leur résidence principale, qu’elles ont achetée ou dont elles ont hérité. Elles sont donc soumises à cet impôt du seul fait d’être propriétaires et font face à une augmentation très forte de la fiscalité. L’abattement se justifie donc pleinement.
Il serait bien sûr extrêmement difficile de revenir sur cet abattement. Certes, les prix de l’immobilier ont augmenté, notamment dans les zones tendues, mais les propriétaires subissent plus cet état de fait qu’ils n’en bénéficient.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est évidemment défavorable à l’amendement n° I-195 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces discours – la complainte de l’île de Ré, celle des faibles taux d’intérêt – sont bien connus,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la réalité !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ce qui n’ôte rien à leur intérêt d'ailleurs.
Monsieur le rapporteur général, j’ai beaucoup de respect pour ceux qui ont de grandes fortunes et qui paient l’ISF, mais je les sais suffisamment intelligents pour trouver des placements de nature à leur permettre de s’acquitter de cet impôt.
Je doute que les possesseurs d’un patrimoine important soient nombreux à placer leur fortune en obligations d’État. Ils connaissent tous les placements ayant des rendements supérieurs et ils ont très souvent les moyens de s’offrir les services de conseillers fiscaux pour les aider si, par hasard, en raison de leur âge ou par manque de temps, ils ne pouvaient pas les gérer eux-mêmes.
Mon principal argument contre ces amendements est le suivant : nous avons remis d’aplomb l’ISF, que nos prédécesseurs avaient vidé de son contenu, après un débat important en 2012 sur les seuils, sur les taux, sur les assiettes et sur les abattements. Je ne suis pas favorable au fait de revenir tous les trois mois, tous les six mois ou même tous les deux ans sur des décisions que nous avons prises.
J’ai moi-même participé à des débats intéressants sur l’assiette de l’ISF, concernant notamment les œuvres d’art. Toutefois, le Parlement s’étant prononcé, on ne peut pas revenir tous les deux mois sur l’abattement sur la résidence principale ou au titre de tel ou tel investissement – le pacte Dutreil ou l’ISF-PME, par exemple –, sinon on nous reprochera à juste titre une instabilité fiscale et un manque de lisibilité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous rejoins sur ce point.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela ne signifie pas que les choses sont gravées dans le marbre, pour reprendre une expression qui a eu son succès, mais, je le répète, on ne peut pas revenir tous les trois mois sur un sujet aussi lourd que l’ISF, compte tenu du fait qu’un débat, parfois vif, a déjà eu lieu sur cette question au début de la législature. C’est d’ailleurs pour cela que, à titre personnel – mon cas personnel est néanmoins peu de chose –, je n’ai pas soutenu certains amendements que j’avais défendus en 2012.
On a le droit de penser que, dans une démocratie vivante, on ne doit pas revenir sans cesse sur le même sujet, dès lors que celui-ci a été bien traité, avec tout le temps nécessaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles, sans entrer dans les détails de chacun des amendements, qui ont chacun leur sens, le Gouvernement ne souhaite pas que l’on touche à cet impôt.
J’ai tenu le même raisonnement hier sur l’assurance vie, avec des amendements quelque peu similaires. Nous avons fait une réforme. Celle-ci a donné lieu à des débats, à des hésitations parfois, mais la question ayant été tranchée, nous n’y reviendrons pas.
Je dirai juste un mot concernant l’ISF-PME, dont nous discutons actuellement avec la Commission. Il n’est pas impossible que nous soyons amenés à vous proposer une modification, afin de mettre ce dispositif en conformité avec le droit européen et d’éviter ainsi d’être condamnés, contrairement à ce qui est arrivé dans le passé. Je vous en avertis dès à présent, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que vous ne me reprochiez pas de toucher à une disposition sur laquelle j’avais dit que nous ne reviendrions pas !
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne comptais pas intervenir au cours de ce débat fascinant et annuel, mais compte tenu de ce que j’entends…
Mme Gonthier-Maurin a déclaré tout à l’heure que l’ISF était fondé sur les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est une vision de la fiscalité assez nouvelle…
M. Philippe Dallier. Et extensive ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. J’ignorais que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen envisageait des impôts sur le patrimoine !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous me faites un procès d’intention ! Il s’agit du principe de l’égalité devant l’impôt.
M. Roger Karoutchi. Chacun peut interpréter les textes historiques comme il le souhaite, mais tout de même !
Surtout, je voudrais rappeler à M. le secrétaire d’État, qui a parlé des « grandes fortunes », que le seuil de déclenchement de l’ISF était fixé, il y a encore quelques années, à 800 000 euros. Tout le monde n’est pas francilien, je le reconnais, ni habitant de l’île de Ré, mais il faut tout de même savoir que, entre 2004 et 2011, à Paris ou dans mon département, les Hauts-de-Seine, les prix de l’immobilier ont augmenté de 57 %. Et les gens n’y sont pour rien !
En 2011, le prix du mètre carré s’établissait en moyenne à 8 700 euros, un peu plus dans les beaux quartiers, un peu moins dans les arrondissements de l’Est. Les prix se tassent un peu aujourd'hui, mais il n’en demeure pas moins que le propriétaire d’un appartement familial, soit qu’il en avait hérité, soit qu’il l’avait acheté quelques années plus tôt à un prix beaucoup plus bas, se retrouvait redevable de l’ISF.
Pardon de le dire, mais ces gens-là ne faisaient pas partie des « grandes fortunes » et ne gagnaient pas forcément des sommes considérables ! Le gouvernement de l’époque avait donc considéré qu’il était nécessaire d’instaurer un abattement de 30 % sur la résidence principale, au lieu de 20 % précédemment, et de porter à 1 300 000 euros le seuil de déclenchement de l’ISF. Je constate d’ailleurs que, depuis l’élection de François Hollande, les gouvernements ont procédé à un certain nombre de changements, mais qu’ils n’ont pas modifié ce seuil.
Il faut faire une distinction entre ceux qui ont effectivement de très grosses fortunes et ceux qui, soit parce que les prix de l'immobilier ont augmenté, soit parce que les prix des terrains se sont accrus – c’est plus rare –, se sont retrouvés soudain redevables de l’ISF.
Je considère que le débat sur l’ISF reste entier et qu’il est à venir. Certains dans mon camp politique considèrent qu’il faut supprimer cet impôt, car il entrave l’activité des entreprises, l’investissement étranger et le développement de l’économie. C’est une position respectable, dont il faut débattre.
En tout état de cause, la suppression éventuelle de l’ISF ou l’évolution de cet impôt ne peut intervenir que dans le cadre d’une réforme fiscale globale, cette fameuse réforme fiscale dont le précédent Premier ministre nous disait qu’elle devait avoir lieu en 2013-2014. Or, pour le moment, on n’a rien vu venir.
M. Didier Guillaume. C’est encore possible !
M. Roger Karoutchi. Non, cher collègue, il n’y aura pas de réforme fiscale globale d’ici à 2017 ! Vous savez bien que le débat sur cette question aura lieu durant la campagne présidentielle. Il est maintenant trop tard. Si le Président de la République avait voulu faire une véritable réforme fiscale, il l’aurait faite au cours de la première partie de son mandat. On ne fait pas une telle réforme en fin de mandat. Ce sera le débat de la présidentielle et, après tout, il sera tout à fait honorable pour l’ensemble des citoyens.
Aujourd'hui, restons-en au système actuel. Au moins ne mettrons-nous pas en œuvre des solutions complètement aberrantes pour les contribuables. (Mme Sophie Primas et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Il restait une minute de temps de parole à mon collègue Roger Karoutchi pour son explication de vote ; je dispose quant à moi de cinq minutes, mais il a déjà tout dit, et je ne puis donc que m’associer à l’intégralité de son propos ! (Sourires.)
M. Jacques Chiron. Bravo pour cette concision !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, je crois que vous avez raison lorsque vous dites que les assujettis à l’ISF sont généralement bien conseillés et peuvent, pour cette raison, faire des placements fructueux. C’est en tout cas ce que j’ai retenu de votre propos.
Je pense aussi que, si le niveau du rendement de l’ISF se maintient, c’est parce que l’enrichissement des plus riches est très important. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Et ce n’est pas moi qui le dis ; c’est tout simplement le bilan qui est présenté régulièrement dans les médias.
Je voulais revenir sur notre amendement n° I-194. Nous avons proposé, monsieur le rapporteur général, de réserver un traitement différencié, d’une part, aux PME et aux entreprises intermédiaires et, d’autre part, aux grandes sociétés. Nous ne sommes donc pas non plus dépourvus de toute réflexion sur la situation des activités économiques.
Quant à la question de la base de l’ISF, j’entends tout à fait ce que dit M Karoutchi ; pour autant, je crois que l’augmentation considérable du coût de l’immobilier dans un certain nombre de territoires est due à la faible diversité de l’habitat et de la population,…
M. Roger Karoutchi. Vous parlez sans doute de la ville de Paris ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-France Beaufils. … qui a créé les conditions de cet enchérissement des prix de l’immobilier.
Par ailleurs, j’insiste sur un point : nous proposons non pas de mettre en cause la propriété familiale, mais seulement d’atténuer les dispositifs existants.
Je voudrais aussi rappeler que le projet de réduire la base de l’ISF du montant des impôts locaux est toujours d’actualité, ce qui n’est pas le cas des autres impôts.
À l’heure où l’on demande à tout le monde de faire des efforts, je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas en demander un peu plus à ceux qui en ont les moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’interviens parce que je suis élu du VIIe arrondissement de Paris, qui était, il y a encore quelques années, un quartier très mélangé.
Or, peu à peu, à cause de la montée des prix de l’immobilier, j’ai vu les fortunes qui partaient, puis, de plus en plus, les chefs et les créateurs d’entreprises. Ainsi, sous la pression de l’ISF, bien des personnes aux revenus modiques qui avaient investi d’abord dans un petit studio, puis, progressivement, dans un appartement de famille, dans le VIIe arrondissement ou dans d’autres arrondissements parisiens, ont été contraintes de vendre. Et ce fut très souvent à des étrangers, d'ailleurs, si bien qu’il y a maintenant un nombre extraordinaire d’appartements à Paris qui ne sont occupés qu’une semaine par an.
Le résultat, c’est que la ville de Paris est actuellement en train de préempter des appartements dans des copropriétés ! Vous rendez-vous compte des conséquences de cette stupidité fiscale ? (Mmes Marie-France Beaufils et Marie-Noëlle Lienemann s’exclament.)
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je connais bien mon arrondissement, mais le phénomène s’observe aussi dans le VIIIe arrondissement et dans beaucoup d’autres. Il faut donc être très attentif aux conséquences de la fiscalité, parce qu’on se retrouve face à des situations stupides ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-195 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Après le 11 du I de l’article 278 sexies, il est inséré un 11 bis ainsi rédigé :
« 11 bis. Les livraisons d’immeubles et les travaux réalisés en application d’un contrat unique de construction de logements dans le cadre d’une opération d’accession à la propriété à usage de résidence principale, destinés à des personnes physiques dont les ressources à la date de signature de l’avant-contrat ou du contrat préliminaire ou, à défaut, à la date du contrat de vente ou du contrat ayant pour objet la construction du logement ne dépassent pas les plafonds prévus à la première phrase du huitième alinéa de l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation et situés, à la date du dépôt de la demande de permis de construire, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine qui font l’objet d’un contrat de ville prévu à l’article 6 de la même loi ou entièrement situés, à la même date, à une distance de moins de 300 mètres de la limite de ces quartiers.
« Le prix de vente ou de construction des logements ne peut excéder les plafonds prévus pour les opérations mentionnées au 4 du présent I ; »
B. – À la troisième phrase du premier alinéa et à la seconde phrase du second alinéa du II de l’article 284, la référence : « et 11 » est remplacée par les références : « , 11 et 11 bis ».
II. – Le I s’applique aux opérations pour lesquelles la demande de permis de construire est déposée à compter du 1er janvier 2015 et jusqu’au 31 décembre 2024 pour les opérations situées dans les quartiers faisant l’objet d’une convention prévue à l’article 10-3 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Mme la présidente. L'amendement n° I-51, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
à compter du 1er janvier 2015
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de supprimer une disposition ajoutée à l’Assemblée nationale, aux termes de laquelle le taux réduit de TVA s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2024 pour les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers faisant l’objet d’une convention pluriannuelle entre l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et les collectivités territoriales.
Cette précision semble, en effet, juridiquement inutile, puisque ces quartiers seront situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or, dans ces derniers, le taux réduit prévu par le présent article s’applique déjà. En outre, la mention de la date du 31 décembre 2024 dans la loi ne garantit rien, puisque le législateur peut très bien modifier le taux de TVA d’ici là.
La commission a donc proposé de supprimer cet ajout. Tel est l'objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’était pas favorable à l’introduction de cette disposition à l’Assemblée nationale. Et comme il ne souhaite pas faire de différence de traitement entre les deux assemblées (Sourires.), il s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vive le bicamérisme !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le rapporteur général, tous les quartiers en zone ANRU ne relèvent pas forcément de la politique de la ville !
L’article 6 du présent texte permettait à des quartiers de bénéficier, sous certaines conditions, de projets ANRU, et je suis bien placé pour le savoir, puisque c’est le cas dans ma commune. Et effectivement, monsieur le secrétaire d’État, on a longuement débattu de la mise en place de la TVA à taux réduit dans certains quartiers.
J’ajoute que la modification du zonage qui vient d’intervenir, consécutive à un recentrage de la politique de la ville, va probablement entraîner un accroissement du nombre de quartiers non prioritaires en zone ANRU.
Je ne sais pas très bien quelle est la portée du dispositif voté par l’Assemblée nationale. En tout cas, je ne souhaite pas que l’on touche à l’équilibre qui avait été trouvé sur la question du périmètre dans lequel le taux réduit de TVA s’appliquerait – 300 mètres ou 500 mètres, rappelez-vous, mes chers collègues, nous en avions longuement parlé.
Je me demande donc si la disposition introduite à l’Assemblée nationale n’est pas bienvenue.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je partage l’avis de M. Dallier et je ne voterai pas cet amendement. Je pense que la mesure qui a été adoptée à l’Assemblée nationale est justement de nature à combler les trous qui existent entre les différents ressorts des politiques de la ville. (M. Jacques Chiron acquiesce.)
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est important, en effet, que toutes les opérations d’accession sociale à la propriété bénéficient de la TVA à taux réduit, et pas simplement celles qui sont au cœur de l’action de l’ANRU.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le problème, mesdames, messieurs les sénateurs, est que, chaque fois qu’on réforme un dispositif – et Dieu sait si vous appelez de vos vœux des réformes structurelles –, on cherche à conserver les mêmes bénéficiaires qu’auparavant,…
M. Philippe Dallier. C’est bien le problème, en effet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … dans les mêmes conditions. Aussi, au final, la réforme coûte toujours plus cher qu’on ne le prévoyait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Peut-être, mais quand il s’agit d’aider les pauvres ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La réforme de la politique de la ville consistant à délimiter par carroyage de nouveaux quartiers a pour objectif de recentrer là où c’est le plus nécessaire les crédits, parce qu’ils ne sont pas inépuisables, comme chacun l’aura compris.
On peut estimer tout de même que certaines opérations qui se sont déroulées sur de longues années ont permis de sortir, si j’ose dire, certains quartiers de leurs difficultés. Il y a donc lieu de mettre fin au dispositif qui les concernait, je le dis avec humilité pour ne froisser personne, pour concentrer les efforts sur des quartiers qui n’en ont pas bénéficié.
Que ce soit en matière de politique de rénovation, de politique de la ville ou dans tout autre domaine, chaque fois que l’on envisage de faire une réforme, si l’on ne veut pas faire de « perdants », le coût sera forcément plus élevé. Il faut donc accepter, à un moment donné, qu’une réforme puisse conduire à mettre un terme à des dispositifs d’aide. Mesdames, messieurs les sénateurs, je me devais d’attirer notre attention sur cette analyse.
Une disposition permet de prolonger cette aide jusqu’à la fin des contrats de ville ; c’est la position du Gouvernement. L’Assemblée nationale a souhaité aller encore au-delà, et j’ai dit tout à l’heure le respect que j’avais pour les deux assemblées. Je renouvelle donc mon avis de sagesse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-51.
M. Roger Karoutchi. Je m’abstiens !
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-16 est présenté par M. Chiron.
L'amendement n° I-54 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Bizet, Pierre, Charon, Karoutchi et Laménie, Mme Lopez, MM. Mouiller, Cornu et Vaspart, Mmes Lamure et Gruny, M. César, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, MM. Pellevat et Longuet, Mme Canayer, MM. Husson, Commeinhes et Gilles, Mme Cayeux et MM. B. Fournier, Houel, Bonhomme et Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 212 bis du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. – Le I ne s’applique pas aux charges financières supportées par les personnes morales ayant pour objet principal une ou plusieurs des activités suivantes : l’acquisition, la construction, la gestion, la vente de logements destinés à la location à usage de résidence principale au titre de l’acquisition, la reconstruction, l’agrandissement, l’amélioration, la réparation, l’entretien de ces logements.
« Pour bénéficier des dispositions du premier alinéa du présent VI les logements doivent, quel que soit le lieu de leur situation géographique :
« – être destinés à être loués à des personnes physiques dont les ressources à la date de la conclusion du bail ne dépassent pas le plafond maximum, déterminé en fonction de la composition du foyer du locataire, fixé par le décret prévu au premier alinéa du III de l’article 199 novovicies ;
« – donner lieu au paiement d’un loyer mensuel ne dépassant pas le plafond maximum fixé par le décret visé au premier alinéa du III de l’article 199 novovicies. »
II. – Le I s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I et du II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Chiron, pour présenter l'amendement n° I-16.
M. Jacques Chiron. Les bailleurs sociaux, parmi lesquels les SEM, les sociétés d'économie mixte, immobilières, œuvrent pour répondre aux besoins en logements sociaux et à prix abordables en zones tendues.
Leurs activités conjuguent la réalisation et la gestion de logements conventionnés avec la mise à disposition de logements à prix abordables non conventionnés. Par exemple, dans la région Rhône-Alpes, que je connais bien, la SEM met sur le marché des logements intermédiaires à un niveau de loyer moyen de 7,70 euros le mètre carré par mois, alors que le prix moyen sur le marché est de 12 euros le mètre carré par mois. À Paris, le niveau de loyer moyen a été de 8,21 euros par mètre carré en 2012, alors que le prix sur le marché est supérieur à 25 euros par mètre carré.
Monsieur le secrétaire d’État, la loi de finances pour 2013 a institué un régime général de limitation de la déductibilité fiscale des charges financières pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2012. L’article 212 bis du code général des impôts limite ainsi la déduction des charges financières nettes dont le montant atteint au moins trois millions d’euros à hauteur de 75 % de leur montant total.
À ce jour, seuls les délégataires, les concessionnaires et les partenaires privés ne sont pas concernés par le dispositif. Cette exclusion, paradoxalement, ne vise pas le secteur du logement social et intermédiaire.
En l’état, ce dispositif est donc particulièrement pénalisant pour les sociétés intervenant dans le secteur du logement social ou du logement intermédiaire et, plus généralement, dans le secteur des logements à loyers abordables. En effet, il conduit à majorer les coûts supportés au titre des opérations d’acquisition ou de construction de logements à loyers abordables, ainsi que ceux qui sont supportés au titre de leur entretien et de leur rénovation.
Je prendrai un exemple, monsieur le secrétaire d'État : hier matin, au sein d’une SEM immobilière grenobloise où j’ai l’honneur de siéger, nous nous penchions sur la possibilité de racheter 62 logements à deux propriétaires d’un certain âge, désireux de se séparer de ce patrimoine qui date des années soixante-dix, donc qui n’est pas en très bon état. Le prix d’achat de l’ensemble est de 4,5 millions d’euros, et il faut envisager une rénovation lourde, notamment sur le plan thermique. Il ne s’agit donc pas d’un patrimoine à forte valeur ajoutée, mais il permettra de faire à la fois un peu de logement social et du logement intermédiaire. Pour ce genre d’opérations, nous sommes relativement pénalisés par ce texte issu de la loi de finances pour 2013.
Le présent amendement vise donc à déplafonner le montant des charges financières déductibles supportées par les SEM immobilières, en excluant l’activité immobilière d’intérêt général des SEM immobilières de la limitation de la déductibilité des charges d’intérêts d’emprunts.
Dans ma région, un certain nombre de copropriétaires souhaitent aujourd’hui se séparer d’un patrimoine qu’ils ont fait construire dans les années soixante ou soixante-dix et qu’ils ne souhaitent plus gérer. Ce patrimoine, généralement dans un état très moyen, est souvent racheté par des SEM immobilières, qui le transforment pour partie en logement social, pour partie en logement intermédiaire. Naturellement, le logement social ouvre des possibilités fiscales supplémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l'amendement n° I-54 rectifié.
M. Roger Karoutchi. Il s’agit strictement du même amendement que celui qui vient d’être défendu par M. Chiron, ce qui prouve d'ailleurs que les clivages politiques peuvent être dépassés dans certains cas.
Dans les zones tendues – essentiellement l’Île-de-France, Rhône-Alpes et PACA –, nous sommes confrontés à des situations très complexes, dans lesquelles les SEM immobilières jouent un rôle essentiel en matière d’acquisition et de rénovation.
Le fait que les déductions fiscales varient en fonction des acteurs est une aberration. Comme l’a souligné M. Chiron, ces variations empêchent des patrimoines anciens d’être transmis dans de bonnes conditions.
Dans une période où l’on cherche à fluidifier le marché du logement, à construire davantage, à rénover et à transformer dans ces zones difficiles que sont les zones très tendues, tous les acteurs doivent être placés sur un pied d’égalité.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances est évidemment sensible à l’argument relatif à la limitation de la déductibilité des charges financières.
Ce dispositif pénalise non pas seulement les bailleurs sociaux, mais toutes les entreprises qui ont besoin d’emprunter, qu’il s’agisse d’une société foncière dans le domaine de l’immobilier ou d’autres entreprises dont le modèle économique est fondé sur l’emprunt. Or c’est le cas dans tous les secteurs où il faut réaliser des investissements, pas seulement dans le domaine immobilier.
La limitation à 75 % de la déductibilité des intérêts d’emprunts, introduite en 2013 par l’article 212 bis du code général des impôts, est donc très dommageable pour toutes les entreprises qui peuvent avoir besoin de l’emprunt pour investir.
Faut-il ensuite prévoir des exceptions, des sortes de niches, à ce dispositif de limitation ? En l’espèce, il s’agirait d’une exception réservée aux seuls bailleurs sociaux.
M. Jacques Chiron. Les bailleurs sociaux relèvent déjà d’un régime dérogatoire !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette exception serait en outre coûteuse, et c’est pourquoi la commission s’est montrée défavorable à cette proposition, tout en reconnaissant le caractère pénalisant de la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunts. (M. Jacques Chiron s’exclame.)
Je souligne enfin qu’il existe déjà un certain nombre de dispositifs fiscaux spécifiques au logement social et aux SEM.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, vous semblez remettre en cause la limitation de la déductibilité fiscale des charges financières, instaurée par la loi de finances pour 2013, et réalisée en deux étapes, d’abord 15 %, puis 25 %, au motif qu’elle serait pénalisante pour les entreprises.
Avant tout, puisque vous vous référez souvent à l’Allemagne, je vous rappelle que nos amis allemands pratiquent cette limitation de la déductibilité des frais financiers pour leurs entreprises, qui ne semblent pas être spécialement pénalisées par cette disposition.
Madame Beaufils, vous avez tout à l’heure évoqué un certain nombre de situations, notamment en cas de Leveraged Buy Out, ou LBO, dans lesquelles l’utilisation de l’emprunt a parfois été excessive. Dans certains cas, il vaudrait peut-être mieux se pencher sur d’autres formes de financement que l’emprunt – je pense notamment aux recapitalisations.
Sur cette question de la déductibilité des frais financiers, nous nous sommes donc globalement alignés sur l’Allemagne, même si nous l’avons fait au moyen d’un dispositif légèrement différent.
Il existe à ce jour une seule exception à cette déductibilité, qui avait fait l’objet de très longues discussions, et que j’évoque pour des raisons volontairement polémiques – une fois n’est pas coutume. Elle vise les sociétés titulaires de contrats d’affermage, de concessions, de délégations de service public ou de baux emphytéotiques. Vous avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que mon regard se tournait vers les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Toutes ces sociétés ont bénéficié d’une exonération de ce « rabotage » de la déductibilité des frais financiers, le coût de cette exception étant évalué à 300 millions d’euros. Toutefois, aux termes du compromis qui avait été trouvé à l’Assemblée nationale après une très vive discussion entre une partie du Parlement et le Gouvernement, les futurs contrats ne seront pas soumis à cette exception, qui devrait donc progressivement s’éteindre à mesure que les contrats seront renouvelés.
Pour en revenir à ces deux amendements identiques, le Gouvernement ne souhaite pas prévoir une exception supplémentaire à ce principe de limitation.
Les arguments utilisés, notamment sur le logement intermédiaire, ne me semblent pas très pertinents. Nous avons en effet mis en place un dispositif particulièrement favorable, avec un taux de TVA réduit à 10 % et une exonération de taxe foncière pour une durée dont je me souviens qu’elle est significative.
Je n’énoncerai pas tous les dispositifs, en particulier sociaux, qui existent en faveur de la construction de logements, mais je rappellerai que, pour faire du logement intermédiaire, il faut aussi que l’opération intègre du logement social ; c’est l’une des conditions du montage.
Le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin et, si vous aviez encore quelques hésitations sur ces amendements identiques, mesdames, messieurs les sénateurs, je précise que leur adoption aurait un coût de l’ordre d’une centaine de millions d’euros.
En conséquence, le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques nos I-15 et I-54 rectifié, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Chiron, l'amendement n° I-16 est-il maintenu ?
M. Jacques Chiron. Eu égard aux précisions apportées par M. le secrétaire d’État sur le coût de cette mesure, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-16 est retiré.
Monsieur Karoutchi, l'amendement n° I-54 rectifié est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Je n’imaginais pas que cette mesure pouvait être aussi coûteuse. Dès lors, je préférerais que la commission réfléchisse à des dispositifs permettant d’améliorer la situation sans coûter aussi cher.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-54 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-132 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Dilain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 683 bis du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … – Le vendeur de tout bien immobilier en Île-de-France assujetti aux droits de publicité foncière est également assujetti à une contribution de solidarité urbaine. Cette contribution est prélevée dès lors que la valeur de la transaction effectuée est supérieure à un prix de référence fixé à 10 000 € au mètre carré de surface habitable.
« La contribution est fixée à 10 % de la différence entre le montant de la transaction effectuée et la valeur résultant de l’application du prix de référence défini au premier alinéa. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette fois, mes chers collègues, il s’agit non pas d’une dépense, mais d’une recette.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s'agit d’un impôt !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le Président de la République, comme d’ailleurs beaucoup des autres candidats à la dernière élection présidentielle, avait signé une charte proposée par la Fondation Abbé Pierre, qui prévoyait la création d’une contribution de solidarité urbaine.
Cette mesure partait d’un constat simple : il existe, au sein d’une même agglomération, et plus encore au sein de l’agglomération parisienne, des écarts considérables de prix entre les valeurs immobilières et foncières, et l’on peut noter une sorte de corrélation entre le niveau exorbitant des prix dans certains secteurs et la gravité des problèmes dans d’autres secteurs.
L’idée serait donc de prévoir une contribution de solidarité urbaine sous la forme d’une surtaxe qui viendrait pénaliser toutes les transactions immobilières d’une valeur supérieure à 10 000 euros le mètre carré et dont le montant serait égal à 10 % de la différence entre le prix de la transaction effectuée et le prix médian dans l’agglomération.
Comme le disait M. Karoutchi tout à l’heure, à Paris, la moyenne des transactions réalisées depuis 2012 s’établit à 8 340 euros le mètre carré. Les transactions supérieures à 10 000 euros le mètre carré ne concernent donc que les quartiers hyperfavorisés. En outre, des études ont montré que 70 % des transactions récentes conclues à ce niveau de prix l’étaient par des étrangers, qui ne payent par ailleurs pas beaucoup d’impôts dans notre pays.
Même dans les villes de l’Ouest parisien les mieux valorisées, si l’on en croit les petites annonces immobilières, et y compris s'agissant de logements de luxe, les prix sont souvent inférieurs à 10 000 euros le mètre carré.
Il s’agit donc là d’engager une stratégie à l’égard des transactions qui ont le plus bénéficié de la spéculation, le produit de cette contribution offrant à la puissance publique des recettes pour régler les importants problèmes de logement auxquels nous sommes confrontés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai lu avec attention l’objet de cet amendement, et je viens à l’instant d’écouter avec intérêt Mme Lienemann.
Celle-ci fait référence à la Fondation Abbé Pierre, et nous ne pouvons pas nier qu’il existe en France un véritable problème de logement, y compris dans la construction. Des chiffres parus hier ont encore montré que nous n’avons jamais aussi peu construit en France. Nous avons un problème de personnes mal logées et de prix élevés.
Toutefois, s’interrogera-t-on un jour sur le lien entre la fiscalité très élevée et dissuasive en matière de logement et le niveau des transactions ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Ce lien est évident !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, l’effet est inverse !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Prenons l’exemple de l’immobilier locatif : si nous additionnons l’impôt sur le revenu, l’ISF et la CSG, nous atteignons des niveaux de fiscalité qui avoisinent les 85 %. La réalité est que le système est aujourd’hui sans doute bloqué par un niveau de fiscalité très élevé.
Nous avons longuement débattu hier des transactions et des plus-values. Je vous rappelle, madame Lienemann, que la fiscalité des plus-values est déjà alourdie dans certains cas, l’article 1609 nonies G du code général des impôts prévoyant une surtaxe sur les plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros. Très concrètement, il existe donc d’ores et déjà une disposition fiscale répondant à votre préoccupation, à savoir la surtaxation des plus-values immobilières élevées.
Faut-il aller plus loin ? Le système que vous proposez de mettre en place serait réservé à l’Île-de-France, où les prix sont élevés, Roger Karoutchi l’a rappelé à l’instant. Pour autant, d’autres régions, notamment la Côte d’Azur, sont également concernées par une telle situation.
Certes, la difficulté à se loger est une vraie question. Toutefois, je ne crois pas qu’un alourdissement supplémentaire de la fiscalité, par le biais d’une taxe de 10 % sur les transactions, permettra d’améliorer le rythme de rotation de ces dernières.
Par ailleurs, outre la taxe sur les transactions financières pour lesquelles la plus-value est supérieure à 50 000 euros, les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ont été augmentés : plus exactement, on a donné aux départements la possibilité de les augmenter. Bien évidemment, tous les départements, qui doivent en permanence faire face à de nouvelles charges, l’ont fait. Le dispositif est même pervers, dans la mesure où ceux qui n’augmentent pas les DMTO sont taxés, le fonds de péréquation leur reprenant une partie des sommes en question.
Dans la pratique, on a donc obligé les conseils généraux à augmenter les DMTO, en déplafonnant ces derniers.
M. Michel Bouvard. Tout à fait ! C’est la réalité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les transactions immobilières ont ainsi fait l’objet d’une nouvelle taxation.
Taxe sur les plus-values de plus de 50 000 euros, augmentation des DMTO… Si l’on veut bloquer définitivement le marché locatif et créer les conditions de son effondrement, il suffit de voter ce genre de dispositions ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Madame Lienemann, considérez-vous que le nombre de transactions immobilières est aujourd'hui satisfaisant ? Considérez-vous que le marché permet des rotations ? Considérez-vous que l’immobilier se porte bien en France ? Les statistiques parlent d’elles-mêmes, pour ce qui concerne tant la construction neuve que les transactions dans l’ancien. Le marché s’effondre !
D’ailleurs, le Gouvernement y est sensible. C’est la raison pour laquelle il propose des dispositifs d’abattement sur les terrains à bâtir pour encourager la construction. Si on considérait qu’il n’y a pas de problème – nous avons déjà eu ce débat hier –, on ne discuterait pas en permanence de mécanismes d’abattements destinés à encourager les transactions ! Votre proposition, chère collègue, va d’ailleurs totalement à l’encontre de ce que propose le Gouvernement au travers de dispositifs d’exonération ou d’abattement destinés à encourager le marché.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mon argumentation sera plus modérée que celle de M. le rapporteur général, même si, je le dis par avance, je parviendrai à la même conclusion.
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Selon moi, la fiscalité n’est pas responsable du blocage du marché de l’immobilier. Il existe d’autres raisons bien plus profondes, et sans doute les discours excessifs en matière de fiscalité immobilière contribuent-ils à accentuer le phénomène. De nombreuses raisons économiques et d’opportunité, peut-être aussi de sécurité, entrent en ligne de compte.
Si l’on se livre à des calculs, l’on s’aperçoit que le poids de l’augmentation des DMTO, pour ce qui concerne les transactions importantes, reste très faible sur des durées moyennes, pour ne pas dire longues. On peut d’ailleurs espérer que les investissements immobiliers s’amortissent sur de telles périodes, sauf à imaginer qu’il faut faire de la spéculation immobilière en multipliant les transactions, ce qui ne constitue pas, à mes yeux, un objectif raisonnable.
Sur ce point, je ne partage donc pas l’analyse de M. le rapporteur général. Pour autant, je rappelle, comme lui, qu’une contribution supplémentaire a été demandée pour les plus-values supérieures à 50 000 euros – le montant n’est déjà pas négligeable –, avec un barème progressif qui va de 2 % à 6 %. Dans la mesure où cette disposition a été adoptée voilà peu de temps, je ne souhaite pas que nous mettions en place une seconde mesure du même type.
Si la taxation actuellement en vigueur s’appuie sur la plus-value réalisée lors de la transaction, celle qui est proposée par Mme Marie-Noëlle Lienemann vise à prendre en compte le prix au mètre carré du bien immobilier. Pourtant, ces deux dispositifs se rejoignent, dans la mesure où c’est justement lorsque le prix au mètre carré est élevé que le volume des plus-values atteint la somme de 50 000 euros.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’ai connu Paris à une époque où le mélange des classes sociales – je n’aime pas ce mot marxiste ! –, ou plutôt des catégories sociales, était beaucoup plus grand. Je vis dans la capitale depuis 1983, et je l’ai vue évoluer. On y trouve maintenant seulement des gens aisés et des gens aidés. Toute une classe moyenne a disparu, car elle ne pouvait plus se loger. Et je ne parle même pas des étudiants, qui sont dans des situations complètement folles.
Je reviens au débat qui vient d’opposer M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État sur le rôle de la fiscalité dans cette situation.
Pour ma part, je souhaiterais disposer d’instruments d’analyse. Je ne sais pas s’ils existent. Il serait intéressant d’évaluer, pour les vingt ou trente dernières années – tous les gouvernements sont sans doute responsables –, les conséquences de la fiscalité sur la situation immobilière. On observe actuellement un manque terrible de logements, les classes moyennes et les gens en difficulté ne pouvant pas se loger dans cette zone qu’est Paris et l’Île-de-France.
Quand on recense le nombre de textes adoptés en la matière, on s’aperçoit que l’on n’a jamais réussi à résoudre quoi que ce soit. Le dernier d’entre eux, la loi ALUR, c'est-à-dire la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, a même provoqué un désastre !
Interrogeons-nous et évaluons les causes d’une telle situation, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires économiques. Pour ma part, je n’ai pas d’éléments d’analyse, je ne fais que constater. Ces éléments existent-ils ? C’est la question que je vous pose, dans cette explication de vote qui n’en est pas une.
Ce problème, difficile à régler, est à l’origine de nombreuses souffrances pour nombre de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je souhaite illustrer rapidement les conséquences de la fiscalité sur la problématique des logements. Certains, en effet, ont tendance à relativiser son impact. Permettez-moi donc de vous faire part de mon avis en la matière.
Le taux des DTMO a été porté de 3,7 % à 4,5 %, soit une augmentation importante, d’environ 18 %. Pour mon département – je rejoins sur ce point la remarque formulée tout à l’heure par mon collègue – cette hausse a généré 10 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires, somme sur laquelle sont prélevés 5 millions d’euros, que la collectivité augmente ou non les DMTO.
Toutefois, nous n’avons pu augmenter les DMTO que sur une période de quelques mois. Ainsi, nous avons en réalité récupéré 6 millions d’euros et reversé 5 millions d’euros. Le bénéfice net a donc représenté un million d’euros, alors qu’il était destiné à payer des charges qui avaient augmenté de 10 millions d’euros. Nous avons donc été totalement perdants ! (M. Michel Bouvard applaudit.)
En analysant les emprunts réalisés par les jeunes ménages à l’heure actuelle, on comprend que l’augmentation du taux des DMTO de 3,7 % à 4,5 % bloque ceux qui veulent acquérir un bien. Il convient donc de faire très attention en matière de fiscalité immobilière. Celle-ci est extrêmement importante, parce qu’elle est susceptible de bloquer totalement le marché.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Franchement, à la lecture de revues immobilières en tous genres, je suis tenté de dire que vous éprouvez, madame Lienemann, une saine colère. J’irai même plus loin : vous parlez de 10 000 euros au mètre carré, mais je vois parfois des annonces surréalistes à des prix bien supérieurs encore. On se demande qui peut bien acheter ces biens, et dans quelles conditions.
Néanmoins, le sujet est encore plus accablant. Certes, il existe, à Paris et en proche couronne ouest, un immobilier « de luxe », pour lequel les prix frisent les 15 000 euros du mètre carré. Pourtant, c’est le prix moyen qui m’inquiète le plus. Que quelques centaines de personnes puissent payer 12 000 euros ou 15 000 euros le mètre carré, tant mieux pour elles ! Mais il est intolérable que les classes moyennes n’arrivent plus à acheter à Paris ou en proche couronne ouest.
La fiscalité, c’est vrai, est insupportable. Il existe toutefois une autre explication à cette situation. Une série de rapports réalisés par la région d’Île-de-France et par la Ville de Paris depuis cinq ou six ans nous informent en effet que près de 3 millions de mètres carrés appartenant soit à l’État, soit à la SNCF, soit à la RATP, soit à différents opérateurs, ne sont pas utilisés et pourraient être mis à la disposition des collectivités, pour construire.
En la matière, gauche et droite confondues, tous les gouvernements se sont montrés très généreux en paroles, mais très avares dès qu’il s’agissait d’actes concrets. On a réalisé un miracle en récupérant les terrains de la caserne de Reuilly pour faire des constructions. Mais c’est à peu près tout ce qu’on a récupéré en cinq ans !
Quand vous faites remarquer à la SNCF qu’elle n’utilise pas tel terrain, elle vous répond qu’elle ne cédera rien au-dessous du prix du marché. Quand vous dites à la RATP qu’elle ne fait aucun usage d’un terrain, elle rétorque que, pour l’équilibre de ses comptes, elle doit le vendre aussi cher que s’il s’agissait d’un marché privé.
Ainsi, tout le monde se plaint que l’on n’arrive pas à construire à Paris et dans la proche couronne francilienne, mais les acteurs publics et les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne font aucun effort !
À l’heure actuelle, à Paris, seuls les grands acteurs publics ont des terrains disponibles, vides. En proche couronne, en particulier à l’ouest, c’est presque la même chose. Si on veut faire du logement, il faudra, un jour, faire en sorte qu’ils vendent leurs terrains à un prix non pas bradé, mais raisonnable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Après avoir entendu les propos d’un certain nombre de collègues, je suis amenée à réagir.
La proposition de Mme Marie-Noëlle Lienemann ne concerne absolument pas les droits de mutation. Il s’agit d’apporter une meilleure réponse au problème du logement et, donc, d’alimenter une politique de l’État – si j’ai bien compris sa proposition –, en faisant payer une taxe à ceux qui achètent des biens dont le prix au mètre carré est supérieur à 10 000 euros.
Les personnes concernées par ces acquisitions seront relativement peu nombreuses, on le sait. La grande majorité de nos régions ne seront même pas concernées ! De tels prix ne se rencontrent en effet que pour des biens exceptionnels.
Il s’agit d’une proposition intéressante, dans la mesure où elle vise à mettre à contribution ceux qui concourent à l’augmentation du prix moyen. J’estime donc qu’elle mérite notre attention. À ce titre, nous la voterons.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Marie-Noëlle Lienemann pose une vraie question.
Ce matin, entre mon hôtel et le Sénat, j’ai croisé deux personnes qui dormaient dans leur sac de couchage. C’est vrai, il manque aujourd'hui des gens pour alerter nos consciences.
J’entends bien que l’instauration d’une petite taxe sur les Qataris soulève d’énormes problèmes ! Car ce sont eux les grands investisseurs qui achètent des biens à plus de 10 000 euros le mètre carré.
Mme Lienemann aurait dû prévoir une toute petite taxe symbolique à 1 %. Il vaut mieux commencer tout petit, pour avancer ensuite et faire bouger les lignes. (Sourires.) Pour la CSG, on avait d’abord prévu, avec Michel Rocard, un taux de 1 %, puis ce dernier a été augmenté...
Nous manquons d’un Abbé Pierre ! S’il y en avait encore un, on ne laisserait pas perdurer le spectacle que j’ai vu tout à l’heure à cinquante mètres du Sénat. Cela suffirait pour nous convaincre de prendre à bras-le-corps ce type de questions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne faut pas tout confondre : le débat sur les droits de mutation et les prix à Paris est extrêmement important et, comme bien d’autres, après avoir lu de nombreux rapports et travaillé longuement le sujet, j’ai acquis quelques convictions.
Premièrement, les outils de la régulation des prix n’ont jamais été mis en œuvre. Depuis la fin de la tradition gaulliste, qui était interventionniste, et du jour où l’on est entré dans un mécanisme libéral, on n’a pas trouvé d’outils de régulation qui ne soient pas l’intervention directe de la puissance publique. Celle-ci, nécessaire dans certains cas, ne saurait pourtant être la seule forme d’intervention. (M. Roger Karoutchi approuve.)
Comme d’autres, j’ai de nombreuses idées sur la manière de réaliser cette régulation. En tout cas, cette situation a conduit à une dérive des loyers, de l’immobilier et du foncier dans l’ensemble du pays et, bien évidemment, plus encore dans les secteurs de forte attractivité. Sur le sujet, nous pourrions avoir des discussions infinies.
Deuxièmement, la fiscalité de l’immobilier a-t-elle un impact sur les prix ? Bien sûr que oui ! Toutes les fiscalités de l’immobilier ont un impact sur les prix. Les droits de mutation ne sont pas les seuls à dissuader, l’écart de prix avec le niveau de ressources et de revenu des Français freine aussi une partie des échanges aujourd’hui. Si nous avons assisté à une spéculation galopante à certains moments, c’est parce que certaines aides fiscales, mal calibrées et mal ciblées, ont permis une explosion des prix allant au-delà du raisonnable. De plus, la plupart du temps, elles n’ont pas été contracycliques.
Troisièmement, en l’occurrence, de quoi s’agit-il avec cet amendement ? Des abus ! Cette mesure vise à éviter les abus et à contribuer à la solidarité urbaine, en limitant le décalage entre les prix de l’immobilier et parce que l’on cherche des ressources qui, dans de nombreux secteurs, manquent.
Cette contribution ne perturberait pas le marché. Je me rappelle avoir eu avec M. Cahuzac des discussions complètement décalées par rapport à la réalité. Quand on entend affirmer que, à 10 000 euros du mètre carré, on perturbe le marché, alors que se trouve concernée, en fait, une part extrêmement minime de celui-ci, on croit rêver, ou alors cauchemarder ! Je le répète, je ne pense pas qu’une telle mesure déstabiliserait le marché, même s’il est aujourd’hui en baisse.
Cette contribution marquerait un axe politique de solidarité urbaine et territoriale. Elle apporterait des recettes à l’État. Chers collègues, je vous invite donc à la voter, d’autant que ce que disait M. Karoutchi des terrains publics est juste.
Nous avons voté une loi, et il a fallu mettre en place une commission, présidée par M. Repentin, dont on connaît les compétences, pour faire en sorte qu’elle s’applique. Or ce texte de loi date de trois ans maintenant ! Et tout cela parce que, comme vous l’avez dit, monsieur Karoutchi, les administrations, RFF, la SNCF ou l’armée veulent valoriser leurs terrains au prix spéculatif du marché, pendant que l’État, schizophrène, tente d’expliquer qu’il faut l’offrir gratuitement parce qu’il est nécessaire pour construire des logements.
J’ai proposé pendant des lustres que la Caisse des dépôts et consignations achète l’ensemble de ces biens à un prix global, négocié entre l’État et les opérateurs publics.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Puis, au regard de la faisabilité des opérations et en étant soumise à l’exigence de favoriser la mixité sociale, la Caisse des dépôts aurait déstocké ces biens en jouant intelligemment sur le niveau des prêts. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Toutefois, manifestement, cette idée pose problème. Ce doit être trop de bon sens pour Bercy !
J’insiste donc : il s'agit ici d’une contribution de solidarité touchant les transactions à partir de 10 000 euros du mètre carré, qui sont massivement réalisées par les personnes les plus riches de la planète. Cette contribution représenterait pour eux des clopinettes, mais elle nous offrirait une recette utile pour le logement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je comprends que Marie-Noëlle Lienemann mette toute sa fougue pour qu’une promesse de François Hollande prise devant la Fondation Abbé Pierre en 2012 soit tenue. Je rappelle toutefois que le Président de la République vient de nous dire qu’il ne fallait plus accroître les impôts et que ceux-ci n’augmenteraient plus…
Je n’ai pas grande empathie pour tous ceux qui achètent des hôtels particuliers à prix d’or dans Paris et, monsieur Boulard, si j’étais persuadé que cette taxe permettrait de régler le problème des personnes sans domicile fixe, je la voterais bien volontiers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous y reviendrons lors de l’examen des crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Lors de la réunion de la commission, je vous ai expliqué qu’il manquerait plusieurs dizaines de millions d’euros, tout comme ils manquaient en 2014. Les crédits pour 2015 sont insuffisants. Si j’étais persuadé que cette taxe peut combler le manque, je la voterais donc !
Toutefois, il me semble surtout qu’il faut mettre fin à cette multiplication des taxes. Franchement, nous ne faisons qu’en créer de nouvelles !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Elle ne toucherait que les biens de plus de 10 000 euros le mètre carré !
M. Philippe Dallier. Oui, mais ce serait une taxe de plus ! À chaque occasion, quelqu’un invente une nouvelle taxe. C’est sans fin ! M. le secrétaire d’État l’a très bien dit, et je vais le suivre : on a alourdi la fiscalité dans ce domaine, elle va pénaliser les transactions de ce type, et nous devons nous en tenir là, car, à mon avis, c’est suffisant.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me suis exprimé tout à l’heure sur la taxe, mais je voudrais réagir aux propos qui ont été tenus concernant le foncier public. En effet, monsieur Karoutchi, vous qui avez été ministre, vous avez tenu des propos qui me semblent pour le moins excessifs.
Comme vous le savez, le secrétaire d’État chargé du budget est également en charge du service des domaines, donc de la gestion des biens de l’État. Je porte donc une attention particulière à ces sujets, en lien avec M. Repentin, que j’ai vu et qui m’a accompagné récemment à Bordeaux, où nous avons cédé un bien important.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Du ministère des affaires étrangères !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Tout à fait, monsieur le rapporteur général. Le ministère des affaires étrangères n’est pas le dernier à céder des biens.
Je porte donc une attention particulière à ces sujets. RFF et la SNCF ne sont pas complètement assimilables à l’État, mais dire que ce dernier devrait « donner »…
M. Roger Karoutchi. Je n’ai pas parlé de donner !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En tout cas, vous avez dit qu’il devait céder ses terrains pour pas grand-chose. Or, c’est un exercice auquel je ne me livrerai pas et qui serait d’ailleurs contraire à la Constitution, qui m’oblige à préserver les biens de l’État.
Pour faire un très rapide historique du sujet, auparavant, c'est-à-dire avant la loi qui est entrée en vigueur au début de 2013, l’État pouvait céder ses biens avec des rabais qui étaient grosso modo plafonnés à 30 % ou 35 %. Il le faisait, sinon à la tête du client, du moins selon des critères tels que la nature de l’opération ou l’opportunité du projet, qui, en fait, étaient peu précis.
L’intérêt de la loi entrée en vigueur au début de 2013 a été de poser des critères précis et, surtout, de permettre de majorer la décote. Si ma mémoire est bonne, celle-ci peut même atteindre les 100 % selon la nature de l’opération, la loi ayant essentiellement posé des critères en termes de reconversion et de caractéristique des logements, notamment en termes de logement social.
Nous pouvons donc désormais consentir des rabais très importants, ce qui est positif, mais cela signifie aussi que les opérations doivent être parfaitement connues. En effet, les services dont j’ai la responsabilité doivent, pour valider un montant de rabais sur une transaction potentielle, connaître le contenu du projet : combien de logements réalise-t-on ? De quel type ? Avec quel pourcentage de logement social, très social et intermédiaire ? Avec quelle surface commerciale ?
Nous devons connaître le projet pour pouvoir fixer le rabais. Or, bien souvent, on nous dit que ce n’est pas possible, que l’opération nécessite une modification du PLU ; puis, entre-temps, on décide de faire plus, ou moins, de logements, et, chaque fois, les évaluations changent, ce qui est bien normal d'ailleurs.
Si nous ne faisions pas cette évaluation en fonction de la nature de l’opération, nous ne protégerions pas les intérêts patrimoniaux de l’État ou de l’organisme public qui est sur le point de céder. Toutefois, cela donne un peu l’impression d’un serpent qui se mord la queue : pour pouvoir calibrer l’opération, il faut connaître le prix du foncier, et le prix du foncier dépend de ce que sera l’opération. On se retrouve pris dans une espèce de système itératif. (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.)
Néanmoins, on ne peut pas dire que tout soit bloqué. J’ai l’occasion d’acter toutes les semaines le lancement de telles opérations, le plus souvent en province, il est vrai.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour avoir beaucoup travaillé sur le sujet, j’ai pu faire quelques constats.
Tout d’abord, le plus fort handicap, indépendamment de celui que j’évoquais à l’instant, est l’absence de demande pour le patrimoine d’État. Cela vaut plus en dehors des zones tendues, bien sûr.
Nous avons sollicité les préfets de région au cours d’une réunion récente de ce que l’on appelle le « G50 », à l’Élysée, en présence du Président de la République, en leur demandant de nous présenter cinq opérations par région, au travers desquelles nous pourrions montrer notre volonté de céder du patrimoine public pour construire du logement. Or nous avons du mal à obtenir des retours. La plupart du temps, les préfets nous parlent de tel bien, de telle friche militaire – encore que les friches militaires soient un cas particulier, qui offre des possibilités différentes – ou administrative, mais ils soulignent qu’ils n’ont pas de demande.
J’ai rencontré M. Repentin et j’invite tous les élus, maires, sénateurs, présidents de conseils généraux, présidents d’offices publics d’HLM, à me saisir des situations de blocage. La Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, la CNAUF, à laquelle Mme Marie-Noëlle Lienemann a fait référence et qui est présidée par M. Repentin, est là pour assurer l’intermédiation sur les dossiers bloqués.
Toutefois, pardonnez-moi, madame Lienemann, je précise que ce n’est pas la CNAUF qui décidera des opérations : pour des raisons de responsabilité patrimoniale, c’est le ministre que je suis qui signera définitivement les transactions. Je tiens à lever toute ambiguïté à cet égard. D'ailleurs, je m’en suis expliqué avec M. Repentin très clairement et calmement, en toute amitié et bonne collaboration.
Nous avons un service des domaines et un ministre qui valide, car – disons-le là aussi en essayant de ne froisser personne – le service des domaines est très attentif aux évaluations qu’il réalise, pour des raisons assez claires.
Certaines transactions ont parfois mis en cause des élus (M. Michel Bouvard acquiesce.), mais des fonctionnaires aussi ont été poursuivis, à titre personnel, au titre de l’exercice de leurs fonctions, car ils sont responsables pénalement. J’ai d’ailleurs rencontré les agents du service des domaines pour les rassurer sur leurs missions, car, quand on est fonctionnaire et que l’on sert l’État, on peut être poursuivi pénalement pour des actes que l’on aurait commis dans le cadre de son travail… Je n’en dirai pas davantage : vous voyez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, à quelle affaire je fais référence.
Je ne cherche pas à défendre mes services systématiquement : je veux simplement à préciser la procédure et détailler la situation actuelle, monsieur Karoutchi.
Je le dis ici pour que ce soit connu : mesdames, messieurs les sénateurs, s’il est des situations où vous estimez que « Bercy » – puisque la mode est d’utiliser ce mot – bloque le dénouement d’une transaction, vous connaissez mon adresse et, pour la plupart d’entre vous, vous avez mon numéro de téléphone portable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-132 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
Le b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les limites mentionnées aux deuxième à avant-dernier alinéas du présent b sont indexées, chaque année, sur la prévision de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, retenue dans le projet de loi de finances de l’année ; ». – (Adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Dépôt de documents
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- d’une part, la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, actions « Développement de l’économie numérique », « Soutien aux usages, services et contenu numériques innovants – Volet subventions et avances remboursables », « Usages et technologies du numérique » ;
- d’autre part, l’avenant n° 3 à la convention du 27 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Recherche hospitalo-universitaire en santé ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires économiques. L’avenant n° 3 a en outre été transmis à la commission des affaires sociales.
4
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l’article 7 ter.
Article 7 ter (nouveau)
Le III de l’article 278 sexies du code général des impôts est ainsi rétabli :
« III. – 1° Les livraisons à soi–même de travaux portant sur les locaux mentionnés aux 2, 5, 6 et 8 du I du présent article, lorsque ces travaux consistent en une extension ou rendent l’immeuble à l’état neuf, au sens du 2° du 2 du I de l’article 257, sous réserve de la prise en compte de ces opérations d’extension ou de remise à neuf dans les conventions mentionnées aux 2, 5, 6 et 8 du I du présent article ;
« 2° Les livraisons à soi-même de travaux de rénovation, d’amélioration, de transformation ou d’aménagement réalisés dans le cadre de l’une des opérations suivantes, lorsque l’acquéreur bénéficie pour cette opération d’un prêt accordé pour la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logements locatifs aidés ou d’une subvention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et a conclu avec l’État une convention en application des 3° à 5° de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation :
« a) Acquisition de logements et d’immeubles destinés à l’habitation, suivie de travaux d’amélioration ;
« b) Acquisition de locaux ou d’immeubles non affectés à l’habitation, suivie de leur transformation ou aménagement en logements ;
« c) Travaux d’amélioration exécutés sur des immeubles ou des logements cédés à bail emphytéotique par l’État, des collectivités territoriales ou leurs groupements ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–113 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain et Vandierendonck, Mme Guillemot et M. Raoul.
L'amendement n° I–386 est présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Estrosi Sassone, M. Grand, Mme Hummel et MM. D. Laurent, Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – L’article 284 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du II, après les mots : « au II », sont insérés les mots : « et au 1° du III » ;
2° Au III, après le mot : « prévus », sont insérés les mots : « au 2° du III et ».
… – À l’article 278 sexies A du même code, après les mots : « en application », sont insérés les mots : « du III ou ».
… – Après le mot : « mentionnés », la fin du b du 1° du 3 du I de l’article 257 du même code est ainsi rédigée : « au 2° du III et au IV de l’article 278 sexies, ainsi qu’à l’article 278 sexies A ».
L’amendement n° I–113 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° I–386.
M. Philippe Dallier. Il s’agit d’un amendement de coordination tendant à préciser les règles en matière de TVA applicable aux travaux de rénovation ou d’amélioration réalisés dans les logements sociaux.
A priori, son adoption ne coûterait rien de plus. Je veux simplement insister de nouveau sur l’intérêt de ces dispositions, notamment dans le cadre des opérations d’acquisition-amélioration. On nous demande de construire du logement social, mais ce n’est pas toujours évident. En effet, il faut en général d’abord trouver le terrain, mais on peut aussi, lorsque l’occasion se présente, faire acquérir en bloc des immeubles libres sur le marché par des bailleurs sociaux dans le cadre d’une opération acquisition-amélioration. Le taux de TVA réduit est fort utile dans ce cas-là.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de cohérence qui nous paraît, a priori, pertinent. Néanmoins, n’étant pas en mesure d’en apprécier toute la portée, nous avons souhaité recueillir l’avis du Gouvernement sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. C’est un pur amendement de coordination rédactionnelle qui n’emporte aucune conséquence juridique ou financière, ni positive ni négative, qui ne modifie pas l’état du droit, mais il est bienvenu pour améliorer la rédaction de la loi. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7 ter, modifié.
(L'article 7 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7 ter
M. le président. L'amendement n° I–247, présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, MM. Bertrand et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Castelli et Esnol, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 64,7 » est remplacé par le taux : « 66,7 ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, que nous avons déjà proposé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, a pour objet d’augmenter de deux points, de 64,7 % à 66,7%, le taux normal des droits de consommation sur le tabac applicable aux cigarettes.
Il s’agit pour nous non pas de pénaliser les consommateurs, mais de mettre à contribution les fabricants de tabac, dont les bénéfices sont colossaux et qui versent, en comparaison, des impôts d’un montant bien faible. Ces grandes entreprises multinationales ont notamment recours à d’habiles montages d’optimisation fiscale pour réduire substantiellement leur impôt, même si elles n’ont pas l’apanage de ces pratiques.
À l’occasion du lancement du plan antitabac, la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, a estimé le coût social annuel des conséquences du tabagisme à 47 milliards d’euros pour notre pays, alors que la vente de tabac ne rapporte que 12,3 milliards d’euros par an, selon l’estimation de la Cour des comptes.
Par cet amendement, nous souhaitons donc accroître légèrement la participation de l’industrie du tabac à la prise en charge des conséquences du tabagisme et au redressement de nos comptes publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est réservée, car l’adoption de cet amendement reviendrait à augmenter la fiscalité sur les cigarettes, en portant le taux de 64,7 % à 66,7 %, sans toucher aux autres produits du tabac. Dans ces conditions, ne risque-t-on pas d’assister à un transfert des habitudes de consommation vers les cigarillos et le tabac à rouler, par exemple ?
Par ailleurs, la fiscalité du tabac a été réformée en profondeur. Un certain nombre de dispositions figuraient d’ailleurs dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
En outre, prenons garde à ne pas déstabiliser complètement un marché avec le développement du commerce transfrontalier ou hors marché contrôlé, c’est-à-dire via internet ou d’autres circuits. À cet égard, je crois savoir que les douanes ont pour priorité de stopper le développement du marché du tabac hors du réseau des buralistes.
Tout en reconnaissant l’importance du problème de santé publique, je crains que cette augmentation de la fiscalité ne contribue à déséquilibrer le marché, en particulier dans les zones frontalières, et à développer la contrebande.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un sujet compliqué.
Monsieur Requier, vous avez dit que l’adoption de votre amendement permettrait de faire participer davantage les fabricants et producteurs de produits cigarettiers. Je n’en suis pas si sûr.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est clair !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Parlement fixe le niveau de la fiscalité, et, contrairement à une idée reçue, le Gouvernement ne fixe pas les prix du tabac. En effet, il se contente de publier les prix, qui sont dépendants de plusieurs paramètres : le premier est la fiscalité, bien entendu, le second étant les prix pratiqués par les fabricants.
Nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie et de prudence avant d’entamer une réforme de notre politique en la matière, que, pour ma part, j’estime nécessaire. Permettez-moi d’en dire quelques mots.
L’un des problèmes, qui met d’ailleurs beaucoup de gens dans la rue, y compris devant le domicile personnel des ministres… (Sourires.)
M. Michel Bouvard. C’est scandaleux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai personnellement été visé, mais cela a également été le cas de ma collègue ministre de la santé, hier.
M. Michel Bouvard. Scandaleux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À la limite, c’est anecdotique, quand les bornes ne sont pas dépassées.
Il existe un réseau de distributeurs, qui est le seul réseau légal, mais nous savons tous qu’il y a beaucoup d’autres formes d’approvisionnement : la contrebande, la contrefaçon, l’achat à l’étranger et sur internet.
Comme M. le rapporteur général l’a souligné, nous prenons avec les douanes le maximum de dispositions pour empêcher les achats à l’étranger, en tout cas les importations illégales. Je me suis moi-même rendu à la frontière franco-luxembourgeoise, mais j’ai peu de mérite car c’est chez moi. (Sourires.) Je n’ai par conséquent pas fait un grand déplacement.
J’ai donc assisté avec les douanes à des opérations de contrôle. C’était aussi un moyen de donner de la publicité à des nouvelles mesures que nous avons prises, notamment dans une circulaire récente ayant pour objet de réduire la quantité que l’on peut importer lorsqu’il ne s’agit pas de sa consommation personnelle.
Nous avons en outre l’intention de vous soumettre prochainement une disposition législative pour inverser la question de l’achat sur internet. Aujourd’hui, il est interdit de vendre du tabac sur internet en France, mais il n’est pas interdit d’en acheter. Or il y a bien évidemment des Français qui achètent sur des sites à l’étranger. Nous allons donc vous proposer, et j’espère que le Parlement nous suivra, d’interdire l’achat de tabac sur internet.
Le dispositif que nous proposons devrait nous permettre, en liaison avec non seulement les douanes, bien sûr, mais aussi les sociétés de livraison de colis, avec lesquelles nous avons déjà entamé des discussions, de repérer dans les centres de tri, en fonction de la provenance des colis, les personnes qui vendent et celles qui achètent. Si vous en êtes d’accord, cet acte d’achat par internet deviendrait une infraction pénale.
Bien sûr, notre action s’inscrit dans le cadre d’une politique de santé. Mme Marisol Touraine a eu l’occasion de présenter son plan de lutte contre le tabagisme avec, notamment, mais ce n’est pas la seule disposition, l’obligation de proposer des paquets neutres. C’est surtout cette disposition qui fait débat auprès des buralistes, comme l’actualité vous l’a montré, puisque ces derniers ont ajouté le Sénat aux domiciles des ministres comme cible de leur mécontentement.
Il s’agit d’une disposition importante qui fait controverse, mais dont Mme la ministre de la santé pense qu’elle est de nature à freiner la consommation chez les jeunes.
Enfin, pour en terminer sur ce sujet inflammable, si j’ose dire, je tiens à souligner que le mécanisme actuel de formation du niveau de fiscalité est absolument opaque, tant et si bien que j’ai moi-même – je l’avoue bien modestement – du mal à l’intégrer dans ma réflexion. Cependant, je pense que les sénateurs ont plus de capacités intellectuelles que moi (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) pour comprendre un mécanisme qui, en fait, s’appuie sur une part fixe et une part variable, la part fixe étant elle-même assise sur le niveau de prix de l’année précédente. Bref, c’est extrêmement compliqué et peu lisible.
J’ai donc demandé à nos administrations de nous faire des propositions pour simplifier ce système et améliorer sa lisibilité. Certes, il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte : il faut à la fois éviter le dumping et la pratique des prix d’appel, puisque, comme vous le savez, les producteurs, qui sont multinationaux la plupart du temps, n’hésitent pas, pour pénétrer un marché, à pratiquer des prix différenciés suivant la nature des produits. Or, même si la vente à perte est interdite, elle est très difficile à démontrer. Bref, n’y voyez pas un aveu d’impuissance de ma part, mais ce sujet est très compliqué, avec des pratiques qui sont parfois à la limite de l’entente entre les producteurs.
Cette question fera, je pense, l’objet de propositions du Gouvernement non pas dans un avenir lointain mais dans quelque temps pour atteindre l’objectif que tout le monde souhaite, c’est-à-dire la réduction de la consommation, notamment chez les jeunes.
De nombreux amendements circulent, et nous avons eu une longue discussion à l’Assemblée nationale voilà une dizaine de jours sur ce sujet, qui va revenir dans nos débats.
Je vous fais part avec précision de la position actuelle du Gouvernement en vue de préserver le monopole de la vente du tabac au réseau.
La question européenne est également importante, car la France est le pays, sur le continent européen – donc, abstraction faite de la Grande-Bretagne – , qui pratique les prix les plus chers, avec des différences très importantes par rapport à d’autres pays comme le Luxembourg, l’Espagne et la Belgique. Il est vrai que les zones frontalières sont une vraie préoccupation.
J’ajoute, pour que votre information soit complète, que nous avons un contrat d’avenir avec le réseau des buralistes qui nous conduit à accompagner les mutations d’une profession qui se diversifie, et c’est heureux. Cela permet à ces buralistes, entre les jeux et autres activités à l’instar du Compte-Nickel qu’ils sont en train de promouvoir, de trouver d’autres ressources leur permettant de conserver un socle suffisant d’activités pour la pérennité de commerces utiles dans le cadre de l’aménagement du territoire et de la présence, notamment, en zones rurales.
Telles sont les préoccupations du Gouvernement. Dans cette attente, monsieur le sénateur, cet amendement isolé – cela n’enlève rien à son mérite – est un peu prématuré et fera l’objet d’autres propositions du même type, puisque la question des cigares, cigarillos et autres produits sera réexaminée, soit aujourd’hui, soit lors de la poursuite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Par conséquent, si cet amendement est maintenu à ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable. L’objectif est partagé, mais la méthode n’est pas forcément la meilleure.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° I–247 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I–55 rectifié, présenté par M. B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la deuxième ligne de la dernière colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 15 » est remplacé par le taux : « 12,2 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I–136, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1° bis de l’article 1051 du code général des impôts, l’année : « 2013 » est remplacé par l’année : « 2016 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit des conséquences de la réforme des agréments d’organismes qui agissent en faveur du logement des personnes défavorisées. Certes, il a été opportun de vérifier que ces agréments correspondent à la capacité financière des organismes à maintenir un parc qu’ils avaient créé et dont la grande utilité est reconnue, car une partie d’entre eux ne disposent pas de la surface financière pour y parvenir. En conséquence, ils doivent revendre leur patrimoine, mais fort heureusement, seulement à des offices d’HLM ou à des organismes associatifs bénéficiant du nouvel agrément pour le droit au logement.
Certains avantages fiscaux, somme toute assez modestes, ont été accordés, puisque le régime d’imposition spécifique qui s’applique à ces transferts de biens entre organismes de logement social ou organismes agréés est l’application d’un droit fixe de 125 euros au lieu de la taxation proportionnelle de 5,09 %. Or la date limite de ce dispositif était prévue au 31 décembre 2013, et manifestement, un délai plus long serait nécessaire pour réaliser correctement ces transferts et des plans de patrimoines cohérents – il ne faut pas vendre à n’importe qui si la gestion est difficile.
Par conséquent, nous proposons de reporter la date limite au 31 décembre 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’orientait vers une demande de retrait de cet amendement, non qu’elle considère que ce n’est pas un sujet, mais elle s’interroge sur l’intérêt de réinstaurer un dispositif qui s’est éteint le 31 décembre 2013 et qui avait été à l’origine mis en place pour permettre, au moment de la réforme du régime des agréments des organismes agissant en faveur du logement des personnes défavorisées, aux sociétés nouvellement non agréées d’organiser, le cas échéant, la cession de leur parc de logements dans les meilleures conditions. Ce régime devait durer deux ans. Il a ensuite été prolongé deux nouvelles années et s’est éteint, je le disais, le 31 décembre 2013.
Certes, les coûts de ce dispositif ne sont pas considérables et, même en l’absence de chiffrage précis, ils sont par nature modiques. La commission n’a pas perçu l’intérêt de rétablir ce qui est tombé en extinction. Mais peut-être M. le secrétaire d’État va-t-il invoquer un argument qui nous convaincra. (M. Michel Bouvard s’exclame.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comme l’a dit M. le rapporteur général, ce dispositif a été mis en place pour deux ans et devait s’éteindre en 2011. Il a été instauré concomitamment avec la nécessité d’un agrément pour les organismes effectuant ce type de transaction et a été, nous a-t-on dit, prolongé de deux ans pour laisser le temps nécessaire à la conduite des opérations visées.
En l’occurrence, vous nous proposez de prolonger encore le délai de trois ans. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit d’un parc qui loge des personnes très défavorisées. Or il ne va rien se passer et tout va tomber en ruines, « tranquillo »… (Sourires.) Après, je ne sais quels problèmes se poseront. De fait, l’extinction se produira puisque les organismes qui ne sont pas agréés ne pourront pas obtenir d’agrément.
On nous dit que les associations auraient dû faire en deux ans. Quand l’État n’est pas « foutu » de vendre en cinq ans toute une série de ces terrains publics, je ne m’étonne pas que des associations qui s’occupent des personnes en difficultés aient du mal à trouver les bonnes méthodes pour faire rapidement tout cela.
Quoi qu’il en soit, ce point ne paraît pas fondamental, mais ce sont les associations qui gèrent et croyez-moi, si on ne les avait pas, on serait fort mal placés ! Comme l’a dit M. Boulard ce matin, ce sont souvent ces associations qui accueillent ces personnes.
Honnêtement, l’adoption de cet amendement ne va pas ruiner l’État, car les sommes en jeu sont minimes, mais elles permettraient de remettre tout dans le droit commun dans des délais raisonnables : 2016 est encore une échéance correcte.
La commission et le Gouvernement sont contre cet amendement. Pour ma part, j’appelle mes collègues, qui peuvent se trouver confrontés à des difficultés de cette nature, à un peu de pragmatisme.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7 ter.
L'amendement n° I–248, présenté par MM. Collin, Requier, Mézard, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Collombat, Arnell et Hue, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du II des articles 1613 ter et 1613 quater du code général des impôts, le montant : « 7,45 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Après le tabac, la boisson ! (Sourires.)
Permettez-moi de vous retracer l’historique de cet amendement.
Lors de l’examen du PLFSS à l’Assemblée nationale, un amendement de nos collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste visait à augmenter de 7,45 euros à 10 euros par hectolitre la contribution perçue sur les boissons contenant des sucres ajoutés.
Lors de la discussion en séance publique, M. le secrétaire d’État comme le M. le rapporteur avaient indiqué ne pas être opposé à cette modification, sous réserve qu’elle s’applique également aux boissons contenant des édulcorants et que la hausse soit un peu moins importante. Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez ajouté : « La navette parlementaire permettra probablement de l’améliorer ».
En outre, vous aviez précisé à l’Assemblée que vous étiez « attaché au fait que toutes les dispositions fiscales et financières soient rassemblées dans les lois financières », et d’ajouter que « cette taxe existe déjà » et qu’« il ne s’agit pas de créer un nouvel impôt ».
Notre groupe déposa donc, à l’occasion de l’examen du PLFSS par le Sénat, un amendement limitant l’augmentation de la contribution à 9 euros – au lieu de 10 euros – par hectolitre et en l’appliquant également aux boissons contenant des édulcorants, s’accordant aux remarques du ministre et du rapporteur à l’Assemblée nationale.
Contre toute attente, notre amendement reçut un avis défavorable et fut rejeté. En quelque sorte, il a fait « pschitt » ! (Sourires. – M. Roger Karoutchi applaudit.) Pourtant, le relèvement de cette taxe était limité, puisque notre amendement tendait à augmenter de 1,55 centime d’euro le prix d’un litre de soda, y compris pour les sodas qui contiennent des édulcorants, soit environ un demi-centime par canette.
Les effets des boissons contenant du sucre ajouté sur la santé sont connus,…
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Jean-Claude Requier. … notamment sur l’obésité et sur le diabète. Quant aux boissons dites « light » contenant des édulcorants, tel l’aspartame, plusieurs études récentes remettent en cause son innocuité.
En augmentant très faiblement cette taxe, nous ambitionnons de faire participer les industriels à la lutte contre l’obésité. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le groupe du RDSE propose, dans sa logique, d’augmenter la taxe non seulement sur les boissons sucrées, mais également sur celles qui contiennent des édulcorants, dans l’esprit de l’amendement qu’il avait présenté.
L’objectif visé, si j’ai bien compris, est la santé publique. Évidemment, nous avons examiné les effets éventuels de l’augmentation de la taxe de 7,15 euros à 9 euros par hectolitre. Quand on ramène cette augmentation à une canette de soda d’une marque connue, on s’aperçoit qu’elle est de l’ordre de 1 centime d’euro.
Ces rentrées fiscales seraient appréciables en ce moment, mais je ne suis pas certain qu’avec 1 centime d’euro par canette le comportement des acteurs changerait. En revanche, la question du taux de sucre dans les boissons est une vraie question. Elle se résout plutôt, à mes yeux, grâce à une négociation avec les industriels dans le cadre du programme national de santé publique, de façon à faire baisser le taux de sucre dans les boissons, plutôt que par un système de taxation qui serait relativement marginale sur chaque boisson.
M. Michel Bouvard. Il faut taxer en fonction du taux de sucre !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas été très enthousiaste à l’idée de cet amendement. Néanmoins, dans la mesure où elle reconnaît le problème de santé publique, à titre d’appel, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous sommes devant un problème connu : une mesure fiscale peut-elle – je ne dis pas « doit-elle » – inciter à des changements de comportement. Je pense personnellement qu’il ne faut pas se priver de faire de certaines mesures fiscales des mesures qui incitent à des changements de comportement, mais je conçois que ce point de vue ne soit pas partagé.
Monsieur le sénateur, vous présentez cette mesure comme visant à répondre à une problématique de santé publique. Or l’objectif visé n’est pas atteint car l’ampleur de cette mesure ne sera à mon avis pas dissuasive sur le secteur. Cette différence de 1 centime d’euro, voire peut-être moins, par produit se concentrera d’ailleurs sur certains producteurs – je ne citerai pas de noms –, dont plusieurs ne sont pas à plaindre mais dont d’autres ont des marchés plus étroits.
C’est pourquoi le Gouvernement, également par souci de stabilité, ne souhaite pas aller dans ce sens et émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Il faut reconnaître au groupe RDSE une certaine continuité dans sa réflexion financière. Je l’en félicite, même si cet amendement va peut-être faire pschitt, pour reprendre l’expression de M. Requier.
À la vérité, il y a déjà sept ou huit ans que les ministres de la santé, tous gouvernements confondus, travaillent à réduire la consommation, notamment par les jeunes, de boissons trop sucrées ou contenant des édulcorants. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que les outils fiscaux soient les seuls propres à réduire cette consommation.
En revanche, je suis d’accord avec le groupe RDSE sur la nécessité de ne plus jouer à l’aveugle à l’égard de ce type de boissons, sans quoi nous devrons faire face à des problèmes de santé publique de plus en plus graves, qui se posent déjà, de façon très nette, dans les pays anglo-saxons et qui commencent à se poser dans d’autres pays, dont le nôtre. Ce n’est donc pas seulement une question de quelques millions d’euros qu’une taxe pourrait rapporter ; il s’agit de prévenir un problème de santé publique qui, à terme, pourrait coûter beaucoup plus cher.
Or il faut bien le reconnaître, pour le moment, l’opinion publique, les gouvernants et le Parlement considèrent ce problème comme tout à fait secondaire. À tort, car le jour où ce problème de santé publique se posera dans notre pays avec l’ampleur qu’on lui voit aux États-Unis ou au Canada, il nous coûtera des centaines de millions, voire des milliards d’euros !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. L’amendement n° I–248 a le mérite de soulever un problème de santé publique, plus précisément celui que pose la consommation de boissons non alcoolisées contenant une grande quantité de sucre.
Certes, il ne s’agit pas seulement de dégager un rendement, dont M. le rapporteur général a fait remarquer qu’il serait infime, il s’agit également de protéger la santé publique. Reste que cet objectif commande surtout de lutter contre les addictions, en particulier contre la consommation d’alcool qui est un véritable fléau, notamment chez les jeunes.
Je respecte tout à fait le souci des auteurs de cet amendement de réduire la consommation de boissons non alcoolisées contenant du sucre en grande quantité, mais je crois qu’il convient surtout de lutter contre l’alcoolisation, qui s’accompagne parfois de la consommation d’alcools très dangereux. Ceux d’entre nous qui sont maires savent bien quels problèmes se posent à cet égard, par exemple lors des fêtes patronales.
Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que protéger la santé publique est une tâche immense, mais cruciale !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. J’ai un peu de mal à comprendre les arguments qui ont été avancés. (Exclamations amusées.) En effet, on s’oppose d’abord à notre amendement parce qu’il prévoit une augmentation de taxe trop forte, et puis, quand nous en présentons un nouveau qui prévoit une augmentation moindre, on nous objecte qu’elle n’est pas assez dissuasive… Dites-moi donc où est la voie moyenne, parce que je ne m’y retrouve pas très bien ! (Exclamations et rires. – Mme Sophie Primas et M. Roger Karoutchi applaudissent.)
Nous avons déposé cet amendement pour protéger la santé publique. Personnellement, des sodas, je n’en bois pas (Rires et applaudissements.) : en bon Français, je bois du vin ou de l’eau ! (M. Roger Karoutchi applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Requier, je ne me souviens pas vous avoir objecté que vous proposiez une augmentation trop forte.
M. Jean-Claude Requier. Je parle de l’amendement présenté par nos collègues de l’Assemblée nationale.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est certain, monsieur le sénateur, que la consommation d’un certain nombre de produits, parmi lesquels les boissons trop sucrées, pose un vrai problème de santé publique. Peut-on le résoudre par une augmentation de taxe qui représentera un centime d’euro sur le prix d’achat ?
M. Jean-Claude Boulard. Non !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne le pense pas. Selon moi, deux méthodes sont envisageables : prendre des mesures législatives interdisant certaines pratiques, par exemple en fixant des taux de sucre maximaux, ou instaurer une taxation qui soit véritablement dissuasive. Sans doute, on peut relever la taxe, mais il faut le faire suffisamment pour qu’elle soit dissuasive. Or je maintiens que l’augmentation proposée par les auteurs de l’amendement n° I–248, homéopathique, ne contribuera en rien à résoudre le problème de santé publique.
Sans compter que l’effet d’une augmentation serait concentré sur certains producteurs, que nous connaissons tous, qui pourraient faire du chantage à l’emploi et mener des campagnes de presse. Vous me répondrez que nous n’avons pas à tenir compte de telles pressions. Il est vrai, mais il faut que le jeu en vaille la chandelle ! En l’occurrence, on n’est pas dans cette situation. C’est mon point de vue, et je le partage, comme disait un humoriste. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Que l’on ne se méprenne pas sur la position de la commission des finances : nous pourrions être sensibles à la recette que nous perdrions si nous n’adoptions pas l’amendement n° I–248, mais nous considérons aussi le problème de santé publique.
À cet égard, je vous rappelle que, dans le cadre du programme national pour l’alimentation, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a signé avec le Syndicat national des boissons rafraîchissantes un accord visant à réduire graduellement les taux de sucre ; de la même façon, un certain nombre de discussions se tiennent avec l’industrie alimentaire en vue de réduire les taux de sel dans le pain ou dans les plats cuisinés.
À mon avis, c’est par de telles négociations sur les recettes – non pas fiscales, mais alimentaires ! – que nous devons tâcher de résoudre le problème de santé publique. Si nous voulions agir par la voie fiscale, il faudrait fixer un taux très dissuasif. Une augmentation d’un centime d’euro par canette, non seulement ne changerait rien au comportement des consommateurs, mais risquerait, comme M. le secrétaire d’État vient de le signaler, d’induire d’autres comportements.
Pour améliorer la santé publique, poursuivre les négociations avec les industriels afin de réduire les taux de sucre et de sel sera plus efficace qu’instaurer une foultitude de taxes dont les effets, très limités, ne modifieront pas les comportements des consommateurs. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I–248.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
I. – (Supprimé)
II. – La deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Le 6° de l’article L. 2331–4 est abrogé ;
2° La section 7 du chapitre III du titre III du livre III est abrogée ;
3° La section 15 du même chapitre III est abrogée ;
4° (nouveau) Le titre II du livre II est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Gestion des eaux pluviales urbaines
« Art. L. 2226–1. – La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les articles 564 sexies, 613 ter à 613 duodecies et 1609 nonies F sont abrogés ;
2° Le II de l’article 1698 D est ainsi rédigé :
« II. – Le I s’applique au paiement de la cotisation de solidarité prévue à l’article 564 quinquies et des taxes prévues aux articles 1618 septies et 1619. » ;
3° (nouveau) L’article 732 est abrogé ;
4° (nouveau) Le 2° de l’article 733 est abrogé.
IV. – L’article L. 231–9 du code minier est abrogé.
M. le président. L’amendement n° I–230, présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent, Iriti, MM. Duvernois, Mandelli et Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 8. du I et le 5. du II de l’article 266 sexies ainsi que le 8. de l’article 266 septies sont abrogés ;
2° Les vingt-septième à trente et unième lignes du tableau du B du 1. de l’article 266 nonies sont supprimées ;
3° Le 7. de l’article 266 nonies et l’article 266 terdecies sont abrogés. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement vise à rétablir la suppression, initialement prévue par le Gouvernement, de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, pesant sur les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
En effet, si le rendement de cette taxe s’élève à 25 millions d’euros, son coût de gestion est supérieur, ce qui anéantit le gain pour l’État. Par ailleurs, cette taxe complexe n’atteint pas son but : comme elle est forfaitaire, les ICPE ne sont pas incitées à améliorer leurs procédés du point de vue du respect de l’environnement. Enfin, la perte de recettes de 25 millions d’euros ne grève pas le budget global de l’ADEME, qui bénéficie d’environ 450 millions d’euros grâce au maintien des autres modules de la TGAP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’un côté, l’adoption de cet amendement ferait perdre à l’ADEME une recette qui s’élevait à 25 millions d’euros il y a deux ans et qui est estimée à 29 millions d’euros pour l’année prochaine ; j’entends déjà les protestations que cette mesure susciterait chez certains.
De l’autre, la suppression de cette fraction de TGAP irait dans le sens d’une moindre complexité. Du reste, le Gouvernement l’avait initialement proposée, de même que la suppression d’un certain nombre d’autres micro-taxes. De fait, la taxe annuelle perçue sur les ICPE présente un caractère faiblement incitatif pour un coût de recouvrement et un degré de complexité élevés. Dans le cadre de la simplification de notre droit fiscal et de la réduction des coûts de recouvrement, sa suppression peut donc sembler opportune, de même que celles de certaines autres micro-taxes.
La commission des finances est partagée entre ces deux objectifs : maintenir une recette ou simplifier notre système fiscal par la suppression d’une taxe complexe. Elle s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le présent amendement vise à rétablir la suppression de la TGAP pesant sur les ICPE, que le Gouvernement avait initialement prévue mais que les députés ont repoussée.
Le Gouvernement souhaite maintenir l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale ; il est donc défavorable à cet amendement, dont l’adoption entraînerait une perte de recettes de 25 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Nous sommes d’accord avec le Gouvernement. Certes, la somme de 25 millions d’euros que l’adoption de cet amendement ferait perdre à l’ADEME peut sembler peu significative, mais je vous rappelle que la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 lui a déjà retiré quelques dizaines de millions d’euros d’investissements d’avenir, qui ont été transférés de l’écologie vers la défense, au moment où nous avons des mesures de transition énergétique à mettre en place.
Je suis le premier à admettre qu’on peut discuter de la gouvernance et de l’organisation de l’ADEME. C’est un fait qu’aucun des projets prévus dans le cadre du programme d’investissements d’avenir n’a été réalisé. Il faut dire qu’il a fallu composer avec une forte instabilité ministérielle : quatre ministres de l’écologie ou de l’environnement en deux ans, ce n’est pas la meilleure façon de mener des projets au long cours. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Bouvard. Ils s’en vont !
M. André Gattolin. Si, en plus, on réduit encore le budget de cette structure permanente – qui, d’ailleurs, a une vision très décroissante de son activité, parce que je ne suis pas sûr qu’elle mène tous les projets qu’elle devrait mener –, on ne s’en sortira plus.
S’attaquer aux micro-taxes, je le veux bien, mais lesquelles ? Comme par hasard, ce sont souvent des taxes écologiques. Ces taxes, on nous explique d’abord que, pour ne pas trop peser sur l’activité, elles ne doivent pas être trop élevées ; pour qu’elles soient acceptées, nous dit-on, commençons petit. Seulement, on nous objecte ensuite qu’elles sont vraiment trop petites, surtout quand on ne les a pas fait croître, pour avoir la moindre utilité ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) À un moment, il faut avoir une logique budgétaire et s’y tenir.
Nous partageons tout à fait le point de vue de M. le secrétaire d’État. Aussi, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, je profite de la discussion de cet amendement pour attirer votre attention sur un problème au sujet duquel nous avons souvent interrogé le ministère de l’environnement, ainsi que le vôtre : l’inégalité entre les cimenteries, qui sont soumises à la TGAP, et les carrières de calcaire, qui n’y sont pas soumises.
Si les carrières sont utiles, elles causent des traumatismes durables aux paysages et nuisent à l’attractivité des communes où elles sont implantées. Aussi bien, dans le cas où la TGAP sur les ICPE serait maintenue, il serait intéressant qu’une partie de son produit, même modique, soit reversée aux communes qui accueillent des carrières. Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir vous pencher sur ce problème important pour les communes en question.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Dans mes activités régionales, il m’est arrivé de dire ce que je pensais des méthodes et de la gestion de l’ADEME, et parfois même – pardon de le dire – de ses interventions. Assez souvent, on se demande franchement comment cela fonctionne ! Il s’agit à mon avis d’un problème global : tant qu’à faire, remettons sur la table le fonctionnement de l’ADEME, sa gouvernance et ses ressources.
En revanche, retirer 25 millions d’euros à cette agence sans transformer sa gouvernance, je n’y suis pas favorable. Je ne voterai donc pas l’amendement n° I–230.
Par ailleurs, comme vient de le souligner ma collègue Sophie Primas, il se pose un problème plus général de responsabilité publique : il faut savoir qui autorise quoi. Les collectivités locales ont perdu le pouvoir sur les carrières et sur certaines autres activités ; ce pouvoir a été transféré à la puissance publique, qui instaure des prélèvements au profit de l’ADEME, dont les modalités d’intervention sont souvent extrêmement compliquées.
Je répète qu’il faut remettre à plat l’ensemble du fonctionnement et de la gestion de l’ADEME avant de réfléchir à ses moyens de financement. Procéder dans l’ordre inverse ne me paraît pas opportun.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Je ne voterai pas cet amendement, car ce n’est pas le moment de se priver de ressources. J’entends bien qu’il ne faille pas créer de taxes supplémentaires, mais conservons du moins les moyens de financement qui existent aujourd’hui.
Si des problèmes de coût de gestion d’une taxe se posent, simplifions le recouvrement de cette taxe pour en améliorer la productivité.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. L’Assemblée nationale a rejeté, sur l’initiative de Mme Valérie Rabault, la suppression, proposée par le Gouvernement, de la TGAP pesant sur les ICPE. Cette suppression peut paraître un peu contradictoire avec le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui est en cours de discussion au Parlement. De plus, nous pensons que le produit de cette taxe, qui est de 25 millions d’euros, n’est pas anecdotique. Nous voterons donc contre l’amendement n° I–230.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I–76 est présenté par M. Boulard.
L'amendement n° I–410 rectifié est présenté par M. Germain, Mme M. André, MM. F. Marc, Berson, Boulard, Carcenac, Chiron, Eblé, Lalande, Patient, Patriat, Raoul, Raynal, Vincent, Yung, D. Bailly et Cazeau, Mme Claireaux, M. Daudigny, Mme Guillemot, M. Jeansannetas, Mme Perol-Dumont, M. Vaugrenard, Mme Monier, MM. Mazuir, Montaugé et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 à 10.
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour présenter l’amendement n° I–76.
M. Jean-Claude Boulard. L’amendement n° I–76 déposé à l’article 8 vise à rétablir deux petites taxes qui ont été supprimées par l’Assemblée nationale, la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines et la taxe de trottoirs.
On s’est beaucoup gaussé de la modestie du produit de ces taxes. J’attire tout de même l’attention – et M. le secrétaire d’État, qui est un élu du Nord, n’y sera pas insensible – sur le fait que la communauté d'agglomération de Douai perçoive, au titre de la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, 450 000 euros de recettes. Même des taxes de faible montant, lorsqu’elles sont recouvrées par telle ou telle collectivité peuvent, pour ces collectivités, avoir de l’importance !
Au-delà de cela, je vous demande un vote de principe : dans un contexte de recul des dotations de l’État, on ne peut pas priver les collectivités locales de la moindre ressource.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean-Claude Boulard. Attention, mes chers collègues, on vous teste avec ces deux petites taxes ! Il existe un rapport de l’Inspection générale des finances qui prévoit la suppression d’une vingtaine de taxes, au nom de la simplification. Chaque fois que vous entendrez le mot « simplification », comprenez « suppression » !
Cette position de sanctuarisation de la fiscalité locale est partagée par l’Association des maires de France. Selon moi, il faut émettre un vote de principe sur la sanctuarisation des ressources fiscales de nos collectivités.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour présenter l'amendement n° I–410 rectifié.
M. Jean Germain. Mes chers collègues, nous devons émettre un double vote de principe.
Tout d’abord, concernant la suppression de ces petites taxes, nous avons lu dans la presse et entendu dans la présentation du projet de loi de finances qu’il fallait épousseter. On nous a expliqué que personne ne comprenait rien à la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, ni à sa circulaire, si compliquée. Mais ce n’est pas nous qui l’avons élaborée !
Cette circulaire est le fruit du travail d’un comité où siégeaient les représentants les plus prestigieux des hautes administrations françaises (M. Michel Bouvard rit.), et certains y siègent encore ! À partir de 2010, on a dit aux collectivités locales : il faut absolument le faire, c’est dans la foulée du Grenelle 2.
Alors, il ne faut pas venir à la télévision affirmer que l’on va supprimer des taxes, que le Conseil des prélèvements obligatoires montre ce qu’on doit faire !
On supprime la taxe de trottoirs. Comme l’a dit Jean-Claude Boulard, c’est une question de principe !
Pourquoi cette taxe de trottoirs avait-elle été créée en 1845 ? On se posera un jour les mêmes questions à notre sujet, quand on évoquera, notamment, notre taxe sur les canettes. Est-elle vraiment plus importante ?
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Jean Germain. En 1845, la question en débat était déjà la participation des propriétaires riverains à la construction des trottoirs qui bordent leurs rues. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’était pas une mauvaise idée !
M. Jean Germain. Ce n’était effectivement pas une mauvaise idée ! Concernant la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, les mauvais esprits, le poujadisme, ont dit que c’était « la taxe sur la pluie »,…
M. Jean-Claude Boulard. Alors qu’il s’agit de taxer l’imperméabilisation des sols.
M. Jean Germain. … alors que c’est en effet une taxe sur l’imperméabilisation des sols.
En 2006, de nombreux comités se sont réunis – nous disposons de la liste et nous pouvons vous la montrer – et, dans les collectivités locales, nous avons reçu les instructions sur le dispositif à mettre en place.
On nous rétorque que très peu de communes ont mis en place cette taxe. Évidemment, puisque c’est à partir du 1er janvier 2015 que la plupart des communautés de communes ou d’agglomération doivent prendre cette compétence. Voilà pour l’aspect pragmatique.
Sur l’aspect de principe, je m’associe totalement aux propos de mon collègue Jean-Claude Boulard. Ce n’est pas au moment où nous allons discuter de la baisse des dotations aux collectivités locales que la simplification doit en plus se faire sur leur dos !
J’aurais pu également aborder le sujet de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière, de l’article 72 de la Constitution, du Conseil constitutionnel. Je ne ferai pas car nous disposerons de plusieurs heures pour en débattre.
Nous voterons résolument contre ces suppressions de taxe !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le sujet est vaste ! Ces amendements concernent la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines et la taxe de trottoirs. À titre personnel, je souhaitais soutenir la volonté du Gouvernement de supprimer un certain nombre de micro-taxes. Cependant, beaucoup d’amendements ont été préparés par le groupe écologiste et par le groupe socialiste ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plus sérieusement, la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines n’existe que dans deux communes. Voici le guide qui explique sa mise en place (M. le rapporteur général brandit un exemplaire de ce document). Il comprend 93 pages… On ne peut donc s’étonner que peu de communes aient choisi d’instaurer cette taxe. Comme vous, monsieur le secrétaire d’État, je déplore que l’on ne puisse pas projeter de tableaux ici : vos compétences de professeur de mathématiques vous auraient sans doute permis de nous lire la formule de la page 39, qui en fixe le montant. Pour moi, c’est un peu difficile !
Quant à l’autre taxe en cause, elle est également un peu marginale.
À titre personnel, j’avais proposé à la commission d’accepter la suppression de ces deux taxes, conforté d’ailleurs par les conclusions de l’Inspection générale des finances. (M. Jean-Claude Boulard s’exclame.)
M. Jean Germain. Oh là là !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je m’interrogeais sur la pertinence de maintenir des taxes au mode de calcul relativement complexe et qui ne concernaient qu’un très faible nombre de communes. Nous avons toutefois débattu en commission, c’est vrai, à l’initiative de notre collègue Jean-Claude Boulard, du principe de la suppression des ressources : au-delà de ces taxes dont les montants sont assez faibles et qui concernent peu de communes, faut-il accepter la suppression de recettes communales ou locales (M. Jean-Claude Boulard fait un signe de dénégation.) qui relèvent, pour leur instauration, de la liberté des collectivités ?
Ce débat de principe est d’autant plus important et pertinent dans le contexte actuel de la réduction globale des dotations de fonctionnement. (M. Jean-Claude Boulard opine.) Je me suis laissé convaincre.
La position de la commission des finances ne tend pas à soutenir ces deux micro-taxes qui concernent très peu de monde et sont très complexes. Le guide que j’ai évoqué montre qu’on ne peut pas faire plus compliqué. Le coût d’édition de ce guide (M. Roger Karoutchi rit.), qui doit être disponible dans toutes les préfectures et dans tous les centres départementaux des finances publiques, excède sans doute le produit de la taxe !
Je soutenais donc le Gouvernement dans sa volonté de supprimer cette taxe à faible rendement, mais la commission des finances a considéré que, dans le contexte actuel, – c’est une question de principe – on ne peut pas supprimer unilatéralement un certain nombre de ressources locales sans une discussion plus générale sur la liberté de fixer globalement nos taux d’imposition.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a suivi Jean-Claude Boulard et d’autres membres du groupe socialiste dans cette position de principe, et a émis un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° I–109 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Delahaye, Bockel, de Montesquiou et Médevielle, Mmes Gatel et Jouanno, M. Roche, Mme Morin-Desailly et M. Kern, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Pardonnez-moi, monsieur Vincent Delahaye, de ne pas vous avoir donné la parole plus tôt pour présenter cet amendement, qui fait l’objet d’une discussion commune avec les deux amendements précédents.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Vincent Delahaye. Merci, monsieur le président, de prêter attention au groupe UDI, que l’on a malheureusement parfois tendance à oublier ! (Sourires.)
MM. Michel Bouvard et François Marc. C’est UDI–UC ! (Nouveaux sourires.)
M. Vincent Delahaye. Oui, tout à fait ! Union centriste, mes chers collègues !
Revenons à l’objet de l’amendement et de la simplification que nous appelons de nos vœux face à ce maquis complexe de petites taxes qui composent notre fiscalité.
Il est vrai, pourtant, que le moment n’est pas bien choisi, monsieur le secrétaire d’État. On réduit considérablement les aides aux collectivités, c’est très compliqué à digérer pour ces collectivités et on sait bien que cela va nécessairement entraîner des hausses d’impôts locaux. Même si ces taxes sont peu mises en œuvre, on peut s’interroger, avec le rapporteur général, sur le sens de cet effort de simplification et, surtout, sur le moment choisi pour le lancer, qui ne nous paraît pas très opportun.
Notre amendement n° I–109 rectifié bis a trait à l’alinéa 5 de l’article 8, et non aux alinéas 2 à 10. Mais il est vrai que la question peut se poser à leur sujet.
Il concerne donc exclusivement la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, qui est entièrement facultative pour les communes et les intercommunalités. Instaurée en 2006 mais applicable seulement depuis un décret du 6 juillet 2011, elle vise à inciter les propriétaires publics ou privés lors d’une urbanisation à éviter les surfaces imperméables et au contraire à utiliser des techniques alternatives visant à mieux évacuer les eaux pluviales.
Aujourd’hui, cinq collectivités l’ont mise en place et une quinzaine d’autres ont étudié, ou étudient encore, cette possibilité. Il s’agit d’une taxe pédagogique et incitative permettant de favoriser, notamment, l’infiltration de l’eau à la parcelle.
Parfois, en cas d’épisodes fortement pluvieux, les stations d’épuration ne peuvent pas faire face. Il n’est toutefois pas possible d’augmenter à l’infini la capacité du réseau, ou d’investir partout dans des réseaux séparatifs, ou encore de redimensionner les stations d’épuration. Si les techniques alternatives se développent pour les nouvelles constructions, imposant le « zéro rejet », le problème reste entier pour l’existant. D’où la mise en place de cette taxe « eaux pluviales », qui a une vocation pédagogique.
C’est pourquoi nous estimons que le maintien de cette taxe est souhaitable. Nous nous associons également aux autres demandes qui viennent d’être exprimées. Cette réflexion doit avoir lieu (M. Jean-Claude Boulard opine.), mais il faut l’intégrer dans la conjoncture globale et tenir compte des efforts demandés aujourd’hui aux collectivités.
M. le président. L'amendement n° I–25, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l’article L. 2563–1, les références : « L. 2333–58 à L. 2333-63, » sont supprimées.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je sens l’impatience de votre assemblée à débattre de sujets plus larges (Exclamations sur plusieurs travées.), puisque la question posée est plus une question de principe qu’une question de volume. Mais nous nous y sommes préparés. (M. Michel Bouvard rit.)
L’article 72–2 de la Constitution précise que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », mais tout le monde sait que la phrase se termine ainsi : « dans les conditions fixées par la loi. »
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Heureusement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela sera d’ailleurs au centre de nos débats.
Le Gouvernement propose de supprimer des taxes, pour des raisons de simplification. Ce n’est pas honteux. Il a fait travailler l’Inspection générale des finances sur le sujet, qui elle non plus n’est pas honteuse.
J’ai récusé à plusieurs reprises, et je continuerai à le faire, cette sorte de dichotomie que certains constateraient entre le pouvoir exécutif, que je représente ici, et son administration. En effet, à quoi servirais-je si je n’étais que le pantin d’une administration ou de certains corps d’inspection qui tireraient les ficelles ? En prétendant cela, c’est à moi que vous vous en prenez, vous me dites : « Monsieur le secrétaire d’État, vous ne faites pas votre boulot, c’est l’administration qui le fait à votre place ! »
M. Alain Fouché. C’est souvent le cas !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’assume ce qui est rendu public par notre ministère après, effectivement, examen et réflexion par les ministres et leurs cabinets, qu’il ne faut pas confondre avec l’administration.
Nous avons donc demandé à l’Inspection générale des finances de mener un travail sur ce que l’on appelle les petites taxes. Il n’y en a pas vingt, mais beaucoup plus, plusieurs centaines, les petites, les moyennes…
Le résultat de cette étude n’a pas été soumis seulement au ministre, mais a fait l’objet de débats dans un certain nombre de cercles avec la participation d’acteurs, notamment dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises, avec les partenaires sociaux et des parlementaires. Je me souviens, j’y étais, et il me semble que François Marc y était également, ainsi que Gilles Carrez et quelques autres. Nous avons examiné l’opportunité de ces taxes, du point de vue de ceux qui les perçoivent, certes, mais aussi de ceux qui les payent !
On ne peut pas avoir en même temps deux attitudes diamétralement opposées : regretter la disparition de ces taxes et critiquer le Gouvernement lorsqu’il autorise les départements à majorer les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, et les collectivités à majorer la taxe d’habitation pour certaines catégories de résidence dans les zones tendues,…
M. Philippe Dallier. Tout cela concerne la ville de Paris !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … lorsqu’il revalorise les bases d’imposition, lorsqu’il autorise les collectivités à mettre en place une taxe de séjour, lorsqu’il autorise les collectivités, notamment d’Île-de-France…
MM. Michel Bouvard et Jean Germain. C’est nous qui l’autorisons, ce n’est pas le Gouvernement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez raison, c’est le Parlement, je corrige.
Lorsque tout cela est mis en place, on crie au scandale en accusant le Gouvernement d’augmenter les impôts ! Non. Le Gouvernement modifie la capacité des collectivités locales à faire appel à certains dispositifs.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme les DMTO ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Parce que l’on a été obligé d’augmenter les DMTO, pour financer la péréquation !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Absolument pas ! Il y avait tellement peu d’obligations que certains départements ou certaines collectivités ne l’ont pas fait ! (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.) Mais non, ce n’est pas vrai !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour la péréquation !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais non, il y avait un mécanisme de péréquation. Pouvez-vous nier, monsieur le rapporteur général, que la mesure relative aux DMTO ait globalement apporté des ressources supplémentaires à hauteur de 700 millions ou 800 millions d’euros à l’ensemble des départements ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. C’était indispensable !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je dis bien : à l’ensemble des départements ! Eh oui, parfaitement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez mis des dépenses à la charge des collectivités ! Il est facile après de proposer de telles mesures.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une répartition a été fixée. Mais vous êtes des élus de la nation ! Vous légiférez pour l’ensemble des collectivités. Que certains d’entre vous ne considèrent que l’effet de telle ou telle mesure sur leur propre département, ça les regarde. Mais le législateur ne peut que constater ici que les recettes supplémentaires au titre des DMTO pour l’ensemble des départements sont une réalité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En contrepartie des dépenses que vous avez mises à la charge des collectivités !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Que la répartition ne vous satisfasse pas individuellement, on peut le comprendre. Toutefois, ce n’est pas une raison pour laisser entendre que l’autorisation, donnée par voie législative aux départements, d’augmenter les ressources pour les DMTO n’a pas entraîné de recettes supplémentaires. Car un grand nombre de collectivités ont décidé d’appliquer la mesure.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, mais en contrepartie des dépenses que vous avez mises à la charge des collectivités !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas nous qui l’avons fait, c’est vous ! Il faut être sérieux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Calmez-vous, madame la sénatrice ! Ça va bien se passer…
De même, en Île-de-France, les collectivités ont eu la capacité d’appliquer ou non une majoration de certaines taxes, telle la taxe sur les bureaux vacants, c’est aussi le législateur, c'est-à-dire vous, mesdames, messieurs les parlementaires,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est réducteur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si ! Vous oubliez les charges !
M. Didier Guillaume. C’est vous qui avez augmenté les charges !
M. Roger Karoutchi. Vous êtes en colère, monsieur le secrétaire d'État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, je suis en colère ! Mais pourquoi ? (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Alain Fouché s’exclament.) Quand le législateur autorise des collectivités à augmenter des impôts, vous ne pouvez pas – vous-même, madame la sénatrice, et un certain nombre d’entre vous ! – accuser le Gouvernement de les augmenter !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais oui, parce que c’est vous qui augmentez nos dépenses !
M. Didier Guillaume. C’est vous qui avez accru les dépenses !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Qui prend la décision in fine ? Qui prend la décision de mettre en place telle ou telle contribution locale ? Ce n’est pas le Gouvernement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas bien ce que vous faites !
M. Alain Fouché. Il est facile de dire que les départements embauchent !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Écoutez, vous vous êtes exprimés. À mon tour de le faire ! Je suis dans cet hémicycle depuis longtemps. S’il le faut, je peux être là cette nuit et même demain.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’irai au bout de mon raisonnement, madame la sénatrice !
Vous ne pouvez le nier : lorsque Gouvernement donne aux collectivités la capacité d’augmenter leurs ressources,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut les lier avec les dépenses !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … vous ne pouvez pas interpréter cette mesure en disant qu’il augmente les impôts.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si, parce qu’il met des dépenses à la charge des collectivités !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas injuste, ce n’est pas vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Or là, vous faites le raisonnement inverse : supprimer quelques recettes conduirait à priver les collectivités de leur autonomie en matière de gestion.
Eu égard aux taxes citées et aux volumes concernés, je puis affirmer, en toute sérénité, qu’il s’agit là d’une mesure de simplification. On n’aura évidemment pas la même position pour les ressources concernant l’ensemble des collectivités.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il se fait plaisir en parlant, mais ça ne sert à rien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Gouvernement est a priori défavorable à ces amendements. De toute façon, s’ils sont adoptés, il n’en fera pas une affaire d’État. Vu les volumes concernés, il n’y a pas véritablement de sujet budgétaire.
Voilà ce que je souhaitais dire à ce stade de la discussion et que je ne cesserai de répéter.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette réponse est nulle !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’imaginais pas que les amendements identiques de nos collègues Jean-Claude Boulard et Jean Germain allaient susciter un tel débat ou, en tout cas, une telle fougue dans ce débat.
Cela étant dit, vous anticipez un peu, monsieur le secrétaire d'État, sur le débat que nous aurons ultérieurement.
M. Roger Karoutchi. Lundi !
M. Philippe Dallier. Il faut comprendre que les collectivités territoriales – et je suis certain que vous le comprenez très bien – ont besoin de visibilité.
Nous sommes dans une période où les dotations vont diminuer comme jamais. On nous annonce, l’année prochaine, lors de l’examen du projet de loi de finances, une grande réforme de la dotation globale de fonctionnement, le grand soir !
Dans un sens, je m’en réjouis parce que le système tel qu’il fonctionne aujourd'hui est illisible et inéquitable ; il faut le revoir. D’ailleurs, il faut tout revoir ! La DGF forfaitaire, les péréquations horizontales et verticales, tout cela est contradictoire.
En l’occurrence, on constate une baisse des dotations ; on annonce une réforme de la DGF et une réforme des valeurs locatives. Le Sénat est plutôt favorable à cette dernière réforme, mais sans en connaître pour autant les conséquences. Une très grande incertitude pèse donc sur les recettes des collectivités territoriales.
Vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, de commencer à supprimer, par souci de simplification, les taxes les unes après les autres. Comprenez que cela inquiète ! Il y aurait tout intérêt à faire converger tous ces sujets – la réforme de la DGF, la baisse des dotations, la réforme des valeurs locatives – et, pourquoi pas, la remise en cause d’un certain nombre de taxes, afin que nous puissions apprécier les conséquences, dans leur globalité. Mais traiter les choses par le petit bout de la lorgnette ne peut qu’inquiéter les élus locaux.
C’est donc avec grand plaisir que je voterai ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Les propos de notre collègue Philippe Dallier, qui a souligné une inquiétude généralisée face à l’évolution des dotations et, peut-être, un problème de méthodologie – mais c’est la présentation du projet de loi de finances qui veut que nous ayons à nous prononcer sur de micro-sujets avant d’aborder les questions principales ! –, sont frappés au coin du bon sens.
Cela étant, pour ce qui me concerne, je n’ai pas changé d’avis : un certain nombre de micro-taxes, d’anciens produits fiscaux posent problème. Un jour, Édouard Balladur, alors qu’il était ministre des finances, avait expliqué qu’un bon impôt était un vieil impôt parce que les gens y étaient habitués.
La taxe de trottoirs, ce n’est pas parce qu’elle a plus de cent cinquante ans que c’est un bon impôt. Aujourd’hui, cette taxe n’est sans doute plus adaptée.
Ce projet de loi de finances, j’en donne de nouveau acte au Gouvernement, traduit, il est vrai, une volonté de toilettage d’un certain nombre de petites taxes de l’État ou des collectivités. Mais le contexte actuel suscite une inquiétude légitime.
Je comprends l’idée évoquée précédemment par notre collègue Jean-Claude Boulard, qu’il avait d’ailleurs exprimée en commission, et selon laquelle on nous teste pour savoir si nous sommes prêts à accepter progressivement une disparition de l’autonomie fiscale, et non pas de l’autonomie financière.
Pour ma part, je voterai contre ces amendements. En effet, je souhaite être cohérent avec la position que j’ai défendue lors de ma participation aux travaux du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée, qui s’est intéressé aux micro-taxes et non pas, d’ailleurs, à la fiscalité affectée aux collectivités locales : il est nécessaire de toiletter la fiscalité.
Aujourd'hui, un certain nombre de produits fiscaux ne sont plus adaptés aux besoins actuels. Aussi, une remise à plat est nécessaire. À cet égard, j’espère que la réforme de la DGF sera l’occasion de cette remise à plat, sans que, dans le même temps, cela aboutisse à priver les collectivités d’une autonomie fiscale.
D’ailleurs, l’autonomie fiscale reste importante dans notre pays – les travaux en témoignent –, même si elle a globalement régressé, comme ont pu le constater, depuis une vingtaine d’années, tous les responsables d’exécutifs. D’une manière générale, elle est plus importante que dans un certain nombre de pays voisins, et il convient, à mon sens, de la maintenir. En effet, c’est un facteur de responsabilisation des élus locaux que d’avoir à voter l’impôt et à en rendre compte aux citoyens.
En l’occurrence, s’agissant des deux micro-taxes visées, je voterai contre les amendements identiques, car il faut bien commencer à réformer. Certes, on ne le fait pas dans les meilleures conditions, ni au meilleur moment d’un point de vue méthodologique, mais, à un moment, il faut commencer !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je formulerai quelques remarques sur cette question.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé d’amorcer un mouvement global de simplification de la fiscalité en proposant de supprimer des taxes dites « petites et diverses » et dont le rendement serait trop faible ou trop anecdotique pour justifier leur maintien.
Ce matin, au sujet des niches fiscales, vous avez dit qu’on mélangeait un petit peu tout dans le domaine de la fiscalité et qu’il fallait faire du tri dans les crédits d’impôt et les niches fiscales.
En l’occurrence, j’ai l’impression que l’on mélange aussi un peu tout. Les petites taxes sont très diverses : certaines sont perçues au profit de l’État, d’autres, au profit des collectivités territoriales ou d’agences qui mènent des actions en lieu et place de l’État. Aussi, il nous faut engager un véritable débat sur ces questions.
Toutefois, comme l’ont fait de nombreux autres collègues, je veux revenir sur la libre administration des collectivités territoriales.
Concernant la question de l’imposition, le Parlement nous offre des possibilités, que nous saisissons ou pas. C’est un choix local. Cela vaut tant pour les DMTO que pour la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines ou la taxe de trottoirs.
J’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre. En effet, dans le cadre de la loi GEMAPI, gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, une nouvelle taxe a été créée pour, soi-disant, permettre aux collectivités territoriales de prendre en charge la gestion des digues, car l’État veut leur transférer cette gestion. Il s’agit aussi en soi d’une petite taxe, puisque la somme est limitée.
La taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines procède du même esprit. Comme l’a rappelé notre collègue Vincent Delahaye, cette taxe a pour objet de faire en sorte que des eaux pluviales soient dirigées non pas dans le réseau, mais dans des rues ou des bassins de rétention, pour éviter qu’elles ne viennent grossir trop vite la rivière en cas d’orage. Elle est donc un élément de la lutte contre le risque d’inondation. Aussi a-t-elle sa pertinence, et elle présente un intérêt selon les territoires concernés, qui peuvent la mettre en place ou non.
Si les règles de mise en œuvre de cette taxe figurent dans un document énorme, monsieur le rapporteur général – je le sais bien, car je l’ai consulté ! –, et sont complexes, cela signifie qu’il faut sans doute les simplifier. Supprimer cette taxe n’est pas obligatoirement la bonne solution.
Si un travail doit être fait aujourd'hui, il faut peut-être, selon moi, le faire porter sur un certain nombre de taxes. En tout cas, il ne faut pas ôter aux collectivités, qui sont face à des responsabilités importantes, la possibilité de pouvoir choisir leur mode de gestion, d’autant que la responsabilité de l’État n’est pas très engagée dans cette démarche.
Je suis d’autant plus attentive à cette question que, comme l’ont souligné certains collègues, vous nous enlevez la possibilité de répondre à des besoins particuliers au moment même où vous nous imposez des contraintes en termes de dépenses.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
Mme Marie-France Beaufils. C’est vraiment contraire à la libre administration des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends votre agacement. (M. le secrétaire d’État hoche la tête en signe de désapprobation.)
Depuis vingt ans, les gouvernements de droite et de gauche ont fait en sorte que l’autonomie fiscale des collectivités soit mise à mal.
M. Jean-Claude Boulard. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Lorsque j’ai commencé à exercer mes fonctions au niveau régional, la part du budget de la région d’Île-de-France relevant de l’autonomie fiscale était comprise entre 38 % et 39 %, contre 11 % aujourd'hui. Je ne dis pas que c’est depuis deux ans ; c’est depuis vingt ans, c’est vrai, que les contraintes ont considérablement augmenté. Voilà, on le dit !
Une réforme est nécessaire. En effet, il faudra bien, à un moment, engager une véritable réforme des collectivités concernant leur financement, leur autonomie. Et il faut se mettre d’accord, car cela ne sert à rien de courir l’un après l’autre pour constater, au final, que, d’année en année, on a moins de capacités et moins d’autonomie.
Certes, je vais voter ces amendements. Mais reconnaissons que nos débats de cet après-midi sont quelque peu surréalistes : nous livrons une bataille rangée pour 1,5 million d’euros,…
M. Jean-Claude Boulard. Petite bataille…
M. Roger Karoutchi. … tandis que le Gouvernement réduit de 11 milliards d’euros les dotations des collectivités territoriales.
M. Jean-Claude Boulard. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. Force est de reconnaître que nous employons le marteau pour écraser un moucheron !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous le dis en toute franchise, en tant que président de la commission des finances de la région d’Île-de-France : certains procédés ne sont pas acceptables.
En 2012, la région d’Île-de-France a renégocié avec le Gouvernement le financement du Grand Paris Express. J’ai pris part à ces discussions, je l’avoue volontiers, avec l’exécutif régional de gauche, car à mon sens, elles relevaient de l’intérêt général. Un important apport de l’État s’ajoutait alors aux financements des entreprises et de la Société du Grand Paris, la SGP. Assez vite, on nous a déclaré que l’État ne pourrait pas participer, pour des raisons budgétaires que l’on conçoit.
On nous a expliqué que l’ensemble des réserves de la SGP seraient mobilisées, et qu’elles se substitueraient à cet apport. Las, ces fonds sont formés à partir des impôts payés par les Franciliens et les entreprises de la région.
Ensuite, nous avons signé la convention de 2013 sous l’égide de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre. À cette occasion, on nous a assuré que l’État apporterait 150 millions d’euros supplémentaires au titre du plan de rénovation énergétique de l’habitat et du Grand Paris Express.
Au bout d’un an, nous avons compris que nous ne recevrions pas les crédits en question. Nous avons protesté, en exposant que l’État risquait de mettre à mal tous les investissements, et partant le Grand Paris Express. En conséquence, vous avez demandé au Parlement d’autoriser l’augmentation des taxes pesant sur les entreprises et les ménages pour dégager la somme de 140 millions d’euros, que Manuel Valls a persisté à présenter comme « l’apport de l’État au financement du Grand Paris Express ».
Je m’excuse, mais il ne s’agit pas d’un apport de l’État : c’est un simple transfert ! En somme, l’État autorise le conseil régional à augmenter les impôts pesant sur les ménages et sur les entreprises. Voilà où est le problème.
Il ne me semble pas qu’une seule commune d’Île-de-France perçoive une taxe sur les eaux pluviales ou sur les trottoirs. Parallèlement, je comprends très bien votre souci de simplification. L’État, selon vous, réduit les impôts en simplifiant l’imposition. Mais, parallèlement, il ampute de 11 milliards d’euros les dotations des collectivités ! Et, au lieu de s’impliquer dans un grand projet, conformément à ses engagements, le Gouvernement, faute de moyens – ce que l’on peut comprendre –, demande au Parlement d’autoriser les collectivités à augmenter les impôts pour « constituer » la part de financement de l’État. Le serpent finit par se mordre la queue !
Notre région veille à ne pas écraser les entreprises sous le poids des charges, alors même que l’on nous suggère d’augmenter le versement transport. La situation devient intenable. J’appelle donc d’urgence à une remise à plat du dispositif d’ensemble, à une réforme du millefeuille. Car, pour l’heure, nous sommes dans la pure folie. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je laisserai à MM. Boulard et Germain le soin d’évoquer spécifiquement ces amendements.
Je constate, pour ma part, que nous venons d’assister à un petit échauffement, avant les débats de lundi ou de mardi.
M. Roger Karoutchi. Lundi !
M. Didier Guillaume. On le sait très bien, la question du budget des collectivités territoriales va enflammer le Sénat,…
M. Alain Joyandet. Mais non !
M. Didier Guillaume. … étant donné l’intérêt que nous y portons,…
M. Alain Fouché. C’est logique !
M. Didier Guillaume. … ce qui est bien normal.
M. Alain Fouché. Bien sûr, puisque nous sommes touchés !
M. Didier Guillaume. Nous, sénatrices et sénateurs, sommes particulièrement les représentants des collectivités territoriales.
M. Karoutchi l’a rappelé fort justement : il y a bien plus de deux ans que les collectivités sont étranglées par les charges.
M. Philippe Dallier. Mais ce n’est pas une raison !
M. Didier Guillaume. M. Eckert a évoqué l’augmentation des DMTO. Pourquoi cette hausse a-t-elle eu lieu ? Parce que, entre 2004 et 2012, face aux multiples transferts opérés par l’État – je songe notamment au RSA –, les conseils généraux ont fini par ne plus pouvoir assumer leurs missions.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. Pis, vingt à trente départements auraient été jugés en dépôt de bilan s’ils avaient été, non des collectivités, mais des entreprises.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Didier Guillaume. L’effet de ciseaux entre les dépenses et les recettes a dégénéré en effet de garrot : les départements ont été étranglés.
Il fallait trouver une solution, ce qui n’a pas été fait entre 2004 et 2012. Aussi l’Assemblée des départements de France a-t-elle pris, entre 2009 et 2010, une décision unanime : effacer la dette de l’État vis-à-vis des conseils généraux. Nous sommes partis de ce principe : quelle que soit la majorité élue en 2012, personne ne remboursera ces créances – ces dernières s’élèvent à 3,5 milliards d’euros pour le seul RSA. Il faut donc privilégier de nouvelles recettes.
En conséquence, nous avons conclu un accord, dont je remercie le Gouvernement. Ce texte portait sur deux points, que la Haute Assemblée a examinés.
D’une part, les collectivités territoriales ont obtenu le droit d’augmenter les DMTO. Il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation ! (M. Michel Bouvard s’exclame.) À l’époque, tous les élus de droite se sont opposés à cette mesure, en déclarant qu’ils refusaient de créer un nouvel impôt, une nouvelle charge. Aujourd’hui, quatre-vingt-treize départements de France ont augmenté les DMTO. (M. Michel Bouvard s’exclame de nouveau.)
M. Philippe Dallier. Parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement !
M. Didier Guillaume. J’en conviens tout à fait, il n’y avait pas d’autre possibilité : le transfert du RSA nous a étranglés.
D’autre part, grâce aux accords conclus à Matignon avec le soutien de la droite et de la gauche, la France a connu, l’année dernière, et pour la première fois depuis dix ans, une péréquation positive de l’État envers les départements faisant face à de grandes difficultés. Il faut en savoir gré aux uns et aux autres.
Nous débattrons plus avant de ces questions lundi. Dans la situation actuelle, pour réduire la dette, les déficits, la dépense publique, tout le monde doit faire un effort, notamment les collectivités territoriales, nous en convenons tous, à divers degrés. Cela étant, on ne peut procéder en dépit du bon sens et en se faisant taper, ici ou là, des petites taxes !
Certes les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais là n’est pas l’essentiel : il faut se concentrer sur l’effort que les collectivités vont devoir accomplir au cours des trois années à venir, et qui s’établit entre 10 et 11 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros dès l’année prochaine. Surtout, cet effort doit être réparti le plus équitablement possible, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.
Aussi, nous voterons bien sûr les amendements déposés par nos collègues, car il s’agit d’un signe.
M. Philippe Dallier. Je n’avais pas tout compris !
M. Didier Guillaume. Monsieur Dallier, pour ma part, j’ai parfaitement compris !
M. Philippe Dallier. En tout cas, pas moi !
M. Didier Guillaume. Le Gouvernement doit entendre le message du Parlement. Les efforts sont nécessaires, mais gardons-nous de frapper de manière trop aléatoire. Les collectivités territoriales finiraient par ne plus pouvoir suivre.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. M. Guillaume a parlé d’« échauffement ». Pour ma part, en souvenir de mon service militaire, je parlerai de « hussards ». (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Vous avez donc servi sous Napoléon ? (Nouveaux sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. (Désignant les bustes de l’hémicycle.) Ah ! Gouvion-Saint-Cyr ! Masséna !
M. Jean Germain. Les hussards peuvent être envoyés en éclaireurs pour explorer la route et assurer la progression des troupes – j’emploie cette image avec le plus grand calme : il ne me semble pas que ceux qui soutiennent ces amendements soient en guerre avec le Gouvernement.
Nous avons participé à toutes les réformes de la fiscalité locale. Certains d’entre nous ont en outre salué le redécoupage régional, même s’ils en ont été exclus. Ainsi, la région dont je suis l’élu souhaitait être réunie à d’autres territoires, pour former un vaste ensemble. On nous a répondu : « Non ! Vous le voulez peut-être, mais votre région restera toute seule. » (M. Roger Karoutchi rit.) Soit ! Nous poursuivons notre route.
Nous sommes, en l’occurrence, face à un autre enjeu : nous préparons un débat futur, sur la base d’une analyse de la situation générale fondée sur la consultation de chaque département. Personne ne refuse d’accomplir des efforts, mais il faut rester attentif au contexte dans lequel nous nous trouvons.
Ce n’est nullement une attaque contre le Gouvernement,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ouf ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Germain. … ou contre l’Inspection générale des finances, même si je relève au passage que nous n’avons jamais reçu le rapport en question…
Mme Chantal Jouanno. Ah !
M. Jean Germain. On s’est contenté de nous le promettre.
Au reste, si nous éprouvons pour l’Inspection générale des finances et pour la Cour des comptes tout le respect qui leur est dû, nous nous gardons, à leur égard, de toute déification.
M. Jean-Claude Boulard. Nous les connaissons trop bien pour cela !
M. Jean Germain. Nous sommes au Parlement, et la représentation nationale est ici dans son rôle. Nous ne nous exprimons pas, à cet égard, en tant que responsables de collectivités territoriales.
D’ailleurs, en procédant ainsi, nous nous inscrivons à mon sens dans la perspective tracée par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous souhaitons préserver un dialogue de qualité, fondé sur la confiance, entre l’État et les collectivités. C’est dans cet esprit que les membres du groupe socialiste ont déposé leur amendement.
On peut bien sûr décider de ne pas nous écouter du tout,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si !
Mme Chantal Jouanno. Nous vous écoutons !
M. Jean Germain. … en avançant que nos propos sont médiocres, que nous sommes des figures du passé, que nous ne comprenons rien à rien, que nous nous méfions des administrations,…
M. Jean-Claude Boulard. Ça c’est vrai ! (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean Germain. ... ce qui n’est pas du tout le cas !
M. Jean-Claude Boulard. Si, si ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Germain. Notre constat est très simple : on observe aujourd’hui une forme d’ébullition. On peut très bien refuser d’en tenir compte et passer outre, mais, dès lors, ce qui doit arriver arrivera.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Et ça viendra !
M. Jean Germain. Voilà tout. Bien sûr, les membres du groupe socialiste voteront ces amendements, et renouvellent leur confiance au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – MM. André Gattolin et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
M. Philippe Dallier. Ça c’est une sortie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, je vais redescendre au niveau des trottoirs et des caniveaux… (Exclamations amusées sur quelques travées de l’UMP.) Je voterai ces amendements, notamment parce que l’une de ces taxes me paraît excellente : la taxe sur les eaux pluviales.
En tant que maire, j’aurais aimé disposer de ce formidable dispositif pour empêcher les habitants de rejeter ces eaux sur la voie publique.
Je songe par ailleurs à l’époque où nous restaurions un boulevard de notre ville. Il a fallu refaire des canalisations et aménager un exutoire. Quand on est, comme c’est le cas de notre commune, dans les causses, on n’a pas de rivière à sa disposition. Pour obtenir un exutoire, il faut donc qu’un propriétaire accepte de vendre un terrain, qu’on l’achète et qu’on l’aménage. Mais les riverains protestent, car, selon eux, cet équipement favorise la prolifération des moustiques, des serpents, et est source de pollution.
Une telle taxe aurait permis de financer ces travaux. Toutefois, le système existant est si complexe – M. le rapporteur général l’a souligné – que nous avons dû abandonner. Ma commune compte au rang de celles qui auraient peut-être appliqué ce dispositif si sa mise en œuvre avait été plus simple.
Voilà pourquoi je voterai ces amendements. Au reste, pour paraphraser la formule bien connue, une taxe ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ! (Sourires sur plusieurs travées. – MM. Vincent Capo-Canellas et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je serai bref car, plusieurs de nos collègues l’ont dit, nous sommes appelés à revenir prochainement sur la question des collectivités territoriales.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Exact !
M. Vincent Delahaye. Je ne crois guère au grand soir de la refonte des dotations et des aides de l’État, de la révision des valeurs locatives, de la réforme de la péréquation, etc.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Une révision à la baisse !
M. Vincent Delahaye. On verra bien ce qui nous sera annoncé et ce qui va se passer.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est simple, une baisse !
M. Vincent Delahaye. J’attends de voir.
Cela étant, le moment me semble assez mal choisi pour supprimer des taxes…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oh oui !
M. Vincent Delahaye. … qui, si elles sont modestes, sont d’un grand secours pour certaines de nos communes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous appuyez votre administration, soit ! Il serait tout de même bon que vous donniez les instructions pour qu’un guide comme celui dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui compte quelque quatre-vingt-treize pages, ne puisse plus être imprimé à l’avenir. Ces publications, qui exigent en outre le travail de nombreux fonctionnaires, sont à mon sens bien excessives.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. J’abonde dans le sens de Mme Des Esgaulx, et je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. le secrétaire d’État notamment quant aux recettes des collectivités et aux taxes prélevées par les départements.
Les conseils généraux ont besoin de recettes. Dès le début de la décentralisation, au temps de Pierre Mauroy, l’État a transféré des charges aux départements sans leur accorder les recettes correspondantes, et ce quel que soit le gouvernement en place. Ce mouvement s’est encore accentué au cours des dernières années.
De plus en plus, les conseils généraux assurent les politiques de solidarité. L’État se désengage désormais de nombre de missions régaliennes, qu’il s’agisse des anciennes directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, les DDE et les DDA. De multiples services sont en train de fermer. Qui prend le relais ? C’est, naturellement, les collectivités territoriales, et au premier chef les départements.
J’entends des ministres faire des conférences de presse pour dire que les départements sont mal gérés, qu’ils embauchent trop… Mais les départements n’embauchent que parce que l’État se désengage ! Ils sont donc obligés d’accomplir ses missions et de recruter des personnels de l’État. C'est d'ailleurs pourquoi les personnels de la DDE sont accrochés au département pour se faire embaucher.
En outre, il est question de supprimer le fonds de péréquation – on y reviendra dans quelques heures, au début de la semaine prochaine. Mais qui le remplacera auprès des collectivités ? On sollicitera encore le département !
Je crois donc que, sur le principe, ce n’est pas le moment de sanctionner les collectivités qui, depuis des années, on fait des choix qui sont visiblement approuvés par leurs électeurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Cela fait des mois que je demande sans succès – en dépit des promesses – la transmission du rapport de l’Inspection générale des finances. Compte tenu de l’importance de ce rapport, il serait tout de même normal que le Sénat l’obtienne !
Pour ma part, je ne vous cacherai pas que les rapports de l’Inspection générale des finances, tout comme les propos de la Cour des comptes, ne m'impressionnent guère – peut-être parce que je connais un peu ce monde, ce qui me permet d’avoir un jugement légèrement distancié. Et puis il y en a un peu assez de voir l’Inspection ou la Cour penser à notre place !
Ici, c'est le Sénat ; là-bas, c'est l’Assemblée nationale. Et c'est à nous, au Parlement, qu’il revient d’élaborer un certain nombre de propositions dans le cadre de l'intérêt collectif.
Seconde considération, ce débat n’est pas un petit débat ! Le nombre important des intervenants ne m'étonne pas. On voit bien le procédé, on commence par une ou deux taxes pour nous tester : « Vont-ils résister ? », se demande-t-on. Au fond, nous sommes de gentilles personnes, et le mot « simplification » est propre à nous séduire…
Mais, derrière le mot « simplification », se cache le mot « suppression ». Alors commençons par simplifier avant de supprimer ! De même, derrière le mot « toilettage », il y a « tondu ». Et derrière l’expression « mise à plat », on trouve « sur les jantes » – car les pneus se dégonflent…
Prenons donc garde à ces mots qui s'avèrent extraordinairement « piégeux », d’avec lesquels il convient de prendre parfois ses distances !
Le message que nous voulons faire passer est donc le suivant : alors que les dotations vont baisser, ce n’est pas le moment de remettre en cause, au motif de simplifier, des taxes qui participent de l’autonomie des collectivités locales, quelle que soit la modestie de leur rendement.
C’est un message utile car il y a des idées ! Si nous avions acquiescé à ce premier mouvement, on se serait dit : « Ils ont accepté, on va pouvoir continuer ! ». Non, décidément, il fallait porter un coup d’arrêt.
Par ailleurs, c'est une vieille idée, à Bercy, que de remplacer toutes nos taxes par des dotations. (M. Roger Karoutchi opine.) Depuis quarante ans, toutes majorités successives confondues, la continuité l’emporte toujours sur le changement lorsqu'il s'agit de remettre en cause l’autonomie fiscale des collectivités locales.
Même s'il ne s'agit que de petites taxes, le vote que vous allez émettre portera ce message : « On ne touche pas, quelle que soit la modestie des impôts en cause, à l’autonomie fiscale des collectivités locales ! »
M. Alain Fouché. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Au moment où nous avons abordé les amendements portant sur l’article 8, je ne pensais pas que la discussion susciterait autant de passion !
Depuis longtemps, année après année, budget après budget, le débat sur l’autonomie financière des collectivités est largement engagé. Ici, on parle de petites taxes – je découvre même l’existence de certaines d’entre elles. Par ailleurs, nous recevons divers rapports et documents, notamment de l’Inspection générale des finances et de la Cour des comptes, autant d’organismes que nous respectons. Mais chacun d’entre vous a-t-il le temps de les lire ? (MM. Jean-Pierre Caffet et François Marc acquiescent. – M. Jean-Claude Boulard s’exclame.) La question est là ! Même en travaillant nuit et jour, je ne suis pas certain que l’on parviendrait à tout lire !
D’un côté, on est donc noyé sous l’information. Mais de l’autre côté, la réforme des collectivités territoriales, la revalorisation des bases, cela fait des années que ça dure, quels que soient les gouvernements, de gauche ou de droite. ! Il ne faut donc jeter la pierre à personne ! Il arrive un moment où tout le monde devient responsable. Chacun doit alors se remettre en question, à tous les niveaux.
L’autonomie financière des collectivités territoriales, c'est une question qui, ici, nous engage tous, compte tenu de ce que sont nos missions et nos domaines d’activité. Et la passion qui nous anime, c'est bien celle de servir nos collectivités territoriales et l’État !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Petites taxes, grand débat ! (Sourires.) En réalité, le sujet qui nous occupe ce n’est pas celui des eaux pluviales ou des trottoirs, c’est, d'une façon générale, celui des ressources des collectivités locales, ce qui laisse augurer un vaste et beau débat sur l’article 9 !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai bien entendu tout à l'heure, et la commission des finances, dans sa majorité, ne vous suivra pas sur un point. Certes, on annonce une baisse des dotations de 11 milliards d’euros en trois ans. Lorsque nous avons débattu de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, nous avons essayé de regarder quelles seraient les conséquences de cette diminution, et deux d’entre elles nous inquiètent.
En premier lieu, la baisse de l’investissement : elle résultera mécaniquement de l’évolution des dotations, et cette baisse sera d’autant plus forte que les charges de fonctionnement continueront à progresser d’après les chiffres communiqués par le Gouvernement lui-même – à cause, par exemple, du GVT, le glissement vieillesse technicité.
En second lieu, nous sommes préoccupés par ce que l’on appelle « l’effet taux ». La décomposition de la baisse de 11 milliards d’euros, telle qu’elle résulte des chiffres du Gouvernement, montre que les collectivités locales seront contraintes d’augmenter leurs taux d’imposition pour plus de 4 milliards d’euros. Un tableau, qui figure dans la loi de programmation, le montre très précisément.
Alors, oui, on peut toujours dire que les collectivités seront libres d’augmenter ou non leurs taux d’imposition. Mais l’exemple des DMTO est à cet égard tout à fait significatif. Pourquoi cet exemple est-il venu spontanément ? Parce qu'on a dit aux départements qu’ils pouvaient augmenter leurs droits de mutation, alors qu’en réalité, ce n’est pas pour eux une possibilité, mais une obligation !
Si la quasi-totalité des départements ont recours au déplafonnement des droits de mutation, ce n’est pas par choix ou pour le plaisir d’augmenter les prélèvements obligatoires. C'est, d’une part, parce que des charges ont été transférées – on l’a dit – et, d’autre part, parce qu’un dispositif de péréquation pervers avait été mis en place,…
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … en application duquel, même sans augmenter le taux, on était toujours prélevé – on l’était même davantage ! (M. Michel Bouvard applaudit.) Évidemment, presque tous les départements ont été mécaniquement conduits à augmenter leurs droits de mutation à titre onéreux…
Voilà pourquoi nous avons ce débat ! À l’évidence, ce n’est pas le sujet des eaux pluviales ou des trottoirs qui nous occupe ! Concrètement, la question posée est la suivante : demain, sera-t-on contraint d’augmenter la fiscalité, et de quelles ressources disposerons-nous ?
De ce point de vue, je me suis laissé convaincre par la position que beaucoup ont exprimée, en particulier Jean-Claude Boulard. La question n’est pas celle de l'intérêt de telle ou telle taxe. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx opine.) C'est une question de principe qui se pose : quelle liberté donnons-nous aux collectivités locales pour demain ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour moi, la meilleure des libertés consiste à ne pas leur imposer en permanence des charges nouvelles.
Cela explique d'ailleurs la position qu’adoptera le groupe UMP,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … ainsi que, d'ailleurs, le groupe UDI-UC, sur la baisse de dotation, que nous accepterons dans son principe, mais que nous modulerons pour tenir compte de ces charges qui nous sont imposées en permanence ! Voilà qui augure donc de beaux débats sur l’article 9.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ma réaction n’était pas d’irritation, mais d’explication, et, si elle a été considérée autrement, je vous prie de m’en excuser. Elle consiste à dire que nous ne parlons pas en réalité des deux taxes visées – ceux qui ont défendu les amendements en question ou argumenté en leur faveur l’ont dit eux-mêmes –, mais d’une question de principe.
M. Jean-Claude Boulard. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors, allons-y ! J’ai donc parlé des principes, et pas spécialement de l’enjeu budgétaire que ces taxes représentent – enjeu considérable (Sourires.), chacun a les chiffres sous les yeux ! – et du nombre extrêmement faible de collectivités concernées.
Si la position du Sénat, en faisant du maintien de ces taxes une question de principe, est de dire : « Surtout, ne touchons à rien ! » (M. Jean-Claude Boulard opine.), « Ne supprimons aucune petite taxe, parce que c'est mettre le doigt dans un engrenage… » (Exclamations sur plusieurs travées.) Ce sont les arguments que j’ai entendus, mesdames, messieurs les sénateurs, et je réponds à ce que j’entends !
Je rétorque que ce n’est pas interpréter correctement l’esprit de la Constitution que de se référer à son article 72–2 ! Mais j’ai répondu sur ce point. Nous aurons bien sûr tout le loisir de parler de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière – qui ne sont d'ailleurs pas la même chose. (M. Roger Karoutchi opine.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous débattrons sur les différences entre les deux notions, y compris en faisant référence à une loi organique votée en 2004 – notez bien la date, elle vous permettra d’en reconnaître les auteurs !
C'est ainsi que nous aurons l’occasion de parler de l’autonomie financière, et comme l’explication – ou l’interprétation – de l’article 72–2 est donnée dans la loi organique de 2004, on aura peut-être des surprises en regardant certains chiffres. Mais cela, on se le réserve pour lundi.
Quoi qu’il en soit, je remercie Jean Germain d’avoir renouvelé sa confiance au Gouvernement. (Sourires sur les travées de l’UMP.) De toute façon, monsieur le sénateur, j’avais conscience que la confiance du groupe socialiste envers le Gouvernement…
M. Jean Germain. Et au Sénat, elle est constante !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ne se mesurerait pas à l’aune du volume financier – 1,7 million d’euros – que représentent les deux taxes ! Je dis cela en signe d’amitié, et pour détendre un peu l’atmosphère.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-76 et I-410 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos I-109 rectifié bis et I–25 n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-316 est présenté par M. César, Mme Espagnac et M. Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° I-326 est présenté par Mme Primas, M. César, Mme Lamure et MM. G. Bailly, Calvet, Gremillet, P. Leroy et Poniatowski.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter L'amendement n° I-316.
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° I-326, dont je suis également signataire.
Nous venons de passer beaucoup de temps sur deux petites taxes qui concernaient les collectivités territoriales, et je ne voudrais pas retarder trop les débats, mais, en l’occurrence, il s’agit d’une toute petite taxe qui concerne les agriculteurs.
Sur l’initiative de notre collègue député Valérie Rabault, l’Assemblée nationale a ajouté de nouvelles suppressions de taxes à celles qui figuraient dans le projet de loi de finances initial. Parmi les dispositions ainsi adoptées par les députés figure la suppression du droit d’enregistrement – droit bien minime, mais fixe – de 125 euros pour les cessions de gré à gré de cheptel et autres objets mobiliers dépendant d’une exploitation agricole.
Les cessions de fonds agricoles sont également soumises à ce droit fixe d’enregistrement. Le rendement de cette mesure est très faible, certes ! Mais en la supprimant, nous faisons rentrer la cession de fonds agricoles dans le droit commun. Après analyse, il apparaît en effet qu’avec la disparition de l’article 732 du code général des impôts, les cessions de fonds agricole, de matériel ou de cheptel faites sans vente corrélative de terres tomberaient sous le coup des droits applicables aux ventes de fonds de commerce et de clientèles fixés par l’article 719 du code général des impôts via l’article 720 dudit code.
Les droits d’enregistrement seraient donc nuls jusqu’à 23 000 euros, puis de 3 % jusqu’à 200 000 euros et de 5 % au-delà. Autant dire que les fonds agricoles seront davantage taxés au moment de leur cession si on laissait l’article 8 en l’état.
La commission des affaires économiques du Sénat a considéré qu’il ne fallait pas pénaliser le fonds agricole plus qu’il ne l’est aujourd'hui, et propose avec cet amendement de revenir sur ce que nous considérons comme une fausse bonne idée de nos collègues députés. Cela, d’autant que l’application d’un tel régime fiscal emporterait conséquence, à mon avis, inutile, sur l’installation, notamment, de jeunes agriculteurs ou sur la transmission de l’exploitation. Or, l’esprit dans lequel notre collègue député Valérie Rabault a supprimé cette taxe à faible rendement était, me semble-t-il, celui de la simplification, son intention n’étant pas d’alourdir la fiscalité.
Pour ces raisons, je vous demande de voter cet amendement, dont l’adoption facilitera l’installation de jeunes agriculteurs ou la transmission de l’exploitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’interroge. Il ne s’agit pas d’une taxe perçue au profit des collectivités territoriales, mais d’un droit d’enregistrement perçu au profit du budget de l’État. À nos yeux, monsieur le secrétaire d'État, c’est une différence de nature. Une position de principe en faveur du maintien des ressources des collectivités et de la possibilité pour ces dernières de fixer certains taux et d’instaurer certaines taxes s’exprime sur toutes les travées.
Sophie Primas a exposé les enjeux techniques ; je n’y reviens pas. La commission n’est pas hostile à ces deux amendements identiques, mais elle n’a pas été en mesure d’expertiser les conséquences qu’aurait le rétablissement du droit d’enregistrement supprimé par l’Assemblée nationale sur l’initiative de la rapporteure générale de sa commission des finances. Nous souhaiterions entendre le Gouvernement, qui pourra peut-être nous apporter un éclairage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Dallier. Ah ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’interroge comme la commission. L’intention affichée par la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale était plutôt bienvenue, mais il semble que la rédaction retenue ait un effet secondaire. Il faut regarder cela de plus près. Le Gouvernement n’a pas achevé son expertise ; il l’avoue avec beaucoup d’humilité. Il s’en remet donc à la sagesse du Sénat, et profitera de la navette pour approfondir le sujet.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Il me semble que ces deux amendements identiques pourraient être retirés, dès lors que la commission des finances et le Gouvernement se sont engagés à expertiser le dispositif.
Les chiffres des installations viennent de tomber. L’engagement pris par le ministre de l’agriculture d’augmenter le nombre d’installations a été tenu. Il n’y a jamais eu autant d’installations que pendant l’année écoulée. Le nombre d’installations est très élevé. Les choses fonctionnent. C’est prendre un risque que de déstabiliser le système sans avoir préparé d’étude d’impact.
Les orientations prises dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt sont si fragiles…
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Didier Guillaume. Il s’agit de rendre plus faciles, demain, les transmissions d’exploitation et les installations d’agriculteurs.
Plutôt que de modifier le dispositif aujourd'hui, il faut attendre les résultats de l’expertise.
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Didier Guillaume. Cela ne me gêne pas a priori de voter ces deux amendements identiques, mais je m’interroge sur leurs conséquences.
Nous ne sommes pas loin de nous retrouver sur ce sujet. La question est de savoir si on vote ces amendements maintenant en attendant de pouvoir réexaminer la question au cours de la navette, ou si on les met de côté en se réservant la possibilité de les voter le moment venu pour équilibrer les choses.
Pour moi, cela importe peu. Ce qui compte, c’est qu’il continue à y avoir en France des transmissions d’exploitation agricole et des installations de jeunes agriculteurs, car l’avenir de notre agriculture en dépend.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne peux que souscrire aux propos de Didier Guillaume. Nous n’avons pas d’expertise sur les conséquences que la modification juridique adoptée par l’Assemblée nationale aurait en matière de transmission d’exploitation. Comme un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, je maintiens mon amendement afin qu’il serve de base à la discussion au cours de la navette.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I–316 et I–326.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–273 rectifié est présenté par MM. Chiron et Lalande.
L'amendement n° I–401 rectifié est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Marseille et Jarlier, Mme Iriti, MM. Canevet, Zocchetto, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les cinq premiers alinéas du 1 de l’article 39 A du code général des impôts sont ainsi rédigés :
« 1. L’amortissement des biens d’équipement, autres que les immeubles d’habitation, les chantiers et les locaux servant à l’exercice de la profession, acquis ou fabriqués par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie), peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif, compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque nature d’industrie.
« Les taux d’amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d’amortissement linéaire par un coefficient fixé à :
« a) 2 lorsque la durée normale d’utilisation est de trois ou quatre ans ;
« b) 3 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;
« c) 4 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »
II. – Le I s’applique aux biens acquis ou fabriqués entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Chiron, pour présenter l’amendement n° I–273 rectifié.
M. Jacques Chiron. Nos échanges fructueux en commission avec Vincent Delahaye nous ont conduits à déposer ces deux amendements identiques, qui visent à instaurer un mécanisme d’amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois pour l’investissement des PME dans les matériels et outillages de production.
Ce mécanisme viendrait compléter le CICE et les baisses de charges sociales, qui ont pour objectif de restaurer la compétitivité de nos entreprises. Tant le CICE que les baisses de charges sociales bénéficient indifféremment à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et quel que soit leur secteur d’activité. Or, au-delà de la nécessité globale que l’ensemble de nos entreprises dégagent des marges leur permettant de générer de la croissance, de l’investissement et de l’emploi, il existe des besoins spécifiques de renforcement de notre appareil productif, notamment en matière d’équipement en machines-outils des PME-PMI.
L’âge moyen du parc français de machines-outils est aujourd’hui de dix-neuf ans. Au cours des quinze dernières années, le parc français de machines de moins de quinze ans s’est réduit de 10 000 machines, alors que, parallèlement, celui de l’Allemagne a augmenté de 95 000 machines. La loi de finances pour 2014 a déjà prévu un dispositif d’amortissement accéléré en faveur de l’investissement des PME dans la robotique. Le dispositif proposé vise à élargir cette mesure à d’autres technologies de production.
Il s’agit, vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État, de produire plus vite et mieux. Cette mesure est un levier de croissance et un vecteur de développement économique pour nos territoires. Rappelons que 60 % des PME-PMI sont situées en dehors des agglomérations. La mesure va dans le sens des initiatives prises par le Gouvernement en direction des PME dans le cadre des programmes « Usines du futur ».
Le dispositif proposé correspond à un avantage de trésorerie pour les PME industrielles. Par conséquent, s’il peut être coûteux pour les finances publiques les deux ou trois premières années, son impact budgétaire est nul à long terme. Seront éligibles à ce dispositif les investissements réalisés entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016. L’impact sur le budget 2015 sera donc très limité, puisque seul le mois de décembre 2014 pourra être pris en compte.
Je pense que cette mesure irait dans le bon sens. Il faut permettre à nos PME-PMI d’exporter en facilitant leur développement. Elles sont un moteur important de notre activité économique. Il faut leur permettre de passer au stade des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. La mesure que nous proposons nous permettrait d’avoir plus d’ETI. Or on sait que tant les PME que les ETI sont difficilement délocalisables. (MM. Jean Germain et Didier Guillaume applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I–401 rectifié.
M. Vincent Delahaye. Dans la lignée de l’amendement relatif au taux de l’impôt sur les sociétés que nous avons présenté hier soir, le présent amendement revient une fois de plus sur la question du nécessaire soutien à nos entreprises, et plus particulièrement à nos PME.
Cet amendement vise à ranimer un dispositif conçu lors de la mise en œuvre du plan de relance de 2009. L’objectif est d’accélérer l’amortissement des biens d’équipement achetés exclusivement par nos PME. Au plan fiscal, il s’agit d’une réduction de l’assiette de l’imposition sur les bénéfices, qui permettrait aux entreprises de retrouver des marges de manœuvre à court terme. Le dispositif consiste donc en une facilité de trésorerie pour les PME industrielles. Par conséquent, comme cela vient d’être souligné, s’il peut être coûteux pour les finances publiques les deux ou trois premières années, son impact budgétaire est nul au bout du compte.
Cet amendement cible spécifiquement l’investissement des PME, car c’est un enjeu majeur dans le combat, auquel nous souhaitons tous participer dans cet hémicycle, contre la crise économique. En effet, les PME représentent plus de 98 % de nos entreprises et l’investissement privé s’effondre ; l’INSEE tire la sonnette d’alarme sur ce point depuis déjà plus d’un an.
Au-delà de l’aspect conjoncturel, le renouvellement de notre parc de machines-outils est absolument primordial. Notre appareil productif décroche. L’âge moyen de notre parc de machines-outils est aujourd’hui de vingt ans, et, en volume, nous avons totalement divergé par rapport à la trajectoire allemande depuis une quinzaine d’années.
Nous pouvons créer tous les CICE du monde, la clé de la reprise d’une croissance robuste est la stimulation de notre appareil de production, et donc le soutien à nos entreprises. C’est tout le sens de cet amendement, qui a reçu hier un avis favorable de la commission des finances. Je suis content que nous ayons réussi à nous mettre d'accord avec le groupe socialiste sur un dispositif commun. Nous avons rectifié notre rédaction à la suite des remarques qui nous ont été faites. Je pense que cet amendement devrait recueillir un assentiment assez général. À mon sens, son adoption est à la fois indispensable et urgente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tant Vincent Delahaye que Jacques Chiron et Bernard Lalande, en qualité de rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », ont identifié la difficulté des PME à financer leurs investissements. J’avais déposé un amendement allant dans le même que les leurs, ce qui montre que cette difficulté est unanimement identifiée au sein de la commission des finances.
Il s’agit d’un vrai problème. Le rapport Gallois avait lui aussi relevé la difficulté des PME à financer leurs investissements. Notre différentiel avec d’autres pays, dont l’Allemagne, a été très souvent souligné. On sait bien que l’un de nos handicaps est notre manque d’ETI. L’une des causes de la difficulté de nos PME à financer leurs investissements est la faiblesse des marges industrielles.
Dans le contexte actuel, le dispositif d’amortissement exceptionnel proposé par les auteurs des amendements est vraiment bienvenu. Ce dispositif est bien ciblé, puisqu’il vise exclusivement l’industrie, et plus précisément l’acquisition de biens destinés à la production ; les investissements de nature immobilière, par exemple, ne sont pas inclus.
Ce dispositif aurait un effet accélérateur sur l’investissement dès l’année 2015. S’il favorisait le renouvellement du matériel – comme cela a été rappelé, nos PME souffrent d’un problème d’obsolescence, ou du moins de vieillissement de leur parc de machines –, cela aurait un impact sur la production et sans doute sur la croissance. Pour l’État, le dispositif n’occasionnerait qu’un coût de trésorerie, que nous avons pu chiffrer grâce aux services de Bercy et nous vous en remercions, monsieur le secrétaire d’État.
J’avais déposé un amendement allant dans le même sens, avant de me rallier à l’amendement de l’UDI-UC. Je me réjouis que Jacques Chiron et Bernard Lalande aient déposé un amendement identique. Nous avons là l’occasion d’apporter un véritable soutien aux PME, et plus particulièrement à leur investissement, en cette période de faible croissance. La création d’un tel dispositif, qui pourrait doper l’investissement et donc produire des effets bénéfiques sur la croissance, enverrait un excellent signal. C'est pourquoi j’invite notre assemblée à voter le plus largement possible ces deux amendements identiques.
Les industriels, et notamment ceux qui produisent des robots, ou plus généralement des machines, appellent ce dispositif de leurs vœux. C’est l’un des meilleurs signaux que nous puissions envoyer en matière de soutien à l’investissement des PME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux amendements identiques. D'abord, la mesure proposée a un coût. Vous me dites qu’il s’agit d’un coût de trésorerie, mais c’est un coût tout de même, puisque la perception de certaines recettes serait décalée.
Ensuite, comme l’a rappelé Jacques Chiron, nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour soutenir l’investissement des PME dans les robots et autres matériels de production.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a été dit, la mesure n’est pas ciblée, puisqu’elle concerne toutes les PME.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle ne concerne que l’achat de machines !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous ai bien écouté : vous avez dit que la mesure était ciblée parce qu’elle excluait les investissements de nature immobilière. Tous les investissements traditionnels des entreprises sont concernés. L’effet d’aubaine serait donc important.
Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures d’allégement des impôts et des cotisations sociales des entreprises, qui entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2015 ; je pense notamment aux allégements de cotisations patronales, qui dépassent 2,5 milliards d’euros, si ma mémoire est bonne. Il ne souhaite donc pas aller au-delà, d’autant que, je le répète, la mesure proposée n’est pas suffisamment ciblée.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Le projet de loi de finances pour 2015 ne comporte aucune mesure en faveur des entreprises. (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.) Certes, les effets du pacte de responsabilité et du CICE vont concerner l’année 2015, mais la montée en puissance du CICE est plus lente que prévu : 10,8 milliards d’euros seront rendus aux entreprises au lieu des 13 milliards d’euros prévus au titre de 2013. La hausse de la fiscalité sur les entreprises en 2012 et 2013 sera donc bien loin d’être seulement compensée.
Je rappelle également des prises de position des parlementaires socialistes encore contradictoires sur les entreprises qui ont un effet dévastateur sur les créateurs de richesses et d’emplois. Je pense par exemple à l’adoption par des députés socialistes d’un amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale soumettant les dividendes versés par les entreprises au paiement des cotisations sociales.
Je rappelle enfin que les entreprises subiront encore en 2015 les effets de mesures antérieures : la prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés pour 2 milliards d’euros, la moindre déductibilité des frais financiers pour 1,3 milliard d’euros, l’incidence du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les sociétés pour 800 millions d’euros et la hausse des cotisations de retraite pour 500 millions d’euros.
Il importe de soutenir davantage nos PME, dont les taux de marge n’ont jamais été aussi faibles. Nous venons encore malheureusement de battre un record de faillites ces derniers mois. Tel est l’objet de ces amendements identiques de nos collègues centristes et de notre collègue Chiron que le groupe UMP soutiendra.
Ces deux amendements visent à soutenir les investissements productifs des entreprises en augmentant l’amortissement dégressif. Ainsi, l’année où l’entreprise fera l’acquisition du matériel amorti, elle pourra diminuer fortement son résultat imposable, et donc son impôt sur les bénéfices. En conséquence, les entreprises seront incitées à investir dans du nouveau matériel productif.
Tout le problème actuel de notre industrie est là : la baisse du coût du travail n’est pas un levier suffisant. En effet, en France, les productions ne permettent pas de créer suffisamment de valeur ajoutée, compte tenu des coûts de fabrication. N’intégrant pas assez de valeur ajoutée, l’industrie française est contrainte de réduire ses marges pour répliquer à la concurrence des pays low cost. Favoriser les investissements productifs pour gagner en valeur ajoutée est donc essentiel pour la vitalité de nos PME et de nos ETI. C’est pourquoi l’adoption de ces amendements est extrêmement importante.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Dans la conjoncture actuelle, le secteur bancaire devrait pleinement jouer son rôle en permettant aux entreprises de relever le défi de la remise à niveau de leur outil industriel. Le crédit devrait donc être beaucoup plus intéressant.
J’ai participé récemment à l’inauguration d’une installation industrielle dans ma commune. L’entreprise concernée a bénéficié de la participation de la Banque publique d’investissement, qui lui a permis de réaliser un investissement nécessaire au dynamisme de son activité. Elle n’a pas sollicité d’autres formes d’intervention.
M. Alain Fouché. C’est une exception !
Mme Marie-France Beaufils. Cela montre bien que des outils existent, même s’il faut probablement renforcer leur efficacité.
Voilà pourquoi la solution proposée par les auteurs de ces deux amendements ne me satisfait pas. Elle me satisfait d’autant moins que la version initiale de l’amendement de notre collègue Chiron comportait une réserve qui a disparu. En effet, elle excluait du bénéfice de la mesure les entreprises ayant redistribué un pourcentage trop important de leurs bénéfices sous forme de dividendes. Là, il n’y a plus de barrière, on ouvre les vannes, exactement ce qu’on reproche au CICE. Dépourvu de toute sélectivité, le dispositif perd toute son efficacité. Il s’agit typiquement d’une mesure qui ne permet pas d’effectuer des choix clairs en matière de politique industrielle.
Je m’associe donc à vos observations, monsieur le secrétaire d’État. On ne peut pas s’engager dans ce type de démarche. C’est aux banques de jouer davantage leur rôle d’investisseur dans le domaine économique.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette mesure est-elle ciblée, monsieur le secrétaire d’État ? Oui ! Elle est ciblée sur l’investissement et sur les PME.
Vous nous avez parlé du CICE. Permettez-moi de rappeler que ce dispositif est né des suites du dépôt du rapport Gallois. Je me souviens de l’audition de Louis Gallois par notre commission : quelle que soit notre sensibilité politique, nous partagions tous largement son constat, qui soulignait la faiblesse des marges bénéficiaires des entreprises industrielles françaises et, singulièrement, des PME.
Le CICE ne faisait pas partie des préconisations du rapport Gallois, qui conseillait plutôt de baisser les charges. Le Gouvernement a choisi une autre option : un crédit d’impôt assis sur la masse salariale et qui ne cible absolument pas l’industrie, puisque toutes les entreprises qui emploient de la main-d’œuvre en bénéficient, qu’il s’agisse de La Poste ou de la grande distribution – certains amendements nous permettront d’aborder cette question.
Les auteurs de ces amendements identiques ont souhaité s’inspirer d’un dispositif d’amortissement accéléré introduit par le Gouvernement lui-même – sous une forme certes plus restreinte – pour les robots. Leur idée est d’étendre cet amortissement à l’investissement industriel des PME. L’adoption de cette mesure donnerait un signal fort, à un moment où l’investissement et la croissance sont historiquement faibles. Je rappelle que le rapport Gallois, dans ses conclusions, insistait sur la faiblesse des marges des entreprises industrielles en France, qui réduit les capacités d’investissement de nos entreprises.
Ces amendements permettent de répondre à ce problème, et le dispositif qu’ils visent à introduire est également ciblé dans le temps puisqu’il est limité à deux années. L’adoption de cette mesure devrait permettre de donner un coup de fouet à l’investissement, dont beaucoup d’entreprises ont besoin. C’est la raison pour laquelle j’invite notre assemblée à soutenir ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Je ne peux que souscrire aux propos du rapporteur général.
Le hasard de la vie fait que j’ai participé, hier matin à Amiens, à une réunion organisée par Mme la préfète de région sur le financement de l’économie dans le département de la Somme. J’imagine que ce type de réunion est organisé périodiquement dans tous les départements. Une des revendications principales des organisations professionnelles présentes dans la salle portait précisément sur l’amélioration du régime des amortissements. En effet, le crédit bancaire et l’amortissement n’ont pas la même signification et leurs effets ne se mesurent pas de la même façon.
Par conséquent, si l’on veut donner un coup de fouet à notre économie, il faut voter ces amendements pour qu’ils conjuguent leurs effets à ceux du CICE, afin que l’investissement de nos entreprises, dont l’équipement vieillit, puisse se développer.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Franchement, il ne me semble pas que l’on puisse dire d’une mesure qui vise à favoriser l’amortissement qu’elle est précisément ciblée sur l’investissement…
Je sens bien le procès d’intention que vous faites au Gouvernement avec votre référence au rapport Gallois, monsieur le rapporteur général. Il faut que nous nous disions la vérité : dans la situation de déficit que nous connaissions à la fin de l’année 2012, il était inenvisageable d’alléger les cotisations sociales comme le préconisait le rapport Gallois. Tout l’intérêt du dispositif de crédit d’impôt était donc de permettre aux entreprises d’intégrer le crédit d’impôt dans leurs comptes dès 2013, alors que le coût budgétaire pour l’État était reporté à 2014. C’est l’unique raison pour laquelle nous avons adopté cette mesure. Il ne vous a d’ailleurs pas échappé que le nom de ce crédit d’impôt avait changé : du crédit d’impôt pour la compétitivité, CIC, on est passé au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE.
Permettez-moi de reprendre l’un des exemples que vous avez cités, celui de La Poste – je ne parlerai pas de la grande distribution, nous aurons l’occasion de le faire plus tard. Si vous rencontrez son président actuel ou son prédécesseur, ils vous diront que, sans le CICE, La Poste serait aujourd’hui très largement déficitaire et serait donc conduite à des suppressions d’emplois et, probablement, à des fermetures de bureaux, ce que personne ne souhaite ici. Je n’ose pas le dire trop fort, car il s’agit en quelque sorte d’une aide déguisée en faveur d’un secteur auquel nous sommes tous très attachés, que l’on peut assimiler à un service public. On pourrait multiplier les exemples !
Mme Primas a dit que le CICE ne monterait pas en puissance en 2015. Je souhaite lui rappeler que le coût prévu du CICE était de 12 milliards d’euros pour 2014, et non de 13 milliards d’euros. Aujourd’hui, alors que l’année n’est pas encore terminée, l’estimation est à 10,8 milliards d’euros : nous ne sommes donc pas très éloignés de l’objectif, d’autant que, vous le savez, les entreprises peuvent réclamer leur crédit d’impôt dans un délai de trois ans, comme pour tout impôt. Or nous savons pertinemment que certaines entreprises font le choix de cumuler deux années.
Il faut donc tuer l’idée que les entreprises n’ont pas recours au CICE. Certes, on peut toujours débattre de l’efficacité de ce dispositif par rapport à d’autres. Peut-être eût-il été plus directement productif de procéder à un allégement des cotisations sociales, mais, je le répète, nous n’en avions pas les moyens. Rappelez-vous la situation de nos déficits, nos engagements vis-à-vis de Bruxelles, l’augmentation de la fiscalité, qui avait d’ailleurs été engagée avant 2012.
Nous avons réussi peu ou prou à maintenir les déficits dans des fourchettes qui nous évitent d’avoir à nous acquitter d’amendes ou à encourir des sanctions de la part de la Commission européenne, tout en nous permettant d’obtenir sur les marchés financiers des taux d’intérêt relativement favorables. N’oubliez pas que la notation d’un État sert aussi de référence aux taux consentis à ses entreprises. Si la France était tenue, comme d’autres pays, d’emprunter à des taux de 3 % ou 4 %, la note des entreprises françaises serait automatiquement dégradée. Cela s’est d’ailleurs produit : lorsque la note de la France a été abaissée, avant et après notre arrivée aux responsabilités, celle des entreprises, y compris celles qui récoltent des fonds sur les marchés comme la Caisse des dépôts et consignations, l’a été mécaniquement, car c’est une règle des agences de notation.
Tous ces commentaires ont pour objet de nous resituer dans le contexte.
En 2015, la situation du déficit aura été améliorée – là encore, certains trouveront que le redressement est trop ou pas assez rapide, selon leur analyse – et le Gouvernement propose, dans le cadre du pacte de solidarité, de franchir une étape supplémentaire avec un allégement des cotisations sociales de plus de 2,5 milliards d’euros, tout en continuant à majorer mécaniquement le CICE de moitié, puisque son taux passera de 4 % à 6 %. Voilà la politique du Gouvernement ! Elle peut certes être insatisfaisante et nécessiter des coups d’accélérateur, mais la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a...
La proposition contenue dans ces amendements ne fait pas partie de nos priorités, et nous ne nous estimons pas capables de la mettre en œuvre. En effet, même si cette mesure ne fait que retarder, en termes comptables et de trésorerie, le paiement de leurs charges par les entreprises, elle pose une difficulté supplémentaire pour notre gestion budgétaire.
Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-273 rectifié et I-401 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° I-288 rectifié, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les contributions au Fonds de résolution unique, telles que visées à la section 1 du chapitre 2 du titre V du règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010, ne sont pas déductibles pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à faire faire de manière préventive des économies au budget de l’État, en garantissant la non-déductibilité de l’abondement des banques françaises au Fonds de résolution unique mis en place par l’Union européenne pour constituer une forme d’assurance, en cas de risque systémique encouru par une banque, d’un montant de 55 milliards d’euros.
On peut estimer que la quote-part dévolue aux banques françaises – les chiffres évoluent au gré des discussions – serait, au terme des négociations actuelles, d’ailleurs plutôt bien menées par le Gouvernement, de 15 milliards d’euros sur huit ans, au lieu des 17 milliards d’euros prévus au départ. C’est à peu près le même montant que celui envisagé pour les banques allemandes.
Cette forme d’assurance collective que se donnent les banques pour éviter une crise financière comme celle que nous avons connue en 2008 et dont nous connaissons les lourdes conséquences économiques et le coût pour la société n’a pas à être déductible de l’impôt sur les sociétés. On nous dit en effet que l’argent prêté par l’État aux banques a été remboursé. Or force est de constater que, avant 2008, le taux d’endettement moyen dans la zone euro était de 70 % et qu’il est aujourd’hui de plus de 90 %. De deux choses l’une, soit les États ont été particulièrement dispendieux durant cette période, soit ils ont dû compenser les effets d’une crise provoquée par la spéculation outrancière pratiquée par certains établissements bancaires.
Je le répète, la contribution des établissements bancaires au Fonds de résolution unique, qui constitue l’un des éléments de la construction de l’union bancaire, n’a pas à être déductible de l’impôt sur les sociétés. Si tel devait être le cas, cela signifierait que, sur les 15 milliards d’euros payés par les banques françaises sur huit ans, le budget de l’État pourrait être privé d’une ressource de 5 milliards d’euros. On nous cite souvent l’Allemagne en exemple. Or ce pays ne pratique pas une telle déductibilité.
Il est important que les banques prennent leurs responsabilités, d’autant que le montant des crédits du Fonds de résolution unique n’est finalement pas si élevé, au regard de la capacité d’absorption d’une banque comme BNP Paribas, capable de payer une amende de 9 milliards d’euros.
Ce que nous vous proposons, c’est de prendre une mesure de précaution visant à prévenir la spéculation abusive. Mon propos peut surprendre, dans la mesure où l’on ne peut interdire la spéculation bancaire ; mais tout au moins peut-on en éviter les excès. Si l’État, et à travers lui le contribuable, réassure à hauteur d’un tiers de l’abondement des banques françaises, où est la dimension préventive ?
Cet amendement vise donc à rectifier et à préciser un texte européen que nous avons transposé il y a un peu plus d’un mois dans notre droit. Je n’ai malheureusement pas dû être assez convaincant au cours de ce débat, car je ne suis pas parvenu à faire admettre l’idée de la non-déductibilité de cette contribution. Nous en verrons les conséquences dans nos budgets au cours des huit prochaines années...
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne vais pas me prononcer aujourd’hui sur le fond, non que je veuille éluder la question, mais parce que le débat aura lieu dans quelques jours lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, dont un article prévoit la non-déductibilité de la taxe systémique. J’invite donc André Gattolin à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je remercie le rapporteur général de faire par avance la promotion du projet de loi de finances rectificative.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je n’ai pas dit quelle serait notre position !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous auriez pu : vous avez lu l’article et vu la réaction des banques ; comme moi, vous lisez la presse...
Un amendement du groupe CRC tendant à rendre la taxe systémique non déductible nous sera présenté ultérieurement. Le Gouvernement entend le satisfaire, tout comme l’amendement que vient de présenter M. Gattolin.
M. André Gattolin. Merci, monsieur le secrétaire d’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce faisant, le Gouvernement prévoit une mesure qui programmera une baisse en « sifflet » de la taxe systémique. En effet, la contribution au Fonds de résolution unique est beaucoup plus importante que la taxe systémique, laquelle représente un petit milliard d’euros, tandis que l’ensemble des contributions des banques françaises au FRU se situe autour de 11 milliards ou 13 milliards d’euros – le montant n’est pas encore complètement arrêté –, soit dix fois plus, mais étalé sur plusieurs années.
Ce dispositif, le Gouvernement vous le proposera lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. En attendant, il serait sans doute plus sage de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Gattolin, l’amendement n° I-288 rectifié est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Si j’ai déposé cet amendement, c’était pour faire une piqûre de rappel. Nous avions en effet été un peu trop rapides, selon moi, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière il y a cinq semaines. Nous avons cependant eu des échanges avec M. le secrétaire d’État depuis lors, et je dois saluer son écoute sur cette question.
Dans la mesure où nous aurons à nouveau l’occasion d’aborder le sujet, j’accepte de retirer mon amendement. J’espère que nous aurons tous conscience de l’importance d’adopter cette proposition lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. N’oublions pas qu’il s’agit des comptes de l’État !
M. le président. L’amendement n° I-288 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-208, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter … ainsi rédigé :
« Art. 235 ter … – I. – Les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont assujetties à une contribution exceptionnelle au titre des montants qu’ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. Cette contribution est égale à 50 % des montants distribués.
« II. – Cette contribution, qui, par dérogation aux stipulations contractuelles, ne peut faire l’objet d’aucune compensation, est due au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 et jusqu’au 30 décembre 2017.
« III. – Les crédits d’impôt de toute nature ainsi que la créance mentionnée à l’article 220 quinquies ne sont pas imputables sur la contribution.
« IV. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Un chiffre d’affaires de 8,9 milliards d’euros, une rentabilité située entre 20 % et 24 % sur un marché étonnamment captif, près de 15 milliards d’euros de dividendes distribués depuis 2007, soit une moyenne d’environ 2 milliards d’euros par an, voilà les données rapidement retracées qui nous permettent de mesurer ce que recouvre la véritable rente de situation que des groupes comme Vinci, Eiffage ou l’espagnol Abertis ont acquise en prenant en charge l’entretien et l’exploitation du réseau autoroutier français.
Ce qui fut qualifié de « privatisation des autoroutes » montre clairement à quel point ce genre d’opération s’avère être, sur la durée, une mauvaise affaire pour les comptes publics. Les participations de l’État ont été cédées à un prix inférieur à celui qui pouvait être exigé, et la marge des acquéreurs s’en est trouvée d’autant plus assurée qu’elle se dégageait dans le contexte d’une concurrence parfaitement organisée entre opérateurs, chacun d’eux ayant à sa « charge » – on peut se demander si ce mot a un sens en l’espèce – une partie du réseau, sur laquelle il pouvait faire la pluie et le beau temps, et notamment fixer le niveau de tarif des péages comme il l’entendait, ou presque.
Cette situation est d’autant plus regrettable que nous sommes à un moment essentiel de la vie économique du pays et à un moment où nous devons effectuer des choix majeurs pour les années, et même les décennies, à venir. L’un de ces choix, nous en avons déjà parlé, est celui de la transition énergétique, laquelle passe par le report modal du transport des marchandises comme des personnes, un report modal conditionné par des investissements d’importance que l’abandon de l’écotaxe n’a pas forcément rendus plus facile.
Pour autant, nous estimons en toute logique que le mode de transport le plus critiquable du point de vue du respect de l’environnement, en l’espèce le transport routier, doit être le plus directement mis à contribution et qu’il faut faire en sorte que cette contribution soit utilisée à bon escient.
C’est en ce sens que nous souhaitons mettre en place, avec cet amendement, une contribution frappant les résultats – pour le moins exceptionnels ! – des sociétés autoroutières, afin que ces sommes soient orientées vers les investissements clés en matière de transport. Ce serait un bon outil pour permettre à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, de disposer d’environ 1 milliard d’euros de ressources permettant de lancer une partie des investissements structurants qu’elle est appelée à piloter. De surcroît, cela offrirait une alternative au financement de l’Agence par affectation d’une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE ; en effet, même si cette optique peut se comprendre, le problème est qu’elle passerait a priori en 2015 par un nouveau « rattrapage » de la fiscalité du diesel sur les autres modes.
Lors de nos échanges, plusieurs membres du Gouvernement – notamment vous, monsieur le secrétaire d’État – ont eu des réactions très vives à propos de la rente de situation dont jouissent les sociétés autoroutières. Notre amendement va tout à fait dans le sens de cette légitime protestation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission, comme l’ensemble de nos collègues, en particulier Marie-Hélène Des Esgaulx, ne peut qu’être sensible à la volonté de trouver des crédits pour l’AFITF en remplacement de l’écotaxe, qui s’est évaporée au gré d’une décision ministérielle. Rappelons qu’il faut aussi indemniser la société Ecomouv’.
On ne peut qu’être ouvert à toute idée qui permettrait de financer l’AFITF, qui va se trouver privée de nombreuses ressources. Mais la taxation des sociétés concessionnaires d’autoroutes est-elle une bonne solution ? Nous aurons à en débattre, car, sur l’initiative de la commission du développement durable, un groupe de travail se penche actuellement sur la question des autoroutes. Nous auditionnerons aussi, au sein de la commission des finances, les sociétés concessionnaires d’autoroutes, et nous aurons sans doute des propositions à faire.
Cet amendement, tel qu’il est rédigé, ne nous a pas paru opérant. En effet, les sociétés autoroutières sont liées par des contrats de concession, lesquels sont assez bien verrouillés au regard des taxes nouvelles que l’on serait tenté de leur imposer. L’amendement de nos collègues du groupe CRC est cependant très bien rédigé, puisqu’il tend à prévoir que cette contribution pourra être faite par dérogation aux stipulations contractuelles. Mais une telle disposition tiendrait-elle devant le Conseil constitutionnel ? J’ai les plus grands doutes à cet égard... Je m’interroge également sur la responsabilité de l’État, qui pourrait être engagée si l’on décidait de déroger aux stipulations contractuelles.
Le sujet du financement global de nos infrastructures mérite sans doute mieux qu’un amendement présentant les plus grands risques juridiques. Dans l’attente de travaux parlementaires plus approfondis, la commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vaste sujet ! La rédaction adoptée par les auteurs de l’amendement montre bien qu’il existe une difficulté, et même plusieurs.
Sachez que le Gouvernement est prêt à assumer ses erreurs. Je sais que cette attitude n’est pas courante ; pourtant, il est normal de reconnaître qu’on a fait une erreur, d’autant que cela peut nous arriver à tous. D’ailleurs, les électeurs sont parfois capables de le comprendre. En revanche, le Gouvernement n’aime pas beaucoup devoir assumer les erreurs des gouvernements précédents et en payer les conséquences.
Ces erreurs sont nombreuses.
Mme Marie-France Beaufils. C’est clair !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Appelons un chat un chat : erreur lors de la privatisation des autoroutes, erreur probable sur le prix, comme le soulignent nombre de rapports, erreur sur les contrats « béton » – c’est le cas de le dire. Pour faire court, ces contrats stipulent que, en cas d’alourdissement de la fiscalité, les sociétés autoroutières devront obtenir des compensations, par exemple en répercutant cette augmentation sur le tarif des péages.
Le II de votre amendement, madame la sénatrice, vise précisément à remettre en cause de telles clauses. Il est vrai que celles-ci se sont généralisées dans les contrats au point que, si le Gouvernement veut récupérer une partie des gains de ces sociétés concessionnaires par l’impôt, par une contribution exceptionnelle ou par la majoration de l’une des deux taxes existantes sur les autoroutes, il y a de forts risques que cela se traduise pour celles-ci par une compensation, qu’il s’agisse d’un allongement de la concession ou d’une augmentation du montant des péages. Le Gouvernement ne souhaite pas aller dans cette direction : il veut éviter que ce soit sur l’usager que reposent les erreurs du passé.
Monsieur le rapporteur général, vous avez établi un lien avec l’écotaxe.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On parlait de l’AFITF !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’AFITF n’a pas besoin de financement en soi ! Ce qu’il faut, c’est financer des investissements sur les infrastructures de transport, quel que soit l’acteur en cause : collectivités, État, AFITF, secteur privé. En effet – pourquoi le cacher ? –, même avant l’affaire de l’écotaxe, des négociations étaient en cours pour que les sociétés concessionnaires d’autoroutes réalisent des investissements en échange d’un allongement de la durée de leur concession. (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.) Un premier plan de relance a même été négocié avec Bruxelles, car cela suppose une homologation de la Commission européenne.
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour compenser la malencontreuse affaire de l’écotaxe, qui a été mal engagée par nos prédécesseurs – comme disait ma grand-mère, quand c’est mal engagé, cela ne peut que mal finir ! –, nous examinons en ce moment le moyen d’obtenir des sociétés concessionnaires d’autoroutes des investissements en échange éventuellement d’un allongement de la durée de leur concession. D’autres hypothèses sont à l’étude.
Votre interrogation est légitime, et c’est le droit, pour ne pas dire le devoir, du Parlement d’examiner ces affaires au fond. Il ne m’a pas échappé que, sur ce sujet, une commission d’enquête avait été créée, dont j’ai lu attentivement le rapport.
Voilà ce que je peux dire sur le sujet. J’en ai même probablement dit un peu trop. Vous le savez, des échanges ont lieu en ce moment entre le Gouvernement et les sociétés concessionnaires d’autoroutes pour trouver un moyen de se sortir de cette affaire, dont j’ai tenu à resituer les responsabilités. À ce stade, je ne peux pas en dire plus pour deux raisons. D’une part, je ne sais pas tout, car je passe beaucoup de temps avec vous ; certes, c’est toujours intéressant, mais cela m’empêche de me consacrer à d’autres sujets. (Sourires.) D’autre part, quand bien même j’en saurais beaucoup plus, ces discussions ont parfois trait au secret des affaires.
En outre, madame la sénatrice, des questions autres que celles que vous avez soulevées se posent. En effet, certains ont imaginé que l’on pouvait taxer les sociétés mères des filiales sociétés concessionnaires d’autoroutes. Or cette voie n’est pas facile à explorer, car certaines d’entre elles sont à l’étranger ; en l’espèce, vous l’avez précisé, en Espagne.
Veuillez me pardonner cette réponse un peu longue, mais il m’a semblé légitime de vous donner des informations détaillées. Tout cela me conduit à demander le retrait de l’amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. La question est complexe. M. le secrétaire d’État a parlé d’erreur – tous les gouvernements en commettent – concernant la privatisation des autoroutes, mais je n’y reviens pas.
La réflexion qui a présidé à l’élaboration de cet amendement paraît intéressante. Mme Beaufils et moi sommes situés sur le même axe autoroutier. Nous constatons tous deux que le trafic y est énorme.
Il est vrai que les sociétés autoroutières gagnent beaucoup d’argent ; c’est une véritable rente de situation. Le principe de la taxation me convient donc. Reste à savoir si celle-ci entraînera une hausse des tarifs.
Il convient de poursuivre la réflexion. La commission du développement durable a d’ailleurs commencé à travailler sur le sujet. C’est pourquoi je ne voterai pas contre cet amendement, qui permet de faire avancer le débat ; je m’abstiendrai. Il est certain qu’il faut pomper les sociétés concessionnaires d’autoroutes, car je trouve scandaleux qu’elles gagnent autant d’argent.
M. Le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-125 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Guillemot.
L'amendement n° I-127 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° I-206 rectifié est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-242 est présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Bertrand, Mme Laborde, M. Collombat, Mme Malherbe et MM. Hue, Castelli, Esnol et Fortassin.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, les mots : « que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, au sens de l’article L. 211-17 du même code, » sont supprimés.
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2015.
L’amendement n° I-125 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l'amendement n° I-127.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement a pour objet d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières en y intégrant les transactions dites « intra-day », ou intra-quotidiennes – autant parler français au Parlement français –, qui sont dénouées au cours d’une seule et même journée.
Ces transactions sont aujourd’hui un facteur de volatilité sur les marchés financiers, d’autant qu’elles ne sont pas taxées. En les imposant, on réduirait le recours à ces opérations qui sont avant tout spéculatives, c’est-à-dire sans lien avec l’économie réelle et le soutien aux entreprises, dont l’horizon est rarement inférieur à une journée. Pour ma part, je ne connais pas d’entreprise qui ait besoin d’actionnaires pour quelques heures, quelques minutes, voire quelques secondes !
Je passe sur le fait que ces transactions sont parfois réalisées par des ordinateurs programmés pour exploiter toute niche de profit. Il serait souhaitable que des films comme Le Loup de Wall Street passent de la catégorie « inspiré de faits réels » à la catégorie « science-fiction ».
Rappelons-le avec force, le temps n’est pas si lointain où celui qui n’était encore que candidat à la présidence de la République déclarait que son seul adversaire, c’était la finance. Évidemment, cela, c’était avant son élection !
La finance doit être au service des autres secteurs de l’économie, et non à son propre service. Notre économie a d’abord besoin de stabilité, et il est grand temps que le monde de la finance joue pleinement son rôle social et sociétal, c’est-à-dire financer les entreprises grandes ou petites, les artisans et les ménages, et non se perdre en opérations « court-termistes » comme celles que nous proposons de taxer.
En outre, en intégrant de nouveaux types de transactions dans le périmètre de la taxe, nous renforcerons son rendement, qui est aujourd’hui estimé à 700 millions d’euros, bien loin de la prévision de 1,6 milliard d’euros.
Ainsi, en votant notre amendement, vous ferez d’une pierre deux coups : dégager de nouvelles recettes, ce qui est loin d’être inintéressant par les temps qui courent, et moraliser le monde de la finance, ce qui est nécessaire pour relancer l’économie réelle, donc l’emploi.
Je conclurai en évoquant le contexte européen où évoluent, pour ne pas dire sévissent, les acteurs de la finance. Puisque nous faisons aujourd’hui partie d’un seul et même marché unique européen avec les vingt-sept autres États membres, les financiers installés dans ces autres États ont un accès libre à notre économie nationale. Il est donc urgent de leur faire adopter le même type de taxes. Sans quoi, les activités financières, jouissant d’une mobilité sans contrainte dans le cadre européen actuel, se déplaceront chez eux et nous perdrons l’activité et la ressource fiscale qui va avec.
Si nous pouvons montrer l’exemple, ne soyons cependant pas victimes d’un jeu de dupe européen et mondial où nous serions les seuls à pratiquer un désarmement unilatéral. C’est pourquoi il est grand temps de sortir de cette logique du grand marché unique où tous ne suivent pas les mêmes règles. À défaut, concluons dans l’immédiat le projet actuel de taxe sur les transactions financières à l’échelon européen, qui concerne aujourd’hui onze États membres, en faisant en sorte qu’il couvre autant de transactions que la loi française, pour ne pas pénaliser notre territoire.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-206 rectifié.
Mme Marie-France Beaufils. Pour des raisons de cohérence, je défendrai simultanément les amendements nos I-206 rectifié, I-205 et I-207 rectifié, qui visent tous à mettre quelque peu à contribution le secteur financier, assez largement sous-imposé de manière générale, et à le faire participer non seulement au redressement des comptes publics, mais aussi à l’atteinte de certains objectifs généraux des politiques publiques particulièrement cruciaux.
Après plusieurs années d’intense dialogue contradictoire, il semble que nous avancions de façon significative sur la question de la taxe systémique du secteur financier. En effet, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 devrait aller dans ce sens, même si le dispositif n’est pas tout à fait identique à celui que nous présentons.
La taxe systémique ayant vocation à assurer la solidarité de place – même s’il s’agit, en l’espèce, de l’Europe entière –, il était normal pour nous qu’elle ait comme un caractère de « cotisation » désintéressée des établissements bancaires entre eux. Que cette idée ait finalement trouvé droit de cité dans la loi est une bonne chose. Cependant, nous pouvons fort bien le faire dès maintenant, sans attendre le collectif budgétaire.
Pour ce qui est de l’amendement relatif aux opérations de très court terme, pour ne pas dire d’ultra-court terme, car c’est parfois à la seconde que les choses se font, reconnaissons que nous n’en revendiquons absolument pas la primeur. Nous relayons des positions constantes de la société civile et, singulièrement, des associations de lutte pour les droits de l’homme, la protection de l’environnement, le codéveloppement ou encore la lutte contre la faim et les grandes pandémies. Certes, ces préoccupations n’ont pas encore reçu l’aval du ministère des finances, mais elles furent défendues, voilà peu, par l’ex-rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale. Il me semble bien que c’était vous, monsieur le secrétaire d’État... Une fois encore, dans le cadre de l’initiative parlementaire, nous pouvons avancer sur le sujet.
Notre troisième amendement tend, quant à lui, à réduire le plancher de chiffre d’affaires retenu pour assujettir tel ou tel opérateur à la taxe sur les transactions financières. Cette mesure est évidemment plus marginale en termes de rendement. Nous manifestons ainsi notre volonté de dégager les recettes permettant à la taxe sur les transactions financières de remplir pleinement son rôle.
La « moralisation » nécessaire des activités financières n’est sans doute pas secondaire dans ce débat, mais il est évident que la question clé qui nous est posée est aussi celle de la participation d’un pays comme la France à l’effort de développement des pays du Sud. N’est-ce pas là, mes chers collègues, un moyen d’éviter certaines des tensions dont nous constatons parfois, et trop souvent à mon goût, les effets et les conséquences humaines inadmissibles sur les côtes et rivages de la vieille Europe ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-242.
M. Jean-Claude Requier. Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans la perspective du relèvement du plafond d’affectation du produit de la taxe française sur les transactions financières au profit du Fonds de solidarité pour le développement, prévu à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2015. Ce plafond fut porté de 100 millions d’euros à 130 millions d’euros, puis à hauteur de 140 millions d’euros, à la faveur d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale.
Cet amendement vise à élargir les opérations boursières soumises à cette taxe en intégrant les transactions dites « intra-day », qui sont dénouées au cours d’une même journée. Leur taxation participerait au renforcement du produit de la taxe sur les transactions financières et contribuerait également à limiter ces transactions déstabilisatrices, qui accentuent la volatilité du marché, en réduisant leur intérêt financier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les amendements identiques nos I-127, I-206 rectifié et I-242 visent à faire entrer dans le champ de la taxe sur les transactions financières les opérations nouées et dénouées en une seule journée, en quelques minutes, voire en une seconde.
La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons.
La première est d’ordre pratique. Il serait extrêmement compliqué, voire techniquement impossible de suivre l’ensemble de ces opérations, qui sont comptabilisées en fin de journée.
La seconde raison est que ces activités sont délocalisables dans des salles de marché à l’étranger. S’ils étaient adoptés, ces amendements nuiraient donc un peu plus à la compétitivité de la place financière de Paris.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comme je l’ai dit précédemment, lorsqu’un débat a eu lieu et que la question a été tranchée, il n’y a pas lieu d’y revenir tous les trois mois. Je le dis à l’intention de ceux qui auraient remarqué que j’avais défendu un amendement analogue il y a peu de temps, en d’autres lieux et avec une autre casaque.
Là n’est cependant pas la raison principale de l’avis défavorable que j’émets sur ces amendements. Mes arguments ne sont en outre pas les mêmes que ceux que vient d’avancer M. le rapporteur général, dont au moins l’un des deux ne me convainc pas.
Pour ma part, je suis persuadé que l’argument du handicap technique ne tient pas. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur général, mes services m’avaient préparé un argumentaire identique. (Sourires.) Si la technique permet de réaliser des milliards de transactions d’un bout à l’autre de la Terre en quelques nanosecondes, elle doit forcément être capable de trouver un moyen de les comptabiliser, ou alors c’est un manque de bonne volonté.
L’argument concernant le risque de délocalisation est un peu plus recevable, car cette activité est évidemment mobile.
Mon argument à moi est différent. Vous savez que, dans le cadre de la coopération renforcée, les ministres des finances de onze pays d’Europe se sont mis d’accord sur la définition, avant la fin de l’année 2015, d’une taxe européenne sur les transactions financières, qui prendrait la forme d’une taxation harmonisée des actions et qui entrerait en vigueur au 1er janvier 2016. Même si je suis bien conscient que tous les pays ne sont pas concernés par cet accord de coopération renforcée, notamment une importante place financière, je pense que cette décision limite un peu les risques de délocalisation. Cela étant, nous ne désespérons pas de convaincre d’autres pays de nous rejoindre, y compris les plus têtus.
Compte tenu de cette évolution, en faveur de laquelle la France a joué un rôle important, ce dont il faut se réjouir, et du fait que des dates et des échéances très précises ont été définies, je ne pense pas qu’il y ait lieu de légiférer pour changer les modalités, que ce soit sur le seuil ou l’assiette.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-127, I-206 rectifié et I-242.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° I-205, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, le montant : « un milliard » est remplacé par le montant : « 500 millions ».
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Abaisser de 1 milliard d’euros à 500 millions d’euros le seuil de capitalisation à partir duquel les actions d’une société cotée sont soumises à la taxe sur les transactions financières va à l’encontre de notre volonté d’aider les ETI à se développer sur les marchés boursiers.
En outre, une telle disposition contribuerait à rendre la place de Paris moins compétitive.
Dès lors, la commission ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° I-207 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le IV de l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Cette taxe n’est pas déductible pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. »
II. – Le I est applicable à compter du 1er janvier 2015.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme je l’ai dit en réponse à M. Gattolin, la commission préfère attendre le débat sur la taxe de risque systémique que nous aurons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative avant de se prononcer sur le fond. En attendant, elle demande le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° I-187 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le seuil de 100 millions d’euros s’apprécie au niveau du groupe au sens de l’article 223 A. »
II. – Le présent article s’applique à compter des périodes d’imposition s’achevant le 31 décembre 2014.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à fixer des limites au crédit d’impôt recherche, le CIR, et à encadrer l’une de ces nombreuses dérives. Je rappelle qu’un amendement de même type a été présenté par la commission des finances de l’Assemblée nationale et adopté, avant d’être malheureusement rejeté en séance publique. C’est intéressant, car cela montre que le crédit d’impôt recherche ne fait pas consensus, loin de là, et que la volonté d’encadrement que nous portons ici est partagée et peut se concrétiser.
Le manque d’encadrement du CIR et l’importance de son montant en font actuellement un outil d’optimisation fiscale pour les entreprises, sans que cela conduise pour autant à une augmentation des dépenses en faveur de la recherche et du développement. Ainsi, le plafonnement du CIR à 100 millions d’euros au niveau du groupe, et nom au niveau des filiales, empêcherait la création de filiales au sein d’un même groupe aux seules fins d’obtenir des crédits plus importants. Je crois d’ailleurs me souvenir que nos collègues du groupe socialiste avaient défendu l’année dernière une proposition de ce type.
Il ne s’agit là que de l’une des dérives du CIR. Elles sont évidemment bien plus nombreuses. Nous avons souhaité ici reprendre la mesure emblématique du projet de loi de finances, car nous ne comprenons pas que le Gouvernement refuse de débattre de ce sujet, malgré l’adoption de l’amendement en commission des finances à l’Assemblée nationale. Nous relançons donc cette question, en espérant qu’elle recevra cette fois-ci une réponse positive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, non qu’elle ne comprenne pas qu’on veuille lutter contre l’optimisation fiscale, simplement, elle s’est interrogée : y a-t-il des phénomènes d’optimisation fiscale dans les groupes ou s’agit-il d’un fantasme ?
Pour répondre à cette question, nous nous sommes appuyés sur le rapport de la Cour des comptes de 2013 sur le crédit d’impôt recherche. Or nous n’avons pas relevé dans ce rapport d’évolution des politiques des grands groupes depuis 2008. Si nous avions noté des fenêtres d’optimisation critiquables, nous aurions souscrit à l’intention des auteurs de l’amendement, mais il semblerait qu’il n’y ait pas, de ce point de vue, de risques particuliers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, comment pouvez-vous dire que le Gouvernement refuse de débattre ? Cet amendement est débattu lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, à plusieurs reprises, dans chacune des assemblées et au cours de toutes les lectures. Je peux en témoigner !
Le débat qui a eu lieu, y compris au sein du groupe socialiste de l’Assemblée nationale – ce n’est un secret pour personne –, a été très vif. Il a été tranché par le Parlement plusieurs fois et toujours dans le même sens. Je vais donc reprendre tous les arguments que j’ai déjà répétés à plusieurs reprises, puis votre assemblée tranchera, en toute connaissance de cause.
Le CIR est l’un des trois ou quatre dispositifs que le rapport Gallois proposait de sanctuariser dans la mesure où il est le principal élément d’attractivité de la France. Il incite les entreprises à s’implanter dans notre pays pour y exercer une activité qui se situe en amont de toute production industrielle, à savoir la recherche et le développement. Cette donnée est reconnue par de nombreux économistes. Un classement international prenant en compte les éléments d’attractivité de chaque pays qui est paru dans la presse voilà quelques jours en témoigne.
La recherche est un élément essentiel pour notre pays. En outre, tout le monde s’accorde à dire que les entreprises ont besoin de stabilité et de lisibilité en matière économique et fiscale. C’est ce que nous nous attachons à faire, contrairement à ce que certains disent. J’en veux pour preuve les dispositions que nous avons fait adopter au mois de juillet et qui s’appliqueront au 1er janvier 2015.
Depuis plusieurs années, à savoir depuis quasiment le début du quinquennat, nous avons décidé de faire du CIR un élément de stabilité et de promotion de l’attractivité de notre pays. Nous ne souhaitons pas modifier cette situation.
Chacun a le droit d’avoir un point de vue différent. Pour autant, ne dites pas que le Gouvernement refuse de débattre. Le Gouvernement débat ici depuis maintenant deux jours, et il est prêt à continuer à le faire encore demain, dimanche, si le Sénat le souhaite. Je n’ai jamais éludé les questions, alors que j’aurais pu me contenter de dire « avis défavorable » sur certains amendements avant de me rasseoir, comme cela se fait parfois. Nous ne voulons frustrer personne.
Je le répète, le débat a lieu régulièrement dans chaque assemblée, lors de chaque lecture de tous les projets de loi de finances. Peut-être réussirez-vous un jour à convaincre le Parlement d’adopter cette mesure, mais, pour l’heure, l’avis du Gouvernement demeure défavorable.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. L’augmentation incroyable du coût du crédit d’impôt recherche ces dernières années montre que ce dispositif est une réussite en termes de dépenses. J’espère qu’il est aussi une réussite en matière de recherche.
En amont de ce débat, il faut quand même se poser la question de l’efficacité du CIR. C’est devenu une ritournelle, française et surtout européenne, de dire qu’il n’est pas possible, dans une société en pleine mutation, de redynamiser l’économie sans effectuer d’importants investissements en matière de recherche et d’innovation. Je note que, auparavant, on parlait de « recherche et développement » ou de « recherche et technologie », le terme « innovation », concocté à Bruxelles, fait désormais florès dans tous nos textes…
Quels que soient les efforts que nous ferons sur le coût du travail, nous ne pourrons jamais rivaliser avec les pays en voie de développement. C’est donc bien grâce à la recherche et à l’innovation que nous parviendrons à améliorer la compétitivité de notre industrie. Reste que s’il s’agit d’une condition nécessaire, cette politique, que je qualifierai d’« horizontale », doit impérativement s’accompagner d’une politique verticale. À quoi sert-il d’avoir des chercheurs de pointe dans les domaines des nouvelles technologies, des biotechnologies ou de la transition énergétique si nous ne sommes pas capables de créer les filières industrielles qui embaucheront de nombreux salariés ?
J’ajoute qu’il y a un peu moins de deux ans, au moment où l’Irlande assurait la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, la commission des affaires européennes du Sénat a accueilli l’ambassadeur d’Irlande et son équipe. Naturellement, j’ai un peu attaqué l’ambassadeur sur le dumping fiscal pratiqué dans son pays. Il m’a écouté bien sagement et m’a répondu que les règles fiscales y étaient effectivement très avantageuses et incitaient des entreprises d’un peu partout en Europe à installer leur siège chez eux. En revanche, ajouta-t-il, à cause du CIR, tous nos chercheurs sont en train de plier bagage pour la France !
Quand on cherche à défendre la France et qu’on plaide pour l’harmonisation fiscale, c’est tout de même difficile de s’entendre dire que nous avons parfois nous-mêmes tendance à faire du dumping fiscal, tout à fait légalement du reste. L’Union européenne encourage en effet les dispositifs du type crédit d’impôt recherche, comme me l’a précisé le précédent commissaire européen chargé de la concurrence, M. Joaquín Almunia, lors d’une audition. Une large part du programme Horizon 2020 est précisément consacrée à la recherche. En revanche, dès qu’il s’agit de crédits d’impôt sectoriels, la même Union européenne est beaucoup plus restrictive. D’ailleurs, si j’ai bien compris, l’une des raisons de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est justement qu’il n’était pas conditionné, pas sectorisé.
Quoi qu’il en soit, la politique qui consiste à financer de la recherche pour de la recherche sans se donner les moyens de la faire fructifier soulève un véritable problème. Plutôt que de s’imaginer que, avec beaucoup de chercheurs et beaucoup de moyens, les choses vont repartir toutes seules, repensons ce système et posons un peu plus de conditions.
Les politiques horizontales sont certes utiles, comme je l’ai dit, mais, sans politique verticale, c’est-à-dire sans développement des filières industrielles, ce sera le tonneau des Danaïdes. Une fois formés, et bien formés, nos chercheurs iront à l’étranger dans des filières technologiques ou industrielles, qui, grâce à des coûts du travail plus bas ou à un certain nombre d’avantages du type crédit d’impôt sectoriel, pourront se permettre de les payer bien mieux que chez nous. C’est d’ailleurs déjà le cas dans de nombreux domaines. Je pense au secteur du jeu vidéo, au sujet duquel j’ai rédigé un rapport l’an passé avec mon collègue Bruno Retailleau. On constate aujourd’hui que les entreprises françaises du secteur finissent par partir pour le Canada, les États-Unis ou l’Asie. Pis, depuis quelque temps, ce sont toutes nos sociétés de post-production numérique, je pense notamment à Technicolor, anciennement Thomson, qui vont s’installer au Canada.
Oui, aidons la recherche, ne soyons pas restrictifs, mais, dans le même temps, tâchons d’avoir une cohérence d’ensemble dans le renouvellement de notre industrie !
M. le président. L'amendement n° I-353, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du b du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, après les mots : « à ces opérations », sont insérés les mots : « dans la limite de cinq fois le montant des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs diplômés d’un doctorat au sens de l’article L. 612-7 du code de l'éducation et employés dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ».
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Par cet amendement, nous proposons non pas de supprimer, mais de modifier le crédit d’impôt recherche, afin que celui-ci intègre de manière plus efficace le soutien à l’emploi de salariés titulaires d’un doctorat.
C’est un sujet que je connais bien, étant moi-même titulaire d’un doctorat et ayant participé à la formation ou à la reconversion professionnelle de post-doctorants, qui, ne trouvant pas d’emplois dans la recherche publique, s’orientaient vers le privé. Je peux vous dire qu’on a affaire à des personnes particulièrement brillantes qui se distinguent par des capacités de travail et d’adaptation tout à fait remarquables.
Il ne faut pas oublier que le doctorat est le seul diplôme de recherche de haut niveau qui soit reconnu internationalement dans le monde économique. En Grande-Bretagne ou en Allemagne, on embauche des docteurs dans tous les secteurs d’activité, dans le public et, surtout, dans le privé. En France, en revanche, nous avons le système des grandes écoles, où, certes, on y trouve des gens brillants, mais qui ne sont pas toujours les mieux à même de faire de la recherche.
Il est temps d’agir en faveur de l’emploi des doctorants, d’autant que, selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le taux de titulaires d’un doctorat parmi les chercheurs en entreprise est passé de 14,9 % en 1997 à 12 % en 2011. Il y a donc de moins en moins de personnes qui s’orientent vers ces filières, car, pour des raisons historiques, elles ne sont pas valorisées dans notre système.
Accorder une reconnaissance particulière aux titulaires d’un doctorat pour les orienter vers la recherche privée, et pas seulement vers les organismes publics, ne peut qu’être bénéfique à notre recherche dans son ensemble.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour les raisons que j’ai déjà développées et sur lesquelles je ne reviendrai pas, il n’est pas souhaitable de vouloir sans cesse remettre en cause le CIR, qui, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, est un dispositif reconnu conférant à nos entreprises un véritable avantage compétitif. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le Gattolin, vous proposez d’augmenter les dépenses du CIR, dont vous souligniez pourtant que le coût avait explosé en quelques années.
M. André Gattolin. Oh !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rassurez-vous, je ne cherche pas à vous mettre en contradiction avec vous-même, ce qui n’arrive jamais, bien entendu, mais à vous répondre en vous donnant quelques données chiffrées.
En 2014, la créance acquise par les entreprises au titre du CIR s’élève à 6,2 milliards d’euros ; en 2015, elle sera de 6 milliards d’euros. Il y a donc une baisse. Quant aux dépenses budgétaires, elles atteignent 5,55 milliards d’euros en 2014 et seront de 5,3 milliards d’euros en 2015. S’il est vrai que les dépenses au titre du CIR ont connu une augmentation importante ces dernières années, il semblerait qu’elles se stabilisent, voire qu’elles diminuent légèrement.
Pour en venir à votre amendement, vous proposez de multiplier par cinq les dépenses concernant les jeunes docteurs, alors qu’elles sont déjà multipliées par deux. Pourquoi les multiplier par cinq et non par dix ? On peut toujours faire de la surenchère…
Tout le monde est attaché à ce que l’on puisse développer et accompagner la montée en puissance des doctorants dans le secteur privé. À cet égard, je relève, d’une part, que le montant des dépenses engagées au titre du CIR a été multiplié par deux et, que d’autre part, d’après le bilan établi en 2012 par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses relatives à l’embauche de jeunes docteurs a été multiplié par trois entre 2007 et 2012, pour atteindre 1 305 entreprises.
Le Gouvernement avait déjà proposé une mesure de simplification, qui consistait à subordonner le bénéfice du crédit d’impôt au maintien de l’effectif salarié global de l’entreprise. Nous avons décidé d’assouplir cette condition en la restreignant au maintien de l’effectif du seul personnel de recherche salarié, ce qui me semble plus adapté et qui, je crois, a permis de mieux cibler le dispositif tout en encourageant son utilisation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° I-188, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les e, e bis, f, g, h, et j du II de l'article 244 quater B du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement tend également à revenir sur l’article 244 quater B du code général des impôts relatif au crédit d’impôt recherche.
Comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous dénonçons un dispositif d’optimisation fiscale dont l’impact sur la recherche est, malgré un montant exorbitant, extrêmement limité. Depuis la réforme du dispositif en 2007, ce montant n’a d’ailleurs cessé d’augmenter – même si je prends note de la modulation évoquée par M. le secrétaire d’État à l’instant – pour atteindre cette année 6 milliards d’euros. Somme qu’il est d’ailleurs intéressant de comparer aux crédits que le budget de l’État consacre à la recherche publique, qui, eux, sont en diminution. Ainsi, de fait, le CIR rivalise depuis plusieurs années avec le budget consacré à la recherche, qui s’élèvera à 7,7 milliards d’euros en 2015, et il est d’un montant équivalent au budget global des organismes de recherche.
Si les PME constituent l’essentiel des entreprises déclarant des dépenses éligibles, ce sont les plus grandes entreprises, déjà fortement défiscalisées, qui ont tiré le meilleur parti de la réforme du CIR, ce qui ne les empêche pas en parallèle de fermer leurs pôles de recherche et développement. En effet, si le montant des aides reçues par les entreprises de plus de 5 000 salariés a augmenté de 130 % entre 2007 et 2011, elles n’ont pas pour autant accru leur effort de recherche, et le nombre d’emplois créés dans le secteur de la Recherche et du développement est limité, quand il n’est pas nul. Je vous assure qu’une telle appréciation ne tient malheureusement pas du fantasme…
Je prendrai le cas emblématique de Sanofi, l’une des premières entreprises à avoir bénéficié du CIR. Cette entreprise a obtenu 130 millions d’euros de réduction d’impôt en 2012, alors même qu’elle réalise 8 milliards d’euros de profits par an. En outre, le groupe détenait pour son activité pharmaceutique treize centres de recherche en France avant 2008. À la fin de 2012, après avoir fermé les sites de Rueil-Malmaison, Bagneux, Évry, Labège, près de Toulouse, et vendu le site de Porcheville au laboratoire Covance, il n’en reste plus que six, où ne travaillent plus que 4 900 personnes en CDI, contre 6 300 personnes en juin 2008.
Le débat que nous appelons de nos vœux est bien sûr celui de l’efficacité du CIR. Je sais que le Gouvernement conteste notre diagnostic et oppose des chiffres démontrant prétendument une création d’emplois et des bénéfices en termes d’investissement, mais sans jamais citer la source d’où sont tirés ces chiffres ! Or nous avons besoin d’une véritable confrontation sur l’efficacité réelle de ce dispositif. Ce que nous constatons, pour notre part, c’est que la précarité au sein des organismes de recherche explose, avec 90 000 précaires, selon les chiffres mêmes du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Pour toutes ces raisons, nous nous élevons contre ce dispositif, que nous considérons comme une simple niche fiscale dépourvue d’efficacité, et nous souhaitons une réaffectation des moyens qui lui sont alloués au profit, notamment, de la recherche publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le fait d’exclure du champ du crédit d’impôt recherche les dépenses de normalisation, de veille technologique et de prise, maintenance et défense des brevets remettrait en partie en cause un dispositif lisible et efficace pour les entreprises. Il s’agirait d’un signal extrêmement négatif pour le développement de la recherche privée.
Contrairement à d’autres pays, nous avons un dispositif qui a le mérite d’être efficace. Vouloir le remettre en cause en permanence ne va dans le sens ni de la stabilité fiscale ni de l’efficacité.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une telle mesure irait en effet à l’encontre des objectifs de renforcement de l’attractivité du territoire et de défense des brevets français contre leur piratage, faute de protection.
Vous proposez de supprimer de l’assiette du crédit d’impôt recherche les dépenses relatives à la protection de la propriété industrielle ainsi que les dépenses de normalisation. Le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition. En effet, la fiscalité applicable à la propriété industrielle en général, et aux brevets en particulier, est un élément pris en compte de manière positive pour les entreprises françaises. Elle est perçue comme un facteur incitatif justifiant la localisation en France de centres de recherche et développement et la détention de la propriété industrielle.
La défense des brevets contribue à la sécurité juridique et à la compétitivité des entreprises françaises. Il est donc indispensable d’inciter les entreprises à exposer ce type de dépenses pour protéger les résultats de leurs recherches et éviter ainsi le pillage de celles-ci, faute de protection. Il en va de même pour les dépenses de normalisation.
Votre proposition irait ainsi à l’encontre de l’objectif de renforcement de l’attractivité du territoire.
Au bénéfice de ces précisions, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° I-188 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chacun prendra ses responsabilités ! Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-283, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Par dérogation au I, lorsqu’une entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche est liée, au sens du 12 de l’article 39, à d’autres entreprises ou entités juridiques exposant au cours de l’année, en France ou hors de France, des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II, le taux du crédit d’impôt est égal au taux résultant de l’application de la dernière phrase du premier alinéa du I au montant total des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II exposées au cours de l’année, en France et hors de France, par cette entreprise et les entreprises ou entités juridiques liées au sens du 12 de l’article 39. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Mes chers collègues, conformément à la décision prise hier par le Sénat, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Nous avons examiné 48 amendements au cours de la journée ; il en reste 229 à examiner sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 24 novembre 2014, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART