Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
MM. Christian Cambon, Bruno Gilles.
4. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
5. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° I-124 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° I-172 rectifié de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-253 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° I-396 de M. Vincent Delahaye. – Rejet.
Amendement n° I-173 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-53 de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° I-282 de M. André Gattolin. – Retrait.
Amendement n° I-398 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° I-415 de Mme Nathalie Goulet. – Non soutenu.
Amendement n° I-15 de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° I-14 de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° I-177 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-236 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° I-174 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-252 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° I-176 de M. Thierry Foucaud. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° I-239 de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° I-175 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-178 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-203 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-57 de M. Georges Patient. – Adoption.
Amendement n° I-224 de M. Vincent Capo-Canellas. – Rejet.
Amendement n° I-56 de M. Georges Patient. – Rejet.
Amendement n° I-58 de M. Georges Patient. – Rejet.
Amendement n° I-90 de M. Félix Desplan. – Rejet.
Amendement n° I-17 de la commission. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 3
Amendement n° I-350 de M. Philippe Marini. – Retrait.
Amendement n° I-179 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-392 rectifié de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Amendement n° I-387 de M. Philippe Dallier. – Retrait.
Amendement n° I-420 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° I-18 de la commission. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
7. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
8. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° I-134 rectifié bis de M. Robert Del Picchia. – Non soutenu.
Amendement n° I-140 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° I-112 rectifié bis de M. Richard Yung. – Retrait.
Amendement n° I-180 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-130 rectifié ter de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Adoption.
Amendement n° I-385 de M. Philippe Dallier. – Adoption.
Amendement n° I-390 rectifié de M. Philippe Dallier. – Adoption.
Amendement n° I-20 de la commission. – Adoption.
Amendement n° I-260 de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 5
Amendement n° I-397 de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Amendement n° I-59 de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° I-73 de M. Georges Patient. – Retrait.
Amendement n° I-363 rectifié de M. Georges Patient. – Non soutenu.
Amendement n° I-381 rectifié de M. Georges Patient. – Non soutenu.
Adoption de l'article.
Article 5 ter (nouveau). – Adoption
Amendement n° I-258 de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Amendement n° I-259 de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 6
Amendement n° I-106 de M. Philippe Marini. – Non soutenu.
Amendement n° I-182 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Articles 6 ter et 6 quater (nouveaux). – Adoption
Articles additionnels après l’article 6 quater
Amendement n° I-351 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. – Retrait.
Amendement n° I-183 de M. Thierry Foucaud. – Rejet.
Amendement n° I-395 rectifié de M. Vincent Delahaye. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Christian Cambon,
M. Bruno Gilles.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Pierre Gamboa, qui fut sénateur de l’Essonne de 1977 à 1986.
3
Dépôt de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la convention entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Technologies-clés génériques » ; la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, action « Programme de soutien à l’innovation majeure » ; enfin, la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, action « Prêts pour l’industrialisation. Prêts croissance industrie ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires économiques.
4
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 21 novembre 2014, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- le report de l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue en matière de délinquance ou de criminalité organisées (n° 2014-428 QPC) ;
- le droit de présentation des notaires (n° 2014-429 QPC) ;
- la cession des œuvres et transmission du droit de reproduction (n° 2014-430 QPC).
Acte est donné de ces communications.
5
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108.)
Nous abordons la discussion de l’article liminaire.
Article liminaire
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2015, l’exécution de l’année 2013 et la prévision d’exécution de l’année 2014 s’établissent comme suit :
Exécution 2013 |
Prévision d’exécution 2014 |
Prévision 2015 |
|
Solde structurel (1) |
-2,5 |
-2,4 |
-2,2 |
Solde conjoncturel (2) |
-1,6 |
-1,9 |
-2,0 |
Mesures exceptionnelles (3) |
- |
- |
-0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-4,1 |
-4,4 |
-4,3 |
La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, même si cet article est, somme toute, relativement formel et ne présente qu’une portée normative assez réduite, il importe, à notre sens, de formuler quelques observations sur son contenu.
L’article liminaire n’est pas une simple vue de l’esprit et s’apparente en effet au résumé des orientations de la politique budgétaire de la Nation, telle qu’elle est aujourd’hui définie, entre autres comme produit des conséquences du traité européen dit « TSCG », le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
En la matière, une observation s’impose d’emblée. Nous avons connu, sur les années 2013 à 2015, une relative stabilité de notre déficit, due autant au maintien de notre déficit structurel à un niveau relativement élevé qu’à la persistance d’un déficit conjoncturel aussi important.
À la vérité, ces chiffres n’ont pas beaucoup de sens en eux-mêmes, puisque, comme nous l’avons déjà indiqué, les modèles macroéconomiques utilisés pour définir les trajectoires des finances publiques dans les pays de la zone euro sont imparfaits et inopérants, en ce sens qu’ils n’intègrent qu’assez peu les données essentielles que sont le nombre de personnes privées d’emploi, le gaspillage de capital humain et sans doute matériel qui en découle, ou encore l’impact profond du mouvement de réduction des recettes fiscales organisé depuis plusieurs décennies maintenant.
Devons-nous mettre en exergue, mes chers collègues, une donnée intangible ? Nous présenterons en 2015 un déficit des comptes publics compris entre 4 % et 4,5 % du produit intérieur brut marchand, alors même que la part des recettes de l’État est passée, entre 1982 et aujourd’hui, de 19,5 % à 14,4 % du PIB.
Quatre points ou quatre points et demi de déficit d’un côté, cinq points de moins de l’autre, ne cherchez pas plus loin la source des déficits publics : c’est cette course au moins-disant fiscal et social qui a exténué, comme une sorte de guerre d’attrition, les économies européennes depuis trente ans et conduit désormais la zone euro sur la voie du déclin, au nom de l’épargne des retraités allemands, notamment, et de la bonne santé de nos compagnies d’assurance.
Ce sont des politiques ineptes qui sont aujourd'hui imposées aux États.
Le TSCG, ne l’oublions pas, a été conçu comme l’instrument de règlement de la dette publique des États de la zone euro et, de fait, plus rien d’autre ne compte aujourd’hui.
Il faut réduire les dépenses publiques non pas pour faire des économies ou rendre un meilleur service public à moindre coût, comme on l’entend parfois pour justifier des coupes claires opérées dans les budgets publics, mais bel et bien pour payer cette rente perpétuelle que constitue désormais la dette publique.
Peu importe en la matière que, d’ores et déjà, certains titres de dette publique ayant atteint leur maturité puissent courir jusqu’au milieu du XXIe siècle et au-delà ; le tout est que les efforts de la collectivité des salariés consommateurs contribuables tendent à rendre profitable le placement judicieux que constitue le marché obligataire…
Le problème, c’est que cette politique a ses limites. Dans un entretien paru récemment, les économistes Jean-Christophe Le Duigou, militant syndicaliste issu de la CGT, et Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode, l’organisme d’analyse économique rattaché au MEDEF, tombent d’accord, il faut le souligner, pour reconnaître que les politiques de réduction de la dépense publique ont coûté au minimum, depuis plusieurs années, de cinq dixièmes à un point de croissance annuel de PIB et que, de fait, la perspective de la réduction des déficits est devenue parfaitement illusoire.
Ils appellent tous deux à une nouvelle croissance ainsi définie : « C’est tout un mode de croissance qu’il faut mettre en cause en donnant une place nouvelle au travail, à l’environnement et aux activités productives. Le “retour au réel” passe par la reconnaissance de ces trois priorités. C’est dans cette direction, et non dans l’austérité généralisée, qu’il peut y avoir une solution à la crise de la dette. »
Et de nous rappeler, au cas où nous serions amenés à croire que la solution résiderait dans la seule gestion fiscale et budgétaire des affaires publiques, la chose suivante : « La crise actuelle met en exergue le besoin d’une nouvelle stratégie de développement social et économique qui suppose que l’on s’interroge sur l’organisation du financement de l’économie. »
Je crains, nous craignons que nous en soyons encore assez éloignés avec ce projet de loi de finances pour 2015.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, je souhaiterais, afin d’assurer la bonne information de votre assemblée, apporter quelques précisions sur l’article liminaire.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le Gouvernement proposera, lors de l’examen de l’article d’équilibre, de modifier certaines prévisions de recettes et de dépenses pour 2015, afin de prendre en compte les informations nouvelles apparues depuis le dépôt du texte et de garantir la sincérité de la loi de finances.
Si vous acceptez ces modifications, la prévision de déficit public pour 2015 devra être revue à la baisse – elle enregistrera une diminution d’environ 0,1 % de PIB –, et l’article liminaire devra donc être modifié pour tenir compte de cette évolution.
Nous sommes en train d’expertiser la possibilité d’un rappel en seconde délibération de l’article liminaire, pour coordination avec les votes sur l’article d’équilibre. Ce point doit être approfondi, car, l’article liminaire ne relevant ni de la première partie ni de la seconde partie du projet de loi de finances, il existe des incertitudes sur les conditions de son rappel, au regard tant du règlement de votre assemblée que de la règle de bipartition des lois de finances prévue par la loi organique relative aux lois de finances.
Si la coordination ne peut être réalisée en première lecture, elle vous sera proposée en nouvelle lecture.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, afin d’assurer l’information la plus parfaite de votre assemblée au moment où nous ouvrons ces débats.
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
I. – La perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée pendant l’année 2015 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2014 et des années suivantes ;
2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 ;
3° À compter du 1er janvier 2015 pour les autres dispositions fiscales.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° I-124 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À compter de la promulgation de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2015, les entreprises qui recourent aux contrats d’apprentissage prévus à l’article L. 6221-1 du code du travail bénéficient d’une réduction d’impôt sur les sociétés égale à 500 euros par mois et par apprenti lorsque ces embauches ont pour effet de porter la proportion de jeunes en apprentissage au-delà de 5 % de l’effectif total de l’entreprise et, pour les entreprises de moins de vingt salariés, dès le deuxième apprenti.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement, déposé par Mme Annie Guillemot et moi-même, vise à « doper » la mise en œuvre de l’engagement présidentiel relatif aux 500 000 contrats d’apprentissage.
Nous le savons, l’une des difficultés en la matière est de trouver des entreprises prêtes à se mobiliser pour accueillir les apprentis. Nous suggérons donc l’instauration d’une mesure fiscale poussant les entreprises à faire cet effort, plus précisément une réduction de l’impôt sur les sociétés de 500 euros par mois et par apprenti, lorsque les embauches auraient pour effet de porter la proportion de jeunes en apprentissage au-delà du seuil de 5 % de l’effectif total de l’entreprise. Toutefois, pour les entreprises de moins de vingt salariés, cette mesure serait valable dès le deuxième apprenti.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission ne saurait être défavorable à l’intention des auteurs de cet amendement – on ne peut en effet que souscrire à la volonté de favoriser l’apprentissage. Cela étant, le dispositif serait d’un coût extrêmement élevé : 500 euros par mois, cela fait 6 000 euros par an ; multiplié par environ 400 000 apprentis, on arrive à une dépense de plusieurs centaines de millions d’euros.
C’est donc à regret que la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement connaît cet amendement, mais il y est défavorable.
Je rappelle en effet qu’il existe déjà un crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, prévu à l’article 244 quater G du code général des impôts. Il est accordé à celles des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés qui emploient des apprentis.
Depuis le 1er janvier 2014, ce crédit d’impôt est égal au produit du montant de 1 600 euros par le nombre moyen annuel d’apprentis en première année de formation et préparant un diplôme d’un niveau égal ou inférieur à bac+2.
Le Gouvernement a fait adopter l’année dernière une réforme du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage. La présente proposition semble donc redondante pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, qui pourraient ainsi bénéficier de deux dispositifs.
De surcroît, le coût de la mesure proposée est estimé, je confirme l’évaluation de M. le rapporteur général, à plusieurs centaines de millions d’euros, plus précisément entre 200 et 300 millions d’euros.
Je vous informe également, si vous ne l’aviez pas noté, que, dans le cadre du projet de loi de finances, une nouvelle mesure relative à l’apprentissage, sous forme d’une prime, a été adoptée, pour un coût de l’ordre de 60 millions d’euros.
Par ailleurs, la réforme de la taxe d’apprentissage a permis, lors du collectif budgétaire de juillet dernier, une majoration de plus de 200 millions d’euros des versements aux CFA, les centres de formation d’apprentis, ce dès 2015.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux rappeler à M. le rapporteur général que le Sénat a précédemment voté cette mesure. Maintenant que la droite est majoritaire, elle n’a plus du tout les mêmes orientations que lorsqu’elle était dans la minorité et qu’elle défendait, avec moi et d’autres, cet amendement en faveur de l’apprentissage !
Pour ma part, je considère comme essentiel, que l’on appartienne à la majorité ou à l’opposition, de tenir les mêmes discours. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Mais, indépendamment de ces considérations, je reconnais que la situation a évolué par rapport à notre précédent débat. Le Gouvernement a consenti des avancées et le renouvellement des engagements présidentiels sur les 500 000 postes d’apprentissage est un point significatif.
Pour autant, je crains – et certains de mes collègues ont la même inquiétude – que la mise en œuvre de ces engagements et les efforts consentis, pour utiles qu’ils soient, ne soient pas suffisants pour créer le grand mouvement souhaité, en cette période où les carnets de commandes des entreprises ne sont pas toujours pleins et où l’on ne peut pas dire que la croissance économique globale porte l’exigence de recrutements. Nous proposions, à titre exceptionnel, cette mesure pour enclencher un changement d’ampleur.
Quoi qu’il en soit, nous dresserons le bilan dans quelques années, voire quelques mois. S’il se confirmait que les mesures prises ne changent pas le braquet de l’apprentissage, je reprendrai cet amendement dans d’autres circonstances. Mais, aujourd’hui, me sentant assez solitaire pour le défendre, je me propose de le retirer.
M. André Gattolin. Je le reprendrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans ce cas, profitant du soutien de mes amis écologistes (Sourires.), je maintiens l’amendement, madame la présidente, et souhaite qu’il soit soumis au vote du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Le groupe écologiste va être cohérent avec ce qu’il avait voté en soutenant le précédent amendement que Mme Marie-Noëlle Lienemann avait proposé lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de l’été passé, me semble-t-il.
Nous considérons, en effet, que l’apprentissage est important. Des mesures ont été prises par le Gouvernement, nous les saluons. Je pense que, malheureusement, elles ne seront pas à la hauteur de l’objectif fixé des 500 000 contrats d’apprentissage.
Il y aurait sans doute à dire sur la formulation de cet amendement. Ainsi, je ne comprends pas pourquoi l’on n’accorderait cette prime aux entreprises de moins vingt salariés qu’au deuxième apprenti. C’est négliger le problème de l’artisanat et de la formation de la succession. Quand on voit aujourd’hui l’artisanat disparaître de nos villes et de nos centres-villes en raison de la pression immobilière et foncière et du coût locatif extrêmement élevé qui s’y pratique, je pense que ces secteurs d’activité ont besoin d’une aide, d’un coup de main.
Au surplus, il ne s’agit pas de remettre en cause toute forme de crédit d’impôt ou de focaliser ceux-ci sur une seule mesure. Cette proposition impacte directement l’emploi, l’intégration et la formation. Il ne faut pas attendre des formations professionnelle ou universitaire qu’elles soient, à elles seules, à même de donner à chaque personne en fin de scolarité les moyens d’entrer dans un monde du travail qui est aujourd’hui extrêmement difficile et pour lequel les formations classiques ne sont pas non plus pleinement opérantes. L’apprentissage est donc absolument essentiel.
Forts de ce principe, et parce que nous pensons qu’une programmation de 500 000 postes d’apprentissage nécessite des efforts plus importants que ceux qui ont déjà été consentis, le groupe écologiste soutiendra cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais rassurer notre collègue Marie-Noëlle Lienemann : nous n’avons pas du tout changé d’avis sur l’intérêt de l’apprentissage pour nos jeunes, pas du tout !
Nous avions, en effet, déposé le même amendement il y a quelques mois, mais c’était avant que le Gouvernement ne change de pied, ce qui heureux, et nous en sommes absolument ravis.
C’est bien parce que les mesures prises au début du quinquennat - de mauvaises mesures, qui allaient à l’encontre de l’apprentissage -, ont donné les résultats malheureusement attendus, que le Gouvernement s’est tout à coup rendu compte qu’il fallait y revenir. Il l’a fait, c’est très bien.
Aujourd’hui, nous abordons la discussion de ce budget en sachant que nous devrons veiller à ne pas creuser le déficit, et, si possible, tâcher même de le réduire encore un peu. Voilà pourquoi nous ne soutiendrons pas cet amendement.
Mais notre position est constante : l’apprentissage est très utile pour nos jeunes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-124 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
B. – Mesures fiscales
Article 2
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Le I de l’article 197 est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 9 690 € le taux de :
« – 14 % pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 764 € et inférieure ou égale à 71 754 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 71 754 € et inférieure ou égale à 151 956 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 151 956 €. » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le montant : « 1 500 € » est remplacé par le montant : « 1 508 € » ;
b) À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 3 540 € » est remplacé par le montant : « 3 558 € » ;
c) À la fin du troisième alinéa, le montant : « 897 € » est remplacé par le montant : « 901 € » ;
d) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le montant : « 1 497 € » est remplacé par le montant : « 1 504 € » ;
e) À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 1 672 € » est remplacé par le montant : « 1 680 € » ;
3° Le 4 est ainsi rédigé :
« 4. Le montant de l’impôt résultant de l’application des dispositions précédentes est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 1 135 € et son montant pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et de la différence entre 1 870 € et son montant pour les contribuables soumis à imposition commune. » ;
B. – À la première phrase du 2° du I de l’article 151-0, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
C. – À la première phrase du second alinéa de l’article 196 B, le montant : « 5 698 € » est remplacé par le montant : « 5 726 € » ;
D. – Le I de l’article 1740 B est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du deuxième alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
b) À la seconde phrase du troisième alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
c) Au dernier alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
E. – Les 2° et 2° bis de l’article 5 sont abrogés.
II. – Pour 2015, les seuils et limites qui, en application des dispositions en vigueur, sont relevés dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu sont, par dérogation à ces dispositions, relevés de 0,5 %.
III. – Le B du I s’applique aux options exercées au titre de l’année 2016 et des années suivantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 2 du projet de loi de finances est bien évidemment au cœur de nos réflexions, puisqu’il porte sur le barème de l’impôt sur le revenu. C’est donc l’occasion idéale de parler de justice fiscale !
Ce barème connaît cette année une évolution sensible, puisque la tranche imposée à 5,5 % disparaît au profit d’une tranche commençant légèrement plus haut, à 14 %.
Pour le Gouvernement, il est clair qu’il convient de faire oublier les dernières lois de finances où le gel du barème, entamé sous la législature précédente, avait précipité dans l’impôt nombre de détenteurs de revenus modestes jusque-là non imposables. Cela mérite tout de même d’être rappelé.
Pour autant, l’orientation fixée par l’article 2 du présent projet de loi de finances présente plus d’un défaut.
Elle contribue tout d’abord à réduire à la portion congrue l’impôt progressif dans l’ensemble de notre fiscalité, laissant une place de plus en plus importante aux droits indirects, dont on sait pertinemment qu’ils frappent plus durement les couches les plus modestes.
Elle contribue ensuite à faire de la contribution sociale généralisée, la CSG, le véritable impôt sur le revenu, proportionnel au demeurant, touchant plus largement chaque contribuable, et pour un rendement autrement plus spectaculaire que celui qui résulte de l’impôt progressif. Ainsi, nous aurions, en 2015, d’un côté, 69,5 milliards d’euros de produit de l’impôt sur le revenu et, de l’autre, plus de 100 milliards d’euros de rendement de la contribution sociale généralisée, majorée par la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS.
À force de polariser l’attention sur le barème de l’impôt, on en oublie le véritable débat : celui qui porte sur l’assiette même de l’impôt et qui, de fait, en restreint dangereusement le rendement. On s’en rend compte encore cette année sur le produit de l’impôt 2014.
Quand à peu près 85 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu demeure constituée par les salaires ou revenus assimilés et les pensions de retraite, chacun mesure aisément que toute baisse des taux du barème n’est pas une avancée de la justice sociale et fiscale, contrairement à ce que l’on essaie de nous vendre !
Il convient de poser, encore une fois, la question de la prise en compte, dans l’assiette de l’impôt, des revenus du capital et du patrimoine – ils se portent, nous dit-on, de mieux en mieux -, dans un véritable respect du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.
Malgré les mesures prises depuis 2012, nous sommes, en la matière, encore loin du compte, et force est de constater que l’essentiel de la dépense fiscale liée à l’impôt sur le revenu ne concerne aucunement les salaires ou les retraites.
Nous pourrions être ouverts à toute réflexion sur l’évolution des taux d’imposition, respectant, au demeurant, la progressivité et l’efficacité de l’impôt, si, dans le même temps, des efforts étaient accomplis pour une extension de son assiette, visant notamment à rapprocher celle de l’impôt progressif de celle de la CSG.
Enfin, il convient de mieux prendre en compte la situation des contribuables pour ce qu’elle est et de cesser, en particulier, de modifier les données quand on se retrouve avec un foyer fiscal « bénéficiant », à quelque titre que ce soit, d’une demi-part supplémentaire.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l’article.
M. François Marc. Il y a un an, nous étions réunis pour voter le budget de l’exercice 2014 et certains de nos collègues qui sont aujourd’hui devenus majoritaires au Sénat...
M. Philippe Dallier. Décidément ! Vous ne vous en remettez pas.
M. François Marc. … n’avaient pas eu de mots assez durs pour critiquer la hausse du nombre de foyers fiscaux imposés.
Je serais donc tenté d’en déduire que, aujourd’hui, ils devraient être très satisfaits puisque, grâce à cet article 2 et au dispositif adopté en juillet – certes, vous ne l’aviez pas voté en juillet non plus – ce sont au total environ 9 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt baisser, dont trois millions qui éviteront l’imposition ou cesseront d’être imposés.
Cela va donc dans le sens de ce que vous souhaitiez, chers collègues, et vous devriez être très heureux de voter cet article 2 !
Si cet article 2 permet de réduire l’impôt des ménages modestes et moyens, il présente aussi l’avantage de rendre l’impôt plus simple et plus progressif, la portion située dans le bas du barème étant allégée et sa partie haute n’étant pas alourdie.
Le seuil d’entrée dans la tranche d’imposition à 14 %, qui constitue désormais la première tranche d’imposition, est fixé à 9 690 euros, pour que ce soit clairement les ménages modestes et moyens qui bénéficient de la mesure. Au surplus, le mécanisme de décote qui bénéficie aux foyers fiscaux faiblement imposés est aménagé et renforcé, notamment pour les couples.
Un tel dispositif était tout à fait souhaitable et nécessaire. La nouvelle décote se substitue à l’ancienne tout en intégrant la réduction d’impôt que nous avons votée en juillet. Elle prend par ailleurs mieux en compte la situation des couples et des familles, puisqu’elle instaure une décote conjugalisée, alors que le système en vigueur était celui d’une décote non conjugalisée.
C’est, de surcroît, la première fois depuis cinq ans que l’on assiste en France à une baisse de prélèvement obligatoire.
Voilà donc, mes chers collègues, des arguments qui auraient dû vous séduire, d’autant qu’il y a aussi un gain de pouvoir d’achat, entre 300 et 1 000 euros, pour soulager nos concitoyens les plus modestes. C’est là certainement une mesure de justice sociale que tous apprécieront.
Dans ces conditions, je souhaite pour ma part que le Sénat puisse soutenir cette disposition globale sans chercher à opposer les classes modestes et les classes moyennes, ce qui serait le cas si l’on essayait de détricoter le dispositif pour enlever un peu de l’avantage accordé aux classes modestes pour le redonner à d’autres catégories. Il ne me semble absolument pas souhaitable d’aller dans cette direction.
Je souhaite donc que, par cohérence avec les positions qui ont pu être défendues ici dans le passé, nous nous réjouissions tous en votant unanimement cet article 2 ! (M. Roger Karoutchi sourit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l’article.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne peux absolument pas souscrire à ce qui vient d’être dit.
On nous avait annoncé il n’y a pas si longtemps une grande réforme fiscale. Ce que l’on nous propose aujourd’hui relève plus du bricolage. Cela fait partie de la boîte à outils dont le président Hollande attend sans doute beaucoup d’effets ! (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Mais je ne saurais me satisfaire de dispositions de ce type, qui viennent finalement réduire le nombre de personnes qui acquitteront un impôt sur le revenu en France. Je ne pense pas que cela soit souhaitable : l’impôt sur le revenu présente aussi un aspect citoyen et il ne faut pas trop réduire sa base.
En revanche, je proposerai, au nom du groupe UDI-UC, un amendement portant refonte globale de l’impôt sur le revenu, qui me semblerait beaucoup plus juste.
Quant à dire que l’on allège le bas de l’échelle sans alourdir le haut et que tout le monde y gagne, si j’ai bien compris notre collègue François Marc, j’aimerais pour ma part avoir des réponses sur les estimations de recettes attendues cette année de l’impôt sur le revenu.
De ce que j’ai pu lire dans les documents qui nous ont été fournis, l’augmentation du produit de l’impôt sur le revenu attendue par le Gouvernement serait de 600 millions d’euros – portant le total à quelque 69 milliards d’euros –, alors que la mesure que l’on nous présente entraîne, normalement, une diminution du produit de 3,2 milliards d’euros.
Donc, on allège de 3,2 milliards pour 9 millions de Français et l’on attend un produit supplémentaire, dont une partie provient des effets de dispositions déjà prises antérieurement qui continueront de s’appliquer encore plus en 2015. Mais, de mon point de vue, 3,2 milliards plus 600 millions, cela fait donc 3,8 milliards qui vont s’imputer, j’imagine, sur les autres.
Donc, mon cher collègue, quand on dit que personne ne paiera en 2015 plus d’impôt sur le revenu qu’en 2014, c’est totalement faux !
J’aimerais que l’on nous explique comment, alors que les revenus des Français n’ont pas augmenté dans des proportions considérables, on peut ainsi soutenir que l’on va alléger l’impôt de 9 millions de contribuables sans l’alourdir pour les autres. Il y a un mensonge quelque part, ou les chiffres sont erronés. J’aimerais vraiment que l’on m’explique d’où vient cette croissance spontanée des recettes. Ou alors le budget que l’on nous présente est faux dans ses prévisions de recettes !
J’ai donc un vrai souci de fond concernant cet impôt sur le revenu, que je ne souhaite pas voir trop concentré sur de moins en moins de Français qui seraient appelés à payer de plus en plus. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. - Mme Sophie Primas applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-172 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 4 à 8
Remplacer ces alinéas par dix alinéas ainsi rédigés :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 286 € le taux de :
« – 4 % pour la fraction supérieure à 6 286 € et inférieure ou égale à 9 000 € ;
« – 8 % pour la fraction supérieure à 9 000 € et inférieure ou égale à 12 538 € ;
« – 12 % pour la fraction supérieure à 12 218 € et inférieure ou égale à 18 500 € ;
« – 16 % pour la fraction supérieure à 18 500 € et inférieure ou égale à 27 845 € ;
« – 22 % pour la fraction supérieure à 27 845 € et inférieure ou égale à 45 000 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 45 000 € et inférieure ou égale à 74 652 € ;
« – 40 % pour la fraction supérieure à 74 652 € et inférieure ou égale à 110 000 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 110 000 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;
« – 50 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement répond à deux exigences : d’une part, la réduction du déficit de l’État ; d’autre part et surtout, la justice fiscale et sociale.
En effet, en proposant, comme nous le faisons, d’ajuster les taux d’imposition des tranches les plus élevées du barème progressif, nous permettons de dégager quelques marges de manœuvre financières pour l’État, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros, susceptibles d’être utilisées à bon escient et de favoriser, par exemple, la poursuite de telle ou telle politique de solidarité nationale. En effet, il ne faut pas le cacher, la mesure que nous préconisons est susceptible de réduire sensiblement le coût de la baisse de l’impôt pour les finances publiques et de dégager ces marges de manœuvre.
Au-delà de l’examen de notre proposition, ce qui est en question, c’est bel et bien le fait que l’impôt sur le revenu, dans notre pays, est marqué par une forte concentration des revenus imposables sur les plans tant sociologique que géographique notamment – il y a souvent concomitance. J’en veux pour preuve que plus de 48 % des contribuables – presque un sur deux – sont aujourd’hui exonérés de toute imposition.
Constatons par ailleurs que, si la majorité des contribuables franciliens sont aujourd’hui soumis à imposition – 65 % ou peu s’en faut, avec moins de 52 % en Seine-Saint-Denis et près de 67 % à Paris –, la majorité des contribuables de province, victimes des bas salaires ou vivant de petites pensions et retraites, demeurent non imposables.
L’impôt sur le revenu est donc un « impôt parisien », comme peuvent l’être la contribution économique territoriale, la taxe sur la valeur ajoutée et l’impôt sur les sociétés.
Notre proposition vise donc à donner une plus grande progressivité au barème et, partant, à lui donner ce supplément de justice fiscale qui lui manque encore singulièrement.
La mesure est d’autant plus nécessaire que les indications fournies par le site du ministère lui-même nous montrent que la progressivité de l’impôt souffre encore aujourd’hui des régimes dérogatoires en vigueur.
Pour des revenus annuels déclarés de 20 000 à 30 000 euros, l’impôt moyen s’élève à 3,6 %. Il atteint 9,1 % pour des revenus compris entre 50 000 et 100 000 euros et dépasse les 15,6 % pour les revenus compris entre 100 000 et 200 000 euros...
Mais, à la surprise générale, les foyers fiscaux – assez peu nombreux, il faut bien le dire – dépassant les 8 millions d’euros de revenus déclarés ne supportent qu’un taux moyen d’imposition inférieur à 13 %, signe des effets des outils d’optimisation fiscale à la disposition des ménages les plus aisés. Il y a là un paradoxe que nous tenions à souligner.
C’est bien aussi pour cela qu’il convient, à notre avis, de modifier quelque peu le barème de l’impôt sur le revenu et le rendre un peu plus juste.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous proposons d’adopter.
Mme la présidente. L'amendement n° I-253, présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Bertrand, Mme Laborde et MM. Barbier, Castelli, Esnol et Fortassin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer le montant :
9690 €
par le montant :
6011 €
II. – Alinéas 5 à 8
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« - 5,5 % pour la fraction supérieure à 6 011 € et inférieure ou égale à 11 991 € ;
« - 14 % pour la fraction supérieure à 11 991 € et inférieure ou égale à 26 631 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 26 631 € et inférieure ou égale à 71 397 € ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 71 397 € et inférieure ou égale à 151 200 € ;
« - 45 % pour la fraction supérieure à 151 200 €. »
III. – Les I et II du présent article sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2014.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Les deux amendements ayant trait à l’article 2 que le groupe du RDSE a déposés vont un peu à contre-courant : ils sont courageux et ne cèdent en rien au populisme !
Le premier vise à étendre l’impôt sur le revenu, le second a pour objet de supprimer certains avantages fiscaux dont bénéficient les journalistes qui ont les plus hauts revenus.
Pour ce qui est de l’amendement n° I-253, nous souhaiterions rétablir la première tranche de l’impôt sur le revenu, celle à 5,5 %.
L’impôt sur le revenu a été créé par un radical, Joseph Caillaux,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. … qui avait milité en 1914 pour cet impôt et occupa plus tard le fauteuil de président de la commission des finances du Sénat.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Un grand fauteuil que le mien !
M. Jean-Claude Requier. La bataille a été intense, car cet impôt général et progressif représentait une innovation majeure, même s’il ne concernait à l’époque qu’un nombre limité de ménages.
Quelle est la raison d’être de cet impôt sur le revenu ?
Je me permettrai de citer l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ». Contribution, telle était le nouveau terme employé pour l’impôt, car elle était censée être volontaire. « Elle doit être répartie entre tous les citoyens à raison de leurs facultés ».
C’est pourquoi le pourcentage de foyers non imposés à l’impôt sur le revenu – 51,5 % – serait amené à augmenter si l’article 2 était adopté en l’état.
Cet amendement, qui appelle également une véritable réforme fiscale dont on parle mais que l’on ne voit pas venir, n’entraîne ni la refonte du mécanisme de la décote ni l’indexation du barème sur l’inflation. Néanmoins, nous estimons que, pour respecter un principe républicain, tous les foyers doivent contribuer, même symboliquement, aux charges de la Nation.
Mme la présidente. L'amendement n° I-396, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Jarlier, Marseille et Canevet, Mme Iriti, MM. Zocchetto, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer le montant :
9 690 €
par le montant :
6 041 €
II. – Alinéas 5 à 8
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 041 € et inférieure ou égale à 12 051 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 12 051 € et inférieure ou égale à 26 764 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 764 € et inférieure ou égale à 71 754 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 71 754 € et inférieure ou égale à 151 956 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 151 956 €.
« … Pour les foyers fiscaux dont le revenu par part est inférieur à 6 041 €, le montant de l’impôt résultant de l’application des dispositions du présent 1 est diminué d’un montant égal à 12 % de la fraction de part de revenu supérieure à 0 € et inférieure à 3 000 €. Si l’impôt sur le revenu n’est pas dû ou si son montant est inférieur à celui de la diminution d’imposition, la différence est versée au foyer fiscal.
« Pour les foyers fiscaux dont le revenu par part est compris entre 6 041 € et 12 051 €, le montant de l’impôt résultant de l’application des dispositions du présent 1 est diminué d’un montant égal à 9 % de la fraction de part de revenu supérieure à 3 000 € et inférieure à 6 041 €. Si l’impôt sur le revenu n’est pas dû ou si son montant est inférieur à celui de la diminution d’imposition, la différence est versée au foyer fiscal. »
III. – Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
IV. – Après l’alinéa 18
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 200 sexies est abrogé.
V. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Je le disais, à nos yeux, l’impôt sur le revenu n’a pas qu’une vocation redistributive ou financière. Il a aussi une vocation citoyenne, de telle sorte que chacun doit pouvoir contribuer au financement des charges publiques.
Le présent amendement ne va cependant pas aussi loin, car nous proposons essentiellement de préserver la progressivité de l’impôt sur le revenu.
La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu au taux de 5,5 % se traduit par une accentuation de la progressivité de l’impôt sur le revenu pour les revenus compris entre 9 690 euros et 17 799 euros, donc pas de très gros revenus.
En effet, pour ces revenus, le taux marginal d’imposition s’élèvera à 28 %, alors qu’il était antérieurement de 21 %. Un taux marginal aussi élevé correspond à des revenus qui dépassent 50 000 euros.
Ainsi, le mécanisme proposé par le Gouvernement aboutirait à un impôt fortement progressif entre 9 690 et 17 799 euros, dégressif jusqu’à 50 000 euros, puis de nouveau progressif !
Par cet amendement, il est proposé de maintenir la première tranche, de supprimer la prime pour l’emploi qui, pour un coût de 2 milliards d’euros, est inefficace au regard de l’objectif fixé d’incitation au travail, de renoncer à la réforme de la décote, dont le coût est de 2,7 milliards d’euros avant indexation du barème – elle-même d’un coût de 0,5 milliard d’euros –, de créer un impôt négatif sur le revenu qui majorerait, d’une part, de 12 % les revenus compris entre 0 000 et 3 000 euros, soit une prime moyenne de 360 euros, et, d’autre part, de 9 % les revenus compris entre 3 000 et 6 000 euros, ce qui permettrait une prime de 273 euros par foyer.
Le coût de ces deux tranches serait de 5,6 milliards d’euros, et le coût de cette réforme, évaluée à 6,1 milliards d’euros – 5,6 milliards d’euros plus les 0,5 milliard d’euros d’actualisation du barème –, serait financé par la suppression de la prime pour l’emploi, évaluée à 3,94 milliards d’euros, et par la suppression de la réforme proposée, soit 3,2 milliards d’euros.
Cette réforme permettrait donc d’économiser 1 milliard d’euros tout en préservant l’esprit initial de l’impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-173, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
et inférieure ou égale à 300 000 €
II. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – 50 % pour la fraction supérieure à 300 000 €. » ;
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous proposons que les revenus les plus importants soumis au barème de l’impôt dans notre pays soient l’objet d’un taux de prélèvement de 50 %.
Certains ne manqueront pas ici de crier à l’impôt confiscatoire,…
M. Philippe Dallier. Le Conseil constitutionnel, surtout !
M. Thierry Foucaud. … mais je me permettrais de rappeler que le principe d’un impôt progressif est d’appliquer un taux différencié aux différents seuils de revenus. Or, dans la réalité des faits, nous sommes confrontés à la mise en œuvre de l’impôt confiscatoire ! En effet, les 50 % ne sont jamais, mes chers collègues, que l’équivalent des 60 % applicables aux revenus du barème antérieur à la réforme de 2006. En outre, nous avons même connu par le passé un taux marginal encore plus élevé, de 65 %.
De surcroît, comme nul ne l’ignore, le taux concerné ne s’applique qu’aux revenus effectivement soumis au barème, et chacun sait qu’il n’en est pas ainsi pour nombre de revenus...
Examinons maintenant brièvement les données transmises par le site « grand public » du ministère de l’économie et des finances, qui recueille nombre d’éléments chiffrés qu’il importe de porter, me semble-t-il, à la connaissance de tous.
Notre proposition vise concrètement, selon les données, tout ou partie des 64 244 foyers fiscaux – soit environ 0,17 % du total national – disposant d’un revenu supérieur à 300 000 euros. Cette six-centième partie de la population fiscale française capitalise 41 412,8 millions d’euros de revenus, soit 4,4 % du total des revenus déclarés. Les salaires déclarés ne représentent « que » – c’est une façon de parler – 12 439 millions d’euros, soit moins du tiers du total, et l’impôt que ces contribuables doivent aujourd’hui acquitter est de 8 772,6 millions d’euros, soit un prélèvement apparent de 21,1 % environ, fort éloigné de la confiscation...
Le relèvement de barème que nous proposons aura donc, nous le pensons, quelque effet positif sur la situation des comptes publics en accroissant de plusieurs centaines de millions le rendement de l’impôt sur le revenu.
Cette mesure concernera donc apparemment des contribuables dont les revenus ne proviennent pas tous, loin de là, de leur activité professionnelle ou de leurs mérites. (M. Éric Bocquet applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-53, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer le montant :
1 508 €
par le montant :
1 750 €
II. – Alinéa 16
1° Remplacer le montant :
1 135 €
par le montant :
1 045 €
2° Remplacer le montant :
1 870 €
par le montant :
1 720 €
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos I-172 rectifié, I-253, I-396 et I-173.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dès ce début d’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, nous entrons dans le vif du sujet ! Ces amendements très intéressants ont trait à l’impôt sur le revenu, certes l’un des impôts les plus importants dans le budget de l’État, mais qui a aussi subi, depuis 2012, le plus de hausses – environ 35 % d’augmentation du produit de l’IR – sous l’effet d’un certain nombre de mesures.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, dans le rapport général figure un magnifique graphique retraçant l’évolution du rendement de l’impôt sur le revenu depuis 2011.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, depuis 2011 ! Le produit de l’impôt sur le revenu s’élevait à 51 milliards d’euros en 2011, tandis qu’il atteindrait cette année 70 milliards d’euros. Évidemment, l’augmentation porte sur les années 2012, 2013, 2014 et 2015, pour les raisons que l’on connaît : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, les deux abaissements successifs du plafonnement du quotient familial, passant à 2 000 euros puis à 1 500 euros, la suppression d’un certain nombre de dépenses fiscales en faveur des salariés et des retraités, l’imposition des revenus du capital, etc.
Il convient en outre de tenir compte, en plus de ces réformes, des dispositions inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale – heureusement corrigées par le Sénat –, qui prévoyaient tout de même pour la première fois la modulation des allocations familiales en fonction du revenu.
L’ensemble de ces mesures se traduit par une hausse significative du produit de l’impôt sur le revenu, certes assortie d’une hyperconcentration de l’impôt. Or ce sont sans doute les familles avec enfant qui ont été les plus victimes des deux baisses successives de 2013 et de 2014 du plafond du quotient familial et de la modification du barème.
Par conséquent, le présent amendement tend à relever le seuil du barème fiscal actuel de 1 508 euros.
Très concrètement, et je répondrai ainsi aux préoccupations de Vincent Delahaye, la suppression de la première tranche profite certes à certains et entraîne une perte pour le budget de l’État, mais elle ne fait que revenir modestement sur des augmentations d’impôts que l’on a imposées aux Français depuis deux ans. Néanmoins, cela ne résout en rien le problème de l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu que j’ai évoqué à l’instant.
L’adoption du présent amendement, avec le relèvement du plafond du quotient familial à 1 750 euros par demi-part, compenserait en partie les effets des deux baisses successives du plafond du quotient familial qui ont entraîné, pour la seule année 2014, une hausse moyenne de l’impôt sur le revenu de 1 190 euros, soit une hausse significative pour ces familles.
Par conséquent, la perte de recettes attendue pourrait être compensée presque intégralement en jouant sur la décote. Néanmoins, 6,7 millions de foyers fiscaux demeureraient bénéficiaires des nouvelles décotes, pour un gain moyen de 247 euros. Parmi eux, 1,6 million de ménages deviendraient non imposables, 4 millions bénéficieraient d’un allégement d’impôt et 1,1 million auraient une restitution d’impôt plus élevée.
En résumé, en jouant sur la décote conjugale et la décote applicable aux personnes seules, et en relevant le plafond du quotient familial à 1 750 euros, on répartit mieux les effets de la réforme proposée par le Gouvernement au profit des familles, les vrais gagnants restant les ménages à revenus modestes.
Nous entamerons dans quelques instants le débat sur la suppression de la première tranche ou l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, qui sont des vrais sujets. Nous attendons un rapport très intéressant du Conseil national des prélèvements obligatoires sur la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée qui, je l’espère, nous permettra de travailler à un dispositif plus ambitieux.
Pour l’heure, l’adoption de cet amendement constituerait un signal fort en direction des familles, qui ont été les plus touchées par les hausses de la fiscalité successives.
J’en viens maintenant à l’avis de la commission sur les quatre autres amendements.
Sur l’amendement n° I-172 rectifié, la commission a émis un avis défavorable.
L’impôt sur le revenu est déjà, en France, extrêmement concentré. Je ne rappellerai qu’un chiffre : à eux seuls, 10 % des foyers fiscaux acquittent 70 % de l’impôt.
M. Thierry Foucaud. Pour quels revenus ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pourtant, ils ne concentrent pas 70 % des revenus. Ils ne représentent que 34 % de la masse imposable.
On l’observe ainsi, l’impôt sur le revenu est très fortement progressif. La création d’une tranche supplémentaire, que nos collègues du groupe CRC proposent, ne ferait bien sûr que renforcer cette caractéristique. On aboutirait en outre à un dispositif encore plus complexe qu’aujourd’hui.
M. Éric Bocquet. Rien n’est compliqué !
M. Thierry Foucaud. Vous ne savez pas comment faire ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur l’amendement n° I-253, je le dis d’emblée, il est tout à fait légitime de rester fidèle à la mémoire de Joseph Caillaux (Sourires.), que Mme André compte parmi ses prédécesseurs à la présidence de notre commission. (Mme la présidente de la commission des finances acquiesce.) On peut bien sûr avancer que tous les foyers doivent acquitter l’impôt. Mais il existe déjà un impôt pour ainsi dire universel : c’est la CSG. Nous débattrons certainement de l’avenir de cette contribution et de l’impôt sur le revenu.
Faut-il aller jusqu’à supprimer la tranche à 5,5 % ? C’est un véritable débat. Cela étant, à y regarder de près, cette mesure n’aurait qu’un impact relativement modeste, de l’ordre de 500 millions d’euros. Le Gouvernement l’a mise en avant, mais les mécanismes de décote auraient des effets beaucoup plus forts.
Dans la pratique, la mesure ne joue que pour les foyers fiscaux bénéficiant d’au moins une part et demie. Elle concerne donc très peu les célibataires et aide surtout les familles disposant de faibles revenus.
Nonobstant la perte que cet amendement infligerait aux recettes de l’État, la commission ne s’est pas prononcée en faveur de cet amendement.
L’amendement n° I-396 tend à mettre en œuvre des mesures beaucoup plus ambitieuses. Il s’agit non seulement de rétablir la tranche à 5,5 % mais aussi de renoncer à la réforme de la décote et de supprimer la prime pour l’emploi. Nous débattrons plus précisément de cette dernière piste dans quelques semaines, au titre du projet de loi de finances rectificative.
J’ajoute que cet amendement vise également à mettre en œuvre un impôt sur le revenu négatif.
À titre personnel, et à l’instar d’un certain nombre de membres de la commission, je souhaite moi-même une réforme plus ambitieuse que celle qui est proposée par le Gouvernement. L’impôt sur le revenu a vu son produit augmenter de 35 %. Mais il est limité par un certain nombre de dispositifs, de réductions et d’avantages fiscaux, même si ces derniers sont désormais largement plafonnés. Il se révèle très dissuasif pour certains et touche fortement les familles. On peut donc émettre bien des interrogations à son sujet et appeler à le réformer en profondeur.
Voilà pourquoi j’attends beaucoup du rapport que la commission des finances a demandé au Conseil des prélèvements obligatoires. Sur la base de ce document, nous pourrons sans doute formuler des propositions ambitieuses, aboutissant à la réforme de grande ampleur à laquelle appelle Vincent Delahaye, avec des effets peut-être plus mesurés.
Par ailleurs, divers transferts entre foyers fiscaux n’ont pas encore pu être évalués.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement au profit de celui de la commission, dans l’attente d’une réflexion plus approfondie.
Quant à l’amendement n° I-173, il tend, comme l’amendement n° I-172 rectifié, à instaurer un barème à neuf tranches en créant une tranche à 50 % pour les revenus supérieurs à 300 000 euros. Une tranche à 45 % existe déjà. Cette mesure, je l’ai déjà dit, accroîtrait la complexité de l’impôt et accuserait encore sa progressivité. Gardons en tête que 10 % des foyers fiscaux payent à eux seuls 70 % de l’impôt sur le revenu. On atteint aujourd’hui des taux assez dissuasifs.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mais je me tourne vers notre collègue Vincent Delahaye. Entendons-nous bien : vous posez, par votre amendement, une authentique question de fond, que je n’écarte nullement. Cela étant, nous devons être à même de mesurer précisément les conséquences de telles réformes. À cette fin, je souhaite que nous appuyions nos débats et nos travaux en commission sur les analyses du Conseil des prélèvements obligatoires, grâce auxquelles nous pourrons proposer un système plus juste, en particulier à l’égard des familles, que la commission cherche à soutenir par son amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, les propos qui viennent d’être tenus appellent, de ma part, un certain nombre de remarques. J’espère vous convaincre qu’il n’y a lieu d’adopter aucun de ces cinq amendements.
Pour certains, les impôts en général, l’impôt sur le revenu en particulier, seraient trop progressifs. Pour d’autres, ils ne le seraient pas assez. Vous le savez, le produit de l’impôt sur le revenu est de 60 milliards d’euros, contre 90 milliards d’euros pour la CSG et 150 milliards d’euros pour la TVA – ce sont bien entendu des ordres de grandeur.
Dans l’impôt global acquitté par les Français, le poids de l’impôt sur le revenu est donc relativement faible.
Cet impôt est-il progressif ? Oui !
M. Thierry Foucaud. Insuffisamment !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On s’en souvient, 10 % des contribuables versent 70 % de cet impôt. Environ 48 % des foyers l’acquittent, 52 % en étant donc exonérés.
Soyons honnêtes et raisonnables : tous, en tout cas beaucoup se sont indignés, au cours des années précédentes, et pas seulement depuis 2012, de voir de nombreux contribuables entrer dans l’impôt sur le revenu. On a pu relever que cette évolution emportait nombre de conséquences, en privant les foyers concernés de l’exonération ou de la réduction des taxes foncières, ou en les assujettissant à la contribution à l’audiovisuel public.
Par cet article, le Gouvernement opère effectivement un retour en arrière.
Monsieur le rapporteur général, pardonnez-moi si j’ai remis en cause tel chiffre ou telle année que vous avez cités hier à la tribune. Mais vous avez avancé que le produit de l’impôt sur le revenu avait augmenté de 35 % depuis 2010.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Depuis 2011 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Soit ! Mais, à ma connaissance, l’actuelle majorité gouvernementale n’est arrivée aux affaires que plus tard. Reconnaissons que l’augmentation de l’impôt sur le revenu n’a pas débuté au mois de mai 2012 et que l’on peut, sur cette base, discuter de l’impact des mesures adoptées par les uns et par les autres.
M. Philippe Dallier. À quelques mois près…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Dallier, je vous rappelle que la majorité de M. Sarkozy avait, avant 2012, pris un certain nombre de décisions dont les effets se sont fait sentir au cours des années suivantes. Je songe notamment à la suppression de la demi-part des personnes seules, plus communément appelée la « demi-part des veuves ».
Donnez-nous acte que les conséquences de ces mesures ne sont pas à porter à notre débit, mais plutôt au vôtre !
De surcroît, vous savez que l’impôt sur le revenu est acquitté avec un an de décalage. Ainsi, les décisions d’une année produisent leurs effets l’année suivante.
Restons donc prudents et plaçons clairement les chiffres en face des années et des décisions qui leur correspondent.
Monsieur Delahaye, je respecte votre position, mais je ne peux pas vous laisser parler de « bricolage », de « boîte à outils » ou de « mensonges ». (Protestations sur quelques travées de l'UMP.) Je ne l’accepte pas.
Mme Catherine Procaccia. La boîte à outils, c’était du plagiat !
M. Vincent Capo-Canellas. C’était vous !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Employer ces termes pour tourner en dérision l’action du Gouvernement ne me paraît pas opportun.
Vous mettez en cause l’ampleur de nos réformes.
Avons-nous réformé l’impôt sur le revenu ? Oui, et beaucoup ! Voilà pourquoi je n’accepte pas le terme de « bricolage ».
L’assujettissement des revenus du capital à cette imposition – M. Bocquet évoque régulièrement ce sujet, c’est même un de ses leitmotivs –, qu’il s’agisse des intérêts, des dividendes ou des plus-values, est bien à mettre au crédit de notre gouvernement.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Dès 2012 !
M. Éric Bocquet. Mais les capitaux partent au Luxembourg !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’agit d’une réforme essentielle et même fondamentale, que l’on a trop souvent tendance à oublier.
L’amélioration de la progressivité de l’impôt sur le revenu, grâce à une tranche d’imposition supplémentaire à 45 %, c’est aussi une mesure de ce gouvernement ! Ce n’est pas du « bricolage », c’est une décision politique, que nous assumons.
Peut-on aller au-delà ? L’amendement n° I-172 rectifié tend à créer une neuvième tranche assortie d’un taux de 50 %. Cela ne me semble pas possible, notamment pour des raisons constitutionnelles.
Certes, les taux d’impôt sur le revenu ont pu être, par le passé, plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui, mais il n’existait alors ni CSG ni CRDS. Or le Conseil constitutionnel l’a toujours dit : le total des divers prélèvements atteindrait un niveau jugé confiscatoire, et partant inconstitutionnel, au-delà d’un taux d’imposition de…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De 66 % !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … 66 % ou 68 %, suivant les décisions. J’ai déjà eu l’occasion de le rappeler à propos d’un autre amendement, lequel avait pour objet la taxation des retraites chapeaux.
À mon sens, une tranche d’imposition à 50 % serait, à coup sûr, frappée d’inconstitutionnalité.
M. Philippe Dallier. Exactement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Delahaye, je reviens sur les prétendus « mensonges » dont vous parlez. Selon vous, nous affirmons réduire les impôts mais, dans les faits, nous les augmentons. Je ne partage pas votre analyse.
Chacun sait que les revenus augmentent, en moyenne, dans notre pays, et c’est une très bonne chose.
M. Philippe Dallier. Ils n’augmentent pas pour tout le monde…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette progression est-elle insuffisante ou excessive ? À chacun d’apprécier.
Quoi qu’il en soit, il suffit de lire de temps à autre la presse spécialisée pour savoir que, dans notre pays, les revenus ont, en moyenne, crû plus vite que l’inflation. Je ne prétends pas que tous nos concitoyens ont gagné plus en 2014 qu’en 2013. Mais, globalement, le nombre de Français augmentant, et leurs revenus augmentant également, notre assiette imposable connaît une progression naturelle.
Les recettes de l’impôt sur le revenu progressent en volume. Mais le Gouvernement ne ment nullement en déclarant réduire cet impôt de 3,2 milliards d’euros.
Je le répète, cette réduction fiscale n’est pas payée par les uns pour les autres : sans disposition complémentaire, la suppression de la tranche à 5,5 % bénéficierait bel et bien à tous. Tel n’est pas le vœu du Gouvernement, et nous assumons cette position.
Nous souhaitons réserver cet allégement aux classes moyennes ou modestes. En conséquence, nous abaissons le seuil des tranches d’imposition suivantes, dans les proportions strictement nécessaires à la compensation de cette aide. Cette modification concerne les contribuables soumis aux tranches à 14 %, 30 %, 40 %, etc. Ceux-ci ne bénéficieront pas de la suppression de la tranche à 5,5 %, mais cette mesure sera, pour eux, d’une neutralité complète. Reste, pour le budget de l’État, un coût de l’ordre de 3,2 milliards d’euros.
J’ajoute une précision, qui pourrait peut-être vous conduire à réviser votre jugement : ces 3,2 milliards d’euros incluent la somme de 1,3 milliard d’euros votée, en 2014, au titre de la loi de finances rectificative.
L’amendement n° I-53, défendu par M. le rapporteur général au nom de la commission, tend à relever le plafond du quotient familial.
Le Gouvernement a modifié non le quotient familial en tant que tel mais son plafonnement. Il s’agit, là aussi, d’un choix que nous assumons et qui touche les 13 % des familles « les plus riches » – ces termes n’ont rien de péjoratif. Chacun pourra ergoter sur la définition des classes moyennes, en distinguant des classes moyennes, des classes moyennes supérieures, des classes aisées. Ces catégories restent subjectives, elles sont liées à l’appréciation de chacun.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas soutenir que la baisse du plafonnement du quotient familial a pénalisé les foyers modestes ou moyens ; nombre de tableaux statistiques montrent le niveau de revenus à partir duquel cette mesure a eu son effet.
Le Gouvernement est bien sûr défavorable à cet amendement.
Madame la présidente, pardonnez-moi d’être un peu long : il s’agit de cinq amendements importants et d’un sujet essentiel pour tout projet de loi de finances, à savoir l’impôt sur le revenu.
Certains amendements tendent à grever le budget de l’État. D’autres visent au contraire à l’alimenter.
Je vais simplement vous faire part de la lecture que nous faisons, sous cet angle, des amendements proposés, afin d’apporter au moins quelques corrections.
Monsieur Delahaye, vous avez prétendu que votre amendement était neutre, ou rapporterait au budget de l’État. Au passage, si cela devait se vérifier, j’observe que vous auriez alors contribué à alourdir l’impôt sur le revenu… Ce n’est toutefois pas le cas, car vous faites une erreur d’évaluation de la prime pour l’emploi. Je tiens à la corriger ici, car elle a été commise à plusieurs reprises, ici et ailleurs.
Vous affirmez financer votre amendement par la suppression de cette prime, dont vous évaluez le coût à près de 4 milliards d’euros. Or c’est faux. Je vous renvoie au tome II du fascicule d’évaluation des voies et moyens, et aux différents documents qui vont ont été fournis.
M. de Courson avait affirmé avec assurance que tous les documents établissaient le coût pour le budget de l’État de la prime pour l'emploi à 4 milliards d’euros. C’est faux ! Elle coûte 2,1 milliards d’euros, qui se décomposent ainsi : 1,8 milliard d’euros de restitutions, de remboursements, comme indiqué à la page 21 du tome II déjà cité, le reste étant une réduction d’impôt en faveur de ceux pour lesquels la prime pour l'emploi est déduite de l’impôt à payer. Quelque 15 % de ces 2,1 milliards d’euros sont donc attribués sous forme d’une réduction de l’impôt à payer, le reste sous forme d'un reversement.
Cette précision est importante. Le rapporteur général y a fait allusion, le débat sur la fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi dans un nouveau dispositif – cela fait aujourd’hui l’objet d’un article dans un grand journal du soir – nous conduira à développer ce point.
Le coût prévu de ce dispositif en 2015 étant 2,1 milliards d’euros et non 4 milliards d’euros, l’amendement proposé n’a pas l’effet financier qu’il lui prête, mais représente une perte pour l’État, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. Je suis curieux de savoir comment vous souhaitez la compenser, monsieur Delahaye !
Il me semble qu’il était important de porter ces éléments à votre connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur tous ces amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je souhaite dire un mot de l’appréciation que notre groupe porte sur l’amendement proposé par la commission des finances et présenté par notre rapporteur général.
Cet amendement nous semble loin de répondre à la question et d’épuiser les problématiques qui nous sont posées dans ce débat.
L’impôt sur le revenu est notre principal impôt progressif après avoir été, des dizaines d’années durant, l’objet d’une considérable controverse politique. Notre collègue Jean-Claude Requier évoquait l’histoire fiscale de ce pays, ce n’est pas inutile.
Créé il a cent ans, juste avant le début de la Première Guerre mondiale, il a connu une première réforme importante après la Libération, quand fut inventée la surtaxe progressive, avant la grande fusion des années soixante-dix en un seul et même barème.
Depuis cette date, l’impôt sur le revenu a continué d’alimenter la controverse politique. Certains, dans le débat public, mènent une véritable guerre à l’impôt et cherchent à le délégitimer en le combattant pied à pied.
Au stade où nous en sommes parvenus, deux événements majeurs ont mis en question l’impôt sur le revenu et posent donc encore question aujourd’hui.
Le premier, c’est la naissance de la contribution sociale généralisée, la CSG, resucée de l’impôt général sur les revenus, marginale à l’origine, mais qui occupe maintenant une place majeure dans notre paysage fiscal, ainsi que le prouvent les chiffres cités par M. le secrétaire d’État. Il s’agit désormais du principal impôt direct payé par les ménages, avec un rendement approchant les 100 milliards d’euros si l’on y ajoute son appendice, la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale.
Qu’on le veuille ou non, la CSG est aujourd’hui le premier étage d’un impôt sur le revenu dont le caractère progressif est de plus en plus contestable, et de plus en plus contesté.
La seconde attaque contre l’impôt sur le revenu a pris la forme de la réforme de 2006, qui a réduit le nombre de tranches et qui a fait bénéficier les plus hauts revenus de l’essentiel d’une baisse du rendement de l’impôt très inégalement partagée.
Nous avons aujourd’hui sous les yeux le résultat de ces attaques : pour maintenir un rendement minimal de l’impôt, les gouvernements successifs ont fait des choix plus ou moins acceptables de remise en cause de certaines des niches fiscales ou des conditions de calcul de l’impôt.
Je pense, par exemple, à la suppression de la demi-part supplémentaire des veufs et divorcés. Le gouvernement actuel n’en est certes pas responsable, mais il est responsable de ne pas en corriger les effets, alors que la possibilité existe, avec le dépôt d’un amendement en ce sens. Il en va de même du plafonnement des crédits et des réductions d’impôt, ou du quotient familial. Ces dispositions ont été prises sans résoudre le problème principal, celui de l’inégalité de traitement entre revenus du capital et revenus du travail ou assimilés, malgré quelques petites avancées il y a quelque temps.
Les débats qui nous attendent sur les articles à venir de cette loi de finances sont d’ailleurs toujours marqués par cette inégalité de traitement.
Le régime de taxation des plus-values n’a ainsi pas grand-chose à voir avec la justice fiscale et demeure assez éloigné d’une stricte application du barème de l’impôt, dans toute sa sécheresse.
La proposition de la commission - une petite majoration du plafond du quotient familial profitant a priori aux ménages dont le revenu rentre dans la vaste tranche d’imposition à 30 %, cœur du barème, et gagée sur une minoration des effets de la décote dont tirent parti les revenus les plus modestes -, reste d’ailleurs engoncée dans cette logique.
Les vrais sujets, nous les connaissons !
Il faut rendre le barème plus progressif et plus juste – l’extension de franchise, présente dans le texte du gouvernement, ne suffit pas – et il faut que l’assiette de l’impôt – j’y reviens - soit plus large. Nous ne voterons donc évidemment pas l’amendement de la commission, qui ne poursuit aucun de ces deux objectifs.
Il n’y a pas de surprise ici : la controverse entre la commission et le Gouvernement sur ce point n’est que cosmétique, les deux parties s’y entendant pour ne rien changer aux équilibres actuels de la fiscalité dans notre pays. Il est vrai qu’il est toujours plus facile de boucher les trous et de combler les déficits avec une TVA prétendument indolore, payée par le plus grand nombre, que de mener le combat incertain de la justice fiscale !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite intervenir également sur cet amendement n° I–53 de la commission, de façon moins technique que mon collègue Éric Bocquet, mais en restant au plus près des réalités.
Deux points sont incontestables, compte tenu de la situation : alors qu’il est difficile à l’État de diminuer la pression fiscale, les citoyens demandent que celle-ci n’augmente plus. C’est cela qui a été proposé par le Président de la République et par le Premier ministre.
Concernant l’amendement de la commission, il s’agit finalement de prendre 553 millions d’euros que le Gouvernement entend consacrer aux ménages les plus modestes, pour les flécher vers le quotient familial, afin d’améliorer le sort fait aux ménages aisés, et cela au prétexte que les citoyens ne payeraient pas l’impôt à la mesure de leurs facultés contributives.
Prenons l’exemple de quelqu’un qui, sans se trouver dans de grandes difficultés, gagne un peu plus que le SMIC. Il paye la TVA, la taxe d’habitation ; s’il a la chance, parce qu’il est en fin de carrière, d’avoir acheté un petit appartement, il acquitte aussi la taxe sur le foncier bâti, ainsi que la redevance audiovisuelle…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qui a augmenté !
M. Jean Germain. … et le carburant de sa voiture diesel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qui a augmenté !
M. Jean Germain. Est-ce qu’en pourcentage cette personne ne paye pas l’impôt ? Si ! Et sans doute beaucoup plus que d’autres !
Soyons attentifs : la seule raison politicienne ne permet pas de comprendre en profondeur les effets réels de ce qui a été fait.
Concernant le quotient familial, par exemple, nous acceptons les choix qui ont été faits et nous les assumons. Je rappelle qu’ils ont permis de financer plusieurs mesures en faveur de la famille, comme les réductions d’impôt pour frais de scolarité ou la hausse de l’allocation de rentrée scolaire de 25 %. Et ces mesures sont maintenues. Une partie des économies réalisées ont également bénéficié à la branche famille de la sécurité sociale.
Ensuite, que veulent vraiment les gens ? Il n’y a encore qu’un ou deux ans, combien de couples de retraités constataient qu’alors qu’ils ne payaient pas d’impôt auparavant, ils étaient désormais imposés ? Et tel salarié percevant une fois et demie le SMIC s’étonnait, alors qu’il travaillait, de devoir d’un coup payer l’impôt, alors que ses revenus étaient modestes. Cela s’expliquait par l’absence de revalorisation du barème de l’impôt, une mesure cachée, qui n’était pas du fait de ce gouvernement.
Avec le barème tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, un salarié qui gagne 1,2 SMIC, soit 1 357 euros, va voir son impôt baisser de 250 euros. Un couple avec deux enfants dont chacun des deux parents gagne 1,4 SMIC, soit 3 160 euros au total, donc appartenant à la classe moyenne, verra son impôt annulé, soit une économie de 160 euros.
Pour les gens, ce n’est pas du baratin, c’est du concret !
Un couple de retraités qui perçoivent chacun une petite retraite de 1,2 SMIC, c'est-à-dire deux fois 1 357 euros par mois au total – classes moyennes, encore une fois –, verra son impôt sur le revenu passer de 1 524 euros à 1 190 euros en 2015, soit une diminution de 22 %.
Dons, le Gouvernement n’accentue pas l’hyperconcentration de l’impôt, mais préfère, comme nous, une base plus large pour ceux qui peuvent contribuer et, pour le reste, l’application du barème tel qu’il existe.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement de la commission.
Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous en sommes aux explications de vote sur l’amendement n° I–172 rectifié proposé par le groupe CRC.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. J’écoutais M. le secrétaire d’État parler du produit de la TVA - 150 milliards d’euros -, de la CSG - 90 milliards d’euros -, et de l’impôt sur le revenu - 69 milliards d’euros -, en expliquant qu’il n’y avait pas, avant, de CSG ni de CRDS. Mais avant, monsieur le secrétaire d’État, la TVA était plus basse, et il y avait moins de chômeurs !
Aujourd’hui, la TVA est plus haute, le smicard d’hier, qui payait de la TVA, en paye un peu plus, et peut se retrouver au chômage et continuer de la payer : que l’on gagne cent ou mille, on paye exactement la même TVA. Voilà, l’explication de fond de notre amendement.
Alors, « eu égard à leurs facultés contributives », c’est bien le sens de notre amendement, qui s’inscrit très exactement dans le cadre de la justice sociale et de la justice fiscale !
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-172 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l'amendement n° I–396, présenté par le groupe UC.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, il s’agit du groupe UDI-UC !
L’UDI est une importante formation, que l’on n’évoque peut-être pas assez dans la vie politique française. Espérons que l’on en parlera un peu plus dans les semaines et les mois à venir ! (Sourires.)
M. André Gattolin. Grâce à vous !
M. Vincent Delahaye. Sur le fond, je ne souhaitais ni vexer M. le secrétaire d’État ni le faire sortir de ses gonds. Si j’ai parlé de « bricolage », c’était en réaction à la « boîte à outils » chère au Président de la République. Mais j’aurais aussi bien pu parler d’improvisation !
Quand la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu a-t-elle été décidée et par qui ? C’est le Premier ministre qui l’a annoncée, au lendemain des élections européennes.
Après l’échec de ces élections, le Premier ministre a sorti cette mesure de son chapeau, alors que l’on nous avait annoncé de grandes réformes fiscales, qui restent pour l’instant dans les limbes. On a donc l’impression que cette mesure est arrivée comme ça, d’un seul coup, pour faire plaisir à un certain nombre de personnes. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit une bonne façon de faire.
Concernant les chiffres, M. le secrétaire d’État indique que les revenus progressent d’une année sur l’autre. Je veux bien qu’ils augmentent peut-être de 1,5 % ou, tout au plus, de 2 %, mais de là à nous dire qu’il n’y aura plus d’impôts supplémentaires pour qui que ce soit à partir de 2015…
Monsieur le secrétaire d'État, le calcul est vite fait : 3,8 milliards d’euros sur 70 milliards, cela fait une progression de plus de 5 %. Si les revenus augmentent de manière naturelle dans une fourchette comprise entre 1,5 % et 2 % et que l’on escompte malgré tout 5 % de recettes supplémentaires, il y a une erreur de calcul. Soit il faut corriger les chiffres, soit il y aura effectivement des impôts supplémentaires pour un certain nombre de contribuables, qui le ressentiront.
Les membres du groupe UDI-UC s’associeront à l’amendement n° I-53 de la commission visant à relever le plafond du quotient familial, car les familles ont été mises à rude contribution. Même si quelques évolutions ont eu lieu, les familles ont, globalement, constitué, ces dernières années, la cible privilégiée de la politique fiscale, ce qui est, selon nous, injuste.
Toutefois, nous maintenons notre amendement, qui traduit notre conviction de fond. J’en conviens, on peut, à partir d’études complémentaires, réfléchir à cette question. La nouvelle majorité sénatoriale est aussi là pour faire des propositions et préparer l’avenir : à un moment, il faudra bien engager des réformes de fond ! (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Dans mon intervention sur l’article, j’ai dit pourquoi il fallait adopter l’article 2, en souhaitant que nous le votions à l’unanimité. Mais, après tout, s’il s’était agi d’améliorer cet article, nous aurions pu nous associer aux amendements nos I-396 et I-53 présentés respectivement par le groupe UDI-UC et par la commission.
Toutefois, je considère que ces deux amendements sont de nature à faire régresser la portée de cet article, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, d’après les chiffres dont nous disposons, visiblement, une proportion moindre de ménages et de contribuables bénéficierait de la sortie de l’impôt sur le revenu. À mon sens, cela constitue incontestablement une régression par rapport à l’ambition affichée par le Gouvernement au travers de cet article. Moins de personnes modestes profiteraient donc du dispositif proposé par le Gouvernement, ce qui est, me semble-t-il, inapproprié.
Ensuite, l’amendement que vient de défendre une nouvelle fois à l’instant M. Delahaye présente, à nos yeux, un grave inconvénient. Comme le mentionne la dernière phrase de l’exposé des motifs, cette réforme permettrait d’économiser 1 milliard d’euros ou, plutôt, 1,5 milliard, selon M. le secrétaire d’État - je ne sais pas si votre « boîte à outils » est suffisamment perfectionnée pour faire des simulations, mon cher collègue, mais il y a visiblement un gros écart entre les deux chiffres ! En tout cas, vous avez l’intention de permettre 1 milliard d’euros d’économies.
Ce que vous suggérez revient, en fait, à réduire de 1 milliard d’euros le pouvoir d’achat distribué aux catégories les plus modestes de notre pays !
C’est une raison supplémentaire de nous opposer à ces deux amendements, qui, je le répète, sont de nature à faire régresser la portée de l’article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux souligner l’intérêt de l’amendement n° I-396 : le groupe UDI-UC ose ici proposer une réforme d’ampleur. En effet, on a atteint les limites de l’impôt sur le revenu. On va être obligé de corriger en permanence cet impôt, avec des mécanismes de décote qui deviennent totalement illisibles et entraînent des effets de seuil.
De plus, la prime pour l’emploi suscite, on le sait, un certain nombre d’effets pervers. Ce dispositif est peu efficace. D’ailleurs, le Gouvernement envisage lui-même de le réformer.
En jouant non seulement sur la première tranche d’imposition, mais également sur l’ensemble du dispositif, cet amendement a le mérite de poser le débat.
À mon sens, il faut bien avoir conscience que son adoption entraînerait un transfert de revenus entre les catégories, et il conviendrait de bien en mesurer les effets. C’est pourquoi, tout en partageant l’intention des auteurs de cet amendement, à titre personnel, je ne le voterai pas à ce stade.
Nous avons la chance de pouvoir compter sur le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui doit nous être remis en janvier prochain et qui sera sans doute particulièrement approfondi. J’espère aussi que le Gouvernement voudra bien nous donner les chiffres et les résultats des simulations. Cette année, le temps a parfois manqué, même si la commission a pu tout de même disposer de simulations pour son amendement. Avec ces nouvelles informations, nous pourrons faire des propositions de plus grande ampleur.
Ici, l’intention des auteurs de cet amendement est bonne : ils démontrent que l’on a atteint les limites d’un système qui est très progressif, qui a largement touché les familles et dont le rendement a fortement augmenté depuis 2012, je le confirme, monsieur le secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux rassurer M. Delahaye : je ne suis pas susceptible et je n’ai pas été vexé ! Il est normal que le dialogue soit parfois un peu vif.
Permettez-moi de revenir sur deux ou trois points.
Pardonnez-moi de le dire brutalement, mais je considère qu’il est injuste et faux d’affirmer que le Premier ministre aurait décidé de supprimer la première tranche d’impôt sur le revenu comme cela, sur un coin de table, au lendemain des élections.
Je vais vous dire, monsieur le sénateur, comment cela s’est passé, sans trahir de secrets d’État.
Au début du mois d’août, vous vous en souvenez, le Conseil constitutionnel a annulé, à la plus grande surprise de certains d’entre nous, un dispositif de réduction dégressive des cotisations salariales de sécurité sociale qui devait bénéficier aux salariés modestes, pour un montant de l’ordre de 2 milliards d’euros. C’est à ce moment-là que l’idée a germé.
Nous nous sommes alors interrogés, au sein du gouvernement, au cœur de l’été, alors que tout le monde était à la plage – en tout cas, beaucoup ! –, sur la façon de « recycler », si je puis dire, cette mesure et la transformer en une réduction d’impôt. Nous avons travaillé sur cette question compliquée et avons examiné différentes hypothèses à la fin du mois d’août.
Même si elle n’a été rendue publique qu’un peu plus tard, cette mesure avait donc été très largement préparée et quasi finalisée par le Gouvernement bien avant que le Premier ministre ne l’annonce à la tribune de l'Assemblée nationale. Je m’en souviens parfaitement, car j’y étais, monsieur le sénateur, et je suis même intervenu le lendemain à la radio.
Je tenais simplement à vous dire la réalité ; en tout cas, la mienne, celle que j’ai vécue. À vous de voir si vous me faites confiance !
Par ailleurs, je veux rappeler les conséquences qu’entraînerait l’adoption de l’amendement auquel vous vous êtes rallié : vous reportez l’effet de la mesure proposée par le Gouvernement en faveur des personnes les plus modestes, celles qui se trouvent à l’entrée du barème de l’impôt sur le revenu, sur les personnes touchées par le plafonnement du quotient familial au-delà de 1 500 euros par demi-part.
Non seulement un nombre moins important de personnes en bénéficieront, monsieur le rapporteur général, comme le soulignait François Marc, mais il ne s’agira vraiment pas des mêmes catégories. C’est un choix politique. À vous de l’assumer, c’est votre problème !
Enfin, vous affirmez que la décote est moins lisible et qu’elle entraîne des effets de seuil.
Excusez-moi de le dire, la décote et la suppression de la première tranche ont été conçues pour simplifier la courbe d’entrée dans l’impôt sur le revenu.
Si l’on pouvait projeter des tableaux dans cet hémicycle… Mais il faut se plier au règlement ! (Sourires.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il va falloir moderniser le Sénat ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne vous ferai pas un dessin non plus ; cela ne ressemblerait à rien !
En tout cas, si je pouvais le faire, monsieur le sénateur, vous verriez aisément que la courbe est simplifiée.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je veux dire à mes collègues du groupe UDI-UC que le groupe UMP ne votera pas l’amendement n° I-396, s’il est maintenu, et je les invite à se rallier à l’amendement n° I-53, présenté par le rapporteur général, au nom de la commission.
Moi, je me méfie du « grand soir fiscal » qui nous est régulièrement annoncé. Au printemps dernier, j’ai fait partie du groupe de travail, réuni un peu dans l’urgence, que le Gouvernement avait mis en place parce qu’un certain nombre de Français avait découvert tout d’un coup que leurs impôts augmentaient. Le ras-le-bol fiscal était alors à son comble !
Les partenaires sociaux, les parlementaires, les services de Bercy ont donc réfléchi à différentes propositions.
Concernant la fusion entre le RSA et la prime pour l’emploi, tout le monde est à peu près d’accord sur ce point, et nous allons, selon moi, dans la bonne direction.
Concernant la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, il faut être beaucoup plus prudent ; j’ai l’impression que l’on peine à mesurer les effets pour chacun.
Quant au prélèvement à la source, c’est un véritable serpent de mer, mais il a brutalement disparu des radars ! D’ailleurs, je m’en réjouis, car on ne sait pas très bien de quelle manière nous mettrions ce mécanisme en œuvre.
Monsieur Marc, j’espère que vous êtes rassuré : nous n’avions pas l’intention de supprimer purement et simplement le dispositif du Gouvernement. Nous sommes dans une opposition constructive, à tel point que la proposition du rapporteur général ne creusera pas le déficit – nous restons dans l’enveloppe fixée par le Gouvernement -, mais nous voulons essayer de corriger le tir à l’égard des familles, très fortement touchées par les mesures que vous avez prises, à savoir la modulation des allocations familiales et la modification, à deux reprises, du plafond du quotient familial.
Il s’agit donc là d’une distribution différente de la même enveloppe, en faveur des familles que vous avez beaucoup pénalisées.
Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas l’amendement n° I-396, mais soutiendra l’amendement n° I-53.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il n’est effectivement pas possible de projeter de courbes dans l’hémicycle, monsieur le secrétaire d'État, et on peut le regretter, mais il suffit de lire le rapport de la commission, particulièrement instructif sur la progressivité de l’impôt et les réformes successives qui sont intervenues.
Ainsi que vient de le souligner mon collègue Philippe Dallier, nous assumons notre choix politique, celui de ne pas dégrader le solde – nous aurions pu diminuer l’impôt sur le revenu ! Nous souhaitons que la Haute Assemblée adopte ce projet de loi avec un solde amélioré. C’est une responsabilité que nous prenons.
En revanche, il nous semble impératif de revenir sur des mesures qui ont très largement touché les familles, comme cela a été dit.
Les abaissements successifs du plafonnement du quotient familial – 2 000 euros en 2013, puis 1 500 euros, en 2014 – combinés aux mesures relatives aux allocations familiales, corrigées – heureusement ! – par le Sénat, ont contribué à faire des familles les principales victimes de la politique fiscale du Gouvernement. Si la mesure relative aux allocations familiales était adoptée dans la version transmise par l’Assemblée nationale, ce sont 600 000 familles, je le rappelle, qui verraient le montant de leurs allocations familiales divisé par deux, par trois ou par quatre !
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter l’amendement de la commission, qui permettra une diminution effective de l’impôt pour les 1 038 000 familles qui ont été victimes des deux abaissements successifs du plafonnement du quotient familial. Il s’agit là d’une mesure non seulement symbolique, mais également forte en faveur des familles.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l'article.
M. Marc Laménie. L’article 2 du projet de loi de finances, que nous venons de modifier sur l’initiative de M. le rapporteur général, fixe pour l’année prochaine les modalités de l’impôt sur le revenu. Les discussions au sujet de cet impôt sont anciennes et, dans le rapport général, pas moins de trente pages concernent l’article 2 : preuve que l’impôt sur le revenu est important, ce que de nombreux collègues ont du reste rappelé.
M. le secrétaire d’État a insisté sur le rendement de cet impôt, c’est-à-dire sur les recettes qu’il rapporte à l’État ; tel est en effet l’objet de la première partie du projet de loi de finances. M. le rapporteur général a expliqué, avec une grande pédagogie, qu’il s’agissait d’un impôt progressif. Je vous rappelle que son produit a progressé de 35 % entre 2011 et 2014, pour atteindre 69 milliards d’euros, ce qui n’est pas une petite somme.
On a aussi parlé de justice. Le fait est que certaines personnes, qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu, le paient désormais. Or, même si le montant dû est faible en lui-même, devenir contribuable, outre que les déclarations ne sont pas simples à remplir, entraîne diverses répercussions, par exemple pour certains retraités et pour les locataires qui perçoivent des aides au logement.
Les modifications que nous venons d’apporter à l’article 2, sur la proposition de M. le rapporteur général, sont favorables au pouvoir d’achat, ce qui est important sur le plan de la justice fiscale et de la justice sociale. Je voterai donc cet article fondamental.
Pour le reste, les interventions de tous les orateurs montrent que, année après année, quel que soit le gouvernement, il est toujours aussi difficile de réformer l’impôt sur le revenu !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Organisation des travaux
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, nous sommes désormais en mesure de préciser le programme de nos travaux sur la première partie du projet de loi de finances, dont vous savez qu’elle doit être mise aux voix mercredi après-midi, si possible pas trop tard.
Je sais combien la semaine prochaine sera animée, du fait du congrès des maires, qui risque de vous retenir un peu les uns et les autres, mes chers collègues. (Marques d’approbation sur l’ensemble des travées.) C’est pourquoi, comme il nous reste 350 amendements à examiner, je vous propose de siéger demain, samedi 22 novembre, de 10 heures à 12 heures 30 et de 14 heures 30 à 18 heures. Remarquez que je ne propose de siéger ni demain soir ni dimanche, comme la conférence des présidents en avait prévu la possibilité ! (Marques de satisfaction sur l’ensemble des travées.)
Je pense, madame la présidente, que cette organisation nous permettra d’avancer correctement et de reprendre nos travaux lundi, à 10 heures, dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, qu’en pense le Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la présidente, le Gouvernement est à la disposition du Sénat ! (Exclamations amusées et applaudissements.)
Mme la présidente. Je vous en remercie, monsieur le secrétaire d’État.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour de la séance du samedi 22 novembre s’établit comme suit :
Samedi 22 novembre 2014
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 10 heures, à 14 heures 30 jusqu’à 18 heures :
- Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015) ;
-Suite de l’examen des articles de la première partie.
Articles additionnels après l’article 2
Mme la présidente. L'amendement n° I-282, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est abrogé.
II. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Le taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 est ainsi fixé :
« 1° Pour les revenus bruts annuels compris entre 0 euro et 13 200 euros, le taux effectif évolue linéairement de 0 % à 2 % ;
« 2° Pour les revenus bruts annuels compris entre 13 200 euros et 26 400 euros, le taux effectif évolue linéairement de 2 % à 10 % ;
« 3° Pour les revenus bruts annuels compris entre 26 400 euros et 60 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 10 % à 13 % ;
« 4° Pour les revenus bruts annuels compris entre 60 000 euros et 120 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 13 % à 25 % ;
« 5° Pour les revenus bruts annuels compris entre 120 000 euros et 480 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 25 % à 50 % ;
« 6° Pour les revenus bruts annuels compris entre 480 000 euros et 1 200 000 euros, le taux effectif évolue linéairement de 50 % à 60 %. » ;
2° Les II et III sont abrogés.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par une hausse du taux des contributions sociales mentionnées au I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale pour les revenus annuels supérieurs à 1 200 000 euros.
IV. – Le produit des contributions mentionnées au I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est réparti entre l’État et les organismes de sécurité sociale selon des modalités fixées par décret, sans modifier l’affectation des produits des contributions visées aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les écologistes sont très attentifs – je le dis sans malice – aux engagements de campagne du Président de la République. Or l’engagement n° 14 prévoyait « la fusion […] de l’impôt sur le revenu et de la CSG » en un grand impôt progressif, prélevé à la source, sur les revenus du capital et du travail, qualifié de « prélèvement simplifié sur le revenu », ou PSR.
Les écologistes, qui ne s’intéressent pas seulement à la fiscalité écologique, sont attachés à ce projet, non par suivisme ou par volonté de pousser le Président de la République à tenir ses engagements, mais parce qu’ils le prônent eux-mêmes depuis longtemps.
Comme il serait difficile de proposer par voie d’amendement une véritable fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, nous avons choisi de présenter un amendement tendant à supprimer l’impôt sur le revenu et à instaurer une CSG progressive, sans distinction entre retraités et actifs, ni entre revenus du travail et revenus du capital.
D’abord, l’impôt ainsi défini serait plus simple. Or la simplicité du système fiscal et sa lisibilité sont des déterminants primordiaux du consentement des citoyens à l’impôt. Ensuite, cet impôt serait plus juste et réellement progressif, alors que l’assiette de l’actuel impôt sur le revenu est littéralement mitée par les niches.
Les inégalités de revenus en France ont diminué jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, mais, depuis, la tendance s’est inversée. C’est ainsi que, en dix ans, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres n’a progressé que de 8 %, tandis que celui des 10 % les plus riches augmentait de 18 %.
Dans notre société globalement aisée, et même assez aisée par comparaison avec d’autres dans le monde, une telle évolution n’est pas acceptable. Parce que c’est notamment à la fiscalité d’y remédier, la grande réforme fiscale promise par François Hollande pendant la campagne présidentielle nous apparaît comme une bonne solution.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue propose une réforme vraiment ambitieuse, puisqu’il s’agit tout bonnement de supprimer l’impôt sur le revenu pour le remplacer par une CSG réformée.
Outre qu’on peut lui opposer des critiques de fond, notamment parce qu’il ne tient pas compte de la famille en excluant le quotient familial, le système proposé par M. Gattolin soulève deux problèmes juridiques considérables.
D’une part, le taux maximal de 60 % prévu par les auteurs de l’amendement se heurte à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : comme M. le secrétaire d’État l’a signalé à juste titre, des taux de cet ordre risquent d’être jugés confiscatoires.
M. André Gattolin. Les rédacteurs de l’amendement ont un peu forcé le trait, il est vrai !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’autre part, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 décembre 2000 relative à la loi de finances pour 2001, a jugé que l’ensemble des revenus du foyer fiscal devaient être pris en compte. Un impôt totalement individualisé, comme le serait la CSG proposée par M. Gattolin, poserait donc un problème juridique indépendamment même de son barème.
La commission des finances considère que la capacité contributive doit s’apprécier au niveau du foyer fiscal, et non au niveau de l’individu, et donc tenir compte des charges de famille. Dès lors, elle ne peut qu’être défavorable à un amendement visant à supprimer l’impôt sur le revenu pour lui substituer une CSG progressive qui ne tient pas compte de la composition de la famille.
Au demeurant, monsieur Gattolin, le barème proposé suffit à condamner votre système.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’ambition est une qualité. Seulement, monsieur Gattolin, votre proposition est vraiment très ambitieuse, sans compter qu’elle pose certains problèmes de fond : « familialisation » ou non, progressivité ou non, constitutionnalité d’une CSG qui ne tient pas compte de la situation familiale.
En ce qui concerne la jurisprudence relative aux taux confiscatoires, le Conseil constitutionnel a accepté des taux de l’ordre de 66 %, voire de 68 %, pour certains types d’impôt, en prévenant expressément qu’il n’admettrait pas des taux supérieurs.
Outre ces problèmes de fond, de nature juridique, le système proposé poserait un certain nombre de problèmes techniques s’agissant des modalités de recouvrement, dans la mesure où la CSG est perçue « au fil de l’eau », c’est-à-dire au moment où le revenu est perçu, tandis que l’impôt sur le revenu est levé avec une année de décalage.
En outre, il aurait pour effet de porter à la connaissance de l’employeur des informations sur la situation des salariés, en particulier le montant total de leurs revenus.
Toutes ces difficultés, qui sont considérables, ne peuvent pas être résolues par voie d’amendement.
Reste que votre ambition est légitime, monsieur Gattolin. Simplement, il est probable qu’elle se réalisera par étapes. La première étape consiste à supprimer le plus grand nombre possible de niches fiscales. Une autre est sans doute d’aller vers la retenue à la source de l’impôt sur le revenu (M. André Gattolin acquiesce.) ; ainsi l’obstacle technique que je viens de souligner sera-t-il levé. Par ailleurs, un vrai débat est nécessaire sur l’opportunité de « familialiser » ou non l’impôt.
À ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de revenir quelques instants sur la discussion que nous venons de tenir au sujet de l’article 2, pour vous sensibiliser, chiffres à l’appui, aux effets de l’amendement que vous venez d’adopter.
Un couple avec un seul enfant n’était touché par le plafonnement du quotient familial qu’à partir d’un revenu mensuel déclaré de 5 373 euros par mois, ce seuil étant de 5 854 euros par mois pour un couple avec deux enfants. Je maintiens donc que c’est à ceux-là que bénéficiera l’adoption de l’amendement n° I-53. Dans notre dispositif, étaient concernés ceux des contribuables qui franchissent le seuil de l’imposition, soit évidemment une catégorie de personnes tout à fait différente.
Pour revenir à l’amendement n° I-282, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Sans doute, la proposition que nous présentons par voie d’amendement au projet de loi de finances présente des limites. Peut-être aussi mes collègues rédacteurs de l’amendement ont-ils un peu forcé le trait en ce qui concerne le niveau d’imposition proposé. Ces points méritent d’être discutés.
En tout cas, les écologistes pensent qu’il faut fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ; il faut le faire sérieusement, en prenant le temps nécessaire, mais la réforme doit être engagée.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, nous sommes plutôt favorables à l’individualisation de l’impôt, les charges familiales devant être, dans notre esprit, compensées par les allocations familiales.
Mes chers collègues, figurez-vous que, depuis que je suis sénateur, je ne suis plus imposable sur le revenu ; je n’ai donc pas payé d’impôt l’an passé, non plus que cette année. Il faut dire que j’ai une charge de famille et que je suis parent isolé. J’ai même, cette année, reçu un chèque de remboursement de 33 euros, ce qui m’a fait soupçonner une erreur. Comme je suis un parlementaire consciencieux - je suis prêt à publier toutes les informations relatives à ma situation fiscale et à mes dépenses -, j’ai appelé le centre des impôts. On m’a répondu que je pouvais très bien refuser d’encaisser le chèque de remboursement du trop-payé - pour l’année où je n’avais rien payé ! -, ce que j’ai fait.
Sans doute les membres du groupe auquel j’appartiens reversent-ils une plus grande part de leur indemnité à leur parti, mais cet exemple assez étonnant montre à quoi peut conduire la prolifération des niches fiscales.
Cela étant, comme le disait notre collègue Jean-Claude Requier, l'impôt doit être payé par tout le monde, quand bien même il ne s’agirait que d’un euro symbolique. Même dans la misère, il importe que chacun puisse se dire que, oui, symboliquement, il participe à l’État.
Certaines situations aujourd’hui sont illisibles et incompréhensibles au regard de l’impôt sur le revenu, compte tenu de la manière dont il est calculé. Mais, pour en revenir à mon propre exemple, je paye heureusement de la TVA, de la CSG, des impôts locaux…
On peut toujours rechercher la justice sociale, mais on ne la trouvera pas à la lecture de l’impôt sur le revenu. Le système des tranches graduelles suscite, sinon de l’évasion, du moins de l’optimisation fiscale – je ne parlerai pas de la TVA qui, malheureusement, est relativement indolore.
Je veux bien qu’à une époque où tous les calculs se faisaient à la main ou à la calculette, le nombre de tranches ait été réduit, mais, à l’heure de l’informatique, on pourrait avoir un système plus régulier et plus ajusté. Aujourd'hui, de nombreux couples calculent au dernier moment le montant du don qu’ils feront à telle association ou non selon qu’ils seront susceptibles de changer ou non de tranche. Si cela n’est pas de l’optimisation fiscale – je veux bien que ce soit légal –, c'est quand même relativement inquiétant…
Je ne retirerai mon amendement, qui est un amendement d'appel, que pour nous exhorter à repenser très sérieusement l'impôt dans sa globalité, dans sa justice et sa continuité.
Oui, les tranches confèrent à l’impôt sur le revenu un caractère de plus en plus absurde au regard de la réalité des revenus et des besoins de redistribution. Et l’imposition par foyer n’est pas suffisamment individualisée ; cela pose également problème, et c'est pourquoi – si bizarre et étrange que cela puisse paraître – la CSG m'apparaît bien plus équitable que l’impôt sur le revenu. (M. Jean-Claude Requier acquiesce.)
Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l'amendement n° I-282 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-282 est retiré.
L'amendement n° I-398, présenté par Mme N. Goulet et M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 5 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont redevables d’une contribution de solidarité sur le revenu, les fonctionnaires internationaux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu. Cette contribution est fixée à 10 % du revenu des personnes assujetties. »
II. – Le Gouvernement remet avant le 1er juin 2015 un rapport au Parlement établissant la liste complète et l’affectation exacte des fonctionnaires internationaux de nationalité française.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement a vocation à soulever un problème spécifique d’équité fiscale.
Un certain nombre de conventions internationales prévoient de nombreuses exemptions fiscales. Ainsi, les fonctionnaires internationaux sont soustraits à l’impôt sur le revenu, ce qui peut apparaître comme une situation particulièrement privilégiée au regard de celle de l’ensemble de nos concitoyens en cette période de crise et de forte hausse des prélèvements obligatoires.
Bien évidemment, il s’agit d’un amendement d’appel. Une disposition législative ne saurait en effet aller à l’encontre d’un traité international. Nous avons toutefois souhaité revenir sur ce sujet puisque, l’an dernier, cet amendement avait déjà été déposé sur la première partie du PLF. Nous avions alors convenu que le Gouvernement nous fournirait un certain nombre d’informations quant à la typologie des exonérations existantes, au nombre des fonctionnaires concernés et à leur grille de rémunération.
Force est de constater que le rejet de la première partie du PLF pour 2014 a entravé la transmission de ces données. Aussi profitons-nous de cet amendement pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de nous renseigner plus avant sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vincent Delahaye vient d’indiquer qu’il s'agit d’un amendement d'appel, et il ne saurait en être autrement : les articles 34 et 38 de la convention de Vienne exonérant d’impôts les diplomates et un certain nombre de fonctionnaires internationaux, cette question ne peut être abordée que dans le cadre des traités que la France a signés.
Mais elle mériterait, pour le moins, une explication du Gouvernement sur les catégories de fonctionnaires concernés, le nombre de bénéficiaires, et sur une éventuelle volonté de parvenir, à leur endroit, à une certaine forme d’imposition.
Si la question ne se pose évidemment pas pour les diplomates, elle peut être posée pour un certain nombre de fonctionnaires internationaux, par exemple ceux qui sont installés à Paris – je pense aux fonctionnaires de l’OCDE, et de l’UNESCO. On peut en effet se demander si ces exonérations ont toujours un sens pour des personnes en poste dans leur propre pays…
Avant que l’auteur de cet amendement ne le retire, ce qu’elle lui demande, la commission souhaite entendre le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On nous a dit qu’il s'agissait d’un amendement d’appel : c’est chose faite, l’appel a bien eu lieu ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, communiquer la liste des fonctionnaires internationaux par organisation internationale ainsi que les dispositifs fiscaux les concernant présenterait des difficultés liées au secret fiscal, surtout eu égard au nombre de personnes concernées, parfois réduit.
En revanche, les commissions des finances – en la personne, au Sénat, de sa présidente et de son rapporteur général – peuvent évidemment demander ce type d’informations. Le Gouvernement fera en sorte qu’ils en disposent, lui qui s’efforce toujours, d’une façon générale, de répondre à chacune de leurs demandes.
Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l'amendement n° I-398 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-398 est retiré.
L'amendement n° I-415, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, l'année : « 2014 » est remplacé par l’année : « 2015 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-15, présenté par MM. Gorce, Aubey, Néri et Todeschini, Mme Emery-Dumas, MM. Masseret, Tourenne, Antiste, Lalande, Poher et Jeansannetas, Mmes Claireaux et Jourda et MM. Cabanel, Sueur et Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du a) du II de l’article 44 quindecies du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Cette exonération est limitée aux seules primo-installations dans les zones mentionnées au I. »
La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai ensemble les deux amendements nos I-15 et I-14.
Ces amendements visent à limiter les abus de certains praticiens qui, installés en zone de revitalisation rurale, la quittent pour une autre ZRR dans le seul but d’obtenir des exonérations d’impôt sur les revenus commerciaux.
Nous proposons, ici, de limiter ces exonérations d’impôt sur les revenus commerciaux des praticiens aux seules primo-installations. L’objectif est surtout, je vous le rappelle, de garantir l’équilibre des territoires et de lutter contre les « déserts médicaux ».
Mme la présidente. L'amendement n° I-14, présenté par MM. Gorce, Aubey, Néri et Todeschini, Mme Emery-Dumas, MM. Masseret, Tourenne, Antiste, Lalande, Poher et Jeansannetas, Mmes Claireaux et Jourda et MM. Cabanel et Sueur, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 44 quindecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« c) si l’entreprise individuelle dont le siège social ainsi que l’ensemble de son activité et de ses moyens d’exploitation sont implantés dans les zones mentionnées au I déménage pour s’implanter dans une autre zone mentionnée au I dans un périmètre de moins de 100 kilomètres. »
La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Nous avons souhaité, avec cet amendement, attirer l’attention du Gouvernement sur le dispositif d’exonération d’impôt sur les revenus commerciaux des praticiens en zones de revitalisation rurale.
Comme vous le savez, ce dispositif permet aux praticiens de bénéficier d’une exonération de l’impôt sur le revenu à hauteur de 100 % les cinq premières années, puis de manière dégressive les trois années suivantes.
Cette exonération ne s’applique pas dans plusieurs cas : reprise d’activité par un conjoint, ascendant, descendant, frère, sœur ; extension d’activité ; transfert d’activité si le praticien a bénéficié d’une exonération au cours des cinq dernières années…
Or certains praticiens, installés depuis de nombreuses années en zone de revitalisation rurale, semblent avoir trouvé une faille dans le dispositif pour profiter d’un effet d’aubaine. Par exemple, mes collègues sénateurs de la Nièvre ont observé que des praticiens installés dans le nord de leur département avaient déserté certaines villes pour s’installer dans le département limitrophe de l’Yonne, à quelques kilomètres de leur ancien cabinet…
Au-delà de la difficile réorganisation sanitaire à laquelle les collectivités doivent faire face, cette nouvelle installation est apparentée à une primo-installation et permet à ces praticiens de bénéficier d’une défiscalisation sans, pour autant, perdre leur patientèle.
Je tenais à vous faire part de cette expérience précise, de manière à améliorer le dispositif, en particulier entre des territoires limitrophes. Dans cette perspective, mon amendement tend à interdire l’exonération fiscale au titre d’une ZRR pour toute nouvelle implantation d’un même praticien dans un périmètre de 100 kilomètres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-15 et I-14 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À écouter l’auteur de ces amendements, il me semble que le problème soulevé est plus celui de l’application de la législation dans quelques cas limités – ils ne sont d'ailleurs pas remontés à la commission – que celui du droit applicable lui-même.
C'est pourquoi la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement, pour savoir s'il y a lieu de modifier le dispositif existant. Si les cas évoqués sont extrêmement marginaux, il s’agira plutôt de savoir comment lutter contre les abus éventuels.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces deux amendements sont proches.
Je vous indique d'abord que le régime d’exonération d'impôt sur les bénéfices applicable dans les ZRR comporte déjà plusieurs mesures anti-abus.
Par exemple, le régime d’exonération mentionné à l’article 44 quindecies du code général des impôts permet d’éviter les reprises par soi-même, d’exclure les reprises d’entreprises individuelles par un membre du cercle familial et d’exclure les créations ou reprises d’activité consécutives à des transferts d’activité ayant précédemment bénéficié d’un dispositif de faveur, que ce soit dans une ZRR, une ZFU – zone franche urbaine – ou dans une zone de restructuration de la défense. Le contribuable ne peut alors bénéficier de l’exonération dans la nouvelle zone que pour la durée restant à courir.
Il ne semble donc pas, madame la sénatrice, que la situation que vous décrivez soit avérée.
Par ailleurs, je vous signale que le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoira de proroger d’un an le régime d’exonération visé. Il s'agira aussi de prendre en compte la refonte du zonage – ce sont les conclusions des assises de la ruralité. Cela permettra, je crois, une remise à plat des différents dispositifs d’aide.
Quoi qu’il en soit, il ne me paraît pas opportun d’adopter ces amendements – franchement, ils se rapportent à des cas marginaux – pour déboucher sur une disposition d’application exceptionnelle et, me semble-t-il, quelque peu étonnante.
Le dispositif anti-abus qui figure dans la loi et dans les instructions permet déjà d’éviter les situations que vous décrivez. Je demande donc le retrait des amendements nos I-14 et I-15, à défaut de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote sur les amendements nos I-15 et I-14.
M. Michel Bouvard. Après avoir entendu le Gouvernement, je pense que je voterai contre ces deux amendements. J’ai bien compris la position du secrétaire d’État : il y aura des dispositions dans le PLFR ainsi qu’une reprise du zonage, et c'est une bonne nouvelle.
En effet, monsieur le secrétaire d’État, deux problèmes se posent aujourd'hui sur les mesures en faveur des ZRR.
D'abord, on rencontre de nombreuses difficultés pour parvenir à une consolidation de ces mesures et à une appréciation de leur efficacité fiscale. Le rattachement d’un certain nombre de dépenses fiscales a ainsi été modifié l’an dernier au profit de la politique des territoires – c'est une bonne chose -, mais il reste encore à faire pour que ce soit le cas de la totalité de ces dépenses.
Surtout, je pense qu’il est temps qu’un dispositif qui date de la loi Pasqua de 1995, à laquelle j’ai d'ailleurs contribué, soit remis à plat pour être adapté aux circonstances, qui ont évolué.
Pour toutes ces raisons, et contrairement à mon intention première de renouveler mon vote de commission, je voterai contre les amendements nos I-15 et I-14.
Mme la présidente. L'amendement n° I-177, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 80 quinquies, les mots : « de la fraction des indemnités allouées aux victimes d’accidents du travail exonérée en application du 8° de l’article 81 et des indemnités » sont remplacés par les mots : « des indemnités qui, mentionnées au 8° de l’article 81, sont allouées aux victimes d’accidents du travail et de celles » ;
2° Au 8° de l’article 81, les mots : « à hauteur de 50 % de leur montant ainsi que les » sont supprimés.
II. – Le I s’applique pour les rentes versées au titre de l’année 2014.
III. – L’article 85 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est abrogé.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nul ne sera surpris que cet amendement exprime une position constante de notre groupe. Il concerne en effet la fiscalisation des indemnités versées aux accidentés du travail, à laquelle nous sommes radicalement opposés depuis qu’elle a été introduite par la loi de finances pour 2010.
Cette mesure, profondément injuste à nos yeux, et dont le produit est au demeurant minime – 355 millions d’euros –, continue logiquement de susciter l’indignation d’une très grande majorité de Français, toutes tendances politiques confondues.
Les accidentés du travail ne sont pas des privilégiés, et un accident du travail ne se produit jamais parce qu’on a décidé qu’il se produise.
Ces salariés, hommes et femmes, dont la vie bascule à la suite d’un accident survenu sur leur lieu de travail et qui en gardent trop souvent la trace dans leur chair, n’étaient pas les heureux bénéficiaires d’une niche fiscale qu’il fallait supprimer au nom d’un prétendu « rendez-vous d’équité » ou du faux argument de l’alignement du traitement de tous les revenus de remplacement.
Cette fiscalisation et le discours politique qui l’a accompagnée sont venus nier le statut de victimes de ces salariés dans le but de récupérer, sur leur dos, de bien maigres sommes.
L’argument suivant lequel il s’agit de traiter de la même manière tous les revenus de remplacement ne tient pas, ni juridiquement ni moralement : les indemnités journalières versées aux accidentés du travail et celles qui sont attribuées aux salariés en arrêt maladie ou en congé de maternité ne sont pas de même nature, eu égard au motif – appelé aussi « fait générateur » – qui en occasionne le versement. Le salarié victime d’un accident du travail n’a pas pu se soustraire à l’accident survenu « par le fait ou à l’occasion du travail ».
Enfin, rappelons que les indemnités versées en cas d’arrêt maladie ou de congé de maternité sont financées par des cotisations salariales et constituent donc une forme de salaire différé susceptible d'être fiscalisé en tant que tel – contrairement aux cotisations –, quand les indemnités d’accident du travail ne sont financées que par des cotisations patronales modulées à raison de la dangerosité de l’activité professionnelle exercée.
Le versement des indemnités pour accident du travail a donc un caractère effectif d’indemnisation et de réparation d’un dommage, quand bien même l’arrêt de travail ne serait que temporaire.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de justice sociale et fiscale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut saluer la constance du groupe CRC sur ce sujet.
Les malades ne sont pas davantage des privilégiés que les accidentés du travail, pourtant les indemnités journalières qu’ils perçoivent sont soumises à l’impôt sur le revenu.
Les indemnités journalières pour accident du travail sont déjà en partie défiscalisées, puisqu’elles sont imposables à hauteur de 50 % de leur montant. La suppression des dispositions introduites par la loi de finances pour 2010 entraînerait un coût trop important : la commission a émis un défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° I-236, présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Bertrand, Mme Laborde, M. Barbier, Mme Malherbe et MM. Fortassin, Castelli et Esnol, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux dont le revenu brut annuel n’excède pas 62 340 €. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent projet de loi de finances comporte un effort inédit de réduction des dépenses et des dotations aux administrations d’État, aux opérateurs de l’État et aux collectivités locales.
Dans ce contexte, il nous paraît approprié de s’interroger sur la pertinence de certaines niches fiscales, même si, comme l’affirmait l’ancien Président de la République Jacques Chirac, dans chaque niche se cache un chien méchant ! (Sourires.)
M. Michel Bouvard. C’étaient les mots d’Alain Lambert !
M. Jean-Claude Requier. La multiplication de ces niches contribue en effet à la complexité et au manque de lisibilité de notre système fiscal.
Avec cet amendement, nous ambitionnons de réformer l’exonération partielle d’impôt sur le revenu dont bénéficient les journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux au titre du 1° de l’article 81 du code général des impôts.
Une telle disposition peut se comprendre pour les jeunes journalistes et les pigistes, soumis à une forte insécurité de l’emploi dans un secteur en difficulté. Cependant, son application automatique à l’ensemble des professionnels du secteur, quels que soient leurs revenus, est incompréhensible et particulièrement injuste.
Le présent amendement vise donc non pas à supprimer totalement cette niche, mais à en réserver le bénéfice aux personnes ayant des revenus peu élevés, c’est-à-dire dont la rémunération n’excède pas 4 000 euros nets par mois.
Un amendement identique avait été adopté par notre assemblée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014. Puisse le Sénat, dans sa sagesse, adopter de nouveau ce dispositif aujourd’hui !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un sujet que nous connaissons bien au Sénat et dont nous pourrions discuter longuement. S’agit-il de la prise en compte de frais professionnels, ou d’une forme d’aide à la presse ?
Réserver le bénéfice de l’exonération partielle aux titulaires de revenus mensuels inférieurs à 4 000 euros nets me gêne un peu, car cela risque d’entraîner des effets de seuil assez importants.
Comme je le disais, nous pourrions débattre longuement de la pertinence de cette niche, dont la portée a déjà été limitée par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. En tout état de cause, la commission a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce dispositif particulier a été instauré par l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 1998, en contrepartie de la suppression de la déduction forfaitaire supplémentaire de 30 % pour frais professionnels qui existait depuis 1934.
Cette exonération vise à prendre en compte de manière forfaitaire la spécificité de l’activité des journalistes, qui ne peuvent aisément faire état de leurs frais professionnels réels et justifiés.
Conditionner, comme il est proposé, le bénéfice de cette exonération à un seuil de revenus introduirait une rupture d’égalité devant les charges publiques. Pour cette raison, une telle mesure souffre, à mon avis, d’une fragilité constitutionnelle.
La sagesse du Sénat devrait donc le conduire à rejeter cet amendement : on ne peut conditionner une réduction d’impôt à un niveau de revenus. Cet argument de forme vient s’ajouter à celui de l’effet de seuil qu’évoquait le rapporteur général. Le Gouvernement est clairement défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je voterai cet amendement, même s’il présente un risque d’inconstitutionnalité. S’il est imparfait, la commission mixte paritaire pourra toujours en améliorer le dispositif. Il s’agit de lancer un signal.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-236.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-174, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 2° bis de l'article 81 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les majorations de retraite ou de pension pour charge de famille ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de pension versées aux retraités ayant accompli une carrière professionnelle et élevé au moins trois enfants compte parmi les dispositions ayant été introduites en fin de course, si j’ose dire, dans la loi de finances pour 2014 – non pas par le Sénat, qui avait rejeté la première partie de ce texte.
Cette mesure représentait un coût fiscal de 1,2 milliard d’euros, pour pas moins de 3 millions de contribuables concernés, soit un montant moyen d’exonération atteignant la somme extraordinaire de 400 euros par foyer fiscal…
Si les intentions initiales de ceux qui mirent en place la mesure étaient assez éloignées de nos conceptions du monde, il est assez clair que, avec le temps, ce sont les femmes ayant accompli des carrières professionnelles complètes qui ont été les premières concernées par la mise en œuvre de ces dispositions particulières du code général des impôts.
En fait, la suppression cette exonération s’est conjuguée – et ce sera encore plus sensible demain, ce qui ne manquera pas d’anéantir les effets de l’aménagement du barème prévu à l’article 2 – à la hausse de la CSG pour les retraités, à la réduction du quotient familial et à la poursuite de l’allongement progressif de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Pour quelques dizaines d’euros en plus au titre de l’article 2 – pas plus de 220, ne l’oublions pas –, combien de CSG en plus, combien d’impôt en plus, combien de pension en moins dans quelques années ?
Par ailleurs, nous n’avons pas souvenir que les 1,2 milliard d’euros de dépense fiscale ainsi « économisés » aient profité dans une mesure quelconque aux publics visés. En effet, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont ils constituaient l’une des dépenses fiscales, n’augmenteront en 2015 que du fait d’un changement de nomenclature comptable du RSA…
Il s’agit donc d’une simple opération de récupération de recettes fiscales sur le dos de 3 millions de contribuables, souvent modestes, effectuée à l’issue de la promulgation de la loi de finances pour 2014.
Cet amendement tend donc à revenir sur ce choix particulièrement critiquable du point de vue de l’égalité fiscale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement, même si nous reconnaissons volontiers que la suppression de l’exonération en question a été beaucoup trop brutale et a pris de court près de 4 millions de foyers fiscaux. Cette décision a sans doute été insuffisamment préparée et mesurée.
Toutefois, peut-on aujourd’hui, au regard de la situation budgétaire dans laquelle nous nous trouvons, rétablir purement et simplement une dépense fiscale de 1,2 milliard d’euros ? La commission a estimé que ce ne serait pas raisonnable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement rejoint l’analyse du rapporteur général.
J’ai été surpris d’entendre M. Bocquet parler de hausse de la CSG pour les retraités. Je tiens à redire que les taux de CSG applicables aux pensions de retraite restent parfaitement identiques à ce qu’ils étaient. Il n’y a pas de hausse de la CSG pour les retraités, même si on ne cesse d’affirmer le contraire.
Le Gouvernement est défavorable au rétablissement d’une dépense fiscale de 1,2 milliard d’euros : ce n’est pas dans nos moyens.
Mme la présidente. L'amendement n° I-252, présenté par MM. Mézard, Requier, Collin, Barbier, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Castelli, Arnell et Bertrand, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 241-16, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions du même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;
2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement quelque peu atypique repose sur une approche pragmatique et tend à revenir sur une décision qui ne nous semble plus pertinente dans le contexte actuel d’une amorce de reprise.
En effet, si défiscaliser les heures supplémentaires pourrait sembler injuste dans l’idéal, il en va différemment en l’état actuel de notre fiscalité et de notre économie.
Comme je l’ai exposé en défendant un précédent amendement visant à rétablir la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, les sénateurs du groupe du RDSE militent en faveur d’une grande réforme de la fiscalité des ménages. Ce n’est pas la voie qui a été choisie ; c’est la raison pour laquelle nous proposons une mesure alternative.
L’article 3 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 a supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires. Or il apparaît que cette disposition, dans le contexte d’une éventuelle fragile reprise, est de nature, même si elle n’est pas destinée à être permanente, à donner un coup de fouet à l’activité des entreprises, ainsi qu’au pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Je le répète, cet amendement n’est pas inspiré par un quelconque calcul politicien. Il résulte d’une analyse réaliste des besoins de nos entreprises et des Français, qui ont exprimé un « ras-le-bol » fiscal. Il est de notre devoir de les entendre. Nombre d’entre eux ont vu leur imposition augmenter alors que, dans le même temps, leur salaire stagnait.
Ce coup de pouce à la demande ne permettra pas, à lui seul, de relancer la croissance. Il constituera cependant une bouffée d’air pour de nombreux ménages.
Quant à nos entreprises, beaucoup sont confrontées à un ralentissement des prises de commandes ; d’autres, au contraire, constatent une amélioration de leur activité, fragile mais réelle. C’est à ces dernières que les dispositions du présent amendement tendent à redonner des marges de manœuvre.
Mes chers collègues, nous vous proposons d’exonérer à nouveau les heures supplémentaires d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a sans doute été une erreur. Elle a en tout cas représenté une perte de pouvoir d’achat pour les quelque 9 millions de salariés qui en bénéficiaient.
Nous avons tout à l'heure évoqué la hausse de 35 % du produit de l’impôt sur le revenu : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a très largement contribué à cet alourdissement, qui a induit une perte de pouvoir d’achat.
Néanmoins, la commission n’est pas favorable à cet amendement, pour deux raisons.
Tout d’abord, le rétablissement de l’exonération coûterait 1 milliard d’euros, auxquels s’ajouteraient 1,5 milliard d’euros de pertes de cotisations sociales, soit un coût total de 2,5 milliards d’euros pour nos finances publiques.
Au-delà, il convient surtout de s’interroger, me semble-t-il, sur la durée du temps de travail et la productivité dans notre pays. Ce serait sans doute plus pertinent et courageux aujourd’hui, compte tenu du déficit de compétitivité de la France.
Pour ces raisons, la commission n’a pas souhaité suivre les membres du groupe du RDSE, même si elle admet que supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires fut une erreur. L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Était-ce une erreur de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires ? Pour notre part, nous ne le pensons pas, bien sûr.
Je dois dire que je suis un peu étonné de la tournure de ce débat. Tout à l’heure, on nous disait qu’il faudrait instaurer un impôt citoyen, qui soit payé par tout le monde, et voici maintenant que l’on suggère d’exclure certains revenus de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Pourquoi, d’ailleurs, cette exonération s’appliquerait-elle aux heures supplémentaires travaillées, et non pas aux cinq premières heures de travail, par exemple, comme l’avaient imaginé certains esprits créatifs pour inciter à la reprise d’activité ?
Personnellement, je ne vois pas au nom de quoi les salaires versés au titre des heures supplémentaires mériteraient davantage d’être exonérés d’impôt sur le revenu que d’autres ! Je ne comprends pas ce raisonnement. C’est une raison fondamentale qui m’amène à être défavorable à cette mesure, en dehors de son coût.
M. Jean-Claude Requier. Ce serait une mesure ponctuelle !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quant à l’argument relatif à l’assouplissement du droit du travail, il me semble que, depuis quelques années, beaucoup de flexibilité a été introduite dans celui-ci pour permettre aux entreprises de répondre à des besoins de pointe. D’ailleurs, rien n’interdit de recourir aux heures supplémentaires, bien au contraire ! Bien sûr, leur rémunération est encadrée, car le travail accompli au-delà de la durée légale doit faire l’objet d’une rémunération spécifique.
Je n’arrive vraiment pas à comprendre au nom de quoi on exonérerait ce type de revenus. Le Gouvernement, vous l’aurez compris, monsieur Requier, ne peut être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je rejoins l’analyse de M. le secrétaire d’État : je ne vois pas non plus pourquoi les heures supplémentaires seraient défiscalisées.
J’aimerais d’ailleurs qu’une étude sur l’efficacité d’une telle mesure en matière d’emploi puisse être réalisée. Les propos de M. le rapporteur général sur la durée du travail en France font écho à ceux de M. Gattaz,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et de M. Macron !
M. Daniel Raoul. … mais j’aimerais que l’on regarde de plus près ce qui se passe en Allemagne. J’y ai effectué deux missions, en particulier dans le milieu industriel. Je peux témoigner que, même dans les grandes industries bien connues, qui exportent notamment des véhicules vers la France, le temps effectif du travail s’établit entre 29 et 32 heures par semaine au maximum, bien en deçà de la durée légale. Sachant cela, on ne peut que s’interroger sur l’opportunité d’augmenter la durée légale du travail.
Je le redis, j’aimerais beaucoup savoir si la défiscalisation des heures supplémentaires a eu un effet positif sur l’emploi dans la production.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’était une mesure de pouvoir d’achat !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je trouve que le débat prend une drôle de tournure…
Je voudrais rappeler que la défiscalisation des heures supplémentaires était une mesure de pouvoir d’achat ; elle ne visait pas à créer des emplois.
M. Pierre Charon. Exactement !
M. Philippe Dallier. Sur ce plan, nos positions sont assez éloignées, chers collègues de l’opposition. Nous ne pensons pas comme vous que le travail se partage et que, par conséquent, abaisser le temps de travail permet de multiplier les emplois. Si c’était vrai, nous ne serions pas dans la situation que nous connaissons aujourd’hui !
La défiscalisation des heures supplémentaires, qui a été adoptée en 2007, c’est-à-dire en un temps où la situation budgétaire était radicalement différente, était une mesure visant à améliorer le pouvoir d’achat. Les Français qui en bénéficiaient l’ont bien compris quand, à la suite de sa suppression, ils ont vu flamber le montant de leur impôt sur le revenu. Cela a d’ailleurs largement contribué au « ras-le-bol » fiscal, surtout parmi les plus modestes de nos concitoyens. Dès lors, ne nous trompons pas de débat ; il s’agissait d’abord d’une mesure de pouvoir d’achat.
Cela étant, rétablir aujourd’hui cette exonération coûterait 2,5 milliards d’euros. Nous n’en avons guère les moyens, c’est pourquoi le groupe UMP suivra la position exprimée par M. le rapporteur général.
Mme la présidente. L’amendement n° I-176, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du 2° du 3. de l’article 158 du code général des impôts, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. « En proposant, monsieur Foucaud, de ramener de 40 % à 20 % le taux de l’abattement applicable au montant des dividendes perçus soumis à l’impôt sur le revenu, vous abordez encore un vrai sujet.
« Le Conseil des prélèvements obligatoires, auquel vous avez fait référence, justifie cet abattement par le souci d’éviter une double imposition, mais son rapport ne fait état d’aucune corrélation arithmétique entre le taux de cet avantage fiscal et celui de l’impôt sur les sociétés réellement acquitté. »
C’est en ces termes que, voilà environ trois ans, durant l’automne précédant la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle et à la suite du changement de majorité au Sénat de septembre 2011, Nicole Bricq, alors rapporteur général du budget, avait commenté en séance publique la proposition que nous présentons de nouveau aujourd’hui et qui n’a rien perdu de sa pertinence. Le même jour, d’ailleurs, notre collègue François Marc, s’exprimant au nom du groupe socialiste, dont la composition était alors largement la même qu’aujourd’hui, avait tenu les propos suivants : « Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens. Il conviendrait de le faire vivre jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire. Le taux proposé pour l’abattement pourra alors être ajusté le cas échéant. »
Depuis, nous avons eu quelques confirmations que la prétendue double imposition des dividendes était une forme de mythe errant dans les limbes d’une fiscalité désuète. Si l’abattement sur les dividendes est censé récompenser le courageux investisseur d’avoir mis une partie de ses moyens financiers au service d’une entreprise, le montant de ces dividendes n’a parfois qu’un rapport assez lointain avec la situation financière de cette dernière… En effet, une société bénéficiaire peut très bien ne pas verser le moindre dividende, tandis qu’une entreprise déficitaire au plan fiscal et comptable peut parfaitement le faire.
Pour ne citer qu’un exemple, la société Radiall, dont le président du directoire est Pierre Gattaz, par ailleurs président du MEDEF, verse des dividendes à ses actionnaires alors même que l’entreprise continue de voir les déficits antérieurs reportables imputés sur son résultat fiscal. Au titre de 2013, selon les éléments fournis par M. Gattaz lui-même, Radiall lui aura versé rien de moins que 389 000 euros de dividendes, alors que 21,5 millions d’euros de déficits reportables sont encore imputables sur le résultat fiscal. M. Gattaz est dans une telle situation qu’il lui faudra probablement attendre 2017 pour commencer à mobiliser la créance CICE de 6 millions d’euros qui a commencé de se constituer depuis la création de la mesure l’an dernier.
Pour ce qui concerne la Banque nationale de Paris, malgré l’amende record infligée par la justice américaine, qui va absorber la quasi-totalité de ses résultats financiers de l’année, rien ne viendra remettre en question le versement d’un important dividende, offrant aux actionnaires un intéressant retour sur investissement.
Dans les faits, en l’état actuel des choses, les dividendes bénéficient d’un taux de prélèvements sociaux inférieur à celui qui est en général appliqué aux revenus salariaux.
Quant au taux de prélèvement libératoire de 21 %, qui tient lieu d’« acompte » sur l’impôt sur le revenu finalement exigible, il est assez éloigné du taux de 40 % pouvant frapper des revenus relativement élevés qui ne seraient que d’origine salariale…
Les 389 000 euros de dividendes perçus par M. Gattaz supportent certes 60 295 euros de prélèvements sociaux et 81 690 euros d’acompte au titre de l’impôt sur le revenu, mais ils bénéficient d’un abattement avant intégration dans le revenu global de 155 600 euros. Sachant qu’une partie des prélèvements sociaux est déductible au titre de la CSG, à un taux de 5,1 %, ce sont encore près de 20 000 euros qui doivent être retranchés.
L’abattement, dans ce cas précis, permet tout de même une économie d’impôt assez importante, que l’on peut estimer à 62 240 euros, eu égard au taux d’imposition de ce type de revenus.
C’est donc pour des raisons assez évidentes de justice fiscale que je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Outre le fait que ces dividendes sont soumis à l’impôt sur le revenu, après abattement, ils sont également assujettis à la CSG et à la CRDS, à un taux global de 15,5 %. Diviser par deux cet abattement aurait pour conséquence de dégrader l’attractivité de la France pour de nombreuses entreprises.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un dispositif bien connu, qu’il est régulièrement proposé d’adopter lors des débats budgétaires.
Cet abattement, on le sait, résulte de l’assujettissement antérieur des revenus distribués à l’impôt sur les sociétés. Il constitue une forme de compensation. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je trouve les réponses de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’État un peu courtes ! Nous souhaitons que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-176.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 32 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 28 |
Contre | 314 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-239, présenté par MM. Mézard, Collin, Requier, Fortassin, Barbier, Bertrand, Collombat et Esnol, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Hue et Castelli, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 1 de l’article 195 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le mot : « distincte », la fin du a. est supprimée ;
2° Après le mot : « guerre », la fin du b. est supprimée ;
3° Après le mot : « ans », la fin de la seconde phrase du e. est supprimée.
II. – Le I est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La « demi-part des veuves » fut instaurée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Inscrite dans la loi de finances pour 2009, la suppression progressive de la demi-part de quotient familial accordée aux parents isolés est devenue pleinement effective en 2014. De ce fait, dans l’opinion, Hollande a porté le chapeau pour Sarkozy…
Cette mesure a modifié les dispositions de l’article 195 du code général des impôts, qui ne concerne plus aujourd'hui que les contribuables veufs ayant « supporté à titre exclusif ou principal la charge » d’un ou plusieurs enfants « pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls ».
Monsieur le secrétaire d’État, vous arguerez sûrement que les effets de la suppression de la demi-part ont été atténués par plusieurs décisions du Gouvernement, notamment la réforme de la décote, l’indexation du barème de l’impôt sur l’inflation ou la suppression de la tranche à 5,5 %.
Toutefois, nous considérons que le seuil de cinq ans est injuste et inopportun. Nous proposons donc de le supprimer.
Mme la présidente. L'amendement n° I-175, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le mot : « distincte », la fin du a du 1 de l’article 195 du code général des impôts est supprimée.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous emboîtons le pas à nos collègues du RDSE.
La question du quotient familial est sans aucun doute ce qui fait obstacle à la mise en œuvre d’un certain choix de réforme fiscale, en particulier de réforme de l’impôt sur le revenu, puisque quelques âmes bien nées ou bien pensantes sont de plus en plus favorables à sa disparition et à une forme d’individualisation de l’impôt.
Pour des raisons diverses, le quotient familial d’un foyer fiscal peut connaître une majoration d’une demi-part, liée par exemple à la situation de santé du contribuable, aux services qu’il a rendus à la nation – c’est le cas des anciens combattants – ou encore au fait qu’il a assumé seul la charge de l’éducation d’un ou plusieurs enfants.
Les effets de telles majorations sont plafonnés. L’objectif affiché du Gouvernement est de réduire peu à peu le coût de la majoration pour charges de famille pour les finances publiques, un coût au demeurant assez modeste, puisqu’il s’élève à 470 millions d’euros pour plus de 3,8 millions de foyers fiscaux, soit une dépense fiscale moyenne de moins de 125 euros par contribuable. On voit bien là le caractère parfaitement exorbitant de la mesure, qui participe pourtant de la politique sociale de la nation, à en croire l’évaluation des voies et moyens…
Les majorations de quotient ne sont pas en soi un sujet. Ainsi, le bénéfice de la carte du combattant, que certains opposent au montant des prestations et allocations versées à ses détenteurs, représente le coût hallucinant de 700 euros en moyenne par foyer fiscal, soit un avantage fiscal compris entre 50 et 60 euros par mois.
Ces dispositifs constituent donc un élément de la politique sociale de la nation. Il faut le noter, pas plus que la suppression de l’exonération des majorations de pension, les mesures prises pour réduire leur coût ne se sont traduites par un renforcement des moyens de ladite politique.
L’extinction plus ou moins programmée du dispositif dit de la demi-part des veuves ne risque donc pas d’améliorer en quoi que ce soit la dépense sociale publique de la nation, outre le fait que, pour certains contribuables, la perte de la demi-part supplémentaire a signifié une majoration d’impôt. En toute objectivité, les ménages concernés ne roulent pas vraiment carrosse, et il nous semble assez logique de réduire le montant des impôts qu’ils sont appelés à payer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut avoir élevé seul ses enfants pendant cinq ans pour pouvoir bénéficier de la demi-part supplémentaire. Cette condition nous paraît raisonnable.
En outre, d’après les estimations qui nous ont été fournies, le coût fiscal de sa suppression serait supérieur à 230 millions d’euros. Il serait encore plus élevé si le bénéfice de la demi-part devait être intégralement rétabli.
Ces considérations budgétaires amènent la commission à solliciter le retrait de ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’amendement n° I-239.
M. Marc Laménie. J’entends bien les arguments de M. le rapporteur général quant au coût d’une telle mesure.
Cela étant, nous sommes souvent interpellés, dans nos départements comme au plan national, sur cette question de la demi-part supplémentaire, en particulier par les associations de veuves, dont les revendications sont tout à fait légitimes. Il en va de même de celles des anciens combattants, pour qui nous avons tous beaucoup de reconnaissance et de respect.
Certes, je me rallierai à la position de la commission, mais ces amendements ont le mérite d’attirer notre attention sur la solidarité due à chacun, et en particulier aux plus modestes.
Mme la présidente. L'amendement n° I-178, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 quindecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « d’une réduction d’impôt égale » sont remplacés par les mots : « d’un crédit d’impôt égal » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « à la réduction » sont remplacés par les mots : « au crédit ».
II. - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Malgré nombre d’études et de rapports soulignant la tendance à l’accroissement de la population de « grand âge », avec les problématiques que cette évolution implique en termes d’intégration dans la vie collective, nous n’avons toujours pas mis en œuvre les indispensables réformes susceptibles de répondre à des besoins sociaux croissants.
En l’état actuel des choses, il existe deux dispositifs bien connus : la réduction d’impôt accordée au titre des emplois dits « familiaux » et la réduction d’impôt liée aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour.
Le premier de ces dispositifs intéresse plus de 2,3 millions de ménages, ce qui n’est pas du tout négligeable, et coûte 1 670 millions d’euros, soit une réduction d’impôt d’environ 720 euros par ménage et par an. Le second représente une dépense fiscale de 365 millions d’euros, au bénéfice d’un peu plus de 400 000 ménages, soit une réduction d’impôt moyenne de 900 euros par ménage et par an.
Par conséquent, nous avons, d’un côté, un dispositif plutôt sous-dimensionné au regard des besoins, avec une dépense annuelle moyenne d’environ 3 000 euros pour un plafond de 10 000 euros, et, de l’autre, un dispositif à l’inverse plutôt surdimensionné, avec moins de 1 500 euros de dépenses retenues pour un plafond minimal de 12 000 euros.
Mais les données sont sensiblement différentes si l’on se réfère aux sommes déclarées. Sans surprise, le montant des réductions d’impôt accordées au titre de l’emploi d’un salarié à domicile se révèle très proche de la réalité des dépenses exposées par les ménages. En effet, il s’élève à un peu moins de 10 milliards d’euros, pour une dépense moyenne de 2 800 euros environ pour un ménage salarié et de 2 400 euros pour un ménage de retraités. Dans les deux cas, la réduction d’impôt couvre donc plus de 50 % de la dépense.
En revanche, les dépenses d’hébergement en établissement de long séjour s’élèvent à plus de 6,7 milliards d’euros pour environ 400 000 ménages, soit une dépense moyenne de près de 16 700 euros par ménage, bien supérieure donc au plafond de 10 000 euros. Quant à la réduction d’impôt moyenne accordée, à savoir 900 euros, elle est, chacun le sait, très en deçà de la réalité des dépenses : elle en représente environ 5 %, et moins de 20 % de ce qu’il serait possible de prendre en compte au travers d’un crédit d’impôt.
Nous proposons donc de procéder à la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt relative aux dépenses d’hébergement en établissement de long séjour, eu égard au caractère aujourd’hui très imparfait de la solidarité nationale en la matière. Il s’agit d’ailleurs d’une proposition qui avait été retenue par la majorité du Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 ; à l’époque, elle avait été présentée par notre collègue François Marc.
Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement. Évidemment, cela n’épuisera pas, tant s’en faut, le débat sur les réponses collectives que nous devons apporter en matière de prise en charge du grand âge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. S’il s’agit évidemment là d’une question essentielle, le coût du dispositif est déjà extrêmement élevé : 260 millions d’euros en 2013. Transformer la réduction d’impôt de 25 % en crédit d’impôt ne ferait que l’alourdir. C’est pourquoi la commission émet, à contrecœur, un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Tout amendement communiste est refusé ! (Sourires.)
M. Éric Bocquet. C’est presque systématique !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais non !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Desessard, vous ne lisez pas dans mes pensées…
Cela dit, sachez que la transformation de la réduction d’impôt en faveur des personnes hébergées en maison de retraite en un crédit d’impôt représenterait un coût de 600 millions d’euros.
M. Michel Bouvard. Excusez du peu !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela irait à l’encontre de notre politique de réduction des dépenses fiscales, contre lesquelles vous vous éleviez tout à l’heure.
Des mesures plus adaptées qu’un crédit d’impôt dépendance existent en faveur des personnes les plus modestes. Une des raisons pour lesquelles cette aide fiscale prend la forme d’une réduction d’impôt, et non d’un crédit d’impôt, tient à la variété des autres aides accordées aux personnes dépendantes, telles que les allocations à caractère social versées par l’État et les collectivités territoriales – je pense notamment à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
Ce type d’aide sous forme de prestations est mieux adapté à la situation des contribuables les plus modestes, puisqu’il les dispense d’une avance de trésorerie. Il n’est pas nécessaire d’y ajouter une nouvelle dépense publique en transformant une réduction d’impôt en crédit d’impôt. Sous le bénéfice de ces précisions, le Gouvernement demande au Sénat de bien vouloir rejeter cet amendement s’il devait être maintenu.
M. Jean Desessard. Pour 1 milliard, on n’a plus rien… (Sourires.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-103 rectifié est présenté par MM. Kern, Médevielle, Cadic et V. Dubois, Mme Goy-Chavent, MM. Jarlier, Longeot et Bockel et Mme Morin-Desailly.
L'amendement n° I-268 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Requier, Mézard, Barbier, Bertrand, Collombat, Arnell, Castelli, Esnol et Fortassin et Mme Malherbe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € » ;
2° Au deuxième alinéa, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € » et le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;
3° Au troisième alinéa, le montant : « 20 000 € » est remplacé par le montant : « 13 333 € » ;
4° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) le montant : « 12 000 € » est remplacé deux fois par le montant : « 8 000 € » ;
b) le montant : « 1 500 € » est remplacé deux fois par le montant : « 1 000 € » ;
c) le montant : « 15 000 € » est remplacé deux fois par le montant : « 10 000 € » ;
d) le montant : « 18 000 € ».
II. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 14-10-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° La part du produit de l’impôt sur le revenu correspondant à l’abaissement des plafonds de l’article 199 sexdecies du code général des impôts. » ;
2° L’article L. 14-10-5 est ainsi modifié :
a) Au a du II, après les mots : « 4° du même article », sont insérés les mots : « , 70 % du produit des contributions visées au 6° du même article » ;
b) Le a du III est complété par les mots : « et 30 % du produit des contributions visées au 6° du même article ».
La parole est à M. Vincent Dubois, pour présenter l’amendement n° I-103 rectifié.
M. Vincent Dubois. Le soutien à l’emploi à domicile est l’une des priorités du groupe UDI-UC. Ce n’est pas la première fois que les sénateurs de mon groupe interviennent sur ce sujet, ce ne sera pas non plus la dernière !
En l’espèce, le présent amendement, déposé par notre collègue M. Kern, vise à assurer un minimum d’équité dans la mise en œuvre des dispositifs fiscaux de soutien existants, en adéquation avec les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2014, intitulé « Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie ».
En l’état actuel des choses, l’avantage fiscal lié au recours à l’emploi à domicile ou à un prestataire de services à la personne se concentre majoritairement sur les foyers aux revenus fiscaux les plus élevés. Ce n’est pas une surprise, mais la situation est problématique dès lors que, comme le révèlent les travaux de la Cour des comptes, dix-huit mois environ s’écoulent entre la dépense exposée par le particulier et le versement de l’aide publique, du fait de la formule du crédit ou de la réduction d’impôt.
La nécessité de consentir une telle avance de trésorerie, si l’on peut dire, pénalise surtout les ménages les plus fragiles et les évince, de fait, du bénéfice du dispositif.
Sous un angle plus législatif, cet amendement prévoit l’abaissement du plafond des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt, assorti du maintien de plafonds plus élevés pour les services destinés aux enfants en bas âge et aux publics vulnérables. C’est une mesure d’équité et de solidarité, sachant que l’abaissement du plafond proposé demeure limité.
Adopter cet amendement serait un moyen simple de limiter le coût de la dépense de l’État sans réduire l’efficacité de l’aide apportée. En effet, selon les estimations de la Cour des comptes, la mise en œuvre de ce dispositif permettrait de dégager 178 millions d’euros.
Dans l’idéal, nous souhaiterions que cette somme contribue à la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, afin de garder une cohérence d’ensemble au dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-268 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Comme l’a indiqué notre collègue du groupe UDI-UC, cet amendement vise à redéployer les dépenses liées à l’avantage fiscal accordé pour le recours à l’emploi à domicile.
En effet, cet avantage fiscal profite essentiellement aux ménages les plus aisés. Il nous est apparu juste d’abaisser le plafond des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt.
Notre amendement prévoit que les sommes ainsi économisées, estimées par la Cour des comptes à 178 millions d’euros, pourraient être réaffectées au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, destinée aux personnes âgées et dépendantes, et de la prestation de compensation du handicap.
J’ajoute que le versement de ces deux prestations a été mis à la charge des départements, sans transfert de ressources pour un montant équivalent. Nous le savons, ces deux postes de dépenses pèsent lourdement sur les finances des conseils généraux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Plusieurs éléments ont conduit la commission à émettre un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Il s’agit d’abaisser le plafond de dépenses éligibles à la réduction d’impôt sur le revenu pour l’emploi d’un salarié à domicile et d’affecter les économies ainsi dégagées à la CNSA. Certes, cette mesure correspond à une recommandation de la Cour des comptes, mais est-ce bien le moment de fragiliser le secteur de l’emploi à domicile, qui connaît déjà un recul historique du nombre d’heures travaillées, à hauteur de 6 % ?
M. Jean-Claude Boulard. Non !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le nombre de particuliers employeurs à diminué d’environ 70 000, et 7 200 emplois ont disparu. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène, notamment la suppression du régime du forfait pour le paiement des cotisations sociales – un système simple et acceptable par les particuliers – et son remplacement par le régime du réel, ce qui a entraîné mécaniquement une baisse du nombre de cotisants et un recul de l’emploi à domicile. C’est la raison pour laquelle le Sénat avait prévu d’augmenter de 0,75 euro à 1,5 euro la déduction forfaitaire de cotisations sociales pour l’emploi de salariés à domicile. Mais il semble que le débat ne soit pas encore complètement clos.
En tout état de cause, la mise en œuvre de la mesure proposée fragiliserait le secteur de l’emploi à domicile. On peut juger trop élevé le plafond actuel de dépenses éligibles, mais l’abaisser risquerait d’entraîner un développement du travail non déclaré.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est perplexe. Vous nous aviez dit précédemment qu’il fallait absolument relever de 0,75 euro à 1,5 euro de l’heure le montant de la déduction forfaitaire. Aujourd'hui, vous proposez d’abaisser le plafond : c’est totalement contradictoire !
Le Gouvernement, afin de prendre au mieux en considération les recommandations de la Cour des comptes, aurait préféré un meilleur ciblage des aides.
Je rappelle que les particuliers employeurs de salariés à domicile ne bénéficient pas des allégements Fillon.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh non !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Un abattement de cotisation de 15 points compensait cette exclusion du bénéfice des allégements Fillon, mais il a été supprimé sous la présidence de M. Sarkozy, ce qui a eu un effet massif !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais qui a supprimé le forfait ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais le forfait était une ânerie, monsieur le rapporteur général ! On faisait cotiser un salarié au forfait, c'est-à-dire sur la base du SMIC, même si son salaire était plus élevé ! Une telle mesure n’était concevable que pour inciter à recourir au travail déclaré, mais le système du forfait débouchait, pour les salariés concernés, sur des indemnités journalières de maladie au rabais et, surtout, sur une pension de retraite au rabais : leurs droits n’étaient pas à proportion du salaire perçu si celui-ci était supérieur au SMIC. Cette situation était aberrante ! Monsieur le rapporteur général, la vraie mesure qui a pénalisé le secteur, ce n’est pas la suppression du forfait, c’est la suppression de l’abattement de 15 points !
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-103 rectifié et I-268 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-203, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 34 % ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur une question essentielle en matière de rémunération des dirigeants d’entreprise.
M. le ministre de l’économie s’est récemment avancé à annoncer la fin des « parachutes dorés », ces dispositifs de retraite particuliers dont bénéficient, depuis plusieurs années, les dirigeants de nos plus grandes entreprises.
À l’heure où les salariés de droit commun – si je puis m’exprimer ainsi – sont condamnés à cotiser plus longtemps pour une retraite sans cesse moins importante, les décisions de conseils d’administration conduisant au provisionnement de rentes confortables pour les dirigeants retraités posent question.
Par exemple, GDF Suez a provisionné pas moins de 21 millions d’euros de retraite chapeau sur une durée de vingt-cinq ans environ pour son P-DG, Gérard Mestrallet, qui a piloté la hausse du prix du gaz domestique dans notre pays. Il percevra ainsi une pension annuelle dépassant les 800 000 euros…
M. Jean Desessard. C’est scandaleux !
M. Thierry Foucaud. Ces situations ne sont pas illégales : elles procèdent des droits accordés aux assemblées générales d’actionnaires ou aux instances dirigeantes d’une entreprise par délégation de l’assemblée ordinaire. Néanmoins, elles présentent un caractère de profonde injustice aux yeux des salariés de l’entreprise concernée et, par-delà, de l’opinion publique.
Le projet d’Emmanuel Macron semble être de faire de ces « retraites chapeaux » et « parachutes dorés » un objet du droit commun, c’est-à-dire de banaliser la pratique en la rendant parfaitement légale, tout en l’assortissant de quelques menues contraintes. C’est en somme la mise en œuvre du vieux principe selon lequel, pour sortir une pratique de l’illégalité, de l’illégitimité ou du régime dérogatoire, le mieux est encore de la codifier légalement !
Pour notre part, nous estimons qu’il faut puissamment décourager la pratique des retraites chapeaux. C’est le sens de cet amendement, qui vise à relever sensiblement, au bénéfice de la sécurité sociale, le taux de contribution appliqué aux rentes servies aux amis !
M. Jean Desessard. Bravo ! Et encore, 34 %, c’est faible !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission est défavorable, non pour des raisons de fond, mais simplement parce que le Conseil constitutionnel a censuré, par sa décision du 29 décembre 2012, le taux proposé de 34 %, au motif que le cumul avec les autres impositions amènerait à une taxation excessive de ce type de revenus.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces retraites dites « chapeaux » portent en réalité le nom de « retraites à versement différé », ou quelque chose d’approchant.
Quoi qu’il en soit, parmi elles, il faut distinguer les cas bien connus que vous avez évoqués, qui se multiplient à l’excès, et ceux qui relèvent d’une tradition, dans certaines professions ou certaines régions, consistant à verser, après discussion entre les organisations syndicales et les employeurs, des retraites de ce type à tous les salariés. Cependant, les uns et les autres entrent fiscalement et légalement dans la même catégorie.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Étant Lorrain, je pense notamment au secteur de la sidérurgie en Lorraine : des retraites chapeaux, d’un montant bien entendu très éloigné de celui que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, sont attribuées à des salariés tout à fait modestes, ordinaires, « normaux ». C’est pourquoi ce problème doit être traité de façon prudente. (M. Jean Desessard s’esclaffe.)
Cela vous faire rire, monsieur Desessard ? J’essaie d’expliquer les choses ! Si vous voulez que je me contente de dire « défavorable », je vais le faire sur chaque amendement !
M. Jean Desessard. J’aime vous entendre, monsieur le secrétaire d’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous vous moquez de moi, comprenez que je réagisse de manière un peu vive !
La loi prévoit déjà trois taux différents de taxation : 7 % pour les retraites chapeaux de faible montant que perçoivent les salariés modestes de certaines catégories d’entreprises, 14 % pour les retraites chapeaux de montant moyen et 21 % pour les autres. (M. Michel Bouvard acquiesce.) Ce dernier taux n’est pas appliqué, parce que le Conseil constitutionnel a estimé que, conjuguée à un taux de 45 % pour l’impôt sur le revenu et à la majoration pour les hauts revenus, sa mise en œuvre rendrait l’impôt confiscatoire. Le Conseil constitutionnel a donc décidé, comme il peut le faire, de neutraliser la taxation de 21 % sur les retraites chapeaux les plus importantes, plutôt que de supprimer la tranche à 45 % du barème de l’impôt sur le revenu, qui, à l’évidence, est de portée beaucoup plus générale.
Bien que le Conseil constitutionnel ait pris cette décision, vous proposez de faire passer le taux de 21 % à 34 %... Il me semble préférable d’attendre les conclusions du rapport sur la fiscalisation ou l’interdiction des retraites chapeaux commandé à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires sociales. Laissons les choses se faire. La volonté du Gouvernement a été clairement exprimée. Si le Sénat souhaite adopter un amendement parfaitement inconstitutionnel, il a tout à fait le droit de le faire. Cependant, je tenais à souligner ce caractère inconstitutionnel, parce que lorsque le Conseil constitutionnel censure un texte, c’est souvent le Gouvernement que l’on accuse d’avoir mal travaillé. J’indique donc nettement que le Gouvernement ne souhaite pas l’adoption de cet amendement, évidemment inconstitutionnel. Mes propos figureront au compte rendu de nos débats. (M. Michel Bouvard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. M. le rapporteur général a affirmé que le Conseil constitutionnel – qui lui sert bien – censurerait un taux de 34 %. Que propose-t-il pour mettre fin à ce que l’on appelle, dans le jargon populaire, les retraites chapeaux ?
Je maintiens cet amendement par principe, même si je peux comprendre les arguments avancés par M. le secrétaire d’État. Nous sommes prêts à réfléchir avec lui aux moyens de mettre un terme à la pratique des retraites chapeaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. D’abord, je ne comprends pas pourquoi M. le secrétaire d’État s’est fâché.
M. Jean Desessard. Il nous a appelés à la prudence, mais je pense que parfois la prudence nous empêche d’avancer. Je sais que M. le ministre de l’économie a lancé une grande attaque contre les retraites chapeaux. Là, je dis « bravo » !
MM. Vincent Capo-Canellas et Philippe Dallier. Chapeau ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Chapeau bas !
M. Jean Desessard. Celle-là, je la gardais pour un peu plus tard… (Nouveaux sourires.)
Donc, bravo au Gouvernement de s’attaquer aux retraites d’un montant disproportionné !
Souvent, on entend dire, à droite, que les patrons méritent de gagner beaucoup d’argent parce qu’ils investissent, prennent des risques avec leur argent. Or beaucoup de hauts dirigeants bénéficiant de retraites chapeaux ne risquent rien ! Ce sont quasiment des fonctionnaires ! Que dis-je ? Leur sort est encore meilleur que celui des fonctionnaires : ils ont la garantie de l’emploi et, le jour où ils quittent leur poste, ils touchent une retraite chapeau d’un montant considérable, cumulable avec un salaire. Voilà qui est formidable ! Et les mêmes se permettent de dire que le pays doit faire des efforts… Ils considèrent sans doute que, au-delà d’un certain niveau de revenus, on n’est pas concerné, ou peut-être jugent-ils qu’ils ont fait suffisamment d’efforts durant leurs études ! Chapeau, les patrons ! Il fallait tout de même être très malins pour obtenir de tels avantages !
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous expliquez qu’il est difficile de modifier la taxation des retraites chapeaux parce que les mineurs lorrains bénéficient de retraites de ce type.
M. Michel Bouvard. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Jean Desessard. Heureusement, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez précisé que les montants en jeu ne sont pas les mêmes, sinon je ne sais pas comment votre analogie entre les retraites des mineurs et celles des hauts dirigeants aurait été accueillie en Lorraine !
M. Foucaud a raison de maintenir cet amendement : il est temps d’en finir avec cette pratique, dans la difficile période que nous connaissons.
La droite a dit…
M. Roger Karoutchi. La droite n’a rien dit !
M. Jean Desessard. Elle ne dit rien, elle attend. Elle est en embuscade !
Mme Sophie Primas. Elle dit : « Avançons ! »
M. Roger Karoutchi. La droite, elle vous regarde !
M. Jean Desessard. Où en étais-je ?
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, et M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concluez !
M. Jean Desessard. La droite disait, à une époque, que si l’économie va mal, c’est parce que les patrons sont mal payés : pour motiver les plus compétents, attirer les meilleurs, il faut mieux les rémunérer. Or, depuis dix ans, on constate que plus leur rémunération est importante, plus l’économie va mal, et ce que ce soit sous la droite ou sous la gauche !
M. Roger Karoutchi. Mais non !
M. Jean Desessard. Cela veut dire que ce n’est pas en payant plus les dirigeants que l’on réussira à redresser l’économie ; au contraire, même ! En fait, plus il y a d’inégalités, plus l’économie va mal.
L’amendement communiste donne un signal : il faut faire quelque chose. En période de crise, il n’est pas normal que des multinationales déclarent leurs bénéfices au Luxembourg pour ne pas payer d’impôts. Il n’est pas normal que certains dirigeants perçoivent des salaires exorbitants, ni que, après avoir géré plus ou moins bien une entreprise, sans avoir contribué à redresser l’économie, ils bénéficient de retraites chapeaux. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Tout le monde est sensible à cette question, mais le « contrat de retraite à prestation définie », puisque telle est la dénomination juridique de ce que l’on appelle les « retraites chapeaux », concerne à peu près un million de personnes.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Jean Germain. On peut envisager le sujet de différentes façons. On peut faire du cinéma en surfant sur l’actualité, mais il n’empêche que, pour changer les choses – ce qui va être fait –, il faut modifier le régime des retraites inscrit à l’article 39 du code des pensions.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
M. Jean Germain. Ce que dit le secrétaire d’État est juste. On ne peut pas, de but en blanc, prendre une décision qui, de toute façon, serait censurée par le Conseil constitutionnel, et causerait en outre du tort à un grand nombre de personnes.
Notre position est connue. Il ne faut pas laisser entendre que nous resterions au milieu du gué et que nous refuserions d’avancer.
M. Thierry Foucaud. Il est plus facile de voter le CICE que de mettre un terme aux retraites chapeaux !
M. Jean Germain. Mais ce n’est pas le même problème ! Comme je l’ai dit hier, vous avez le droit d’estimer qu’il ne faut pas améliorer la compétitivité des entreprises, qu’il faut sortir de l’Union européenne, qu’il faut sortir de l’euro et même – pourquoi pas ? – du système solaire ! (M. Philippe Dallier rit.)
M. Roger Karoutchi. On y travaille, mais c’est difficile ! (Sourires.)
M. Jean Germain. C’est extrêmement difficile !
Puisque le cas des ouvriers de la métallurgie a été évoqué, je rappellerai que si l’on avait accepté de moderniser la sidérurgie en Lorraine, au lieu de tout bloquer, on aurait évité sa délocalisation.
Pour reprendre la formule d’un humoriste, c’est notre position et nous la partageons, mais on ne peut pas la railler à ce point. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ne souhaitant pas que l’on travestisse mes propos, je vais me répéter.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, les contrats de retraite à prestation définie – merci, monsieur Germain, de nous en avoir donné la dénomination exacte – sont de deux natures, selon le moment où ils ont été signés. C’est un problème plutôt complexe, qui concerne en effet près d’un million de personnes. Le résumer à des cas faisant la une de l’actualité serait grotesque. Il avait d'ailleurs commencé à être réglé à l’Assemblée nationale,…
M. Michel Bouvard. Oui, je m’en souviens !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … lors d’une suspension de séance : sur proposition du rapporteur général de l’époque, Gilles Carrez, un accord « transcourants », si j’ose dire, avait posé le principe des trois taux de taxation. Nous étions tous tombés d’accord pour dire qu’il fallait appliquer une fiscalité dissuasive aux grosses retraites chapeaux, mais elle l’est tellement que le Conseil constitutionnel l’a censurée, la jugeant excessive !
Monsieur Desessard, vous avez laissé clairement entendre que je serais en train de défendre les retraites chapeaux en m’appuyant sur le cas des mineurs – j’ai en fait évoqué les sidérurgistes, et non les mineurs. Étant élu d’une ville minière, et ayant des parents qui sont morts au fond de la mine, je connais ces métiers. Je dis simplement qu’il faut prendre garde à ne pas traiter de la même façon des salariés modestes, « normaux », pour reprendre un mot que j’ai déjà utilisé, de certains secteurs de notre industrie traditionnelle et les bénéficiaires de retraites chapeaux exorbitantes. Il faut bien distinguer les situations.
Voilà ce que je souhaitais préciser, monsieur Desessard. Comprenez que j’aie pu marquer quelque irritation en vous entendant insinuer que j’étais en train de défendre l’indéfendable, d’autant que c’était la deuxième fois ! (Applaudissements sur plusieurs travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-203.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
I. – A. – À l’intitulé du 23° du II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts, les mots : « dépenses d’équipement de l’habitation principale » sont remplacés par les mots : « la transition énergétique ».
B. – L’article 200 quater du même code est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « l’amélioration de la qualité environnementale » sont remplacés par les mots : « la contribution à la transition énergétique » ;
– après le mot : « principale », la fin de l’alinéa est supprimée ;
b) Le second alinéa du 2° du b est supprimé ;
c) Après le g, sont insérés des h à j ainsi rédigés :
« h) Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude sanitaire dans un bâtiment équipé d’une installation centrale ou alimenté par un réseau de chaleur ;
« i) Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’un système de charge pour véhicule électrique ;
« j) (nouveau) Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’équipements ou de matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires. » ;
2° Au 5, le taux : « 15 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
3° Le 5 bis est abrogé ;
4° Après le 5 bis, il est inséré un 5 ter ainsi rédigé :
« 5 ter. Pour les dépenses payées du 1er janvier au 31 août 2014, le crédit d’impôt s’applique dans les conditions prévues au présent article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … de finances pour 2015.
« Toutefois, au titre de ces mêmes dépenses, lorsque l’application du crédit d’impôt est conditionnée à la réalisation de dépenses selon les modalités prévues au 5 bis, dans sa rédaction antérieure à la même loi, le crédit d’impôt s’applique dans les conditions prévues au présent article, dans sa rédaction antérieure à ladite loi, sous réserve que des dépenses relevant d’au moins deux des catégories prévues au même 5 bis soient réalisées au cours de l’année 2014 ou des années 2014 et 2015. Dans ce dernier cas, les deux derniers alinéas dudit 5 bis s’appliquent dans leur rédaction antérieure à la même loi. » ;
5° Après le mot : « fois », la fin du 6 ter est ainsi rédigée : « des dispositions du présent article et de l’aide prévue à l’article 199 sexdecies ou d’une déduction de charge pour la détermination de ses revenus catégoriels. »
II. – Les 1° à 3° et le 5° du B du I s’appliquent aux dépenses payées à compter du 1er septembre 2014.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. J’interviens sur l’article 3 non pour en contester l’utilité, mais pour poser, à ce moment du débat, un certain nombre de questions assez essentielles.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le recours à la fiscalité n’est pas la panacée. Il me semble cependant qu’il se trouve encore quelques collègues, sur les travées de notre assemblée, pour penser qu’une incitation fiscale généreuse et coûteuse suffit à donner l’impulsion nécessaire aux agents économiques pour investir, agir ou interagir et que la voie de la croissance passe par l’expansion des niches et des dispositifs fiscaux dérogatoires.
La fiscalité ne suffit pas à tout : nous en avons la preuve concrète, tous les jours ou presque, avec les questions liées à la transition énergétique.
Ainsi, ce n’est pas parce que le prix des carburants augmente que les gens remisent forcément leur véhicule au garage. C’est d’ailleurs encore pire quand l’Europe s’en mêle, puisque nous avons, par exemple, découvert que l’Union européenne, certainement sous la pression du lobby des « dieselistes », accepte la déductibilité de la TVA pour le gazole, mais la refuse pour le carburant sans plomb ou le super.
Si nous voulons changer les règles du jeu en la matière, il va donc nous falloir convaincre M. Juncker, et peut-être aussi son commissaire à l’énergie, un ancien du secteur pétrolier, que la position de l’Union européenne est aberrante…
L’Europe est un combat ! Et cette Europe, malgré ses limites et les turpitudes de ses dirigeants passés et présents, devrait aider les pays de l’Union à mener le combat décisif contre le réchauffement climatique.
Alors que l’Union européenne est aujourd’hui la risée du monde entier en raison des politiques d’austérité menées dans presque tous les pays de la zone euro, et même dans ceux qui n’en font pas formellement partie ou n’ont pas adopté la monnaie unique, elle devrait chercher à être à la pointe de la lutte contre les dérèglements climatiques, enjeu décisif du XXIe siècle, comme le rappelait, le 1er octobre dernier, notre collègue Paul Vergès.
La France, pour l’heure, renforce et simplifie son dispositif de crédit d’impôt développement durable, devenu crédit d’impôt pour la transition énergétique, ou CITE.
Le concept change, mais les caractéristiques demeurent. Il s’agit, en travaillant notamment sur les questions d’isolation et de ventilation, de créer les conditions d’une moindre dépense d’énergie pour chaque habitation concernée et de résoudre les problèmes de consommation énergétique liés à l’habitat.
Cette démarche, que nous approuvons, mérite, nous semble-t-il, un effort particulier non seulement sur le plan fiscal, mais aussi sur le plan économique et financier.
Il faut, en effet, favoriser la réalisation de travaux d’amélioration des performances énergétiques dans les logements, individuels comme collectifs, en tenant compte des spécificités de certains territoires – nous soutenons, de ce point de vue, les amendements déposés par nos collègues ultramarins, portant notamment sur les normes climatiques et sismiques – et en mettant en place des financements dédiés, peu onéreux pour les emprunteurs et susceptibles de favoriser la réalisation d’un diagnostic complet des logements et une intervention globale.
Je crois me souvenir que de telles dispositions existent en Allemagne, avec des prêts spéciaux distribués par la banque publique KfW, dont on sait qu’elle a servi de modèle pour notre « petite » Banque publique d’investissement.
Il convient donc d’ouvrir une ligne de crédit accessible à moindres frais aux contribuables et aux organismes bailleurs sociaux pour mettre en œuvre la politique de transition énergétique.
Je souligne ici, par ailleurs, la portée de l’article L. 221-5 du code monétaire et financier, qui dispose que « les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et non centralisées en application des alinéas précédents sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu’au financement des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens ».
Cela signifie qu’une modification marginale de cet article, lors de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances ou de celle du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, permettrait de créer les conditions d’une allocation particulière des ressources du livret A et du livret de développement durable au financement des travaux visés à l’article 3.
Une telle démarche, soulignons-le, permettrait de compléter utilement un dispositif de crédit d’impôt dont le défaut essentiel est d’exiger du contribuable une avance de frais.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.
M. Georges Patient. En raison de la situation financière, économique et sociale, les objectifs visés au travers du projet de loi de finances pour 2015 sont les mêmes que ceux qui prévalaient pour l’année 2014 : relancer la croissance et renforcer l’investissement, redresser les comptes publics à partir d’un programme de réduction des dépenses publiques. Il y va de la responsabilité de tous, et il est tout à fait normal que les outre-mers soient concernés par ces deux objectifs.
Cependant, leur situation économique, sociale et géographique – j’insiste sur ce dernier terme – nécessite qu’une attention particulière leur soit portée lors de la prise de décisions relatives aux objectifs que le Gouvernement s’est fixés.
Nous ne voulons pas que les événements que nous avons vécus en 2008, en 2009 et en 2010, en Guyane, aux Antilles françaises et à La Réunion, se reproduisent en raison de dispositions prises sans discernement. Une très large concertation s’est instaurée depuis 2012 entre le Gouvernement et les élus des outre-mers ; elle doit se poursuivre.
Certes, nous évoluons dans un cadre contraint ; néanmoins, vous ne devez pas faire fi de nos spécificités par rapport à la métropole. Nous voulons simplement que l’on tienne compte des réalités de nos territoires. La France n’est pas uniforme, que ce soit sur le plan géographique ou sur celui du climat. Dans certaines régions françaises, il fait toujours chaud. Les amendements à l’article 3 que nous allons défendre ont tous pour objet de corriger certaines anomalies.
M. François Marc. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-57, présenté par MM. Patient et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Vergoz, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
b bis) Le premier alinéa du d) est complété par les mots : « ou par des équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération » ;
II. - Après l'alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« k ) Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans situé à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe ou à Mayotte, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’équipements ou de matériaux visant à l’optimisation de la ventilation naturelle, et notamment les brasseurs d’air. » ;
1°bis Le premier alinéa du 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut prévoir des caractéristiques techniques et critères de performance minimales requis pour l’application du crédit d’impôt spécifiques pour les logements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. » ;
IV – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
III – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
IV– La perte de recettes résultant pour l’État de l'extension du bénéfice du crédit d'impôt pour la transition énergétique aux équipements visant à l'optimisation de la ventilation naturelle dans les départements d'outre-mer est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-83 rectifié est présenté par M. Patient, Mme Claireaux et MM. Desplan, Karam, J. Gillot et Mohamed Soilihi.
L'amendement n° I-220 est présenté par M. S. Larcher, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le premier alinéa du d) est complété par les mots : « ou des équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération » ;
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Aux dépenses afférentes à un logement achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’équipements ou de matériaux visant à l’optimisation de la ventilation naturelle. » ;
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient, pour présenter l'amendement n° I-83 rectifié.
M. Georges Patient. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l'amendement n° I-220.
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique permet aux ménages de bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées pour l’amélioration de la qualité environnementale de leur habitation principale.
Néanmoins, les travaux éligibles à ce crédit d’impôt correspondent à des besoins relevant d’un climat tempéré et concernent principalement la production de chaleur. Ainsi, les dépenses engagées en vue de l’amélioration de la qualité environnementale des logements qui seraient pertinentes sous le climat tropical, celui de nos outre-mer, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon bien entendu, sont exclues.
Dans nos territoires, la problématique de la rénovation énergétique porte sur le rafraîchissement des bâtiments et peu, on l’imagine aisément, sur la production de chaleur.
Le présent amendement a pour objet d’étendre le bénéfice du CITE aux équipements permettant le rafraîchissement des locaux par deux moyens.
En premier lieu, en étendant le dispositif aux investissements réalisés dans des équipements de raccordement aux réseaux de froid renouvelable ou de récupération, comme cela est déjà possible pour les réseaux de chaleur. À titre d’exemple, la climatisation à l’eau naturellement froide ou SWAC – seawater air conditioning – utilisant le différentiel de température entre les profondeurs et la surface de l’eau, a été mise en place, notamment dans les zones urbaines de Saint-Denis et de Sainte-Marie à La Réunion, ainsi que dans des hôtels polynésiens et à l’hôpital de Papeete.
En second lieu, en élargissant le champ du dispositif aux équipements ou matériels tendant à optimiser la ventilation naturelle, notamment les brasseurs d’air, qui permettent de réaliser des économies d’énergie en limitant le recours à la climatisation. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° I-84 rectifié ter est présenté par M. Patient.
L'amendement n° I-87 rectifié est présenté par MM. S. Larcher, Antiste, Karam, Mohamed Soilihi et Desplan, Mme Claireaux et MM. J. Gillot et Vergoz.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa du 2. est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut prévoir des caractéristiques techniques et des critères de performance minimale spécifiques pour l’application du crédit d’impôt aux logements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. » ;
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Georges Patient, pour présenter l’amendement n° I-84 rectifié ter.
M. Georges Patient. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l'amendement n° I-87 rectifié.
M. Serge Larcher. Le présent amendement tend à préciser les caractéristiques techniques et les critères de performances minimales requis pour l’application du CITE aux logements situés dans les départements d’outre-mer. Il s’agit de compléter l’article 200 quater du code général des impôts, aux termes duquel un arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie, du logement et du budget fixe la liste des équipements, matériaux et appareils ouvrant droit au crédit d’impôt.
L’arrêté du 18 juin 2009 pris en application de cette disposition vise des critères de performance fondés sur la réglementation RT 2012, qui s’applique exclusivement dans l’Hexagone, et non dans les départements d’outre-mer. De ce fait, les critères techniques adoptés pour déterminer l’éligibilité au crédit d’impôt ne sont pas adaptés aux outre-mers et ne permettent pas de retenir les équipements les plus performants.
Pour nos territoires, la référence est la réglementation thermique, acoustique et aération spécifique aux départements d’outre-mer ou des réglementations locales édictées sous le régime de l’habilitation législative, comme c’est le cas en Guadeloupe.
Le présent amendement prévoit donc la possibilité d’intégrer dans le champ du CITE des valeurs de résistance thermique de matériaux isolants conformes aux prescriptions des réglementations thermiques en vigueur dans les départements d’outre-mer.
Autrement dit, nous souhaitons que le Gouvernement « tropicalise » des textes qui sont uniquement pensés et élaborés pour l’Hexagone. La France est multiple, diverse, présente sur tous les océans. Je demande qu’on en tienne compte ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a eu un délai extrêmement bref pour expertiser ces amendements. Néanmoins, elle tient à aller jusqu’au fond des choses et n’entend pas nier la spécificité des outre-mers, qui a été rappelée à l’instant.
Au-delà de ces cinq amendements, de nombreux autres tendent à élargir l’assiette du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Or un tel élargissement se traduirait évidemment par un alourdissement du coût du CITE, qui est déjà très important : 620 millions d’euros en 2014 et 890 millions en 2015. D’ailleurs, la commission proposera tout à l’heure un amendement visant à éviter une trop forte montée en puissance de ce dispositif.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas d’emblée approuver les propositions de nos collègues. Néanmoins, je le redis, nous sommes tout à fait sensibles à la spécificité des outre-mers et à la nécessité de prévoir des adaptations pour ces territoires.
Compte tenu du temps très limité dont nous avons disposé ce matin pour examiner ces cinq amendements et de leur caractère très technique, nous sollicitons l’avis du Gouvernement. Cette position prudente vaudra également pour les autres amendements portant sur le CITE, car nous ne souhaitons pas voir trop dériver le coût de ce dispositif.
M. Jean Desessard. Quand il s’agit de l’outre-mer, les amendements sont trop longs à examiner ?
M. Thierry Foucaud. Comme pour les retraites chapeaux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas la question : simplement, ces amendements sont très complexes ! Pour pouvoir nous prononcer sur l’éligibilité d’un appareil de production de froid, nous avons besoin d’une expertise technique. Contrairement au Gouvernement, la commission ne dispose pas des capacités techniques nécessaires pour évaluer l’efficacité de tels dispositifs.
C’est la raison pour laquelle nous sollicitons l’avis du Gouvernement : bien loin de négliger le problème soulevé, nous souhaitons au contraire aller au fond des choses.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je remarque d’abord que, tels qu’ils sont rédigés, certains de ces cinq amendements s’appliquent à l’ensemble du territoire français. Pourquoi pas, mais il m’avait semblé que leur dispositif concernait plutôt les départements d’outre-mer.
Ensuite, les critères retenus dans certains amendements apparaissent un peu flous et difficiles à introduire tels quels dans la loi.
Enfin, j’aimerais attirer l’attention des auteurs de ces amendements sur le fait que l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un dispositif permettant de prendre en compte les éléments isolant contre le froid : sont éligibles au titre du CITE les équipements et matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires.
M. Serge Larcher. C’est applicable ici !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote sur l'amendement n° I-57.
M. Jean Germain. Ce matin, la commission a examiné ces amendements rapidement, comme l’a dit M. le rapporteur général, mais sérieusement. Nos collègues soulèvent de vraies difficultés. Nous attendons de pouvoir bénéficier de l’expertise du Gouvernement, mais, en tout état de cause, nous voterons en faveur de l’adoption l’amendement n° I-57.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des amendements en discussion commune.
S’il faut sans doute approfondir les aspects techniques, il me semble urgent de comprendre que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte vise principalement à lutter contre le changement climatique, qui ne se résume pas au réchauffement. Lutter contre le changement climatique, c’est aussi prendre en compte la différenciation thermique, tout au long de l’année, en tout point de la planète.
Dans cette perspective, si nous ne nous dotons pas de moyens de protection contre la chaleur qui soient neutres sur le plan énergétique, que se passera-t-il dans les zones tropicales ? On observe déjà, dans le sud de la France, un développement inédit de la climatisation, qui, on le sait, est énergivore.
Oui, il est important d’améliorer l’isolation thermique contre le froid, en métropole comme dans certains territoires ultramarins, tels que Saint-Pierre-et-Miquelon, mais il est tout aussi important de lutter contre la chaleur dans les régions ultramarines tropicales ou subtropicales ! Il est absolument nécessaire que la loi intègre ces réalités.
Certaines collectivités territoriales ultramarines, comme Saint-Barthélemy, sont compétentes en matière de protection de l’environnement ou de lutte contre le changement climatique, mais il faut, au travers du crédit d’impôt pour la transition énergétique, accompagner l’ensemble des outre-mers, que la politique environnementale nationale s’y applique ou non, en adaptant les dispositifs à leurs réalités.
Les membres du groupe écologiste voteront ces cinq amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Il est vrai que les systèmes de crédit d’impôt ont été pensés essentiellement pour la métropole. Si l’on a exclu de leur champ les dispositifs de refroidissement, tout particulièrement les pompes à chaleur réversibles air-air, c’était pour éviter de financer des équipements de pur confort. Bien évidemment, ce n’est pas le cas de ceux qui sont installés outre-mer ! À l’inverse, outre-mer, des dispositifs de refroidissement extrêmement performants ont été financés, notamment via l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l'énergie, l’ADEME.
L’adoption de ces amendements permettrait d’ouvrir la discussion sur ces questions. Le Gouvernement pourra sans doute évaluer et améliorer les dispositifs dans la suite du processus législatif. Il importe de développer la filière industrielle des équipements de refroidissement, la demande mondiale en la matière étant énorme, tous les pays n’étant pas situés dans des zones tempérées. (MM. Vincent Capo-Canellas, Jean Desessard, André Gattolin et Serge Larcher applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Dubois, pour explication de vote.
M. Vincent Dubois. Les sénateurs de Polynésie française soutiennent avec force l’amendement défendu par M. Patient, même si malheureusement son dispositif ne concernera pas leur territoire.
L’une des premières conséquences du réchauffement climatique est la montée des eaux, qui constitue désormais un risque sérieux, notamment dans le Pacifique. Certaines îles – je pense, par exemple, aux îles Tuvalu – en subissent déjà des conséquences graves. En Polynésie, certaines îles connaissent une montée des eaux qui n’affecte pas encore la sécurité des biens et des personnes, mais cela pourrait bientôt changer.
Dans ces conditions, nous soutenons évidemment les amendements présentés par nos collègues ultramarins.
J’entends que l’on reproche à ces amendements de définir les équipements éligibles de manière trop floue. Je considère que la définition des « matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires » figurant à l’article 3 n’est pas plus précise…
Encore une fois, on a l’impression que l’on préfère éviter d’adapter des dispositions à l’outre-mer pour des questions de coût. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe écologiste. – M. Serge Larcher applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout à l'heure, en exprimant son avis, la commission s’est montrée ouverte à ces amendements. Elle considère, en effet, que l’adaptation du crédit d’impôt pour la transition énergétique aux spécificités de l’outre-mer est une vraie question.
Néanmoins, si nous adoptions l’amendement n° I-57, tel que rédigé, tous les climatiseurs, tous les équipements de production de froid deviendraient éligibles au CITE, qu’ils soient installés outre-mer ou en métropole. J’appelle donc l’attention du Sénat sur la portée d’un tel vote, en termes de coût du dispositif.
Monsieur Germain, personne ici ne conteste l’existence d’une spécificité ultramarine. Pour autant, il me semble que nous ne pouvons pas adopter cet amendement en l’état.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne voudrait pas donner l’impression qu’il n’a pas pris la peine d’étudier l’ensemble des amendements.
Il est proposé, au travers de l’amendement n° I-56, d’étendre le bénéfice du CITE aux dépenses d’acquisition d’une toiture végétalisée réalisées dans les DOM.
L’amendement n° I-57 tend à rendre éligibles au CITE les dépenses d’acquisition d’équipements permettant le raccordement à un réseau de froid, d’une part, et les dépenses d’acquisition d’équipements ou de matériaux visant à l’optimisation de la ventilation naturelle réalisées dans les DOM, d’autre part. En outre, cet amendement tend à différencier les critères techniques et de performance entre les DOM et la métropole.
L’amendement n° I-58 vise à inclure dans le champ du crédit d’impôt les dépenses occasionnées par la pose de certains équipements, exposées dans les DOM. L’amendement n° I-90 a le même objet pour les dépenses d’acquisition d’équipements de traitement et de récupération des eaux pluviales réalisées dans les DOM.
Les amendements nos I-84 rectifié ter et I-87 rectifié ont pour objet de différencier les critères techniques et de performance entre les DOM et la métropole.
M. Jean Desessard. Quand nos collègues ultramarins se déplacent à Paris, ce n’est pas pour présenter un seul amendement ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à l’Assemblée nationale, il n’est ni pertinent ni juridiquement possible de différencier les règles d’application du CITE selon le département de résidence du contribuable.
Ce crédit d’impôt est un dispositif national, qui poursuit un objectif global. Au regard de l’objectif d’amélioration de la qualité énergétique des logements, les équipements, pour être éligibles, doivent atteindre le même niveau de performance, quel que soit l’endroit où ils auront été installés.
J’ai d'ailleurs quelques doutes sur la constitutionnalité de l’ensemble de vos propositions.
En effet, la différence de traitement qu’elles introduisent entre résidents métropolitains et résidents des DOM ne paraît pas fondée sur un motif d’intérêt général suffisant pour déroger au principe d’égalité devant l’impôt. Ainsi, je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel considère qu’une différence de climat justifie d’introduire une différence de traitement entre les contribuables. (MM. André Gattolin et Serge Larcher s’exclament.)
De plus, il me semble que la définition des équipements que vous proposez d’introduire est parfois trop imprécise et ne permet pas d’apprécier l’économie d’énergie effectivement réalisée ni l’efficacité relative de ces équipements par rapport à d’autres technologies. Pour être éligible au CITE, un équipement doit permettre d’améliorer la performance énergétique d’un logement de la façon la plus efficiente possible. Je ne suis pas certain que tous les équipements que vous proposez de retenir respectent cette exigence.
D’autres équipements sont sans rapport avec la transition énergétique. Je pense, par exemple, aux récupérateurs d’eaux de pluie, que l’un des amendements vise à inclure dans le champ du crédit d’impôt.
M. Michel Bouvard. En effet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En outre, la mise en œuvre de ce dispositif, à l’incidence significative pour le budget de l’État – je rappelle que la réforme proposée par le Gouvernement représente déjà un effort de 700 millions d’euros pour 2016 –, étant techniquement complexe, il convient d’éviter toute ambiguïté sur la définition de son champ d’application, tant pour le contribuable souhaitant engager des travaux que pour la maîtrise de la dépense.
J’ai rappelé tout à l'heure que, sur l’initiative du Gouvernement, l’article 3, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale au terme d’une discussion serrée, comporte, au nombre des dépenses éligibles, l’acquisition d’équipements ou de matériaux de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires. Cela répond à vos préoccupations. Dès lors, je considère que l’inscription de cette nouvelle dépense éligible satisfait en grande partie vos amendements. Le Gouvernement ne souhaitant pas aller plus loin dans cette direction, il maintient son avis défavorable sur les cinq amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Ayant fait un peu de droit,…
M. Philippe Dallier. Cela tombe bien !
M. Jean-Claude Boulard. … je considère que, lorsque l’on parle de transition énergétique, le critère du climat n’est peut-être pas dénué de toute pertinence ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On n’a pas retenu ce critère en métropole ! Pourtant, la question du réchauffement ne se pose pas dans les mêmes termes au nord et au sud, dans les zones de montagne et à Ajaccio…
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. À vrai dire, je suis un peu attristé par les propos que vient de tenir M. le secrétaire d’État…
Par ailleurs, j’observe qu’il a fait un amalgame et qu’il a complètement oublié les amendements nos I-83 rectifié et I-220.
En somme, pourquoi diable habiter là où il fait chaud, en Martinique, en Guadeloupe ou en Guyane, plutôt qu’en France métropolitaine, semble dire M. le secrétaire d’État ! En effet, il refuse toute mesure particulière visant à tenir compte des spécificités des DOM. Pourtant, l’article 73 de la Constitution dispose justement que les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des régions et des départements d’outre-mer.
Je ne comprends pas ! On nous dit tantôt que nos propositions coûtent cher, tantôt qu’elles sont inconstitutionnelles. Il faut choisir !
Au demeurant, chaque fois que nous présentons des amendements, on nous répond que leur dispositif aurait davantage sa place dans un autre texte à venir… Les réalités ne sont jamais prises en compte ! Cette attitude n’aboutit absolument à rien, sinon à exaspérer les peuples d’outre-mer.
Mon collègue Georges Patient a évoqué, tout à l'heure, les événements regrettables de 2009. Beaucoup d’engagements avaient alors été pris. Les peuples d’outre-mer ont voté, mais si rien de ce qu’ils attendent n’advient, si les spécificités de leurs territoires ne sont pas prises en compte, ils finiront par désespérer de la République ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement maintient sa position : en matière de transition énergétique, concernant la protection des maisons contre le froid, aucune différenciation n’a été faite au bénéfice des zones de montagne,…
M. Michel Bouvard. C’est un problème, d’ailleurs !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … aucune distinction n’a été opérée entre le nord et l’extrême sud de la France métropolitaine, pour les raisons que j’ai indiquées.
Je comprendrais assez mal que l’on fasse un choix différent en matière de lutte contre la chaleur, qui, effectivement, chacun en est parfaitement conscient ici, est consommatrice d’énergie.
Par ailleurs, s’agissant des mesures en faveur des outre-mer, je crois que le Gouvernement, au travers de textes récemment adoptés ou encore lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » à l’Assemblée nationale, a montré sa volonté de prendre en compte les situations particulières, voire particulièrement difficiles, des territoires ultramarins.
Ainsi, le CICE a été majoré pour les outre-mer, les allégements de cotisations sociales ont été adaptés, le plafond des crédits d’impôt accordés au titre du dispositif Pinel a été porté de 10 000 euros – c’est le droit commun, si j’ose dire - à 18 000 euros.
Par conséquent, le Gouvernement a très largement démontré, me semble-t-il, qu’il prenait en considération la situation particulière des outre-mer. Il s’agit d’ailleurs non pas de leur accorder un traitement de faveur, mais tout simplement de tenir compte, légitimement, de difficultés spécifiques.
Je tenais à apporter ces précisions en contrepoint à vos propos, monsieur Larcher, qui donnaient à entendre que le Gouvernement ne prend pas en compte les spécificités des outre-mer. Toutes les dispositions que j’ai mentionnées ont été élaborées en lien avec le ministère des outre-mer et avec les parlementaires de ces territoires. Le rapport du sénateur Patient en a d’ailleurs inspiré un certain nombre.
Cependant, le Gouvernement n’est pas favorable à la mesure qui nous occupe ici. Cela étant, le Parlement est souverain…
Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos I-83 rectifié et I-220, ainsi que les amendements identiques nos I-84 rectifié ter et I-87 rectifié, n'ont plus d'objet.
L'amendement n° I-224, présenté par M. Capo-Canellas et Mme Jouanno, est ainsi libellé :
I.- Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, correspondant au coût global de location des appareils installés entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude sanitaire dans un bâtiment équipé d’une installation centrale ou alimenté par un réseau de chaleur ; »
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vise à améliorer le dispositif du crédit d'impôt pour la transition énergétique, en renforçant le déploiement de l’individualisation des frais de chauffage et d’eau chaude dans les immeubles chauffés collectivement.
Il est effectivement prévu d’inclure, dans le champ du CITE, l’acquisition de compteurs répartiteurs pour l’eau et les frais de chauffage. C’est une très bonne chose et cela va de pair avec une disposition du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoyant la généralisation de l’installation de compteurs dans les logements collectifs.
Nous proposons ici d’ouvrir le bénéfice du crédit d’impôt non pas uniquement aux compteurs achetés, mais également aux compteurs loués, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’installation de compteurs individuels procède, dans 90 % des cas, d’une location, non d’une acquisition. En ne visant que les acquisitions de compteurs, nous manquerions donc, pour l’essentiel, la cible.
Je rappelle également que la location permet une répartition des frais sur dix ans : quand le compteur vaut 500 euros, la location ne représente que 50 euros de frais par an.
Enfin, il est évident que les locataires ont quelques réticences à acheter leur compteur ; n’étant pas propriétaires, ils préfèrent le louer.
La mesure que nous proposons s’inspire du dispositif de l’ancien article 200 quinquies du code général des impôts, accordant un crédit d’impôt sur le revenu aux contribuables ayant pris en location un véhicule automobile neuf fonctionnant avec une source d’énergie non polluante.
Le sujet est important, car il s’agit de permettre aux habitants des immeubles collectifs, particulièrement dans le secteur du logement social, d’adopter un comportement vertueux, tout en confortant leur pouvoir d’achat. Sur les 5 millions de logements collectifs existant en France, seulement 15 % bénéficient de l’individualisation des charges de chauffage et d’eau chaude, contre 90 % en Allemagne.
D’ailleurs, si le déploiement des compteurs est prévu dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, c’est dans un souci de transposition d’une directive datant de 2012 sur l’efficacité énergétique, exigeant l’équipement des logements collectifs.
Pour conclure, je rappellerai que, en Allemagne, l’installation des compteurs individualisés a conduit à des économies d’énergie importantes et, dans le même temps, a fait baisser les charges de chauffage des habitants d’au moins 10 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement pose tout d’abord une question de fond : le bénéfice du crédit d’impôt doit-il être étendu à des locations ? En effet, dans ce cas, le crédit d’impôt s’appliquera chaque année.
Par ailleurs, le législateur a, me semble-t-il, voulu que ce dispositif de crédit d’impôt s’applique plutôt à des appareils de haute performance. Or, il s’agit ici simplement de compteurs.
Enfin, le dispositif est-il adapté à des montants modestes ? Si un locataire de compteur doit inscrire tous les ans dans sa déclaration de revenus un coût de location de 25 euros pendant x années, je ne suis pas certain que cela s’inscrive dans l’esprit du dispositif initial. Cela aurait en outre pour conséquence de complexifier les déclarations de revenus et leur traitement par l’administration fiscale.
Pour toutes ces raisons, la commission s’est montrée très réservée sur la mesure proposée et demande aux auteurs de l’amendement n° I-224 de bien vouloir le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous souhaitez, monsieur le sénateur, étendre le champ du crédit d’impôt au coût de location des appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude dans un immeuble collectif.
Pour plusieurs raisons, je ne suis pas d’accord avec cette proposition.
Premièrement, le crédit d’impôt dont nous débattons est conçu pour aider les contribuables à acquérir des équipements et à financer des travaux dans leur résidence principale. Il n’est donc guère envisageable de l’étendre à la location d’équipements dont l’acquisition serait éligible à l’avantage fiscal.
Deuxièmement, si je comprends bien le sens de votre proposition, celle-ci revient à accorder un crédit d’impôt pour une prestation de location d’équipement, à l’exclusion des prestations annexes qui pourraient être fournies au locataire. Dans ces conditions, il me semble que l’effet incitatif du crédit d’impôt à la location de compteurs serait limité, si l’on considère le coût généralement peu élevé de la location de tels équipements.
En tout état de cause, il me paraît préférable de cibler l’aide fiscale sur l’acquisition – et, au final, l’installation pérenne de tels équipements dans les logements –, plutôt que sur la location.
Je rappelle enfin que cette réforme vise à simplifier les modalités d’application du dispositif, tout en accélérant la rénovation énergétique des logements. Votre proposition conduirait à disperser la dépense sur des mesures d’aide plutôt symboliques.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, je formulerai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je voudrais simplement rappeler qu’il existe un précédent, avec la location de certains types de véhicules. Par conséquent, je ne comprends pas que l’on m’oppose une impossibilité d’étendre le champ du dispositif dans le présent cas d’espèce.
On m’objecte en outre que la mise en œuvre de ma proposition conduirait à accorder un crédit d’impôt, chaque année, d’un montant relativement modeste… Le coût n’en serait que moindre pour l’État !
Enfin, l’argument selon lequel le crédit d’impôt serait habituellement limité à des produits technologiquement élaborés me désole… Dans ce cas, il faut aussi être contre la disposition s’agissant des acquisitions de compteurs !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-224.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-56, présenté par MM. Patient et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Vergoz et J. Gillot, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans situé à la Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe ou à Mayotte, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’une toiture végétalisée. » ;
II – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je suis contraint de dire que la commission a émis un avis favorable sur cet amendement… (M. Michel Bouvard rit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai longuement expliqué tout à l’heure pourquoi le Gouvernement souhaitait centrer ces dispositifs de crédit d’impôt sur des mesures très directement liées à la transition énergétique. Cela ne me semble pas vraiment être le cas du dispositif du présent amendement. En outre, pourquoi viser plus spécifiquement les départements d’outre-mer ? L’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Les écologistes voteront en faveur de l’adoption de cet amendement, qu’ils jugent tout à fait bienvenu.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-56.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-58, présenté par MM. Patient, Antiste, Cornano et Desplan, Mme Claireaux et MM. J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Vergoz, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, les travaux d’installation des équipements mentionnés aux 2° et 3° du b) et au j). » ;
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur cet amendement, la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne souhaite pas, de façon générale, que les dépenses d’installation soient prises en compte au titre du CITE. Il émet donc, sur cet amendement, un avis défavorable, et remercie la commission de l’avoir éclairé ! (Rires.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-90, présenté par MM. Desplan et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, J. Gillot, S. Larcher et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Aux dépenses afférentes à un immeuble situé dans un département d’outre-mer et achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, au titre de l’acquisition d’équipements de traitement et de récupération des eaux pluviales. » ;
II – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Félix Desplan.
M. Félix Desplan. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je ne me fais guère d’illusion quant au sort qui sera réservé à cet amendement puisqu’il n’est pas envisagé d’ouvrir le champ du CITE, en dépit de certaines situations spécifiques. J’en expose néanmoins la problématique.
En Guadeloupe, la consommation d’électricité est stable depuis quatre ans, mais la progression de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique est telle qu’elle permet d’envisager une production d’électricité propre à hauteur de 50 % d’ici à 2020.
C’est possible parce l’ensoleillement et le gisement de vent présentent un formidable potentiel pour le développement de l’énergie solaire et éolienne.
Cette dynamique ne s’arrête pas là. Je pourrais citer d’autres projets, parce que les Guadeloupéens ont pris conscience du patrimoine naturel de leur île, avec pour priorité de le protéger et d’agir à bon escient.
Tous ces éléments auraient de quoi faire la fierté de la Guadeloupe s’agissant de la question de l’environnement. Cependant, il y a, encore et toujours, la sempiternelle question de l’eau. Ne dit-on pas : « L’eau, c’est la vie » ?
Il n’y a pas vraiment de rapport entre ces deux problématiques, me direz-vous, sauf qu’en Guadeloupe l’eau potable est gaspillée avant même d’arriver au robinet, avec plus de 50 % de pertes. Ces pertes sont estimées en moyenne à 20 % en métropole, ce qui place la Guadeloupe au-delà des plus mauvais chiffres de l’Hexagone.
Alors, peu m’importe d’établir un rapport direct quand il s’agit d’évoquer les exceptionnelles ressources que nous offre notre chère nature. Mme la ministre Ségolène Royal l’a si bien dit : « Tout citoyen a deux patries : la sienne et la planète. »
L’histoire prête à la Guadeloupe le nom de Karukéra, « l’île aux belles eaux ». N’est-ce pas une belle ironie quand, chaque jour, la distribution de son eau est perturbée, voire stoppée ?
Nous savions cette eau rare pendant le carême, notre période sèche ; nous sommes condamnés à l’accepter polluée au chlordécone pour des centaines d’années et, aujourd’hui, on nous demande encore d’accepter qu’elle soit fuyante, gaspillée, perdue !
Je peux entendre que le crédit d’impôt pour la transition énergétique doive inciter les contribuables à effectuer la rénovation énergétique de leur logement.
Je peux aussi entendre que la collecte et le traitement des eaux pluviales sont des éléments qui ne participent pas de la transition énergétique, comme me l’ont dit vos collaborateurs, monsieur le secrétaire d’État.
Mais pensez-vous que les ménages guadeloupéens puissent, eux, entendre qu’ils ont un dispositif fiscal pour l’acquisition ou l’installation d’équipements performants, souvent très onéreux, mais que pour l’eau, indispensable, ils doivent faire autrement ?
Pensez-vous réellement que l’isolation thermique soit une priorité quand on n’a pas d’eau saine pour satisfaire quotidiennement les usages domestiques et d’hygiène personnelle ?
N’y a-t-il donc pas un effort à faire ici ?
Aussi, mes chers collègues, je vous propose de voter cet amendement.
J’ajoute qu’il serait souhaitable que, par la levée du « gage » - et je vous la demande, monsieur le secrétaire d’État -, les ménages les plus modestes, donc non éligibles à l’impôt sur le revenu, puissent bénéficier du dispositif, car ce sont bien eux qui ont le plus de difficultés à s’équiper. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Après les toitures végétalisées, les réseaux d’eau…
La question évoquée par notre collègue des frais de réaménagement des réseaux d’eau est tout à fait pertinente, mais je crains qu’elle ne soit quelque peu éloignée de la vocation originelle du CITE.
C’est la raison pour laquelle la commission s’est déclarée défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le rendement des réseaux d’eau est une question importante, liée à l’environnement en général, mais un peu moins directement à la transition énergétique. Il s’agit en tout cas d’une question environnementale très forte, qui a une incidence sur les prix, les milieux. Il faut lutter contre les fuites dans les réseaux, et des pertes de 50 % sont effectivement inacceptables. Celles-ci sont également liées aux conditions environnementales difficiles, à l’activité sismique, aux événements climatiques, qui mettent à mal les réseaux d’eau potable. Tout cela, le Gouvernement en est parfaitement conscient.
Pour autant, le CITE ne nous semble pas constituer l’outil le mieux adapté au type d’investissement que vous évoquez. Je propose qu’une réflexion sur le sujet se poursuive dans le cadre de la navette parlementaire. Toutefois, s’agissant d’un sujet qui, je le répète, n’est pas directement lié à la transition énergétique, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-17, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le taux :
30 %
par le taux :
25 %
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est motivé par la volonté de maintenir un caractère incitatif au crédit d’impôt pour la transition énergétique tout en en limitant le coût pour les finances publiques.
L’Assemblée nationale a fortement élargi l’actuel crédit d’impôt pour le développement durable en supprimant la condition liée au bouquet de travaux et en étendant son assiette. Dans le même temps, elle en a doublé le taux, qui est passé de 15 % à 30 %.
L’ensemble de ces mesures ont pour effet d’augmenter sensiblement le coût du crédit d’impôt, qui s’accroîtra de 230 millions d’euros en 2015, puis d’environ 700 millions d’euros en 2016.
Dans le souci de diminuer ou du moins de contenir cette dépense fiscale, la commission propose de réduire le taux du CITE de 30 % à 25 %. Ce pourcentage permet de limiter le coût de la dépense fiscale tout en maintenant le même effet incitatif : ce n’est pas parce que le taux du crédit d’impôt passe de 30 % à 25 % que le contribuable décidera de ne pas investir. En revanche, son coût s’en trouvera substantiellement diminué, de l’ordre de 38 millions d’euros en 2015 et de 116 millions d’euros en 2016.
Telles sont les raisons pour lesquelles je présente cet amendement, au nom de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement ; il a présenté un projet de loi de finances dans le cadre d’un équilibre financier général qu’il assume.
Vous dites que passer de 30 % à 25 % le taux du crédit d’impôt pour la transition énergétique lui conférerait le même caractère incitatif. Dans ce cas, on pourrait descendre de 25 % à 20 %, voire, de proche en proche, jusqu’à zéro !
Le Gouvernement a souhaité simplifier et uniformiser l’ensemble des crédits d’impôt, dont les taux atteignaient, si ma mémoire ne me fait pas défaut, 30 % dans certaines circonstances, afin d’en garantir la simplicité et le caractère très incitatif. Cette mesure est donc pleinement assumée.
Le dispositif serait moins incitatif à 25 % qu’à 30 %, contrairement à ce que vous affirmez. Certes, le secrétaire d’État chargé du budget n’est pas insensible à l’économie de dépenses fiscales que votre amendement permettrait de réaliser, mais celles-ci ont été intégrées dans notre trajectoire.
Vous avez déjà diminué la réduction d’impôt sur le revenu pour les ménages modestes, j’en prends acte. Vous souhaitez maintenant réduire le taux du crédit d’impôt pour la transition énergétique. C’est votre choix, mais ce n’est pas celui du Gouvernement. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je soutiens sans faille la position du Gouvernement. Nous expliquer que le dispositif pourrait être aussi performant en intervenant moins… À force de ne plus manger, comme on dit, on n’a plus faim !
Plus sérieusement, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est en cours d’examen. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique en est la première pierre, pour un coût de quelques centaines de millions d’euros. Au regard du travail colossal qu’il reste à faire pour rééquiper tous les foyers, pour réaliser des économies en matière énergétique, nous sommes au minimum minimorum !
Tout le monde, à gauche comme à droite, est pour l’environnement. De grands discours ont été tenus, puis, au printemps 2010, on nous dit : « L’écologie, ça commence à bien faire ! » Eh bien non ! L’écologie, cela n’a pas encore commencé, ou alors par des mesures infinitésimales ! Là, nous avons l’occasion de faire quelque chose et je rends grâce au Gouvernement d’engager enfin la mise en œuvre des promesses que nous attendons depuis maintenant deux ans et demi.
Avec ce crédit d’impôt, nous avons des moyens. Il est faux de prétendre que sa réduction de 30 % à 25 % ne va rien changer. Auparavant, il n’était pas possible de cumuler les aides et les crédits d’impôt en matière d’isolation, d’amélioration énergétique des bâtiments en cas de travaux de nature différente. Notre capacité à intervenir très sérieusement dans nos logements et à économiser de l’énergie va enfin être prise en compte, et c’est essentiel.
Par ailleurs, ce dispositif va soutenir les secteurs du bâtiment et de la rénovation, dont les emplois ne sont pas délocalisables, de même que l’artisanat. Il est reproché au CICE de ne pas bénéficier suffisamment aux petites entreprises ; nous le déplorons également. Le CITE, quant à lui, apporte un plus par rapport au CICE, et l’on voudrait le rogner pour faire des économies ! Nous attendons vos arguments lors de l’examen du budget de la défense…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-17.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° I-350, présenté par M. Marini et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au II de l’article 18 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, la date : « 14 novembre 2012 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2013 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Le présent amendement vise à remédier à une situation absurde ne résultant pas, de toute évidence, de la volonté du législateur, pour les personnes ayant réalisé un apport de titres à une holding placée sous leur contrôle entre le 14 novembre 2012 et le 31 décembre 2012 puis cédé leurs titres de holding après le 1er janvier 2013.
Depuis le 14 novembre 2012, l’apport-cession à une holding contrôlée par l’apporteur conduit à constater deux plus-values autonomes.
La première, lors de l’apport des titres à la holding, correspond à la différence entre la valeur d’acquisition des titres et leur valeur au jour de l’apport. L’assiette de la plus-value est liquidée au jour de l’apport, mais la taxation effective est reportée à la date de la cession. Elle se fera alors en appliquant le taux en vigueur au jour de la cession sur l’assiette calculée au jour de l’apport.
La seconde, lors de la cession des titres apportés ou des titres de la holding, correspond à la différence entre la valeur d’apport – si cession de titres apportés – ou d’acquisition – si cession de titres de holding – et la valeur de cession. Cette plus-value est taxable immédiatement dans les conditions de droit commun.
En principe, la première plus-value concentre l’essentiel de la valeur, car on répute que la cession intervient peu de temps après l’apport, sans appréciation substantielle de la valeur des titres dans l’intervalle. Si la seconde plus-value ne bénéficie pas d’abattement faute de durée suffisante de détention, la charge fiscale reste « modeste », car la plus-value l’est aussi. En revanche, la plus-value la plus importante, celle qui intervient peu après l’apport, a vocation à bénéficier pleinement des abattements.
Pour les apports réalisés avant le 14 novembre 2012, l’ancien régime de sursis s’applique. Par conséquent, la plus-value est taxée soit au taux forfaitaire de 24 %, si la cession est intervenue avant le 31 décembre 2012 – 43,5 % en incluant les prélèvements sociaux et la contribution sur les hauts revenus –, soit au taux marginal de l’impôt sur le revenu, mais avec abattements – 7 % dans le meilleur des cas, soit un taux effectif de 26,3 % en incluant les prélèvements sociaux et la contribution sur les hauts revenus –, si la cession est intervenue après le 1er janvier 2013.
De même, les apports réalisés après le 1er janvier 2013 bénéficient du nouveau régime avec abattements. Mais entre les deux dates, l’apport conduit à geler l’assiette sans abattements, car ceux-ci n’entrent en vigueur qu’au 1er janvier 2013. En revanche, le taux applicable devient, à compter du 1er janvier 2013, le taux marginal d’imposition de droit commun. Autrement dit, nous avons l’assiette de l’ancien régime, qui n’avait de sens qu’avec un taux forfaitaire faible, et le taux du nouveau régime, qui n’est pourtant supportable qu’avec les abattements d’assiette.
Ce « raté » législatif conduit ainsi à des taxations au taux effectif de 64,5 %, alors que la taxation aurait pu être, à quelques jours près, de 43,5 % avant cette période ou de 26,3 % après cette période, ce qui pose un problème d’égalité devant l’impôt, aucun motif d’intérêt général ne justifiant une telle situation.
Le présent amendement vise en conséquence à ce que ce dispositif soit applicable aux apports réalisés à compter du 1er janvier 2013 et non du 14 novembre 2012.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue a posé les termes du débat, qui concerne les « pigeons » oubliés.
M. Jean Germain. Égarés !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il semblerait en effet qu’il y ait eu une sorte de petit raté législatif, qui aurait conduit à des taxations au taux effectif incroyable de 64,5 %.
Le problème avait été identifié par Philippe Marini, qui avait, à l’époque, appelé l’attention du Gouvernement sur ce point. Il n’avait pas eu de réponse et l’on se rend compte aujourd'hui de la difficulté qu’il avait soulevée.
La commission s’est interrogée sur le caractère véritablement opérationnel de cet amendement. N’oublions pas que l’adoption de la mesure proposée aurait, rétroactivement, un coût.
À mon avis, cet amendement a le mérite d’apporter une réponse à une vraie question, bien présentée par notre collègue. La commission a donc souhaité entendre l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous proposez de différer au 1er janvier 2013 l’entrée en vigueur du mécanisme de report d’imposition des plus-values réalisées par les contribuables lors d’une opération d’apport de titres à une société qu’ils contrôlent.
Vous cherchez ainsi à corriger les effets de l’entrée en vigueur d’une mesure anti-abus, à savoir le mécanisme dit d’apport-cession et la réforme des gains de cession des valeurs mobilières.
A priori, je ne suis pas favorable à votre proposition. J’ai été saisi, comme vous, du cas que vous évoquez. Peut-être certains autres de vos collègues l’ont-ils été également. Mes services ont été informés de cette situation, qui leur a été signalée au cours de la consultation publique sur l’instruction administrative relative à la récente réforme du régime des gains de cession de valeurs mobilières.
Cette situation résulte de l’application des textes adoptés par le Parlement. La manière dont vous la présentez la fait apparaître comme particulièrement choquante et portant atteinte au principe d’égalité devant l’impôt : je ne partage pas votre analyse.
Je voudrais tout d’abord revenir sur la réalité de l’ampleur de ce problème. Les opérations pouvant être traitées fiscalement de la manière telle que vous la décrivez sont les seules opérations d’apport à une société contrôlée par le contribuable ayant eu lieu entre le 14 novembre 2012 et le 1er janvier 2013, soit pendant un mois et demi.
Je rappelle également que les opérations de fusion de société donnant lieu à échanges de titres n’entrent pas dans le champ de la mesure anti-abus, mais donnent lieu à un sursis d’imposition.
Dès lors, les contribuables qui ont réalisé sur cette période ces opérations bien spécifiques savaient qu’ils entraient dans un dispositif particulier de taxation, qui aurait un impact sur les règles applicables à leur opération.
Je ne veux pas dire qu’ils pouvaient anticiper l’ensemble des règles qui leur seraient applicables, mais ils n’étaient pas non plus totalement démunis. Surtout, de combien de contribuables parlons-nous ? Je sais qu’il y a eu une certaine agitation autour de cette question, que des courriers types ont circulé. J’en ai reçu, mes services aussi. Toutefois, je ne voudrais pas que nous légiférions sur un cas particulier. Je ne suis en effet absolument pas convaincu de l’opportunité de décaler l’entrée en vigueur du dispositif dit d’apport-cession.
Je rappelle que ce dispositif s’applique aux opérations réalisées à partir du 14 novembre 2012, date de l’annonce de la mesure en conseil des ministres, afin, justement, d’éviter les comportements d’optimisation fiscale.
Cette entrée en vigueur anticipée, adoptée par la représentation nationale au regard de sa vocation anti-abus, comme l’ensemble des mesures de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale et sociale de la troisième loi de finances pour 2012, a été jugée conforme à la Constitution. Revenir sur ce choix serait contraire à l’objectif, à savoir mettre fin à des schémas d’optimisation.
Par ailleurs, je nourris quelques doutes, s’agissant d’une question très technique, sur le plan juridique. En effet, votre proposition revient à décaler rétroactivement l’entrée en vigueur d’un régime d’imposition, ce qui, vous en conviendrez, est plutôt original.
Au surplus, avant d’assouplir la loi, il faudrait à tout le moins que nous nous assurions que la mesure envisagée permet, d’un point de vue pratique, de répondre à la question posée.
Vous l’aurez compris, je serais plus à l’aise, mesdames, messieurs les sénateurs, si, plutôt que d’agir sur le seul fondement d’un sentiment diffus, nous nous donnions le temps de l’analyse et de la réflexion.
Si vous retiriez votre amendement, monsieur le sénateur, nous pourrions en discuter de nouveau, si cela est nécessaire, au cours de l’examen du collectif budgétaire.
En effet, la mesure proposée, très technique, nécessite une évaluation complémentaire, pour que nous puissions en mesurer complètement l’impact et la pertinence. Je le répète, je ne suis pas opposé à ce que nous y revenions dans le cadre du collectif budgétaire – il n’est d’ailleurs pas trop tard. Selon moi, l’adoption, aujourd'hui, de cette mesure reviendrait à nous faire courir un risque.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° I-350 est-il maintenu, monsieur Duvernois ?
M. Louis Duvernois. Je retire l’amendement, dans la mesure où M. le secrétaire d’État a pris des engagements, qu’il tiendra, nous en sommes sûrs.
M. Jean Desessard. Il a pris l’engagement d’en discuter !
Mme la présidente. L'amendement n° I-350 est retiré.
Article 4
I. – Le B du IV de l’article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est complété par les mots : « intervenant entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014 ».
II. – A. – Un abattement de 30 % est applicable sur les plus-values, déterminées dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VD du code général des impôts, résultant de la cession de terrains à bâtir définis au 1° du 2 du I de l’article 257 du même code ou de droits s’y rapportant, à la double condition que la cession :
1° Soit précédée d’une promesse unilatérale de vente ou d’une promesse synallagmatique de vente ayant acquis date certaine à compter du 1er septembre 2014 et au plus tard le 31 décembre 2015 ;
2° Soit réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse unilatérale de vente ou la promesse synallagmatique de vente a acquis date certaine.
L’abattement mentionné au premier alinéa du présent A est également applicable aux plus-values réalisées au titre de cessions portant sur des biens immobiliers situés dans des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants définie à l’article 232 du code général des impôts lorsque le cessionnaire s’engage, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dont la surface de plancher est au moins égale à 90 % de celle autorisée par le coefficient d’occupation des sols applicable, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acquisition.
En cas de manquement à cet engagement, le cessionnaire est redevable d’une amende d’un montant égal à 10 % du prix de cession mentionné dans l’acte.
En cas de fusion de sociétés, l’engagement souscrit par le cessionnaire n’est pas rompu lorsque la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à se substituer à la société absorbée pour le respect de l’engagement précité dans le délai restant à courir. Le non-respect de cet engagement par la société absorbante entraîne l’application de l’amende prévue pour le cessionnaire.
L’abattement mentionné au premier alinéa du présent A est également applicable aux plus-values prises en compte pour la détermination de l’assiette des contributions prévues aux articles L. 136-7 du code de la sécurité sociale et 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, des prélèvements prévus aux articles 1600-0 S du code général des impôts et L. 245-15 du code de la sécurité sociale et de la contribution additionnelle prévue à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles.
B. – Le A ne s’applique pas aux plus-values résultant des cessions réalisées au profit d’un cessionnaire s’il s’agit :
1° D’une personne physique qui est le conjoint du cédant, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin notoire ou un ascendant ou descendant du cédant ou de l’une de ces personnes ;
2° D’une personne morale dont le cédant, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin notoire ou un ascendant ou descendant de l’une de ces personnes est un associé ou le devient à l’occasion de cette cession.
III. – Les I et II entrent en vigueur à compter du 1er septembre 2014.
Mme la présidente. L'amendement n° I-179, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La France connaît une grave crise du logement, c’est une lapalissade que de le dire.
Toutefois, assez étonnamment, alors que nous comptons des centaines de milliers de mal-logés, plusieurs dizaines de milliers de sans-abri, moult familles endettées dans des logements privés hors de prix, et je ne sais combien de familles prioritaires au titre du droit au logement opposable, les trois articles 4, 5 et 6 de ce projet de loi de finances ne se placent que du point de vue des investisseurs.
Encore une fois, c’est au travers du prisme de la rentabilité des opérations foncières et immobilières que l’on se situe et non au travers de celui, pourtant autrement plus large, des demandeurs de logement.
Je ne sais pas si l’on peut taxer d’incohérence et d’amateurisme un gouvernement qui nous propose aujourd’hui ces trois dispositions, et notamment celle de l’article 4, et si l’on peut en déduire que la position adoptée cette année est plus « juste » et plus « responsable ». Néanmoins, j’ai tout de même l’impression que les seuls qui y trouveront un intérêt seront toujours les mêmes, à savoir les propriétaires fonciers et les investisseurs immobiliers.
En 2013, les plus-values de cession de biens meubles et immeubles ont concerné moins de 62 000 ménages, pour un montant total de 806 millions d’euros environ.
Dans cet ensemble figuraient des plus-values, réalisées par environ 1 100 foyers fiscaux, ouvrant droit à exonération sous condition de réemploi, pour un montant d’un peu plus de 61 millions d’euros.
Le dispositif visé à l’article 4, me semble-t-il, ne devrait pas concerner une population fiscale beaucoup plus importante et est donc assez éloigné d’une solution durable au problème du logement dans notre pays. En fait, dans l’absolu, il ne devrait que créer un effet d’aubaine pour quelques propriétaires fonciers.
S’agissant des conséquences de la mesure proposée, plusieurs défauts peuvent être évoqués.
D’abord, nous l’avons dit, elle s’adresse à une population fiscale plutôt réduite.
Ensuite, elle risque, dans certaines zones tendues, d’avoir quelques effets pervers en multipliant l’offre foncière relativement chère et en raréfiant l’offre foncière abordable.
Cet effet sans doute inverse de celui des intentions d’origine risque donc de rendre difficile la construction sociale dans les zones tendues.
Enfin, elle risque de favoriser une « minéralisation » accrue des villes, les terrains à bâtir disponibles étant, bien souvent, soit des terrains en attente d’affectation, soit des terres à vocation agricole souffrant d’une absence de succession.
Quoi qu’il en soit, en faisant confiance au seul « bon sens » des acteurs économiques, on se retrouve avec une grande disparité de situations.
À la vérité, seule la disposition votée par l’Assemblée nationale et donnant un relief particulier à l’article en priorisant la cession de terrains à bâtir à destination des bailleurs sociaux pourrait trouver grâce à nos yeux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement vise à supprimer l’article 4, qui modifie le régime d’imposition des plus-values sur les terrains à bâtir.
La commission n’approuve pas le régime d’imposition des plus-values. Nous sommes en effet nombreux à considérer que ce régime est trop complexe, chaque loi de finances le modifiant par des mécanismes d’abattement ou en faisant varier les durées de détention requises. De fait, ce régime est devenu totalement illisible : le délai pour bénéficier d’abattements est modifié régulièrement, donc ; le délai de vingt-deux ans pris en compte pour l’imposition à l’impôt n’est pas la même que pour l’imposition à la CSG, qui est, lui, de trente ans ; les abattements réguliers applicables aux terrains à bâtir obéissent à des dispositifs variés. Tout cela est assez compliqué à comprendre.
Cette complexité combinée à des durées d’abattement trop longues ont peut-être pour conséquence de bloquer le marché et expliquent sans doute la faiblesse du marché immobilier. Dans la pratique, ce système illisible incite les propriétaires à conserver leurs biens. Ils ont tendance à ne pas vendre, à attendre.
J’attends donc une réforme plus profonde pour parvenir à un dispositif plus clair, plus lisible, qui ne soit pas modifié en permanence par chaque loi de finances.
Si l’article 4 modifie le régime des impositions des plus-values, il permet au moins une petite simplification de la législation et garantit la neutralité fiscale.
La commission s’est donc montrée défavorable à cet amendement, tout en appelant de ses vœux un système plus lisible, plus stable, plus acceptable, qui encourage les transactions immobilières et ne bloque pas le marché, comme c’est le cas des incessants changements de la législation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Bien entendu, le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression puisqu’il consiste à supprimer une proposition qu’il a lui-même faite. Cela dit, ce n’est pas un argument suffisant…
Monsieur le rapporteur général, permettez-moi d’être quelque peu étonné de votre argumentation, car c’est bien un gouvernement de M. Sarkozy qui a passé l’abattement pour durée de détention dans le foncier bâti à trente ans. Le Gouvernement est revenu à un délai de vingt-deux ans.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas pour la CSG !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Permettez-moi de terminer, je connais un peu le sujet.
Donc, nous sommes revenus à une durée de vingt-deux ans parce que nous avons considéré que trente ans, c’était une erreur, et même une erreur grave puisque cela a bloqué le marché immobilier.
Puis on a observé une tentative de provoquer un choc d’offre sur les terrains à bâtir, dans l’idée que supprimer l’abattement serait une incitation à la vente puisque plus personne ne gagnerait en conservant un bien. Pour différentes raisons, le Conseil constitutionnel a considéré que ce n’était pas juste et a censuré cette mesure.
Vous souhaitez de la stabilité et de la lisibilité. Nous allons dans ce sens, puisque nous donnons au régime des terrains à bâtir le même rythme d’amortissement de l’impôt que pour les propriétés bâties : tout le monde sera à vingt-deux ans.
Vous soulignez le fait que, sur les contributions sociales, l’abattement maximal n’est atteint qu’au bout de trente ans, d’ailleurs sans réelle linéarité puisque c’est plutôt vers la fin, effectivement, que l’abattement se renforce.
On ne peut en même temps réclamer de la stabilité et vouloir sans cesse apporter des modifications. Les régimes sociaux ne concernent pas forcément les mêmes bénéficiaires. Nous souhaitons conservons cette durée de trente ans et donc maintenir le dispositif actuel – de toute façon, il n’était pas modifié.
Le régime d’abattement des plus-values de cessions de terrains à bâtir est aligné sur celui qui est applicable aux cessions d’immeubles bâtis, à savoir vingt-deux ans. C’est simple et nous n’avons pas l’intention d’en changer.
En tout cas, je voulais rappeler que c’est un gouvernement de M. Sarkozy – je ne sais plus lequel – qui avait porté cette durée à trente ans.
M. Jacques Chiron. Décision prise en 2011 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas nous reprocher à la fois d’en revenir à un dispositif plus incitatif et de changer incessamment les règles, au détriment de la stabilité. Cela voudrait dire que vous considérez qu’il fallait rester sur une durée de trente ans. Dans ce cas, déposez un amendement en ce sens !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-392 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Jarlier, Marseille et Canevet, Mme Iriti, MM. Zocchetto, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du I de l’article 150 VB est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le prix d’acquisition s’entend également de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie pendant la durée de détention du bien. » ;
2° Les six premiers alinéas du I de l’article 150 VC sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« I. – Pour la prise en compte de l’effet de l’érosion de la valeur de la monnaie mentionnée au I de l’article 150 VB, dans l’établissement du prix d’acquisition, la durée de détention est décomptée : » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 7 % » ;
4° L’article 1609 nonies G est abrogé.
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Au e, après le mot : « Des plus-values », sont insérés les mots : « de cessions mobilières » ;
b) Après le e, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Des plus-values de cessions immobilières et de terrains à bâtir soumises à l’impôt sur le revenu ; »
2° L’article L. 136-8 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après les mots : « à l’article L. 136-6 », sont insérés les mots : « à l’exception des plus-values de cessions immobilières visées par son septième alinéa, » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À 4,70 % pour les plus-values de cessions mentionnées au septième alinéa de l’article L. 136-6 ; »
3° L’article L. 245-16 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par exception aux dispositions du I du présent article, les plus-values de cessions immobilières visées au septième alinéa de l’article L. 136-6 sont soumises à un taux de 3 % de prélèvements sociaux.
« Le produit de ces prélèvements est ainsi réparti :
« 1° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;
« 2° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
« 3° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. »
III. – Le III de l’article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est abrogé.
IV. – Le présent article entre en vigueur au 1er juillet 2015.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. C’est un amendement de fond sur la taxation des plus-values immobilières.
M. le secrétaire d’État vient de dire que l’alignement du régime fiscal et social des terrains à bâtir sur celui des propriétés bâties en vigueur – à savoir une exonération de plus-value de cession des terrains à bâtir à compter de vingt-deux ans au titre de l’imposition sur le revenu – était une mesure de simplification. Certes, mais, comme cela a été dit, l’abattement au titre des prélèvements sociaux n’est total qu’au bout de trente ans.
Notre système actuel de taxation des plus-values immobilières est tout de même particulièrement complexe, puisqu’il comprend une taxe sur la plus-value, une surtaxe, un prélèvement social et des abattements qui ne sont pas calés sur les mêmes durées de détention. On peut difficilement faire plus compliqué ! Cela ne m’étonne guère de la part de l’administration fiscale française, qui est toujours très inventive.
Ce faisant, nous nous retrouvons avec un système compliqué et plutôt antiéconomique puisqu’il incite à conserver les biens le plus longtemps possible afin d’éviter que les transactions ne soient soumises à un taux d’imposition très élevé de 34,5 %.
L’objet de cet amendement est donc à la fois de simplifier ces dispositions de taxation des plus-values immobilières et de les rendre plus économiques, plus efficaces, en proposant un taux unique, au titre à la fois de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Cela ramènerait le taux d’imposition maximum actuel de 34,5 % à 17 %, dont 7 % au titre de l’impôt sur le revenu et 10 % au titre des prélèvements sociaux.
Ce taux unique permanent s’appliquerait quelle que soit la durée de détention, afin de favoriser la cession des biens détenus depuis peu, à l’image des régimes en vigueur en Suède, au Royaume-Uni ou encore en Espagne.
Cet amendement vise à supprimer le régime actuel d’abattement pour durée de détention et les abattements exceptionnels, tout en prenant en compte l’érosion monétaire afin de contribuer à la neutralité fiscale et sociale de la mesure dans le respect du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.
De plus, afin de ne pas pénaliser les propriétaires qui ont fait le choix de la détention longue, les dispositions du présent amendement n’entreraient en vigueur qu’au 1er juillet 2015. Ce délai laisserait à ces propriétaires la possibilité de céder leurs biens, s’ils le souhaitent, sous le régime actuel d’imposition.
J’ai essayé de raisonner à produit constant pour le budget de l’État et à comportement identique des acteurs. J’ai toutefois expliqué qu’à mon avis, cela viendrait modifier le comportement des acteurs et que l’on pourrait donc s’attendre à des recettes supplémentaires.
Cela étant, je n’ai malheureusement pas pu obtenir de vos services, monsieur le secrétaire d’État, les chiffres que j’avais demandés à ce sujet. J’ai donc été obligé d’établir mes chiffrages avec l’aide d’un notaire, sur la base d’une année de transactions. J’ai retenu des taux permettant de parvenir au même montant de plus-values – et, donc, de produit pour le budget de l’État.
Mme la présidente. L’amendement n° I-387, présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Estrosi Sassone, M. Grand, Mme Hummel et MM. Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
intervenant entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014
par les mots :
qui interviennent entre le 1er septembre 2013 et le 31 décembre 2014
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au C du IV de l’article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, la date : « 31 août 2014 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2014 ».
III. – Alinéa 3
Remplacer la date :
1er septembre 2014
par la date :
1er janvier 2015
IV. – Alinéa 12
Remplacer la date :
1er septembre 2014
par la date :
1er janvier 2015
V. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport cosigné par quatre sénateurs siégeant sur des travées différentes : MM. Collin, Vandierendonck, Pillet et moi-même. Ce rapport traitait des outils fonciers mis à disposition des élus locaux. Toute une partie était consacrée à la fiscalité.
Les nombreuses auditions auxquelles nous avons alors procédé nous ont permis de mesurer à quel point l’instabilité était, en la matière, absolument préjudiciable au but visé, à savoir mettre des terrains sur le marché pour construire plus.
Malheureusement, l’instabilité perdure.
Certains des acteurs également mettaient en doute la validité de ce choc d’offre que l’on essaie de déclencher en offrant la possibilité de bénéficier d’avantages supplémentaires.
C’était ma première remarque.
Ma seconde remarque – et c’est l’objet de cet amendement, monsieur le secrétaire d’État –, est qu’il est assez désagréable pour les parlementaires, un matin, d’entendre à la radio ou de lire dans le journal que les règles du jeu ont changé ou vont changer la semaine suivante, le Parlement étant prié de régulariser les choses lors de l’examen du projet de loi de finances.
Ce ne sont pas des manières. C’est pourtant, encore une fois, ce qui est fait ici. Certes, vous invoquez l’urgence qu’il y a à débloquer une situation très mauvaise – à la fin de l’année, nous n’aurons peut-être pas construit 300 000 logements –, mais il n’en demeure pas moins que ce n’est pas une manière de procéder.
C’est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, de reporter au 1er janvier 2015 l’entrée en vigueur de la disposition visée à l’article 4 et de supprimer son caractère anticipé. Vous me répondrez peut-être que cela pose problème puisque l’instruction fiscale est sortie. On peut donc imaginer que certains sont en passe de bénéficier d’un avantage que le Parlement n’avait pas encore voté.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais soulever ce point, car il est tout de même assez difficile de travailler dans ces conditions. Imaginons que nous adoptions l’amendement de notre collègue Vincent Delahaye, ce qui changerait à nouveau complètement la donne ; je ne sais dans quelle situation nous nous retrouverions alors. Ce serait encore bien plus compliqué ! (M. Jean Desessard s’exclame.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-420, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
et de la contribution additionnelle prévue à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles
par les mots :
, de la contribution additionnelle prévue à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et, le cas échéant, de la taxe mentionnée à l’article 1609 nonies G du code général des impôts
III. – Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II. bis – À la condition que la cession soit précédée d’une promesse unilatérale de vente ou d’une promesse synallagmatique de vente ayant acquis date certaine entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015, le II s’applique également aux plus-values réalisées au titre des cessions portant sur des biens immobiliers bâtis situés dans des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants définie à l’article 232 du code général des impôts.
Pour l’application du premier alinéa du présent II bis, le cessionnaire s’engage, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dont la surface de plancher est au moins égale à 90 % de la surface de plancher maximale autorisée en application des règles du plan local d’urbanisme ou du plan d’occupation des sols, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acquisition.
En cas de manquement à cet engagement, le cessionnaire est redevable d’une amende d’un montant égal à 10 % du prix de cession mentionné dans l’acte.
En cas de fusion de sociétés, l’engagement souscrit par le cessionnaire n’est pas rompu lorsque la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à se substituer à la société absorbée pour le respect de l’engagement précité dans le délai restant à courir. Le non-respect de cet engagement par la société absorbante entraîne l’application de l’amende prévue pour le cessionnaire.
IV. – Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
et le II bis entre en vigueur à compter du 1er janvier 2015
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ce dont elle était elle-même convenue, l’article 4 comporte un risque de cumul de plusieurs abattements exceptionnels pour une même opération, ce qui n’est pas souhaitable.
Introduite sur l’initiative du député Daniel Goldberg, cette disposition prévoit d’étendre le bénéfice de l’abattement exceptionnel de 30 %, applicable sous conditions depuis le 1er septembre 2014, aux cessions de biens immobiliers bâtis situés dans des zones tendues, sous réserve que l’acquéreur prenne un engagement de démolir les constructions en vue de la reconstruction de logements.
Au regard des objectifs gouvernementaux, l’extension du champ d’application de cet abattement est légitime. Il ne serait toutefois pas justifié que des cessions concourant au même objectif ne bénéficient pas d’une incitation fiscale identique, qu’il s’agisse de cessions de terrains nus ou d’immeubles bâtis destinés à la démolition.
Pour autant, la mesure introduite par l’Assemblée nationale se superpose temporellement avec la prorogation de l’abattement exceptionnel de 25 % mis en place par l’article 27 de la loi de finances du 29 décembre 2013 pour ces mêmes opérations de démolition-reconstruction.
Le présent amendement a donc pour objet de parfaire les modalités d’application de cette extension de l’abattement exceptionnel de 30 % afin d’éviter le cumul des deux abattements exceptionnels pour une même cession.
Il est donc proposé que la superficie minimale de construction de logements soit appréciée au regard de la surface de plancher, c’est-à-dire dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues à l’article 27 de la loi de finances pour 2014.
Enfin, il est proposé une coordination rédactionnelle afin de prévoir que cet abattement est désormais susceptible de s’appliquer à des immeubles bâtis sous certaines conditions et qu’il s’appliquera également, le cas échéant, pour déterminer l’assiette de la taxe sur les plus-values immobilières élevées prévue à l’article 1609 nonies G du code général des impôts.
Veuillez m’excuser de ces précisions techniques, mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’adoption de cet amendement permettra de résoudre un problème que nous avions repéré au moment de l’adoption de l’amendement de Daniel Goldberg.
Mme la présidente. L'amendement n° I-18, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-18 traite également de la question de l’abattement exceptionnel pour certaines opérations immobilières, car nous avions repéré un télescopage entre deux dispositifs. De fait, la disposition visée aux alinéas 5 à 7 de l’article 4 se superpose, au moins temporairement, à un abattement exceptionnel déjà existant. C’est la raison pour laquelle la commission propose, au travers de cet amendement, leur suppression. Toutefois, notre préoccupation étant satisfaite par l’amendement du Gouvernement dont je viens de prendre connaissance, nous accepterions de retirer le nôtre à son profit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-392 rectifié, I-387 et I-420 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-392 rectifié soulève une question importante, et, monsieur le secrétaire d’État, dans mon propos, je ne visais pas tel gouvernement plus que tel autre : tous ceux qui se sont succédé ont eu la tentation de modifier le régime des plus-values de cessions immobilières !
M. Philippe Dallier. Plus que la tentation !
M. André Gattolin. Ils y ont succombé ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ils ont été plus que tentés, car chaque loi de finances vise soit à modifier des durées de détention, à créer des abattements exceptionnels ou à instaurer des surtaxes en cas de plus-values élevées, soit à simplifier pour partie le principe sur lequel repose le dispositif, mais en fixant des règles étonnamment différentes concernant son application : pourquoi vingt-deux ans pour l’impôt et trente ans pour la CSG ? Tout cela n’est pas très efficace, car dès lors que l’on fixe une durée de détention relativement longue pour bénéficier d’une totale exonération – trente ans pour la CSG, c’est long –, les effets se font sentir sur le marché immobilier.
Ce dispositif, nous en sommes convaincus, incite les propriétaires à ne pas vendre, vous avez eu l’honnêteté de le reconnaître tout à l’heure, d’autant plus que, pour la CSG, la progressivité est très forte à mesure que le terme approche et que le système n’est absolument pas linéaire. En pratique, il est extrêmement dissuasif de vendre un bien dans les vingt à vingt-trois premières années, et cela ne devient intéressant qu’à la fin de la période.
Au final, la combinaison de ces durées longues et de ces abattements successifs est assez dissuasive sur les ventes immobilières. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, on n’en serait pas à discuter d’abattements exceptionnels. Or nous sommes régulièrement incités à corriger le dispositif d’imposition des plus-values par des mesures exceptionnelles.
L’amendement n° I-392 rectifié a le mérite de proposer un système simple, qui tient compte, non pas de la durée de détention, mais de l’érosion monétaire par le biais de l’indice du coût de la construction, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’instaurer une taxe unique à un taux abaissé.
Lorsque la commission a examiné cet amendement tout à l’heure, il n’était pas tout à fait opérationnel quant au calcul de l’abattement en fonction des travaux réalisés. Son auteur l’a ensuite rectifié, mais nous demeurons prudents sur le caractère directement opérationnel du dispositif.
Nous avons la volonté de réformer le dispositif en vigueur, de le rendre plus simple, d’améliorer son rendement en élargissant la base – toutes les plus-values seraient visées, quelle que soit la durée de la détention, mais le taux d’imposition serait diminué. Néanmoins, à ce stade, j’ai un peu de mal à accepter sans réserve cet amendement. Si nous l’approuvons totalement dans son principe, il nécessite néanmoins beaucoup de travaux de coordination. En outre, nous ne disposons d’aucun chiffrage. J’espère que le Gouvernement pourra nous éclairer sur ce point.
S’agissant de l’amendement n° I-387, je partage totalement les propos que vient de tenir M. Dallier. C’est assez étonnant : d’un côté, les gouvernements, et ce n’est pas propre au gouvernement actuel, annoncent des dispositifs, et, de l’autre, des décisions assorties d’instructions fiscales sont prises presque six mois avant l’entrée en vigueur de la loi de finances. Quel respect des droits du Parlement !
En l’espèce, l’instruction fiscale est parue au début du mois de septembre, l’examen du projet de loi de finances débute à la fin du mois de novembre et son adoption aura lieu en décembre. À quoi servons-nous, puisque l’instruction fiscale donne toute latitude aux contribuables pour vendre ou acheter ? Le Parlement est mis devant le fait accompli. Imaginons que nous ne votions pas le projet, cela poserait des problèmes insurmontables. Il conviendrait de cesser ces annonces prématurées applicables avant même que le Parlement n’ait examiné les dispositifs.
Au demeurant, si l’amendement de Philippe Dallier était adopté, un certain nombre de contribuables, ceux qui ont vendu des terrains bâtis entre le 31 août 2014 et le 31 décembre 2014, auraient été taxés sur un montant trop important de plus-value et seraient éventuellement en droit de régulariser celle-ci afin d’obtenir a posteriori le bénéfice de l’abattement.
C’est la raison pour laquelle la commission souhaiterait que l’auteur de cet amendement accepte de le retirer.
Quant à l’amendement n° I-18, je le retire au profit de l’amendement n° I-420 du Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° I-18 est retiré.
Quel est, en définitive, l’avis de la commission sur l’amendement n° I-392 rectifié ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’est prononcée sur la version non rectifiée de cet amendement ; elle en avait sollicité le retrait, en souhaitant qu’il soit amélioré. Depuis sa rectification, nous ne nous sommes pas formellement prononcés. Je m’orienterai plutôt vers un avis de sagesse. En effet, il pourrait être opportun de retirer le dispositif avant de l’insérer dans le collectif budgétaire, afin d’effectuer les importants travaux de coordination destinés à le rendre opérationnel. (M. Philippe Dallier acquiesce.) À cette fin, nous devrons modifier de nombreux articles du code général des impôts. Surtout, nous devrons en évaluer le coût. Or nous n’avons aucune indication en la matière, et il serait intéressant d’entendre le Gouvernement sur ce point. Néanmoins, je le redis, je suis totalement d’accord avec le souci de simplification des auteurs de cet amendement et leur volonté d’éviter tout blocage du marché immobilier.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos I-392 rectifié et I-387 ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je remercie M. le rapporteur général d’avoir accepté de retirer l’amendement n° I-18, par souci de bonne coordination.
L’amendement n° I-392 rectifié vise à modifier en profondeur le régime des plus-values immobilières, car au-delà de la révision des taux, il ne tient plus compte, ou très peu, de la durée de détention. C’est la principale nouveauté.
Toutefois, cette disposition pose des difficultés quant au chiffrage. On nous dit toujours qu’un changement dans le régime d’imposition modifiera le comportement des détenteurs de biens immobiliers et fera évoluer le marché. D’aucuns affirment d’ailleurs que la mesure se financera toute seule, car étant plus favorable, elle favorisera les transactions, et donc les rentrées fiscales.
Personnellement, je reste très prudent. Mes services ont fait un calcul, mais il m’étonne un peu : 440 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, et un peu plus de 1 milliard d’euros si l’on inclut les prélèvements sociaux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En plus ou en moins ?
M. Philippe Dallier. Sinon, vous vous en seriez réjoui ! (Rires.)
M. Roger Karoutchi. Vous ne l’auriez peut-être pas dit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement comprend l’esprit de cet amendement et entend votre propos, monsieur Delahaye, mais je ne peux pas complètement le concevoir. Le dispositif tel qu’il est aujourd’hui est plus simple qu’avant. Certes, il propose des dispositifs incitatifs qui sont temporaires et qui peuvent donner l’impression d’être compliqués. Mais c’est justement pour dire aux propriétaires : si vous vendez avant telle date, vous bénéficierez d’un bonus ; à défaut, vous ne l’aurez pas. Par conséquent, le Gouvernement, vous l’aurez compris, est défavorable à l’amendement n° I-392 rectifié.
Je suis un peu plus gêné avec l’amendement n° I-387. Je serais tenté de dire que ce n’est pas tant le fond qui pose problème, même si, en l’occurrence, la distinction entre le fond et la forme n’est pas aisée. J’ai bien compris que la commission y était défavorable, même si elle comprenait la motivation de ses auteurs.
Le récent parlementaire que je suis, aurais-je envie de vous dire,…
M. André Gattolin. L’ancien parlementaire, voulez-vous dire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Plus exactement le récent ex-parlementaire que je suis n’est pas très loin de souscrire à votre remarque, monsieur le sénateur. Je vais me faire encore disputer pour avoir dit cela, mais il faut parfois dire ce que l’on pense. (Sourires.)
M. Michel Bouvard. C’est honnête de le dire !
M. Jacques Chiron. Il faut revenir à ses premières amours… (Nouveaux sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comprenez aussi que, dans la situation de blocage assez profonde du marché de l’immobilier, le Gouvernement ait pu être conduit à anticiper cette décision qui est de toute façon favorable aux contribuables. Évidemment, cela eût paru inconcevable avec une disposition par nature plus défavorable. Agir ainsi n’est pas l’idéal, je vous l’accorde, mais c’est déjà arrivé. On ne peut pas demander en même temps que les dispositions fiscales soient réservées aux lois de finances et s’interdire de prendre en cours d’années des décisions de cette nature. Tout cela est truffé de contradictions, j’en conviens.
Même si je n’aime pas m’engager sur des périodes longues, je promets que le Gouvernement usera de ce type de pratiques le moins souvent possible. Cela ne vous consolera pas et je conçois que cela puisse provoquer un certain émoi.
Pour tous ces motifs, je souhaiterais que cet amendement soit rejeté, car même si le projet tel qu’il est rédigé ne satisfait pas toutes les préoccupations des auteurs de ces amendements, globalement, il va tout de même dans le sens d’un allégement des impôts sur les plus-values et d’une accélération des amortissements.
M. Philippe Dallier. Demandez-moi plutôt de le retirer !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un lapsus, je vous prie de m’en excuser, car cet amendement répond à une démarche convergente de part et d’autre. Personne ici ne souhaiterait l’annulation de cette disposition.
M. Philippe Dallier. Dans ce cas, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-387 est retiré.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote sur l’amendement n° I-392 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. M. le rapporteur général nous a dit que cet amendement méritait d’importants travaux de coordination – nous pouvons l’entendre –,…
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Vincent Capo-Canellas. … mais qu’il en comprenait tout l’intérêt. Il a également évoqué la possibilité de revenir sur cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
M. le secrétaire d’État a bien voulu nous transmettre un certain nombre de chiffres…
M. Vincent Capo-Canellas. Tout à fait, mais je crois que l’auteur de cet amendement aimerait beaucoup disposer de ces chiffres par écrit, même si c’est sous la forme de notes de travail.
Si l’on suivait l’hypothèse de M. le rapporteur général, serait-il possible que les services de la commission travaillent avec l’auteur de cet amendement, dont nous avons tous reconnu ici l’intérêt, afin de l’améliorer ?
Par ailleurs, si M. le secrétaire d’État pouvait transmettre un certain nombre d’éléments d’expertise, ce serait une aide précieuse pour approfondir nos travaux sur ce sujet.
Je formule ces deux demandes conjointement en direction de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’État, car le groupe UDI-UC attache une importance particulière à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement et je suivrai le Gouvernement.
J’ai apprécié la sincérité avec laquelle M. le secrétaire d’État a évoqué les rapports entre le Parlement et l’exécutif. Cependant, l’urgence de la situation exigeait que les professionnels puissent, dès le début de la saison, en septembre, disposer d’un cadre à la fois lisible et stimulant.
D’ailleurs, au nom de la stabilité normative, il ne me paraît pas souhaitable de modifier une nouvelle fois ce dispositif à court terme, que ce soit par le projet de loi de finances rectificative ou par je ne sais quel autre texte. Le monde de l’immobilier nous répète à l’envi qu’il a besoin de règles stables. Or, pour l’heure, ses acteurs ont plutôt bien accueilli les mesures annoncées par le Gouvernement.
En revanche, un assez large consensus pourrait sans doute se dégager en faveur d’un système fiscal parvenant à fluidifier le marché immobilier tout en assurant de justes prélèvements sur les patrimoines et les richesses induites : les risques spéculatifs ne sont pas négligeables dans ce domaine et notre fiscalité doit être à même de les prévenir.
Au reste, j’en suis convaincue, on ne peut examiner l’imposition tant de la transmission des biens que des plus-values sans se pencher sur l’impôt foncier en vigueur en France. On cite souvent les règles existant dans les autres pays : mais, gardons-le à l’esprit, si les droits sur les plus-values y sont faibles, c’est parce que l’impôt acquitté sur le stock y est élevé et progressif. Nous devons, à l’évidence, penser parallèlement la réforme des plus-values immobilières et celle de la taxe foncière.
J’ai toujours plaidé pour un impôt foncier fondé sur la valeur vénale déclarative du bien. Cette méthode, que privilégient la plupart des États, se révèle efficace pour lutter contre la spéculation et favoriser la redistribution.
Vous le savez, la rente foncière est un handicap pour la France. Je le répète souvent : en trente-cinq ans, la hausse des prix du foncier a été de près de 800 % dans notre pays ! Quelles sont les valeurs, productives notamment, qui ont crû dans de telles proportions au cours de la même période ? Cette rente foncière permet à certains de s’enrichir en ne faisant rien. Cette situation pénalise la France, qui devient un pays de rentiers plutôt qu’un pays productif.
Voilà pourquoi cette réforme de la fiscalité sur les plus-values exige une vision plus large, englobant les impôts sur le foncier bâti et non bâti.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je voterai l’amendement du Gouvernement qui, à mon sens, tend à garantir un point d’équilibre.
Certains de nos collègues l’ont rappelé, la problématique foncière est complexe. N’oublions pas que l’impôt foncier est une recette des collectivités territoriales, tandis que la taxation des plus-values est une recette de l’État.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le sais bien !
M. Michel Bouvard. Aussi, la réforme que suggère Mme Lienemann exigerait un véritable dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Ces dernières ne doivent pas être, une fois de plus, les dindons de la farce, disons les choses comme elles sont !
Cela étant, j’en viens aux annonces et aux prises d’effet des dispositions dont nous débattons.
Je comprends les arguments qu’invoque M. le secrétaire d’État. Toutefois, lorsqu’une mesure entre en vigueur de manière anticipée par rapport au projet de loi de finances, sa mise en œuvre est souvent fixée à la présentation de ce texte en conseil de ministres, ce qui me semble un bon procédé.
En l’occurrence, le Gouvernement a choisi une date légèrement en amont. Il faut tout de même fixer quelques repères ! La méthode habituelle aurait été moins irritante pour la représentation nationale, à laquelle le projet de loi de finances aurait été présenté dans la foulée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je le constate à mon tour, avec cette forme de rétroactivité du projet de loi de finances le Parlement est, en quelque sorte, placé devant le fait accompli.
Michel Bouvard l’a rappelé à l’instant : en pareil cas, la tradition est de choisir la date de présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres. En l’espèce, les délais ont été sensiblement étendus : le plan de relance du logement a été annoncé le 29 août et l’instruction fiscale, grâce à la grande célérité des services de Bercy, a été établie dès le 10 septembre. Le dispositif a été immédiatement opérationnel. Quant au projet de loi de finances, il a été enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 1er octobre.
L’instruction fiscale a donc été publiée un peu tôt, eu égard aux droits du Parlement, qui, de fait, a été mis devant le fait accompli. Je comprends bien la position de Philippe Dallier – j’ai eu le même réflexe que lui au sujet d’autres amendements.
Monsieur Delahaye, vous appelez, pour votre part, la commission à se pencher sur votre proposition. En l’état, elle pose bel et bien problème. La rédaction proposée a déjà été rectifiée depuis ce matin, et elle doit encore être perfectionnée pour que le dispositif puisse être immédiatement opérationnel. Un grand travail de coordination est donc indispensable. Je suis tout à fait prêt à y concourir, avec les services de la commission.
Ensuite viendront sans doute des négociations avec le Gouvernement quant au chiffrage : il faut bien sûr veiller à ne pas provoquer une perte de recettes. Cela étant, il me semble que nous pouvons disposer d’une base élargie, d’un taux plus faible et, dans l’ensemble, d’un dispositif plus lisible. Si le système en vigueur ne conduisait pas, d’une manière ou d’une autre, au blocage du marché, nous n’en serions pas réduits à débattre si souvent d’abattements exceptionnels. Je vous livre mon sentiment.
Je le répète, à titre personnel, je suis tout à fait intéressé par ce travail, qui permettra d’améliorer le dispositif que vous proposez.
Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l’amendement n° I-392 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. J’accepte de retirer mon amendement, à condition que l’on s’engage à le déposer de nouveau, une fois modifié grâce au travail de la commission et sur la base des chiffres transmis par Bercy.
M. Vincent Delahaye. Je souhaiterais connaître le nombre de transactions et le produit par tranche d’abattement – il n’est tout de même pas très difficile d’établir ces statistiques – au titre de la taxation de la plus-value ou du prélèvement social, par exemple pour l’année 2013.
Il s’agit non pas de supprimer ou de susciter de nouvelles recettes, mais de proposer un taux à recettes constantes : peut-être l’État y gagnera-t-il, mais ce n’est pas l’objectif premier. Le but, c’est de fluidifier le marché et de simplifier largement la législation fiscale en la matière. Ainsi, nous retrouverons un dispositif lisible par tous, qui permettra de faciliter les transactions. Les propriétaires doivent pouvoir vendre quand ils le souhaitent. On ne doit pas leur imposer des placements de longue durée.
Si je dispose de ces garanties, de la part de la commission,…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mais M. le rapporteur général vient de le dire !
M. Vincent Delahaye. … pour préparer un nouvel amendement, au titre du projet de loi de finances rectificative, et de la part du Gouvernement, quant aux chiffres, je suis – je le répète – tout à fait prêt à retirer mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne voudrais pas m’immiscer dans les travaux de la commission des finances ou dans les débats à venir entre les différents groupes de la majorité sénatoriale, mais je tiens à apporter deux précisions.
Premièrement, M. Bouvard le souligne avec raison, en pareil cas, le jour de présentation en conseil des ministres est souvent choisi comme date d’entrée en vigueur : en principe, les textes sont jusqu’alors confidentiels – je dis bien en principe. Pour des projets de loi qui ne sont pas cantonnés dans les bureaux de Bercy, mais sont soumis, par exemple, à l’avis du Conseil d’État, il est toujours difficile de préserver le secret…
M. Vincent Capo-Canellas. Cela ne vient pas du Conseil d’État, tout de même ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Des enquêtes ont été menées. On ne sait pas d’où cela vient…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais cela vient ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Conclusion, personne ne sait, mais tout le monde sait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En l’occurrence, nous avons choisi la date du 1er septembre. Pourquoi ? Tout simplement parce que le plan de relance du logement avait été annoncé le 29 août. Dès lors que cette disposition s’inscrivait dans un cadre fixé, nous avons décidé de l’appliquer sans délai, ce afin d’éviter les retards et les effets d’anticipation. Je n’en dirai pas davantage à ce propos.
Deuxièmement, nos services, dont certains raillent parfois de manière un peu injuste « l’imagination créative », n’adoptent que les dispositions dont l’exécutif lui-même souhaite l’adoption. Le Gouvernement présente au Parlement les textes qu’il souhaite présenter. N’opposons pas les uns aux autres ! Ce serait là, pour nous, un prétexte trop facile pour fuir nos responsabilités…
Plus sérieusement, monsieur Delahaye, les services de Bercy sont prêts à répondre, dans la mesure de leurs moyens, à toutes les interrogations émanant de la commission. Les données statistiques par tranche ou par strate que vous sollicitez sont, à ma connaissance, disponibles. Quant aux évolutions du marché, qui influeront nécessairement sur les effets d’une telle mesure, ils relèvent non plus de l’imagination créative, mais bien de l’imagination tout court !
Mme la présidente. Monsieur Delahaye, maintenez-vous en définitive l’amendement n° I-392 rectifié ?
M. Vincent Delahaye. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-392 rectifié est retiré.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote sur l’amendement n° I-387.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, faute avouée est à moitié pardonnée, et je ne voudrais pas que votre franchise ne vous vaille que des remontrances ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Philippe Dallier. Voilà pourquoi je vais retirer mon amendement.
Cela étant, force est d’admettre qu’en procédant ainsi, l’on favorise les effets d’aubaine : tous ceux qui avaient prévu de signer une vente immobilière au cours du mois de septembre auront la divine surprise de bénéficier de cette mesure. Par les temps qui courent, où l’État cherche si activement des recettes, c’est assez regrettable.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-387 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-420.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, la commission des finances se réunira un quart d’heure avant la reprise de la séance, c’est-à-dire à vingt et une heures trente, afin d’opérer quelques ajustements que les débats de ce matin rendent nécessaires.
6
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’évaluation de l’impact financier des mesures d’exonération du versement transport au profit de certaines associations et fondations à but non lucratif.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission du développement durable.
7
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 21 novembre 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 8° du I de l’article L. 613-33 du code monétaire et financier (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) (2014-449 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la première partie, à l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 4.
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° I–302, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le sixième alinéa de l’article 13 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque l’usufruit temporaire est cédé à un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, à une société d'économie mixte ou à un organisme disposant de l'agrément prévu à l'article L. 365-2 du même code. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir excuser Mme Estrosi Sassone, qui ne peut être présente ce soir pour présenter cet amendement ainsi que le suivant, qui ont été déposés au nom de la commission des affaires économiques.
Depuis la loi de finances rectificative pour 2012, l’article 13 du code général des impôts prévoit que la cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire est imposable dans la catégorie des revenus fonciers si le cédant est un contribuable soumis à l’impôt sur le revenu.
Cette disposition, qui était une bonne mesure introduite afin de lutter contre les montages abusifs visant à convertir des revenus fonciers en plus-values immobilières, affecte par ricochet la prorogation d’usufruits locatifs sociaux.
La cession et la prorogation de l’usufruit de logements en faveur d’un organisme d’HLM ou d’une SEM, une société d’économie mixte, ne relèvent en effet pas de la logique de tels montages abusifs.
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez d’ailleurs indiqué, en votre qualité de rapporteur général à l’Assemblée nationale, que la cession d’usufruit locatif social n’entrait pas dans le champ des nouvelles dispositions et ne devait donc pas être imposable dans la catégorie des revenus fonciers.
Or il semble que des hésitations se fassent jour dans la réalité, et que les organismes d’HLM ou les SEM souffrent d’un manque de précision dans la loi. La fiscalité applicable serait en effet tout à fait dissuasive pour les nus-propriétaires susceptibles d’être intéressés par ce dispositif.
Je vous demande donc, au nom de la commission des affaires économiques et de Mme Estrosi Sassone, de bien vouloir inscrire clairement dans la loi, qui en serait ainsi précisée, que la cession de l’usufruit de logement à un organisme d’HLM ou à une SEM ne relève pas du régime d’imposition des revenus fonciers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement très technique tend à revenir sur une disposition introduite dans la loi de finances rectificative pour 2012, afin d’exclure du champ de l’imposition des revenus fonciers les cessions d’usufruit temporaire réalisées en faveur d’un bailleur social, organisme d’HLM ou SEM.
La commission ayant disposé de peu de temps pour expertiser cet amendement, elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, vous proposez d’exclure du champ d’application des nouvelles modalités d’imposition des cessions portant sur un usufruit temporaire, les cessions réalisées au profit de bailleurs sociaux.
Je comprends que votre proposition vise à ne pas porter atteinte au développement du dispositif de l’usufruit locatif social, en l’excluant des nouvelles modalités d’imposition plus rigoureuses des cessions d’usufruit temporaire.
Sur ce point, je tiens à vous rassurer : votre proposition est d’ores et déjà satisfaite. En effet, comme vous le savez, l’usufruit locatif social est développé par quelques opérateurs, qui sont des sociétés commerciales soumises à l’impôt sur les sociétés.
Or les nouvelles modalités d’imposition des cessions portant sur un usufruit temporaire ne s’appliquent qu’aux cessions réalisées par des personnes physiques ou morales soumises à l’impôt sur le revenu.
Votre proposition est donc déjà prise en compte dans le dispositif législatif.
Par ailleurs, votre proposition, par sa rédaction très large, reviendrait à exclure du champ de ces nouvelles modalités d’imposition toute personne soumise à l’impôt sur le revenu cédant un usufruit temporaire à un bailleur social : ce serait alors aller à l’encontre du dispositif mis en place.
Je vous rappelle que l’objectif de cette mesure est de lutter contre les mécanismes d’optimisation fiscale qui permettraient à une personne de rester propriétaire d’un bien en transmettant temporairement, contre rémunération, une partie de son droit de propriété, échappant ainsi à toute imposition.
Même si ce n’est pas un cas courant, je ne souhaite pas restreindre le champ de ce dispositif, qui ne fait que rétablir la réalité économique de la cession.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’en demande le rejet.
M. le président. Madame Primas, l'amendement n° I-302 est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Je le maintiens, monsieur le président, car je suis mandatée par Mme Estrosi Sassone. En outre, il me semble que la réponse de M. le secrétaire d’État ne correspond pas tout à fait à son texte.
Nous proposons de n’ajouter qu’une phrase au sixième alinéa de l’article 13 du code général des impôts, dont je n’ai pas le sentiment que la rédaction emporte l’ouverture du dispositif à autre chose que le seul logement social.
Il semble que ceux qui veulent accéder aujourd’hui à la nue-propriété par ce biais nourrissent des hésitations au regard de la rédaction de la loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je crois que notre collègue n’a pas bien entendu ce qu’a dit M. le secrétaire d’État. Le mécanisme dit d’usufruit social est, bien entendu, essentiellement engagé par des sociétés, par exemple PERL. Cette société ne paye pas l’impôt sur cet usufruit.
Si un individu, une personne physique, s’engageait dans l’usufruit social avec un bailleur social – je n’en connais aucun exemple –, alors il devrait payer l’impôt, comme toutes les personnes physiques. Il s’agit d’éviter que l’usufruit social ne devienne un mécanisme d’évasion fiscale. Cela n'existe pas aujourd’hui et semble très compliqué, mais pourrait se produire.
La position du Gouvernement me semble donc cohérente, et ne met en aucune manière en cause le dispositif qui fonctionne actuellement en matière d’usufruit social, et qui passe par le biais de sociétés.
À mon sens, cette position est raisonnable, et je ne crois pas que les organismes sociaux aient l’intention de se mettre à développer de l’usufruit individuel pour faire du logement social.
M. le président. L'amendement n° I–301, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 279-0 bis A est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : »
b) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « 1° Les livraisons de logements (…le reste sans changement) » ;
c) Au b, la référence : « 8 » est remplacée par la référence : « 10 » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 2° Les cessions de droits immobiliers démembrés de logements neufs à usage de résidence principale satisfaisant aux conditions prévues aux a, b et c du 1° , lorsque l’usufruitier est une personne morale visée au 1° . » ;
2° Le premier alinéa du II bis de l’article 284 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « acquis des logements » sont insérés les mots : « ou des droits immobiliers démembrés » ;
b) Les mots : « lorsqu’elle cesse de louer tout ou partie des logements » sont remplacés par les mots : « lorsque tout ou partie des logements cessent d’être loués » ;
c) Sont ajoutés les mots : « ou de l’usufruit de ces logements lorsque les droits immobiliers sont démembrés ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Le présent amendement vise à compléter et à diversifier les modes d’intervention des bailleurs sociaux et des investisseurs institutionnels, en transposant le dispositif d’usufruit social locatif, qui a fait ses preuves, au secteur du logement intermédiaire.
Le recours à l’usufruit locatif constituerait un mode de financement supplémentaire permettant de mobiliser l’épargne, celle des particuliers comme celle des investisseurs institutionnels, au service du financement de la construction de logements locatifs sociaux et intermédiaires, tout particulièrement dans les zones tendues.
L’amendement vise à l’application du taux réduit de TVA aux opérations d’usufruit locatif intermédiaire qui respectent les conditions mentionnées à l’article 279-0 bis A du code général des impôts.
J’imagine, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d’État, que vous objecterez la baisse des recettes fiscales liées à la baisse de la TVA que porte cette proposition. Je souhaite toutefois souligner que, dans les zones tendues, le logement intermédiaire a beaucoup de difficultés à s’établir, compte tenu du prix du foncier.
Donner ce petit coup de pouce à l’usufruit locatif sur le logement intermédiaire reviendrait à permettre à l’État de percevoir des recettes fiscales là où il n’en aurait aucune.
Depuis les années 2000, le dispositif de l’usufruit locatif social a permis d’augmenter l’offre locative sociale de 5 000 logements, dont 2 000 l’année dernière. L’impact ne serait donc pas considérable sur le budget de l’État, alors que cette aide serait bienvenue dans les zones particulièrement tendues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a rencontré, pour cet amendement également, des difficultés à expertiser en un temps réduit ce dispositif. Nous comprenons qu’il vise à étendre le taux réduit de la TVA, certes au champ limité des opérations d’usufruit locatif intermédiaire et sous certaines conditions : implantation en zone tendue, location du logement sous plafond, intégration dans un ensemble immobilier comprenant 25 % de logements sociaux.
Il s’agit toutefois d’élargir le champ d’application du taux dérogatoire à 10 %, raison pour laquelle la commission s’est montrée plutôt réservée. Par nature, elle n’est en effet pas très favorable à l’extension des taux réduits de TVA.
Peut-être l’avis du Gouvernement nous convaincra-t-il du contraire ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, votre amendement vise à faire apparaître explicitement dans le code général des impôts la référence au droit immobilier démembré dans le dispositif du logement intermédiaire, à l’image de ce qui existe pour le logement social.
Par conséquent, usufruit et nue-propriété de logements locatifs intermédiaires bénéficieraient du même taux réduit de la TVA, à 10 %.
Le code général des impôts prévoit déjà, à son article 257, que les droits réels immobiliers suivent le régime de l’immeuble auquel ils se rapportent. Par conséquent la nue-propriété et l’usufruit de logements intermédiaires bénéficient déjà du taux de TVA à 10 %, pourvu que ces droits démembrés respectent les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour que l’immeuble lui-même bénéficie du taux intermédiaire.
En particulier, ils doivent être possédés par un organisme d’HLM ou par une personne morale dont le capital est détenu par une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés.
Dans les cas où ces conditions sont respectées, l’adoption d’un tel amendement n’est pas nécessaire. Or il nous appartient de défendre ces conditions afin de préserver l’équilibre du dispositif.
Pour cette raison, madame la sénatrice, je considère qu’il serait judicieux de retirer cet amendement ; à défaut, j’en proposerai le rejet.
M. le président. Madame Primas, l'amendement n° I-301 est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Convaincue par les arguments de M. le secrétaire d’État, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-301 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I–134 rectifié bis, présenté par MM. del Picchia, Bizet, Bouchet, Cantegrit, César, Charon, Commeinhes et Doligé, Mme Duchêne, MM. Frassa et Houel, Mme Kammermann, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Longuet, Magras, Milon, Pellevat, Savary et Trillard et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le I de l’article 244 bis A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 1, les références : « e bis et e ter » sont remplacées par les références : « 2° et 3° du e bis et au e ter » ;
2°Après le premier alinéa du 1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les plus-values mentionnées au 1° du e bis du I de l’article 164 B sont soumises à un prélèvement selon le taux de 19 %. »
II – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I–140 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Cadic et Duvernois et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1. du I de l'article 244 bis A est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « fixé au deuxième alinéa du I de l’article 219 » sont remplacés par les mots : « de 19 % » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux premier et deuxième alinéas, le taux est porté à 75 % lorsque les plus-values sont réalisées par les personnes physiques, les associés personnes physiques de sociétés ou groupements dont les bénéfices sont imposés au nom des associés et les porteurs de parts, personnes physiques, de fonds de placement immobilier mentionnés à l’article 239 nonies, ces mêmes personnes ou organismes lorsqu’ils sont domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa et les deuxième et troisième alinéas de l’article 200 B sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, je retire cet amendement, en accord avec mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France. Nous soutiendrons en effet ensemble l’amendement, proche, déposé par Mme Garriaud-Maylam, qui n’a pu être présente, car elle défend actuellement un important rapport sur le terrorisme devant l’assemblée parlementaire de l’OTAN.
M. le président. L'amendement n° I–140 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° I–112 rectifié bis, présenté par M. Yung, Mme Conway-Mouret, M. Leconte et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 du I de l’article 244 bis A est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au deuxième alinéa du I de l’article 219 » sont remplacés par les mots : « à l’article 200 B » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, le taux est porté à 75 % lorsque les plus-values sont réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lorsqu’ils sont domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa et les deuxième et troisième alinéas de l’article 200 B sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement porte sur un problème qui occupe les Français établis hors de France depuis longtemps : la fiscalisation des plus-values immobilières.
Dans l’Union européenne, son taux est à 19 % plus la CSG, en France, pour un non-résident, il est à 33 %, plus la CSG, soit quasiment 50 %. Je ne sais pas si cela correspond à ce que le Conseil constitutionnel qualifie d’impôt confiscatoire, mais à mon sens, on s’en rapproche !
Pour une grande partie de nos compatriotes vivant à l’étranger, il est important de posséder une maison de famille, ou un appartement à Perpignan, que l’on loue pour en tirer un complément, ou que l’on conserve pour l’occuper quand on rentre en France. Cette situation pose donc un problème, dont sont souvent saisis les sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Cela fait longtemps que nous menons des débats approfondis sur ces questions. M. le secrétaire d’État a accepté récemment qu’un groupe de travail soit constitué sur ce sujet et nous avons cru comprendre qu’il n’était pas hostile à aligner le taux destiné aux non-résidents sur celui de l’Union européenne, c'est-à-dire 19 %. Nous entendons, bien sûr, conserver le taux à 75 % à destination des pays non coopératifs !
Je rappelle, en outre, qu’il pèse sur la tête innocente de la République française la très sérieuse menace d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui, sans entrer dans les détails, va probablement nous demander de réviser notre système.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons cet amendement, qui rejoint ceux que nos collègues des différents groupes ont déjà déposés.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-107 rectifié quater est présenté par M. Cadic, Mmes Goy-Chavent et Iriti, MM. Duvernois, Mandelli et Pellevat et Mme Billon.
L'amendement n° I-116 rectifié ter est présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Frassa et del Picchia.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa du 1. du I de l’article 244 bis A, les mots : « résidents d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, » sont supprimés ;
2° La seconde phrase du premier alinéa et les deuxième et troisième alinéas de l’article 200 B sont supprimés.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° I-107 rectifié quater.
M. Olivier Cadic. Je tiens à souligner que l’amendement n° I-107 rectifié quater traduit un objectif commun. À cet égard, je suis heureux d’avoir entendu que mon collègue Richard Yung partageait la même analyse.
Les sénateurs des Français établis hors de France s’emploient à traiter cette problématique.
En ce qui me concerne, je salue la qualité du travail législatif de ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam. Aussi, je laisserai ma collègue Jacky Deromedi présenter l’amendement n° I-116 rectifié ter, qui est identique.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° I-116 rectifié ter.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement, cosigné par Joëlle Garriaud-Maylam, Christophe-André Frassa et Robert del Picchia, concerne un domaine fiscal particulièrement complexe, à savoir la fiscalité des plus-values immobilières.
En matière fiscale, les Français ayant leur domicile fiscal à l’étranger ne doivent pas subir de traitement discriminatoire. Or le code général des impôts opère une discrimination entre les contribuables non-résidents selon l’État de résidence.
Les taux d’imposition diffèrent selon le lieu de leur résidence : 19 % s’ils résident dans un État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ; 33 % pour les non-résidents ayant leur domicile fiscal dans un État tiers ; 75 % lorsque les plus-values sont réalisées par des personnes physiques résidant dans un État ou territoire non coopératif.
Dans un arrêt du 20 octobre 2014, le Conseil d’État a jugé que cette différence de taux est de nature à dissuader les investisseurs résidant dans des États tiers d’investir en France. Il a estimé que cette différence constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par les traités européens. L’arrêt du Conseil d’État neutralise les articles 244 bis A et 200 B du code général des impôts.
C’est pourquoi nous proposons de réécrire le dispositif visé.
Notre amendement a donc pour objet de mettre notre législation fiscale en accord avec l’arrêt du Conseil d’État précité et avec le droit de l’Union européenne.
Il permettra de rétablir l’égalité entre les contribuables non-résidents, dont nos compatriotes expatriés, sans pour autant favoriser les cas de fraude et d’évasion avérés.
La jurisprudence du Conseil d’État permet-elle encore d’établir une distinction des taux selon qu’un contribuable réside ou non dans un État non coopératif ?
Force est de constater que, à la suite du G20, des mesures vont être prises pour faire obstacle aux paradis fiscaux. Notre amendement maintient un taux différencié pour ces contribuables.
L’important est de supprimer les discriminations abusives et de limiter celles qui demeurent aux cas de fraude et d’évasion avérés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces trois amendements ont un objet identique : tirer les conséquences de l’arrêt du Conseil d’État précité, lequel a considéré qu’il fallait aligner le taux d’imposition des plus-values immobilières des non-résidents, qu’ils soient établis ou non dans l’Union européenne, fixé à 33 %, sur le taux de 19 % appliqué aux non-résidents domiciliés dans l’Espace économique européen.
Nous n’avons pas le choix ; nous devons tirer les conséquences de la chose jugée. D’ailleurs, les non-résidents sont confrontés à d’autres problèmes, et notre collègue Richard Yung a évoqué la constitution d’un groupe de travail sur ces sujets.
Je souhaite que M. le secrétaire d’État s’engage à mettre rapidement en place un dispositif opérationnel pour modifier les dispositions fiscales, en application de la jurisprudence du Conseil d’État.
Si ce dispositif pouvait être intégré dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, les auteurs de ces amendements seraient, me semble-t-il, prêts à les retirer. J’ai compris que, à défaut d’avoir une réponse ce soir, ils attendent un engagement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’éviterai de décrire de nouveau la situation, car vous l’avez, les uns et les autres, fort bien fait.
Le Conseil d’État ainsi que d’autres juridictions nous appellent à faire évoluer la réglementation. Pour autant, soyons clairs, les amendements que vous avez déposés, madame, messieurs les sénateurs, ne sont pas satisfaisants pour deux raisons.
D’une part, ils prennent en compte de façon trop globale les personnes morales et les personnes physiques : pour les personnes morales, il n’y a pas de sujet, contrairement aux personnes physiques.
D’autre part, l’un des amendements oublie, au contraire, de prendre en compte les parts de société civile immobilière, qui peuvent être assimilées à la situation de personnes physiques.
La rédaction actuelle de ces amendements n’est donc pas satisfaisante.
Le Gouvernement a organisé un certain nombre de réunions de travail, auxquelles plusieurs d’entre vous ont participé ; j’ai moi-même assisté la semaine dernière à l’une d’entre elles.
Je prends ce soir l’engagement de vous présenter une disposition complète, qui permettra de répondre à votre préoccupation, en ramenant le taux d’imposition à 19 %, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Au bénéfice de cet engagement, je vous demande, madame, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements respectifs ; à défaut, pour les raisons techniques que j’ai indiquées, je ne saurais accepter les amendements tels qu’ils sont rédigés, car ils poseraient de véritables problèmes.
Rendez-vous au projet de loi de finances rectificative ! Je le répète, le Gouvernement tirera les conséquences des jugements qui ont été rendus et vous proposera une rédaction qui pourra satisfaire, me semble-t-il, l’ensemble des acteurs sur ce sujet.
M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° I-112 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Je remercie M. le secrétaire d’État de son engagement clair.
On peut évidemment se demander en quoi cette disposition relève plus du projet de loi de finances rectificative pour 2014 que du projet de loi de finances pour 2015 !
M. Philippe Dallier. Ce ne sera pas la première fois que cela arrivera !
M. Richard Yung. Mais ne mégotons pas ! Nous avons un engagement clair et net de M. le secrétaire d’État.
En conséquence, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-112 rectifié bis est retiré.
Monsieur Cadic, l'amendement n° I-107 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Je ne vois pas où est le problème technique, monsieur le secrétaire d'État. Mais nous avons encore tant d’amendements à examiner ce soir que je n’insisterai pas. Nous allons vous faire confiance et retirer notre amendement. Très honnêtement, j’aurais aimé mieux comprendre l’argumentaire du Gouvernement…
M. le président. L'amendement n° I-107 rectifié quater est retiré.
Madame Deromedi, l'amendement n° I-116 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Compte tenu de l’engagement de M. le secrétaire d’État, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-116 rectifié ter est retiré.
Article 5
I. – L’article 199 novovicies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa du A, les mots : « de neuf ans » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « fixée, sur option du contribuable, à six ans ou à neuf ans. Cette option, qui est exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l’année d’achèvement de l’immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, est irrévocable pour le logement considéré. » ;
b) Au premier alinéa du D, deux fois, les mots : « , un ascendant ou un descendant » sont supprimés ;
2° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. – Le taux de la réduction d’impôt est fixé à :
« 1° 12 % lorsque l’engagement de location mentionné au I est pris pour une durée de six ans ;
« 2° 18 % lorsque l’engagement de location mentionné au même I est pris pour une durée de neuf ans. » ;
3° Le VII est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « sur neuf » sont remplacés par les mots : « , selon la durée de l’engagement de location, sur six ou neuf » ;
b) À la seconde phrase, après les mots : « chacune des », sont insérés les mots : « cinq ou » et, après le mot : « raison », sont insérés les mots : « d’un sixième ou » ;
4°Après le VII, il est inséré un VII bis ainsi rédigé :
« VII bis. – A. – À l’issue de la période couverte par l’engagement de location mentionnée au I, lorsque le logement reste loué par période triennale dans les conditions prévues au III, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt prévue au présent article, à la condition de proroger son engagement initial pour au plus :
« 1° Trois années supplémentaires, renouvelables une fois, si l’engagement de location mentionné au I était d’une durée de six ans. Dans ce cas, la réduction d’impôt est égale à 6 % du prix de revient du logement, mentionné au A du V, pour la première période triennale et à 3 % pour la seconde période triennale ;
« 2° Trois années supplémentaires, si l’engagement de location mentionné au I était d’une durée de neuf ans. Dans ce cas, la réduction d’impôt est égale à 3 % du prix de revient du logement, mentionné au A du V, pour cette période triennale.
« B. – Pour l’application du A, la réduction d’impôt est imputée, par période triennale, à raison d’un tiers de son montant sur l’impôt dû au titre de chacune des années comprises dans ladite période. » ;
5° Le VIII est ainsi modifié :
a) Au D, le taux : « 95 % » est remplacé par le taux : « 100 % » ;
b) Le E est ainsi rédigé :
« E. – Le taux de la réduction d’impôt est fixé à :
« 1° 12 % pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de six ans ;
« 2° 18 % pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de neuf ans. » ;
c) Le F est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « sur neuf » sont remplacés par les mots : « , selon la durée de l’engagement de location, sur six ou neuf » ;
– à la seconde phrase, les mots : « des huit années suivantes à raison » sont remplacés par les mots : « des cinq ou huit années suivantes à raison d’un sixième ou » ;
6° Le A du XI est ainsi modifié :
a) À la fin du 1°, les références : « aux I ou VIII » sont remplacées par les références : « au I, au VII bis ou au VIII » ;
b) À la seconde phrase du 2°, après la référence : « I », est insérée la référence : « , au VII bis » ;
7° Le 3° du XII est ainsi rédigé :
« 3° Par dérogation au VI et au E du VIII, le taux de la réduction d’impôt est fixé à :
« a) 23 % lorsque l’engagement de location mentionné au I est pris pour une durée de six ans et pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de six ans ;
« b) 29 % lorsque l’engagement de location mentionné au même I est pris pour une durée de neuf ans et pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de neuf ans. »
II. – A. – Le I s’applique aux acquisitions, aux constructions et aux souscriptions réalisées à compter du 1er septembre 2014, à l’exception du b du 1° qui ne s’applique qu’à ceux de ces investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015.
B. – Pour l’application du B du VIII de l’article 199 novovicies du code général des impôts, le I du présent article ne s’applique pas aux souscriptions dont la date de clôture est antérieure au 1er septembre 2014.
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.
M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je saisis cette occasion pour évoquer un sujet qui est directement lié à l’article 5, à savoir les résidences de tourisme, afin de gagner un peu de temps lors de la présentation des amendements que j’ai déposés.
Au travers de l’article 5, le Gouvernement propose de modifier, en matière d’investissement, la fiscalité relative à l’immobilier locatif traditionnel, c'est-à-dire concernant des habitations permanentes. Bien évidemment, ces dispositions ne manqueront pas d’avoir une incidence, comme cela a été le cas par le passé, sur l’attractivité de l’investissement dans l’immobilier locatif.
C’est ce que nous avons observé lorsqu’il a fallu élaborer, après la disparition, il y a quelques années, du dispositif dit « Périssol », le dispositif dit « Demessine » à partir d’un dispositif qui concernait l’immobilier locatif traditionnel et l’immobilier locatif de loisir. C’est encore ce que nous avons noté pendant la crise, en 2008, lorsqu’est apparu le dispositif dit « Scellier », et c’est, inévitablement, ce que l’on verra si nous ne prévoyons pas, en parallèle, de dispositions spécifiques en faveur de l’immobilier locatif touristique.
Depuis quarante ans, les résidences de tourisme et le statut de loueur en meublé non professionnel ont contribué à faire de la France la première destination touristique mondiale. Le parc de résidences de tourisme, qui représente aujourd'hui 760 000 lits, est l’une des principales portes d’entrée des séjournants touristiques, qu’ils soient français ou étrangers, ces résidences ayant la particularité d’accueillir plus d’un tiers de la clientèle étrangère.
Or, si le tourisme réceptif français reste leader mondial en termes d’arrivées, avec 85 millions de personnes en 2013 – je n’ai pas noté le chiffre de l’an dernier ! –, il perd, depuis une dizaine d’années, des parts de marché non seulement au niveau mondial, mais également au niveau européen, et même au sein de la zone euro par rapport à ses principaux voisins.
Pour 100 touristes étrangers reçus en 2000, la France en accueille 108, contre 127 en Espagne et 160 en Allemagne. Pour 100 euros apportés par le tourisme international en 2000, la France en gagne aujourd'hui 117, contre 134 pour l’Espagne et 147 pour l’Allemagne.
Avec 48,6 milliards d’euros de recettes en 2012, le tourisme français, qui est le premier en termes de fréquentation, n’est que le troisième en valeur.
Le tourisme réceptif français s’appuie sur un tissu de nombreuses entreprises de taille diversifiée, dont le développement est directement conditionné par la création ou la rénovation des infrastructures. Or ces investissements ont fortement diminué au cours des dix dernières années, contrairement à une idée reçue.
Ainsi, pendant cette période, le nombre de chambres d’hôtel offertes sur l’ensemble du territoire est resté stable, alors qu’il augmentait de 100 000 en Espagne.
Nous devons donc traiter la question des capacités et celle de l’attractivité de la résidence de tourisme et de l’immobilier de loisir pour les investisseurs.
Nous avons un second défi à relever, celui de la rénovation du parc, pour laquelle nous sommes en situation d’échec depuis une vingtaine d’années maintenant. En 1998, avec Michelle Demessine, nous avons mis en place le dispositif dit « ORIL », opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir, et « VRT », village résidentiel de tourisme. Ce dispositif n’a jamais fonctionné.
C’est pourquoi je proposerai ultérieurement un certain nombre d’amendements – des amendements identiques ont d’ailleurs été déposés par des collègues de plusieurs groupes – pour régler cette situation.
Monsieur le secrétaire d'État, nous n’attendons pas forcément une réponse immédiate, mais nous espérons au moins que le Gouvernement prendra l’engagement de travailler en collaboration avec le Parlement sur ces questions, qui sont en suspens depuis de nombreuses années.
Les ministres du tourisme sont souvent éphémères ; les ministres de l’économie et ceux qui sont chargés du budget le sont moins ! (Sourires.) Aussi, dans le cadre d’un dialogue avec vos services ministériels, nous espérons trouver les voies et moyens pour permettre à ce secteur de continuer à abonder le budget du pays au travers des ressources fiscales qu’il procure.
M. le président. L’amendement n° I-180, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. S’il fallait trouver une bonne raison de supprimer l’article 5 du projet de loi de finances, sans doute figurerait-elle dans le « bleu » de la mission « Égalité des territoires et logement », qui fait état de plusieurs informations intéressantes.
La première est que l’État, avant de procéder à une profonde réforme des prestations familiales, budgétise largement les aides personnelles au logement, les faisant pleinement entrer dans le cadre de futures et douloureuses manipulations budgétaires.
La deuxième, c’est que face aux 11 milliards d’euros ainsi budgétisés, ou peu s’en faut, 171,8 millions d’euros sont prévus pour financer en 2015 la construction neuve et la réhabilitation du parc locatif social. La même ligne prévoit 224 millions d’euros de fonds de concours, qui sont en général prélevés sur les fonds du « 1 % logement », pour financer quelques opérations de plus.
La troisième information figure sur la liste, annexée au « bleu », des dépenses fiscales liées au logement. On y découvre, entre autres, que la dépense fiscale comporte une longue liste de mesures destinées aux seuls bailleurs privés, auxquels ne sont consenties rien de moins que 1,8 milliard d’euros d’économies d’impôt.
D’un côté, donc, 172 millions d’euros sont prévus pour plus de 4 millions de logements sociaux, tandis que, de l’autre, 1,8 milliard d’euros d’allégements fiscaux vont bénéficier à quelques dizaines de milliers de ménages tout au plus. Or les mises en chantier dans le cadre du régime « Scellier » ont représenté en 2012 moins de 6 000 logements en métropole et moins de 600 outre-mer.
Quant au dispositif « Pinel », qui remplace le dispositif « Duflot », il présente quelques défauts rédhibitoires. En particulier, il permet un subventionnement nettement plus important pour un logement privé mis en location que pour le premier logement HLM voisin. Il permet aussi que de l’argent public soit en quelque sorte détourné pour la constitution d’un patrimoine familial, puisque les ascendants et descendants d’un investisseur immobilier pourront faire partie des candidats locataires.
Nous ne sommes décidément pas certains que la justice fiscale puisse emprunter cette voie stupéfiante de la construction, dans les grandes villes, d’un patrimoine familial défiscalisé.
À la vérité, de tels dispositifs constituent, selon nous, un dangereux outil d’optimisation fiscale, que nous pouvons d’autant moins cautionner qu’il risque d’accroître encore davantage les inégalités de patrimoine touchant les Français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À peine le dispositif « Duflot » était-il en vigueur qu’il était remplacé par le dispositif « Pinel ». Faut-il encore changer ?
L’article 5 du projet de loi de finances prévoit un assouplissement des durées de location et autorise les locations au sein de la famille ; à ce propos, M. Dallier défendra dans quelques instants un amendement relatif à la location aux ascendants et descendants.
Le dispositif « Pinel », beaucoup plus large que le dispositif Duflot, est peut-être un peu éloigné de l’objectif initial, qui était de favoriser le logement intermédiaire. En tout cas, un autre objectif peut être louable : favoriser la construction, qui en a bien besoin. De fait, les données statistiques font apparaître que les dernières constructions de logements s’établissent à un niveau historiquement bas. Sans compter que le secteur du bâtiment et des travaux publics risque de pâtir de restrictions budgétaires, notamment au sein des collectivités territoriales – nous en reparlerons lorsque nous examinerons l’article 9.
Sans être un chaud partisan des dispositifs défiscalisés, je considère que la suppression du dispositif « Pinel » constituerait un très mauvais signal adressé au secteur de la construction. Pour cette raison, la commission des finances a émis un avis défavorable sur l’amendement n° I-180.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Chacun comprendra que le Gouvernement ne peut pas être favorable à un amendement tendant à supprimer un article de son projet de loi de finances !
Le dispositif « Duflot », à l’évidence, n’avait pas l’efficacité qu’on aurait pu en attendre. Amélioré, il est devenu le dispositif « Pinel ». L’article 5 vise à le compléter pour lui donner encore plus de souplesse et d’attractivité. Notre objectif est toujours le même : produire du logement, car le logement est cher, surtout là où il est rare.
Il est vrai, monsieur Foucaud, que l’on fait appel à des investisseurs privés, mais n’oubliez pas toutes les mesures qui ont été et qui sont adoptées en faveur de la production de logements sociaux par des constructeurs à caractère beaucoup plus public.
En vérité, ces différentes mesures forment un tout : le marché est divers et tous les investisseurs sont les bienvenus.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai contre cet amendement, parce que l’argumentaire visant à contester le dispositif proposé par le Gouvernement ne me paraît pas très fondé du point de vue de la justice sociale.
Vous avez raison de signaler, monsieur Foucaud, que le rapport entre les aides fiscales et les aides à la pierre, notamment pour le logement social, pose un problème majeur. Je vous rappelle seulement que, dans les chiffres que vous avez donnés, le poids du passé est considérable. En effet, nous sommes encore en train de payer quelques dispositifs « Robien », des dispositifs « Borloo » et des dispositifs « Scellier ».
Personnellement, je considère que ces dispositifs, qui ne comportaient aucune contrepartie sur le plan des niveaux de loyer et ne prévoyaient aucun encadrement des ressources des bénéficiaires, ont encouragé l’augmentation des prix. Faute d’avoir été bien ciblés, ils ont coûté cher pour favoriser des mécanismes spéculatifs. À la vérité, les aides accordées au secteur privé doivent être extrêmement ciblées pour ne pas perturber le marché et entraîner une hausse générale.
Or le dispositif « Duflot-Pinel » – je ne rentrerai pas dans les querelles qui l’entourent – est différent : il s’applique en dessous des prix du marché, puisqu’il prévoit une limitation des prix de vente et de location, ce qui l’apparente davantage à ce qu’était le dispositif « Besson ».
Je n’ai jamais été une fervente adepte des investissements fiscaux, mais le fait est que, lorsque la construction est au point mort et que le marché a été dopé par des aides fiscales, on ne peut pas tout supprimer du jour au lendemain. Dès lors, le dispositif « Duflot » me paraissait bon.
L’article 5 du projet de loi de finances prévoit en particulier la possibilité pour les familles d’utiliser le dispositif « Duflot-Pinel » pour loger leurs enfants. J’ai toujours été favorable à cette mesure et je ne suis pas d’accord avec ceux qui soutiennent qu’elle serait injuste.
En effet, pour que la mesure s’applique, les enfants doivent respecter les critères de ressources. (M. Philippe Dallier acquiesce.) Allez expliquer à nos concitoyens qu’ils ont le droit de loger toute autre personne que leur enfant, pourvu qu’elle respecte les critères de ressources, mais qu’ils n’ont pas le droit de le loger lui, s’il les respecte ! (M. Michel Bouvard applaudit.) Du reste, je connais des familles dans lesquelles le concubin d’un membre est devenu un locataire.
Quant à l’argument fondé sur la constitution d’un patrimoine à l’aide d’une aide fiscale, je vous fais observer que l’enfant, qu’il soit ou non le locataire, bénéficiera de toute façon du patrimoine de ses parents par voie de succession ou de donation. Cela me pose d’autant moins problème que je suis favorable à une taxation élevée des héritages.
Je pense que, dans le contexte difficile que connaît le secteur de l’immobilier, le dispositif proposé par le Gouvernement allie de manière assez serrée la justice et la relance. De ce point de vue, je le trouve assez bien conçu, tout en restant convaincue que des améliorations supplémentaires peuvent être apportées en ce qui concerne le logement social. Je les défendrai par voie d’amendement, même si le débat a déjà eu lieu, notamment au sujet de l’acquisition-réhabilitation.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mme Lienemann applaudie sur les travées de l’UMP, c’est un grand moment !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon cher collègue, cela m’est arrivé aussi au sujet des allocations familiales. Seulement, moi, j’ai voté contre le dispositif « Scellier » !
M. Philippe Dallier. Je ne sais pas si je parviendrai à réconcilier le groupe socialiste et le groupe CRC. Le fait est que le dispositif « Duflot » a montré ses insuffisances et que, à l’évidence, nous avons besoin d’autre chose. Peut-être a-t-il aussi pâti d’un contexte défavorable, les investisseurs s’étant retirés du marché en raison du sentiment qu’a pu donner le vote de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
M. Jean Desessard. Ils s’étaient retirés bien avant !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils ont commencé en 2008 !
M. Philippe Dallier. Mes chers collègues, il suffit de considérer les chiffres : vous aurez battu un nouveau record, puisque la construction va atteindre cette année un niveau historiquement bas.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. Du reste, personne ne s’en réjouit ; il s’agit d’un simple constat.
Qu’il faille un autre dispositif, plus incitatif, j’en suis d’accord ; mais je n’oublie pas qu’une génération de dispositifs « Pinel » coûtera 1,75 milliard d’euros, ce qui n’est tout de même pas rien. Nous savons également que les effets d’aubaine existent.
Étant favorable à un nouveau dispositif, je ne voterai pas l’amendement tendant à supprimer l’article 5. Je défendrai dans quelques instants mon amendement n° I-390 rectifié, qui vise à limiter un peu l’effet d’aubaine pour les ascendants et descendants et qui, à mon avis, peut être un bon compromis.
M. le président. L’amendement n° I-130 rectifié ter, présenté par Mmes Estrosi Sassone, Primas, Lamure et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le B est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Au logement neuf vendu par les sociétés de construction-vente après sa mise en location, à la condition que cette dernière respecte les conditions fixées au III du présent article et que sa durée n'excède pas un an. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Alors que le secteur du logement connaît des difficultés, certains professionnels sont conduits, à la suite du ralentissement des rythmes de commercialisation, à louer les biens qu’ils n’ont pas encore pu vendre. Les logements concernés restent disponibles à la vente ; seulement, ils sont mis en location avant d’être cédés.
Les auteurs de cet amendement proposent de compléter l’article 199 novovicies du code général des impôts pour permettre aux professionnels ayant loué des biens pour une durée maximale d’une année de les céder dans le cadre d’un dispositif d’investissement locatif. Il s’agit d’une manière d’ajuster le dispositif actuel aux difficultés du marché.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances a été sensible à la réalité décrite par Mme Primas : dans certaines fins de programme, des appartements ne trouvant pas preneur, le promoteur n’a pas d’autre choix que de louer en attendant de pouvoir céder.
Le présent amendement vise à étendre le champ d’application du dispositif « Pinel » aux contribuables achetant un bien à une société qui a préalablement mis celui-ci en location. Cette mesure permettrait de résoudre le problème soulevé par notre collègue.
Lorsque la commission des finances a examiné cet amendement ce matin, il ne comportait aucun encadrement de la durée de location ; elle s’y est déclarée favorable, sous réserve qu’il en soit prévu un. L’amendement ayant été rectifié pour prévoir que la durée de location ne pourrait pas excéder un an, la commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qui vise à étendre le bénéfice du dispositif « Pinel » aux logements déjà occupés, ce qui provoquerait un effet d’aubaine massif, d’autant qu’aucune limitation de temps n’est prévue.
Mme Sophie Primas. Justement, si !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet, monsieur le secrétaire d’État : l’amendement a été rectifié pour prévoir une durée maximale d’un an.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est exact ; je vous prie d’excuser mon erreur.
En tout état de cause, même si cette mesure a pu être appliquée de façon temporaire dans le cadre du dispositif « Scellier », le Gouvernement ne souhaite pas généraliser le dispositif « Pinel », qui est réservé aux logements neufs. En faire bénéficier les logements occupés provoquerait des effets d’aubaine importants qui en alourdiraient le coût et dont je ne suis pas sûr qu’ils contribueraient à la construction de nouveaux logements. Je maintiens donc l’avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° I-385, présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, M. Grand, Mme Hummel et MM. Laufoaulu, Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au premier alinéa du C, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « quarante–huit » ;
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement vise à porter de trente à quarante-huit mois le délai maximal dans lequel les appartements vendus en l’état futur d’achèvement doivent être livrés.
En effet, monsieur le secrétaire d'État, trente mois, cela nous semble un peu court, surtout si l’on découvre de la pollution sur le terrain, sans parler de fouilles archéologiques, qui rendent alors les choses encore plus compliquées !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Là, question délais, on est même hors concours ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. On peut également évoquer les problèmes de défaillance d’entreprise.
Avec un allongement des délais à quarante-huit mois, nous serions en outre cohérents avec ce que nous avons fait précédemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission était partagée entre son souhait de faire sortir du logement rapidement de terre – le délai de trente mois est à cet égard incitatif – et une certaine réalité.
De fait, la construction est exposée à un certain nombre d'aléas. Philippe Dallier parlait à l’instant de l’archéologie préventive, qui peut effectivement faire exploser tous les compteurs, mais il est bien d’autres aléas – problèmes de désamiantage, etc. – qui rendent parfois le délai de trente mois intenable.
Nous avons estimé que le délai de quarante-huit mois était plus réaliste, notamment au regard d’éventuelles fouilles d’archéologie préventive. D'une façon générale, les délais s'allongent parfois sensiblement, indépendamment de la volonté des propriétaires ou des promoteurs…
C'est ainsi que la commission a émis un avis de sagesse – mais une sagesse plutôt bienveillante !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le fait générateur intervenant à la date d’achèvement du logement, il s'agit d'abord, en prévoyant un délai, de protéger les investisseurs pour qu’ils puissent bénéficier de l’avantage fiscal. Des délais trop longs ne sont donc pas souhaitables.
On peut se demander, en outre, si cet amendement n’entre pas en contradiction un autre objectif : des constructions rapides.
Un tel allongement pourrait donc s'avérer contre-productif, même si un certain délai est évidemment nécessaire. C'est pourquoi un délai de trente mois a été fixé, en concertation avec les professionnels, en vue de son inscription dans les conditions d’application d’autres dispositifs. Je ne crois pas opportun de l’allonger et le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je voulais indiquer que la commission des affaires économiques soutenait un amendement allant dans le même sens que l’amendement n° I-385, au profit duquel il a été retiré.
Ici, tout un chacun sait, en tant qu’élu local, que certains chantiers peuvent traîner en longueur, notamment en raison de fouilles archéologiques ou en cas de découverte de pollutions.
Je crois donc que ce délai supplémentaire est source de garantie pour la sortie des programmes immobiliers. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra l'amendement de Philippe Dallier.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. J’entends M. le secrétaire d'État lorsqu'il explique qu’il veut protéger les investisseurs. Ce que nous voulons, nous, c'est déclencher la signature de la vente en l’état futur d'achèvement. Le dispositif « Pinel » est incitatif, mais, s'il se trouve que l’immeuble est livré au bout de trente-six mois, l’investisseur perd l’avantage. Ne serait-il donc pas mieux protégé par l’allongement du délai auquel tend mon amendement ? Ouvrir un délai de quarante-huit mois, c'est avoir plus de chances de voir l’immeuble sortir effectivement de terre et donc l’opération se réaliser. L’investisseur, qui n’est nullement responsable des aléas de chantier, sera ainsi mieux protégé.
M. le président. L'amendement n° I-390 rectifié, présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César et del Picchia, Mmes Deroche, Estrosi Sassone et Hummel et M. D. Robert, est ainsi libellé :
I. Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le VII, il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« ...- Toutefois, la réduction d’impôt ne s’applique pas pour l’année de la souscription ni pour les deux années suivantes lorsque la location est conclue avec un ascendant ou un descendant du contribuable. » ;
II. Après l’alinéa 25
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« … - Toutefois, la réduction d’impôt ne s’applique pas pour l’année de la souscription ni pour les deux années suivantes lorsque la location est conclue avec un ascendant ou un descendant du contribuable. »
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Il a déjà été fait allusion à cet amendement. Il tend à ce que, lorsque le logement est loué à un ascendant ou à un descendant du propriétaire, celui-ci ne puisse bénéficier de l’avantage fiscal l’année de conclusion du contrat de location non plus que les deux années suivantes.
Je rappelle qu’un dispositif du même type a déjà existé dans le passé. Il me semble en effet que, dans le dispositif « Sellier », pour éviter les d’effets d’aubaine, l’avantage était mis entre parenthèses si l’on louait à un ascendant ou à un descendant.
Le présent amendement introduit une légère décote de l’avantage fiscal, étant entendu que celui-ci jouerait au-delà de la troisième année. C’est là, me semble-t-il, un compromis que le Sénat pourrait accepter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Philippe Dallier a évoqué tout à l'heure ce compromis intéressant consistant à limiter, sans l’interdire, la location à un ascendant ou à un descendant par l’application d’un délai de trois ans. Selon moi, la location intrafamiliale s'en trouve un peu freinée, tout en préservant parfaitement le dispositif « Pinel ». C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne vois pas en quoi cet amendement, s’il supprime pendant trois ans la réduction d’impôt, préserve le caractère incitatif du dispositif…
M. Jean Desessard. En effet, c'est tout le contraire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À l’Assemblée nationale, des amendements ont été examinés qui tendaient à décaler la réduction d’impôt, à la mettre entre parenthèses pendant un certain temps.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ici, l'amendement tend à la supprimer pendant trois ans.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans ce cas, je crois en effet que le dispositif sera beaucoup moins incitatif. À partir du moment où il existe une condition de revenus, on ne voit pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas pour les ascendants et les descendants.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Deux hypothèses avaient été initialement envisagées.
Certains défendaient l’idée d’une parenthèse : tant que l’appartement resterait loué à un ascendant ou à un ascendant, l’avantage fiscal serait reporté. Mais, surtout dans le cas d’un ascendant, cela peut durer vingt ans ! Nous pourrions alors nous retrouver ici, dans vingt ou vingt-cinq, à discuter de ce qu’il resterait du « Pinel » !
C’est ce qui nous a amenés à retenir la deuxième hypothèse : une décote les trois premières années, sachant que la personne logée peut tout à fait rester tant que la condition de ressources est respectée. Dans ce cas, l’avantage fiscal s'applique au bout de trois ans.
L'amendement tend donc à une simple réduction de l’avantage dès lors qu’on loue à un ascendant ou à un descendant.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-19 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-257 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, M. Bertrand, Mme Malherbe et MM. Castelli, Esnol et Fortassin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 31
Remplacer le taux :
23 %
par le taux :
20 %
II. – En conséquence, après l’alinéa 32
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Par dérogation au 1° du A du VII bis, le taux de la réduction d’impôt est fixé à 9 % du prix de revient du logement pour la première période triennale. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-19.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à réduire le taux retenu pour un engagement de six ans en outre-mer, que le texte actuel fixe à 23 %.
En effet, ce taux aboutit à un taux annuel de réduction de 3,8 %, alors qu’il est de 3,2 % pour un engagement de neuf ans. Cela devrait donc logiquement conduire les investisseurs à privilégier un engagement sur une durée de location de six ans plutôt que de neuf ans.
Aussi l'amendement tend-il à retenir un taux de réduction d’impôt de 20 %, au lieu de 23 %.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-257 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Pour un engagement initial de location de six ans, le taux de réduction d’impôt est de 23 %. Si cet engagement est prolongé de trois années supplémentaires, ce taux est majoré de 6 points et ainsi porté à 29 %.
Cet amendement tend à abaisser le taux de réduction d’impôts à 20 % pour un engagement initial de six ans et à porter à 9 points la majoration de la réduction d’impôt en cas de prorogation de trois ans. Au bout de neuf ans, le taux de réduction d’impôt serait donc de 29 %.
Le présent amendement a ainsi pour objet d’apporter davantage de continuité dans l’évolution du taux de la réduction d’impôt en outre-mer, en renforçant l’attractivité d’une prorogation à neuf ans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux préciser que, de manière assez étonnante, l’article 5 aboutit à un taux de réduction d’impôt plus élevé si la durée de location est plus courte. On peine à comprendre, dans ces conditions, quel serait l’intérêt de louer pendant neuf ans. En baissant le taux de 23 % à 20 %, on incitera à pratiquer des durées de location plus longues, ce qui semble bien être l’objectif du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’a qu’un souci : conserver le différentiel entre le régime réservé à l’outre-mer et celui destiné à la métropole. Or ce différentiel était de 11 points dans le « Duflot ». Le maintien de cet écart entre le « Pinel » outre-mer et le « Pinel » métropole a conduit le Gouvernement à proposer ce taux de 23 %.
Si on le diminuait, le dispositif « Pinel » serait moins attractif – du moins sur des durées courtes. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-19 et I-257 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-20, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 33 et 34
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – A. – Le I s’applique aux acquisitions, aux constructions et aux souscriptions réalisées à compter du 1er janvier 2015.
B. – Pour l’application du B du VIII de l’article 199 novovicies du code général des impôts, le I du présent article ne s’applique pas aux souscriptions dont la date de clôture est antérieure au 1er janvier 2015.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’élève contre une pratique qui tend à se généraliser et qui consiste à appliquer des dispositifs fiscaux de façon rétroactive, avant même que la loi de finances les contenant ait été examinée.
Il s’agit donc ici de prévoir que le dispositif « Pinel » ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2015, et non au 1er septembre 2014.
M. le président. L'amendement n° I-260, présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand, Castelli, Fortassin et Esnol et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33
Après la date :
2014
Supprimer la fin de cet alinéa.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Par cet amendement, nous souhaitons harmoniser les dates d’entrée en application des différentes mesures du dispositif « Pinel » en les fixant au 1er septembre 2014.
Monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que la navette parlementaire pourrait être mise à profit « pour éventuellement faire évoluer ce texte sur ce point ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-260 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. Nous avons ici une illustration de la complexité du dispositif. L’entrée en vigueur du « Pinel » est actuellement fixée au 1er septembre 2014, sauf pour les mesures concernant les locataires ascendants et descendants, qui ne s’appliqueront, elles, qu’au 1er janvier 2015 ! Allez y comprendre quelque chose !
Par l’amendement n° I-260, qui a sa logique, le groupe du RDSE propose d’harmoniser l’ensemble des dates d’entrée en vigueur du dispositif au 1er septembre 2014. Cependant, comme je viens de l’expliquer, la commission considère, elle, que toutes ces mesures doivent s’appliquer postérieurement au vote de la loi de finances et en année pleine, c’est-à-dire à partir du 1er janvier 2015. Elle ne peut donc qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pourquoi le Gouvernement a-t-il fixé la date d’entrée en vigueur du dispositif applicable aux descendants au 1er janvier ? Pour éviter les effets d’aubaine.
Pourquoi avoir choisi le 1er septembre pour le reste du dispositif en général ? Comme je l’ai dit, pour répondre le plus rapidement possible au très important déficit d’opérations de construction que nous connaissons.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-260 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l'article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les amendements défendus à l’article 5 témoignent de la complexité des différents dispositifs.
Les investisseurs souhaitent évidemment s’y retrouver financièrement. Or, outre le fait qu’ils prennent des engagements relativement importants, leur chemin est semé d’embûches : obstacles en matière de foncier, difficultés juridiques, contraintes architecturales, voire archéologiques.
Si l’on peut comprendre la démarche du Gouvernement, il reste que, sur le terrain, les entreprises du bâtiment et des travaux publics souffrent réellement. La relance de la construction passe aussi par la simplification. Je sais qu’on s’en soucie beaucoup mais, à cet égard, la tâche demeure immense.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-232 rectifié est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Iriti et MM. Duvernois, Kern, Mandelli, Pellevat et Laufoaulu.
L'amendement n° I-305 rectifié est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 decies F du code général des impôts est complété par un 6 ainsi rédigé :
« 6 La réduction d’impôt sur le revenu visée au 1 est également applicable aux contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B qui réalisent des travaux de reconstruction, d’agrandissement, de réparation, de rénovation ou d’amélioration entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2018.
« 1°) Cette réduction d’impôt s’applique :
« a) Aux dépenses afférentes à un logement, faisant partie d’une résidence de tourisme classée dans une zone de revitalisation rurale ou dans une zone, autre qu’une zone de revitalisation rurale, inscrite sur la liste pour la France des zones concernées par l’objectif n° 2 prévue à l’article 4 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels, à l’exclusion des communes situées dans des agglomérations de plus de 5 000 habitants, qui est destiné à la location dont le produit est imposé dans la catégorie des revenus fonciers ;
« b) Aux dépenses afférentes à un logement, achevé depuis neuf ans au moins et situé dans une zone mentionnée au a, qui est destiné à la location en qualité de meublé de tourisme au sens de l’arrêté du 28 décembre 1976 ;
« c) Aux dépenses afférentes à un logement, achevé depuis neuf ans au moins et faisant partie d’un village résidentiel de tourisme classé, d’une résidence de tourisme classée, dans le cadre de la signature d’un bail ou d’un renouvellement de bail, ou destiné à la location en qualité de meublé de tourisme, dont le produit est imposé dans la catégorie des revenus fonciers ou des bénéfices industriels et commerciaux.
« Peuvent être prises en compte, en cas de location en meublé, les dépenses liées au remplacement du mobilier.
« Pour les logements visés aux a) et c), l’indexation d’une part minoritaire du loyer sur le chiffre d’affaires ne fait pas obstacle à l’imposition dans la catégorie des revenus fonciers.
« 2°) La réduction d’impôt est accordée au titre de l’année du paiement des dépenses de travaux. Les dispositions du 5 du I de l’article 197 sont applicables.
« Le montant des dépenses de reconstruction, d’agrandissement, de réparation, de rénovation ou d’amélioration effectivement supportées par le propriétaire ouvrant droit à réduction d’impôt ne peut excéder, au titre d’une année, 50 000 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 100 000 € pour un couple marié. Son taux est égal à 30 % du montant des dépenses éligibles, sans qu’il y ait toutefois lieu de le diminuer des subventions publiques accordées aux contribuables.
« 3°) Le propriétaire doit selon le cas s’engager à louer les logements objet des travaux, nus ou meublés, pendant au moins neuf ans, soit par un bail ou un renouvellement de bail consenti à l’exploitant de la résidence de tourisme ou du village résidentiel de tourisme classé, soit pour les meublés de tourisme par le biais d’un mandat de longue durée confié à un tiers ; dans ce dernier cas, le propriétaire doit s’engager à les louer meublés à des personnes physiques à raison de douze semaines au minimum par année et pendant les neuf années suivant celle de l’achèvement des travaux.
« En cas de cession du logement pendant la durée du bail ou du bail renouvelé ou de l’engagement de louer (mandat), la réduction pratiquée fait l’objet d’une reprise au titre de l’année de la cession. En cas de rupture de l’engagement de location pendant la durée du bail ou du bail renouvelé ou de l’engagement de louer (mandat) en cas de liquidation judiciaire de l’exploitant, de résiliation ou de cession du bail commercial par l’exploitant, ou de mise en œuvre par les propriétaires du bénéfice de la clause contractuelle prévoyant la résiliation du contrat à défaut de paiement du loyer par l’exploitant, la réduction d’impôt fait l’objet d’une reprise pour le tiers de son montant au titre de l’année de la rupture de l’engagement de location et de chacune des deux années suivantes. Toutefois, en cas d’invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de licenciement ou de décès du contribuable ou de l’un des époux soumis à imposition commune, la réduction d’impôt n’est pas reprise.
« La réduction pratiquée ne fait pas l’objet d’une reprise si les copropriétaires substituent au gestionnaire défaillant de la résidence de tourisme une ou un ensemble d’entreprises qui assurent les mêmes prestations sur la période de location restant à couvrir conformément aux prescriptions légales, dans des conditions fixées par décret. Cette faculté leur est ouverte dès lors que la candidature d’un autre gestionnaire n’a pu être retenue après un délai d’un an et qu’ils détiennent au moins 50 % des appartements de la résidence.
« La réduction d’impôt n’est pas applicable au titre des logements dont le droit de propriété est démembré. Le contribuable qui demande le bénéfice de la réduction d’impôt renonce à la faculté de déduire ces dépenses, pour leur montant réel ou sous la forme d’une déduction de l’amortissement, pour la détermination des revenus catégoriels. Il ne peut bénéficier des dispositions prévues à l’article 32 ou à l’article 50-0. »
II. – Le I s’applique aux travaux réalisés à compter du 1er septembre 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour défendre l’amendement n° I-232 rectifié.
M. Olivier Cadic. Dans un contexte concurrentiel mondial accru, le parc immobilier touristique français vieillit et ne répond plus aux attentes des clientèles domestiques et internationales.
À ce jour, on estime nécessaire de rénover ou de réhabiliter 40 000 logements pour maintenir la capacité d’accueil touristique de notre pays. Cela implique nécessairement de renforcer les dispositifs susceptibles de favoriser la revalorisation des hébergements de loisirs en France.
Dans cette optique, les auteurs de cet amendement proposent de remettre au goût du jour, en matière d’impôt sur le revenu, le dispositif des ORIL – opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisirs –, en l’assouplissant afin d’éliminer les contraintes ayant trop lourdement limité son impact.
Sur la base de 4 000 logements par an faisant l’objet de travaux de rénovation, les projections réalisées permettent d’envisager globalement un montant de travaux de 160 millions d’euros, la création de 8 000 emplois et un résultat budgétaire positif de 90 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° I-305 rectifié.
M. Michel Bouvard. Notre collègue Olivier Cadic vient de rappeler que 40 000 logements relevant de l’immobilier de loisirs doivent être réhabilités chaque année pour maintenir les capacités d’hébergement du pays.
Ceux d’entre vous qui ont déjà eu l’occasion de se rendre dans des résidences de tourisme à la montagne savent que l’on y trouve encore des studios-cabines. Cela signifie que l’on perd des lits en réhabilitant et que le besoin de réhabilitation se fait alors encore plus sentir pour maintenir une certaine capacité d’hébergement tout en améliorant le confort offert à la clientèle.
Créé en 1999, alors que Michelle Demessine était secrétaire d'État au tourisme, le dispositif ORIL-VRT – opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs-villages résidentiels de tourisme – est éteint depuis le 31 décembre 2012. Il s’est éteint sans que personne s’en plaigne puisqu’il ne fonctionnait quasiment déjà plus un an et demi après sa naissance. En effet, son attractivité reposait sur la récupération de la TVA sur les travaux dont le taux avoisinait à l’époque les 20 % et, quelque temps après son entrée en vigueur, le taux de la TVA sur la réhabilitation dans l’immobilier est passé à 5,5 %, ce qui a fait disparaître son principal levier d’attractivité.
Les logements en question ont été achetés dans les années soixante-dix ans par des personnes désireuses de disposer d’une résidence secondaire à la montagne. Ils ont pu bénéficier, à un moment donné, d’une incitation fiscale s’ils le mettaient sur le marché locatif pendant neuf ans, et puis tout s’est arrêté. Nous devons aujourd’hui « reconquérir » une partie de ces logements.
Je ne puis affirmer pas que le dispositif que je propose sera efficace. Les logements concernés sont dispersés, et il faut les regrouper pour pouvoir les commercialiser. Mais c’est ce que l’on pouvait imaginer de mieux pour envoyer un premier signal et passer réellement aux actes en matière de réhabilitation. Il s’agit donc d’un amendement d’appel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est sensible à cet appel et considère que la réhabilitation du parc touristique vieillissant est un vrai sujet.
Face à l’ampleur du problème, sans doute faudrait-il réactiver un dispositif fiscal à même d’inciter à la rénovation de logements touristiques.
Toutefois, l’adoption de ces amendements identiques entraînerait quelques difficultés d’application.
Il s’agit tout d’abord d’un problème de cohérence : dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, le Sénat a encadré toute nouvelle niche fiscale dans un délai de quatre ans.
M. Michel Bouvard. Nous avons rectifié les amendements pour en tenir compte !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je lis peut-être mal, mais le dispositif proposé par ces amendements s’étale sur quatre ans et quatre mois…
À côté de ce souci de cohérence, il faut également prendre garde aux taux. Ceux du code général des impôts sont différents, moins incitatifs : 15 % pour les résidences de tourisme, quand vous proposez 30 %.
M. Michel Bouvard. Ce taux s’applique au montant des travaux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de ces amendements qui mériteraient d’être retravaillés d’ici à la discussion du prochain projet de loi de finances rectificative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il recréer des niches fiscales chaque fois que se présente un problème ? Sans doute convient-il, à un moment donné, d’accepter d’établir des priorités.
Dans notre pays, 45 milliards d’euros de mesures fiscales sont déjà dévolus au soutien du secteur immobilier sous diverses formes, qu’il s’agisse de l’aide au logement locatif social, des travaux liés à la transition énergétique, de la fourniture de prestations, des allocations logement pour les plus modestes ou des taux de TVA réduits pour le logement social et intermédiaire…
Comme Mme Lienemann le soulignait, on peut d’ailleurs se demander si le coût de certains dispositifs fiscaux ne se retrouve pas dans les prix des loyers. (M. Michel Bouvard s’exclame.)
M. André Gattolin. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’entends vos arguments, monsieur Bouvard : il s’agit bien d’un secteur qui connaît quelques difficultés. Mais doit-il être la priorité des priorités ? Non, la priorité des priorités, c’est la construction de logements d’habitation principale, et tout particulièrement de logement social.
Ces résidences de tourisme ont parfois déjà bénéficié d’un avantage fiscal pour leur construction, vous êtes bien placé pour le savoir. (M. Michel Bouvard acquiesce.) Maintenant qu’il faut les réhabiliter, vous voulez encore mettre en place un dispositif fiscal. À un moment, il faut savoir s’arrêter ! Je vous le dis sans aucune agressivité, car j’ai beaucoup d’estime pour vous, pour la Savoie et pour les résidences touristiques des secteurs de montagne, même s’il y en a d’autres. (Sourires.)
Les priorités ont été fixées. J’ai déjà rappelé un grand nombre des mesures en faveur du logement dont le montant global s’élève à 45 milliards d’euros.
J’en profite pour dire que le Gouvernement va se livrer à des revues de mission, notamment sur la question du logement, au cours des premiers mois de l’année 2015. Beaucoup de dispositifs existent, et nous voulons profiter de la loi de règlement pour évaluer et recentrer les politiques en matière de logement.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’entends bien ce que dit M. le secrétaire d’État et l’on ne peut qu’être sensible à son argumentation mettant en avant l’effort déjà consenti et qui pèse sur les finances publiques.
Je tiens à souligner que la nouvelle majorité sénatoriale a voté, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, l’encadrement des dispositifs fiscaux dits « niches fiscales », pour une durée de quatre ans.
De même, nous avons aujourd’hui, par nos votes, limité le taux de réduction d’impôt du dispositif « Pinel » applicable outre-mer, encadré la durée de location, ainsi que la date d’entrée en vigueur du dispositif ascendants-descendants.
Nous avons parfois été suivis, d’autres fois non. Toujours est-il que la majorité s’est montrée extrêmement raisonnable.
Par ailleurs, toutes les niches, sauf exceptions rarissimes, seront concernées par le plafond de 10 000 euros, ce qui devrait, normalement, limiter les effets budgétaires de la création de nouvelles niches. Mais vous pourrez peut-être nous dire, monsieur le secrétaire d'État, si beaucoup de contribuables se trouvent déjà au plafond ou très proches de lui.
Quoi qu'il en soit, je suis favorable à ce que l’on regarde de plus près les problèmes évoqués par Michel Bouvard. Il faut néanmoins encadrer ce type de dispositif. C’est le souhait de la majorité sénatoriale : mieux encadrer les niches fiscales et élaborer des propositions d’économies, propositions que le Gouvernement ne suit pas toujours, d’ailleurs.
La majorité, en tout cas, ne peut pas être accusée d’être particulièrement dépensière ; tous nos votes vont plutôt dans le sens d’un encadrement des dispositifs fiscaux, afin d’arriver à un meilleur équilibre des finances publiques.
M. le président. Monsieur Bouvard, l’amendement n° I-305 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. L’estime entre nous est réciproque, monsieur le secrétaire d’État. Je comprends et partage votre volonté de ne pas laisser galoper la dépense fiscale. J’ai suffisamment dénoncé son accroissement trop rapide pour veiller à ne pas l’encourager par des dispositifs fiscaux.
Les chiffres ont été donnés pour ce qui concerne le logement. Mais il faut tout de même savoir de quoi on parle. Les services de Bercy n’ont jamais été capables de nous donner, pour l’ensemble des résidences-services, la ventilation entre les résidences pour personnes âgées, les résidences étudiantes et les résidences touristiques. Quand on consulte le document d’évaluation des voies et moyens de cette année, l’ensemble des dispositifs pour les résidences-services, y compris les résidences touristiques, représente une somme de 170 millions d’euros. Un tiers – si ce n’est la moitié – de cette somme, si l’on veut faire une estimation assez large, est vraisemblablement consacré au secteur du tourisme.
De plus, ce dispositif est stable ; il ne fait pas partie de ceux qui ont vu leur coût s’accroître au fil des années.
J’ajoute que, derrière tout cela, Olivier Cadic l’a rappelé , il y a un retour de fiscalité non négligeable.
En l’occurrence, un besoin de compétitivité se fait aussi sentir. Vous dites aimer la montagne, monsieur le secrétaire d’État ; or en montagne, on ne peut plus construire ! Il faut protéger l’espace, les contraintes sont de plus en plus importantes et nous devons désormais reconstruire la station sur la station, comme on a reconstruit la ville sur la ville.
M. François Marc. Il faut être économe, surtout !
M. Michel Bouvard. Certaines résidences de tourisme ont été construites dans les années 1970, c’est-à-dire il y a bientôt cinquante ans. Ces produits ne sont plus adaptés à la clientèle. Si nous voulons, comme le souhaite à juste titre Laurent Fabius, maintenir la capacité d’accueil des touristes en France, créer dans ce secteur de la valeur ajoutée et des emplois, nous ne pouvons pas tourner le dos à ces problèmes.
Je ne dis pas que la dépense fiscale est la seule solution qui vaille : une évolution du droit de l’urbanisme est une autre voie susceptible d’être empruntée. Je suis, par exemple, pour que l’on octroie un droit de préemption aux communes, avec l’instauration de zones d’intervention foncière, afin qu’elles puissent en faire usage sur des lots en mauvais état, qu’il sera ainsi possible de réhabiliter. Mais ce type de dispositions n’a évidemment pas sa place en loi de finances.
Il convient de mener une réflexion d’ensemble, y compris d’ailleurs pour éviter que des logements ne soient privatisés et ne finissent, une fois réhabilités, par constituer des placements en « pierre-papier ». Cela suppose de modifier certaines dispositions ; pour l’instant, en effet, on ne peut faire de résidences de tourisme avec une SCPI.
Je vais répondre à la demande de M. le rapporteur général et retirer cet amendement, monsieur le président, mais je ne suis pas sûr que l’on puisse beaucoup progresser sur ce sujet d’ici à l’examen du collectif budgétaire, qui est très proche.
Je souhaiterais que le Gouvernement accepte d’ouvrir le débat sur le volet fiscal, bien sûr, mais aussi sur les autres volets du dossier. Je l’ai indiqué tout à l’heure, les ministres du tourisme qui se sont succédé sont passés trop rapidement pour pouvoir entamer ce travail. Désormais, on ne peut plus le reporter. C’est un enjeu de compétitivité économique pour notre pays, dans un des seuls secteurs qui créent encore des emplois et qui contribuent à l’amélioration de la balance des paiements courants.
M. le président. L’amendement n° I-305 rectifié est retiré.
Monsieur Cadic, l’amendement n° I-232 rectifié l’est-il également ?
M. Olivier Cadic. Monsieur le secrétaire d’État, j’apprécie votre description de la complexité de notre modèle fiscal.
Michel Bouvard l’a très bien dit, le tourisme représente 7 % du PIB. Il constitue une priorité du ministre des affaires étrangères et du développement international, ce en quoi je pense que celui-ci a raison. Il n’a pas l’air d’être la vôtre, en revanche, ce qui me donne l’impression qu’entre la main gauche et la main droite du Gouvernement, la communication ne passe pas !
M. François Marc. Seule la main gauche fonctionne ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Olivier Cadic. Considérer le sujet sous l’angle de la perte fiscale revient à voir le verre à moitié vide : « Ma cassette, ma cassette ! » Mais la création de 8 000 emplois va remplir les caisses, monsieur le secrétaire d’État ! Il faut aussi voir le verre à moitié plein. Il serait donc intéressant que nous puissions adopter cette mesure.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je partage l’avis de M. le secrétaire d’État sur la question, même s’il est contradictoire avec la position qu’il a exprimée au moment de nos débats sur l’article 5.
Je tiens à rappeler la position de fond du groupe CRC sur le sujet qui nous occupe.
Nous l’avons déjà indiqué, la création d’une mesure fiscale ne saurait, à notre sens, constituer la solution à tous les problèmes qui nous sont posés. Si tel était le cas, il y a belle lurette que, avec son impôt sur les sociétés de plus en plus réduit, sa taxe professionnelle disparue, ses cotisations sociales largement exonérées, la France aurait fait de ses entreprises, ainsi délivrées d’innombrables « contraintes », des championnes mondiales dans leur secteur.
Puisque tel n’est pas le cas, il faut peut-être en conclure que la baisse des impôts ne suffit nullement à assurer la compétitivité des entreprises et que d’autres facteurs doivent être envisagés.
Sans doute pourrions-nous nous demander, avant de réfléchir aux moyens de modifier le régime fiscal des villages résidentiels de tourisme ou des résidences avec services, s’il ne conviendrait pas plutôt de procéder dans l’ordre, c’est-à-dire de commencer par dresser une sorte d’état des besoins.
Il est vrai que 40 000 hébergements touristiques, souvent inscrits à l’actif d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, ont besoin d’une certaine forme de rénovation. Dès lors, regardons s’il est possible de mobiliser des moyens financiers ou des crédits bancaires de proximité à moindre coût, avant de demander à l’État, une fois encore, de renoncer, à échéance de dix-huit mois environ, à une partie de ses recettes, certes infime, mais une partie tout de même.
Nous disposons en France d’un certain nombre de produits d’épargne défiscalisée dont la centralisation pourrait sans doute être améliorée et qui pourraient voir leurs fonctions élargies. Mais nous avons aussi un secteur bancaire qui se positionne plutôt dans le haut du classement international en matière de surface financière ou d’actifs nets. Le total de bilan de BNP Paribas, mes chers collègues, équivaut presque au produit intérieur brut marchand de la France, même si comparaison n’est pas forcément raison : le bilan de la BNP est un stock de valeurs, de titres, d’avances et de dettes à un moment donné et le PIB représente le produit du flux des activités économiques du pays.
Toutefois, il nous semble qu’en bien des domaines le crédit bancaire et les capacités importantes de la BNP, de la Société générale, du groupe BPCE et du Crédit agricole, entre autres, pourraient être mobilisés pour financer les opérations de rénovation et de construction évoquées par les auteurs des amendements qui viennent d’être présentés, surtout au moment où la Banque centrale européenne applique un taux d’intérêt négatif pour ses prises en pension et propose aux banquiers de l’argent frais à 0,10 %.
Voilà des éléments qu’il convenait sans doute de rappeler au moment de voter sur l’amendement n° I-232 rectifié. Il faut arrêter de toujours demander des crédits d’impôt, sous prétexte de compétitivité, alors qu’il est possible d’aller chercher l’argent chez les banquiers, notamment, pour entreprendre les rénovations nécessaires et remettre en route le tourisme français.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Le débat m’inspire une réflexion que je livre à notre assemblée. Je me demande si nous n’avons pas trop souvent utilisé l’impôt comme outil de politique économique, et un outil parfois mal ciblé. Ne faut-il pas revenir à la finalité première de l’impôt, qui est de couvrir des dépenses ? Car c’est bien ce besoin qui a conduit à inventer les impôts !
Cette dérive est à l’œuvre depuis une trentaine d’années : on a totalement changé la fonction de l’impôt. Je crois nous allons devoir, au moment d’équilibrer un budget et alors que nous devons faire face à des dépenses, revenir aux fondements premiers de l’impôt.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos I-62 et I-79 sont identiques.
L’amendement n° I-62 est présenté par Mme Des Esgaulx.
L’amendement n° I-79 est présenté par M. Mercier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 199 sexvicies est ainsi modifié :
a) À la fin du deuxième alinéa du II, les mots : « et de 11 % pour ceux acquis à compter de 2012 » sont remplacés par les mots : « , de 11 % pour les logements acquis en 2012, 2013 et jusqu’au 15 novembre 2014, et de 8 % pour ceux acquis à compter du 15 novembre 2014 » ;
b) Le cinquième alinéa du II est ainsi rédigé :
« La réduction d’impôt est répartie sur neuf années pour les investissements réalisés avant le 15 novembre 2014, et sur six années pour les investissements réalisés à compter du 15 novembre 2014. » ;
2° L’article 39 G est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ne sont admis en déduction du résultat imposable du bénéficiaire de cette réduction d’impôt qu’à hauteur de ceux pratiqués sur la fraction du prix de revient des immeubles excédant le montant retenu pour le calcul de cette réduction d’impôt » sont remplacés par les mots : « sont admis en déduction du résultat imposable du bénéficiaire de cette réduction d’impôt » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « ne sont pas applicables à la part des amortissements qui n’a pas été admise en déduction du résultat imposable en application du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « sont applicables à la part des amortissements admise en déduction du résultat imposable en application du premier alinéa ».
II. – Le présent article s’applique :
1° Aux acquisitions, aux constructions et aux souscriptions réalisées à compter du 15 novembre 2014.
2° À compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les amendements nos I-62 et I-79 ne sont pas soutenus.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° I-229 est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Iriti, MM. Duvernois, Kern, Mandelli, Pellevat et Laufoaulu, Mme Billon et M. D. Dubois.
L’amendement n° I-304 est présenté par M. Bouvard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 sexvicies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa du II, les mots : « et de 11 % pour ceux acquis à compter de 2012 » sont remplacés par les mots : « , de 11 % pour les logements acquis en 2012, 2013 et 2014, et de 18 % pour ceux acquis à compter de 2015 » ;
2° Après le III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ...- À l’issue de la période de location couverte par l’engagement de location mentionné au III, lorsque le logement reste loué dans les conditions prévues au même III, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt prévue au présent article, à la condition de proroger son engagement initial pour une durée totale d’au moins douze ans. Dans ce cas, la réduction d’impôt est égale à 3 % du prix de revient du logement mentionné au II et est répartie à raison d’un tiers de son montant sur l’impôt dû sur chacune des trois années suivant l’engagement de location mentionné au III.
« Lorsque la fraction de la réduction d’impôt imputable au titre d’une année d’imposition excède l’impôt dû par le contribuable au titre de cette même année, le solde peut être imputé sur l’impôt au titre des années suivantes jusqu’à la sixième année inclusivement. »
II. - Le présent article s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° I-229.
M. Olivier Cadic. L’article 80 de la loi de finances pour 2013, intégré depuis au code général des impôts, a institué en faveur des propriétaires bailleurs un mécanisme de réduction d’impôt sur le revenu, dénommé « réduction d’impôt Duflot », destiné à remplacer le dispositif « Scellier ». Ce mécanisme est réservé à la location dans le secteur intermédiaire. Le taux de réduction d’impôt est de 18 % si le contribuable s’engage à louer son logement nu à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans.
En parallèle, l’article 77 de la même loi a prolongé de quatre ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2016, le dispositif dit « Censi-Bouvard », codifié à l’article 199 sexvicies du code général des impôts, tout en maintenant le taux de la réduction d’impôt à 11 %.
La comparaison entre les deux dispositifs a créé un report massif des investisseurs vers le locatif à usage de résidence principale et un très fort ralentissement des ventes en ce qui concerne les résidences avec services.
Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit d’améliorer sensiblement le dispositif « Duflot » – c’est ce que l’on appelle le « dispositif Pinel » –, en proposant notamment de moduler l’avantage fiscal en fonction de la durée de l’engagement de location. Ainsi, les investisseurs jouiront d’un taux de réduction d’impôt de 12 %, 18 % ou 21 % pour des engagements de respectivement six ans, neuf ans ou douze ans.
Ce nouveau dispositif va sans nul doute aggraver encore davantage la situation économique des entreprises relevant du secteur des résidences avec services et pénaliser le pays : les résidences concernées – résidences pour personnes âgées, résidences étudiantes, résidences de tourisme – remplissent en effet un rôle social et économique essentiel.
Il vous est donc proposé, mes chers collègues, dans le cadre des mesures de relance du secteur de la construction, d’aligner les deux régimes en faisant profiter les investisseurs des résidences avec services d’un taux de réduction d’impôt de 18 % pour un engagement de location de neuf ans et de 21 % pour un engagement de douze ans, tout en maintenant leur application dans le temps au 31 décembre 2016.
Il est à noter qu’un alignement similaire avait été fait entre les régimes dits « Censi-Bouvard » et « Carrez-Scellier » par la loi du 20 avril 2009, afin de supprimer la distorsion de concurrence, ce qui avait permis de relancer efficacement le secteur des résidences avec services.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° I-304.
M. Michel Bouvard. J’ajouterai à ce que vient d’indiquer M. Cadic que les ajustements apportés aux régimes d’investissement locatif avaient consisté à introduire un différentiel de 4 points sur le dispositif pour les résidences de tourisme par rapport à l’immobilier locatif traditionnel en 2011, et de 6 points en 2012. Or cela s’est traduit par une diminution des réservations de 40 %. On le voit, entre le dispositif de l’immobilier locatif traditionnel et celui l’immobilier de loisirs, la sensibilité est très vive.
La question est de savoir si l’on doit élaborer un nouveau dispositif pour l’immobilier de loisirs ou laisser s’éteindre le dispositif actuel. C’est bien ce qui est en cause, en effet : dans le régime « Pinel », rien n’est prévu pour le secteur touristique.
En d’autres termes, dans nos débats, nous devons rechercher un équilibre entre dépense fiscale en faveur de la réhabilitation et dépense fiscale en faveur de la construction neuve : les deux sont nécessaires, mais peut-être pas forcément dans les mêmes proportions…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est plutôt réservée sur ces deux amendements.
Certes, nous ne contestons pas l’intérêt du dispositif. Je comprends très bien que MM. Cadic et Bouvard craignent la concurrence avec le dispositif « Pinel », du fait des différences de taux, et souhaitent un alignement des deux régimes.
Toutefois, l’incertitude quant au coût, probablement élevé, d’une telle mesure nous amène à solliciter le retrait de ces deux amendements.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour interroger M. le secrétaire d’État, sachant que nous examinerons dans quelques instants un amendement relatif au relèvement d’un autre plafond, sur le nombre de contribuables qui atteignent le plafonnement des niches fiscales de 10 000 euros ou 18 000 euros. Sont-ils nombreux, ce qui rendrait au final la création de nouveaux dispositifs relativement peu coûteuse, ou y a-t-il au contraire encore beaucoup de marge ? Même si nous n’obtenons pas la réponse à cette question ce soir, il serait utile de l’avoir au cours de nos débats. Après tout, si les plafonds sont déjà atteints, laisser les contribuables concernés opter pour tel ou tel dispositif ne présente aucun risque pour les finances publiques…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Porter le taux de réduction d’impôt de 11 % à 18 %, comme cela nous est proposé, représenterait une majoration substantielle.
De plus, cette demande se fonde sur la crainte d’une concurrence entre le dispositif « Pinel » et la location en meublé non professionnelle. Or ces deux dispositifs n’ont rien à voir : le premier est réservé à certaines zones et soumis à des conditions de revenus, ce qui n’est pas le cas du second. Il n’y a donc pas de concurrence entre les deux, à moins de considérer la rentabilité de l’investissement comme la seule justification de la dépense fiscale…
Au demeurant, la loi du 24 mars 2014, ou loi ALUR, prévoit la remise au Parlement d’ici à la fin de l’année d’un rapport du Gouvernement sur ces dispositifs, qui font l’objet d’ailleurs parfois l’objet de commentaires que je qualifierai de… divers. Il serait donc pour le moins prématuré d’adopter ces amendements. J’espère que ma collègue chargée du logement permettra la publication rapide du rapport, afin que nous puissions y voir plus clair.
En tout état de cause, la dépense fiscale supplémentaire, certes non chiffrée à ce stade, que représenterait l’adoption d’une telle mesure, ainsi que l’absence de concurrence entre les deux dispositifs conduisent le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Monsieur Bouvard, l'amendement n° I-304 est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Non, je vais le retirer, monsieur le président.
Nous avons effectivement besoin de précisions sur le coût d’une telle mesure. Cela implique que Bercy nous présente la ventilation entre ce qui va aux résidences avec services pour personnes âgées ou pour étudiants et ce qui va au secteur touristique.
Il faudra également voir si le sujet est abordé dans le rapport que M. le secrétaire d'État a évoqué, car les dispositifs concernés nécessitent une évaluation.
Je retire donc mon amendement, tout en me réservant la possibilité de le présenter à nouveau en collectif budgétaire, en fonction des informations dont nous disposerons alors.
M. le président. L'amendement n° I-304 est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° I-229, monsieur Cadic ?
M. Olivier Cadic. Je le retire également, monsieur le président. Je partage les propos de mon collègue Michel Bouvard, et je prends bonne note de l’avis de la commission.
M. le président. L'amendement n° I-229 est retiré.
L'amendement n° I-397, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Jarlier, Marseille et Canevet, Mme Iriti, MM. Zocchetto, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux premier et second alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 undecies C », est insérée la référence : « ,199 sexdecies ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Le plafond de la réduction d’impôt pour les services à la personne et l’emploi à domicile a été abaissé de 18 000 euros à 10 000 euros en loi de finances pour 2013. Les sénateurs du groupe UDI-UC avaient alors dénoncé cette mesure. Nous observons depuis une baisse des emplois liés aux services à la personne et, probablement – c’est à tout le moins notre conviction, même si c’est difficile à démontrer –, une montée du travail au noir.
Or nombre de familles, qui ne sont pas forcément toutes ultra-fortunées, ont recours aux services à la personne et aux emplois à domicile. Il faut donc continuer à les aider, et aussi faire en sorte qu’elles déclarent les personnes employées.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de replacer les services à la personne et l’emploi à domicile sous le plafonnement de 18 000 euros, qui s’appliquait avant le 1er janvier 2013.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes évidemment conscients du problème ; cela a été dit et répété, ce sont 70 000 heures de travail, représentant un nombre non négligeable d’emplois, qui ont été perdues. Toutefois, cette perte tient moins à la mesure, d’ordre fiscal, d’abaissement du plafond qu’à la mesure, d’ordre social, de suppression du forfait.
M. le secrétaire d’État affirmait tout à l’heure que le forfait était destiné à faire entrer des personnes dans le dispositif. Or le passage d’un système forfaitaire à un système d’heures déclarées au réel, même s’il a peut-être des conséquences positives pour le salarié, a probablement eu pour effet la sortie de certaines personnes. J’en veux pour preuve l’effondrement des cotisations sociales aussitôt après que cette suppression a été décidée.
C'est d’ailleurs la raison pour laquelle le Sénat a proposé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de porter la déduction forfaitaire de 0,75 euro à un 1,5 euro pour l’ensemble des emplois à domicile et de supprimer la condition que l’Assemblée nationale avait introduite pour certains types d’emplois ; le coût de cette décision est de 186 millions d’euros. C’est donc un signal fort en faveur de l’emploi à domicile qui a été adressé par la Haute Assemblée.
Aller au-delà en relevant le plafonnement à 18 000 euros favoriserait évidemment l’emploi à domicile, mais à quel prix ? C’est surtout le coût d’une telle mesure pour les finances publiques, probablement largement supérieur au gage prévu dans l’amendement, qui nous inquiète.
C’est pourquoi, même si je comprends les préoccupations de notre collègue Vincent Delahaye, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, ce n’est pas parce qu’une affirmation est répétée qu’elle devient une vérité…
Je connais le secteur de l’emploi à domicile et je rencontre la Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM. Cela me permet de dire que deux mesures ont affecté le secteur.
La première, c’est celle à laquelle je faisais référence. L’abattement de 15 points qui était en vigueur a été supprimé, si j’ai bonne mémoire, en loi de finances rectificative pour 2011 ou 2012 par la majorité qui soutenait l’action de Nicolas Sarkozy. Cette décision, d’une incidence financière de l’ordre de 700 millions ou 800 millions d’euros, ne s’est accompagnée d’aucune contrepartie et a fortement pesé sur le secteur.
La deuxième mesure, c’est la suppression du forfait, qui non seulement est justifiée – j’ai expliqué pourquoi tout à l’heure –, mais a en plus été compensée par une réduction forfaitaire de 0,75 euro par heure travaillée. Encore une fois, le système du forfait était une anomalie. Les différents acteurs que nous avons rencontrés, y compris la FEPEM, nous ont expliqué que, si le forfait avait certes incité à entrer dans le système déclaratif, 80 % à 90 % des personnes concernées étaient désormais « au réel », car il y a aussi des incitations à y être. Le maintien du système du forfait n’avait donc plus de sens.
En d’autres termes, monsieur le rapporteur général, si la diminution du nombre d’heures travaillées tient en partie au motif économique que vous avez indiqué, il est faux de prétendre, comme vous le faites, que c’est la suppression du forfait qui a tué le secteur !
En vérité, le phénomène découle, de manière partagée, d’une décision que nous avons prise, mais qui a été compensée par des droits et une réduction forfaitaire de 0,75 euro par heure travaillée, et d’une mesure adoptée par la majorité précédente, sans grande justification, hormis le souci du rendement ; certes, c’était en fin de législature, période où le gouvernement de l’époque s’était aperçu qu’il y avait lieu de prendre quelques dispositions pour redresser les comptes…
D’ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué ce matin les courbes qui figurent dans votre rapport. Si j’ai bonne mémoire, le produit de l’impôt a augmenté de 8 milliards d’euros en 2011 ; c’est la phase d’augmentation la plus importante sur les quatre années analysées dans votre rapport. (M. le rapporteur général de la commission des finances le conteste.) Je l’ai lu avec attention. C’est la marche la plus importante de l’histogramme. Là, nous n’y sommes pour rien !
La réduction d’impôt liée aux services d’emploi à la personne est limitée à 50 % d’une somme plafonnée à 12 000 euros, augmentée de 1 500 euros par enfant à charge. On est, dans la plupart des cas, sous le plafond des 10 000 euros : 50 % de 12 000 euros, cela fait 6 000 euros ; et même avec deux enfants, on n’est encore qu’à 9 000 euros ! Il n’est pas donné à tout le monde d’atteindre le plafond des 10 000 euros de réduction d’impôt avec les services à la personne !
Certes, on peut cumuler ces mesures avec d’autres dispositifs. Mais il s’agit alors de personnes qui paient déjà plus de 10 000 euros d’impôts, donc qui disposent de revenus… substantiels – je ne voudrais pas utiliser de qualificatif déplaisant. Là, on ne parle plus des classes moyennes, et on est évidemment très loin des classes modestes !
Par conséquent, il nous semble tout à fait cohérent de maintenir le plafond à 10 000 euros. Libre à vous de le majorer, mais ce serait tout de même quelque peu contradictoire avec votre volonté affichée de réduire la dépense fiscale.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Jeune sénateur lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de fin d’année en 2011, je m’étais opposé aux mesures que M. le secrétaire d’État vient d’évoquer. J’étais très critique à l’égard de la stratégie fiscale de l’époque, estimant déjà qu’il fallait réduire plus fortement la dépense.
J’ai la même position aujourd'hui. Je regrette que le Gouvernement suive une stratégie identique à celle du gouvernement Fillon à la fin de l’année 2011 et poursuive dans une voie qui ne me paraît guère favorable au dynamisme de notre économie.
Cela étant, je n’ai pas entendu M. le rapporteur général affirmer que le forfait avait « tué » le secteur ; il a simplement rappelé que cela l’avait affaibli, en diminuant fortement le nombre d’heures travaillées.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous ai pas non plus entendu esquisser des pistes de réflexion pour résoudre le problème. Je ne pense pas que le phénomène soit uniquement dû à la conjoncture économique. Les décisions qui ont été prises soit par vos prédécesseurs, soit par vous-même ou vos amis se sont combinées et ont affaibli le secteur. Mon sentiment, je l’ai indiqué tout à l’heure, est que cela a surtout favorisé le travail au noir. Il y a donc là un vrai sujet.
Je veux bien envisager de retirer mon amendement, mais j’aimerais d’abord que les pouvoirs publics se saisissent du dossier. Le problème est réel, et il ne concerne pas seulement quelques privilégiés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je crains parfois de me répéter : à force de discuter du dispositif devant les deux assemblées, entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, je ne sais plus très bien ce que j’ai dit ni à qui.
La position du Gouvernement est la suivante : la dépense fiscale et la dépense sociale en faveur du secteur des services à la personne représentent globalement un montant considérable, même si certains peuvent regretter qu’il ne soit pas plus élevé, leur souci étant de lutter contre le travail non déclaré.
Cette position a été constante et s’apparente à celle que j’ai défendue tout à l’heure au sujet du logement : il convient de cibler les secteurs que nous entendons soutenir au moyen de la fiscalité. Il s’agit de privilégier les dépenses subies, ou contraintes, par rapport à des dépenses qui ont plutôt un caractère volontaire – je n’ose pas parler de « dépenses de confort », mais...
Je crois que les dépenses de service à la personne s’agissant de handicapés ou de personnes âgées, ou de garde d’enfant pour les couples dont les deux membres travaillent, relèvent de la première catégorie. En revanche, des dépenses relatives au sport, au bien-être, aux loisirs, etc., qui représentent malgré tout des sommes importantes, relèvent de la seconde catégorie et n’ont peut-être pas à faire l’objet d’une incitation fiscale, ou justifient éventuellement une incitation moins forte que celles de la première catégorie, quitte à rendre le dispositif un peu plus complexe.
M. Delahaye réclamait des pistes. Eh bien, en voilà une qui me paraît mériter d’être creusée.
Un travail est en cours à l’Assemblée nationale, sous la conduite de Martine Pinville. Sans préjuger le résultat de ces travaux de l’Assemblée nationale, qui est souveraine, il me semble qu’ils aboutiront immanquablement au plafonnement ou à la restriction de la dépense fiscale puisqu’il s’agit d’une demande largement partagée. Nous serons donc, probablement, obligés de cibler plus finement les aides.
Je le redis : le plafond actuel permet, si je ne m’abuse, de prendre en compte les familles qui, avec deux enfants, utilisent à plein le dispositif et dépensent plus de 1 500 euros par mois – avec trois enfants, les chiffres sont quasiment les mêmes à 500 euros près –, ce qui est déjà considérable. Nous le disons depuis plusieurs années, toutes tendances confondues, il y a un travail à faire. Jusqu’à présent, personne n’a vraiment eu le courage d’aller au bout de la démarche. Personnellement, je pense qu’il faudrait le faire !
M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° I-397 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-397 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-221 rectifié est présenté par M. S. Larcher, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° I-411 rectifié est présenté par MM. Patient, Antiste, Cornano et Desplan, Mmes Claireaux et D. Gillot, MM. Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Vergoz, Mme M. André, MM. Germain, D. Bailly, Boulard, Carcenac, Cazeau, Courteau, Daudigny, Duran et Eblé, Mme Guillemot, MM. Jeansannetas, Lalande et Patriat, Mme Perol-Dumont, MM. Vaugrenard et Yung, Mme Monier, MM. Raoul, Montaugé et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Aux premier et deuxième alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, la référence : « et 199 unvicies » est remplacée par les références : « , 199 unvicies et au XII de l’article 199 novovicies ».
II. - Les dispositions du I s’appliquent à compter de l’imposition des revenus de l’année 2014 pour les avantages fiscaux acquis au titre des investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° I-221 rectifié.
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques, pour l’outre-mer. Bien entendu, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° I-411 rectifié, dont je suis également signataire.
Ces deux amendements prévoient de relever le plafond global des avantages fiscaux de 10 000 à 18 000 euros en faveur de l’investissement locatif intermédiaire dans les départements d’outre-mer dits « Pinel-DOM », de manière à attirer les financements sans créer une concurrence néfaste entre le logement social et le logement locatif intermédiaire.
Actuellement, le plafond, trop bas, entraîne un effet d’éviction au détriment du logement intermédiaire, alors même qu’il existe un fort besoin dans les territoires ultramarins pour les logements de ce type.
En outre, je rappelle que le plafond fixé par l’article 200-0 A du code général des impôts est un plafond global, à l’intérieur duquel s’appliquent toutes les autres réductions de droit commun : garde d’enfant, emploi salarié à domicile, etc.
Un amendement en ce sens a été voté à l’Assemblée nationale dans la seconde partie du budget, lors de l’examen des crédits non rattachés. En raison de sa position dans la seconde partie, cette disposition ne peut pas entrer en vigueur avant l’année N+1, c'est-à-dire avant 2016.
Au regard de l’urgence de la situation et du soutien apporté par le Gouvernement, il est indispensable de déplacer cette mesure dans la première partie du budget afin de rendre le dispositif effectif dès 2015.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le relèvement du plafond du dispositif « Pinel » pour l’outre-mer a déjà été prévu par nos collègues députés, mais uniquement en ce qui concerne l’imposition des revenus à compter de 2015.
Les amendements identiques nos I-221 rectifié et I-411 rectifié visent à avancer ce relèvement aux revenus de l’année 2014. Dans la pratique, seuls quelques investissements seraient concernés, à savoir ceux qui ont été réalisés entre le 1er septembre et le 31 décembre 2014. Par ailleurs, la décision de faire un investissement locatif ne se prend pas à la légère, en quelques semaines. La commission s’interroge donc sur la portée de la mesure.
De plus, il y a là une question de principe : c’est le Parlement qui vote les lois, il n’y a pas de raison de prévoir des effets systématiquement rétroactifs.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne peut vous suivre, monsieur le sénateur Serge Larcher.
Si la mesure devait s’appliquer à partir du 1er septembre 2014, elle concernerait des investissements qui ont déjà eu lieu. C’est un pur effet d’aubaine ! (M. Serge Larcher manifeste son désaccord.)
De plus, le dispositif « Pinel » outre-mer entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2015.
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. 2016 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Un amendement de la majorité sénatoriale vient d’être voté en ce sens !
Les auteurs de ces amendements identiques veulent faire appliquer les avantages fiscaux partir du 1er septembre 2014 alors que le dispositif « Pinel » outre-mer majoré n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2015. Ils peuvent remercier la majorité du Sénat, qui a rendu ces amendements complètement inopérants !
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. Mon accent rend-il mes propos incompréhensibles ? J’ai parlé de janvier 2015, jamais de 2014 ! Il se peut que ces amendements soient satisfaits, mais qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avons-nous en main le même texte ? Lisez attentivement le II : « Les dispositions du I s’appliquent à compter de l’imposition des revenus de l’année 2014 pour les avantages fiscaux acquis au titre des investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014. »
D’ailleurs, si la mesure n’avait pas une incidence sur les revenus de 2015, on n’en discuterait pas ce soir dans la première partie du budget, mais dans la seconde…
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général. Pardonnez-moi ! L’erreur vient de mon secrétariat.
En conséquence, je retire les deux amendements.
M. le président. Les sous-amendements nos I-221 rectifié et I-411 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-222 rectifié, présenté par M. S. Larcher, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 244 quater X du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 3 du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Ouvrent également droit au bénéfice du crédit d’impôt les travaux de rénovation ou de réhabilitation de logements achevés depuis plus de quinze ans, permettant aux logements d’acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou d’acquérir les performances techniques requises par leur localisation en zone sismique ou encore de mettre les logements en conformité avec les règles de protection contre la présence d’amiante. Un décret précise, en tant que de besoin, la nature des travaux ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt. » ;
2° Après le 2 du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Dans le cas mentionné au 4 du I, le crédit d’impôt est assis sur le prix de revient des travaux, minoré des subventions publiques reçues. Ce montant est retenu dans la limite d’un montant de 1 000 € hors taxe par mètre carré de surface habitable. »
II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques, pour l’outre-mer. La construction de logements sociaux s’est accélérée outre-mer à partir de la seconde moitié des années soixante-dix avec une période de construction massive dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Le parc locatif social en outre-mer est donc aujourd’hui très éloigné des normes de confort standard et il est confronté à de très lourds besoins de réhabilitation.
Les dépenses supportées par les organismes de logement social pour satisfaire aux seuls impératifs de maintien de leur parc aux normes légales représentent une part importante de leurs besoins de financement. Ces dépenses sont, par ailleurs, fortement consommatrices de fonds propres.
Au-delà de ces coûts de remise aux normes, le parc locatif social outre-mer doit faire l’objet de nombreuses opérations de désamiantage et de confortement parasismique.
Dans un contexte où l’offre de logements outre-mer est extrêmement tendue, il s’agit de préserver un parc locatif remis aux normes et de maintenir des loyers moyens moins élevés que ceux proposés au sein du parc récent.
Il est donc proposé d’étendre le bénéfice du crédit d’impôt à l’investissement de l’article 244 quater X du code général des impôts aux opérations de réhabilitation des logements sociaux ou intermédiaires.
M. le président. L'amendement n° I-59, présenté par MM. Patient et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Karam, Mohamed Soilihi et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 3 du I de l’article 244 quater X du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ouvrent également droit au bénéfice du crédit d’impôt les travaux de désamiantage effectués sur des immeubles vieux de plus de vingt ans appartenant au parc locatif social. Un décret précise, en tant que de besoin, la nature des travaux ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt. »
II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-73, présenté par MM. Patient, Antiste et Cornano, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 3 du I de l'article 244 quater X du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ouvrent également droit au bénéfice du crédit d'impôt les travaux de rénovation ou de réhabilitation de logements achevés depuis plus de quinze ans, permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou d'acquérir les performances techniques requises par leur localisation en zone sismique. Un décret précise, en tant que de besoin, la nature des travaux ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt. »
II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Il est défendu également !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces trois amendements visent à étendre le périmètre du crédit d’impôt sur le logement social outre-mer.
L’amendement n° I-222 rectifié concerne les travaux de rénovation et le désamiantage. L’amendement n° I-73 concerne uniquement les travaux de rénovation et l’amendement n°I-59 les travaux de désamiantage.
Je suis défavorable à ces amendements, qui visent à étendre le champ d’une « niche » dans un contexte budgétaire contraint.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces trois amendements ont un objet similaire : ils visent à étendre le champ des dispositions de l’article 244 quater X du code général des impôts. Une telle initiative me semble prématurée pour une raison toute simple : cet article n’est pas encore entré en vigueur, car son application est soumise à l’approbation de la Commission européenne. Dans la mesure où nous sommes actuellement en discussion avec elle sur ce point, voter de tels amendements fragiliserait encore un peu plus notre position. Il me paraît donc plus opportun de les retirer ; à défaut, j’en demanderai le rejet.
M. Serge Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. Je retire ces trois amendements, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos I-222 rectifié, I-59 et I-73 sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-363 rectifié, présenté par M. Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa du 9° du I de l’article 199 undecies C, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La condition mentionnée au 9° n’est pas applicable aux logements bénéficiant des prêts conventionnés définis aux articles R. 331-76-1 et R. 372-21 du code de la construction et de l’habitation. Toutefois, le nombre de logements financés au titre de l'article R. 331-76-1 du même code ne peut dépasser 4 % du nombre total de logements financés définis à l’article R. 372-7 dudit code. » ;
2° Le f) du 1 du I de l’article 244 quater X est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette condition ne s’applique pas pour les logements bénéficiant des prêts conventionnés définis à l’article R. 372-21 du code de la construction et de l’habitation. »
II.- Le 2° ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III – La perte de recettes résultant pour l’État du 1° est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-381 rectifié, présenté par M. Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa du 9° du I de l’article 199 undecies C, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La condition mentionnée au 9° n’est pas applicable aux logements bénéficiant des prêts conventionnés définis aux articles R. 331-76-1 et R. 372-21 du code de la construction et de l’habitation. Toutefois, le nombre de logements financés au titre de l’article R. 331-76-1 du même code ne peut dépasser 4 % du nombre total de logements financés définis à l’article R. 372-7 dudit code et le nombre de logements financés au titre de l’article R. 372-21 du même code ne peut dépasser 20 % du nombre total de logements financés définis à l’article R. 372-7 dudit code. » ;
2° Le f) du 1 du I de l’article 244 quater X est complété par une phrase ainsi rédigée :
Cette condition ne s’applique pas pour les logements bénéficiant des prêts conventionnés définis à l’article R. 372-21 du code de la construction et de l’habitation. Toutefois, le nombre de logements financés au titre de l’article R. 372-21 du même code ne peut dépasser 20 % du nombre total de logements financés définis à l’article R. 372-7 dudit code ».
II.- Le 2° ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III – La perte de recettes résultant pour l’État du 1° est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 5 bis (nouveau)
À l’article 199 undecies F du code général des impôts, la référence : « et 199 undecies C » est remplacée par les références : « , 199 undecies C et 199 novovicies ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’avais déposé deux amendements concernant l’expérimentation d’un prêt à taux bonifié équivalent à un prêt à taux zéro – PTZ – pour le financement du logement social en outre-mer. Cette mesure offre d’abord l’avantage de la simplicité : un seul dossier est constitué, le prêt étant servi par la Caisse des dépôts et consignations. Elle permet ensuite un meilleur équilibre financier : les simulations qui ont été faites montrent que, conjuguée aux subventions de la LBU – ligne budgétaire unique –, elle coûte moins cher que le crédit d’impôt, pour des loyers plus bas.
Le Parlement avait, l’an dernier, demandé au Gouvernement un rapport sur l’expérimentation de ce PTZ. Des opérations ont été montées avec la Caisse des dépôts dans le cadre de cette expérimentation, mais la mesure n’est toujours pas en vigueur. Pourquoi ?
C’est du Kafka ! Et cela alors même qu’une simplification des normes et des procédures administratives est prétendument engagée.
On nous explique qu’il faut conserver le crédit d’impôt. Mais le crédit d’impôt ne marche pas parce qu’il suppose d’avancer l’argent. Comme les organismes n’en ont pas, on ne construit pas ! Résultat : chute de la construction ! On prévoit alors que la Caisse des dépôts avancera les sommes aux organismes pour qu’ils bénéficient du crédit d’impôt…
Cela veut dire qu’on est en train de monter une usine à gaz là où le prêt à taux zéro pourrait fonctionner.
Je ne prétends pas détenir la vérité. Mais on avait demandé cette expérimentation ; des opérations réalisables ont été montées, notamment la construction de 210 logements en Guadeloupe. Et pourtant, les dossiers sont bloqués !
Par ailleurs, s’il y a tant de recul sur les dossiers en Guadeloupe, et dans les DOM en général, c’est parce qu’il faut maintenant trois autorisations. Alors qu’auparavant celle de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – DREAL – et celle de la Caisse des dépôts suffisaient, il faut maintenant, en plus, celle de Bercy pour le crédit d’impôt.
Conclusion : les choses traînent, il y a des refus, on refait quinze fois les mêmes dossiers, et ça bloque !
Alors, je vous le dis tout net, monsieur le secrétaire d’État : je ne comprends pas qu’on refuse l’expérimentation sur quelques opérations. Je crois tout de même connaître assez bien ce genre de dossiers pour vous dire que la Caisse des dépôts, les HLM et d’autres ont considéré que l’opération serait financièrement viable.
Dans ces conditions, pourquoi la Caisse des dépôts elle-même hésite-t-elle ? Parce qu’elle n’a pas confiance dans l’État. Elle craint que, si elle doit financer le prêt bonifié, l’État ne lui rembourse jamais la bonification.
M. Philippe Dallier. Où allons-nous ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans quel monde vivons-nous, en effet ? Si la Caisse des dépôts et consignations n’a pas confiance dans l’État, comment voulez-vous que le citoyen ait, lui, confiance dans l’État ! La Caisse se dit qu’elle va avancer le prêt bonifié et qu’au bout du compte on ne lui remboursera pas l’intégralité de ce prêt. D’où les réticences de la Caisse, qui était pourtant prête à expérimenter.
Et, pendant ce temps-là, à Bercy, on attend Bruxelles pour le crédit d’impôt !
Le prêt bonifié, c’est simple, ça marche. Je ne comprends toujours pas pourquoi on le refuse. Nous l’avions mis en exergue dans notre rapport parlementaire. J’ai transmis les comptes à Bercy, je suis prête à les donner à tous ceux de mes collègues qui les veulent. Ces opérations sont équilibrées, avec des aides via la LBU, comme les autres opérations, un prêt bonifié moins cher que le crédit d’impôt et, au bout, des loyers plus bas.
J’attends donc qu’on m’explique qu’il y a mieux que ce dispositif et, en tout cas, je demande qu’on puisse l’expérimenter.
Mon amendement s’est vu opposer l’article 40, car je n’ai pas eu le temps d’expliquer à mes collègues de la commission des finances qu’à l’inverse de ce qu’ils croyaient ce dispositif coûte moins que le crédit d’impôt. Mais je reste convaincue de son bien-fondé et j’aimerais tout de même que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’expérimentation d’un PTZ, puisqu’il en avait accepté le principe l’an dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste. – M. Michel Bouvard applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 5 ter (nouveau)
À la dernière phrase du deuxième alinéa du IV de l’article 199 terdecies-0 A et au dernier alinéa du 1 du II de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, les mots : « avant le 31 décembre 2012 » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 6
I. – Après l’article 790 G du code général des impôts, sont insérés des articles 790 H et 790 I ainsi rédigés :
« Art. 790 H. – Les donations entre vifs, réalisées en pleine propriété et constatées par un acte authentique signé entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015, de terrains à bâtir définis au 1° du 2 du I de l’article 257 sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, dans la limite de la valeur déclarée de ces biens, lorsque l’acte de donation contient l’engagement par le donataire, pris pour lui et ses ayants cause, de réaliser et d’achever des locaux neufs destinés à l’habitation dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acte, à concurrence de :
« 1° (nouveau) 100 000 €, lorsqu’elles sont consenties au profit d’un descendant ou d’un ascendant en ligne directe, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
« 2° (nouveau) 45 000 €, lorsqu’elles sont consenties au profit d’un frère ou d’une sœur ;
« 3° (nouveau) 35 000 €, lorsqu’elles sont consenties au profit d’une autre personne.
« L’exonération est subordonnée à la condition que le donataire ou, le cas échéant, ses ayants cause justifient, à l’expiration du délai de quatre ans, de la réalisation et de l’achèvement des locaux destinés à l’habitation mentionnés au premier alinéa du présent article.
« L’ensemble des donations consenties par un même donateur ne peuvent être exonérées qu’à hauteur de 100 000 €.
« Art. 790 I. – Les donations entre vifs, réalisées en pleine propriété, d’immeubles neufs à usage d’habitation pour lesquels un permis de construire a été obtenu entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016, constatées par un acte authentique signé au plus tard dans les trois ans suivant l’obtention de ce permis, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, dans la limite de la valeur déclarée de ces biens, à concurrence de :
« 1° 100 000 €, lorsqu’elles sont consenties au profit d’un descendant ou d’un ascendant en ligne directe, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
« 2° 45 000 €, lorsqu’elles sont consenties au profit d’un frère ou d’une sœur ;
« 3° 35 000 €, lorsqu’elles sont consenties au profit d’une autre personne.
« L’exonération est subordonnée à la double condition que l’acte constatant la donation soit appuyé de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux prévue à l’article L. 462-1 du code de l’urbanisme et que l’immeuble neuf à usage d’habitation n’ait jamais été occupé ou utilisé sous quelque forme que ce soit au moment de la donation.
« L’ensemble des donations consenties par un même donateur ne peuvent être exonérées qu’à hauteur de 100 000 €. »
II (nouveau). – L’article 1840 G ter du même code est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – En cas de non-respect des conditions ouvrant droit aux exonérations prévues aux articles 790 H et 790 I, le donataire ou ses ayants cause acquittent un droit complémentaire égal à 15 % du montant déterminé au I du présent article, hors intérêts de retard.
« Le présent III n’est pas applicable en cas de licenciement, d’invalidité correspondant aux 2° et 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de décès du donataire ou de l’une des personnes soumises à imposition commune avec lui ou lorsque le donataire ne respecte pas les conditions mentionnées au premier alinéa du présent III en raison de circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-21 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-181 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-21.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lorsqu’on lit l’article 6, on est amené à se poser un certain nombre de questions.
Cet article prévoit des exonérations partielles sur les droits de mutation à titre gratuit pour certaines donations. Il serait ainsi possible d’exonérer de droits des biens immobiliers neufs ou des terrains à bâtir en vue de la construction. On peut s’interroger sur la portée de ce dispositif, qui n’a fait l’objet d’aucune évaluation préalable et dont le chiffrage est pour le moins sujet à caution. On ne sait pas, en effet, combien de personnes pourraient profiter de ce dispositif ni quel en serait le coût pour les finances publiques.
Mais, au-delà de cette interrogation, on est également en droit de se demander si cet article ne risque pas d’être une source potentielle de contentieux. Je vais en citer quelques exemples.
Lorsque les travaux engagés par le bénéficiaire prendront du retard, que se passera-t-il ? Quelle sera la sanction ? Pourra-t-on revenir sur l’exonération ? Concrètement, si l’engagement de faire des travaux de construction neuve n’est pas respecté, que se passe-t-il ? Y aura-t-il un rappel de droits, ou non ?
Par ailleurs, comment est répartie l’exonération globale de 100 000 euros entre des enfants à qui un parent ferait une donation excédant ce plafond ?
Un certain nombre de questions sont donc pour l’instant en suspens et l’article 6 n’apporte pas, à ce stade, de réponse.
D’une manière plus générale, à la lecture des seize alinéas relativement complexes de cet article, qui prévoit un certain nombre d’exceptions, en cas de licenciement, d’invalidité, de décès, etc., on peut s’interroger sur l’efficacité du dispositif. Il faudrait peut-être parvenir à un mécanisme plus clair, plus lisible, incluant moins de dispositions. Le dispositif serait ainsi beaucoup plus incitatif que cette énumération complexe de conditions, d’ores et déjà assorties des sanctions introduites par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
C’est la raison pour laquelle la commission a jugé préférable de ne pas alourdir notre droit fiscal par un nouveau dispositif pouvant apparaître complexe et a décidé de proposer la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Beaufils, pour présenter l’amendement n° I-181.
Mme Marie-France Beaufils. Nous proposons également la suppression de cet article 6, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que M. le rapporteur général.
Cet article a évidemment pour objet d’instaurer une nouvelle incitation fiscale. Pour favoriser la construction, on incite des gens à transmettre leur bien en leur disant qu’ils vont obtenir un allégement d’impôt. J’ai vainement cherché dans le « bleu » budgétaire une évaluation de cette mesure. Nous ne disposons d’aucun élément permettant d’affirmer qu’elle entraînerait véritablement la relance de la construction.
En revanche, ce que je pressens, c’est qu’elle peut avoir un effet d’aubaine pour ceux qui possèdent des patrimoines importants et n’ont pas vraiment pas besoin de vendre un bien pour vivre.
N’est-il pas possible de recourir à d’autres mesures ? On a vu que la taxation des logements vacants, que certaines collectivités ont mise en place, s’était révélée une bonne formule. On peut aussi prendre, dans le cadre du droit de l’urbanisme, des mesures qui empêchent que des biens soient délaissés, qui permettent de leur redonner vie. De telles solutions me sembleraient en tout cas plus efficaces que les incitations fiscales, qui, si l’on se réfère à l’ensemble de nos discussions, commencent à peser lourdement.
Enfin, je partage totalement ce qu’a dit notre collègue Jean-Claude Boulard tout à l’heure : à tant dégrever, on est en train de tuer le sens de l’impôt ! Accorder autant d’exonérations sans véritablement se préoccuper de savoir qui en sont les bénéficiaires, c’est perdre de vue le fait que l’impôt doit être acquitté pour permettre de répondre aux besoins de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. S’il est une cause de l’insuffisante construction de logements qui est unanimement pointée, c’est l’absence de foncier disponible.
L’article 6 vise donc à libérer du terrain pour la construction et il est destiné à s’appliquer sur une période limitée : il ne s’agit pas, monsieur le rapporteur général, de prendre des mesures définitives.
Si, en 2015, une personne décide d’effectuer une donation portant sur un terrain à bâtir, cette donation donnera lieu à un abattement pouvant aller jusqu’à 100 000 euros dès lors que, dans les quatre ans, des logements auront été effectivement construits sur le terrain en question. Vous nous dites que c’est compliqué. Eh bien non, c’est simple !
Vous nous dites aussi que cet article sera source de contentieux.
D’abord, sur la façon dont le plafond de 100 000 euros se répartit quand il y a plusieurs donations, c’est très simple : le plafond reste de 100 000 euros. S’il y a plusieurs donataires, cette somme est partagée entre eux. Un notaire, même débutant, est capable de le comprendre !
Ensuite, si les conditions ne sont pas respectées, que se passe-t-il ? Cette situation est expressément prévue au III de l’article 6 : « En cas de non-respect des conditions ouvrant droit aux exonérations prévues aux articles 790 H et 790 I, le donataire ou ses ayants cause acquittent un droit complémentaire égal à 15 % du montant déterminé au I du présent article, hors intérêts de retard. »
Cet article n’est donc pas source de contentieux, car la rédaction en a été parfaitement calibrée.
Quel en est le coût ? Vous déplorez qu’il n’y ait pas d’étude d’impact. C’est une mesure que l’on espère incitative. Elle s’applique à des terrains qui n’auraient peut-être pas été transmis en l’absence d’exonération. Donc, s’ils font l’objet d’une donation avec un abattement, selon la valeur du bien, l’État ne perçoit rien ou perçoit le complément au-delà de l’abattement. Le coût se rapporte un flux qui, de toute façon, en l’absence de la mesure, n’aurait sans doute pas existé, ou aurait eu une bien moindre ampleur.
Que le dispositif produise quelques effets d’aubaine, ce n’est pas impossible ; c’est d'ailleurs la seule objection que je considère comme recevable. Mais légiférer sans provoquer aucun effet d’aubaine, ce qui doit être notre objectif, est, vous le savez, toujours assez difficile…
En tout état de cause, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à la suppression d’un article qu’il a lui-même proposé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-21 et I–181.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 219 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 6 est supprimé et les amendements nos I-258 et I-259 n'ont plus d'objet.
Néanmoins, pour l’information du Sénat, je rappelle les termes de ces deux amendements :
L'amendement n° I-258, présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, MM. Barbier et Bertrand, Mme Malherbe et MM. Fortassin, Esnol et Castelli, était ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
, réalisées en pleine propriété,
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° I-259, présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, MM. Barbier et Bertrand, Mme Malherbe et MM. Fortassin, Esnol et Castelli, était ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont également applicables, dans les mêmes conditions, aux donations en numéraire en vue de l’acquisition d’immeubles neufs à usage d’habitation satisfaisant aux conditions prévues au premier alinéa du présent article.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. L'amendement n° I-106, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 784 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un héritier renonce de son vivant à une succession au bénéfice de ses descendants ou collatéraux, les droits de mutation à titre gratuit dus par les héritiers venant en représentation sont déterminés sans prendre en compte les donations que l’héritier renonçant a perçues du défunt. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-182, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 990 I du code général des impôts, le montant : « 152 500 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € ».
II. Le I est applicable aux contrats conclus à partir du 1er novembre 2014.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur les droits de mutation des contrats d’assurance vie. Il ne s’agit certes pas de la source principale de dépenses fiscales en ce qui concerne ce produit d’épargne, mais nous pensons qu’il convient de rechercher en la matière une certaine cohérence.
Notre amendement tend à ramener le seuil d’exonération au niveau qui s’applique à la plupart des opérations éligibles aux droits de mutation. Il n’y a aucune raison pour que, de ce point de vue, les contrats d’assurance vie bénéficient d’un traitement privilégié.
M. Michel Bouvard. Si ! Ils permettent de financer la dette !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement va à l’encontre de la progressivité de la taxation des capitaux transmis par le biais de l’assurance vie. Cela me semble tout de même poser problème…
M. Philippe Dallier. Eh oui, c'est paradoxal !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est effectivement étonnant que le groupe communiste défende un amendement allant contre la progressivité de l’impôt !
Prenons l’exemple d’un contribuable qui reçoit un capital se situant juste au niveau du seuil d’exonération actuel : désormais imposé sur 152 500 euros, il verrait son prélèvement passer de zéro euro aujourd'hui à 10 500 euros. Dans le même temps, celui d’une personne qui recevrait 200 000 euros doublerait, mais la taxation d’une personne qui recevrait 1 million d’euros n’augmenterait que d’environ 6 %. Votre amendement, monsieur Foucaud, je le répète, est antiprogressif et il aboutirait à un alourdissement injustifié de la fiscalisation des sommes transmises en cas de décès d’un assuré sur la vie.
En d’autres termes, le poids de cette mesure serait inversement proportionnel au montant perçu par le bénéficiaire. Je ne pense pas que cela corresponde aux intentions du groupe CRC. En tout cas, la commission est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a des motifs complètement différents pour refuser cet amendement, que je n’ai d’ailleurs pas très bien compris, certainement en raison de l’heure tardive… (Sourires.)
L’assurance vie a été réformée. Même si certains pouvaient avoir des ambitions plus grandes, des principes forts ont été posés pour orienter l’épargne vers les produits d’assurance vie plus ciblés vers l’économie réelle, le logement ou l’économie sociale et solidaire, avec les contrats de type Euro-croissance et Euro-transmission.
Il s’agissait d’alourdir la fiscalité pour ceux qui n’orienteraient pas une part de leur épargne vers ce type de produits et de maintenir la fiscalité antérieure pour ceux qui s’y conformeraient. Tel était notre point de vue. Changer les règles trop souvent ne nous paraît pas opportun. Le débat a eu lieu et a été tranché par le Parlement. Après la réforme que je viens de décrire, le Gouvernement ne souhaite pas, par souci de stabilité, modifier la fiscalité sur l’assurance vie.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-182.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
I. – À la fin du 7° du II de l’article 150 U du code général des impôts, les mots : « ou à un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 du code de la construction et de l’habitation » sont remplacés par les mots : « , à un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 du code de la construction et de l’habitation ou à tout autre acquéreur prenant l’engagement de construire, à proportion de la part de logements sociaux réalisés dans le programme ».
II. – Le I est applicable aux avant-contrats conclus à compter du 1er septembre 2014.
M. le président. L'amendement n° I-22, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
tout autre
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
cessionnaire qui prend l’engagement de construire des logements sociaux dans un délai de quatre ans et à proportion de la surface du bien sur laquelle il s’engage à les réaliser. En cas de manquement à cet engagement, le cessionnaire est redevable d’une amende d’un montant égal à 25 % du prix de cession mentionné dans l’acte. En cas de fusion de sociétés, l’engagement souscrit par le cessionnaire n’est pas rompu lorsque la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à se substituer à la société absorbée pour le respect de l’engagement d’achèvement des locaux dans le délai restant à courir. Le non-respect par la société absorbante de l’engagement d’achèvement des locaux entraîne l’application de l’amende prévue pour le cessionnaire ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à encadrer les modalités d’octroi de l’exonération des plus-values au titre de l’article 6 bis, qui a été inséré dans le texte lors de la discussion à l'Assemblée nationale. Cet article vise à étendre l’exonération d’imposition des plus-values immobilières réalisées lors de la cession de biens immobiliers à tout acquéreur s’engageant à réaliser des logements sociaux.
L’intention des auteurs de l’amendement qui a introduit ce dispositif à l'Assemblée nationale est louable : il s’agit de favoriser la construction de logements sociaux. Néanmoins, le dispositif nous a paru insuffisamment encadré. En effet, l’exonération n’est actuellement prévue que pour les bailleurs sociaux, lesquels, par nature, ne peuvent acquérir des terrains que pour construire des logements sociaux. Mais il n’en va pas de même pour un opérateur privé, qui peut acquérir un logement ou le céder pour d’autres raisons.
Certes, l’exonération ne porte que sur la proportion de la construction qui correspond à des logements sociaux, mais nous craignons que ce dispositif ne permette pas de s’assurer que ces logements sociaux seront effectivement réalisés.
Par ailleurs, l’article 6 bis ne soumet l’acquéreur à aucun délai s’agissant de la construction de ces logements. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons que la construction devra être réalisée dans un délai de quatre ans et que le non-respect de cette condition entraînera l’application d’une amende dissuasive.
Sauf si M. le secrétaire d’État nous apporte des explications supplémentaires, nous craignons que, sans délai ni sanction, certains ne puissent bénéficier de l’exonération des plus-values immobilières sans que, pour autant, les logements soient construits.
M. le président. Le sous-amendement n° I-388 rectifié, présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Estrosi Sassone et Hummel et MM. Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert, est ainsi libellé :
Amendement n° I-22, alinéa 4
1° Première phrase
Remplacer les mots :
prend l’engagement de construire
par les mots :
s’engage, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à réaliser et achever
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Si le cessionnaire n’a pas obtenu, dans un délai de dix-huit mois à compter de l’acquisition du bien, l’agrément de construction, il est redevable d'une amende d'un montant égal à 10 % du prix de cession mentionné dans l'acte.
3° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
cet engagement
par les mots :
l’engagement d’achèvement des locaux au terme du délai de quatre ans
et remplacer le pourcentage :
25 %
par le pourcentage :
10 %
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Ce sous-amendement vise à préciser encore le dispositif. Si l’acquéreur a bien l’intention de construire du logement social, il doit passer par une étape intermédiaire, qui est la demande d’agrément. Cette demande peut généralement être faite très tôt auprès des services compétents, avant même le dépôt du permis de construire.
Le sous-amendement tend à indiquer que, si l’agrément n’a pas été obtenu dans un délai de dix-huit mois, le cessionnaire se voit appliquer une amende égale à 10 % du montant du prix de la cession.
Par ailleurs, le taux de 25 % prévu par la commission des finances me semble un peu trop élevé. En effet, 25 % du prix de vente, ce n’est tout de même pas rien ! Le taux de 10 % que je propose est également, me semble-t-il, celui qui a été retenu dans un autre cas de figure, à l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° I-388 rectifié ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est favorable. Ces précisions permettent de mieux encadrer le dispositif. Le taux de l’amende était sans doute un peu élevé.
La disposition qui prévoit que le cessionnaire doit avoir obtenu l’agrément dans un délai de dix-huit mois me semble également tout à fait intéressante.
Le dispositif de l’article 6 bis sera plus opérationnel avec les précisions apportées par ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-22 et le sous-amendement n°I-388 rectifié ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait indiqué qu’il était favorable à l’objectif des auteurs de l’amendement qui est devenu l’article 6 bis, mais qu’il mettrait à profit la navette parlementaire pour améliorer la rédaction sur un certain nombre de points.
Les mesures figurant dans l’amendement de la commission des finances et dans le sous-amendement de M. Dallier ne correspondent pas complètement à la ligne que nous souhaitons suivre en la matière, mais améliorent la rédaction de l’article en termes de formalisation de l’engagement ou de modération de l’amende, comme nous souhaitions le faire.
À ce stade, le Gouvernement préfère s’en remettre à la sagesse du Sénat à la fois sur l’amendement et sur le sous-amendement, mais indique par avance qu’il fera préciser en deuxième lecture un certain nombre de points pour respecter les objectifs des auteurs de l’amendement initial.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je voterai à la fois contre l’amendement et le sous-amendement et contre l’article, et ce pour une raison simple.
On le voit bien, les promoteurs privés veulent éviter que le logement social soit construit par les seuls organismes HLM. Ils veulent être les primo-opérateurs et transformer les logements HLM en « accompagnateurs » pour les ventes en l’état futur d’achèvement. Quand vous leur rappellerez les contreparties de l’avantage fiscal, ils trouveront toujours un moyen de vous expliquer que ce n’est pas leur faute si, finalement, les logements sociaux n’ont pas été réalisés ! Et si vous leur dites qu’ils n’ont pas respecté le délai, qu’ils vont devoir payer une amende, etc., ils vous répondront qu’il y a eu un permis modificatif ou que le logement n’a pas trouvé acquéreur…
De toute façon, dans toute une partie de la région parisienne, les PLU imposent 25 % de logements sociaux. Autrement dit, en Île-de-France, les opérateurs bénéficieront d’un dégrèvement des droits de mutation sur toutes les opérations.
La mesure prévue à l’article 6 bis présente trois inconvénients : elle coûtera plus cher que vous ne le croyez ; elle n’aura pas d’effet incitatif ; elle sera défavorable aux opérateurs HLM eux-mêmes, qui ne bénéficieront plus d’aucun avantage par rapport aux opérateurs privés, car l’écart entre les prix proposés au moment de la vente ne jouera pas en leur faveur.
En réalité, vous êtes en train d’assécher une mesure qui était favorable au logement social ! C’est pourquoi, je le répète, je voterai à la fois contre le sous-amendement, contre l’amendement et contre l’article 6 bis.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-388 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article 6 ter (nouveau)
I. – À la première phrase du 9° du II de l’article 150 U et au I de l’article 238 octies A du code général des impôts, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
II. – Le I s’applique aux cessions à titre onéreux réalisées entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2017.
III. – L’article 210 F s’applique aux cessions à titre onéreux réalisées entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2017. – (Adopté.)
Article 6 quater (nouveau)
Après la première phrase du premier alinéa du 1 bis de l’article 206 du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Cette limite est indexée, chaque année, sur la prévision de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, retenue dans le projet de loi de finances de l’année. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 6 quater
M. le président. L'amendement n° I-351, présenté par Mme Des Esgaulx, M. Delattre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Elle est également majorée du montant des provisions régulièrement constituées et devenues sans objet, lorsque leur constitution avait fait apparaître un déficit fiscal qui n’a pu être entièrement déduit des bénéfices imposables. Cette majoration est limitée à la partie dudit déficit non imputée sur les bénéfices imposables. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. En cas de reprise de provision devenue sans objet, il existe un risque d’imposition de bénéfices inexistants pour les entreprises ayant comptabilisé et déduit une provision au titre d’un exercice antérieur qui a débouché sur un report déficitaire n’ayant pu être imputé en l’absence de bénéfices fiscaux.
Cette situation résulte de la combinaison d’une jurisprudence récente du Conseil d’État concernant l’obligation qu’ont les entreprises de déduire les provisions comptables remplissant les conditions de déductibilité du 5° du 1. de l’article 39 du code général des impôts et les dispositions de l’alinéa 3 du I de l’article 209 du même code relatives à la limite d’imputation du report déficitaire sur les bénéfices de l’exercice.
Ainsi, dans le cas d’une entreprise qui réalise chaque année un résultat très légèrement positif ou négatif et qui est obligée de déduire fiscalement une provision comptable significative générant un déficit fiscal, il peut y avoir, en cas de reprise ultérieure de cette provision devenue sans objet, une imposition d’un profit jamais réalisé, si le déficit n’a pu être imputé en totalité sur des bénéfices imposables préalablement à la reprise. La doctrine administrative du 26 novembre 1996 autorisait les entreprises n’ayant pu utiliser les déficits fiscaux provenant de dotations de provisions comptables, déduites sur le plan fiscal, à ne pas réintégrer la reprise de ces provisions.
L’objet de cet amendement est d’éviter que les entreprises respectant leurs obligations comptables et fiscales de provisionnement ne se trouvent dans une situation où elles pourraient être amenées à acquitter un impôt sur les sociétés sur des bénéfices qui n’existent pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise tout simplement à permettre à une entreprise de déduire une reprise de provision au-delà du montant maximum de 1 million d’euros lorsque la provision a été constituée lors d’un exercice déficitaire et n’a donc pas conduit à une diminution de l’impôt payé.
Comme M. Dallier l’a indiqué, un arrêt a récemment été rendu par le Conseil d'État sur cette question.
Le cas visé est très particulier et, je l’avoue, assez complexe. Les déficits pouvant être reportés indéfiniment, les hypothèses seront sans doute très limitées.
Nous n’avons aucune idée ni du coût de ce dispositif ni de la difficulté éventuelle que provoquerait sa mise en œuvre.
Dans ces conditions, la commission s’est montrée très réservée sur cet amendement, dont elle sollicite le retrait… À moins que le Gouvernement ne nous éclaire et ne nous dise que c’est un vrai sujet, auquel cas nous nous laisserions convaincre ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre proposition reviendrait à décomposer le déficit reportable pour lui appliquer des règles différentes selon la nature de la charge à son origine et, plus précisément, en cas de reprise de provisions devenues sans objet.
Sa mise en œuvre nécessiterait de très lourds mécanismes pour suivre la déduction du déficit résultant des provisions.
Le raisonnement auquel vous recourez pourrait être invoqué s’agissant d’autres types de charges et, en définitive, priver de sa substance la mesure de plafonnement d’imputation des déficits.
Plus généralement, votre proposition repose sur un postulat erroné. En effet, quand bien même nous avons souhaité encadrer les mécanismes de report en avant des déficits antérieurs, en instituant un plafond annuel, je vous rappelle que cette possibilité de report reste illimitée dans le temps, de sorte qu’elle ne crée aucune perte définitive du droit à déduire les pertes antérieures.
Par conséquent, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Dallier, l'amendement n° I-351 est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-351 est retiré.
L'amendement n° I-183, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est complété par les mots : « dans la limite d'un plancher égal à 28 % de l'assiette brute d'impôt sur les sociétés ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai conjointement les amendements nos I-183, I-184 et I-186, dans un souci de cohérence.
La fiscalité des entreprises est fort peu affectée par le présent projet de loi de finances puisque la mesure la plus importante prise en la matière porte sur la prolongation et l’extension du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont les effets sur l’emploi et la croissance sont pour le moins mal connus pour le moment – à moins qu’ils ne soient tout simplement impossibles à déterminer !
L’impôt sur les sociétés – IS – et la contribution sociale sur les bénéfices, dont il est question dans ces trois amendements, commencent à constituer des recettes assez secondaires pour le budget de l’État. Je dois avouer, d’ailleurs, que nous comprenons mal tous ceux qui affirment que les contraintes fiscales pesant sur les entreprises sont élevées.
Que l’on en juge : en 2015, l’IS rapportera 33,1 milliards d’euros, soit l’équivalent d’environ cinq jours et demi d’activité, puisque cette somme équivaut approximativement à 1,5 % du PIB. En clair, une entreprise moyenne – sur le plan fiscal – de notre pays a besoin d’une semaine d’activité environ pour payer l’IS. Les célibataires salariés, qui laissent parfois l’équivalent d’un mois de salaire pour payer leur impôt sur le revenu, apprécieront…
Entre la cotisation foncière des entreprises – la CFE – et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux – l’IFER –, le produit attendu de la fiscalité locale s’élève à quelque 10 milliards d’euros. Même en ajoutant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et les autres taxes qui se sont substituées à la taxe professionnelle, on ne fait que dépasser les 20 milliards d’euros, au demeurant déductibles du résultat.
En face, nous avons des sommes considérables, avec les exonérations de cotisations sociales, qui représentent 33 milliards d’euros, les mesures diverses affectant le rendement de l’IS – 40,4 milliards d’euros pour le régime d’intégration et celui des groupes –, plus de 14,6 milliards d’euros pour ce que l’on appelle le carry back et les acomptes excédentaires, les remboursements et dégrèvements divers, le crédit d’impôt recherche, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les 18 milliards d’euros d’allégements de TVA, plus les 45 milliards d’euros de trésorerie TVA.
Pour notre part, nous vous proposons, au travers de ces trois amendements, de remettre en cause le dispositif Copé, une niche fiscale qui a déjà coûté plusieurs milliards d’euros et sur laquelle il conviendrait de revenir.
Nous vous proposons également d’accroître les recettes de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, en doublant son taux d’imposition.
Enfin, puisque se pose de plus en plus, pour certains, la question de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, nous proposons de procéder à l’inscription d’un plancher d’imposition égal à 28 % du résultat imposable. Il s’agit là de la transposition d’une technique nord-américaine, qui pourrait avoir son sens pour peu que l’on décide de la mettre en œuvre.
En tout état de cause, vouloir abaisser encore le taux facial de l’IS est le signe d’une profonde méconnaissance des réalités. La question du jour est donc bel et bien de faire plus nettement contribuer les entreprises au redressement financier du pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à prévoir que le taux de l’impôt sur les sociétés ne peut être inférieur à 28 % de l’assiette fiscale brute des entreprises.
La commission y est évidemment défavorable, car son adoption reviendrait à supprimer un certain nombre de réductions ou de crédits d’impôts qui sont grandement utiles aux entreprises. Je pense, en particulier, au crédit d’impôt recherche, dont l’efficacité serait ainsi très diminuée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cet amendement va à l’encontre de la démarche actuelle du Gouvernement qui consiste à redonner de la compétitivité aux entreprises, notamment.
Créer un taux minimum de l’impôt sur les sociétés, comme le proposent les auteurs de cet amendement, conduirait à remettre en cause le travail que nous accomplissons en vue d’une plus grande convergence entre le taux de l’impôt sur les sociétés en France et chez nos principaux concurrents européens, travail que nous avons l’intention d’approfondir dans les années 2016 et 2017.
D'ailleurs, nous devons surtout travailler sur des dispositions concernant l’assiette, comme nous y invite l’OCDE, et nous sommes en train de progresser de manière très importante sur cette piste.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° I-395 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Marseille et Canevet, Mme Iriti, M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I de l’article 219 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, le taux normal de l’impôt est fixé à 32 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le taux normal de l’impôt est fixé à 31 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, le taux normal de l’impôt est fixé à 30 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, le taux normal de l’impôt est fixé à 29 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le taux normal de l’impôt est fixé à 28 %. » ;
b) Après le premier alinéa du b, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, le taux est fixé à 14 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le taux est fixé à 13 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, le taux est fixé à 12 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, le taux est fixé à 11 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le taux est fixé à 10 %. » ;
2° Après le deuxième alinéa du I de l’article 235 ter ZAA, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, le taux est fixé à 9,7 % ;
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le taux est fixé à 8,7 %. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. M. le secrétaire d’État vient d’évoquer le besoin de convergence qui existe au niveau européen sur le taux de l’IS. Je lui propose, avec cet amendement, de passer rapidement aux travaux pratiques ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
En effet, nous suggérons d’engager une décrue du taux de l’impôt sur les sociétés, afin de renforcer le soutien à nos entreprises. On le voit, j’inscris mes pas dans le chemin que M. le secrétaire d’État a bien voulu nous indiquer tout à l'heure.
Le taux actuel de l’IS nous semble contradictoire avec les exigences d’une économie ouverte sur la compétition internationale. Je vous rappelle que ce taux s’élève à 33 %. Il est supérieur au taux italien, qui est de 31,4 %. Il est également de 10 points supérieur au taux anglais, désormais établi à 23 %. C’est dire si le besoin de convergence est criant ! Je ne parlerai pas du cas irlandais, qui tient peut-être plus du dumping que de la concurrence fiscale. Quant à l’Allemagne, à laquelle nous aimons à nous comparer, on peut dire que nous nous en éloignons puisque la surtaxe sur l’IS porte, en France, le taux facial d’imposition des grands groupes à 38 %, alors que ce taux oscille entre 30 % et 33 % outre-Rhin.
Le premier objet de cet amendement est donc d’abaisser le taux normal à 28 %. L’intention du Gouvernement trouverait, ainsi, une concrétisation rapide !
Pour les entreprises qui réalisent un de chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros, le taux passerait de 38 % à 28 %, grâce à la suppression de la surtaxe. Une telle diminution aurait, bien sûr, un effet d’entraînement notable pour notre économie. Nous proposons de l’engager au plus vite !
Toutefois, afin de ne pas bouleverser les recettes de l’État et de pouvoir développer une stratégie d’attraction des grands groupes sur notre territoire, le présent amendement tend à baisser progressivement le taux d’impôt sur les sociétés, de 1 point par an pendant cinq ans.
En outre, le taux réduit, actuellement fixé à 15 %, serait abaissé, in fine, à 10 %. Une telle mesure permettrait aux entreprises de retrouver des marges de manœuvre dès l’année 2015, tout en contribuant, par son effet sur l’attractivité fiscale de la France, à développer l’assiette de l’IS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est sensible à l’argumentation des auteurs de cet amendement.
J’ai assisté, ainsi que François Marc me semble-t-il, aux différentes réunions qui se sont tenues à Bercy dans le cadre des Assises de la fiscalité. Il est ressorti de l’ensemble de ces rencontres que le taux d’imposition était très élevé en France, atteignant un niveau largement supérieur aux pratiques recensées ailleurs dans le monde. Avec un taux de 33,33 %, auquel s’ajoute une surtaxe pour un certain nombre de grandes entreprises le portant à 38 %, nous occupons clairement la partie supérieure des comparatifs internationaux ! Un constat partagé semblait donc émerger autour de la nécessité de réduire l’imposition des entreprises.
Le Gouvernement a d’ailleurs fait un certain nombre d’annonces sur la question. D’après ce que j’ai compris, il envisagerait une réduction du taux à 28 %, mais à un horizon qui n’est pas forcément très précis. L’année 2020 serait évoquée, avec un premier abaissement en 2017…
L’amendement n° I-395 rectifié a donc au moins un mérite : il tend à fixer un objectif chiffré et des étapes, à savoir la baisse d’un point du taux d’imposition chaque année. Ce faisant, il permet de dessiner, de manière très précise, une trajectoire de réduction.
Toutefois, il convient de s’interroger sur le coût de cette mesure. Chaque baisse de point représentant 1 milliard d’euros, le total augmente très vite ! Si l’on devait être favorable à une telle mesure, il faudrait évidemment trouver des dispositifs de compensation. C’est pourquoi il nous semble prématuré de prendre une telle disposition dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Du fait du coût de la mesure, qui n’est compensé par aucune recette ou diminution de dépense à hauteur de l’ambition – élevée – des auteurs de l’amendement, la commission invite au retrait de ce dernier. Sans cela, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. M. le rapporteur général a indiqué que chaque point d’impôt sur les sociétés représentait 1 milliard d’euros. Je me permets de préciser le chiffre exact : il s’élève à 1,3 milliard d’euros. Nous ne sommes pas loin !
Voilà donc un amendement à 5 ou 6 milliards d’euros sur cinq ans ! Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne puisse approuver une telle mesure.
Oserai-je vous rappeler les allégements de cotisations sociales dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2015, les réductions de contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S, également envisagées pour 2015, ou encore la baisse de charges pour les professions indépendantes ? Certains jugent trop importants les allégements d’impôts ou de contributions des entreprises – ce discours est assez fréquent –, d’autres estiment qu’ils ne sont pas suffisants. Dans une telle situation, on est en droit de penser que l’on ne se situe probablement pas très loin de la vérité…
Très honnêtement, le mouvement me semble clairement engagé. Et 1,3 milliard d’euros, nous ne savons pas faire ! Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. M. le secrétaire d’État a apporté toutes les précisions nécessaires s’agissant du coût de ces mesures… et de leurs conséquences sur le prix du tabac ! En effet, mes chers collègues, c’est bien ce paramètre qui sera sollicité pour trouver des compensations. On imagine aisément la réaction des buralistes : ils étaient déjà devant le Sénat, voilà quelques jours, pour une augmentation de 5 % ; là, ce serait beaucoup plus !
Mais je tenais surtout à intervenir quant à la légitimité de cette diminution de l’impôt sur les sociétés.
Comme M. de Montgolfier l’a précisé, nous avons eu, depuis le mois de janvier, de nombreuses réunions de travail avec les entreprises et les partenaires sociaux sur les questions liées à la fiscalité. Dans ce cadre, je n’ai pas entendu les entreprises déplorer un niveau trop élevé du taux de l’impôt sur les sociétés en France. Les assiettes, on le sait bien, sont « mitées » par les nombreuses niches et, en réalité, le taux réellement appliqué est très inférieur au taux facial affiché aujourd’hui, même si ce dernier, j’en conviens, est élevé.
Ce que les entreprises ont mis en avant, c’est la nécessité, si l’on voulait encourager dans notre pays l’économie, aider les PME et, plus généralement, les entreprises, d’agir sur les impôts et charges affectant la production. L’impôt sur les sociétés, nous a-t-on dit, n’est pas une priorité, mais il convient d’agir sur les conditions de la production : les charges sociales, la C3S ou autre disposition onéreuse.
Le Gouvernement me semble avoir bien compris le message, puisque, même si une diminution du taux de l’impôt sur les sociétés est annoncée pour les années à venir, l’accent est aujourd'hui mis sur la production, en réponse à l’attente correspondante et dans un but d’amélioration de la compétitivité des entreprises.
L’intention des auteurs de l’amendement, même si elle peut avoir une légitimité, ne me semble pas constituer une priorité aux yeux des principaux intéressés, c'est-à-dire des entreprises de notre pays. C’est pourquoi je voterai contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je salue l’optimisme de notre collègue François Marc ! Cela étant, cette question de l’impôt sur les sociétés constitue malgré tout un marqueur important. Les entreprises étant en capacité de se délocaliser, mais non de pratiquer l’optimisation fiscale, ont un choix à faire, et, d’une certaine manière, nous les invitons gentiment à franchir la frontière ! Donc, c’est un sujet.
Par ailleurs, peut-être divergeons-nous avec le Gouvernement sur la question du rythme – nous avons également tous conscience du coût de ce genre de réforme –, mais M. le secrétaire d’État reconnaissait lui-même qu’une convergence au niveau européen finirait par s’imposer. Nous le savons, la question va se poser tant le niveau du taux français de l’impôt sur les sociétés est élevé. Nous pouvons admettre qu’il faille prendre son temps, et ce d’autant plus que nous sommes animés, dans la nouvelle majorité sénatoriale, d’une volonté de ne pas dégrader le solde budgétaire, mais, au contraire, de l’améliorer. Mais nous pouvons aussi nous entendre sur la nécessité, un jour ou l’autre, de poser le problème et d’avancer.
Nous ne nions pas, monsieur le secrétaire d’État, l’existence d’autres avancées. Mais elles ne sont pas toujours des plus limpides, et ce serait tout de même un progrès que de faire évoluer notre taux d’impôt sur les sociétés.
Cela étant, j’ai entendu la remarque formulée par M. le rapporteur général. Nous nous inscrivons dans une démarche visant à rectifier la construction budgétaire, sans en dégrader le solde. C’est pourquoi je ne vois pas d’inconvénient à retirer cet amendement d’appel, qui tendait, à cette heure tardive, à réveiller un peu le débat en s’attaquant à un sujet majeur. Mais c’est un sujet, mes chers collègues, que nous continuerons à porter.
M. le président. L'amendement n° I-395 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Nous avons examiné 78 amendements au cours de la journée ; il en reste donc 273 sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 22 novembre 2014, à dix heures, à quatorze heures trente jusqu’à dix-huit heures :
Suite du projet de loi de finances pour 2015 (n° 107, 2014-2015) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 22 novembre 2014, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART